La Querelle des Universaux -1
Dans ce contexte médiéval, Elaine propose d'entrer dans la Querelle des Universaux :
Lancelot, précisément, voudrait encore rajouter ceci :
La quête du chevalier - comme celle de Perceval pour le Graal ou de Lancelot - symbolise un chemin ardu nécessitant la purification de l’âme et l’élimination des illusions matérielles., pour tenter le Salut, et la découverte de la Vérité ultime, donc divine.
Les personnages de Chrétien de Troyes (1135 ? - 1185 ?), comme Lancelot, Yvain, et Perceval, incarnent des concepts universels, tels les vertus : la bravoure, la loyauté, et la quête de la vérité. Ils transcendent les individus spécifiques.
L'amour courtois entre Lancelot et Guenièvre illustrent un concept universel – l'amour - tout en étant ancré dans des situations spécifiques et des personnages particuliers.
Les aventures de nos héros, reflètent le débat médiéval sur la relation entre les universaux (les concepts généraux) et les particuliers (les actions spécifiques d’un chevalier dans une quête particulière. ).
Alors Yvain, très attentif à cette incursion dans une période assez lointaine, demande que soit précisé la problématique de cette querelle, à l'époque :
Elaine tente de résumer :
- La question centrale est de savoir si les universaux, comme les concepts de “cheval”, ou d' “humanité”, existent réellement en dehors des objets particuliers qui les exemplifient.
Les universaux sont-ils des entités réelles qui existent dans un monde idéal ou dans l’esprit de Dieu, et, comment les objets particuliers participent-ils de ces universaux ? C'est à dire de quelle manière un objet individuel manifeste les caractéristiques de l'universel ?...
Les réponses à ces questions influencent notre conception de Dieu, de l'âme, et aussi de la nature de la réalité. Sur le plan religieux, ce débat touche également à des questions de salut, de la nature des sacrements, et de la Trinité.
Je rajouterais, ajoute Yvain : - La vision que nous avons, nous terriens, du monde ( la terre, le ciel, l'horizon...) ne nous cache t-elle pas la réalité de l'Univers ?
Ecoute-moi, continue Elaine, je vais tenter de te raconter cette histoire :
Le protagoniste de celle-ci, est un moine philosophe du XIIè siècle, qui nous invite à le suivre dans la Forêt des Significations. Dans cette forêt, chaque arbre représente un concept universel. Parmi nous, les Réalistes voient ces arbres comme des entités réelles, tandis que les Nominalistes les voient comme de simples illusions.
Le moine nous montre l'un des arbres, qu’il appelle “Humanité”. Il explique que cet arbre n’est ni une illusion ni une entité particulière. Au lieu de cela, il nous propose de choisir entre, - la création de Dieu ou, - le résultat de l’esprit humain qui, en observant de nombreux individus, abstrait les caractéristiques communes pour former le concept d’humanité.
Continuons cette comparaison, par l'allégorie de la tisserande. Cette tisserande, en observant les fils individuels, crée des motifs sur son tissu. Les motifs n’existent pas indépendamment des fils, mais ils ne sont pas non plus de simples noms. Ils sont le produit de l’esprit créatif de la tisserande, tout comme les universaux sont le produit de l’esprit.... L'esprit de Dieu ou l'esprit humain ?
Lancelot reprend la parole : - Je vais essayer, moi aussi: je vous propose l'histoire d'un alchimiste; ce savant n’est pas seulement intéressé par la transformation des métaux en or, mais aussi par la transformation des idées et des concepts.
L'alchimiste explique que, tout comme l’or peut résulter de la transformation des métaux, les universaux résultent de la transformation, par l’esprit humain, des perceptions individuelles. Ceci dit, je relève, que l'or existe !
Yvain demande à y réfléchir davantage... Mais, ces histoires lui font bien comprendre les composantes de cette querelle.
Yvain, le Moyen-âge
Naturellement, deux ou trois semaines plus tard, en visite à Fléchigné, Elaine présente Yvain à Lancelot ; il était au courant de cette visite et était curieux de rencontrer ce nouvel allié dans la Quête, au prénom prometteur...
Yvain connaît l'histoire du '' Chevalier au lion '', dont il conserve l'histoire , consignée dans un livre reçu pour son anniversaire de ses dix ans. Livre gardé précieusement, mais sans s'y être vraiment intéressé.
Lancelot ne manque pas de lui rappeler le contenu et l'intérêt de ce roman de Chrétien de Troyes.
Ce texte médiéval, au-delà de son aspect littéraire, offre une exploration fascinante des thèmes de la chevalerie, de l’honneur et de la quête personnelle. Yvain, le protagoniste, traverse une transformation personnelle profonde. Cette évolution peut être comparée à la démarche scientifique, où la persévérance et l’adaptation sont essentielles pour surmonter les défis. Ce roman offre un aperçu précieux de la société médiévale et de ses valeurs. Elaine pourrait vous convaincre que comprendre ces contextes peut enrichir votre perspective sur l’évolution des idées et des connaissances jusqu'à nos découvertes scientifiques très récentes... . Pour ma part, il me semble que les rebondissements et les quêtes imbriquées, dans cette histoire, peuvent être vues comme une métaphore des découvertes scientifiques, où chaque réponse mène à de nouvelles questions.
Elaine s'amuse de voir son père, piaffant d'impatience d'entrer dans le vif du sujet de la ''Quête du Graal '' ; et l'inquiétude d'Yvain au bord d'un chemin dont il sent bien que son parcours avenir va nécessiter une initiation, qu'il n'imaginait pas il y a quelque semaines....
Elaine préfère, en rester encore, à la philosophie médiévale qui l'occupe précisément dans ses études...
En lien avec leur première discussion sur la réalité et la connaissance des choses ; elle exprime son besoin de revenir à nos fondamentaux... avec la Querelle des '' Universaux ''
Elaine parle avec passion du Moyen-âge, et en particulier du XIIè siècle. Ce siècle est celui du renouveau intellectuel. Des écoles, centres de savoir, vont devenir des Universités ; on y étudie et traduit en latin, des œuvres grecques et arabes. On ne craint pas le débat. Les ordres monastiques s'épanouissent, se répandent à travers l'Europe, et des réformes renforcent la discipline ecclésiastique.
Bernard de Clairvaux (1090-1153) met l'accent sur l'amour divin et la contemplation. Hugues de Saint-Victor (1096-1141) cherche à harmoniser la foi et la raison. Guillaume de Champeaux (1070-1121) défend ses thèses réalistes sur la nature des concepts universels. Averroès (1126-1198) et Maïmonide (1138-1204) harmonisent, sur la pensée d'Aristote, foi et raison.
Tous préparent, la synthèse qu’opérera au siècle suivant, Thomas d’Aquin (1225-1274) en une vision cohérente et systématique de la théologie chrétienne.
Parmi ces penseurs du XIIe siècle, les préférés d'Elaine sont Pierre Abélard (1079-1142) qui développe des méthodes de raisonnement logique et dialectique et Héloïse (1101-1164) avec sa réflexion sur sur l’amour, la liberté, la vie monastique, et sa capacité à remettre en question les normes établies.
Lancelot, partage son intérêt pour cette liste ; et au XIIIè s, il propose d'ajouter Maître Eckhart (1260-1328), théologien et philosophe allemand, nourri de l'influence d'Abélard, Bernard de Clairvaux, Hugues de Saint-Victor, ainsi que celle des philosophes arabes et juifs.
Lancelot, conquis par la méthode phénoménologique, tente de nous convaincre que pour aborder '' en Moyen-âge'' il est nécessaire de « voir autrement les mêmes choses », et en particulier le contexte religieux de la pensée. Comme le dit Saint-Augustin : « là où tu es, Il est Lui aussi” », philosophie et théologie se mêlent.
La pensée médiévale nous oblige à penser radicalement la finitude de l'être humain. Et comme l'écrit Emmanuel Falque : « redécouvrir le sens de l’incarnation en général fût-elle de l’homme et de Dieu »
Hildegarde de Bingen (1098-1179) abbesse et mystique allemande, voit l’homme comme un reflet de l’univers, avec des structures corporelles et des processus qui imitent ceux du cosmos. Bernard de Clairvaux, utilise l’analogie du macrocosme et du microcosme pour illustrer la relation entre Dieu, l’homme et la nature, soulignant l’harmonie et l’ordre divin dans la création. Pierre Abélard explore comment les principes universels se reflètent dans les structures de l’univers et de l’homme. Thomas d’Aquin décrit comment l’ordre et la rationalité de l’univers se reflètent dans l’homme et sa relation avec Dieu. Et, Roger Bacon (1214-1292) dans ses travaux sur la nature et la science, cherche à comprendre les lois universelles qui gouvernent à la fois l’homme et l’univers.
La Réalité pour Platon, et au regard de la Science
Confortée par ce grand mathématicien qu'est Grothendieck, Elaine a cœur à montrer la profondeur de pensée de notre ancien ''Platon'' :
Pour Platon, nous n'avons accès qu'à une représentation imparfaite de la réalité, des ''ombres''.
Par exemple, notre première expérience du cercle est imparfaite ( épaisseur du trait...) ; il nous est impossible de représenter un cercle parfait. "Seule une définition du cercle sera parfaite ". Pour Platon, seule l'idée ( la ''forme'' ) du cercle est parfaite. Et c'est avec ces outils que les mathématiques travaillent. Ces idées participent à notre compréhension et à la modélisation du monde, elles représentent notre connaissance rationnelle.
Ce qui est intéressant, c'est que Platon précise que '' l’essence des choses ne peut être saisie que par l’intellect, et non par les sens.'' On ne peut accéder à l'essence des choses que par la pensée rationnelle.
Pour aller plus loin, ajoute Elaine, Platon croit que l’âme humaine a déjà connaissance des formes parfaites avant de naître dans le monde sensible. La connaissance rationnelle est donc un processus de réminiscence, où l’âme se souvient des formes parfaites qu’elle a connues dans le monde intelligible.
- Pourquoi – se demande Yvain – parler de ''Formes'' ?
- Le mot grec que Platon emploie est “εἶδος” (eidos), qui signifie “forme” ou “image”. Platon choisit ce terme pour souligner la distinction entre le monde sensible, où tout est en perpétuel changement et imparfait, et le monde des Formes, qui est stable, parfait et accessible uniquement par l’intellect.
Et le terme “μορφή” (morphē), se réfère à la forme physique ou apparente des objets que nous percevons avec nos sens.
Notre professeur nous prenait l'exemple de '' la table '' ( idée générale et idéale) et cette table ( singulière)... Je ne sais pas si ''la table '' ou ''le vase '' sont de bons objets pour questionner les formes idéales. Ce sont des objets technologiques, c'est à dire des créations humaines. Même le cercle , n'est en fait qu'un outil technologique de la pensée.
Je préférerais en rester à des principes abstraits universels, le Bien, la Justice, la Beauté.
- Allons plus loin :
Si la ''Forme '' est l'idée idéale, le modèle parfait ; '' l'essence '' (οὐσία, ousia) est la nature fondamentale .
Aristote nous aide pour en faire la distinction : l'essence est intégré dans l'objet, et ne fait pas partie du monde des idées. Il introduite la notion de ''Substance''.
Heidegger introduit pour l'Humain,le concept de '' Dasein '' pour décrire l'essence de l'être humain ( son existence temporelle, historique : '' l'être-là '')
Yvain se sent conquis par ce discours; d'autant que ses yeux ne peuvent quitter le visage doux et passionné d'Elaine....
Yvain voudrait à son tour communier à cette représentation du monde. Il s'efforce de retrouver en physique, les définitions des concepts : '' Forme '', ''Essence '' et ''Substance''...
Le Forme peut faire référence à la structure géométrique d’un objet. L'Essence pourrait être rapprochée des propriétés fondamentales ( la masse, la charge...) et la Substance me fait penser à la matière constituante, ou à son état ( solide, liquide, gazeux) .
Au début de cette réflexion, nous reconnaissons que les physiciens n'utilisant que leurs observations, se limitent à ne comprendre que certains aspects des objets matériels. Ce qui ne satisferait peut-être pas, Platon...
Les physiciens identifient les propriétés fondamentales et les structures qui sous-tendent les phénomènes observables.
A mon avis, en mathématiques, nous sommes plus proche de l'intuition de Platon.
Les mathématiques opèrent dans un domaine abstrait qui permet de développer des concepts et des théories indépendamment des limitations du monde observable. Ce qui n'empêche pas que ces concepts abstraits peuvent souvent être appliqués pour comprendre et modéliser des phénomènes réels.
En mathématiques, les concepts de “forme”, “essence” et “substance” peuvent être interprétés de manière abstraite et théorique.
La Forme peut se référer à la structure géométrique ou topologique d’un objet. Par exemple, la forme d’une courbe, d’une surface ou d’un solide est étudiée en géométrie et en topologie. Les cercles, les ellipses, et les paraboles, sont des exemples de formes mathématiques.
L’Essence en mathématiques peut être vue comme les propriétés fondamentales ou les caractéristiques intrinsèques d’un objet mathématique. Par exemple, l’essence d’un nombre premier est qu’il n’a que deux diviseurs : 1 et lui-même. Axiomes ou théorèmes quant aux groupes, aux anneaux, et aux corps, capturent l’essence de ces objets.
La Substance en mathématiques peut être interprétée comme les éléments constitutifs d’une structure mathématique. Par exemple, les points, les lignes et les plans sont les substances de la géométrie euclidienne. En algèbre, les éléments d’un ensemble, comme les nombres réels ou complexes, peuvent être considérés comme la substance des structures algébriques.
Je vois avec l'exemple des mathématiques, que nous définissons un monde des idées, par sa structure Forme-Essence-Substance.... et finalement nous n'en restons pas comme tu le souhaitais, semble t-il Elaine, aux principes abstraits universels, le Bien, la Justice, la Beauté....
Peut-être, penses-tu que nous perdons en profondeur philosophique...
Pas du tout... Au contraire, tes exemples mathématiques donnent '' Forme '' à ce que je pense. Ainsi, si je procède par analogie... Par exemple : - la forme d’une statue est donnée par l'artiste qui transforme un bloc de marbre en une œuvre avec son identité propre. Et pour Thomas d'Aquin, l'âme serait la forme du corps humain.
Les artistes, au Moyen-âge, utilisaient des ''formes'' géométriques et symboliques pour représenter des concepts théologiques complexes, comme la divinité et la sainteté.
Le Miroir – La réalité – Yvain
Il arrive à Elaine, profitant d'une matinée calme parisienne, de se rendre dans un café près de chez elle, avenue Victor-Hugo. Ce lieu est assez vaste et très fréquenté. Un jour, en rejoignant une banquette libre, elle passe près d'un miroir accroché au mur du café. Ce miroir est ancien, le verre dépoli, sa surface légèrement granuleuse avec un cadre usé en bois sculpté.
En regardant dans le miroir, Elaine voit non seulement son propre reflet, mais aussi les reflets des autres clients, et le mobilier. La scène est animée, et les silhouettes se mélangent et se distordent.
Elle reste un moment pour se rendre compte de la différence entre les ''formes'' reflétées et ce qu'elle voit. Quelle étrangeté que cette abstraction rendue par ce miroir !
Ce n'est que le lendemain, avec le désir de revoir le miroir qu'elle fait le lien avec ses réflexions du moment, sur les '' universaux '' dans l'antiquité.
Elle s'attarde un peu plus devant le cadre, et lui viennent toutes sortes de questions.
Après cette rêverie métaphysique, Elaine se tourne vers un jeune homme qui se tient près d'elle et observe le miroir.
- « Fascinant, n'est-ce pas ? » l'interroge t-il
- Oui... répond-elle, et : - que voyez-vous ?
- La même chose que vous, peut-être ?
- Pas sûr ! - J'y vois une métaphore des ''universaux ''. Et vous ?
- Effectivement... ! Non... je pensais à autre chose : un miroir magique....Voulez-vous parler de cette querelle médiévale entre celui qui voyait le cheval, mais ne voyait pas la ''chevalité'' dont lui parlait le philosophe ? J'ai souvenir de ce cours de philo ; mais je n'irai pas plus loin... Cela me semblait... sans intérêt... Pardon !
- Alors, que voyez-vous, reprend Elaine un peu fâchée.
- Si je m'en tiens à une métaphore : J'y verrai volontiers un miroir magique, qui me permettrait de représenter les solutions de quelques équations qui me harcèlent depuis un long moment.
- Des équations ? !
- Oh, je suis assistant à la fac., en mathématiques. Je m’appelle Yvain
Vous avez compris que ces deux là étaient faits pour se rencontrer. Yvain ne tarda pas à connaître - avec beaucoup plus de détails – l'histoire du héros à qui il devait son prénom.... ( A lire ici : LA LÉGENDE DES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE – RÉSUMÉ – 4/9 – YVAIN - Les légendes du Graal (over-blog.net) )
Pour l'heure, Elaine et Yvain, sont inspirés par le même objet, qui ne se contente pas d'être un témoin silencieux ; actif, il reflète une réalité mouvante et vivante.
Il nous questionne sur notre propre capacité à appréhender ce monde...
« Pensez-vous que vous avez accès au Monde, dans sa réalité ? » questionne Elaine. « Platon pensait que ce n'était pas le cas, et opposait au ''matériel'', un monde réel que l'on peut représenter par l'intelligible ( les idées) ou les ''Formes''.
- Je me souviens de l'histoire de la caverne, et du monde idéal, que seul a vu le philosophe, puis est revenu vers ceux qui sont restés enchaînés...
- Précisément, poursuit Elaine, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un monde idéal, ou d'un ''autre monde '' ; il s'agit de la compréhension de notre monde au-delà de son apparence.
Platon nous enseigne que notre intelligence ( les idées) ne s'oriente pas d'elle-même vers ce qu'il importe de regarder. Il s'agit de nous libérer d'un point de vue partiel que nous avons spontanément sur les choses. Il n'y a donc pas deux mondes distincts.
- J'imaginais, que ce miroir, pouvait nous montrer le vrai monde, conclue Elaine.
Yvain ne cache pas son intérêt : - Génial ! Je n'étais pas loin de tes pensées quand je disais que j'y voyais l'allégorie de quelques équations. Je t'explique : je peux te tutoyer ?
- Si tu t'appelles vraiment Yvain, oui... ''Yvain'', c'est incroyable... ! Pardon ! Alors, oui tes équations... ?
- Depuis l'enfance, je crois, je cherche à comprendre « la vraie nature profonde de la Réalité ». Pour cela j'ai voulu faire des études de Physique ; puis il s'est avéré que j'étais plus attiré par les mathématiques.
Je me suis vite rendu compte que La Réalité n’est pas simplement ce que nous observons directement, mais qu'elle inclut des phénomènes dont on ne peut rendre compte qu'avec des théories ( à vérifier, bien-sûr..) et des équations.
On peut avec des équations mathématiques, modéliser des phénomènes physiques et prédire des comportements dans la nature.
- Je te suis en cela, répond Elaine : les théories mathématiques peuvent être de bons modèles de la réalité. En cela elles n'inventent pas la Réalité, elles n'en sont qu'un reflet, au même titre que nos sensations, l'art... La Réalité elle-même, pourrait s'apparenter au monde des idées de Platon.
- Voici ce que disait le bourbakiste Alexandre Grothendieck ( dans Récoltes et Semailles ), mathématicien qui fascine tous les matheux :
« La structure d’une chose n’est nullement une chose que nous puissions « inventer ». Nous pouvons seulement la mettre à jour patiemment, humblement en faire connaissance, la « découvrir ». (….) Ces structures ne nous ont nullement attendues pour être, et pour être exactement ce qu’elles sont ! Mais c’est pour exprimer, le plus fidèlement que nous le pouvons, ces choses que nous sommes en train de découvrir et de sonder, et cette structure réticente à se livrer, que nous essayons à tâtons, et par un langage encore balbutiant peut-être, à cerner. ».
Otto Rahn, et les cathares
Alors que Lancelot était employé du Ministère de la Guerre. Daladier demanda à Lancelot d'accompagner Melle Edith Bicron en Allemagne ; elle faisait partie de son entourage et, grand reporter, écrivait dans différents journaux.
Selon les indications de Xavier de Hauteclocque, Lancelot allait rencontrer deux personnages troubles qui s’intéressaient aux cathares, l'un était Karl Maria Weisthor ( de son vrai nom : Wiligut ) référent mythologique de Himmler, écarté dès 1940, pour raison psychiatrique. L'autre fera partie de l'état-major de Weisthor, Otto Rahn.
Pendant ce court séjour en Allemagne pendant l'été 1935, Lancelot et Edith, réservait un long moment pour une rencontre avec Otto Rahn, à Bad Homberg, flatté de recevoir des journaliste français qui s'intéressaient à ses travaux...
C'est à lire ici: Esotérisme et nazisme - Les légendes du Graal (over-blog.net)
Otto Rahn se serait suicidé en 1939.
Otto Rhan (1904-1939), parle à la fois le français et la langue d’oc. De 1930 à 1932, à partir d'Ornolac-Ussat-les-Bains, il va explorer le Languedoc, accompagné en particulier du directeur de l’Office de tourisme local, l’enseignant Antonin Gadal.
Otto Rahn s'est rendu pour la première fois en France, à Paris, en 1929. Au cours d’un long séjour, il entre en contact avec le poète Maurice Magre, né à Toulouse, il a écrit des romans historiques sur la croisade contre le sud, dont Le Trésor des Albigeois et Le Sang de Toulouse. Magre était membre d’une société secrète quasi-maçonnique connue sous le nom de Polaires, un cercle ésotérique dont les membres croyaient agir sous l’instruction directe des « maîtres ascensionnés », les « dirigeants secrets du monde » avec lesquels ils étaient censés pouvoir communiquer via un oracle numérique connu sous le nom d’Oracle de Force Astrale. Par l’intermédiaire de cette société secrète, il a rencontré également la comtesse de Pujol-Murat, qui lui confie être la descendante ( et la réincarnation) de la châtelaine de Montségur, Esclarmonde de Foix, un personnage historique que Rahn assimile dans son livre au gardien du Graal. La comtesse l'autorisera à profiter de sa bibliothèque privée, et d’utiliser sa voiture et son chauffeur lors de sa visite à Ussat les Bains.
Après une divergence d’opinion avec Magre, et un départ brutal, Otto Rahn au printemps 1932, s’installa dans la ville thermale délaissée d’Ussat-les-Bains, où il reprit le bail d’un petit hôtel qui devait devenir sa base d’opérations dans la région.
Antonin Gadal (1877-1962): originaire de Tarascon-sur-Ariège, cet instituteur devient guide du syndicat d’initiative d’Ussat-les-Bains. Il s'était formé auprès de son voisin Adolphe Garrigou (1802-1893), un industriel, homme politique, qui s'était improvisé archéologue, historien des derniers cathares dont il disait être en liaison, grâce à la ''trace psychique'' qu'ils avaient laissée dans les grottes de la région. Gadal affirmait que son mentor avait reçu en 1822 la transmission de la « Force du véritable Christianisme de l’Église Cathare » dans l’immense grotte de Lombrives.
Gadal, fut sur le tard membre de la Rose-Croix d’or et s'identifia au chevalier Galaad. Il fut à l’origine du « Monument à Galaad » d’Ussat autour duquel, tous les cinq ans, des rosicruciens du monde entier viennent se recueillir avant d’excursionner dans les Pyrénées à la recherche des traces de la « Triple alliance de la Lumière ».
Gadal a rencontré l’illuminé romantique et futur SS allemand Otto Rahn, alors qu'il s’installait en 1934 à l’hôtel des Marronniers d’Ussat-les-Bains. Rahn venait de publier un premier roman '' Croisade contre le Graal'' dans lequel il reprenait et développait les intuitions de Péladan sur l’identification de Montségur à Montsalvage.
Ensuite il publia un second roman, '' La cour de Lucifer '' dans lequel il soutenait la thèse selon laquelle les cathares étaient les héritiers d’un paganisme aryen initiatique étranger à la tradition juive vétérotestamentaire. « C’était Moïse qui était imparfait et impur (…) Nous, les occidentaux de sang nordique nous nous sommes appelés cathares, comme les orientaux de sang nordique se sont appelés « parsis », les purs (…) notre ciel n’appelle à lui que ceux qui ne sont pas des créatures de race inférieure, des bâtards ou des esclaves (…) »
La cour de Lucifer serait composée d'hommes et de femmes, en quête du mythe du Graal. Ils sont traités d'hérétiques, pourchassés, persécutés, brûlés... Ils rencontrent ces êtres dans toute l'Europe, d'Espagne en Islande, en passant par l'Italie, la Suisse, la France. Rahn explore également les similitudes entre les pratiques cathares et les légendes arthuriennes, en particulier celles impliquant le Graal. Le Graal est alors un symbole païen, gardé par les cathares.
En 1937, Maurice Magre, cofondateur de la société des amis de '' Montségur et du Saint Graal '', avec les Polaires, entreprirent des fouilles pour tenter de retrouver le « trésor des cathares » au pied de la forteresse de Montségur. Participait également, Jean Marquès-Rivière, franc-maçon renégat, bouddhiste, antisémite, qui collabora avec les nazis, en s’invertissant dans la propagande antimaçonnique et antisémite avec le film Forces occultes et les expositions Le Juif et la France et La franc-maçonnerie, fossoyeuse de la paix.
Michel Roquebert nous avait donné son avis: '' Vous rencontrerez le pire et le meilleur, quant à « l’œuvre de Napoléon Peyrat, si précieuse à l’amoureux des Lettres, est à peu près inutile à l’historien : c’est sans doute parce que son histoire est trop belle pour être tout à fait vraie... »
Noël, ça existe ! C'est une annonce
Prendre un récit aux apparences mythiques, tels Horus en Égypte, Dionysos en Grèce ou Krishna en Inde, pour évoquer un homme-dieu né d'une vierge; et dire que cet '' être '' a existé et que Noël célèbre cet événement... Est-ce raisonnable ?
Échappons aux questions:
• Comment cela se fait-il que vous croyez à quelque chose qui n'existe pas?
• Si ce que vous me dites est vrai, prouvez-le scientifiquement...
• Et s'il n’apparaît pas, alors c'est dans votre tête...
Le christianisme avance une proposition originale, folle... Le Divin s'est fait humain, entièrement humain. Jésus, vrai Dieu et vrai Humain, ce n'est pas dans l'ordre naturel, ce n'est pas rationnel.
Serait-ce au mieux de la mythologie, ou simplement un conte merveilleux pour accompagner une fête de fin d'année ?
- Quel est le message que cette Histoire, veut nous faire passer ?
Comment pouvons-nous connaître l'être du Divin ? Parce qu'il Se révèle. Ici, il se révèle en homme. Un homme qui nous parle de l'amour de Son Père, du Royaume déjà là, de la mort vaincue... Il annonce son Évangile ( Bonne Nouvelle) en toute simplicité et de quatre manières.
Jean en témoigne: « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire » (Jean 1, 14).
Cette Histoire nous dit que Le Divin, n'est pas un concept. Il fait droit à l'humanité. Il est aussi une personne, et nous enjoint d'aimer notre humanité.
« Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » par Grâce...! Irénée de Lyon.
Au travers de la signification d'un tel message, nous comprenons, qu'il ne s’agit pas de la célébration d'un événement passé, à l'image d'une bataille, ou de la naissance d'un grand philosophe...
Cependant, la liturgie de l'Eglise amène une pédagogie inscrite dans un calendrier: Incarnation, Passion, Résurrection... Cela devient une histoire c'est-à-dire un fait accompli une fois pour toutes. C'est une continuité, qui s'inscrit dans le ''premier Testament'' l'histoire du peuple juif, avec pour point final: le Royaume de Dieu. C'est l'Histoire du salut.
Notre société, d'ailleurs s'inscrit dans cette histoire: ne dit-on pas: – Avant J.-C. - Le Christ – Après J.-C. ?
Le 25 décembre reprend une date reconnue autrefois de tous, celle qui célébrait le Sol invictus. Elle correspond également à neuf mois après la conception estimée de Jésus ( selon la tradition ) du 25 mars qui est également la date de sa mort...!
Et, nous n'oublions pas que précédemment, le Divin ne put se révéler que par l'adhésion d'une femme, à la parole biblique. Le Divin ne s'impose pas, Il se fait petit... tout petit, vulnérable !
Dans le cas de Jésus, le mythe s'appuie sur une vérité historique, celle d'un homme nommé Jésus, né en Palestine, et mort crucifié, celle de témoignages d'hommes qui l'on côtoyé ...etc
Même à partir d'une histoire réelle ( mais aussi à partir de paraboles) le mythe a pour but de faire passer un message.
Nous pourrions préférer éliminer le mythe pour ne garder que le sens à transmettre; il me semble que serait dommageable.
Cela éliminerait ce qui ne peut pas se dire, ce qui n'est pas objectif, ce qui ne peut pas se prouver ...
Le mythe, comme la littérature, ajoute de la ''couleur'', de l'émotion, des références, du symbole... Donc de la connaissance.
Le Mythe Cathare
Lancelot plaide pour l'intérêt du mythe, de sa construction, de ce qu'il peut signifier. Il reprend depuis peu l'expression de l'anthropologue Maurice Godelier (1934 - ): le mythe serait « la part idéelle du réel », en ce que le mythe ( mieux même que l'idéologie qu'étudie Godelier) n'est pas simplement un reflet de la réalité, mais qu'il joue un rôle actif dans la création et la transformation de ce même réel....
Nous avons chez nous un livre '' Les Mystères de la chevalerie et de l'amour platonique au moyen âge '' ( édition 1858 ) dans lequel Eugène Aroux (1795-1859) évoque les cathares, dont Dante « était l'un des éminents pasteurs de l'église proscrite. » écrit-il.
E. Aroux commence son ouvrage par un conte, comme une allégorie, l'histoire d'un couple de pauvres vertueux, que le roi récompensa par des biens, et le titre de Prince pour l'homme, qui « enorgueilli par la haute position où il se voyait parvenu, ne songea qu'à accroître ses richesses et à s'élever davantage. En vain, l'épouse chercha à le ramener à de meilleurs sentiments... »: « On aura facilement reconnu l'histoire sous la fiction. Il n'est guère besoin d'ajouter que les deux époux sont l'Eglise et le pape; que l'opposition redoutable contre laquelle ils furent réduits à sévir, fit l'hérésie albigeoise écrasée par les croisés de Montfort... »
Il analyse ainsi divers romans anciens. Il choisit un texte provençal '' Jauffre et Brunissens'', Un roman dédié à Pierre II tué en 1213, à la bataille de Muret, en combattant pour les Albigeois. Roman à grande notoriété: « le chroniqueur Muntaner le citant de manière à faire supposer qu'on le mettait de son temps au même rang que Lancelot du Lac, et le fameux templier Wolfram d'Eschenbach nommant deux ou trois fois Joffroi ( Jauffre ) parmi les champions de la cour d'Artus. ». La cour du Roi Arthur est composée d'albigeois. La femme du meunier, à qui Artus prête secours, « représente la plèbe vaudoise, la classe des vilains, des travailleurs, dont l'Église catholique, la grande prostituée, la bête de l'Apocalypse aux sept cornes, dévore le pain, sans se soucier de ses pleurs, pas plus que des menaces de ceux à qui il prend fantaisie de lui venir en aide. »
L'auteur analyse ainsi d'autres oeuvres, comme '' le Roman de Ferbrace'', ''Aucassin et Nicolette'', ''Tristan de Léonnois''
L'amour courtois représente, l'union « de la communauté albigeoise avec le Parfait chevalier, avec le chevalier céleste, comme s'appelaient les dévots chevaliers du Saint-Graal. Le consolement, qu'il lui apportait dans le baiser de paix, devenait le sceau d'une union toute spirituelle, ne produisant que pures et chastes jouissances, conduisant par la foi et par la pratique de toutes les vertus au salut éternel. ». Ces pieux et chastes Bonshommes, en troubadours, chantres de l’amour courtois sont aussi avec les templiers, l’un des maillons qui conduisent à la franc-maçonnerie. Les cathares seraient des initiés qui ayant hérité des anciens mystères d’Égypte par l’intermédiaire des gnostiques conservèrent en grand secret le saint Graal. Ils le remirent aux templiers qui s’en emparèrent avant de fuir en Aragon, puis en Écosse où ils fondèrent la franc-maçonnerie.
Napoléon Peyrat (1809-1881), méridional, pasteur protestant, serait l'inventeur du mythe cathare en lien avec Montségur. Dans son Histoire des Albigeois, il avance trois propositions devenues légendes: l'idée du ''château sanctuaire'', l'existence de souterrains servant de caches aux cathares, et celle d'un prodigieux trésor. La légende va se répandre dans les cénacles ésotériques parisiens du début du siècle. Il crée l'image romantique et héroïque d'Esclarmonde de Foix; il en fait une diaconesse cathare, fondatrice et protectrice de la citadelle de Montségur où elle reposerait toujours dans une vaste crypte creusée au sein du « pog ». Son personnage évolue aux frontières du réel et du surnaturel; lors de son trépas, son âme aurait pris la forme d'une colombe.
Elaine fait remarquer à juste titre qu'il faut distinguer: - Esclarmonde de Foix ( ~1151 – 1215), femme cathare et surnommée la grande Esclarmonde. Elle aurait reconstruit le château de Montségur ( avant la croisade); et - Esclarmonde de Péreille (1224 -1244) morte le 16 mars 1244, sur le bûcher de Montségur en tant que femme cathare. Elle est la fille de Raymond de Péreille, seigneur de Montségur.
Lancelot relève que Napoléon Peyrat, était un républicain, il considérait que la civilisation romane trouvait dans la démocratie du XIXe siècle son épanouissement, après un hiatus chronologique de sept siècles. Il a écrit: « Je vais donc montrer à ma grande patrie française l'agonie de ma douce et noble patrie romane, et à la puissante démocratie moderne le supplice de la chevalerie consulaire et plébéienne du XIIIe siècle. La France nouvelle doit un soupir à ces grands citoyens, à ces magnanimes tribuns, à ces chevaliers de la justice et de la liberté, à ces paladins de l'esprit, de l'amour et de l'idéal divin »
En 1888, Jules Doinel (1842-1902) a une vision de l'"éon Jésus" qui le charge de fonder une nouvelle église. Cet événement marque un tournant dans sa vie et le conduit à créer l'Église gnostique de France (1890) et s'affuble du titre de “Patriarche de Montségur”. Il promeut la gnose authentique, en se disant en liens par spiritisme avec des esprits cathares. En 1895, Doinel est exclu de sa loge maçonnique pour ses pratiques occultistes et mystiques.
Déodat Roché (1877-1978) disciple de Doinel dont il s'écarte ensuite, est martiniste, spirite, théosophe, franc-maçon à la loge ''Les vrais amis réunis'' de Carcassonne.
Après une licence de philosophie, il devient avocat, puis magistrat. Il est radié de la Magistrature par le gouvernement de Vichy en 1941.
Dans les années 20, il découvre l'anthroposophie et rencontre Rudolf Steiner. Il fonde, en 1950, la « Société du souvenir et d'études cathares » et la revue des cahiers d'Etudes Cathares. Il publie de nombreux articles et livres sur le catharisme, explorant divers aspects de cette doctrine, y compris ses origines, ses doctrines et son impact sur la société médiévale mettant en lumière les aspects philosophiques et mystiques de cette tradition. Roché collabore avec de nombreux autres chercheurs et érudits, tels que José Dupré (1936-2021), pour enrichir les études sur le catharisme.
Anne-Laure de Sallembier, la mère de Lancelot, avait été marquée par sa rencontre avec Judith Gautier (1845-1917), la fille de Théophile, avec les amis du '' Mercure de France'', elle put échanger sur ses recherches autour du Graal, avec de nombreux wagnériens, et croisa des personnalités comme Joséphin de Péladan, Huysmans, l'abbé Mugnier...
Joséphin Péladan (1858-1918), qui affirme rester catholique, se réunit tous les jeudis soirs, avenue Trudaine chez Stanislas de Guaïta, avec les ''gnostiques''. ( La vie mondaine -3- Judith Gautier - L'occultisme - Les légendes du Graal )
Joséphin Péladan a fondé en 1891 l’Ordre de la Rose-Croix Catholique du Temple et du Graal. A l'opposé des républicains, Péladan, s’inspire du catharisme en se donnant pour mission de « désintoxiquer la France de son matérialisme ».
Il n'échappe pas, à cet admirateur de Wagner, que le livret de l'opéra '' Parsifal'' ( inspiré de l’épopée médiévale Parzival de Wolfram von Eschenbach ) commence par cette phrase : « Dans le ciel se trouve un château et son nom est Montsalvat. ». Péladan, en déduit que « La fiction et l’histoire, en ce sujet, se répondent avec un parallélisme singulier : l’ordre du Temple ne réalise-t-il pas l’ordre du Graal, et Montsalvat n’a-t-il pas un nom réel, Montségur ? » extrait d'un opuscule intitulé « Le secret des troubadours, de Parsifal à Don Quichotte » ( 1906)
A suivre....
Retour sur l'Histoire et les Cathares
Moi-même, dans les années qui suivirent la résurgence du souvenir des cathares - étudiant à Clermont-Ferrand - je découvrais avec bonheur l'Auvergne médiévale, au travers de son architecture, ses paysages, ses villages; puis motivé sans-doute par le témoignage de cette résistance cathare sur fond religieux, avec cette part de mystère; je m'intéressais au mouvement Occitan et participais à quelques luttes, dont celle du Larzac.
Je continuais ma recherche spirituelle et l'orientais vers l'Orient. J'entrais dans le mouvement de la Méditation Transcendantale et y suivais cessions et formations...
Les Cathares devenaient pour moi, les porteurs martyrisés d'une spiritualité en rupture avec le dogmatisme catholique; sans craindre d’impossibles syncrétismes...!
Elaine, avec beaucoup plus d'esprit critique, tentait d'approfondir la ''réalité'' historique qui concerne les Cathares.
Je l'entends s'étonner que loin du Saint-Sépulcre à Jérusalem, après neuf croisades sur le sol de la Terre Sainte, entre 1095 et 1291, l'histoire médiévale relate une Croisade en territoire chrétien.
Martyre du Bienheureux Pierre de Castelnau, XVIIe siècle, Abbaye de Cerreto |
Elle voit un rapprochement avec l’assassinat d’un prélat, Pierre de Castelnau, qui sera le prétexte pour lancer la croisade contre le Languedoc, puisque pour le pape, c'est bien le sang du Christ qui aurait coulé.
Sur le plan religieux, c'est l'époque de nombreuses et nouvelles expériences spirituelles spontanées, de nouvelles manières de lire la Bible, avec le risque de nouvelles hérésies, et la volonté des papes d'unifier et contrôler la société chrétienne.
Rome va multiplier les accusations d'hérésie en Occident, jusqu'à ce que Innocent III lance la croisade contre les Albigeois.
Elaine s'interroge sur la dénomination de ''cathare '', a t-elle réellement été utilisée pour nommer cette hérésie dans nos régions?
D'autres points, selon elle, mériteraient d'être approfondis, comme celui-ci: - Le ''catharisme'' peut-il être considéré comme une véritable religion?
Elaine est allée interroger Christine Thouzellier ( 1902-1982) alors directrice d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section) à Paris. Elle y enseignait et menait ses recherches sur les hérésies médiévales, en particulier le catharisme. C'est une femme passionnée dans ses recherches, et autour d'elle chacun parlait de sa controverse avec d'autres auteurs, sur la manière dont les cathares percevaient le monde matériel et la nature de leur dualisme.
Par exemple, sur le ''nihil'' qui apparaît dans le texte de l'Evangile de Jean « Toutes choses ont été faites par Lui et sans Lui a été fait le nihil (le “rien”) » (Jean, 1, 3); serait une référence que font les Cathares sur l'idée que le néant (nihil) est bien l’ensemble de ce qui vient du Mal. Le traité, '' Liber contra Manicheos ''de Durand de Huesca , qui date des années 1220, utilise le terme "nihil" pour désigner le monde matériel considéré comme mauvais et sans valeur.
Le "nihil" se réfère t-il à l'ensemble du monde matériel considéré comme mauvais et sans valeur ? Christine Thouzellier critique cette interprétation, à savoir que le terme ''nihil '' signifierait l'égalité entre deux dieux, celui du Bien et celui du Mal.
Revenons à l'Histoire.
Les chrétiens du sud, à commencer par les aristocrates, renâclent au mouvement d’institutionnalisation de l’Église qui passe par la réforme grégorienne imposant de nouvelles normes à partir du XIIe siècle. Cette réforme initiée par le pape Grégoire VII, visait à réformer l'Église et à renforcer son autorité et son influence en Europe. Plusieurs points étaient reconsidérés: - libérer l'Église de l'influence des laïcs, notamment des empereurs et des nobles. - combattre la vente des charges ecclésiastiques. - imposer le célibat pour les prêtres. - garantir une élection du pape sans influence politique extérieure.
Le Concile de 1179 avait fait appel à la force armée des seigneurs de la région contre les Cathares. Ces appels de l’Église sont restés lettre morte.
* Le légat pontifical Pierre de Castelnau est assassiné à Saint-Gilles en janvier 1208. Le pape Innocent III, élu en 1198, contraint de faire appel une armée étrangère, prêche alors la croisade dans toute l’Europe chrétienne, en particulier en France et dans les pays voisins. Une armée massive, principalement française, se met en route au printemps 1209.
Les mouvements albigeois reçoivent les appuis politiques du comte Raymond VI de Toulouse (excommunié par le pape), le vicomte de Foix et celui de Béziers, Raimond-Roger Trencavel.
Pendant neuf ans, Simon de Montfort va parcourir le pays. Il massacre, ravage et pille – même l’abbaye de Moissac.
Cette agitation du Languedoc ne peut qu'intéresser le roi de France ( Philippe II Auguste (1165-1223) ), puis Louis IX (1226-1270) qui soutint son frère Alphonse de Poitiers, pour pacifier la région et réprimer l'hérésie cathare.
Par le traité de Meaux, en 1229 , le roi de France a imposé au comte de Toulouse Raymond VII le mariage de sa fille unique avec son frère le comte Alphonse de Poitiers.
Après un siège de dix mois, les forces croisées ont réussi à prendre le château de Montségur, dernier bastion des cathares. Plus de 220 cathares qui ont refusé d'abjurer leur foi ont été livrés aux flammes sans procès ni sentence. La croisade des albigeois s'est conclue tragiquement le 16 mars 1244 avec le bûcher de Montségur.
Enfin en 1271 à la mort sans enfant du comte Alphonse de Poitiers et de son épouse Jeanne de Toulouse l’ensemble des territoires du Comté de Toulouse et de Poitiers furent rattachées directement à la couronne Royale de Paris.
Aujourd'hui, dans un climat de critique du régime gaulliste et de montée du régionalisme occitan, l'épopée cathare rencontre un grand intérêt.
Pourtant - relève Elaine - d'après les historiens, le mot ''cathare '' n’apparaît pas dans les documents de cette époque traitant du Languedoc. Sont utilisés "Bons hommes et bonnes femmes". Les hérétiques albigeois étaient chrétiens, ils ne composaient pas une Eglise constituée. Ce serait l'Eglise catholique, par l'inquisition, qui aurait créé le leurre d'une ''contre-Eglise''. Elle a réussi à renforcer son autorité religieuse, et permis au roi de France d'étendre son influence territoriale et contribué au renforcement d'un Etat.
Montségur
Elaine était impatiente, de connaître au plus près, les témoignages architecturaux, et historiques de cette croisade contre les albigeois. Elle préparait son séjour, en le centrant sur Montségur, et en collectant les renseignements sur les sources disponibles concernant l'hérésie au Moyen-âge, dans le Languedoc en particulier.
Lancelot, plus qu’intéressé, et d'autant plus motivé après les deux épisodes de '' la Caméra explore le temps'' sur les Cathares, trie sa documentation sur les alentours du mythe, en particulier quand il touche au Graal; et décide de l'accompagner malgré ses douleurs chroniques dans les jambes.
Elaine insiste pour prendre sa toute neuve 4L Renault qu'elle conduit, plutôt que la Traction, et ils choisissent l'hôtel avec une possibilité de camping, avec deux tentes canadiennes et tout le matériel de cuisine pour être autonomes.
Lancelot et Elaine passent par Toulouse, afin d'y rencontrer Sylvain Stym-Popper (1906-1969), architecte en chef des Monuments historiques, en charge de la supervision des fouilles et dans l'étude d'une restauration éventuelle... Il les prévient que les ruines actuelles, sont celles d'une place forte de la seigneurie de Mirepoix que Guy II de Lévis reçut en récompense, de Simon de Montfort, pour sa participation active à la croisade contre les albigeois. C'est à dire que la forteresse actuelle est postérieure à celle occupée par les cathares. Elle date des seigneurs français vainqueurs..! Un peu décevant....
Le château sera abandonné à la fin du XVIIe siècle, avant d’être classée monument historique en 1875, ainsi que le promontoire rocheux, nommé « pog » qui l’accueille.
L'architecte invite Elaine et Lancelot à rencontrer Michel Roquebert, qui dédicace son livre ''Citadelles du vertige '' , qui leur sera très utile pour une visite des forteresses assiégées, entre 1209 et 1240.
Michel Roquebert (1928-2020) est journaliste à La Dépêche du Midi, il est l'un des passionné de l'épopée cathare.
En 1961, dit-il « Je suis allé en reportage à Montségur, pour rendre compte de fouilles archéologiques dans l'ancien village. À l'époque, personne ne s'intéressait aux châteaux cathares. Je me souviens que j'avais demandé mon chemin à un paysan, « Qu'est-ce que tu veux faire là-haut, m'a-t-il demandé, il n'y a que des cailloux ! »
C'est la rencontre d’historiens tels que Jean Duvernoy et René Nelli qui l'ont sensibilisé à l’histoire du Pays d'Oc et à sa culture, tout particulièrement à la civilisation des troubadours et au grand drame occitan du XIIIe siècle : l'hérésie cathare, la croisade albigeoise, l'Inquisition. Il entreprend alors des études d'histoire médiévale et publie en 1966, avec le photographe Christian Soula, son premier ouvrage, Citadelles du vertige, sur les vestiges des châteaux forts du pays cathare.
Roquebert confirme: La forteresse que l’on voit aujourd’hui a, en effet, été édifiée après la reddition de la population hérétique en 1244. Auparavant il s'agissait d'un petit village fortifié accroché au rocher.
Une importante communauté hérétique ''cathare'', occupait le site à partir de 1232 avec une population ''laïque'', protégée par une garnison.
Le village était dominé par une maison '' maîtresse '' ( caput castri). La vie s’organisait autour des maisons, individuelles ou collectives, des parfaits et croyants. Un bâtiment commun remplissait plusieurs fonctions : le transit des quelques visiteurs, dans un premier temps avant d’être orientés chez un résidant, et des prêches collectifs s’y tenaient. On estime à environ 500 âmes la population blottie dans ce village à l’aube du grand siège de 1243-1244.
Très impatients, Elaine et Lancelot prennent la route pour Lavelanet.
Nous sommes en pays d'Olmes, à l'est du département de l'Ariège; à 120 km de Toulouse. C'est le territoire de la laine et de la filature, du tissage et de l'apprêt (opérations finales). Il est devenu le premier centre cardé français. Le cardé constitue une catégorie de textiles réalisés par le tissage de fibres courtes, imparfaitement démêlées, donnant au fil et à l'étoffe un aspect grossier. Il y a 102 entreprises en pays d'Olmes occupant 3 500 ouvriers et 500 artisans.
Ils se rendent à l'Hôtel du Parc de Lavelanet.
Venant de Lavelanet, le château de Montségur semble reculé et inaccessible, c'est qu'il culmine à 1208 mètres d'altitude!
En contrebas, un village sur les bords du Lasset. Une série de maisons à l'apparence très anciennes, certaines construites avec les pierres du château. Il y a des traces de moulins à grains le long du Lasset. Le village s'est vidé avec l'industrialisation de la vallée de Lavelanet.
A l'auberge, on leur indique la pente sud-ouest qui porte le chemin d’accès.
De la route, à 100 mètres sur le sentier, on trouve la stèle commémorant le bûcher du 16 mars 1244.
On la doit à Déodat Roché (1877-1978) et à la Société du Souvenir et des Etudes Cathares. On y distingue, d'un côté une croix discoïdale pattée, cerclée, en dessous plus la croix occitane avec ses 12 perles; sur l'autre côté qui veut ressembler à un cathare avec sa capuche, on une navette de métier à tisser, représentant l'activité des cathares.
Le long d'un petit sentier escarpé et rocailleux, il faut grimper encore 500 mètres, pour atteindre la forteresse.
« Montségur ! le rocher d’Ariège qui tend vers le ciel sa forteresse couleur de cendre, n’est peut-être pas le site le plus grandiose des guerres albigeoises ; mais c’est le plus captivant, celui où le visiteur se fait spontanément pèlerin. On inspecte les murs nus, la cour vide ; on reconstruit en imagination la voûte du donjon, le faîte crénelé des remparts ; mais devant une certaine archère par où, au matin du solstice d’été, passe le premier rayon du soleil levant, on fait plus que guetter un point de l’horizon ; on attend une de ces réponses que les mots ne pourront jamais formuler. (...) On cherche un château, on trouve un tombeau construit à la mesure d’une épopée… » Michel Roquebert (1966)
22 mars 1966 – Les Cathares à la télévision
Les Cathares gagnèrent leur célébrité au cours du mois de mars 1966.
Nous les connaissions au travers des romans de Zoé Oldenbourg (1916-2002), avec Les brûlés, Les cités charnelles, et pour notre part '' Le bûcher de Montségur ''.
Cet ouvrage dense raconte la fin du catharisme dans le midi de notre France, et ''la fin de l'indépendance relative de la civilisation des pays d'Oc.'' comme les gens de là aiment à dire. L'analyse de l'auteur sur la religion cathare écarte quelques outrances ésotériques ( comme les théories de F. Niel). L’enchevêtrement du politique et du religieux, permet à Madame Oldenbourg de dénoncer la théocratie pontificale et le nationalisme monarchique.
Je ne vais pas évoquer un livre, mais une série télévisée diffusée sur la première chaîne de l'ORTF ( en noir et blanc). L'ORTF était supervisé par le ministre de l'Information, Alain Peyrefitte de 1962 à 1966. Également porte-parole du gouvernement il avait un contrôle significatif sur les informations diffusées au public. Il veillait à ce que les médias reflètent les politiques et les messages du gouvernement gaulliste.
L'une des émissions vedettes de la Télévision française se trouve être ''La caméra explore le temps'' écrite par Alain Decaux et d’André Castelot, accompagnés du réalisateur Stellio Lorenzi. Il s'agit d’une trentaine d’émissions d’une durée moyenne de deux heures par sujet, réalisées entre 1957 et 1966.
Dans Le Figaro, du 17 mars1966, André Brincourt écrit: « Cette émission est attendue comme un événement… parce qu’il s’agit de la dernière ''Caméra explore le temps''.» !
A la demande du pouvoir politique, l'ORTF, met fin, à cette série de neuf ans d'émissions. Stellio Lorenzi est secrétaire général du Syndicat CGT des réalisateurs. De nombreux réalisateurs à la télévision française sont également engagés politiquement et affiliés au Parti communiste.
L’annonce de la fin de La Caméra explore le Temps à l’apogée de sa popularité suscita une vague d’indignation, aussi bien dans la presse que parmi le public.
Le soir de l’ultime diffusion, Télé 7 jours consacrait une double page à l’événement, intitulée « Vingt millions de téléspectateurs brimés disent ce soir adieu à La Caméra explore le Temps ».
La dernière diffusion de la série, concerne l’inquisition médiévale et le combat contre l’hérésie cathare en Languedoc. Elle est diffusée en deux fois, le 22 et 29 Mars 1966. Le premier épisode s’intitule La croisade et le second a pour titre L’Inquisition.
Les auteurs se sont inspirés du livre de Zoé Oldenbourg le Bûcher de Montségur, qui leur paraît offrir toutes les garanties d'objectivité. Ils n'ont pas négligé cependant des écrits prenant parti comme la Croisade des Albigeois, de Pierre Belperron (1893-1949) qui défendait les actions de l'Église et justifiait la croisade ou des études spécialisées de MM. Nelli, Niel, Duvernois, Roger.
Il s'agit à la télévision d' «.une véritable fresque historique, d’autant que les décors et costumes médiévaux rajoutent encore au spectaculaire. »
Le résumé présenté est ainsi: '' Au début du XIIIe siècle, en Occitanie, les efforts de Dominique pour réduire l’hérésie cathare (ou albigeoise) par le prêche échouent. Le Pape déclare la Croisade quand son Légat est assassiné, en 1208. Le Roi de France s’y rallie, voyant l’occasion d‘agréger le riche et quasi indépendant domaine des Comtes de Toulouse au sien. La direction militaire de la Croisade est confiée à Simon de Montfort, qui ravage le Languedoc et s’empare de Toulouse. Mais les Comtes (Raymond VI, puis son fils), résistent malgré l’excommunication, soutenus par un sursaut nationaliste du peuple et par l’aide anglaise. Saint-Louis intervient directement après que Toulouse soit reprise par Raymond VII et triomphe définitivement à la Bataille de Taillebourg, en 1242. L’ultime forteresse cathare, Montségur, est prise en 1244 et ceux refusant de se convertir sont brûlés vifs.''
Au point de départ, il y a le développement au XIIIe siècle dans le pays d'Oc d'une secte nouvelle dont les thèses furent taxées d'hérétiques par la papauté, parce que, dans son dualisme de type manichéen, elle prétendait que tout ce qui était charnel tenait du principe du mal; elle rejetait donc la divinité du Christ. Cette doctrine, qui allait dans le sens d'une recherche de la pureté pour échapper au mal, eut d'autant plus d'adeptes, on le sait, que le clergé romain donnait souvent l'exemple de mœurs dépravées.
Le film commence par une séquence de la fin de la croisade et de la prise du château de Montségur. L'évêque cathare Bertrand Marti accorde le consolamentum aux cathares qui préfèrent être brûlés vifs plutôt que de renoncer à leur religion. Il leur rappelle que selon la doctrine cathare, le monde réel en proie au mal a été créé par le Diable et non pas par Dieu....
Et, pour la Fin: Le roi de France met le siège autour du château de Montségur où sont réfugiés beaucoup de cathares. Le siège est très difficile du fait des capacités naturelles de défense du site. Les assiégés finissent par se rendre en 1244. Les catholiques peuvent quitter le château. Les cathares qui refusent d'abjurer sont brûlés vifs dans un bûcher collectif, mais trois d'entre eux évacuent un trésor des cathares dont on ne sait s'il est matériel, spirituel ou imaginaire.
La série se terminait par les interventions de Castelot et Decaux. Pour la plupart des téléspectateurs ce sujet était inconnu, et cette émission fut un révélateur pour le grand public.
Michel Roquebert, écrira que « Cette émission fut "une bombe" dans le Sud de la France : en 1966, des millions de téléspectateurs apprenaient que pour que le Languedoc soit français il avait fallu une horrible guerre. » Des téléspectateurs, réunis en télé -clubs dans des salles municipales, allaient découvrir une partie de leur histoire, sanglante et oubliée.
Ce téléfilm souleva un intérêt pour l'histoire des cathares et le régionalisme occitan, dans un contexte de violents débats politiques et de critique du régime gaulliste.
L'histoire des cathares - vaincus par les croisés venus du nord - devient un récit populaire en Occitanie. Le Midi aurait perdu son âme et son indépendance au profit des rois français.
« L’histoire des cathares devient le symbole de la destruction d’une civilisation qui aurait été autonome » souligne Julien Théry.
La presse salue les deux émissions:
« Plusieurs scènes restent inoubliables, comme le bûcher de Montségur. Les superbes performances des acteurs parachèvent le spectacle, on appréciera en particulier les prestations de Jean Topart en Raymond VI, celle de Denis Manuel en Raymond VII ou encore de Denis Manuel en évêque cathare, mais toute la distribution est digne d’éloges. »
« Dix millions de Français ont trouvé un sujet de conversation : les Cathares… C’est que notre histoire a ses prudences… Or, n’est-ce pas le rôle de la télévision d’ouvrir les dossiers et n’est-il pas significatif, en cette période d’œcuménisme et de tolérance religieuse, de montrer l’évolution de l’Église ? C’est le miracle de la télévision : la France entière met en question un moment de son histoire » ( Le Figaro, 28 Mars 1966)
Un homme de 38 ans, agent PTT explique : « En toute honnêteté, j’ai presque honte d’être chrétien, de voir comment le peuple à une époque traitait les gens. Ça rappelle même un peu la Gestapo (…). L’arrestation de ce pauvre type, ça rappelle la Gestapo. Contre la force, y’a pas beaucoup de résistance.(…) L’église, c’était la dictature de l’époque ».
Dans La Croix, du 24 Mars 1966, Jean Vigneron écrit « J’ignore si les auteurs savaient, quand ils l’entreprirent, que ce grand dessein serait aussi le dernier. En tout cas, ils n’ont rien négligé pour qu’on parle beaucoup de leur Drame cathare. Et la vision du bûcher de Montségur sur lequel s’ouvre et se ferme leur évocation, me paraît, en l’occurrence, exemplaire. (…) Aux yeux et aux oreilles de beaucoup – de trop de téléspectateurs – le Drame cathare ne peut manquer d’apparaître comme l’un des visages… de l’Église d’aujourd’hui. Ce serait monstrueux. Mais à qui la faute ? ».