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Les légendes du Graal
Articles récents

Étudiante en philosophie: Edith Stein (1891-1942) -1-

17 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Expérience chrétienne

Une femme philosophe en quête de vérité, (les années: 1910-1922).

edith-Stein-2.jpgEn 1910, Edith s'inscrit à l’Université de Bergzabern, seule femme à suivre, cette année-là, les cours de philosophie.

Elle découvre la pensée d’Edmund Husserl, Edmund Husserlprofesseur à l’université de Göttingen. Elle s’enthousiasme pour l’auteur, initiateur de la phénoménologie, qui lui apparaît comme "le philosophe" de son temps. Elle s’établit à l’Université de Göttingen et est présentée tout de suite au philosophe Husserl.

Edith a 21 ans. Elle rencontre Hedwig Martius qui devient sa meilleure amie. Elle fait la connaissance d'Adolf Reinach, bras droit de Husserl, et se lie d'amitié avec lui et sa femme. Tous deux sont d'origine juive, comme elle.

Puis, quand Husserl passe avec "Idées pour une phénoménologie pure" du réalisme de l’étude des phénomènes à l’idéalisme transcendantal, elle adopte une attitude plus critique … Elle rencontre également, Max Scheler, juif converti, très différent de Husserl, et qui provoque l’auditoire par des intuitions originales et qui en enflamme l’esprit. Scheler réussit à éveiller en elle, qui se déclarait athée, le besoin religieux, apaisé plutôt qu’éteint. Depuis peu, Scheler est revenu à la foi catholique et il expose son credo d’une manière fascinante.

« Jamais par la suite, dit-elle, je n'ai eu affaire à un si grand génie. Il avait de grands yeux bleus d'où rayonnaient la lueur d'un monde plus élevé...  C'est grâce à lui que j'ai eu mon premier contact avec un monde que j'ignorais totalement jusque-là ; s'il ne me dirigeait pas encore vers la Foi, il m'ouvrait un champ de «  phénomènes » sur lesquels je ne pouvais plus fermer les yeux. Les mises en garde constantes contre toutes les œillères, les barrières de préjugés rationalistes dans lesquels mes condisciples et moi-même avions grandi sans en avoir conscience, n'étaient pas inutiles : en m'en débarrassant, je pouvais entrevoir, proche de moi, le monde de la foi, où vivaient des personnes que j'admirais et vis à vis desquelles une réflexion approfondie était nécessaire. »

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edith-Stein-1913.jpg
 Gottingen : 1911 (left to right) Reinach, Neumann, Lipps, Scheler, Koyre, Hering, Ms. Martius, Hamburger, Conrad, Huebener, v. Sybel, Clemens Edith Stein en 1913


Edith n’arrive pas encore à la foi, mais elle voit s’ouvrir un nouveau monde de phénomènes devant lesquels elle ne peut rester insensible. A l’école de Husserl, elle avait appris, en effet, à contempler quoi que ce soit sans préjugés et maintenant, en écoutant Scheler, les barrières des préjugés rationalistes parmi lesquels elle avait grandi sans le savoir, tombent. Elle-même dit: "Le monde de la foi s’ouvrait tout à coup devant moi".

Husserl-Scheler-Reinach-Heidegger.jpg

Edith Stein vit dans un groupe où autour d'Husserl, mais aussi d'Adolf Reinach, Theodor Conrad, Max Scheler... gravitent des jeunes gens comme Hedwig Martius , Roman Ingarden, Hans Lipps … Ces jeunes philosophes vivent sans contrainte, discutent phénoménologie, le jour la nuit, et nouent entre eux amitiés et amours... Edith qui se voulait, semble t-il, au-delà des servitudes et complications de l'amour, tombe amoureuse de deux de ses condisciples... et qui refusent l'un et l'autre de l'épouser !

Edith avait rencontré Roman Ingarden ( polonais ) à Fribourg en 1916, ils discutaient philosophie et se fréquentent 6 mois... jusqu'au jour où Roman lui avoue qu'il va se fiancer … «  Chaque fois que je revois ce temps passé surgit en moi l'état désespéré où je me trouvais alors fait de confusion indicible et de ténèbres. ».

La rupture fut plus rude encore avec Hans Lipps  (1889-1941) , autre disciple de Husserl. Elle l'a rencontré à Göttingen en 1913. La guerre éclate et Hans est mobilisé ; ils ne se revoient qu'épisodiquement... Un jour, à son tour, Hans annonce ses fiançailles … Après la mort de sa femme, Hans envisagera d'épouser Edith... Mais, en 1933, Edith entre au Carmel...

à suivre ...

Gottingen-marketplatz-1920.JPG entrée principale de l’université de Göttingen début
Gottingen marketplatz 1920

Entrée principale de l’université de Göttingen

début XXe

 

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La Torah, pour un catholique ...?

14 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Pluralisme religieux

Plutôt que de vouloir le convaincre que notre religion est le seul et vrai chemin vers la Vérité ; il est biencalligraphie hébreu plus profitable d'utiliser cette énergie pour tenter de comprendre ce que «  cet autre, si différent ... » comprend au travers de notre même questionnement …

Par exemple... Sans doute, si j'avais été élevé dans le judaïsme, aurais-je pour «  La Thora » une compréhension différente, que ce que j'en ai comme « catholique »...

  • Catholique, je tente d'exprimer que ma religion n'est pas celle d'un Livre ( serait-ce La Bible ), mais d'une Personne, le Christ... etc ...

  • Et si, malgré tout, j'arrive -un tout petit peu- à cheminer avec «  mon frère aîné » juif ; peut-être, pourrais-je m'enrichir de son approche :

 

calligraphie-hebreu-4.jpgChrétiens, nous scrutons les textes en manipulant des mots figés comme des objets de discours... des outils de pensée … Mais, si j'essaie d'approcher «  la Torah comme un baiser de Dieu » ( Moïse la reçut « bouche à bouche » …), si je tente d'imaginer de répondre aux noces que ce baiser promettait … ? Il y a peut-être à comprendre, quelque chose de ce que peut être une religion «  du Livre », pour moi chrétien … ?

 

calligraphie-hebreu-3.jpg«  En vérité, le mot vient vers nous, comme une icône ; il scrute nos cœurs et les appelle à l'ouverture sur un monde infini. De cet univers les lettres sont les vibrations, car l'intériorité de l'Homme et la Torah sont sculptés du même ciseau, celui de la voix divine que « voyaient » les Hébreux au pied du Sinaï lorsque Dieu parlait à Moïse.

La Torah n'est écrite que de consonnes, le Verbe ; leur musique est une voyellisation non écrite, un souffle, l'Esprit. » Annick de Souzenelle

 

Mathématicienne de formation, psychothérapeute ( jungienne ) et auteure de nombreux ouvrages de spiritualité, Annick-de-Souzenelle.jpg Annick de Souzenelle propose une relecture mystique des textes bibliques et une interprétation du monde actuel selon les textes anciens...

Annick de Souzenelle, orthodoxe, poursuit depuis une trentaine d'années un chemin spirituel d'essence judéo-chrétienne ; elle est une très bonne passeuse vers d'autres traditions...

http://souzenelle.free.fr/index.php

 

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Le cardinal Martini : son dernier entretien

10 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Actualité

Le « Corriere della Sera » du 1 sept. 2012 a publié à titre posthume, un entretien avec le cardinal Carlo Maria Martini, au lendemain de son décès, survenu le vendredi 31 août 2012 à l’âge de 85 ans. Le père Georg Sporschill, le confrère jésuite qui l’avait interwievé dans l’ouvrage « Conversations nocturnes à Jérusalem – Sur le risque de la foi »* et Federica Radice  ont rencontré le cardinal Martini le 8 août dernier.

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 Le cardinal Carlo Maria Martini est mort vendredi 31 août à l’âge de 85 ans.

Le texte de leur entretien, est « une sorte de testament spirituel que le cardinal a lu et approuvé ».


Comment voyez-vous la situation actuelle de l’Eglise ?

L’Eglise est fatiguée, dans l’Europe du bien-être et en Amérique. Notre culture a vieilli, nos églises sont grandes, nos maisons religieuses sont vides et l’appareil bureaucratique de l’Eglise gonfle, nos rites et nos habits sont pompeux. Ces choses, cependant expriment-elles ce que nous sommes aujourd’hui ? […] Le bien-être pèse. Nous nous trouvons là comme le jeune homme riche, qui s’en va triste, lorsque Jésus l’appelle à devenir son disciple. Je sais que nous ne pouvons pas facilement tout abandonner. Au moins, cependant, pouvons-nous rechercher des hommes libres et plus proches des autres. Comme l’ont été l’évêque Romero et les martyrs jésuites du Salvador. Où sont chez nous les héros desquels s’inspirer ? En aucune raison nous ne devons les enfermer dans les contraintes  de l’institution.

 Qui peut aider l’Eglise aujourd’hui ?

Le père Karl Rahner utilisait volontiers l’image de la braise qui se cache sous la cendre. Je vois dans l’Eglise d’aujourd’hui tellement de cendre sur la braise que souvent un sentiment d’impuissance m’assaille. Comment peut-on libérer la braise de la cendre pour raviver la flamme de l’amour ? En premier lieu, nous devons rechercher cette braise. Où sont les simples personnes remplies de générosité comme le bon samaritain ? Qui ont une foi comme celle du centurion romain ?  Qui sont enthousiastes comme Jean Baptiste ? Qui osent le neuf comme Paul ? Qui sont fidèles comme Marie Madeleine ? Je suggère au pape et aux évêques de chercher douze personnes atypiques pour les postes de direction. Des hommes qui soient proches des plus pauvres et entourés de jeunes ayant l’expérience des choses nouvelles. Nous avons besoin de la rencontre avec des hommes qui brûlent pour que l’esprit puisse se répandre partout.

Quels outils suggérez-vous contre la fatigue de l’Eglise ?

J’en suggère trois très puissants.

Le premier est la conversion : l’Eglise doit reconnaître ses propres erreurs et prendre la voie radicale du changement, à commencer par le pape et les évêques. Les scandales de pédophilie nous poussent à entreprendre un chemin de conversion. Les exigences sur la sexualité  et sur tous les thèmes qui impliquent le corps en sont un exemple. Celles-ci sont importantes pour chacun et parfois peut-être, sont-elles aussi trop importantes. Nous devons nous demander si les gens écoutent encore les avis de l’Eglise en matière sexuelle. Dans ce domaine, l’Eglise est-elle encore une autorité de référence ou seulement une caricature dans les médias ?

Le second est  la Parole de Dieu. Le concile Vatican II a restitué la Bible aux catholiques. […] Seul celui qui perçoit cette Parole dans son cœur peut faire partie de ceux qui contribueront  au renouveau de l’Eglise et qui sauront répondre aux demandes personnelles avec une démarche pertinente. La Parole de Dieu est simple et cherche comme compagnon un cœur à l’écoute […] Ni le clergé ni le Droit ecclésial ne peuvent se substituer à l’intériorité de l’homme. Toutes les règles externes, les lois, les dogmes nous sont donnés pour éclairer la voie intérieure et pour le discernement des esprits.

Pour qui sont les sacrements ? Ceux-ci sont le troisième instrument de guérison. Les sacrements ne sont pas un instrument de discipline mais une aide pour les hommes tout au long du chemin et dans les faiblesses de la vie. Portons-nous les sacrements aux hommes qui ont besoin d’une force nouvelle ?  Je pense à tous les divorcés et aux couples remariés, aux familles recomposées. Ceux-ci ont besoin d’une protection spéciale. L’Eglise soutient l’indissolubilité du mariage. C’est une grâce quand un mariage et une famille réussissent […]. L’attitude hostile que nous portons à l’égard des familles recomposées déterminera les rapports de la génération des fils avec l’Eglise. Une femme a été abandonnée par son mari et trouve un nouveau compagnon qui s’occupe d’elle et de ses trois fils. Le second amour réussit. Si cette famille devient discriminée, non seulement la mère mais aussi ses fils deviennent exclus. Si les parents se sentent en dehors de l’Eglise et n’en sentent pas le soutien, l’Eglise perdra la génération suivante. Avant la Communion, nous prions : « Seigneur, je ne suis pas digne… » Nous savons que nous ne sommes pas dignes […] L’amour est grâce. L’amour est un don. La question de savoir si les divorcés peuvent communier devrait être renversée. Comment l’Eglise peut-elle venir en aide, avec la force des sacrements, à ceux dont la situation familiale est complexe ?

Vous personnellement, que faites-vous ?

L’Eglise est en retard de 200 ans. Comment se fait-il qu’elle ne se réveille pas ? Avons-nous peur ? Peur au lieu de courage ? Pourtant la foi est le fondement de l’Eglise. La foi, la confiance, le courage. Je suis vieux et malade et je dépends de l’aide des autres. Les bonnes personnes qui m’entourent me font sentir l’amour. Cet amour est plus fort que le sentiment de défiance que je perçois parfois vis à vis de l’Eglise en Europe. Seul l’amour est vainqueur de la fatigue. Dieu est Amour.

J’ai encore une question pour toi : que peux-tu faire, toi, pour l’Eglise ?

________________

Source : texte publié dans le « Corriere della Sera » et transmis par Vittorio Bellavite (Noi Siamo Chiesa, Italie) via le réseau IMWAC (International Movement We Are Church).

Traduction en français par NSAE  Lucette Bottinelli – 3 septembre 2012

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Libérons nous de nos croyances.

5 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Foi

A travers cette mise en garde «  libérez-vous de vos croyances » - conseil tout à fait bouddhiste ; il y a – à mon avis - également une part de « vérité chrétienne ».

L-image.jpgLe Bouddhisme est bien une religion ( dans notre langage, pas le leur … ! ) ; mais une part de lui-même lutte constamment contre les croyances induites ( la plupart constructions « populaires »). Le bouddhisme est une connaissance ( le dharma ) et une pratique : il faut « voir » pour comprendre … et pratiquer pour voir …

Dans le bouddhisme «  les déités » sont des réalités secondaires...

 

Nos pensées créent des formes... Il ne suffit pas de dire qu'elles sont illusoires ; elles existent bien sur un certain plan. escalier3imp.gifParfois, elles sont même « imagées » par des déités, des symboles, des personnages archétypiques … Si elles deviennent trop nocives ou envahissantes, il est bon de les supprimer !

Pour ma part, j'ai supprimé le «  Dieu-Jupiter ».


Le bouddhisme zen aime rappeler cette sentence : " Si tu vois le Bouddha, tue-le ! " Et pourtant... Il s'agit bien dans l'objectif de zazen de contempler la nature de Bouddha .. !?

Le moine zen Kosen , d’ailleurs répond ceci : « Qui y a-t-il d’autre à voir que Bouddha?
formes-pensees2.png Comment tuer ce qui est sans naissance et immortel ?
Si tu le vois à l'extérieur tu mourras, si tu le vois à l'intérieur t'es déjà mort depuis longtemps.
S’il te voit de l'Intérieur, il t'aimera et te sauvera, tu ne seras plus jamais seul.
 »

Personnellement, je remplacerai bien volontiers ici, Bouddha par Dieu... !

 

Sans doute, le support même de ce que nous ressentons de notre existence, est une croyance... Je suis « croyant » d'être séparé des autres et du monde qui m'entoure … je « crois » au moi et au non-moi ( l'autre ), je m'attribue des qualités et des défauts, et je coupe le monde en deux !Gauguin-1.jpg

Une croyance est une représentation, mais le paradoxe est que seule la croyance peut dire ce qu'elle représente … Donc, je crois que « ma représentation représente » la réalité, alors qu'elle risque – au contraire – de me couper de la réalité … ! Par exemple : un jugement peut devenir une croyance, une identification ….

 

La conséquence malheureuse, de cette construction mentale faite de croyances, c'est qu'il y a antinomie entre «  comment sont les choses » et « comment j'aimerais qu'elles soient ».. Conclusion : je ressens un stress, une angoisse …. Je me surprends à dire «  si seulement, j'étais … ou si seulement, j'avais … » !!!


Méfions-nous de nos croyances … ! Et, cela va bien au-delà des «  croyances religieuses »...

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1912: L’exposition du Sonderbund ... 2012

3 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Art

 L’événement de l’année 1912 restera sans conteste le naufrage du Titanic et ses 1500 victimes, qui marqua l’esprit de ses contemporains. C'est aussi : l’avènement de la République en Chine et l’indépendance de l’Albanie.

Le-Titanic-le-plus-grand-paquebot-du-monde-en-1912.jpg CPA-Canton-de-la-Tremblade-Ronce-les-Bains-Groupe-de-Baigne.jpg 
 cgt-1mai1912.jpg  jacques-Henri-Lartigues-avenue-du-bois-1912.jpg

 

En 1912,également, se tenait à Cologne l’exposition du Sonderbund, une des expositions les plus importantes du XXe siècle, aujourd’hui entrée dans la légende.

Sonderbund-utstilling-munch.jpg

 

Elle rassemblait un ensemble exceptionnel de plus de 650 œuvres de Cézanne, Cross, Gauguin, van Gogh, Picasso, Macke, Munch, Nolde ou Schiele, l’événement laissait, tant par la quantité que par la qualité des œuvres exposées, littéralement « bouche bée ». A une époque marquée par le conservatisme du régime impérial, l’exposition du Sonderbund s’apparenta à une révolution et devait constituer une étape décisive pour l’art moderne Outre-Rhin.

 

 

 

Sonderbund-1912-2.jpg

 

En 1912, les oeuvres sont évidemment déconcertantes pour des visiteurs qui sont encore, pour certains, attachés au réalisme sombre fin XIXe... Déconcertante aussi, la façon de les montrer, tout sauf pompeuse ; et l'idée même d'une telle manifestation.

Six cent cinquante œuvres... ! Cent vingt-cinq Van Gogh et les trente-six Munch … pour affirmer de la façon la plus appuyée qu'ils sont les inspirateurs des expressionnismes en Allemagne - les groupes Die Brücke à Dresde, Der blaue Reiter à Munich, les peintres de Düsseldorf.

Gauguin et Cézanne sont eux aussi en valeur, la raison est cette fois française : sans eux, impossible de comprendre les nabis et les fauves. Or le " Sonderbund ", très clairement, développe un éloge de l'art contemporain français considéré comme le plus expérimental et le plus audacieux. Cette orientation a suscité des protestations ultrapatriotiques et xénophobes, bien peu surprenantes dans le contexte politique du temps.

La manifestation est en effet et sans la moindre équivoque internationaliste et antinationaliste. Si elle insiste dans son titre sur son côté Westdeutscher (rhénan), c'est pour s'opposer politiquement à Berlin, à la Prusse, à un empereur qui proteste contre la place selon lui excessive faite aux peintres français à la Nationalgalerie de Berlin. A Cologne, le parti pris est exactement à l'inverse : Signac, Cross, Denis, Matisse, Derain, Girieud, Vlaminck, Braque sont présents et la place qui leur est réservée dans le parcours démontre que la modernité est principalement de naissance française. Et qu'elle se diffuse dans l'Europe entière.

La vie artistique du moment est proliférante, sans frontières, indifférente aux patriotismes bellicistes, entraînée dans le flux des avant-gardes. C'est le temps où le Russe Morosov vient acheter des toiles de l'Espagnol Picasso à Paris auprès de l'Allemand Kahnweiler, alors que son compatriote Chtchoukine passe des commandes d'oeuvres monumentales à Matisse.

Chacun est alors absolument convaincu que l'art se trouve au début d'une ère différente et que tout est possible. Deux ans après, le pire devenait réel.

Extraits d'un article de Philippe Dagen «  Le monde » sept2012

 

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Aussi, est-il impressionnant en cette rentrée 2012 que ce rendez-vous organisé par le Wallraf-Richartz-Museum de Cologne .... L’institution s’est donnée pour mission de reconstituer l’une des plus marquantes expositions du XXe : la légendaire Sonderbund, Sonderbund-1912-affiche-2012-wallraf.jpgqui s’est tenue il y a pile un siècle dans la ville allemande. Petite révolution muséographique (accrochage linéaire et guide du visiteur) et grande concentration d’avant-gardes, elle reste une référence dans l’histoire des expositions internationales. Ici, les superlatifs ne sont pas de trop. Le défi est de taille, et semble avoir été remporté largement. Sur les 650 œuvres présentées en 1912, l’équipe du musée est parvenue à en rassembler 120 appartenant aux divers courants du début du XXe siècle : post-impressionnisme, expressionnisme ou cubisme. Et cerise sur le gâteau, le musée a pu bénéficier du concours de quelques généreux collectionneurs qui ont bien voulu prêter des œuvres de Picasso, Munch ou Nolde présentées pour la première fois depuis des décennies. A voir absolument. 

C'est à COLOGNE - « 1912. Mission moderne » au Wallraf Richartz Museum, du 31 août au 30 décembre 2012

 

 

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A noter, pour l'actualité prochaine des expositions:

- PARIS - Edward Hopper au Grand Palais , du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013

- PARIS - Salvador Dali au Centre Pompidou, du 21 novembre 2012 au 25 mars 2013

- BILBAO - Egon Schiele au Guggenheim, du 2 octobre 2012 au 6 janvier 2013

- LILLE - Bosch, Brueghel, Bles, Bril au Palais des Beaux-Arts, du 6 octobre 2012 au 14 janvier 2013

- BOUSSU (Belgique) - Art et science-fiction au Grand-Hornu, du 18 novembre 2012 au 17 février 2013 ( On y retrouvera  les artistes Larry Bell, Lucio Fontana, Dominique Gonzalez-Foerster,  João Maria Gusmão & Pedro Paiva, Anish Kapoor, Mike Kelley, Kasimir Malevitch ou Chris Marker. )

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Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 3 )

1 Septembre 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Pluralisme religieux

Plus concrètement : pour que l’existence humaine se produise, une structure psychophysique est nécessaire. Le Bouddha la décrit comme étant la conjonction de cinq agrégats (skandhas) : la forme ( le corps ), les sensations, les perceptions ( avec la contribution de la mémoire l’imagination ou le jugement …), les formations karmiques ( subconscient …), la conscience ( qui conçoit la dualité moi-monde …).

samsara-1.jpg

Le « soi » est appréhendé comme l’ensemble de ces agrégats. Selon le bouddhisme, cet ensemble n’est qu’une succession de configurations changeantes qui apparaissent et se dissipent, ce n’est donc pas une entité centrale et immuable… Cet attachement au « moi », est une cause de grande souffrance… Un égo menacé s’attache ainsi à des apparences inconsistantes, et s’enferme dans des émotions perturbatrices…

 

La source de ce résumé, provient du «  Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey.

Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda.

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Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 2 )

30 Août 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Pluralisme religieux

Si tout s’écoule et se défait… Comment pouvons nous être convaincu de la réalité substantielle de notre identité ?

La construction de cette identité a-t-elle un sens ? Comment inclure notre part de liberté individuelle dans un déroulement global .. ?

Alain-Grosrey-enseignant.jpg  

La source de ce résumé, provient du «  Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey.

Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda.

 

La « misère » ( selon une vision pessimiste …) de la condition humaine sert – par ailleurs - de révélateur aux possibilités de libération qui s’ouvrent à l’homme. Le choix d’orienter sa vie dans telle ou telle direction fonde sa liberté et contribue à sa grandeur… ( cf «  le roseau pensant de Pascal : « mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que celui qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien… » )

Le bouddhisme nous dit que si l’homme résiste ( face à la mort, par exemple ) contre la nature même de l’écoulement des choses, il ne fera qu’attiser des tensions qui n’offriront aucune solution.

 

Le Bouddha indique que le « monde humain » a pour cause principale le désir… Il mentionne également une autre cause essentielle : la croyance au moi.

«  Les êtres ordinaires manquent de sagesse et s’accrochent à la croyance au moi en se fixant sur l’existence ou l’inexistence de ce dernier. Cette pensée incorrecte les pousse à agir incorrectement. Ils empruntent de fausses voies où ils produisent des actes positifs, négatifs et immuables. S’accumulant, ces actes croissent et se multiplient, et dans chacun s’est implantée une graine d’esprit. Suivent pollution et appropriation qui provoqueront l’existenc-devenir, la naissance, la vieillesse et la mort. » ( Soûtra des dix terres. Chap 6,§3 , 126 )

 

« Nous naissons et renaissons dans le samsara parce que nous sommes fascinés par cette construction fragile et transitoire que nous appelons le moi. dyn001 original 500 500 jpeg 986edae1574de971d1efd88ece119Cette fascination apparaît parce que nous ne discernons pas la véritable nature de l’esprit qui est beaucoup plus vaste , plus spacieuse et plus lumineuse. Sous la pression de la fixation égocentrique s’ensuit l’émergence de la dualité : la conscience se positionne face à un monde qu’elle perçoit comme extérieur. Dans le jeu de relations qui s’instaure entre elle et ses objets, une multitude d’émotions interviennent. Certaines sont positives, d’autres neutres, d’autres reflètent les trois poisons fondamentaux de l’esprit confis : le désir, la colère, et l’ignorance.. Ainsi le « moi » peut ressentir de l’attirance, de la répulsion, ou de l’indifférence pour les objets avec lesquels il entre en contact. En cherchant à satisfaire ses nombreux besoins, il ne cesse d’alimenter la force motrice du karma. »

 Attention : Il n’y a pas d’Ignorance , de Désir, de Colère, mais des manifestations tangibles de l’ignorance, des preuves de désir et de colère… La conscience n’existe qu’en relation avec d’autres facteurs qui, en se conditionnant les uns les autres, constituent notre existence.

 


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Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 1 )

28 Août 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Pluralisme religieux

-          La cosmologie du bouddhisme, repose sur une « absence » de cause ultime et immuable… Pourquoi ?


Nous sommes dans un scénario où tout se construit et se dissout dans un flux incessant, où tout phénomène est le fruit de causes et de conditions. Une « cause immuable » peut-elle produire un univers qui change ?

« Aucune cause ne pourrait rester immuable du fait même qu’elle se trouve incluse dans le processus de causalité… Enfin la conscience qui tente de se représenter l’origine de l’univers ne peut se placer en marge du processus de causalité auquel elle participe… Ma conscience et l’univers ne sont pas deux entités inséparables… D’un point de vue bouddhique, on ne peut affirmer que le cosmos soit extérieur à la conscience et que la conscience soit plongée en lui. » Alain GrosreyRenoir-Dejeuner-canotiers.jpg

 

-          La forme humaine

Le bouddhisme reconnait différents états dans le « samsara »… ( je passe ..).. mais, je note qu’il est rare d’obtenir une forme humaine … Aussi, les enseignements insistent sur le prise de conscience du caractère hautement précieux de l’existence humaine et de l’environnement qui la rend possible.


Pour en revenir à la cosmologie, remarquons que la vision scientifique a mis aujourd’hui un terme à l’univers statique de Newton et à la vision aristotélicienne des cieux immuables … ! renoir-deformation.jpgAussi, recevons nous aujourd’hui avec facilité les implications spirituelles d’une vision très symbolique du bouddhisme :

  • L’impermanence : naissance, croissance, vieillissement et mort, sont les étapes de tout processus… seule la continuité de la transformation fait sens … cette approche ouvre l’intelligence à une vision systémique, et permet de prendre conscience de la finitude de l’existence et de la valeur infinie de chaque instant :
  • «  les propriétés essentielles d’un organisme ou d’un système vivant  sont des propriétés  qui appartiennent au tout et qu’aucune partie ne possède » Fritjof Capra ( nouvelle interprétation scientifique des systèmes vivants. )le-grand-livre-du-bouddhisme.jpg

-          Le phénomènes se présentent dans un jeu de non-équilibres continus. Il ne s’agit pas d’un désordre, mais un processus d’interactions et de corrélations entre une diversité d’éléments… Qu’il s’agisse des éléments fondamentaux de la matière ou des émotions …

 

La source de ce résumé, provient du «  Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey.

Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda.

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Toute science suspendue ...

26 Août 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Prières

Chanson inspirée par l'oeuvre de St Jean de la Croix. Composée et interprétée par Pierre Eliane, qui est prêtre, carme et musicien.

 

 

 

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Jésus, l'héritier - histoire d'un métissage culturel

26 Août 2012 , Rédigé par Perceval Publié dans #Foi

Ci-dessous, de larges extraits de l'Introduction de ce livre ( à lire ...) :

Jésus, l'héritier ; histoire d'un métissage culturel

  • Christian Elleboode (Auteur) , Editeur : Colin; Date de sortie : 30/11/2011Couv-jesus-l-heritier-Elleboode.jpg
  • Description
    À l´heure du grand retour des fondamentalismes religieux et des crispations identitaires, n´avons-nous pas, plus que jamais, besoin de mettre en évidence le ciment culturel qui unit les hommes ?  À tous ceux qui craignent les « chocs de civilisations », nous nous devons de rappeler qu´une civilisation, quelle qu´elle soit, est inséparable des autres. Faire appel à l´Histoire, à des faits avérés, à des sources partagées, voilà sans doute la meilleure manière d´inviter les religions au dialogue.  L´auteur de ce livre original et courageux nous offre les résultats d´un travail monumental : il a remis en perspective les croyances et les pratiques des peuples contemporains des Hébreux et de leurs ancêtres, qui ont vécu à un prodigieux carrefour culturel où se sont exercées les influences des grands empires de Mésopotamie, d´Asie mineure et d´Égypte.  Cette enquête nous montre à quel point, humainement parlant, il est absurde qu´une religion s´imagine marquée du sceau de la « pureté ». Tout dès le départ est partage. Le rappeler ne saurait porter atteinte à la part du divin, bien au contraire, c´est nous ramener aux racines communes des fois distinctes.  Christian Elleboode enseigne à la faculté catholique de Lille.

 

La culture religieuse, brassage de convictions, est ce par quoi l’homme développe ses héritages, ce par quoi il donne et exprime le sens de son existence. Le fait religieux est présent dans toutes les cultures humaines, même les plus primitives : fondamentalement, le fait religieux lie l’homme à des puissances qui sont plus qu’humaines.

La religion est ambivalente, car elle est à la fois source de communion et de confrontation. Elle favorise la communion entre les membres d’une même communauté, mais aussi la confrontation avec ceux d’une autre culture. En même temps, les religions sont travaillées de manière interne par des logiques contradictoires qui tendent parfois à l’ouverture à l’autre, parfois à la fermeture sur soi. À des degrés divers selon les religions, on trouve des messages de paix mais aussi des messages intolérants et des prescriptions rituelles excluantes pour les autres, qui favorisent le mépris.

il n’y a pas de culture « pure », c’est-à dire authentique. Toute culture est métissée car faite d’emprunts. L’étude attentive de la rencontre des cultures révèle que celle-ci se réalise selon des modalités multiples et qu’elle aboutit à des résultats extrêmement contrastés selon les situations de contact. Les recherches sur l’acculturation, que l’on peut définir comme l’ensemble des changements socioculturels entraînés par le contact prolongé entre des groupes et des sociétés de cultures différentes, ont permis de dépasser nombre d’idées reçues sur les propriétés de la culture, et de renouveler le concept même de culture. L’acculturation n’apparaît pas comme un phénomène occasionnel, mais comme une des modalités habituelles de l’évolution culturelle de chaque société. Cela est bien évidemment vrai pour la culture religieuse.

Revenons au concept de culture. Le propre de l’homme n’est ni l’émotion, ni la station debout, ni la fabrication d’outils. Le propre de l’Homme, c’est le langage ; et par le langage, il peut communiquer aux autres ce qu’il a appris : au commencement « était le Verbe » ! À cause du langage, les mutations de l’humanité ne sont plus génétiques », mais culturelles. Capable de se projeter dans l’avenir, l’homme n’est pas totalement soumis à la loi de la génétique. Il est à même de faire des choses que les animaux ne font pas, pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire : les animaux ne sont ni bons ni méchants, car ils font ce que leur « programme génétique » leur prescrit. Il n’y a donc pas de meurtre chez les animaux. À l’inverse, dans le souvenir originel de toutes les religions, nous affirme René Girard dans son livre Des choses cachées depuis la fondation du monde6, il y a le meurtre, « le péché originel », le meurtre du Frère (Caïn), celui du Père (Oedipe). L’homme peut transgresser la loi génétique et assassiner son frère. D’où l’absolue nécessité pour les hommes d’établir des lois morales ou religieuses afin de supplanter à la carence des lois naturelles. L’homme est ainsi cet être qui a doublé son code génétique par un code culturel. Admettre que notre patrimoine culturel est aussi celui des autres, c’est s’ouvrir aux autres et proscrire notre ethnocentrisme spontané, consistant à estimer la culture des autres comme inférieure ou méprisable. Il y a dès la Préhistoire une « culture » humaine toujours menacée d’oubli. Admettre l’héritage ne veut pas dire sombrer dans le relativisme culturel qui consiste à affirmer que tout fait culturel n’a de sens que dans le contexte de leur propre culture. Sous une forme extrême, le relativisme culturel refuse l’existence de valeurs universelles puisque toutes les cultures se « valent ». C’est bien pourquoi les religions modernes doivent s’attacher à reconnaître et à retrouver l’héritage des croyances plus anciennes, tout en affirmant leurs propres ruptures et innovations par rapport à ces mêmes croyances. Admettre ses dettes n’est aucunement en contradiction avec le fait de mettre en avant ses apports. Le travail n’est certes pas aisé, car si prendre conscience des césures ne va pas de soi (le Christ était juif et ne souhaitait pas créer une nouvelle religion), interpréter les croyances de nos ancêtres est peut-être encore plus difficile. Même si l’interprétation d’un texte sacré fait sens pour nous, rien ne prouve qu’elle corresponde à l’intention des rédacteurs. C’est pourquoi il faut toujours garder une certaine prudence dans ce domaine et maintenir en éveil notre capacité de discernement. Aborder l’aspect ésotérique des enseignements ne doit pas devenir un prétexte pour débrider notre … Il faut donc se méfier de certaines interprétations qui, pour être habiles, n’en sont pas moins suspectes, par exemple cette façon douteuse d’interpréter les lettres INRI, Jesus Nazarenum Rex Judeorum : Jésus, le Nazaréen, roi des Juifs par Igne Natura Renovabitur Integra, « la nature sera renouvelée totalement par le feu » ! Procéder ainsi reviendrait à ramener l’exégèse, soit l’herméneutique des textes sacrés, à un simple jeu de langage et ignorer son caractère rationnel ou scientifique ; jeu qui n’a rien d’anodin, surtout en ce domaine. Il n’est pas question dans ce domaine de chercher à se faire plaisir en jonglant avec des significations supposées.

 

Un autre risque serait de prendre pour argent comptant les théories évolutionnistes (développées au XIXe siècle parallèlement aux travaux de Darwin sur l’évolutionnisme biologique), qui considèrent que l’humanité prise dans son ensemble progresserait par étapes, des formes archaïques d’organisation sociale vers des formes complexes de civilisation. Même si l’évolutionnisme ne s’identifie pas à une vision linéaire et gradualiste de l’histoire dans la mesure où il peut exister des ruptures, il considère que les différentes sociétés emprunteraient le même chemin. Ce sont les fameuses séquences « historiques » de Comte, Marx ou Frazer (on y reviendra). Au dire des évolutionnistes, un progrès serait associé à un développement continu, nécessaire, qui se répète d’une société à une autre, même si les rythmes sont inégaux. Les différentes sociétés représenteraient des stades différents de l’évolution universelle et les sociétés dites primitives seraient les témoins résiduels de l’« enfance de l’humanité ». En matière de religion, nous savons désormais que les thèses d’un Lewis Henry Morgan ont montré leurs limites : au départ, les premières religions n’étaient pas inintelligibles, comme il le supposait, même si les premières sociétés semblaient « saturées » de religion. Le passage progressif du naturisme au fétichisme, qui était déjà une première forme d’idolâtrie, puis du fétichisme à l’animisme et au totémisme, puis enfin du totémisme au polythéisme et au monothéisme, n’est plus admis. La thèse de Lucien Lévy-Bruhl sur les mentalités primitives qui avaient une aversion pour le raisonnement, comme celle de James G. Frazer sur les trois stades de la pensée (magique tout d’abord puis religieuse et enfin scientifique) témoignent déjà, en leur temps, de la limite d’une telle approche. Non pas que ces travaux soient dépourvus d’intérêt, bien au contraire : l’histoire des religions a été inaugurée avec l’évolutionnisme. Mais ils correspondent bien à l’esprit du xixe siècle encore très marqué en Occident par l’esprit chrétien et par le siècle des Lumières qui le précède, où le progrès est vu comme le fruit de la raison. Mais comment prouver qu’il existe un sens unique de l’évolution, sans régressions, ni blocages, ni pertes ?

À l’opposé de l’évolutionnisme, la thèse, au XIXe siècle, d’un monothéisme originel suivi d’une déchéance conduisant à l’animisme a eu un certain succès. Il est peut-être vrai que de nombreux peuples partagent la croyance d’un être divin ayant créé intentionnellement notre monde, qui aurait été, à l’origine, un océan infini. C’est donc de la mer qu’émergent les terres dans les premières mythologies. Pour les Égyptiens, cet océan primordial était le Noum. Pour le peuple alaskien Tigikak (Arctique), c’est Corbeau qui créa le monde en harponnant une grande baleine, laquelle, en flottant, devint la terre ferme. Parfois deux êtres se partagent l’acte de modeler le monde, tels le Premier Créateur et l’Homme solitaire des Mandans, une tribu de l’Ouest nord-américain. Ils envoyèrent une poule faite de boue ramasser de cette même substance au fond des eaux afin d’en confectionner la première terre. En s’interrogeant sur les mystères de l’Univers, les hommes ont conçu de nombreuses représentations du cosmos. Beaucoup de peuples pensent que le monde est né d’un oeuf cosmique. En Chine, ce sont les forces opposées et complémentaires du yin et du yang, présentes dans l’oeuf, qui ont créé le premier être, Pan Gu. Les Dogons d’Afrique de l’Ouest évoquent un oeuf en vibration qui éclata pour libérer l’esprit créateur. Au Japon, les Aïnous croyaient que six cieux situés au-dessus de la Terre, et six mondes situés en dessous, abritaient des dieux, des démons et des animaux. Il est à noter que le monde a, de longue date, été perçu comme rond. Une légende inuit raconte que deux familles parties dans des directions opposées se croisèrent alors que leurs membres étaient devenus très vieux : ils étaient retour à leur point de départ. Selon les Mangaians de Polynésie, l’univers est contenu dans une noix de coco géante. En lisant Claude Lévi-Strauss, on sait maintenant que les mythes des peuples lointains ne sont pas plus ridicules que ceux de la Grèce ou de la Rome antique, tant admirés par les humanistes.

Les scientifiques pensent aujourd’hui que l’univers est né du « Big Bang », une gigantesque explosion survenue il y a 13 milliards d’années. Celle-ci projeta la matière dans toutes les directions, lançant l’univers dans une expansion qui se poursuit de nos jours. On pourrait considérer cette version très récente de la Création comme un nouveau mythe de l’âge scientifique. Dans son essence, il n’apparaît guère différent des mythes anciens de nombreuses civilisations, qui racontent qu’un monde ordonné est né du chaos primitif. Alors, monothéisme initial, naturisme ou polythéisme ? Que savons-nous des origines après que tant de théoriciens ont supposé, sans aucune preuve solide, que la religion provenait de l’expérience des rêves pour l’un, de la crainte de phénomènes inexplicables de la nature pour l’autre, ou encore de la fascination face à l’unité et la diversité du monde ? L’idée d’un « grand dieu », chez les pseudo-primitifs, dominant une foule de petits dieux qui lui sont soumis, n’est que l’idée d’un Être suprême dans certains polythéismes et non l’idée fondamentale d’un monothéisme. Et le polythéisme est bien plus répandu dans l’histoire de l’humanité que le monothéisme, dont rien ne prouve qu’il se place, soit à l’origine, soit comme état terminal des croyances.

Venons-en maintenant au fait : la recherche des noyaux historiques, pour tenter un début de décodage de la Bible. Notre objectif est de tenter de mettre en avant les héritages de ce que l’on qualifie de premier monothéisme, ce judaïsme dont se réclame Jésus-Christ puisqu’il est né juif et mort juif (comme disait Luther), mais aussi de comprendre en quoi Jésus, pris dans une mouvance universalisante, pour ainsi dire en voie d’autodépassement, montre que l’homme peut se libérer du culte de Dieu. Dieu, d’ailleurs, n’a jamais eu besoin et n’en réclame pas. Le meilleur culte à Lui rendre, c’est le service du prochain, l’amour des autres, la justice rendue à tous, à la suite de Jésus lui-même. Bref, c’est le message de l’Évangile, qui se traduit littéralement par la « Bonne nouvelle ». Jésus lui-même se sait héritier et à aucun moment ne pense provoquer une rupture radicale avec la religion de ses pères. Nous savons en outre que, s’il y a pu avoir des frictions avec ce qu’il appelait la « tradition des pères », car il entretenait une attitude critique à l’égard des institutions juives de son temps, il n’était pas le seul à critiquer les pratiques cultuelles du judaïsme. D’autres, comme les Esseniens dont on a découvert les célèbres manuscrits dans les grottes de Qumrân en 1947, avaient pris leurs distances par rapport au Temple et à la caste sacerdotale de Jérusalem. En tout cas Jésus ne pensait pas à fonder une autre religion, dissidente par rapport au judaïsme : il attendait le « Royaume de Dieu » ! À l’époque de Jésus, le judaïsme était en pleine évolution, très éclaté, très ouvert à la culture et la pensée grecques. Rappelons que la Palestine (que l’on n’appelait pas encore ainsi) était sous l’occupation grecque puis romaine depuis trois siècles. Par la force des choses, la question d’une ouverture plus universaliste, dans un environnement païen omniprésent, se posait à tout le judaïsme. De plus, le prosélytisme des prédicateurs juifs auprès des païens cultivés connaissait beaucoup de succès. Le judaïsme avait peut-être autant de chances que le christianisme de devenir une religion universelle. Pour des raisons historiques, culturelles et proprement religieuses, c’est un autre choix qui a été fait car il y a eu rupture avec le judaïsme. La Bonne Nouvelle qu’annonce Jésus, c’est bien déjà le christianisme ; ce n’est pas un rituel liturgique nouveau ni des prescriptions légales supplémentaires et détaillés, mais une autre façon de voir Dieu. Le message de Jésus est « transfrontalier », et c’est son ouverture totale qui va provoquer la rupture, d’autant que le judaïsme rabbinique se refermera sur lui-même, en réaction notamment à la persécution romaine.

Tant de disciplines s’occupent du religieux — l’anthropologie religieuse, la sociologie religieuse, l’histoire des religions, la philosophie des religions, les théologies, etc. – que le projet que nous nous sommes donné peut sembler ubuesque. Il faudrait être inconscient ou d’une prétention inouïe pour oser affirmer faire la synthèse de ces savoirs, alors que la science des religions est en miettes. Cette réflexion s’inscrit dans une démarche transversale, pluridisciplinaire, qui ne cherche qu’à aborder quelques problèmes essentiels. Nous n’allons poser que quelques hypothèses, et surtout beaucoup d’interrogations. L’accent est mis sur la sociologie, l’histoire des religions et l’anthropologie, qui voient la religion comme une partie de la culture, afin de tenter d’expliquer les ressemblances et les différences entre phénomènes religieux dans des sociétés diverses, de l’Égypte à la Mésopotamie.

Cet ouvrage aborde les religions anciennes jusqu’au message de Jésus mais il traite essentiellement d’un concept, celui de l’acculturation, qui comprend les phénomènes qui surviennent lorsque des groupes d’individus de cultures différentes (et donc de religions différentes) entrent en contact direct et continu, et que se produisent des changements à l’intérieur des modèles culturels de l’un ou l’autre des deux groupes, ou chez les deux. Le judaïsme est le fruit de multiples rencontres culturelles, d’acculturations spontanées et forcées, mais il est devenu une religion à part entière, même si les reprises de rites ou de croyances nous renvoient parfois au plus profond des religions premières. Prendre en compte la situation relationnelle dans laquelle s’élabore une culture ne doit jamais conduire à négliger de s’intéresser au contenu de cette culture, à ce qu’elle signifie en elle-même. Jésus est celui qui bouscula l’édifice entier mais lui aussi, malgré ses rejets, gardera, consciemment ou non, nombre de traits des cultures anciennes. Après tout, il n’a à aucun moment rejeter sa religion.

 

- Voir précedemment: Eloge du métissage culturel et religieux

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