Montsalvat - le Graal sur fond de Croisade
Je ne peux m'éloigner des années 60, sans évoquer le thème des ''Cathares '' qui fut l'occasion d'un voyage mémorable de Lancelot et d'Elaine sur les terres de l'hérésie albigeoise, en 1967, je crois, avec en main le livre de Michel Roquebert, ''Citadelles du vertige ''.
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Anne-Laure, la mère de Lancelot, vouait à Pierre Benoît (1886-1962), une admiration littéraire sans bornes. Bien qu'elle lusse tous ses ouvrages, bien qu'il eut affiché des convictions royalistes (mais pas orléanistes comme la comtesse de Sallembier), et bien qu'elle eut à le croiser souvent, elle s'en était tenue éloignée du fait d'une certaine mauvaise réputation.
Lancelot, grand lecteur de ses œuvres également - au point que ma sœur Axelle se nomma comme l'une de ses héroïnes ( toutes ''en A'' ) – observa pendant l'Occupation, sa présence régulière aux dîners de l'ambassade d'Allemagne pendant la guerre, et son appartenance au comité d'honneur du '' Groupe Collaboration'' alors qu'il refusait, il est vrai, bien d'autres compromissions avec le régime de Vichy...
Pierre Benoît fut un grand écrivain, au succès considérable, avec des titres comme, Kœnigsmark qui fut choisi, en 1953, pour être le N°1, à la création du Livre de poche.
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En 1957, à l'occasion de son 40ème roman, Montsalvat, Pierre Benoît fête son cinq millionième livre vendu.
Montsalvat, de par son thème fit partie de l'immense collection de livres que nous entretenons autour du Graal. Pour ma part, sa lecture suivait celle d'un autre roman, de Zoé Oldenbourg, La pierre angulaire, chronique de trois générations à l'époque médiévale dont une partie emprunte les routes du Languedoc dévasté par la Croisade des Albigeois... Nous étions alors, juste avant la vague qui allait promouvoir les cathares comme les héros d'une grande cause occitane.
Le roman de Pierre Benoît se déroule pendant l'Occupation allemande en France en 1943.
Dans un train pour Montpellier, à côté d'un compartiment '' réservé aux officiers de la Wehrmacht '', se rencontrent un homme et une femme qui lisent le même ouvrage: un ouvrage allemand d'Otto Rahn ( Kreuzag Gegen Gral), dans une traduction française au titre '' Croisade contre le Graal''.
Ils se sont sans-doute déjà rencontrés à la faculté de Lettres, car elle le reconnaît. François Sevestre achève une thèse sur les Albigeois, et la jeune femme se nomme Alcyone de Pérella, Alcyone, du nom d'une jeune fille transformée par Junon en colombe, et de Pérella, pour le seigneur cathare de Montségur, condamné et exécuté comme hérétique au XIIIe siècle, dont elle est une descendante.
* N'existe t-il pas, selon un vers wagnérien, « une colombe … vient tous les ans lui rendre sa splendeur. C'est le Saint-Graal... » ?
* Je rappelle que ''Perceval ou le conte du Graal '' de Chrétien de Troyes date de 1183, avec ses continuations à partir de 1210.
La relique si mystérieuse est évoquée à travers le récit de la croisade contre les albigeois, de l'histoire de châteaux ou refuges pouvant Le cacher. Et donc aussi, à la recherche de Montsalvat...
* Dans le ''Lohengrin'' (1850) : Lohengrin révèle à Elsa qu’il vient d’un château nommé Montsalvat où se trouve le Saint Graal dont son père, le roi Parsifal, est le gardien.
Montsalvat, ne serait-ce pas : Montserrat, Montségur, ou simplement Montsalvy ?
Le nœud de l'intrigue se situe ici, à Montsalvy, « chef lieu de canton de 800 habitants, qui domine la vallée de la Truyère, au-dessus d'Entraygues, à une quarantaine de kilomètres d'Aurillac. », où se rend chaque semaine Alcyone.
Fin décembre; ils se rendent tous deux à Montsalvy - de Montpellier, après « le terrible plateau de La Cavalerie », Millau, Estaing - au seuil de l'Auvergne. C'est là, dans ce château où Alcyone a grandi, que vit encore sa mère, et pour l'heure, une garnison de soldats allemands.
Deux officiers sont à la recherche du Graal : le major Cassius, un antiquaire dans le civil, et le lieutenant Karlenheim, un ancien moine visiblement amoureux d'Alcyone. Ils prennent chaque jour de mystérieuses mesures dans une des salles du château, en suivant l'évolution du soleil.
Je passe sur le contexte familial de François, qui lui permet avec Alcyone, de faire équipe, autour de l'histoire du Graal, et de la recherche de ses refuges successifs.
Le lieutenant Karlenheim est tué par des maquisards. Il laisse des papiers personnels pour Alcyone, fruits de ses recherches sur le Graal.
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Après leur retour à Montpellier, François et Alcyone se retrouvent pour un départ de Lavelanet, traversée de Villeneuve-d'Olmes, puis Montferrier; et dans la nuit, sous la neige, la montée vers une forteresse appelée le Temple de la Lumière, Montségur. Dans la salle d'honneur, ils attendent un mince rayon d'or du soleil levant, qui apparaît jusqu'à désigner, gravé sur la muraille, '' une roue dentée d'un pouce de diamètre''...
Après Tarascon sur Ariège, ils passent à Lombrives dans une grotte ''macabre'', toujours pour remémorer l'itinéraire qu'a emprunté la Sainte relique, après son arrivée en Gaule apportée de Césarée de Palestine par Joseph d'Arimathie. Avant Montserrat, ils font halte à Queribus... A Granollers, ils apprennent l'accident de voiture subi par l'officier allemand Cassius sur la route de Montserrat. A l'hôpital de Sabadell, le major confie à Alcyone qu'il sait où se trouve le Graal, et avant de mourir, lui révèle « l'endroit exact qui recèle la coupe d'émeraude de Joseph d'Arimathie. »
Je ne vais pas révéler la fin de cette Quête, qui ne s'achève pas en Espagne....
Je vais juste reprendre les lieux du Graal – selon Pierre Benoît - qu'évoque Alcyone en commençant par Montsalvy, fief des Pérella comme gardiens du Graal, de la fin du VIIIe s. à 1204. De 1204 à 1244, Il sera à Montségur, d'où « le Graal s'en va chercher refuge à la cathédrale souterraine de Lombrives. Lombrives, où il demeurera jusqu'en 1328, date de la défaite définitive de l'Hérésie et de la victoire de l'inquisition. »
« A partir de cette date, ce ne sont plus les Sectateurs de l'Emeraude palestinienne chez qui elle trouve son plus sûr asile, mais bel et bien l'Eglise Catholique.... » avec Montserrat, et '' peut-être '' le monastère de San Juan de la Pena, puis la cathédrale de Valence, possibilités que semble ne pas approuver Alcyone.
Pierre Benoît n'a pas craint d'ajouter ses propres inventions à la légende des lieux qui auraient abrité le Graal... Je regrette, dans ma lecture, que le romanesque ait pris le pas sur l'Histoire, en particulier celle des Cathares...
Planète – L'Intelligence artificielle
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C'est avec un esprit de détente, et de curiosité – après la lecture du '' (Le ) matin des magiciens'' de Jacques Bergier et Louis Pauwels ( 1960) – que Lancelot feuillette le nouveau numéro de '' Planète ''. Lancelot a déjà rencontré les deux auteurs, avant qu'ils aient acquis cette nouvelle notoriété. Il a apprécié cette proposition d'incursion à l'intérieur du « réalisme fantastique » ainsi dévoilé, et il ne pouvait pas ne pas la prendre au sérieux. « Rien de ce qui est étrange ne nous est étranger ! » est le point de départ de découvertes à chaque numéro de la revue qui a été créée suite au succès du livre (500.000 ex en 1965).
Edgar Morin parle de « phénomène Planète », qui tire à 100.000 exemplaires dès les premiers numéros.
La revue mélange les genres : sciences, et science-fiction, ésotérisme et religion, sociologie et littérature...
Les auteurs s'expliquent : « On définit généralement le fantastique comme une violation des lois naturelles, comme l’apparition de l’impossible. Pour nous, ce n’est pas cela du tout. Le fantastique est une manifestation des lois naturelles, un effet du contact avec la réalité quand celle-ci est perçue directement et non pas filtrée par le voile du sommeil intellectuel, par les habitudes, les préjugés, les conformismes »
Effectivement, la mécanique quantique, les matériaux semi-conducteurs, la cybernétique offrent dans l'avenir sans aucun doute des perspectives, tout à fait matérielles, que nous avons du mal à imaginer.
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Précisément le numéro 35 de Planète propose un article de Jacques Bergier, sur la ''prévision de l'avenir'' qui fait un inventaire de quelques « bureaux d'augure ( prévision) américains et européens. » ; tels que la Rand Corporation et sa ''méthode Delphi'', une approche structurée et itérative utilisée pour recueillir les idées et les opinions d’un groupe d’experts afin de parvenir à un consensus sur un sujet spécifique.
Il cite l'organisme français S.E.D.E.I.S. fondé par Bertrand de Jouvenel, que connaît bien Lancelot, et qui reçoit son bulletin , dans lequel d'ailleurs, il avait lu, pour Jouvenel, la nécessité d’appuyer le discours politique sur les données de la science écologique pour minimiser les conséquences négatives sur la nature des activités humaines. Nous en reparlerons.
Enfin, J. Bergier présente l'Hudson Institute, un organisme de recherche fondé en 1961, par Herman Kahn, physicien, stratège nucléaire et éminent futuriste. A partir de l’analyse des systèmes et d’outils mathématiques ( théorie des jeux) , il a développé la méthode des scénarios. Il est connu pour son analyse des effets possibles d'une guerre nucléaire. Dès 1962, il met au défi les chercheurs de « penser l'impensable ».
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On lui doit l'idée de la Machine du Jugement Dernier, qui apparaît dans le film de Stanley Kubrick, “Docteur Folamour”, ( titre original : “Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb”), une comédie militaire et satirique sortie en salle en 1964.
J. Bergier annonce que les prochaines industries qui devraient gagner beaucoup d'argent, pourraient concerner : - le Laser, - la Super-conductivité qui permettraient de fabriquer de « très petites machines électriques, la fabrication d'électro-aimants permettant de produire l'énergie atomique légère ; - les Convertisseurs d'énergie qui « permettent de transformer n'importe quelle forme d'énergie en électricité. ». Il prévoit avant 1980, la naissance de l'industrie de l'automobile électrique, de robots domestiques, et de l'électronique de poche ; - la biologie moléculaire appliquée...
Le film suivant de Kubrick, en collaboration avec Arthur C. Clarke, - 2001, l'Odyssée de l'espace (1968) , permet de s'interroger si l’intelligence humaine et l’intelligence informatique fonctionnent de manière similaire.
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Dans le film, HAL est le nom du système informatique embarqué du vaisseau spatial habité Discovery One, chargé d'enquêter à l'autre bout du système solaire sur le signal émis par un monolithe basé sur la Lune en direction d'un point proche de la planète Jupiter.
HAL est un système avancé de machine pensante capable de participer avec fluidité à une conversation, via une interface de synthèse vocale optimisée. Il est apte à prendre de manière autonome des décisions et gère tous les systèmes de navigation, de contrôle et de communication du vaisseau. En principe, HAL est capable de diriger seul le vaisseau.
Un dysfonctionnement repéré par Franck et Dave, les décident à déconnecter les fonctions « intellectuelles supérieures » de HAL …
Seulement lorsque Dave demande d’ouvrir les portes de la nacelle, le superordinateur répond étrangement : « Je suis désolé, Dave. J’ai bien peur de ne pas pouvoir le faire... Cette mission est trop importante pour que je vous permette de la mettre en péril. » !
C'est lors de la conférence de Dartmouth, en 1956 que le terme '' intelligence artificielle '' a été proposé par John McCarthy, pour nommer la simulation de l'intelligence humaine.
On pourrait se demander si une Intelligence artificielle conçue pour un objectif précis, ne s'efforcera pas de l'atteindre quels qu'en soient les moyens. Sans éthique, elle pourrait même éliminer les êtres humains qui viendraient l'en empêcher...
L'intelligence humaine est combinée avec la motivation et l'objectif final. Par exemple, il nous semblerait irrationnel de vouloir compter tous les brins d'herbe du monde... Par contre, une machine super-intelligente pourrait avoir à peu près n’importe quel but final ; elle pourrait également agir de manière antithétique à nos propres intérêts.
Autre point, en Intelligence artificielle, nous pouvons concevoir des systèmes modulaires qui se concentrent sur une compétence spécifique. Par exemple, la reconnaissance d'images, ou la traduction automatique. On peut améliorer une compétence sans effet sur l'autre.
Si un humain ne peut généralement exceller dans toutes les compétences ; une Intelligence artificielle en combinant tous les systèmes, le pourrait-il ?
Le Graal, ça n'existe pas ! 7
Il n'est pas déraisonnable de penser que différents ''modes d'existence '' puissent s'interpénétrer, ce serait même une possibilité que nous offre l'anthropologie humaine telle que je la conçois. J'y viendrai après avoir repris les ouvertures proposées par Whitehead et Uexküll, dans le cadre d'un mode d'existence scientifique.
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Nous connaissons depuis le XXème siècle, un changement de paradigme ( = cadre conceptuel, grille de lecture qui structurent notre compréhension...) qui remet en cause une science ''mécaniste'', celle du XVIIe s. de Kepler, Descartes, Newton... Une vision de l'Univers qui reposait sur une machine gouvernée par des lois éternelles données par le Grand Architecte, Dieu. L'humain, seul possédait une ''âme''. Les deux modes d'existence, spirituel et matériel, étaient séparés; au point même de s'ignorer.
Elaine nous rappellerait qu'avant d'être ''moderne'', nous nous représentions l'Univers comme un organisme vivant. La Nature était vivante.
Ensuite, nous sommes passés de la métaphore de l'organisme à celles de la machine, écoutons Johannes Kepler en 1605: « Mon but est de montrer que la machinerie céleste doit être comparée non pas à un organisme divin, mais à une horloge. ( …) De plus, je montrerai comment cette conception purement physique peut être soutenue par le calcul et la géométrie. ».
A la fin d'un XIXe siècle scientiste, Lord Kelvin pensait que la science avait déjà découvert la plupart des lois fondamentales de la nature et que les découvertes futures consisteraient principalement à affiner les constantes et à perfectionner les applications. Le physicien Albert Michelson écrivait en 1903: « Les lois et les faits fondamentaux les plus importants de la science physique ont tous été découverts, et ceux-ci sont si fermement établis que la possibilité qu’ils aient jamais été supplantés à la suite de nouvelles découvertes est extrêmement éloignée. »
Erreur ! En 1915, Albert Einstein a introduit la relativité générale, une théorie révolutionnaire de la gravitation. Puis la mécanique quantique proposait des concepts contre-intuitifs comme la dualité onde-particule et l'incertitude de Heisenberg. La découverte de l'ADN, ouvrait la voie à la biologie moléculaire et à la génétique moderne.
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Une théorie qui unifierait relativité, quantique, c'est-à-dire les quatre forces fondamentales ( la gravité, l'électromagnétisme, l'interaction faible et l'interaction forte ) devrait intégrer différentes dimensions de la réalité.
Le vivant, à la différence d'une machine, est créatif. Il s'adapte à son environnement, il grandit et forme de nouvelles structures. L'approche mécaniste, tente d'expliquer le tout par les parties; ce qui finalement consiste à détruire ce qui faisait de l'organisme, un être vivant. La nature, par évolution créative, forme des entités plus grandes que la somme de leurs parties.
Selon Whitehead « la biologie est l'étude des grands organismes, et la physique celle des petits. », et de grands comme les planètes, les galaxies... L'Univers est un organisme !
Bien d'autres questions restent encore posées aux scientifiques, qui peuvent faire évoluer nos représentations..: Comment s'applique la loi de conservation à la matière noire, à l'énergie noire...? Que penser de la création continue d'énergie noire, proportionnelle à l'expansion de l'Univers? Quelle quantité d'énergie contient le vide quantique?
D'où viennent et comment sont mémorisées les lois et constantes de l'Univers? Sont-elles fixes, évolutives?
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L'anthropologie chrétienne des Pères de l'Eglise, - avec la représentation de l'humain, comme ''corps-âme et esprit'', est l'expression spirituelle de cette dynamique. L'humain est un être unique et intégré, et entre corps, âme et esprit, s'exprime une dynamique complexe et interconnectée. Nous sommes loin du dualisme dans lequel le corps et le tombeau de l'âme...
'' Avant la révolution mécaniste du XVIIe s. il existait trois niveaux d'explication: le corps, l'âme et l'esprit. Le corps et l'âme faisaient partie de la Nature. L'esprit était immatériel mais interagissait avec les être matériels à travers leur corps et leur âme. Après la révolution mécaniste, l'âme est devenue un fantôme immatériel enfermée dans la machinerie du corps, elle disparaissait de la Nature. Nous sommes passés dans la dualité ''Matière-Esprit'', puis il n'y en eut plus qu'une, ''la Matière''.''
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Avec la Quête, la légende du Graal nous ramène à l'anthropomorphisme ternaire, par la richesse et la complexité de son symbolisme. La quête représente une dimension physique du voyage. Les chevaliers entreprennent des quêtes ardues, traversent des épreuves physiques et démontrent leur bravoure et leur force. L'objectif ultime nécessite, par le corps, une purification et un dépassement. Et, bien-sûr, les chevaliers doivent démontrer des vertus telles que la loyauté, la foi, la chasteté et la charité. Le chemin vers le Graal est souvent ponctué de tentations et de défis moraux, symbolisant l'épreuve de l'âme et son élévation spirituelle. Mais, la Quête présente avant tout une dimension spirituelle et divine. Le Saint Graal - calice contenant le sang du Christ - est associé à l'expérience du divin.
Le Graal, ça n'existe pas ! 6
Je ressens le besoin, en conclusion de cette longue réflexion sur l'existence d'une chose – et à partir des notes de Lancelot que je viens de vous transcrire - de faire ma synthèse.
Il y a plusieurs manières d'être et elles ne sont pas limitées par la matérialité. Nous n’avons accès qu’aux phénomènes, pas aux '' choses en soi ''. Croyance et connaissance se confrontent, s'entraident... Le réel est-il rationnel dans la manière dont il nous apparaît ?
L'humain est-il un ''étant'' comme les autres ? Le Graal est-il le chemin de la Nature à la Grâce?
* Je ne tiens pas – et c'est important de le noter – à passer à une parole essentiellement religieuse ou spirituelle; je tiens à appuyer ma réflexion sur ce qui ''existe '', sur ce qui est d'ordre naturel; aussi je tente ( en priorité) de comprendre l'avancée conceptuelle de philosophes et de scientifiques....
Pour clore ces réflexions sur ''ce qui existe'', je reviens vers quelques idées parmi celles de Alfred North Whitehead, que j'arrive à conceptualiser.
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Je n'oublie pas que Lancelot nous en parlait souvent: Whitehead - Les légendes du Graal
Alfred North Whitehead (1861-1947) était un mathématicien et un philosophe,. A Cambridge, sa thèse portait sur la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell, qui a été un développement majeur dans les idées qui ont conduit aux théories de la relativité restreinte et générale d’Einstein. Il est devenu le tuteur de Bertrand Russell au Trinity College dans les années 1890; il a collaboré avec son ancien étudiant sur "Principia Mathematica", un ouvrage majeur en logique mathématique.
Alors que sa carrière de mathématicien universitaire touchait à sa fin; il se consacre à des travaux philosophiques, comme son Enquête sur les principes de la connaissance naturelle, Le concept de la nature et Le principe de la relativité, publiés entre 1919 et 1922.
L’apogée de son œuvre métaphysique est venue avec son monumental Process and Reality en 1929 et ses Adventures of Ideas en 1933. Sa lecture est difficile. Il n'est pas étonnant que pour Whitehead, la connaissance est une aventure dans laquelle l’individu doit se lancer tout entier, une véritable Quête... Il parle également que '' les idées ne flottent pas en l’air comme des spectres : dans la mesure où elles sont vraies, elles appartiennent à un monde idéal qui est aussi un « modèle » des processus de la nature.''
Whitehead y jette les bases de son « principe ontologique », rejetant le dualisme corps-esprit. Il vise à construire une cosmologie capable de rendre compte d'un univers en devenir, c'est-à-dire en perpétuel processus de transformation.
Pour Whitehead le réalité n'est pas composée d'une collection d'objets statiques, elle est un flux constant de processus et d'interactions.
Jakob von Uexküll (1864-1944). Naturaliste et biologiste allemand, fit ses études à Heidelberg. Il partage, avec Whitehead l'idée que la réalité est subjective et dynamique, et insiste sur l'importance de l'expérience individuelle et de l'interconnexion entre les êtres vivants et leur environnement.
Chaque espèce voit le monde à travers ses sens et sa représentation. La Terre est peuplée de ''mondes'', dont celui des humains. Une « illusion repose sur la croyance en un monde unique dans lequel s’emboîteraient tous les êtres vivants. De là vient l’opinion commune qu’il n’existerait qu’un temps et qu’un espace pour tous les êtres vivants. »
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Le monde propre de chaque être vivant est nommé par le concept de l'Umwelt ( milieu) qui souligne comment différents organismes vivants peuvent expérimenter des mondes différents au sein du même environnement. Cela renforce l'idée que la réalité est un tout interconnecté, où chaque acteur contribue à la formation du tout.
Plus avant, Uexküll, constate qu'« il est impossible d'expliquer la finalité des êtres vivants à partir de forces matérielles », la vie n'est pas réductible à des phénomènes mécaniques...
J’appelle une ''chose'' toute entité concrète ou non, comme un événement, concept, objet ou être que je n'ai pas encore distingué...
Ensuite je peux appeler ''être '', tout simplement '' ce qui existe '', cela englobe tout ''ce qui est'', indépendamment de sa nature. Avec un ''plus'' par rapport à la ''chose'', c'est que '' l'être '' ''est'': c'est à dire – et là je reprends la philosophie du process, ou du processus de Whitehead - qu'il est un processus dynamique et en perpétuel devenir. Chaque "être" est une occasion d'expérience. Cet être interagit avec d'autres entités dans un réseau complexe de relations.
Il me semble que l'ontologie définie ainsi par Whitehead, c'est à dire que chaque "être" est défini par ses interactions et ses relations avec d'autres êtres, faisant partie d'un tout interconnecté et évolutif; cette ontologie correspond bien aux changements de paradigmes que nous oblige la science, à savoir la remise en cause d'une science mécaniste qui ''objective'' la nature ( selon notre vieux réflexe d'appréhender toute chose dans une relation '' objet – sujet '' …) en l'assimilant à une machine. Cette science isole chaque partie, en l'objectivant, et nous fournit un modèle de type ''horloger'' qui fonctionne d'ailleurs en partie ( la physique de Newton) ; mais qui nous apparaît insuffisant aujourd'hui en particulier à l'échelle de l'Univers, ou des particules; et même pour la biologie, l'écologie...
Également sur le plan religieux ( nous y reviendrons) cette appréhension de la réalité, contredit un monde séparé en deux: La matière et l'Esprit.
Je retiens pour mon compte une méthode pour tenter de connaître cette réalité.
Ainsi, si vous me proposez de m’intéresser à une ''chose'': une fleur, un tableau, une expérience de mort imminente, celle d'un OVNI, du Graal, de Dieu, d'une guérison miraculeuse, d'une apparition, d'un amour... etc
Mon attitude face à cette expérience rapportée et sincère, ne devra pas m’amener à dire:
- Comment cela se fait-il que vous croyez à quelque chose qui n'existe pas?
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Ce qui me semble raisonnable, serait de dire: - Partagez-moi, quelque chose du mode d'existence de votre expérience pour m'aider à me représenter comment vous comprenez ''le monde''. En effet, chaque expérience a un régime d'existence particulier, par exemple celui du droit, ou de la technique, ou de la religion, etc ... Un protocole scientifique et un rituel religieux, n'appartiennent pas au même mode d'existence.
De même, je ne pourrai pas juger un ''être '' à l'aune de mon ''gabarit '' c'est à dire de mon modèle organisateur... par exemple, si je dis:
- Si ce que vous me dites est vrai, prouvez-le scientifiquement...
Ce qui pourrait revenir à dire: - si c'est vrai, alors c'est un ''objet'', faites-le moi apparaître. En effet, objet désigne une chose dont les propriétés seraient perçues comme indépendantes de l'observateur, et donc objectivement vérifiables.
- Et s'il n’apparaît pas, alors c'est dans votre tête, c'est une subjectivité.
Bruno Latour, dirait que je suis ''impoli'', et qu'il s'agit d'une faute de dé-ontologie.
En effet, dans ce cas j'insiste pour un régime d'existence dans lequel aucun des êtres ne se trouve à l'aise, pas plus les êtres scientifiques que les autres, et pas les objets techniques...
Chaque mode d'existence pose ses propres critères de validité et ses propres vérités, soulignant la diversité des perspectives.
Personnellement, pour tenter de comprendre l'autre, de partager son expérience; je m'inspirerai de la méthode phénoménologique, dont j'ai déjà parlé.
- Prendre du recul. Ignorer mes préjugés...
- Observer.
- Tenter de vivre une expérience similaire.
- Interroger, écouter, dialoguer.
- Utiliser l'interdisciplinarité, les connaissances de diverses disciplines...
- Tenter de se mettre à la place de l'autre.
- Utiliser des récits, des expériences de pensée, des métaphores et des analogies pour imaginer et communiquer les expériences d'un autre ''être''. La littérature et l'art peuvent être des moyens puissants pour explorer et exprimer des perspectives différentes.
- Ceci est à comprendre, et à adapter selon la qualité de l'être, ou l’expérience rapportée....
Le Graal, ça n'existe pas ! 5
'' Le Graal existe t-il ? ''
Je reviens à la question de l'être : '' est '' = ce qui est réel.
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La phénoménologie, me semble t-il, nous invite à approfondir la réalité des choses ; et examiner toutes les dimensions de l'être d'une chose.
Heidegger dirait que '' l'être de l'étant '' c'est la nature de la relation que nous avons avec cet ''étant'' ( un peu comme si je réfléchissait sur '' la vie de ce vivant'' .
La plupart des étants que nous côtoyons sont des outils : ils ont une fonctions utilitaire ; et l'être d'un outil ce n'est pas la subsistance de cette chose. L'outil n'est pas qu'une chose posée devant nous, l'être de l'outil est dans l'usage que nous en faisons.
L'être d'une chose est dans sa subsistance, il est aussi, et – en premier - dans la manière dont il se donne.
A noter que l'outil, n'est pas condamné à être un outil ; le mode d'être de la chose dépend de ce que nous décidons d'en faire : on peut s'asseoir sur un coffre, ou un rocher, on peut s'asseoir et profiter de l'ombre d'une arbre... L'être, comme outil, ne réside pas dans la chose, il réside dans le rapport à la chose.
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La question essentielle, c'est l'être de l'humain. L'humain est-il un étant comme les autres ?
L'être humain, m’apparaît comme un étant qui s'interroge sur l'être ; et peut-être même, l'être de l'être humain est de se poser la question de l'être.
Il a la capacité de se questionner. Il ne peut donc se résumer à sa corporéité.
- Ok, je pense donc je suis... Descartes l'avait dit.
- Oui. Alors allons plus loin : Si l'être de l'homme est dans la conscience, peut-on ''substantialiser '' la conscience ?
- Descartes a dit : « l'homme est une substance pensante. »
- Il était dualiste : L’homme, comme être pensant, posséderait une nature constituée de deux substances distinctes : une substance pensante et une substance corporelle...
Husserl, rejette l'idée de Descartes, que la conscience serait une composante matérielle. Pour s'expliquer, Husserl propose ce qu'il appelle '' l'attitude transcendantale ''.
Je vais tenter de comprendre ce qu'il nous en dit : le monde apparaît à notre conscience, et nous constituons le sens du monde, à travers notre conscience. Il s'agit d’explorer comment nous donnons du sens aux choses et comment ce sens émerge de notre expérience.
Ce qui caractérise l'homme, en plus de sa conscience ; c'est qu'il n'est pas figé dans son être, comme on pourrait penser d'un animal ; sa conscience le rend capable de réinventer son ''essence ''.
Heidegger critiquait aussi la position de Descartes : il pensait que l'humain était d'abord un être engagé dans le monde, et que l'existence précédait la pensée. L'essence de l'humain résiderait dans son ''être au monde '', le '' Dasein ''…
- Mais .. ?! L'essence ne se distingue t-elle pas de l'existence, n'est-elle pas la nature véritable de l'être ? D’ailleurs, Husserl – dans sa méthode phénoménologique – suspend son jugement sur les contenus des phénomènes, afin de préserver leur essence ….
- En effet... Pourtant, pour Heidegger, l’essence de l’homme réside dans son existence.
Et Sartre rajoute : '' l’existence précède l’essence ''. L’homme n’a pas de nature prédéfinie ; il se définit par ses choix et ses actions.
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- Edith Stein a encore une position différente, celle que je préfère : - l’essence est inséparable de l’existence concrète d’un être. L'essence n'est pas une abstraction, elle est une structure qui se manifeste dans l'existence ; elle réside dans la singularité de la personne, l'âme en étant le noyau.
- L'âme … ? Comment les philosophes abordent cette notion ?
- Je dirais, pour Husserl que l'âme se déploie dans la conscience, elle représente notre subjectivité. Elle n'est pas une substance distincte du corps... De même pour Heidegger, pour qui l'âme est sans-doute liée au Dasein et à la quête de sens...
Edith Stein, rejoint Heidegger, mais rajoute que l'âme est le noyau dynamique de l'essence de chaque personne. Son intuition est que l''âme de l'humain ne serait pas que d'ordre naturel comme les autres vivants mais d’ordre proprement spirituel.
L’âme, par définition, impliquerait un espace intérieur dans l’organisme, humain ou animal.
Edith Stein souhaitait '' expliquer le mystère de l’existence humaine et surtout de son essence en devenir tout au long de sa vie libre et rationnelle.''
« Saisir le sens du réel » comme elle disait, consiste à articuler la rationalité philosophique à la vérité révélée.
Edith Stein adopte la méthode phénoménologique pour aborder le '' vécu de l'âme '' . Elle souhaite remplir cette notion d’un contenu d’expérience, et même '' redonner une pertinence philosophique à une notion devenue aujourd’hui très controversée.'' L'âme est « quelque chose qui peut nous apparaître et se faire sentir, tout en restant toujours pleine de mystère »
Edith Stein, en chrétienne, étend sa recherche dans le domaine de la personne pour passer « de la nature à la grâce ». C'est à dire passer à une anthroposophie ternaire ''corps-âme-esprit'' . L'âme aspire à une réalité au-delà de la nature. Nous le verrons plus tard...
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Le Graal, est l'aboutissement du passage de la nature à la grâce. Il est une voie aux questions que je me pose et ne me pose pas encore. Le Graal représente l'existence de Ce qui ne peut se suffire à n'être qu'un objet physique. Le Graal se raconte et se transmet. Le Graal n'est pas le but, il est le Chemin.
Voilà, ce que Lancelot aurait pu répondre au libraire de Fléchigné.
Il aurait pu aussi parler de la Coupe, image du Graal.
Le Graal se reconnaît dans la Coupe du dernier repas qui annonce la mort, et la Présence vivante ( résurrection) de l'Homme-Dieu dans toute sa création. Je l'ai déjà évoqué, nous en reparlerons.
Le Graal, ça n'existe pas ! 4
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Revenons à Kant et à sa critique de la métaphysique. Je fais l'hypothèse en effet, que le Graal est un objet métaphysique.
La métaphysique explore la nature de la réalité, sachant que la réalité ne se limite pas à ce qui est directement accessible par nos sens.
La réalité est plus vaste que ce que nos sens peuvent appréhender. Elle englobe à la fois ce qui est tangible et ce qui est plus profondément caché, comme les idées, les lois naturelles, et même les réalités mathématiques. Aussi, la métaphysique s’intéresse aux questions telles que l’existence de Dieu, la nature de l’âme, du temps et de l’espace...
Kant nous interroge sur ce que nous pensons de la connaissance des choses.
Avant Copernic, nous dit-il, il nous semblait observer que le soleil tournait autour de la terre. Or, c'est l'inverse. De manière similaire, il nous semble que l'objet est au cœur de sa connaissance ; mais Kant replace la conscience au centre puisque c’est elle qui crée l’univers par l’acte de perception. ''Ce n'est donc plus l'objet qui oblige le sujet à se conformer à ses règles, c'est le sujet qui donne les siennes à l'objet pour le connaître'', nous dit-il, dans la préface de la Critique de la raison pure. Au risque de me répéter, avec Kant, nous réalisons que '' nous ne pouvons pas connaître la réalité en soi, mais seulement la réalité telle qu'elle nous apparaît sous la forme d'un phénomène.''
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Il me semble d'ailleurs que la science confirme cet état de fait, ainsi pour ce qui est de l'espace : l'espace est une catégorie de notre sensibilité que nous projetons sur les choses . L'espace est dans notre tête ; c'est ce qui fait que nous nous faisons avoir par des dessins-perspective en trompe-l’œil : nous projetons de l'espace là où, nous interprétons la profondeur, alors que nous ne voyons en réalité que des ombres et des nuances de couleurs. Einstein, nous le redit pour ce qui est de l'espace et du temps, par raisonnement et observation scientifique...
Pour Kant il en va de même pour toutes nos catégories ( quantité, causalité, …) qui nous servent à connaître.
Cependant, dit Kant, la métaphysique cherche à étudier la '' réalité en soi '' qui est inconnaissable !
Pourtant, il faut bien qu'il ait une réalité avec des ''choses en soi '', pour qu'il existe des apparences, des phénomènes... ? Une réalité inconnaissable, est encore une réalité. Et, une chose en soi est un objet métaphysique. Une chose en soi, cause des phénomènes.
Kant est obligé de renier l'inconnaissabilité de la réalité en soi et de lui appliquer les catégories interdites telles que par exemple l'existence ou la causalité. Kant doit donc faire de la métaphysique pour interdire la métaphysique. Cette contradiction a été soulevée presque dès la publication de La critique de la raison pure avec Jacobi en 1815.
Je retiendrais que :
- Nous projetons des catégories a priori c'est à dire non dérivées de l'expérience dans notre propre expérience : c'est à prendre en compte.
- Si le réel est lui-même rationnel, et non un chaos informe... Il doit exister une certaine cohérence entre la réalité et la façon dont les choses nous apparaissent...