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Les légendes du Graal

realite

Edgar Morin

2 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Complexité, #Réalité

Elaine a obtenu en 1965, à la Sorbonne, son diplôme d’études supérieures en Histoire, et en 1966, elle prépare une agrégation ( agrégation féminine d'histoire et géographie ).

Après sa réussite à l'agrégation, elle est nommée au Lycée de Caen-Normandie, ce qui correspond à son souhait. Son université, avec une statue de Phénix à l'entrée du campus, est alors considérée comme la plus moderne d’Europe. Elle y fera connaissance de François Neveux, professeur en Histoire médiévale, et du médiéviste Lucien Musset à l'Université de Caen.

Elaine se lie d'amitié avec Yolande de Pontfarcy, qui après des études de lettres, et un doctorat à Rennes devient une spécialiste de la littérature courtoise et arthurienne. Elle part enseigner à Dublin.

Elaine se partage entre Caen, Fléchigné et Paris où elle retrouve Yvain.

Edgar Morin

Lancelot regrette de ne pouvoir retrouver plus souvent Edgar Morin. Toutes les disciplines l'intéresse, et depuis sa rencontre en Allemagne, Lancelot admire sa pensée qui relie des éléments disparates et leur donne sens.

Et surtout, comme il l'exprime lui-même, son « obsession essentielle est celle qu'exprimait Kant et qui ne cesse de m'animer : Que puis-je savoir ? Que puis-je croire ? Que puis-je espérer ? Inséparable de la triple question : qu'est-ce que l'homme, la vie, l'univers ? » Lancelot ne peux que s'y retrouver.

Même si, pour lui, le mystère du divin, ne peut s'incarner ni se personnaliser, Morin rejoint Lancelot sur son attachement à un livre, les ''Pensées'' de Pascal. Pascal, dont il retient ce principe : « Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître les parties…» et qu'il met en exergue de son travail.

 

Après avoir publié, en 1951, son premier livre "L'Homme et la Mort", Edgar Morin est exclu du Parti Communiste. Il s'en explique, avec lucidité et courage dans son livre "Autocritique" publié en 1959. Il devient un spécialiste du cinéma, et part en 1960-1962 en Amérique du Sud. Il publie '' L'esprit du temps'' : exploration de la culture de masse et ses impacts sur la société.

Il est le principal animateur de la revue Arguments qui paraît de 1956 à 1962.

Ecrivain prolifique, il s'inscrit très activement en recherche, particulièrement sociologique avec son projet de recherche multidisciplinaire à Plozévet, en Bretagne, en 1965 ; puis sur la ''Rumeur d’Orléans'', « une rumeur étrange (la disparition de jeunes filles dans les salons d’essayage de commerçants juifs) s’est répandue, sans qu’il y ait la moindre disparition, dans la ville dont le nom symbolise la mesure et l’équilibre : Orléans ». Edgar Morin et une équipe de chercheurs ont mené l’enquête sur place.

En 1968, Morin remplace Henri Lefebvre comme professeur de philosophie à l’Université de Nanterre et s’implique dans les révoltes étudiantes en France. Il écrit une série d’articles pour Le Monde et analyse ce qu’il appelle "La Commune étudiante".

En 1969, il passe une année à la Jolla, en Californie, où il étudie au Salk Institute for Biological Studies. Pendant cette période, il écrit son “Journal de Californie”, qui documente ses expériences et réflexions sur la contre-culture américaine et les mouvements sociaux de l’époque.

En 1970, il est nommé Directeur de Recherche au C.N.R.S.

De ses travaux sociologiques et anthropologiques, il va évoluer vers une entreprise de réflexion plus systématique sur la connaissance et sur l’homme dans le cadre de ce qu'il va appeler '' la pensée complexe ''.

Sa vie affective est aussi compliquée, et avant son divorce d'avec Violette ; il rencontre une actrice, mannequin et écrivaine québécoise, en juin 1964 par hasard à Paris, Johanne Harrelle. Ils se marient en 1972.

En 1963, à San Francisco « entre ciel et eau, dans le brouillard, sur le Golden Gate Bridge. », c'est la rupture, l'arrêt, la maladie. Au Mount Sinaï Hospital, « je suis en convalescence de mort et de naissance... C'est la paix.... C'est la pause. » .

 

Lancelot et Edgar Morin ont tous les deux connus Gaston Bergery. Morin raconte qu'il ne l'avait pas vu depuis avant la guerre. C'était en 1963, il va lui serrer la main ; Bergery semble le reconnaître, Morin lui parle du frontisme pour lequel, étudiant, il militait. Bergery répond « comme tous les gens bien. ». Puis, sa femme lui demande s'il est « Edgar Faure, père ou fils ? ».

Lancelot et Morin ont souvent échangé sur le rôle ambigu du BMA ( Bureau des menées antinationales ) pendant la guerre. Lancelot l'a documenté sur ses propres activités et de quelques opérations de contre-espionnage contre les allemands. À la suite du débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942, l’Armée d’armistice a cessé d’exister ; s'est créée de ses rangs l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA). Les unités stationnées en Afrique ont rejoint les Alliés et ont été intégrées dans l’Armée française de la Libération.

Morin évoque également sa rencontre avec François Mitterrand., en vue d'unifier leurs mouvements, dans un café ou chez Minette Anthelme par exemple ; qui fut arrêtée un peu plus tard... Après s'être évadé d'un stalag en novembre 1941, Mitterrand avait rejoint Vichy, et travaillé aux Commissariat des prisonniers de guerre. Il restait confiant en le Maréchal ; cependant par l'entremise du BCRA, il va monter un réseau de résistance - le réseau Mitterrand-Pinot fondé en février 1943 - qui sera financé par l'ORA.

 

A propos de Planète, revue que Morin qualifie de « brouillonne ou bouffonne, fumiste ou fumeuse... », il pense qu'elle est le signe que le temps serait à la ''science-fiction''. Lancelot lui suggère '' pour remonter le niveau '' de proposer un article.

A plusieurs reprises, Morin reconnaît à Lancelot, une part d'inconnu dans le devenir... Il parle même de nous efforcer de communiquer avec '' l'énigme ''. Mais s'empresse d'ajouter : énigme « que je ne suis pas gâteux au point d'appeler éternité. »

Lancelot insiste : s'il est si sûr de lui, il doit se prononcer : - qu'est la ''vraie '' réalité ?

Il répond que la science part à la conquête de la réalité, chassant la magie... Il lui semble qu'elle est plus mathématique que physique. Ondes et corpuscules ne sont que des symboles.

- La réalité souffrirait-elle d'une insuffisance d'être ?

La réalité est à la fois réalité et illusion. Il s'agit de « concevoir la réalité comme une donnée relationnelle – née tout d'abord évidemment du rapport entre l'homme et le monde – c'est la concevoir aussi, et surtout, non, comme une donnée simple, mais comme complexe ».

 

Edgar Morin a le réflexe de la contradiction. La conversation avec lui est une aventure, on ne sait où elle nous mènera.

- Ne pourrait-on pas dire que notre réalité est la symbiose du concret ( le vécu) et de l'abstrait ( le rationnel) ?

Oui, et alors le ''concret-vécu '' appelle tout ce qui relève de l'affectivité, du fantasme, de l'imaginaire ; et la notion '' d'abstrait-rationnel'' de tout ce qui est la loi, les mathématiques, la logique. Le pur vécu, sans rationalité, devient fantasme, donc irréel. La pure mathématique privée d'applications empiriques est idéelle-irréelle.

- Et le mythe ?

Prenons l'Alchimie, le symbole y est à la fois abstrait et concret. Il est idéal, formalisé, structuré et en même temps gorgé de substance affective.

- le Graal ?

Ce symbole a la matérialité, et devient plus que la réalité, puisque qu'il est le centre de fixation de la plus haute présence, celle d'un être d'esprit comme l'hostie.

Le mythe est encore plus proche de la réalité parce qu'il constitue, comme la réalité, un univers.. Le mythe est un discours-univers qui a sa logique, sa structure et en même temps il est gonflé à bloc de vertus magico-affectives. Le mythe est, de plus, profondément inscrit dans l'expérience quotidienne de celui qui le vit.

Sources : Edgar Morin – Journal 1962-1987

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Le Graal, ça n'existe pas ! 4

4 Novembre 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Philosophie, #Réalité, #Kant

Revenons à Kant et à sa critique de la métaphysique. Je fais l'hypothèse en effet, que le Graal est un objet métaphysique.

La métaphysique explore la nature de la réalité, sachant que la réalité ne se limite pas à ce qui est directement accessible par nos sens.

La réalité est plus vaste que ce que nos sens peuvent appréhender. Elle englobe à la fois ce qui est tangible et ce qui est plus profondément caché, comme les idées, les lois naturelles, et même les réalités mathématiques. Aussi, la métaphysique s’intéresse aux questions telles que l’existence de Dieu, la nature de l’âme, du temps et de l’espace...

 

Kant nous interroge sur ce que nous pensons de la connaissance des choses.

Avant Copernic, nous dit-il, il nous semblait observer que le soleil tournait autour de la terre. Or, c'est l'inverse. De manière similaire, il nous semble que l'objet est au cœur de sa connaissance ; mais Kant replace la conscience au centre puisque c’est elle qui crée l’univers par l’acte de perception. ''Ce n'est donc plus l'objet qui oblige le sujet à se conformer à ses règles, c'est le sujet qui donne les siennes à l'objet pour le connaître'', nous dit-il, dans la préface de la Critique de la raison pure. Au risque de me répéter, avec Kant, nous réalisons que '' nous ne pouvons pas connaître la réalité en soi, mais seulement la réalité telle qu'elle nous apparaît sous la forme d'un phénomène.''

Il me semble d'ailleurs que la science confirme cet état de fait, ainsi pour ce qui est de l'espace : l'espace est une catégorie de notre sensibilité que nous projetons sur les choses . L'espace est dans notre tête ; c'est ce qui fait que nous nous faisons avoir par des dessins-perspective en trompe-l’œil : nous projetons de l'espace là où, nous interprétons la profondeur, alors que nous ne voyons en réalité que des ombres et des nuances de couleurs. Einstein, nous le redit pour ce qui est de l'espace et du temps, par raisonnement et observation scientifique...

Pour Kant il en va de même pour toutes nos catégories ( quantité, causalité, …) qui nous servent à connaître.

 

Cependant, dit Kant, la métaphysique cherche à étudier la '' réalité en soi '' qui est inconnaissable !

Pourtant, il faut bien qu'il ait une réalité avec des ''choses en soi '', pour qu'il existe des apparences, des phénomènes... ? Une réalité inconnaissable, est encore une réalité. Et, une chose en soi est un objet métaphysique. Une chose en soi, cause des phénomènes.

Kant est obligé de renier l'inconnaissabilité de la réalité en soi et de lui appliquer les catégories interdites telles que par exemple l'existence ou la causalité. Kant doit donc faire de la métaphysique pour interdire la métaphysique. Cette contradiction a été soulevée presque dès la publication de La critique de la raison pure avec Jacobi en 1815.

Je retiendrais que :

- Nous projetons des catégories a priori c'est à dire non dérivées de l'expérience dans notre propre expérience : c'est à prendre en compte.

- Si le réel est lui-même rationnel, et non un chaos informe... Il doit exister une certaine cohérence entre la réalité et la façon dont les choses nous apparaissent...

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1984 de George Orwell - 2

19 Mars 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1984, #Orwell, #Réalité, #Simone Weil

La ''réalité en soi'' serait-elle dépendante de l'esprit humain ?

Évoquer la réalité ''en soi'' vient de Kant : ce serait dire qu'il y a, dans le monde, des faits entièrement indépendants du langage ou du cadre conceptuel que nous utilisons pour les décrire. Et bien, Kant pense que la réalité en soi, n'est pas connaissable.

Pourtant, un cadre conceptuel, comme la science, montre que la réalité est intelligible. La connaissance s'inscrit dans ce cadre et figure la coopération entre un être intelligent et son environnement intelligible. Même ainsi, cette connaissance, qui n'est peut-être que partielle, n'est pas seulement dépendante de l'esprit humain....

 

Pour en revenir à 1984, O'Brien, tente de persuader Smith que la réalité n'existe que dans l'esprit humain - mais pas dans l'esprit individuel, ce serait l'objet de désordres - dans l'esprit d'une institution ( un collectif immortel ) comme ici, le Parti. Tout ce que le Parti tient pour être la vérité, est la vérité. Il est impossible de voir la réalité si on ne la regarde pas avec les yeux du Parti.

Finalement, y aurait-il une réalité extérieure, hors celle décrite par le parti ? Non. Si la notion de Vérité a un sens, c'est celle que le Parti tient pour vrai, et qui justifie qu'il existe un ''Ministère de la Vérité''.

Le passé n'est qu'une représentation qui se fabrique dans l'esprit collectif et immortel du Parti.

 

Lancelot se souvenait de ses discussions avec l'abbé Degoué, qu'il eut la chance d'avoir comme maître à Fléchigné, alors que sévissait la Première Guerre.... Le prêtre lui présentait la philosophie idéaliste de Berkeley ( début 18è siècle). Elle pouvait se présenter ainsi : L'arbre que je perçois, n'est que cette somme de perceptions. La réalité ( la matière ) est un produit fabriqué par notre esprit.

- Alors, quand je ne regarde plus l'arbre, existe t-il encore ?

- Oui, si on considère que Dieu est à la source de mes idées, de mes perceptions. C'est Lui qui coordonne cette réalité.

Cet idéalisme outrancier, correspond à celui promu par Big Brother. La seule réalité est ce que perçoit le Parti.

 

Allons plus loin. Winston Smith interroge : - Big Brother existe-t-il ?

- Naturellement, il existe. Le Parti existe. Big Brother est la personnification du Parti.

- Existe-t-il de la même façon que j’existe ?

- Vous n’existez pas. !

« Vous n’existez pas », ne contenait-il pas une absurdité logique ? Se demande Winston...

 

Dans 1984, le rôle de la '' Police de la pensée '' n'est pas seulement d'arrêter, de punir, d'avoir des aveux publics ; c'est de contrôler, soigner, laver la pensée. L'individu, pour son bien, et le bien du collectif, doit croire sincèrement à ses aveux, il doit se repentir et finir par aimer ''Big Brother''.

Ce qu'il faut retenir de 1984, ce sont une série de thèmes : la novlangue, l'utilisation extrême de la propagande, de la censure et de la surveillance, les slogans qui signifient le contraire de ce qu'ils disent, la réécriture de l'histoire, la double pensée, le crime de la pensée, la police de la pensée, etc., qui interroge notre monde sur la véracité de ce qui est annoncé. C'est à dire, qui interroge notre confiance en une parole ; et en celui qui la porte... Il y a là un mal qui ronge notre temps, même en Eglise, sûrement...

 

Pour George Orwell, ( selon James Conant ( philosophe américain)) avoir une ''intelligence libre'', c'est « concevoir la vérité comme quelque chose d'extérieur à soi, comme quelque chose qui est à découvrir, et non comme quelques chose que l'on peut fabriquer » ou préfabriqué. Le totalitarisme veut briser la personne en détruisant « ses croyances fondamentales, celles où son identité est en jeu », en le détachant de la réalité, en interdisant l’expression de sa pensée, et en dictant ce qui doit être pensé.

 

Pour le Christ ( c'est à dire ''l'homme Jésus en Dieu'' ), devant la question de Pilate à un homme qu'il va condamner à mort :

- « Qu’est-ce que la vérité ? »...

Devant cette question, qui relativise toute vérité, qui affirme peut-être même qu'il n'y a pas de vérité. Ou encore, qu'il doit décider, lui, ce qu'est la vérité....

Le Christ répond : « Je suis la Vérité. ». Autrement dit : '' Je témoigne de la Vérité, « Le Père et moi, nous sommes un ». Il s'agit d'une vérité vivante parce qu'humaine, et ''Toute Autre'' parce que divine.

Simone Weil ( morte à 34ans, en 1942), est précisément pour Lancelot, alors qu'il redécouvre sa pensée, une chercheuse de Vérité ( du Graal ). Au nom de cette Vérité, elle fréquente les syndicalistes révolutionnaires (1935), elle s'engage sur le front espagnol (1936), elle rejoint la résistance à Londres. Elle interroge l’institution-Église et désavoue parfois ses choix. Elle dénonce l'endoctrinement de la pensée ; elle se retrouve souvent seule et incomprise.

Elle refuse que l'individu soit subordonné à la société, c'est l'enjeu de la démocratie. L'homme doit penser par lui-même, exercer son « attention » c'est à dire laisser disponible son esprit à recevoir la vérité.

Lancelot se souvient bien de son témoignage sur la souffrance qu'elle avait ressentie à l'usine, où le seul moyen de survivre était d'arrêter la pensée.

Ce qui la choquait, dans l'histoire de l’Église, c'est qu'elle ait brûlé des hérétiques, qu'elle condamne encore les ''mauvais croyants'', par cette formule « anathema sit », et qu'elle affirme que « hors de l’Église, point de salut ». Il y a , disait-elle, un « malaise de l’intelligence dans le christianisme », et « partout où il y a malaise de l’intelligence, il y a oppression de l’individu par le fait social, lequel tend à devenir totalitaire ».

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Quel lien entre la Réalité et la théorie physique ?

9 Novembre 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #physique, #Réalité, #Duhem

Frédéric Joliot

Frédéric Joliot, au sein de l'université, mène une vie clandestine qui s’avérera critique par la présence d'un agent double... Ses rencontres avec d'autres intellectuels, les entraînent à réfléchir aux conséquences de découvertes comme la fission de l'atome. Certains sont attirés par le régime soviétique.

Joliot travaille sur le cyclotron ; il prépare les '' jours d'après '' et prévoient la construction de ''générateurs de projectiles transmutants'', et la formation des hommes qui devront les fabriquer.

Il republie des notes sur les réactions nucléaires, et la radiobiologie.

Joliot est persuadé que les allemands ne sont pas prêts à fabriquer une bombe nucléaire, ils ont fait peu de progrès sur l'uranium ; ils n’utilisent pas le cyclotron pour des projets militaires. Par ailleurs, il a su compter sur Gentner, qu'il qualifie d' ''anti-nazi'' ; qui a été rappeler à Heidelberg parce que trop ''proche'' des français; et sur Hans Jensen qui vient d'arriver et que Gentner lui a présenté comme un ''ami'' ; à la différence de Wolfgang Riezler, chargé de le remplacer à la tête de l'équipe.

 

La mère de Lancelot ne peux cacher longtemps, à son fils, le fond de sa pensée. Elle imagine volontiers pouvoir le marier, elle lui rappelle son âge, sa difficulté - suite à son accident - à être tout à fait autonome. Geneviève serait parfaite, ne lui conviendrait-elle pas ?

Lancelot, il est vrai est sensible aux attentions qu'elle lui prodigue. Il remarque sa beauté, même s'il transparaît derrière la régularité des traits, une certaine dureté... Elle n'eut pas une enfance facile : orpheline, des merciers lui offrent famille et travail dans leur commerce. Affaire d'autant plus prospère que le père assure les achats des trois magasins, tout en travaillant comme fondé de pouvoir-acheteur pour un grand magasin de nouveautés à Casablanca.

Lancelot arrive à marcher avec des béquilles. Son chirurgien, se félicite de ces résultats, alors qu'il a hésité sérieusement à procéder à l'amputation du pied droit. Les salons scientifiques se tiennent toujours le jeudi après-midi, avec parfois la visite de chercheurs. Ainsi Pierre de Launay, polytechnicien et thermodynamicien qui a bien connu Pierre Duhem et - curieusement - s'est intéressé avec lui à la ''science de la nature''... au Moyen-âge.

Duhem mêlait physique et métaphysique : « Il serait déraisonnable de travailler au progrès de la théorie physique, si cette théorie n’était le reflet de plus en plus net et de plus en plus précis d’une Métaphysique ; la croyance en un ordre transcendant à la Physique est la seule raison d’être de la théorie physique. » disait-il. Nous reparlerons - avec lui - du Moyen-âge...

Pierre Duhem

Pour Pierre Duhem, les théories physiques ne relient pas les phénomènes à leurs causes réelles et ne révèlent rien du monde réel. Maritain retient cette idée, pour les mathématiques du fait de son abstraction, - et il est vrai que la science prend de plus en plus une forme mathématique...- , mais il lui semble que la structure de la physique dépend de la matière et ne peut qu'adhérer au réel … 

Pour Duhem, dire que la matière est composée d’atomes, c’est tomber dans une métaphysique atomiste … Pour lui, le tableau de Mendeleïev est un système de classification qui rend compte des expériences de chimie, pas de la réalité ultime de la matière. 

De quelle nature est la réalité ? Duhem répond : - cette question ne relève pas de la méthode expérimentale ; celle-ci ne connaît que des apparences sensibles et ne saurait rien découvrir qui les dépasse. La solution de ces questions est transcendante aux méthodes d'observation dont use la Physique ; elle est objet de Métaphysique.

Il serait important de préciser le lien entre physique et métaphysique...

Quelle est donc la fonction d’une théorie physique, si ce n’est pas dire ce que c’est que la réalité ?

Duhem donne plusieurs réponses :

1. Une théorie physique permet l’économie de la pensée. C’est une idée que Duhem reprend à E.Mach,

2. un système de classement de nos expériences,

3. mais ce classement n’est pas arbitraire ; sa capacité prédictive montre qu’il doit refléter un ordre naturel.

 

Une loi physique comme U=R*I, n'explique rien. Elle se contente ( et c'est beaucoup...) de modéliser ce qui se passe, de permettre des calculs et faire des prévisions ( avec u=ri et p=ui, je peux calculer le temps nécessaire à chauffer mon café)

« Les grandeurs sur lesquelles portent les calculs ne prétendent point être des réalités physiques. » Duhem.

Poincaré lui-même écrivait : « Les théories mathématiques n'ont pas pour objet de nous révéler la véritable nature des choses ; ce serait là une prétention déraisonnable. Leur but unique est de coordonner les lois physiques que l'expérience nous fait connaître, mais que sans le secours des mathématiques nous ne pourrions même énoncer.

Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication des phénomènes. Après tout, avons-nous d'autre raison de croire à l'existence des objets matériels. Ce n'est là aussi qu'une hypothèse commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute ou l'éther sera rejeté comme inutile. » (La science et l’hypothèse , chap. XII).

La science décrit, elle n'explique pas. Elle décrit avec plus ou moins de précision, ainsi ce qu'il en est des lois de Newton, ou de la notion d' '' éther'' … !

Il ajoute : « Loin de là, sans ce langage ( mathématique) , la plupart des analogies intimes des choses nous seraient demeurées à jamais inconnues ; et nous aurions toujours ignoré l'harmonie interne du monde, qui est, nous le verrons, la seule véritable réalité objective.

La meilleure expression de cette harmonie, c'est la loi ; la loi est une des conquêtes les plus récentes de l'esprit humain ; il y a encore des peuples qui vivent dans un miracle perpétuel et qui ne s'en étonnent pas. C'est nous au contraire qui devrions nous étonner de la régularité de la nature. » ( H. Poincaré, La valeur de la science 1906)

Il est donc difficile d'affirmer q.q.ch. sur la nature du réel ''en soi'', la théorie physique ne serait qu'une classification de nos représentations.

Pourtant...

Einstein pense pouvoir élaborer une théorie unique pour expliquer comment le monde s'organise à l'aide de lois élémentaires et universelles. Avant d'en parler. Je voudrais en rester à la thermodynamique, parce que notre polytechnicien Pierre de Launay souhaite nous entretenir de découvertes pour lui essentielles quant à notre besoin d'énergie.

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