La souffrance, éclairée par le bouddhisme et le christianisme...
«Si nous pouvons atteindre la compréhension de ce que nous sommes vraiment, il n’y a pas de meilleur remède pour éliminer toute souffrance … Ceci est le cœur de toutes les pratiques spirituelles » nous enseigne le Lama Kalou Rinpoché (1904-1989).
« Lors du tsunami – parce que les pays bouddhistes aussi ont été frappés – les journalistes occidentaux m’ont demandé comment les bouddhistes gèrent le problème du mal engendré par cette catastrophe ? J’essayais de leur expliquer que le problème (métaphysique et théologique) du mal n’existe pas pour les bouddhistes tout simplement parce que tout s’explique sans Dieu dans cette tradition. Ce problème n’existe que pour ceux qui croient que Dieu est à la fois tout-puissant et aimant amour, que Dieu veut le bien-être de tous. Pourtant on constate la souffrance de tant de personnes partout dans le monde. Là il y a un type de contradiction. Certes, les bouddhistes qui ont perdu leurs biens et leur famille souffrent comme moi je souffrirais si je me trouvais dans les mêmes circonstances. Mais pour eux, du point de vue de la « doctrine bouddhiste », il n’y pas de contradiction. Au contraire, un tsunami, avec tout la misère qu’il engendre, est une illustration de plus de cette réalité fondamentale que tout est éphémère. Pour nous, c’est beaucoup plus délicat, cette souffrance, avec la question de l’existence de Dieu. » Dennis Gira ( Conférence Novembre 2007 à Altkirch ).
* La première Vérité du Bouddhisme repose sur une simple constatation froide et implacable : le monde est souffrance (dukkha). ( souffrance ressentie par un « égo » ). Dukkha, est bien entendu beaucoup plus qu'une simple souffrance physique ou morale. Dukkha signifie aussi inachevé, imparfait, interrompu, impermanent. Sous cet aspect d'impermanence, dukkha s'applique à toutes les manifestations du monde physique, psychologique et mental.
« Souvent on dit que pour les bouddhistes tout est souffrance parce que tout est éphémère, ce qui n’est pas très exact. Tout est éphémère et celui qui ne peut pas accepter que tout est éphémère, celui-là il va souffrir. » Dennis Gira
** « La souffrance semble être, et elle est, quasi inséparable de l’existence terrestre de l’homme. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris) Mais en même temps qu’elle renvoie l’homme à sa finitude, la souffrance « manifeste à sa manière la profondeur propre à l’homme », elle « semble appartenir à la transcendance de l’homme » :
Le récit de la Genèse révèle que ce n’est pas Dieu qui est la cause du mal dans le monde : « Le christianisme proclame que l’existence est fondamentalement un bien, que ce qui existe est bon ; il professe la bonté du Créateur et proclame que les créatures sont bonnes. [...] L’homme souffre, pourrait-on dire, en raison d’un bien auquel il ne participe pas, dont il est, en un sens, dépossédé, ou dont il s’est privé lui-même. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris).
* Le bouddha nous a appris que le fait d'accepter nos difficultés ne veut pas dire rester amorphes et résignés à souffrir. Mais ce dont nous faisons l'expérience à un instant donné, quoi qu'il en soit, est la réalité de cet instant. Quand nous refusons de l'accepter, nous nous trouvons en conflit avec la réalité… Si nous acceptons la nature transitoire de notre monde, nous cesserons d'essayer de contrôler ces choses qui, par nature, échappent à notre contrôle. Nous serons en paix avec tout ce qui peut se présenter à nous dans la vie et, apaisés, nous pourrons en même temps, travailler à faire du bien aux autres à partir d'une inspiration altruiste qui apprécie, en chacun des êtres, son potentiel de transcender la souffrance et de devenir éveillé.
** L’Évangile veux aller plus loin que la simple constatation du mystère du mal et de la souffrance. Jean-Paul II introduit l’idée de « l’Évangile de la souffrance ».
La souffrance n’est plus synonyme d’absurdité ; elle devient le lieu où Dieu a aimé l’homme . Il peut être choquant à première vue, de découvrir une « qualité » à la souffrance… ( Il nous faut condamer évidemment le dolorisme …).
Jean Paul II explique que « la joie vient de la découverte du sens de la souffrance », une découverte qui est une plongée dans le mystère du Christ qui rejoint dans la souffrance le mystère de l’homme.
« Le « péché originel » est le résultat d’une relation brisée. Nous sommes tous comme saint Paul, faisant le mal que nous ne voulons pas et ne faisant pas le bien que nous voulons. C’est ça le constat. L’origine pour les bouddhistes, c’est l’ignorance. Côté chrétien, ce n’est pas forcément l’ignorance, c’est l’incapacité d’entrer dans cette relation interpersonnelle qui nous est offerte par Dieu. »
Origine et destin ... du "Conte du Graal"
On peut s’étonner du destin d’une œuvre littéraire, comme le « Le Conte du Graal » de Chrétien de Troyes. La question étant de se demander comment le « roman» (conte) devient-il un « mythe » ? Sans doute l’histoire de l’œuvre recèle une partie de la réponse…
Nous identifions facilement les personnages comme faisant partie de la « matière de Bretagne » attachée à la légende du Roi Arthur …
- Historiquement, plusieurs rois bretons , devant l’'importante menace d'invasion des Saxons, se rangent tous sous la bannière d'un dénommé Artorius.
Ce guerrier, probablement né vers 470-475 en Cornouailles, est le chef d'une bande très mobile de cavaliers mercenaires. Tous voient en lui la seule personne capable de tenir tête à l'envahisseur. Artorius est nommé commandant en chef de la nouvelle armée et, tous unis, les rois Bretons et Gallois remportent, quelque part dans le sud-ouest de l'Angleterre vers 500-518, une grande victoire qui stoppe l'envahisseur pendant une quarantaine d'années. C'est la bataille de Mont Badon (ou Bath, ou Badbury). Quand Artorius trouve la mort dans une grande bataille, près de Camelford en Cornouailles, aux alentours de 540-542, c'est la fin de l'indépendance bretonne : à la fin du siècle, les Saxons occupent les trois quarts de l'île.
C'est Robert Wace, dans son Roman de Brut ( Brutus ), en 1155, qui donne la coloration courtoise et légendaire à l’ « Historia regum Britanniae »du Gallois Geoffroy de Monmouth ( 1136). Arthur devient le monarque idéal, un modèle d'humanité, de vaillance, de générosité et de délicatesse. C'est lui aussi qui, le premier, mentionne la Table Ronde, symbole politique de la société courtoise.
La légende arthurienne est, dès la fin du onzième siècle, diffusée à travers toute l'Europe, et même au-delà, par les conteurs professionnels qui accompagnent les armées partant pour la Terre Sainte à l'occasion des deux premières croisades.
Chrétien de Troyes (1135-1183) , est un copiste, adaptateur de textes, et écrit sur commande, ainsi pour Marie de Champagne ( 1145-1198), fille d'Aliénor d'Aquitaine et de Louis VII ; et épouse de Henri, comte de Champagne...
Le Conte du Graal est dédié à Philippe d’Alsace ( 1143-1191) ( prétendant éconduit de Marie de Champagne.. ). Chrétien écrit ce roman entre 1182 et 1190, et meurt avant de l’avoir terminé.
Marie de Champagne abandonne la courtoisie, à la mort de son mari, pour la dévotion. Philippe d’Alsace est fort pieux… Aussi la tonalité mystique de ce dernier roman est peut-être plus conforme aux goûts des commanditaires..
« Perceval, ou le conte du Graal » est le seul roman de Chrétien de Troyes qui suscitera un grand nombre de continuations et de reprises, donnant naissance à un mythe durable : le mythe du Graal. Le Parzival de Wolfram von Eschenbach (1201-5) est le texte le plus ancien après le Conte du Graal.
Marie de Blois ou Marie de Champagne (1128 † 1190), duchesse de Bourgogne, fille de Thibaut IV de Blois, dit le Grand, et de Mathilde de Carinthie. Veuve en 1162 d'Eudes II de Bourgogne. Abbesse de Fontevraud en 1174. ( Wiki..)
Voilà, ce qui en est du contexte de l’écriture de ce « roman-conte », et finalement ces explications semblent bien insuffisantes, pour comprendre, analyser et s’enrichir d’un tel texte. Pourquoi… ?
Sans doute, le plus délicat à saisir c'est le passage du niveau conscient de la lecture au niveau inconscient de la suggestion mythique. Peut-on s’autoriser à passer de l’un à l’autre.. ? S’agit de la part de l’auteur, qui parle par images, jeux de mots … de simples allégories.. ? Par exemple :
- Le « gaste pays » ou pays dévasté a t-il un rapport avec la blessure à la hanche du souverain ? Ce rapport peut désigner le concept de « stérilité ». Il se trouve que ce rapprochement avait déjà été pratiqué ( selon Plutarque, Isis rendit sa fécondité à Jupiter en lui séparant les jambes qui se trouvaient soudées et bloquées…)
Certains auteurs ont montré que le conte du Graal, était le passage d’un mythe à un autre : il y a un mythe venu de la mémoire, ancien qui évoque le souvenir d'un monde païen, disparu ...(notamment à travers les textes littéraires que l'auteur a pu connaître), et un mythe en création ( le Graal ) ; plus précisément la christianisation d'un mythe. Nous en reparlerons...
Benoit XVI: Prier est un art qui s’apprend.
« j’ai mis un accent particulier sur la forme spécifique de la lectio divina. Ecouter, méditer, observer le silence devant le Seigneur qui parle est un art, qui s’apprend en le pratiquant avec constance. »
« La prière est assurément un don, qui demande toutefois d’être accueilli; c’est l’œuvre de Dieu, mais elle exige engagement et continuité de notre part; surtout, la continuité et la constance sont importantes »
" ... pour la prière chrétienne aussi il est vrai que c’est en cheminant que s’ouvrent des chemins. »
« Dans le récit évangélique, les contextes de la prière de Jésus se situent toujours au croisement entre l’enracinement dans la tradition de son peuple et la nouveauté d’une relation personnelle unique avec Dieu ».
Prier est un art qui s’apprend. ( Catéchèse Benoit XVI 30 nov 2011 )
Jésus, la Bible et ... Le Mythe.
A mon avis, de même que les archétypes, sont en chacun, humainement universels et s’expriment au travers des mythes et des contes ( et pas seulement )… De même, l’humain est archaiquement religieux, croyant …etc .
La conversion à laquelle Jésus appelle est de passer du religieux, de la croyance ...à, La Foi.
La Bible, est en elle-même une bibliothèque de livres au genre littéraire différent ; elle est également une reprise ( inculturation ) de mythes fondateurs et l’occasion d’un dévoilement divin de notre véritable nature : la Bible intègre et dépasse le Mythe …
Simone Weil : « Avant d’être une théorie de Dieu, une théologie, les Evangiles sont une théorie de l’homme, une anthropologie »
Je reviens à René Girard… Le «phénomène victimaire», est le résultat de cette religiosité archaïque. « l'acte fondamental de la société primitive, à l'origine de la nôtre, c'est de désigner une victime, un bouc émissaire, et de cultiver l'illusion de sa culpabilité afin de permettre d'évacuer toutes sortes de tensions collectives. » R.G. « Cette illusion est ensuite fondatrice de rites, lesquels la perpétuent dans le temps et entretiennent des formes culturelles qui aboutissent à des institutions. »
Bien sûr, des anthropologues - et même un théologien comme Rudolf Bultmann - ont insisté sur la ressemblance entre les Evangiles et d'autres récits, et ce caractère démontrerait que la mort et la résurrection de Jésus ne sont que des mythes parmi d'autres. Et « mythe » renverrait bien sûr ici, à « sornette », égarement …etc Et, si cela est entendu, c’est que le seul type de savoir que notre monde respecte encore est, la science.
« Tout cela est-il vraiment certain? Eh bien! je pense que non seulement cela n'est pas certain, mais qu'il est certain que cela ne l'est pas. L'assimilation des textes bibliques et chrétiens à des mythes est une erreur facile à réfuter.
Dans les mythes, les victimes sont toujours coupables, car le récit est toujours écrit du point de vue de la tromperie, de l'illusion créée par le phénomène victimaire.
Le christianisme contredit d'emblée les mythes. » René Girard.
- Pierre représente le modèle de l'individu qui, dès lors qu'il est plongé dans une foule hostile à la victime, devient hostile lui-même... comme tout le monde. Et puis, tout change, la logique archaïque est inversée et les disciples finissent par se retrouver non pas contre la victime, mais en sa faveur. A l'opposé de ce que dit Nietzsche - «Le christianisme, c'est la foule» - la foi chrétienne exalte l'individu qui résiste à la contagion victimaire.
- Jésus arrête net la lapidation de la femme adultère en disant: «Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre.» Mais, selon moi, la leçon principale est ailleurs: l'entraînement mimétique, voilà ce que Jésus veut combattre.
- Les Évangiles se présentent apparemment comme n’importe quel récit mythique, avec une victime-dieu lynchée par une foule unanime, événement remémoré ensuite par les sectateurs de ce culte par le sacrifice rituel – symbolique celui-là – eucharistique. Le parallèle est parfait sauf sur un point : la victime est innocente.
Entre Dionysos et Jésus, il n'y a « pas de différence quant au martyr », autrement dit les récits de la Passion racontent le même type de drame que les mythes, c'est le « sens » qui est différent. Tandis que Dionysos approuve le lynchage de la victime unique, Jésus et les Évangiles le désapprouvent. C'est bien là ce que je dis et redis : les mythes reposent sur une persécution unanime.
Déjà l’Ancien Testament montre ce retournement des récits mythiques dans le sens de l’innocence des victimes (Abel, Joseph, Job, Suzanne...) et les Hébreux ont pris conscience de la singularité de leur tradition religieuse. Avec les Evangiles, c’est en toute clarté que sont dévoilées ces « choses cachées depuis la fondation du monde » (Mathieu 13, 35), la fondation de l’ordre du monde sur le meurtre, décrit dans toute sa laideur repoussante dans le récit de la Passion.
A partir d’une interview de René Girard : "La vraie mondialisation, c'est le christianisme" publié le 14/10/1999 dans l’Express
René Girard: une pensée féconde
René Girard, diplômé de l'École des Chartes, est né à Avignon en 1923. A partir de 1947 et jusqu'à présent, il enseigne aux États-Unis dans plusieurs universités où il est professeur. ( Il est membre de l'Académie française) .
Professeur de littérature comparée, il étudie les grands auteurs de – ce qu’il appelle-la littérature "mimétique" : Shakespeare, Dostoïevski, Proust, Cervantes… et le décryptage des rites, des mythes et des tragédies grecques, amènent René Girard a des intuitions qu’il travaillera ensuite dans ses recherches…
Je résume : ( et j’y reviendrai…):
- le désir médiatisé (l’objet du désir est désigné par les autres) et la fascination (donc, le tabou) du mimétisme ( mimétisme parce qu’il s’agit d’un désir ( simple, universel ) par deux sujets d'une même chose. )
- La violence est le fondement de toute société et le rite religieux est le fondement de toute culture… Selon Girard, le sacré a toujours eu pour fonction de résoudre le drame de la violence par la mise en place du sacrifice de boucs-émissaires ( victimes désignées coupables)
- enfin, la religion chrétienne a radicalement bousculé ces fondements en substituant l’amour à la violence. La Bible, contrairement aux mythes, renonce à la violence et prend le parti des victimes reconnues dans leur innocence.
Il est intéressant de noter que René Girard est devenu croyant au fur et à mesure de ses découvertes.
René Girard, comme anthropologue, philosophe, développe dans ses livres (La Violence et le Sacré, 1972; Des choses cachées depuis la fondation du monde, 1978; Le Bouc émissaire, 1982) une analyse du phénomène de la violence par le désir mimétique..
La re-découverte de textes de René Girard, à la lumière de la doctrine catholique, me semble particulièrement féconde pour une réflexion religieuse…
C’est d’ailleurs le propos de James ALISON, dans son livre « Le péché originel à la lumière de la Résurrection »… Et le profond plaisir de découverte ressenti à ces lectures, me pousse à tenter de reprendre avec mes mots, ce qui me semble vraiment « lumineux ». ( à suivre )
“En observant les hommes autour de nous, on s’aperçoit vite que le désir mimétique, ou imitation désirante, domine aussi bien nos gestes les plus infimes que l’essentiel de nos vies, le choix d’une épouse, celui d’une carrière, le sens que nous donnons à l’existence. Ce qu’on nomme désir ou passion n’est pas mimétique, imitatif accidentellement ou de temps à autre, mais tout le temps. Loin d’être ce qu’il y a de plus nôtre, notre désir vient d’autrui. Il est éminemment social… L’imitation joue un rôle important chez les mammifères supérieurs, notamment chez nos plus proches parents, les grands singes ; elle se fait plus puissante encore chez les hommes et c’est la raison principale pour laquelle nous sommes plus intelligents et aussi plus combatifs, plus violents que tous les mammifères.”
René GIRARD, Celui par qui le scandale arrive, p. 18-19.
Perceval: Le chevalier Vermeil et la chevalerie. 2
- Notes de lecture de l'étude " LA LEGENDE DU GRAAL " de Emma Jung et Marie Louise von Frans.
( suite de l'artcle: Le chevalier vermeil, et Perceval 1 )
Les contes, de toute part, nous fournissent des « chevaliers rouges », en général en relation avec l’autre monde… Le chevalier vermeil renvoie à sa composante d’ombre dangereuse (la virilité arrogante pour Perceval) … Mais …méfions nous de trop simplifier : « La mythologie associe souvent la couleur rouge, d’une part, au sang, au feu, à l’amour et à la vie, et d’autre part, à la guerre et à la mort. Cette double signification montre que la figure d’ombre n’est pas seulement destructrice, mais également capable de promouvoir les forces de vie si elle est intégrée par le conscient. »
Voilà pourquoi le Chevalier Rouge est, dans une certaine mesure, une expression de la future totalité intérieure de Perceval… Malheureusement, Perceval l’abat avec une brutalité inconsidérée que rien ne justifie. … D’un point de vue psychologique, le meurtre du Chevalier Rouge (l’ombre) traduit une répression brutale des émotions et des affects et correspond à la première étape de la construction d’une personnalité consciente. Tout jeune être qui grandit en société et qui aspire à devenir un individu responsable, doit traverser cette phase de lutte impitoyable contre ses pulsions primitives avant de s’épanouir plus pleinement. Dans notre histoire, le processus se déroule sans aucune réflexion et résulte du désir que nourrit Perceval de devenir chevalier et d’être reçu à la cour d’Arthur.
Après avoir retiré l’armure à son adversaire et l’avoir revêtue, Perceval est appelé, à son tour, le « Chevalier Rouge ». En réussissant à maîtriser les émotions intérieures qui l’assaillaient, il permet à la vitalité et à l’énergie qu’elles contenaient de se mettre au service de la conscience qui gagne ainsi en force et en signification.
Remarquons à la lecture que :
- Perceval, tue le chevalier pour prendre son armure, plus que pour lui reprendre la coupe d’or… II la renvoie à Arthur en la confiant à l’un de ses valets, sans se donner la peine de se placer lui-même, et sans se douter qu’il y a là, par hasard, une première allusion à l’objet qui sera plus tard au centre de la quête – le vase, le Graal….
- A ce stade de son développement, Perceval n’est pas conscient de la signification de la coupe.
- L’armure subtilisée à son adversaire et qu’il porte désormais constitue un autre élément important … Le mode d’appropriation est loin d’être chevaleresque, de telle sorte qu’une certaine culpabilité y est attachée. Il y a lieu de souligner que Perceval revêt l’armure par-dessus son habit gallois dont il ne veut pas se séparer. Si l’armure représente une part essentielle de lui-même, cela signifie qu’il n’est pas encore le chevalier qu’il souhaiterait être, mais qu’il n’en possède que l’apparence extérieure. Celle-ci correspond à ce que la psychologie analytique nomme la persona (masque). Le terme « masque » indique qu’il ne s’agit pas de la véritable nature d’un individu, mais d’une enveloppe destinée à produire un effet sur autrui. La persona forme en quelque sorte une façade et elle est généralement construite pour faciliter l’adaptation sociale de l’individu ; c’est pourquoi Jung la considère comme un élément constitutif de la psyché collective.
Il est significatif que Perceval ignore son nom et se reconnaît uniquement comme « cher fils », « beau fils » et « beau sire », les mots que la mère utilisait pour s’adresser à lui.
Ne simplifions pas… , la « persona » ne doit pas être considérée uniquement comme un masque destiné à tromper les autres, mais aussi comme un moyen d’adaptation essentiel et indispensable. La vie en société est impossible sans le respect de certaines formes
Parallèlement, la persona offre, tout comme les vêtements, une protection contre le monde, sans laquelle l’homme serait trop vulnérable. Il arrive aussi qu’elle
constitue une sorte de modèle ou d’idéal que l’on espère réaliser. Dans ce cas, elle sert de ligne directrice de grande valeur pour l’individu, mais si l’idéal est mal choisi, s’il est trop
ambitieux ou mal adapté, il peut conduire à des impasses.
La chevalerie représente pour Perceval un idéal de cette nature. Cependant, il n’est pas encore chevalier, il n’en possède que l’armure,
c’est-à-dire l’apparence extérieure, dont il lui faudra prendre la mesure. …
Saint Grégoire le Grand envoyant saint Augustin évangéliser les Angles et les Saxons. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
R. de Montbaston. XIVe.
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Grégoire le Grand lorsqu’il chargea Augustin d’une mission auprès des Anglo-Saxons. Il lui recommanda de ne pas agir avec brutalité et de ne pas détruire les anciens sanctuaires, mais, au contraire, de les bénir afin que le peuple se réunisse en des lieux familiers, désormais au service du vrai Dieu. « Car, disait-il, il est clair qu’il n’est pas possible qu’un esprit fruste et inculte fasse brusquement table rase du passé, tout comme celui qui se prépare à gravir le sommet le plus élevé doit le faire pas à pas, ou étape par étape, et non en quelques sauts. » De ce point de vue, la chevalerie chrétienne eut pour mission de participer à la réalisation de l’idéal chrétien.
Arvo Pärt , musique et mystique.
Arvo Pärt est né en Estonie le 11 septembre 1935
Für Alina, date de 1976, ce morceau marque le tournant des créations d’Arvo Pärt, qui s’illustrera désormais comme compositeur majeur du minimalisme, dans sa branche « mystique ».
« Ici, je suis seul avec le silence. J’ai découvert qu'une seule note suffit quand elle est bien jouée. Cette note, ou un moment de silence me réconforte. Je travaille avec très peu d’éléments (...). Je construis avec les matériaux les plus primitifs - avec l’accord parfait, dans une tonalité spécifique. Les trois notes de l'accord résonnent comme des cloches. Et c’est pourquoi j’appelle cela tintinnabulation. »
On retrouve dans ce court morceau cette grandeur dans la simplicité, cette fraîcheur et luminosité des sonorités détachées, et une subtilité des silences qui nous conduit vers une calme et douce extase.
Pour mieux saisir sa pensée il faut ici un texte du compositeur écrivit à l'occasion de la création de son œuvre Lamentate de 2002 : « Quand, lors du vernissage dans le Hall des turbines de la Tate Modem à Londres en octobre 2002, je découvris le Marsyas d'Anish Kapoor, la première impression fut écrasante : Moi, cet être vivant, je suis debout devant mon propre corps et je suis mort - comme dans un décalage temporel où le futur et le présent prennent place en même temps. Tout à coup, je me voyais déplacé dans une situation d'où ma vie m'apparaissait sous un autre jour. À ce moment j'éprouvai la vive sensation de pas être encore mûr pour mourir. Et jaillissait cette question : que pourrais-je encore accomplir durant le temps qui me restait à vivre ? La mort et la souffrance sont des problèmes qui préoccupent tout être humain, une fois précipité dans ce monde. Son attitude face à la vie dépend alors de la façon dont il résout (ou ne résout pas) ces problèmes - consciemment ou inconsciemment. La taille de la sculpture d'Anish Kapoor dynamite non seulement nos conceptions de l'espace, mais aussi, selon la perception que j'en ai, les dimensions temporelles. La frontière entre le temporel et l'intemporel tend à s'estomper. C'est la sphère thématique de ma composition Lamentate (Plaignez). J'ai de la sorte écrit une plainte, une lamentation, non pour des morts, mais pour nous, les vivants, qui devons résoudre ces problèmes, chacun pour lui seul - pour nous qui peinons à traverser la souffrance et le désespoir dans le monde. »
L'histoire résumée du Chevalier Vermeil
Rappel de ce qui s'est passé précédemment :
Dans la Gaste Forêt, Perceval a rencontré des chevaliers pour la première fois : il est très intrigué et les somme de questions toutes plus naïves les unes que les autres ( exemple : " Êtes-vous Dieu ? / - Non, certes / Alors, qui êtes-vous donc / Un chevalier / Chevalier ? Je ne connais personne ainsi nommé / ) Il décide de tout quitter et de se rendre chez le roi Arthur pour être fait chevalier, malgré les objections et la douleur de sa mère. Avant son départ, sa mère lui donne trois recommandations :
1) Servir et secourir les dames et les demoiselles
2) Fréquenter des prudhommes
3) Prier Dieu
Il aperçoit sa mère qui est "tombée comme morte", mais ne s'en soucie pas et poursuit son chemin.
La première rencontre de Perceval, est celle d'une jeune fille sous une tente. Il met en pratique de manière très exagérée et inopportune ( la jeune fille n'est pas en danger) le premier conseil donné par sa mère : il lui vole un baiser, lui prend son anneau, signe d'appartenance à un jeune homme, il se "goinfre" des victuailles qu'il trouve et tout ceci malgré les protestations, les cris et les pleurs de la jeune fille qui redoute la jalousie de son ami.
Perceval ( à l’allure de « paysan » ) arrive à la cour du roi Arthur. Il croise un chevalier à l'armure vermeille qui lui demande de transmettre un message au roi : il veut que le roi lui rende ses terres qu'il revendique comme sienne ou qu'il envoie un homme pour les défendre. Il est celui qui vient de voler une coupe, défier, humilier le roi, et bafouer la reine .. !
Le jeune homme entre à la rencontre du Roi Arthur, qu’il recherche pour qu’il le fasse chevalier.
Perceval, contre tous les usages, sur son cheval, interroge le roi qui est plongé dans la mélancolie. Le jeune homme lui demande de le faire chevalier …
Le sénéchal lui dit que s'il désire les armes du chevalier vermeil, il n'a qu'à aller les chercher lui-même, et que le roi le fera aussitôt chevalier. Une jeune fille se met à rire. Keu, en colère, la frappe au visage et pousse dans une cheminée un fou qui avait coutume de dire que la jeune fille (qui n'avait pas rit depuis dix ans) rirait le jour où elle verrait un chevalier supérieur aux autres.
Le jeune homme, parti à la rencontre du Chevalier Vermeil, lui demande de retirer ses armes, mais celui-ci veut livrer combat. Le Chevalier vermeil blesse le jeune homme à l'épaule, et Perceval ( qui ne connaît pas encore son nom .. ! ) lui lance son javelot à l'œil et atteint le cerveau du chevalier.
Avec l'aide d'Yvonnet, Perceval s'empare des vêtements du chevalier Vermeil. Dés lors, le but de Perceval est de retourner auprès de sa mère et sans plus tarder il se met en route. Le roi regrette qu'il soit parti.
Le chevalier vermeil, et Perceval 1
Selon Maître Eckart, « la nature profonde de tout grain, signifie le blé, (..) de toute naissance, l’homme. » Ce qui existe aujourd’hui, est l’expression incomplète de ce qui adviendra…
- Notes de lecture de l'étude " LA LEGENDE DU GRAAL " de Emma Jung et Marie Louise von Frans.
L’histoire de Perceval illustre parfaitement l’effort de comprendre et de choisir sa destinée. Au départ, la chevalerie ne constituait pour lui qu’un objet de convoitise. Puis, au travers de nombreuses erreurs, il mûrit lentement et épouse son destin en devenant le meilleur des chevaliers, le seul qui puisse conquérir le Graal. Le chevalier correspond à cet « homme idéal »
Le « chevalier vermeil » par divers aspects ressemble à Perceval ; comme lui, il se conduit mal à la cour du roi. Lorsqu’il dérobe la coupe d’or et qu’il répand son contenu sur la robe de la reine, il commet une offense envers le principe féminin; Perceval a fait et fera de même dans la suite de l’histoire. C’est pourquoi il est possible de le considérer comme le double ou l’ombre de Perceval.
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" Lorsque le processus d'individuation devient conscient, lorsque le moi fait l'expérience de l'inconscient collectif, il se transforme. Cela se produit le plus souvent lors de la rencontre avec l'ombre..." Jung |
- D’un point de vue psychologique, l’ombre désigne des traits de caractère inférieurs, généralement sombres ou secondaires, auxquels le moi conscient accorde peu d’importance, mais dont l’existence est bien réelle. Le plus souvent, il s’agit de traits de nature émotionnelle qui possèdent une certaine autonomie et qui, à l’occasion, débordent le conscient. Ces contenus sont en partie d’origine individuelle et peuvent être pris en compte par un effort moral de connaissance de soi ; ils ne sont pas exclusivement négatifs car ils traduisent une part de vitalité et une parenté avec les instincts, lesquels possèdent également une valeur positive. Par ailleurs, l’ombre contient aussi des aspects obscurs d’origine collective qui se cristallisent dans l’image archétypique d’une divinité destructrice et qui mettent l’humanité en face de problèmes terrifiants.
( Pour 'reprendre' cette notion de l'ombre, je conseille cet article de Jean Rochette ( c'est ICI ) )
La figure du Chevalier Rouge conduira finalement Perceval dans les sombres abîmes du problème du mal.
Pour le moment, cependant, nous le considérerons comme l’ombre personnelle de Perceval, à savoir une part d’émotivité et de brutalité barbare qu’il doit surmonter avant de devenir un chevalier chrétien.
La politique, la dette... en Islande et en Argentine.
En ISLANDE :
L’action politique populaire, en Islande, a conduit ce petit pays à ne pas suivre l’orthodoxie qui guide les politiques en Europe et à l’international…
- pétition nationale pour refuser le remboursement des dettes britannique et hollandaise;
- référendum populaire rejetant à plus de 93 % les accords relatifs au règlement de ces dettes;
- nouveau référendum rejetant à 60% un nouvel accord avec les créanciers de l’Islande.
Les islandais souhaitent à présent comprendre et l’ancien premier ministre de l’époque Geir Haarde a été déféré devant une juridiction spéciale ; non pas pour le sanctionner ( encore que .. ! ) mais pour connaître et faire connaître les vraies causes de la crise : privatisations hasardeuses des quotas de pêche, engouement pour les investissements à l’étranger, gestion catastrophique des grandes banques privées et octroi immodéré de crédits aux particuliers.
En 2009 : Les protestations citoyennes contre le Parlement font que des élections anticipées sont convoquées. Elles provoquent la démission du Premier Ministre et, en bloc, de tout le gouvernement. L’islande se trouve dans l’incapacité de rembourser sa dette.. Par le biais d’une loi, il est proposé à la Grande Bretagne et à la Hollande le remboursement de la dette par le paiement de 3.500 millions d’euros, montant que paieront mensuellement toutes les familles islandaises pendant les 15 prochaines années à un taux d’intérêt de 5%.
- En mars, un référendum est organisé sur le sujet : 60% des électeurs se sont déplacés et 93% d’entre eux rejettent les modalités du remboursement de la dette aux Britanniques et Néerlandais.
Actuellement , un nouvel arrangement est trouvé avec Londres et Amsterdam. En effet, l’Islande, candidate à l’adhésion à l’Union européenne, ne veut pas se fâcher à jamais avec deux de ses membres... L’accord porte désormais sur un prêt à environ 3%. Il doit encore être avalisé par le parlement islandais.
Lors des élections d’avril 2009, une majorité de gauche, composée de socio-démocrates et du parti ‘gauche verte’, est élue. C’est une première en Islande, pays traditionnellement gouverné au centre droit. Une femme, Johanna Siguroardottir, prend la tête du gouvernement..
Mais le coup de barre est modéré : les socio-démocrates sont pro-marché et pro-Europe. Le programme discuté avec le FMI se poursuit, et le gouvernement engage en juillet des négociations pour adhérer à l’Union européenne.
- La monnaie est dévaluée pour relancer les exportations.
Au parlement, à plusieurs reprise, les ‘verts de gauche’ se sont désolidarisés d’un pouvoir jugé trop centriste sur la question européenne comme sur d’autres.
Ce n’est pas un conte de fées, et l’Islande ne vit pas une alternative harmonieuse au capitalisme, mais une suite de tâtonnements confus, douloureux et résignés... en restant dans les rails du FMI…
- Il est décidé de rédiger une nouvelle Constitution pour libérer le pays du pouvoir exagéré de la finance internationale et de l’argent virtuel, entre autres …
Depuis avril dernier, 25 « conseillers » élus sont chargés de diriger l’écriture de la nouvelle constitution du pays. Physicien, directeur de théâtre, pasteur, professeur d’économie, journaliste, avocat, étudiant, ils sont issus de la société civile. Le processus se veut collaboratif. Les projets de clause sont publiés sur le site du gouvernement chaque semaine.
En ARGENTINE : ( article de François Asselineau dans Agora Vox):
Tout au long des années 90, l’Argentine avait appliqué, sous la présidence de Carlos Menem et à la demande du FMI, une politique ultra-libérale de privatisation à outrance de toute son économie.
Cette ultra-libéralisation de l’économie argentine a certes provoqué l’enrichissement d’une partie de la population pendant quelques années, et surtout une débauche de consommation.
Mais elle a aussi et surtout entraîné une autre partie de la population dans la pauvreté (environ 20% de chômeurs officiels vers 1998) , avant de provoquer une hyper-inflation et une crise économique et financière de très grande ampleur à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
La crise économique et financière culmina en 2001 et conduisit à des décisions historiques :
le 6 janvier 2002, le nouveau gouvernement du président Eduardo Duhalde procédait à un gel total des avoirs bancaires et à une dévaluation officielle du peso de 28 % par rapport au dollar. La monnaie argentine continua à baisser très rapidement ensuite, jusqu’à perdre près de 50% face au dollar.
Nestor Kirchner (péroniste de centre gauche) a été président de la République argentine de 2003 à 2007.
- a) il envoie balader les banquiers, et « renégocie » la dette du pays en 2005 d’une façon expéditive : il a purement et simplement refusé le remboursement de trois quarts des 100 milliards de dollars de dette extérieure !
- b) faisant un bras d’honneur au dogme de l’ultra-libéralisme et de la prétendue « mondialisation inévitable », il a :
- gelé les tarifs de l’énergie et des transports,
- taxé très fortement les importations,
- relancé l’activité économique (+ 50 % en cinq ans !) en la soutenant de façon keynésienne par les dépenses publiques,
- provoqué une forte hausse des salaires,
- et engagé un programme tenace de réappropriation par le peuple argentin des grands services publics du pays qui avaient été bradés à des intérêts privés
américains ou européens à la demande du FMI :
- novembre 2003 : Renationalisation de la Poste argentine, qui avait été privatisée en 1997.
- janvier 2004 : Renationalisation de la concession de l’espace radioélectrique national, qui avait été attribué au groupe français Thales Spectrum, filiale de Thales (ex-Thomson) en 1997.
- mars 2006 : Renationalisation de la distribution de l’eau potable qui avait été attribuée au groupe français Suez en 1993.
- mars 2007 : Renationalisation du Chantier naval Darsena Norte, privatisé en 1999. Les employés reçoivent 10% des actions, le reste étant contrôlé par l’Etat.
C’est sa propre épouse, Cristina Kirchner qui lui a succédé au poste de présidente de la République le 10 décembre 2007. Réélue il y a quelques mois, en octobre 2011, elle a continué l’impressionnante œuvre libératrice de son mari :
- novembre 2008 : Renationalisation du système de retraites, qui avaient été privatisées en 1994.
- décembre 2008 : Renationalisation des compagnies aériennes Aerolineas Argentinas et Austral, privatisées et acquises en 1990 par la compagnie espagnole Iberia, puis en 2001 par le groupe espagnol Marsans.
- et enfin, ce 16 avril 2012 : Renationalisation majoritaire (à 51%) de la compagnie pétrolière YPF, qui avait été privatisée et cédée à l’Espagnol Repsol en 1992.