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Les légendes du Graal
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Physique - Le paradoxe du temps réversible

9 Mars 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Newton

Nous semblons continuer à partager l’idée d’un temps absolu ou universel, avec Platon, Newton...

Newton

Newton, dans sa ''Principia Mathematica'', publiée en 1687, écrit : « le temps absolu, vrai et mathématique, en lui-même et de par sa propre nature, coule uniformément sans relation à rien d’extérieur; et d’un autre nom est appelé Durée ».

Les équations de la mécanique classique, comme celles de Newton, sont symétriques par rapport au temps. Cela signifie que si l’on inverse la direction du temps dans ces équations, elles restent valides. Par exemple, les trajectoires des planètes dans le système solaire seraient les mêmes si le temps s’écoulait en sens inverse.

Les équations de mouvement étant réversibles, une balle qui rebondit sur le sol pourrait revenir exactement à sa position initiale si on inversait le temps.

Herbert George Wells, dans ''La Machine à explorer le temps'' (1895), reprend l'idée de la réversibilité temporelle de la mécanique, le temps serait réversible, comme s'il était une sorte de quatrième dimension de l'espace....

En quoi la mécanique classique a t-elle - vraiment - impressionné notre conception du Monde ?

Je rappelle que pour Isaac Newton (1643-1727), la mécanique repose sur des lois déterministes qui permettent de prédire l’évolution d’un système à partir de ses conditions initiales. On définit un ''état de repos'', un mouvement uniforme, une ligne droite...

Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), a formulé le concept de déterminisme laplacien, selon lequel, si l’on connaît parfaitement l’état initial d’un système, on peut prédire son état futur avec certitude.

Les philosophes des lumières intègrent une vision mécaniste et déterministe de l’univers. Pour Kant, le temps comme l'espace, sont des structures de l'esprit humain, des cadres que notre esprit impose aux perceptions.

Kant nous parle de ''comment nous percevons le monde'', et non '' comment est le monde'' … Même s'il admet, avec Newton, que le temps et l'espace sont absolus et existent indépendamment de l'observateur.

La mécanique classique a introduit l'idée d'un univers régi par des lois immuables, prédictibles et quantifiables. Si cela suffit dans notre quotidien, cela reste insuffisant pour comprendre le Monde.

Sur la seule base de notre expérience, nous formons un concept qui rapidement prend une existence indépendante, jusqu'à devenir incontestable ( alors que parfois elles se sont avérées erronées...) . Des notions comme l'énergie, la masse, l'espace, le temps sont de fait des inventions de l'esprit humain, même si elles ont des racines empiriques.

Le philosophe allemand Friedrich Wilhelm Schelling (1775-1854) a critiqué la conception statique, mécaniste newtonienne du temps, Schelling voyait le temps comme une force vivante qui façonne et guide les processus naturels. Il exprimait un temps dynamique, organique, intrinsèquement lié à la vie et au ''vivant''. Dans la continuité, Henri Bergson opposait '' le temps'' de la science à ''la durée''. La durée étant une expérience vécue de manière intuitive et subjective, reflétant la manière dont nous ressentons le passage du temps dans notre conscience.

 

Dans la pratique, nous observons bien que certains processus sont irréversibles, et c'est bien ce que stipule la deuxième loi de la thermodynamique. Par conséquent, même si les équations de mouvement sont réversibles, l'augmentation de l'entropie introduit une asymétrie temporelle, ou une flèche du temps, de même que, si la chaleur s'écoule naturellement d'un objet chaud vers un objet froid. Le processus inverse, où la chaleur se concentre spontanément dans un seul objet chaud, ne se produit pas naturellement.

La thermodynamique, traite des propriétés macroscopiques des systèmes et est basée sur des concepts comme l'énergie, l'entropie et la température.

Il serait intéressant d'unifier thermodynamique et mécanique classique avec relativité, et aussi mécanique quantique. Lourde tâche... Cela est-il même possible ?

En mécanique quantique, l'irréversibilité apparaît également dans le processus de mesure. Et de plus, alors que la relativité restreinte et la mécanique classique sont essentiellement déterministes, ce qui signifie que si l'on connaît l'état initial d'un système, on peut prédire son état futur. La mécanique quantique, en revanche, est intrinsèquement probabiliste, et décrit les systèmes en termes de probabilités d'occurrence d'événements.

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Questions sur le Temps. Au Moyen-âge

4 Mars 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Temps, #Saint-Augustin

Notre conscience du temps s'appuie naturellement sur les cycles jour-nuit, les saisons. Notre cerveau joue un rôle primordial dans la perception et la mémoire du temps. Nos rythmes circadiens ( sommeil, hormones...) contrôlés par une horloge biologique, et influencés par la lumière, la température, nous aident à mesurer le passage du temps. Notre capacité à se souvenir du passé et à anticiper l'avenir y contribuent; nous situons les événements dans le temps. Nous sommes familiers des notions de passé, présent et avenir.

La direction, le sens du temps, nous semblent naturels: Casser un œuf est un processus irréversible; je ne peux pas remettre l'œuf cassé dans sa coquille intacte.

 

Ceci dit; le concept ''Temps '' me paraît profondément métaphysique, et physique.

Nous pouvons nous interroger sur la réalité du temps; certains considèrent qu'il est une illusion, d'autres une propriété de l'Univers.

Le temps nous renvoie à la conscience, à la subjectivité; à ce que nous en percevons et qui influe sur notre présent.

Le temps nous confronte à l'infinité, à l'éternité, à l'origine, à la permanence et bien d'autres choses sans-doute...

Enfin, le Temps joue un rôle central dans les lois de la nature et les théories scientifiques.

Peut-on détacher du présent, le passé et l'avenir ? Le présent détermine-t-il ce qui va arriver ? Peut-on revenir sur ce qui est passé?

Le mouvement d'une planète en orbite, un pendule qui oscille, leurs équations de mouvement sont réversibles... Mais, selon la thermodynamique, des processus comme la diffusion de la chaleur, sont intrinsèquement irréversibles.

Aujourd'hui les avancées de la Physique nous interrogent : notre modèle du temps doit-il changer ?

 

Depuis l’Antiquité, nous nous interrogeons sur la nature du temps... "Qu'est-ce donc que le temps? Si personne ne me le demande, je le sais; mais si je veux l'expliquer à quelqu'un qui me le demande, je ne le sais plus." Saint-Augustin

Elaine Sallembier ( la fille de Lancelot..) professeur d'histoire et de philosophie médiévale, m'interpelle en historienne: le temps n'est-il pas sa matière première?

Elle rappelle que le temps individuel s'inscrit dans celui de la société dans laquelle nous vivons. Jacques Le Goff ( 1924-2014) médiéviste, fait entrer dans le champ de la recherche historique, ''le temps'', comme une catégorie essentielle de compréhension des sociétés médiévales.

Au Moyen-âge, particulièrement, nous avons adapté le sacré au profane, nous passons du temps biblique de l'Ancien Testament au temps humain. Comment ? - Avec une conception chrétienne d’un temps qui a eu une origine, sa création par Dieu, une coupure essentielle ( l'an 0) avec l’Incarnation, et qui se déroule selon un sens orienté vers une fin. Une conviction, est que tout ce qui était arrivé, tout ce qui arrivait, tout ce qui allait arriver était le résultat de la volonté divine.

Au Moyen-âge, on rajoute le rythme quotidien monastique des ''heures'', le dimanche comme jour du Seigneur, et même l'astronomie qui permet de calculer les dates des fêtes religieuses ... On pourrait y inclure également '' l'après-mort '' avec le jugement dernier, le purgatoire formalisé au XIIIe siècle.

Dans les chroniques des croisades, la référence à l’Ancien et au Nouveau Testament est constante et prend un sens particulier : celui de faire coexister deux temporalités dans le récit. Les Francs sont bien entendu le peuple élu et la croisade devient ainsi une épopée de l’histoire sainte.

Le premier souci de tout historien au Moyen Âge est de situer les événements dans un temps, bien entendu un temps chrétien, en conformité avec la vision de Saint Augustin.

La généalogie des rois de France s'arrange avec le moine Primat ( le Roman des Rois, écrit en 1274) pour faire descendre les Capétiens de la « noble lignée de Troie » , et de Charlemagne.

Mais, petit à petit le temps de l’Église se confronte au temps des artisans, des marchands, des villes...

 

Les écrits ( les Confessions, la Cité de Dieu, ses sermons, ses lettres...) de Saint-Augustin (354-430) ont posé les bases, après Saint-Paul, de la philosophie occidentale. Les théologiens médiévaux ont adopté et développé des points comme le péché originel, ou la prédestination. Augustin est déclaré docteur de l'Eglise en 1295 par le pape Boniface VIII.

Augustin défend l'idée d'un commencement de l'Univers, et argumente qu'avant la création il n'y avait pas de temps. Le temps est une propriété de l'Univers, et Dieu, dans son éternité, en est exempt. Si l'éternité est continue, d'un bloc; le temps est lui une suite de passages d'un état à un autre.

Dans "Les Confessions", en particulier dans le Livre XI, Augustin médite sur la nature du Temps. Plutôt que de rechercher un phénomène extérieur, le temps existe à l'intérieur de notre conscience; et là, se compose de trois dimensions. Le "présent du passé" est notre mémoire des événements passés, le "présent du futur" est notre anticipation ou attente des événements à venir, et le "présent du maintenant" est notre perception actuelle du moment présent.

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De la Noosphère, un troisième monde, à la Noologie

27 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Noosphère, #Morin, #Popper

L'intérêt de Lancelot a redoublé, quand Monod aborde un point qui rejoint nos questions sur la Réalité d'un monde des ''idées''...

« Il faut considérer l'univers des idées, idéologies, mythes, dieux issus de nos cerveaux comme des ''assistants'', des êtres objectifs doués d'un pouvoir d'auto-organisation et d'autoproduction (…) » Jacques Monod

Pour Jacques Monod, l’idée possède des caractéristiques biologiques fondamentales telles que l’auto-organisation et l’autoreproduction, Comme la biosphère, la noosphère est donc composée de mémoires et de programmes. Tels les bactéries et les virus, les êtres d’esprit se reproduisent à l’identique.

Je rappelle que déjà, Teilhard de Chardin parlait des idées comme d'une réalité distincte ayant un pouvoir et une activité propres. Teilhard de Chardin voyait la noosphère comme une “sphère de la pensée humaine” intégrant une dimension spirituelle et évolutive.

Karl Popper (1902-1994), autrichien naturalisé britannique, philosophe des sciences, en a parlé également, ainsi que Jacques Monod, et Pierre Auger, qui ont adopté une perspective plus scientifique et matérialiste. Ils envisagent la noosphère comme un “troisième règne” biologique, mettant l’accent sur l’évolution de la conscience humaine et son impact sur la biosphère.

Ce qui étonne Lancelot, c'est que Jacques Monod n'hésite pas à donner aux ''idées'' les caractères fondamentaux du vivant ; ''vivant'' selon sa propre définition, c'est à dire : être autonome doué d'émergence et téléonomie. Monod utilise le terme de téléonomie, pour décrire la manière dont les êtres vivants mettent en œuvre un projet inscrit dans leur structure biologique, sans recourir à une finalité ou à un dessein intelligent.

Lancelot a fait part à Edgar Morin de sa lecture.

Edgar Morin, est très intéressé par ces débats d'autant qu'il intègre souvent des concepts biologiques dans ses réflexions sur la complexité et la condition humaine.

Les idées auraient une existence propre ?

Morin répond qu'effectivement, les ''idées'' constituent le monde, plus qu'elles ne l’interprètent...

Il propose comme vocabulaire: noosphère pour la vie des idées, et noologie pour l'organisation des idées. « La sphère noologique, dit-il, est constituée par l‘ensemble des phénomènes dit spirituels, c'est un très riche univers qui comprend idées, théories, philosophies, mythes, fantasmes, rêves. L‘idée isolée et le grand système de l‘esprit, le fantasme et le mythe ne sont pas "irréels". Ce ne sont pas des "choses" de l‘esprit. Ils sont la vie de l‘esprit» ( Livre I de la Méthode, 340).

 

Teilhard regardait l‘au-delà spirituel de l‘homme, repris par Monod, qui regarde l‘en-deçà biologique de l‘homme.

Karl Popper

 

Les choses de l‘esprit qui ont acquises une réalité et une autonomie objective, constituent un '' troisième monde '', comme le définit Karl Popper. Le Monde 1 est le monde physique, qui comprend tous les objets et événements matériels. Le Monde 2, le monde mental, qui inclut les états de conscience, les pensées et les perceptions individuelles. Et le Monde 3, le monde des produits de l’esprit humain, c’est-à-dire les connaissances objectives, les théories scientifiques, les œuvres d’art, les institutions sociales, etc. Ce monde est indépendant des individus qui les créent et peut exister même après leur disparition.

Edgar Morin imagine, la noologie, une science des idées, une science de la vie de ces objets mentaux. Morin voit les idées comme des éléments dynamiques et interconnectés qui participent à la construction de notre compréhension du monde. Il insiste sur le fait que les idées ne sont pas isolées, mais font partie d’un réseau de significations et de relations qui évoluent constamment.

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Mila Kundera et Jacques Monod

22 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Kundera, #Monod, #1968

Milan Kundera

Lancelot et Morin, sont d'accord: 1968, c'est aussi l'année de parution de '' La Plaisanterie '' de Mila Kundera. '' Une simple plaisanterie déclenche une série d’événements aux conséquences graves.'' Kundera utilise l'ironie, pour une tragédie. Que peut représenter le printemps français de ''Mai 68'', en face le ''printemps de Prague'' ? Ce roman illustre la fragilité des relations humaines et les absurdités du régime totalitaire.

Lancelot partage l'idée selon laquelle « Le mai parisien mettait en cause ce qu’on appelle la culture européenne et ses valeurs traditionnelles, alors que le Printemps de Prague était une défense passionnée de la tradition culturelle dans le sens le plus large et le plus tolérant du terme, défense autant du christianisme que de l’art moderne, tous deux pareillement niés par le pouvoir. » ( Alain Finkielkraut ).

 

Dans L’Art du roman ( 1986), Kundera écrit: « Au Moyen Âge, l’unité européenne reposait sur la religion commune; à l’époque des temps modernes, elle céda la place à la culture (art, littérature, philosophie). Or, aujourd’hui, la culture cède à son tour la place. Mais à quoi et à qui ? Quel est le domaine où se réaliseront des valeurs suprêmes susceptibles d’unir l’Europe ? Les exploits techniques ? Le marché ? La politique avec l’idéal de démocratie, avec le principe de tolérance? Mais cette tolérance, si elle ne protège plus aucune création riche ni aucune pensée forte, ne devient-elle pas vide et inutile? L’image de l’identité européenne s’éloigne dans le passé. Européen: celui qui a la nostalgie de l’Europe. »

 

Edgar Morin, dit préférer la Renaissance, une époque où la science et la philosophie étaient étroitement liées, et la curiosité intellectuelle encouragée.

Aujourd'hui, la spécialisation fragmente la connaissance, rendant plus difficile une compréhension globale des phénomènes complexes.

« De nos jours, on assiste à un appauvrissement de la culture scientifique et des humanités. Jacques Monod, François Jacob font exception. Il est décisif de préserver la réflexivité. Pensez à Popper, à Bachelard, à Kuhn, à Holton… Les scientifiques ne réfléchissent pas assez sur les gens qui réfléchissent aux sciences. Je ne suis pas contre la spécialisation ; en effet, si je puis me dire transdisciplinaire, c’est que j’ai besoin des disciplines, mais de disciplines qui communiquent pour traiter des grands problèmes. Sinon, on n’a que des rapports d’experts : bien souvent, les experts s’enferment dans leur limitation bureautico-technique. » ( E. Morin)

Alors parlons de ce livre, “Le Hasard et la Nécessité” de Jacques Monod, publié en 1970. Jacques Monod (1910-1976), prix Nobel de Médecine 1965, fait partie de ses rares scientifique à se faire connaître du grand public, il a suscité un large intérêt et des débats jusque dans des émissions télévisées qui lui permettent de vulgariser ses concepts et de partager ses réflexions . Résistant, il avait échappé à la Gestapo venu l'arrêter à la Sorbonne, dans son labo, en les effrayant avec la radioactivité et les microbes... Musicien violoncelliste, il est aussi chef de choeur.

Son livre réjouit Lancelot, du fait qu'un biologiste y mêle concepts philosophiques et scientifiques. Ses conclusions s'opposent à la théorie traditionnelle de la force vitale, ou à celle de la finalité. Monod soutient que la vie est le résultat du hasard (mutations génétiques) et de la nécessité (sélection naturelle). Il introduit des processus biologiques dirigés par des programmes génétiques. Et surtout, Monod discute des implications de la biologie moderne pour la philosophie et l’éthique.

A la suite de la parution de ce livre, les débats sont intenses, les réactions sont passionnées.

La biologie moléculaire devient une discipline centrale. Monod souligne l'importance du hasard et défend l'idée que l’évolution par sélection naturelle dépend des variations aléatoires (ou mutations) qui se produisent dans les organismes. La sélection naturelle agit sur ces variations ( d'origine aléatoire) pour favoriser celles qui sont avantageuses pour la survie et la reproduction.

Lancelot, après la lecture du Hasard et la Nécessité, s'est réjoui qu'un scientifique s'essaie à réfléchir sur les implications philosophiques de ses recherches, même s'il est gêné par la position matérialiste de l'auteur.

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Un '' nouveau Moyen-âge '' ?

17 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Moyen-âge, #Marrou, #1970

Le plus étonnant pour Lancelot, est l'attachement de Morin - moins perceptible dans ces années70, il est vrai - à la Révolution. Moscou, Pekin, Cuba avaient déjà englouti ses rêves libérateurs; mais il avait espéré dans les explosions de Berkeley, le développement de la ''contre-culture'', ''mai 68''... A présent, il parlait d'un '' nouveau Moyen-âge '' - et Lancelot fit tout pour l'en dissuader, estimant la comparaison mal choisie...

Morin tient à son expression pour décrire une période de crise et de transformation profonde de notre société. Il décrit nos années 70, comme un '' âge de fer planétaire '' et une ''préhistoire de l'esprit humain ''. Il appelle à repenser nos valeurs et nos structures pour évoluer vers une nouvelle forme de civilisation.

Morin pense au Moyen-âge pour signifier la crise actuelle, parce que le Moyen-Âge est souvent vu comme une période de transition, parce qu'il est marqué par des crises multiples ( invasions, famines, épidémies), qu'il est une période de quête de sens et de renouveau spirituel.

 

Lancelot objecte qu'il accepterait volontiers cette expression, si elle signifiait dans son esprit, un nouveau point de départ, en faisant siennes les préoccupations spirituelles et religieuses et en appelant au génie de la synthèse, au sens de l’unité, qui caractérise cette période dans l'esprit de Nicolas Berdiaeff ( Un nouveau Moyen Age, 1924 ) ou de Rémy Brague aujourd'hui.

La référence au Moyen-âge, permet de relever plusieurs aspects de cette période :

- la capacité à intégrer et développer les savoirs des Anciens, notamment grecs et arabes, tout en les adaptant à leur propre contexte culturel et religieux.

- l'importance de nos fondements spirituels.

- l'équilibre entre tradition et innovation.

Et pour faire plaisir – à raison – à Edgar Morin : - l'étude de manière transdisciplinaire, intégrant la philosophie, la théologie, et les sciences. Cette approche holistique est nécessaire pour aborder les défis complexes du monde contemporain.

 

Malheureusement, cette expression qui évoque le retour au Moyen-âge, est en général, une formule péjorative. Elle évoque un Moyen Âge, plein de violences, de désordres, de catastrophes naturelles, de seigneurs de la guerre, de querelles de pouvoir; un temps d'irrationalisme et d'inhumanité!

« Il n’y a pas un unique “moyen âge”, si l’on entend par ce terme une époque où l’homme, après la clarté de la civilisation, s’enfonce momentanément dans la nuit de l’ignorance et de la grossièreté. » C'était la définition donnée en 1921, par Walter Deonna un célèbre archéologue et historien.

Henri Marrou, que Lancelot connaît depuis la guerre, puis à Esprit ; ( 1950 - Henri-Irénée Marrou (1904-1977) - Les légendes du Graal (over-blog.net) ) lui rappelait que dans les années 20, « le Moyen Âge était l’objet d’une vénération unanime : ce n’était pas seulement le fait des hommes de droite.. » Il se souvient de « Waldo Frank, un marxiste pourtant, ou tout au moins marxisant, ce qui ne l’empêchait pas de célébrer le temps où “le pape et l’empereur, Dante et son valet”, partageaient la même conception du monde et de la vie. Ce qu’on admirait alors dans le Moyen Âge, c’étaient moins ses grandes réalisations que le prototype qu’il nous fournissait d’une civilisation “saine”, c’est-à-dire organisée autour d’un même système idéologique, par opposition à l’anarchie des valeurs du monde contemporain » ( Henri-Irénée Marrou, « D’un nouveau Moyen Âge », Esprit, n° 344, déc. 1965, p. 1200.)

Aujourd'hui, Rémy Brague (1947 - ) penseur catholique et ancien professeur de philosophie à la Sorbonne, explique qu’il souhaite un « retour au Moyen Âge » pour dépasser l’humanisme exclusif athée qu’il accuse d’avoir entraîné l’humanité vers des idées destructrices et des menaces totales ( Rémi Brague, Le propre de l’homme. Sur une légitimité menacée, Paris, Flammarion, 2013)

 

Sans aller si loin ; la modernité en Europe s’est développée en grande partie en réaction au Moyen Âge. Les penseurs de la Renaissance ont cherché à rompre avec les traditions médiévales pour promouvoir des idées nouvelles basées sur la raison, la science et l’humanisme. Ils ont même défini leurs propres idées en opposition directe à celles de cette période.

Je rappelle que l’expression “Moyen Âge” a été inventée au XVIIe siècle par l’historien allemand Christoph Keller, pour la situer entre la fin de la grandeur de l'Empire romain, et cette période où quelques uns se considèrent comme vivre une Renaissance, et qui marquerait le début de l’entrée de l’Europe dans ce qui serait une forme de modernité aboutissant aux Lumières.

L’essentiel de ce que les gens imaginent être le Moyen Âge est en réalité hérité du XIXe siècle : c’est Walter Scott, c’est Victor Hugo, etc.

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1969-1971 - Comment se prépare le XXIè siècle. 2

12 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #ordinateur, #Processeur

1969 a été une année assez étonnante. Avec la naissance de l'Internet, Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont devenus les premiers humains à marcher sur la lune et les Beatles ont joué leur dernière performance publique sur le toit d’Apple Records.

En 1971, nous situons la ''révolution numérique '' avec l'invention du microprocesseur et la mise en réseau d'une vingtaine d'ordinateurs ( Internet ne deviendra opérationnel qu'en 1983).

Premier microprocesseur intel 4004 - 1971

 

* Qu'est-ce qu'un micro-processeur?

Le processeur est le cerveau d'un ordinateur.

Il exécute les instructions des programmes informatiques et gère les échanges de données entre les différents composants de l’ordinateur, comme la mémoire RAM, le disque dur et la carte graphique.

Le processeur effectue des opérations arithmétiques et logiques, et coordonne les tâches pour que l’ordinateur fonctionne correctement. Sa puissance est généralement mesurée en Hertz (Hz), ce qui indique le nombre de cycles d’instructions qu’il peut exécuter par seconde.

 

Lancelot se souvient:

Un calculateur électronique utilisait des tubes à vide: Il pesait environ 30 tonnes et occupait une grande pièce. En 1947, le transistor remplace le tube à vide; et en 1958, ''le circuit intégré'' regroupe plusieurs transistors sur une puce de silicium.

Avant ''les circuits intégrés'', les composants électroniques comme les transistors, résistances et condensateurs étaient séparés et connectés par des fils sur une carte de circuit imprimé.

Le ''circuit intégré '' permet de miniaturiser ces composants et de les regrouper sur une seule petite plaque.

Le microprocesseur est un processeur dont tous les composants ont été suffisamment miniaturisés pour être regroupés en un circuit intégré, souvent fabriqué à partir de silicium, qui contient des millions de transistors miniaturisés. Ces circuits intégrés sont si petits qu’ils ressemblent à de minuscules puces électroniques

Rendez-vous compte: Sur cette plaque: un transistor mesure 5 nanomètre ( 1 nanomètre (nm) = 0,000001 millimètre ); une résistance mesure quelques millimètres, un condensateur de l'ordre du centimètre.

Les transistors sont les composants principaux des microprocesseurs, permettant de réaliser les opérations logiques et arithmétiques nécessaires au fonctionnement de l’ordinateur. En 1971, l'Intel 4004 est le premier microprocesseur commercial, avec une taille de gravure de 10 micromètres (µm) et environ 2 300 transistors, aujourd'hui l'Intel Core i9 de dernière génération peut contenir, sur 10nm plus de 10 milliards de transistors.

 

En 1965, Gordon Moore prédit que le nombre de transistors sur un circuit intégré doublerait chaque année ( ce que l'on appelle, La Loi de Moore), en 1975 il ajuste à deux ans...

Cependant, Lancelot n'imagine pas, qu'un jour chacun pourrait avoir dans sa poche un super calculateur électronique.

En 1976, Arthur C. Clarke, l'auteur de ''2001: l'Odyssée de l’espace '' prédit ce que deviendrait notre quotidien. Lancelot lit : les gens seront « en mesure d'échanger tout type d'information » avec un « écran de télévision à haute définition et un clavier de machine à écrire », et les hommes pourront s'envoyer des messages qu'ils pourront lire quand ils veulent. » Il prévoit aussi la montre intelligente, et le téléphone mobile.

Pour l'an 2000, on prévoit également les voitures volantes pour échapper aux embouteillages, des colonies humaines sur la Lune et sur Mars...

IBM PC 5150

Alors qu'en France, François Gernelle au sein de la société R2E, développe le Micral, dès 1973; on dit que la micro-informatique débute en 1977 avec l'Apple II, conçu par Steve Wozniak, qui est l'un des premiers ordinateurs personnels fabriqués à grande échelle.

En 1981, avec l'IBM PC - produit à plusieurs millions d'exemplaires (concurrent de l'Apple II ) - l'ordinateur personnel fait irruption dans les foyers. L’IBM PC, modèle 5150, est équipé d’un microprocesseur Intel 8088 cadencé à 4,77 MHz, il dispose de 16 Ko de mémoire vive, extensible à 256 Ko. Il utilise le système d’exploitation MS-DOS, développé par Microsoft. Son architecture ouverte permet l’ajout de périphériques et de logiciels tiers, ce qui favorise son adoption massive. En 1982, le PC est élu “homme de l’année” par le magazine Time.

1983, Thomson, une entreprise française, lance les ordinateurs TO7 et MO5. Comme enseignant, je les ai utilisé en réseau piloté par un compatible IBM PC comme le Bull Micral 30, équipé de deux lecteurs de disquettes et d’une mémoire vive de 512 Ko. Ces nanoréseaux ont été largement utilisés dans les écoles françaises dans le cadre du plan “Informatique pour tous” initié par le gouvernement.

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1969-1971 - Comment se prépare le XXIè siècle. 1

7 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1969

Le développement du téléphone, de la télévision, de la radio ouvre les frontières pour l'information. Les médias de masse offrent de l'information et du divertissement et renforce l'attente d'une communication rapide et accessible.

Nous avons donc besoin de répondre aux besoins croissants de communication efficace et fiable.

 

Des ordinateurs pourraient-ils être capable de communiquer entre eux ? Ce serait une révolution!

Dans les années 60, des étudiants au MIT travaillent sur une théorie de commutation, c'est à dire sur les mécanismes techniques qui permettent une communication. Il s'agit de trouver un moyen plus efficace et plus rapide que la commutation de circuits, c'est à dire qui réserve un circuit pour la durée de la communication. Nos chercheurs développent la théorie de la commutation par paquets : les données sont divisées en petits paquets qui sont envoyés indépendamment à travers le réseau. Chaque paquet peut emprunter un chemin différent pour atteindre sa destination.

Le 5 décembre 1969, l’Advanced Research Projects Agency (ARPA) du département américain de la Défense a connecté quatre ordinateurs en un réseau informatique à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), au Stanford Research Institute (SRI) à Menlo Park, en Californie, U.C. Santa Barbara (UCSB) et l’Université de l’Utah. Les quatre ordinateurs de ce projet ARPANET étaient connectés via des lignes téléphoniques dédiées et des Interface Message Processors (IMP), qui assuraient le routage des paquets de données.

Marshall McLuhan

En 1961, le monde apprenait la réussite soviétique du premier vol spatial, et en 1967, le sociologue canadien Marshall McLuhan (1911-1980) utilisait déjà l'expression de « village planétaire » pour décrire les effets de la mondialisation et des technologies de l'information ( télévision, radio, téléphone) et de la communication sur la société.

Pourquoi a t-il choisi le terme de ''village'' plutôt que celui de ''ville'' ? - Parce que les nouvelles technologies de communication rapprochent les gens, créant une sensation de proximité et d’interconnexion. - Parce que les frontières semblent abolies, et les informations et les idées circulent librement et rapidement, créant une sorte de communauté mondiale.

En 1967, Guy Debord, publiait '' La Société du Spectacle '', un livre qui n'a – alors - pas suscité beaucoup d'intérêt. Après les évènement de 1968, une gauche radicale le cite régulièrement; on parle même de mouvement situationniste assez secret, très critique de la gauche traditionnelle et qui se donne comme objectif d'agir dans la société comme un levain, pour une révolution culturelle et sociale.

Je parle de ce livre parce qu'il répond à McLuhan sur certains points:

Debord dénonce une société de consommation, qui fétichise l'objet marchand, autour duquel s'organise les relations sociales, médiatisées par les images publicitaires. Ces représentations nous dominent, les images remplacent la réalité.

McLuhan voit les technologies de communication comme un moyen de rapprocher les gens, tandis que Debord la voit comme un outil d’aliénation.

McLuhan envisage une communauté globale, alors que Debord y voit une fausse réalité qui éloigne les gens de la véritable expérience humaine.

McLuhan parle de relation, de connexion accrues; Debord parle de passivité et d'aliénation...

 

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Edgar Morin

2 Février 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Complexité, #Réalité

Elaine a obtenu en 1965, à la Sorbonne, son diplôme d’études supérieures en Histoire, et en 1966, elle prépare une agrégation ( agrégation féminine d'histoire et géographie ).

Après sa réussite à l'agrégation, elle est nommée au Lycée de Caen-Normandie, ce qui correspond à son souhait. Son université, avec une statue de Phénix à l'entrée du campus, est alors considérée comme la plus moderne d’Europe. Elle y fera connaissance de François Neveux, professeur en Histoire médiévale, et du médiéviste Lucien Musset à l'Université de Caen.

Elaine se lie d'amitié avec Yolande de Pontfarcy, qui après des études de lettres, et un doctorat à Rennes devient une spécialiste de la littérature courtoise et arthurienne. Elle part enseigner à Dublin.

Elaine se partage entre Caen, Fléchigné et Paris où elle retrouve Yvain.

Edgar Morin

Lancelot regrette de ne pouvoir retrouver plus souvent Edgar Morin. Toutes les disciplines l'intéresse, et depuis sa rencontre en Allemagne, Lancelot admire sa pensée qui relie des éléments disparates et leur donne sens.

Et surtout, comme il l'exprime lui-même, son « obsession essentielle est celle qu'exprimait Kant et qui ne cesse de m'animer : Que puis-je savoir ? Que puis-je croire ? Que puis-je espérer ? Inséparable de la triple question : qu'est-ce que l'homme, la vie, l'univers ? » Lancelot ne peux que s'y retrouver.

Même si, pour lui, le mystère du divin, ne peut s'incarner ni se personnaliser, Morin rejoint Lancelot sur son attachement à un livre, les ''Pensées'' de Pascal. Pascal, dont il retient ce principe : « Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître les parties…» et qu'il met en exergue de son travail.

 

Après avoir publié, en 1951, son premier livre "L'Homme et la Mort", Edgar Morin est exclu du Parti Communiste. Il s'en explique, avec lucidité et courage dans son livre "Autocritique" publié en 1959. Il devient un spécialiste du cinéma, et part en 1960-1962 en Amérique du Sud. Il publie '' L'esprit du temps'' : exploration de la culture de masse et ses impacts sur la société.

Il est le principal animateur de la revue Arguments qui paraît de 1956 à 1962.

Ecrivain prolifique, il s'inscrit très activement en recherche, particulièrement sociologique avec son projet de recherche multidisciplinaire à Plozévet, en Bretagne, en 1965 ; puis sur la ''Rumeur d’Orléans'', « une rumeur étrange (la disparition de jeunes filles dans les salons d’essayage de commerçants juifs) s’est répandue, sans qu’il y ait la moindre disparition, dans la ville dont le nom symbolise la mesure et l’équilibre : Orléans ». Edgar Morin et une équipe de chercheurs ont mené l’enquête sur place.

En 1968, Morin remplace Henri Lefebvre comme professeur de philosophie à l’Université de Nanterre et s’implique dans les révoltes étudiantes en France. Il écrit une série d’articles pour Le Monde et analyse ce qu’il appelle "La Commune étudiante".

En 1969, il passe une année à la Jolla, en Californie, où il étudie au Salk Institute for Biological Studies. Pendant cette période, il écrit son “Journal de Californie”, qui documente ses expériences et réflexions sur la contre-culture américaine et les mouvements sociaux de l’époque.

En 1970, il est nommé Directeur de Recherche au C.N.R.S.

De ses travaux sociologiques et anthropologiques, il va évoluer vers une entreprise de réflexion plus systématique sur la connaissance et sur l’homme dans le cadre de ce qu'il va appeler '' la pensée complexe ''.

Sa vie affective est aussi compliquée, et avant son divorce d'avec Violette ; il rencontre une actrice, mannequin et écrivaine québécoise, en juin 1964 par hasard à Paris, Johanne Harrelle. Ils se marient en 1972.

En 1963, à San Francisco « entre ciel et eau, dans le brouillard, sur le Golden Gate Bridge. », c'est la rupture, l'arrêt, la maladie. Au Mount Sinaï Hospital, « je suis en convalescence de mort et de naissance... C'est la paix.... C'est la pause. » .

 

Lancelot et Edgar Morin ont tous les deux connus Gaston Bergery. Morin raconte qu'il ne l'avait pas vu depuis avant la guerre. C'était en 1963, il va lui serrer la main ; Bergery semble le reconnaître, Morin lui parle du frontisme pour lequel, étudiant, il militait. Bergery répond « comme tous les gens bien. ». Puis, sa femme lui demande s'il est « Edgar Faure, père ou fils ? ».

Lancelot et Morin ont souvent échangé sur le rôle ambigu du BMA ( Bureau des menées antinationales ) pendant la guerre. Lancelot l'a documenté sur ses propres activités et de quelques opérations de contre-espionnage contre les allemands. À la suite du débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942, l’Armée d’armistice a cessé d’exister ; s'est créée de ses rangs l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA). Les unités stationnées en Afrique ont rejoint les Alliés et ont été intégrées dans l’Armée française de la Libération.

Morin évoque également sa rencontre avec François Mitterrand., en vue d'unifier leurs mouvements, dans un café ou chez Minette Anthelme par exemple ; qui fut arrêtée un peu plus tard... Après s'être évadé d'un stalag en novembre 1941, Mitterrand avait rejoint Vichy, et travaillé aux Commissariat des prisonniers de guerre. Il restait confiant en le Maréchal ; cependant par l'entremise du BCRA, il va monter un réseau de résistance - le réseau Mitterrand-Pinot fondé en février 1943 - qui sera financé par l'ORA.

 

A propos de Planète, revue que Morin qualifie de « brouillonne ou bouffonne, fumiste ou fumeuse... », il pense qu'elle est le signe que le temps serait à la ''science-fiction''. Lancelot lui suggère '' pour remonter le niveau '' de proposer un article.

A plusieurs reprises, Morin reconnaît à Lancelot, une part d'inconnu dans le devenir... Il parle même de nous efforcer de communiquer avec '' l'énigme ''. Mais s'empresse d'ajouter : énigme « que je ne suis pas gâteux au point d'appeler éternité. »

Lancelot insiste : s'il est si sûr de lui, il doit se prononcer : - qu'est la ''vraie '' réalité ?

Il répond que la science part à la conquête de la réalité, chassant la magie... Il lui semble qu'elle est plus mathématique que physique. Ondes et corpuscules ne sont que des symboles.

- La réalité souffrirait-elle d'une insuffisance d'être ?

La réalité est à la fois réalité et illusion. Il s'agit de « concevoir la réalité comme une donnée relationnelle – née tout d'abord évidemment du rapport entre l'homme et le monde – c'est la concevoir aussi, et surtout, non, comme une donnée simple, mais comme complexe ».

 

Edgar Morin a le réflexe de la contradiction. La conversation avec lui est une aventure, on ne sait où elle nous mènera.

- Ne pourrait-on pas dire que notre réalité est la symbiose du concret ( le vécu) et de l'abstrait ( le rationnel) ?

Oui, et alors le ''concret-vécu '' appelle tout ce qui relève de l'affectivité, du fantasme, de l'imaginaire ; et la notion '' d'abstrait-rationnel'' de tout ce qui est la loi, les mathématiques, la logique. Le pur vécu, sans rationalité, devient fantasme, donc irréel. La pure mathématique privée d'applications empiriques est idéelle-irréelle.

- Et le mythe ?

Prenons l'Alchimie, le symbole y est à la fois abstrait et concret. Il est idéal, formalisé, structuré et en même temps gorgé de substance affective.

- le Graal ?

Ce symbole a la matérialité, et devient plus que la réalité, puisque qu'il est le centre de fixation de la plus haute présence, celle d'un être d'esprit comme l'hostie.

Le mythe est encore plus proche de la réalité parce qu'il constitue, comme la réalité, un univers.. Le mythe est un discours-univers qui a sa logique, sa structure et en même temps il est gonflé à bloc de vertus magico-affectives. Le mythe est, de plus, profondément inscrit dans l'expérience quotidienne de celui qui le vit.

Sources : Edgar Morin – Journal 1962-1987

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Les Mathématiques, et la Réalité

28 Janvier 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Mathématiques, #La Vérité, #Cantor

Yvain revient au miroir qui les intriguait tous les deux, avec Elaine: - cette image énigmatique rejoint mon idée que la réalité n’est plus simplement ce que j'observe directement, mais elle inclut des phénomènes invisibles à l’œil nu... Je pense, dit-il, aux interactions quantiques et aux forces gravitationnelles, qui modélisent, en partie seulement, notre perception du monde.

- En t'écoutant, ajoute Elaine, je rapprocherais bien ces aspects réels du monde, qui ne sont pas directement observables, aux ''Formes '' antiques...

Mais, sans y avoir trop réfléchi, je pensais que la manière dont nous en rendons compte, par des équations par exemple, dépendait de nous, de notre cerveau, de ce que nous apprenons...

Les nombres ou les formes géométriques, sont des entités idéales et abstraites. Ma question c'est: Ces objets mathématiques, existent-ils indépendamment de notre esprit , ou sont-ils des constructions humaines?

Et je rajoute, dit Elaine, si ces objets mathématiques, sont découverts et non inventés, les mathématiciens peuvent-ils témoigner d'un lien particulier entre ces '' Formes '' et leur intuition ?

Ramanujan

- Oui... répond Yvain. Je pense à présent, à ce curieux personnage qu'est Ramanujan, un génial mathématicien indien autodidacte, qui avait la conviction que ses découvertes mathématiques étaient révélées par une source divine! Il ne se fiait - disait-il - qu'à son intuition et à ses visions pour formuler des théorèmes et des formules, dont beaucoup se sont révélés corrects et profonds.

Elaine connaissait l'histoire de ce mathématicien indien, invité à Cambridge, du fait que son père – après la première guerre - l'avait rapidement rencontré, grâce à Russell... ( cf, le chapitre: Lancelot de Fléchigné - Cambridge – Russell )( Tome 4)

 

Yvain, qui reçoit les félicitations de Lancelot, pour prendre avec beaucoup d'application la Quête en chemin, nous explique comment les Universaux trouvent un écho important dans ses propres travaux de mathématiques.

Il commence, avec beaucoup d'à propos, par cette citation de W. V. O. Quine, il écrivait :

«  Les trois principaux points de vue médiévaux concernant les universaux sont appelés par les historiens réalisme, conceptualisme, et nominalisme. Pour l’essentiel ces mêmes trois doctrines réapparaissent dans les vues d’ensemble du vingtième siècle sur la philosophie des mathématiques sous les nouveaux noms ( à côté de celui de réalisme ( Cantor)  de logicisme, intuitionnisme et formalisme. »

 

Après la querelle médiévale des universaux s’est ouverte à cause de Cantor, peut-être, une querelle similaire, la Querelle des Mathématiques. Dans l'optique de notre intérêt, il s'agit bien d'une querelle métaphysique.

Georg Cantor (1845-1918), mathématicien allemand, s'est heurté à l'attitude hostile de ses contemporains. Cependant, ses idées ont finalement été reconnues comme révolutionnaires et ont profondément influencé les mathématiques modernes. Il sépare ''infini potentiel '' ( indéterminé) de l'infini actuel comme par exemple '' l'ensemble de tous les nombres entiers finis '', cet ensemble, précise-t-il, est une chose en soi . ''L’infini actuel'', dit-il, est un infini parmi d’autres, avec une hiérarchie complexe de différents types d’infinis.

Cantor pense que les objets mathématiques, y compris les ensembles infinis, existent indépendamment de notre pensée. Cette position est en ligne avec le réalisme mathématique, qui soutient que les entités mathématiques ont une existence objective et indépendante

 

Paul Bernays ( 1888-1977 - mathématicien suisse) défend un logicisme : les concepts mathématiques peuvent être définis en termes logiques, pour lui les mathématiques sont une activité de l’esprit qui réagit à des situations, plutôt qu’un simple réservoir de connaissances. Il rejoint en un sens, Bertrand Russell.

L’intuitionnisme est défendu par L. E. J. Brouwer : Les objets mathématiques n’existent pas indépendamment de notre pensée, Ils sont une création libre de l’esprit humain. Le point intéressant concerne '' l'Infini '' :l’intuitionnisme rejette l’idée de ''l’infini actuel'' de Cantor. Par exemple, un nombre réel ne peut être représenté comme une suite infinie de décimales que si nous disposons d’un moyen effectif de calculer chacune de ces décimales.

Le formalisme ( David Hilbert ) est une position philosophique en mathématiques qui soutient que les mathématiques consistent essentiellement en la manipulation de symboles selon des règles formelles, sans se préoccuper de la signification ou de l’existence des objets mathématiques eux-mêmes, en particulier des infinis...

Ces trois courants s'opposent au réalisme de Cantor en ce qui concerne la nature et l’existence des objets mathématiques. Cantor voyait les ensembles infinis comme des entités réelles et indépendantes.

 

Et aujourd'hui – dans les années 60 – 70, quels sont les scientifiques qui seraient dans la ligne du réalisme mathématique ?

Kurt Gödel

Kurt Gödel, autrichien ( 1906-1978), il a collaboré à Princeton avec Albert Einstein. Gödel a travaillé sur les fondements des mathématiques et a prouvé des théorèmes d’incomplétude – c'est à dire que la cohérence et la complétude des systèmes mathématiques ne peuvent être ni prouvées ni réfutées à partir des axiomes de ce système.- et ont eu des implications profondes pour la théorie des ensembles. Gödel était un réaliste platonicien, il pense les objets mathématiques sont découverts plutôt que créés; ils sont découverts à travers la recherche et la logique. Les objets mathématiques, seraient indépendants, tout comme les objets physiques tels que les planètes ou les atomes.

Roger Penrose (1931- ) physicien et mathématicien britannique, croit que les mathématiques existent indépendamment de l’esprit humain et qu’elles révèlent des aspects fondamentaux de la réalité. Il utilise les théorèmes de Gödel pour argumenter que la conscience humaine ne peut pas être entièrement expliquée par des systèmes formels ou des algorithmes

Michael Atiyah (1929-2019) un mathématicien britannique qui a contribué de manière significative à la topologie et à la géométrie a souvent parlé de la beauté et de l’élégance des mathématiques.

 

Elaine réagit: - Prenons, la mathématique comme un langage : elle décrit la réalité en représentant des faits et des objets. Mais, si on va en profondeur, de notre relation au langage par son apprentissage, on peut soutenir que le langage ne se contente pas de décrire la réalité, il la construit. Nos concepts et catégories linguistiques façonnent notre perception du monde, diront certains.

Yvain répond: - je pourrais dire que les vérités mathématiques existent indépendamment de la manière dont nous les conceptualisons. Il me semble que la mathématique est un langage universel, les concepts mathématiques eux-mêmes transcendent les différences culturelles. Le fait est que, souvent, en mathématique, nos propositions, bien qu'étonnantes, sont validées par l'expérience...

Une autre fois, Yvain souhaite nous parler d'une nouvelle théorie, qui rejoint les discussions précédentes. Il s'agit de la '' Théorie des Cordes '' : elle concerne les particules élémentaires, c'est à dire, les plus petits objets physiques dont sont constituées la matière et les forces de l'univers.

Nous pensions que les électrons, les neutrons et les protons, représentaient les particules fondamentales dont toute matière est faite. Mais, la découverte des quarks constituant les nucléons allait relancer la course à la recherche des particules élémentaires.

Une ''particule'' était considérée comme un point sans dimension, occupant une position précise dans l’espace. Ses caractéristiques étaient la masse, la charge électrique (positive pour les protons, négative pour les électrons, et neutre pour les neutrons), et le spin (une propriété quantique intrinsèque).

Avec l’avènement de la mécanique quantique, la représentation des particules évolue, elles ne sont plus vues comme des objets ponctuels avec des trajectoires définies, mais plutôt comme des “paquets d’ondes” avec des probabilités de présence dans différentes régions de l’espace. Cette matière aurait un aspect ondulatoire ; Cette dualité ''onde-particule '' affecte donc cette représentation. Nous ne pouvons plus nous représenter les particules par de petites billes..

De plus, les physiciens ont découvert que les protons et les neutrons n’étaient pas '' élémentaires '', mais étaient composés de quarks. A présent, nous comprenons qu'il faudrait unifier dans une même théorie, les forces fondamentales (électromagnétique, faible et forte) et la gravité.

Un développement mathématique propose le modèle de cordes unidimensionnelles ( qui n’ont qu’une longueur, et n'ont ni largeur ni hauteur.). Ces cordes vibrent à différentes fréquences, et chaque mode de vibration correspond à une particule différente. La Théorie des Cordes estime pouvoir unifier la gravité et la mécanique quantique.

Cela rejoint nos discussions, autour du miroir; sur les '' formes '' mathématiques utilisées pour décrire des phénomènes physiques. Les mathématiques jouent un rôle central dans la formulation de la théorie des cordes, qui n'est que théorique... Ce serait bien du platonisme, parce que ces cordes, en un sens, ne sont pas observables, et pourraient être considérées comme des entités idéales qui sous-tendent la réalité.

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La Querelle des Universaux -2

23 Janvier 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Universaux, #Moyen-âge

Avec mon esprit colimaçon, je reviens sur ce débat :

Le ''nominaliste'' affirme que sans un individu qui puisse comparer ce cheval avec un autre, aucune similitude n'existe entre eux. Le concept général de ''cheval'' n'existe pas réellement et relève uniquement d’un processus de l’esprit.

A contrario, répond le ''réaliste'' l'universel cheval existe, ce concept existe même indépendamment de ce qu’il représente. En effet, il est patent que tous les chevaux partagent des caractéristiques communes (comme avoir quatre pattes, une crinière, etc.).

Le '' réaliste'' soutient que les universaux sont nécessaires pour expliquer l’existence des catégories et des espèces. Sans les universaux, il serait impossible de parler de “cheval” en général, car il n’y aurait que des chevaux individuels sans lien conceptuel entre eux.

De plus, c'est parce que '' la chevalité '' existe en lui, que cet animal peut galoper.

Le ''nominaliste '' répond : - Préférons la simplicité, comme de considérer que les universaux sont des noms que nous utilisons pour décrire des groupes d’objets similaires, plutôt que des entités réelles indépendantes. '' Cheval'' reste une étiquette que nous facilite le langage. De plus, nous ne percevons que des chevaux individuels, et non pas l'universel ''cheval''. Les universaux nous permettent d'organiser notre expérience du monde, mais ils n’ont pas d’existence indépendante.

Abélard et Héloïse

Elaine, choisit la position intermédiaire d'Abélard ( défini comme ''conceptualiste'' ). Il admet que les universaux existent, mais uniquement dans l’esprit humain. Pourtant, ils jouent un rôle crucial dans notre cognition. Ils nous permettent de catégoriser et de comprendre le monde en regroupant des objets individuels sous des concepts généraux. Par exemple, le concept de “cheval” est formé en observant les caractéristiques communes à tous les chevaux.

Ainsi, le mot ''cheval '' a une signification réelle dans notre langage et notre pensée. Un concept n'est pas un simple nom sans substance, il émerge de notre interaction avec le monde et de notre besoin de structurer notre connaissance.

 

Yvain rejoint Elaine, et ajoute qu'un des questions qui lui vient à l'esprit – un peu annexe, certes - est celle-ci : comment pouvons-nous modéliser un concept universel, pour qu'il puisse être admis par une ''intelligence artificielle'', et qu'est-ce que cela en dit... ?

 

Une autre fois, Lancelot qui s’intéresse de près aux sciences, et Yvain, découvrent qu'ils ont suivis de près ou de loin, les mêmes conférences de Jules Vuillemin (1920-2001) philosophe et épistémologue, au Collège de France, où il traitait de la théorie de la connaissance appliquée aux mathématiques. Il avait écrit en 1962 '' La philosophie de l'algèbre ''. Lancelot avait pu le rencontrer lors de l’hommage à Jean Cavaillès qu'il avait connu. (voir : Le 8 mai 1945. - Les légendes du Graal (over-blog.net) et Jean Cavaillès - 1929 - Les légendes du Graal (over-blog.net) )

 

Dans son ouvrage “Nécessité ou contingence”, Vuillemin analyse comment différents systèmes philosophiques depuis l’Antiquité ont traité la question des universaux.

Et surtout, Vuillemin a été fortement influencé par les idées de Willard Van Orman Quine (1908-2000) , avec qui il a beaucoup échangé, notamment en ce qui concerne deux points importants :

- Nos croyances : elles forment un réseau interconnecté, où chaque croyance est soutenue par d’autres croyances. Si une nouvelle preuve contredit une croyance, nous devons ajuster l’ensemble du réseau pour maintenir la cohérence.

- La véracité d'un énoncé : certains sont-ils vrais par définition, et d'autres en vertu de l'expérience ? Doit-on faire cette distinction ? Quine et Vuillemin sont d'accord de la critiquer.

 

Vuillemin a exploré les questions de déterminisme et d’indéterminisme, qui sont centrales à la mécanique quantique. Il a analysé comment les concepts de probabilité et de causalité sont traités dans la théorie des cordes, et comment cela affecte notre compréhension de la réalité.

 

J'ai moi-même lu en 1973, dans la collection de poche Idées, ''La nature dans la physique contemporaine'' de Werner Heisenberg ; avec des lignes fascinantes sur le comportement des particules subatomiques, et l'énoncé du fameux principe d’incertitude de Heisenberg. Le fait que nous ne pouvons pas connaître simultanément la position et la vitesse d’une particule avec précision, implique une description probabiliste de la réalité ; et cela introduit une forme d’indéterminisme où les événements ne sont pas strictement déterminés par des causes antérieures.

Le rôle de l'observateur dans la réduction de la fonction d’onde suggèrent que l’acte d’observation peut influencer le résultat d’un événement, remettant en question la causalité classique.

On pourrait ajouter que l’intrication quantique, suggère que des événements peuvent être corrélés de manière instantanée à distance, sans lien causal direct.

Le calcul des probabilités nous permet de modéliser des phénomènes complexes où les résultats ne sont pas déterministes. Et, il est nécessaire de repenser la causalité dans un cadre plus global et interconnecté.

 

Lancelot rappelle que déjà le philosophe David Hume (1711-1776) soutenait que notre idée de causalité ne repose pas sur une connexion nécessaire entre les événements, mais sur l’habitude et l’expérience répétée. ( Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -3/.- - Les légendes du Graal (over-blog.net) )

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