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Les légendes du Graal

dubarle

1960 - La bombe atomique

29 Mars 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1960, #bombe atomique, #Dubarle

Le père Dubarle

Lancelot, grâce à la fréquentation du dominicain Dubarle, qu'il connaît et rencontre depuis 1945, s'interroge sur les doctrines d'emploi de la bombe atomique. La dissuasion à ne pas l'employer est-elle efficace ?

Dubarle se demande même : « Qui sait, si le moment n'approche point du rire commun devant le grotesque de la surenchère ? » En envisageant le pire, en cas de conflit nucléaire, il doute de la possibilité d'une extinction totale de l'humanité.

Dominique Dubarle préfère réfléchir sur l'emploi de l'atome à des fins autres que belliqueuses...

L’essentiel de la course aux recherches devrait s'orienter sur les utilisations pacifiques, sur l'industrie bien plus que sur l'armement.

- Lancelot précise : « Après la pile expérimentale du fort de Châtillon, après l’ensemble de réalisations, déjà beaucoup plus considérable, qui se groupe à Saclay, il devient possible de construire à Marcoule, dans le Gard, un centre de production de plutonium qui, d’ici trois années, sera à même de livrer un nombre déjà appréciable de kilos de ce métal par an. »

- Dubarle s'en félicite.

- Lancelot ajoute cependant que « Mise en face de l’apparente puissance militaire que la bombe atomique donnait aux États-Unis, la Russie s’est fiévreusement occupée d’égaler ces derniers en potentiel d’armement nucléaire. », « L’Angleterre elle-même, espérant faire valoir sa place entre les deux colosses, a organisé sa première expérience d’explosion atomique à Montebello, le 3 octobre 1952. Partout dans le monde, il semble que les programmes de quelque importance relatives au potentiel nucléaire aient été développés en fonction de la priorité militaire. »

Ne convient-il pas à notre pays de regarder les choses en face et le cas échéant, de réformer son option pacifique de 1946 ?

Aujourd'hui : Un pays sans arme atomique n'est-il pas à la merci de ceux qui possèdent cette arme. Une défense nationale sans arme atomique n'est-elle pas incomplète, et inefficace ?

A quoi répond le père Dubarle :

- Si nous parvenons à produire quelques bombes de modèle A. Que signifieront elles dans un monde où Russie et Amérique fabriqueront des bombes H par centaines ? Nous nous serons épuisés à construire un matériel en retard de quinze ans ! Nous ne pouvons tout faire à la fois.

Pour ce qui est du domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire, des certitudes d'application existent.

Certes, avec un avec un potentiel militaire faible, on est parfois envahi. Avec un équipement industriel archaïque, on est certainement colonisé. Et avec la fin de notre empire colonial, nous devrons nous questionner sur nos ressources en matières premières.

Nous risquons de perdre une position « morale et politique ». D'un équipement nucléaire militaire, en résulte: contrôle politico-policier des équipes de recherche, secret de l'information, visage inquiétant de la force et de ses surenchères.

Œuvrer pour la destruction pure finit par écœurer le chercheur. Aujourd'hui plus que jamais, les problèmes fascinants et les objectifs capables de susciter la ferveur de l'effort sont du côté des applications pacifiques. On a trouvé en France des équipes de jeunes enthousiastes pour se dévouer à la réalisation de Saclay, et l'on peut espérer que l'entrain de ces chercheurs et de ces techniciens est aussi une fermentation génératrice d'idées et de trouvailles. On en trouvera davantage encore si on continue dans le même sens. Mais si nos installations se muent en usines d'armement, si le laboratoire prend le visage de la caserne scientifique, si au lieu de rêver des machines de l'avenir on s'épuise à reproduire les bombes du passé, alors tout cet élan retombera à rien. Les scientifiques qui espèrent en une création s'en iront ou se résigneront à n'être plus que les fonctionnaires déçus d'un parc d'explosifs. L'horizon des problèmes neufs nous sera retiré. Croit-on que cela est négligeable pour un pays comme la France, qui ne peut pas se permettre de décourager beaucoup le goût de vivre et d'entreprendre au sein de ses générations présentes ? » Dom Dubarle

 

Peut-on être optimiste pour ce monde, où la science et la technique sont si agissantes ? Interroge Lancelot :

Dubarle répond : - « La condition dans laquelle sciences et techniques se développent est celle d’une contingence réelle ou l’échec est possible, d’autant que le rôle de la nature décroît et que la part de l’action libre de l’homme est de plus en plus prépondérante. Cela augmente les risques mais aussi les chances de réussite, d’où un optimisme modéré et volontariste. La réussite dépend de plus en plus de l’homme lui-même et de sa liberté. »

- Nous nous éloignons de l'histoire dure, besogneuse de la condition humaine

- L'impact des progrès scientifiques, est à présent sensible sur le plan démographique, et même sur nos conditions d'existence. Je veux parler « d’une survie collective dans des conditions qui soient acceptables et dignes de l’homme tel qu’il se conçoit et tel qu’il se veut aujourd’hui. » (…) « ce n’est pas simplement un problème de technique et de politique ; c’est plus profondément un problème d’éthique humaine, et dans le plus grand sens du mot éthique. »

- Pourquoi '' éthique '' ?

- Parce qu'il s'agit d’une question de « liberté humaine qui a de plus en plus de pouvoir de faire et d’agir, de sorte qu’on peut de moins en moins parler de destin et que se pose la question de la destinée de l’homme... »

 

Lancelot semble être pris dans la contradiction de sa conscience qui interdit la guerre nucléaire avec sa pratique qui l’envisage et la prépare. ?

Dubarle répond : « Que peut à cet égard le théologien ? Beaucoup voudraient qu’il leur montre une ligne de conduite toute tracée, une recette de moralité qui les mette à l’abri des reproches de leur conscience. Mais cela ne correspond plus au rôle du théologien dans le monde tel qu’il est aujourd’hui devenu. Le problème de la guerre nucléaire étant celui de la mise en œuvre humaine de la science, c’est à la société scientifique elle-même et à ses maîtres d’œuvre qu’appartiennent les responsabilités spirituelles et morales qu’assumait autrefois le théologien. Une certaine croissance spirituelle de l’humanité s’est accomplie avec le passage à l’ère scientifique. C’est donc aux techniciens de résoudre leur problème. Le théologien ne peut plus leur mâcher la besogne comme il avait coutume de le faire avec une humanité moins adulte. »

Le théologien accepte de tâtonner dans le concret avec chacun d'entre nous... La philosophie et la théologie se présentent comme des partenaires. La science n'est plus seulement une affaire de savant seul dans son laboratoire, c'est l'affaire de l'Etat, donc de la politique...

Sa question est celle-ci : « Que peut devenir politiquement une collectivité humaine qui, en masse, sociologiquement, se met a vouloir la science, notre science moderne, comme sa vocation humaine et sa finalité ? » ( Dubarle: Articles et La civilisation de l’atome, Paris, Ed. du Cerf, 1962)

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Le 8 mai 1945.

17 Février 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1945, #8 mai 1945, #Cavaillès, #Dubarle

Dans l'après-midi, les sirènes retentissent et les cloches sonnent. A 15 heures, l’annonce officielle de la capitulation allemande est faite à la radio par le général de Gaulle. Cette annonce, c'est avant tout celle de ''ne plus avoir peur''. Peur d'être arrêté, peur d'être torturé, peur d'être trahi ou dénoncé...

La veille, l'Amiral Donitz, désigné par Hitler pour lui succéder attend près de la frontière danoise, pour négocier avec les anglais et les américains, une paix séparée d'avec l'URSS. Les alliés refusent.

Une reddition allemande est signée à Reims le 7 mai. Staline réclame qu'elle soit organisée à Berlin et le choix du signataire allemand est très discuté.

La capitulation est donc signée le 8 mai, au quartier général du maréchal Joukov en présence du maréchal Arthur Tedder pour le Royaume-Uni, du général Carl Andrew Spaatz pour les États-Unis et du maréchal Jean de Lattre de Tassigny pour la France.

Finalement, c'est Wilhelm Keitel qui signe l'acte de capitulation sans condition à 1h ... le 9 mai. ( Mais les signatures avaient commencé à 23h00 le 8 mai...)

Le maréchal Keitel - surnommé ''Lakaitel ( petit laquais) agent servile d’Hitler – s'était exclamé : « Ach ! Il y a aussi les Français? Il ne manquait plus que cela… ».

 

Cette réaction allemande entraîne Lancelot sur une réflexion à propos des relations malsaines qui se sont tissées entre les allemands et les français, depuis le 21 juin 1940. Keitel était au côté d'Hitler, dans le wagon du train arrêté à Rethondes en forêt de Compiègne, rappel de 1918. En 1940, nous perdions notre souveraineté ; et le général Huntziger ne représentait alors que le maréchal Pétain et le régime de Vichy. En 1940, de Gaulle, appelant à refuser la défaite, était condamné à mort pour trahison.

Aujourd'hui, 8 mai 1945, c'est le maréchal de Lattre de Tassigny qui représente le Général de Gaulle et s'impose, lors de la signature de l'acte final de la capitulation allemande. La France s'affirme du côté des vainqueurs.

La victoire arrogante de l'Allemagne sur le peuple français, nous a contraint soit à la soumission complète, déshonorante, soit à résistance armée. Les allemands ont du faire avec l'une et l'autre attitude. Nous avons signé une armistice et nous avons continué la guerre.

Keitel, a conduit l'armée allemande dans la folie nazie ; il a ordonné une guerre d'extermination, en particulier à l'Est. Il sera condamné à mort au procès de Nuremberg, et pendu.

 

Jean Cavaillès (1903-1944)

30 juin 1945 – Le corps de Jean Cavaillès a été retrouvé dans un charnier, à la citadelle d'Arras. Il y a été fusillé, le17 février 44. Il est l'un des fondateurs des mouvements ''Libération '' nord et sud.

Le jeudi 12 juillet, Lancelot tient à communier au souvenir de Cavaillès, lors d'une célébration au domicile du dominicain Jean-Augustin Maydieu, 29 boulevard de La Tour-Maubourg. Maydieu a fait partie du CNE ( ''le Céné'', créé par Jacques Decour), il y a rencontré J. Paulhan, Cl. Morgan, Edith Thomas, J. Guéhenno, Aragon, Éluard et un an plus tard, de Mauriac, Camus, Marcel et Sartre . Maydieu a été arrêté le 19 mars 1944, à Annecy, alors qu'il devait rejoindre Béguin en Suisse. Il a été libéré par le maquis le 18 août 1944.

Lancelot y rencontre Dominique Dubarle ( autre dominicain) , résistant avec Maydieu, ami de Gabrielle Ferrières la sœur de Jean Cavaillès dont il est le légataire. Esprit étonnant que Lancelot regrette de ne pas avoir connu plus tôt, ses questions sur les sciences sont fascinantes parce que porteuses d'immenses possibilités qui questionnent l'humain dans son essence. De plus Lancelot ressent l'impression que Dubarle a précisément déjà réfléchi en profondeur aux questions que lui-même se pose ; comme celui du regard que nous posons sur le Monde, Dieu, nos responsabilités en fonction de la nouvelle vision scientifique.

Le père Dubarle, excellent connaisseur de la logique mathématique, collabora occasionnellement avec Louis Leprince-Ringuet sur des problèmes de physique nucléaire. Il contribua à faire connaître la cybernétique en France dès 1948 et écrivit un essai sur Norbert Wiener.  

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