Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les légendes du Graal

1958

1958 - L'arme nucléaire

24 Mars 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1958, #Nucléaire, #De Gaulle

« Il y a tout lieu de croire que les atomes des éléments radioactifs renferment une énorme quantité d’énergie latente... Si on parvenait à contrôler la vitesse à laquelle se désintègrent ces éléments, une petite quantité de matière libérerait une masse colossale d’énergie. » E. Rutherford, Ed. Cambridge at the University Press (1904). Rutherford est celui qui a présenté en 1911, le modèle où l'atome est représenté par un espace presque vide avec, au centre, un noyau massif et dense.

Si on envoie un neutron sur un noyau d'Uranium ; l'Uranium 235 est capable de se couper en deux, et produire une énorme énergie. Il sera démontré qu'1cm3 d'Uranium U-235, soit 20 grammes, peut fournir autant de chaleur que 50 m3 de pétrole.

 

Herbert George Wells a publié en 1914, The World Set free ( La Destruction libératrice ), ce livre est une réflexion sur les conséquences d'une course à l'énergie. Si la société bénéficie de conditions de vie améliorées, un scientifique Holsten, découvre à partir de la radioactivité la possibilité d'une énorme énergie ; et prévoit une catastrophe prochaine. Les inégalités sociales se sont creusées, et la classe politique est sourde aux avertissements. Un conflit mondial inévitable, entraîne l'utilisation de bombes atomiques.

Pourquoi une destruction ''libératrice'' ? Parce que, cette catastrophe a entraîné un monde meilleur, sans frontières, avec un gouvernement mondial. Avec surprise, peut-être pour certains, on voit que Wells considère le christianisme comme faisant partie de la solution. Nous lisons :  « Le bon sens de l'espèce humaine a peiné au fil de deux millénaires d'expériences qui l'ont mûrie, pour en arriver à saisir le sens véritablement profond des mots les plus familiers de la foi chrétienne. ». Et de plus : « Le penseur scientifique qui s'attaque aux problème moraux posés par la vie en société, ne peut de manière inévitable qu'en venir aux paroles du Christ, et aussi inévitablement, lorsque s'éclaire ainsi sa réflexion, en arriver à la République universelle. » 

 

Pour Aldous Huxley (1894-1963), l'auteur du fameux roman Le Meilleur des mondes (1932) ; l'homme n'aurait plus d'autre choix, que de se détruire ou se surpasser.

 

En 1932, James Chadwick établit que le noyau est composé de protons et de neutrons.

Otto Hahn et Lise Meitner découvrent ''la fission des noyaux lourds '' - processus permettant de produire de l'énergie - en décembre 1938 à Berlin. Mais seul Hahn, recevra le Nobel, en 1945.

F. Joliot voit la possibilité d’une réaction en chaîne. Une première pile atomique est inaugurée en décembre 1942 aux Etats-Unis, et en 1948 en France ( Zoé).

Les 6 et 9 Août 1945, la fission nucléaire - pour la guerre - est utilisée sur Hiroshima et Nagasaki

 

 

Dès octobre 1945, le Général de Gaulle avait créé le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour lancer la recherche et l’industrialisation de l’énergie nucléaire en France. 

Un premier réacteur nucléaire est projeté ( CEA et EDF) à Marcoule, en 1955.

Pierre Mendès France et Guy Mollet, en 1954, décident d'octroyer, dans le plan de l'énergie atomique du CEA, des crédits secrets pour des applications militaires. Le programme militaire nucléaire français est lancé.

Le 22 juillet 1958, le général de Gaulle confirme l'ordre d'expérimenter l'arme nucléaire.

 

Lors du dernier gouvernement de la IVè République, avec de Gaulle ; Lancelot de Sallembier réussit à échapper au cabinet de la présidence du Conseil, et revient à son ministère d'origine, le ministère des armées. Plus précisément il est nommé rédacteur à la Direction des applications militaires (DAM) et conseiller auprès du ministre. Le chef de ce département est le général Buchalet, auquel Jacques Robert va succéder en 1960. Il s'agit de suivre les applications militaires de la physique nucléaire, et d'en informer le ministre et son cabinet.

A la D.A.M., Lancelot retrouve plusieurs collaborateurs de ce qui était le BCRA pendant la guerre.

Caricature. F. Behrendt « De Gaulle et l’OTAN »

 

Les services travaillent dans le plus grand secret. Si la France appartient depuis 1949, à l'Alliance Atlantique ( OTAN) ; elle regrette avec de Gaulle, les pressions américaines concernant la CED, la crise de Suez, la décolonisation... Et, nous estimons devoir développer notre indépendance militaire et nucléaire. Les Etats-Unis s’y opposent, et refusent toute aide au programme français nucléaire.

De plus les milieux scientifiques français, selon la ligne de Joliot-Curie ou à l'inverse selon la ligne américaine, sont encore en majorité défavorables à un programme nucléaire français.

 

Lancelot se rend régulièrement à Bruyères-le-Châtel ( dénommé 'B3') ( à 40km de Paris), où les équipes scientifiques depuis 1956 cherchent à fabriquer la première bombe atomique française, en coordination avec le fort de Vaujours qui met au point le détonateur.

Les armées sont chargées de mener à bien les essais de la nouvelle arme. La réalisation d'engins balistiques est à l’œuvre.

Lire la suite

1958 Une nouvelle Constitution avec de Gaulle

9 Mars 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1958, #De Gaulle, #Ve République

Après avoir donné ses instructions à Michel Debré – chargé de préparer ce nouveau texte constitutionnel - de Gaulle s’envole pour Alger, en Caravelle, où il débarque le 4 juin au matin en tenue de général.

De Gaulle est accueilli par une population en délire, certaine d'avoir contribué à faire revenir le défenseur de l'Algérie française. Reçu par les généraux Salan, Massu, le cortège est acclamé dans les avenues, aux cris d’ "Algérie française'', ''Vive de Gaulle".

Au balcon du gouvernement général vers 19 heures, il se montre, lève les deux bras en signe de victoire, et clame : « Je vous ai compris », parole saluée par une immense clameur de joie et d’applaudissements.

 

Dans ce dernier gouvernement de la IVe république, même si de Gaulle qui n'a pas de tendresse particulière pour les partis ; il a besoin d'eux pour la suite...

Il souhaiterait en grouper le maximum autour de lui : Les socialistes, les radicaux, le MRP, les indépendants ont chacun trois ministres.

 

Ainsi, Pierre Pflimlin participe au nouveau gouvernement de Gaulle, pour y représenter le MRP et l'associer au nouveau pouvoir qui s'installe. Il incarne une certaine continuité de l’État, mais au contraire de Georges Bidault qui avait approuvé le putsch d’Alger, il exprime, lui, la volonté de modifier la politique algérienne dans le sens libéral.

 

Un premier groupe de travail, avec des juristes, est chargé de proposer les premières rédactions sur chacune des dispositions de la Constitution.

Elles sont discutées sous la présidence de de Gaulle, avec un comité interministériel dont des leaders de l’ex-quatrième République, Guy Mollet, Pflimlin qui sont intervenus, en particulier pour défendre les droits du Parlement et pour limiter le recours au référendum mais le texte définitif reprend les orientations imposées par le général de Gaulle : rôle prépondérant du président de la République, limitations des prérogatives du "pouvoir législatif", et cet article 16, relatif aux pouvoirs exceptionnels attribués au président de la République en temps de crise que certains vont nommer ''dictature temporaire''.

Le nouveau texte constitutionnel est adopté par le Conseil des ministres le 3 septembre, soumis au peuple par le référendum du 28 septembre 1958.

 

Comme beaucoup l'observent, Lancelot remarque que pour la plupart des électeurs, le référendum portera sur la confiance au général de Gaulle beaucoup plus que sur une constitution dont bien peu sont capables d’apprécier objectivement le contenu et moins encore les conséquences.

Il est clair que deux autres questions inquiètent beaucoup plus l’opinion : d’abord celle de l’Algérie et du terrorisme et ensuite celle de la hausse des prix qui continue d’entretenir un mécontentement latent.

 

Pierre Pflimlin, confie à Lancelot, que pendant ces quelques jours de son gouvernement, le plus difficile a été de se rendre compte qu'il se passait beaucoup de choses derrière son dos.

« Pendant quinze jours, j'étais dans une situation dramatique et je recevais de très nombreuses informations qui étaient toutes plus alarmantes les unes que les autres : ce qui se passait en Algérie, ce qui se préparait en France... Il y avait au sein du gouvernement une assez grande cohésion. J'avais conscience de la précarité du gouvernement. C'était évident. Mais quand on est en pleine action, on essaie de faire face à ce qui se passe. »

Il est certain que de Gaulle avait le souci de respecter la légalité. Ce qui ne l'a pas empêché de «  forcer le rythme par son fameux communiqué : « le processus est engagé... »

Pflimlin reconnaît : « j'étais bien convaincu que le retour au pouvoir du général de Gaulle était sans doute la seule solution. »

Plus tard de Gaulle fera l'éloge de la conduite de Pflimlin pendant cette crise.

 

Enfin, le 28 septembre 1958, Lancelot avec 79,2% des français ( seulement 15,6% d'abstention...) approuvent par référendum, le texte de la nouvelle Constitution ( la 5ème) . A noter le score de 96% en Algérie.

Aux législatives, l'UNR ( gaullistes) obtient 212 sièges ; les modérés, indépendants.. 118, et le MRP avec Pflimlin 56 sièges ; la SFIO 44 sièges et le PCF 10 sièges. La nouvelle chambre est nettement ''à droite''.

 

« Le général de Gaulle devint, le 15 mai 1958, le seul homme capable de rassembler pacifiquement les trois fragments de la nation française divisée : les Français d’Algérie, l’armée, les républicains de France, c’est-à-dire la grande masse de la nation. » ( Raymond Aron, « Discours à Harvard », Le Monde, 5 juillet 1958 )

Lire la suite

1958 - Pierre Pflimlin – 2

4 Mars 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Pflimlin, #1958, #Algérie, #De Gaulle

Raymond Aron

Lancelot s'interroge sur la possibilité d'un retour du Général. Malgré son âge, peut-il apparaître, à nouveau, le recours qu'attend la France ? Lui-même semble en douter, quand il exprime fermement sa répugnance à se présenter comme un chef de parti. S'il a rendu leur liberté, à ceux qui le soutenaient au sein du RPF ; et admit l'échec du Rassemblement, quelle stratégie reste t-il à cette forte personnalité pour arriver au pouvoir ? Entrevoit-il un changement de régime ? La République, et même la démocratie ne seraient-elles pas en danger ?

 

Raymond Aron, exprime qu'il ne croit plus à l'efficacité du mythe gaulliste. A l'opposé '' les barons '' du gaullisme, Malraux, Debré, Soustelle, Pompidou, Fouchet, Guichard... entretiennent l'idée du Général, que « plus cela irait mal, plus son heure approcherait. »

En ce début d'année 1958, la « traversée du désert » du Général apparaissait, subitement, à beaucoup, sur la fin.

De Gaulle l'exprime à divers interlocuteurs : « je suis prêt » ! De pus, il invite les journalistes à une conférence de presse le lundi 19 mai, dans un salon de l'Hôtel d'Orsay, la télévision est là ; mais la majorité des auditeurs, d'Alger à Paris, l'écoutent sur leur poste de radio.

Le Général évoque la «crise nationale extrêmement grave» que traverse le pays depuis six jours comme le début possible «d’une sorte de résurrection».

Le général de Gaulle - Palais d’Orsay, 19 mai 1958

Duverger pose la question que l'on attendait : « Est-ce que vous garantiriez les libertés publiques fondamentales ? »

« - Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. - Y ai-je une seconde attenté jamais ? Comment voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ?! » - La presse semble conquise.

 

Pierre Pflimlin confie à Lancelot, les pressions de Guy Mollet ( SFIO) pour qu'il se rapproche du Général.

Pierre Mendès France à l'opposé, déplore qu'aucune condamnation ne soit portée contre la sédition algéroise.

Lancelot rapporte qu'une opération dite ''Résurrection'' est en cours pour une prise du pouvoir par les gaullistes ( Debré, Chaban, Soustelle...).

La rumeur se concrétise le 24 mai, la réplique d'Alger s'effectue en Corse, à Ajaccio, avec un appel à constituer des comités de salut public. Des ''paras'' appuient le mouvement.

Le ministre de l'Intérieur, Jules Moch ( SFIO) envoie un télégramme aux préfets. « Une poignée de factieux vient d'annuler en Corse un siècle d'effort démocratique ».

Alger

Lancelot est témoin dans l'entourage ministériel, que chacun se rend compte qu'un ''coup d'état militaire'' est en œuvre, et que la presse et l'opinion s'en désintéressent ( ou l'espèrent ?). Pflimin fait une allocution radiodiffusée, et dit notamment : «  il ne serait pas admissible qu'une fraction de la nation tente d'imposer sa volonté au pays tout entier. »

Nous sommes le 26 mai, un lundi de Pentecôte, férié. Sauf peut-être , ces jours derniers, des queues devant les magasins d'alimentation afin d'accumuler des denrées en prévision d'une crise ; les français profitent de leur grand week-end. Les stations balnéaires connaissent une affluence exceptionnelle.

De Gaulle répète qu'il ne serait « chef du gouvernement que dans la légalité ». Informé qu'une opération de type corse, serait projetée pour Paris ; il propose le soir même, un entretien avec Pflimlin, lui signalant que s'il refuse, il le ferait savoir publiquement !

A l'issue de cette rencontre, aucun accord ne peut être trouvé ; cependant, le lendemain, de Gaulle, comme si la chose était acquise, publie un communiqué : « J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain capable d’assurer l’unité et l’indépendance du pays.»

Mardi 27 mai, Pflimin, tendu, espère trouver une majorité à l’autorisation d'une révision constitutionnelle de grande ampleur, sans les voix du parti communiste, précise t-il.

Pendant ce temps, ordres et contrordres, désespèrent les militaires... De Gaulle, dans son communiqué à l'AFP, met fin au suspens : « toute action, de quelque côté qu'elle vienne, qui met en péril l'ordre public, risque d'avoir de graves conséquences. Tout en faisant la part des circonstances, je ne saurais l'approuver. »

Le message du Général, signifie qu'il gouverne, dans les faits.

Dans Le Monde du 28 mai, Duverger écrit, et se résigne : « Cette République agonise.... Qu'on appelle de Gaulle avant que la nation soit tout à fait déchirée, avant que lui-même soit devenu tout à fait l'otage d'un clan. »

Le 28 mai à 3 heures du matin, Pierre Pflimlin démissionne. De Gaulle reçoit à Colombey un émissaire de Salan, le général Dulac. L'opération ''Résurrection '' est close.

Une manifestation de la gauche se lance sur le pavé parisien. Entre cent mille ou deux cent mille personnes, et en tête, Daladier, Mitterrand, Mendès-France. Mais, dans le fond, les gens sont soulagés.

Le président Coty a la main et le 29 mai, à 15 heures, il annonce : « J’ai décidé de faire appel au plus illustre des Français". Il ajoute en présentant le général de Gaulle comme chef du gouvernement, que si l’Assemblée le repousse, il se retirera aussitôt de l’Elysée.

De Gaulle, estimant que ses conditions sont reçues : - pleins pouvoirs, - congé donné au Parlement, - constitution nouvelle à préparer par son gouvernement et à soumettre au référendum ; se présentera devant l'Assemblée le 1er Juin.

 

Le 1er Juin, l’Assemblée donne sa confiance à de Gaulle et mandat au gouvernement d’élaborer, puis de proposer au pays une réforme constitutionnelle qui respectera trois principes : – le suffrage universel source de tout pouvoir – la séparation des pouvoirs exécutif et législatif – un gouvernement responsable devant les Chambres.

Ces engagements vont satisfaire les "démocrates" ; puisque 77 députés S.F.I.O. voteront l’investiture et 74 contre. Les communistes rejette la confiance.

Au total, l’Assemblée Nationale accorde son investiture par 329 voix contre 224.

 

Au soir du 3 juin, la loi constitutionnelle donne à M. Charles de Gaulle, nommé président du Conseil, le pouvoir de rédiger une nouvelle Constitution ; la IVe République continue. M. René Coty demeure président de la République au palais de l’Élysée.

L’ambiguïté c'est que le Général est attendu, avant tout, pour régler l'affaire algérienne.

Lire la suite

1958 - Pierre Pflimlin – 1 -

28 Février 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Pflimlin, #1958, #Algérie

Fin 1957 : Lancelot se désole, rattaché au cabinet de la présidence du Conseil, il assiste à la chute du gouvernement et à la nomination d'un nouveau président, qui ne tiendra pas plus longtemps que les autres. Renversé le 15 avril 1958, le gouvernement reste vacant pendant un mois... !

France-Soir - 6_Janvier_1957 - Alger

Précédemment, ce sont les événements du 8 février 1958 qui vont entraîner la chute du ministère. Des avions français sont entrés dans le territoire tunisien, bombardent Sakhiet Sidi Youcef, un jour de marché et causent la mort de 75 civils. Cette action dirigée contre le FLN, est réprouvée internationalement.

Le monde politique semble se défausser en démissionnant l'un des siens, devant chaque décision prise. Les partis : Radical, SFIO, et MRP à vocation gouvernementale s'affaiblissent ; chacun semble choisir la politique du pire, jusqu'à la déstabilisation d'un système qui n'en peut plus....

En ce mois de mai 1958, Lancelot craint même, une exploitation de cette crise de la part des milieux poujadistes, et de l'extrême droite.

Georges Bidault, partisan de l’Algérie française, n'est plus soutenu par son parti, le MRP, pour former un gouvernement. A son tour, René Pleven, qui prône une réforme de la Constitution, tente l'Union nationale et bute sur la question de l'Algérie, avec le refus du parti Radical.

Début mai 58, de Gaulle est satisfait que le chef de l'Etat - en toute discrétion - ''s'informe de ses intentions''. Il répond qu'il ne demande qu'à être officiellement sollicité.

Aussi, c'est une surprise d'apprendre, le 12 mai 1958, que le président Coty fasse appel au MRP Pierre Pflimlin (1907-2000) pour former le gouvernement.

Dès le lendemain, cet appel à un politique qui ne cachait pas qu'il était prêt à dialoguer avec le FLN, met le feu aux poudres parmi les partisans de l'Algérie française, et parmi les militaires.

Mardi 13 mai, Alger est appelé à manifester au prétexte de la mémoire de trois militaires du contingent tués par les fellaghas. Les gaullistes, les partisans de l'Algérie française, et même l'extrême droite, comptent profiter de cette occasion.

Alger 13 mai 1958

A Alger, dès 13heures l'activité de la ville s'interrompt. Des émeutiers prennent d'assaut le Gouvernement général ( CG), avec la complicité de l'armée. Un Comité de Salut public, formé d’officiers et présidé par le général Massu, exige la constitution à Paris d’un gouvernement de Salut public . Au balcon du CG, le général Massu lit le communiqué suivant :

« Nous apprenons à la population d’Alger que le gouvernement d’abandon de Pflimlin vient d’être investi (.. ) par suite de la complicité des voix communistes… Le comité supplie le général de Gaulle de vouloir bien rompre le silence en s’adressant au pays, en vue de la formation d’un gouvernement de Salut Public qui, seul, peut sauver l’Algérie de l’abandon » .

 

Le gouvernement Pflimlin est investi vers deux heures du matin du 14 mai avec 274 voix ( les communistes s'abstiennent) , et 129 contre (de la droite).

Pierre Pflimlin, se sachant le dernier recours de Coty, ne songe pas à se dérober. Sa préoccupation première n'est pas de mettre fin à la guerre d'Algérie, mais de réformer la Constitution. Il a partagé les vicissitudes de la IVe République, et souffert de cette instabilité gouvernementale.

Le nouveau président du conseil a réussi à convaincre Guy Mollet (SFIO) de l'accompagner, mais a tenté en vain d'obtenir le concours de M. Antoine Pinay.

Pierre Pflimlin (1907-2000)

Lancelot, écœuré par la politique songeait à démissionner d'un poste qu'il juge de plus en plus sans objectif, et sans intérêt. Seulement, quelques jours après l'installation du nouveau Président du Conseil, Lancelot est convoqué; ils se connaissent ' de vue' depuis longtemps, Pflimlin ne lui cache pas l'avoir reconnu, en effet, ils étaient tous deux à Vichy, tous deux travaillant alors au Secrétariat Général de la Jeunesse. Pierre Pflimlin y était, en1940-41 et pendant neuf mois, le chef de bureau de la propagande.

Sur ces expériences passées, va s'établir entre eux une connivence, pendant ces quelques mois. Le président demande à Lancelot de ne jamais évoquer avec d'autres personnes cet épisode passé, et il s'empresse d'affirmer que l'antisémitisme est depuis toujours, « un sentiment qui m'est étranger ».

Pierre Pflimlin est républicain,'' démocrate chrétien'' (MRP), ancien partisan de la CED, européen convaincu. Avec '' ses yeux d'acier '' il semble bien rigide, il n'est pas homme à faire paraître ses émotions.

Pour beaucoup, le Comité de salut public de Massu ( couvert par Salan) est qualifié de ''factieux '' ; pourtant, Pfimlin, confirme les pleins pouvoirs de Salan.

Le nouveau président du conseil, n'ignore pas que les partisans du Général, tentent le coup de force. De Gaulle, reste ambigu et souffle le chaud et le froid.

Mauriac réagit : « Nous espérons toujours en de Gaulle, mais non en un de Gaulle qui répondrait à l’appel d’un Massu. Puisse-t-il ne pas dire un mot, ne pas faire un geste qui le lierait à des généraux de coup d’État. »

Lire la suite

1957- Camus – l'Algérie

23 Février 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1957, #Camus, #Algérie, #1958

Le contingent pour l'Algérie

L'actualité de 1957, pour un métropolitain comme Lancelot, porte son attention, le plus souvent, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, un prolongement de la France que connaît bien peu de français. De jour en jour, Lancelot observe que les français comprennent qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de maintien de l'ordre public. De plus, l'envoi d'appelés du contingent en Algérie ne transforme t-il pas ces ''événements'' en ''guerre'' ?

Enfin, le 8 janvier 1957, 8000 paras investissent Alger pour ''rétablir l'ordre'' ; le gouvernement français Guy Mollet ( SFIO) vient de confier au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police.

 

En ce mois d'Octobre 1957, alors que l'on pressentait Malraux ( ou Boris Pasternak, ou Saint-John Perse ou Samuel Beckett...  ) accéder au Nobel ; c'est un homme de 44ans, Albert Camus (1913-1960), qui reçoit le prix le plus prestigieux des prix littéraires.

Camus est né et a vécu en Algérie dans un quartier populaire, sa mère est illettrée ; il s'est engagé jeune (1935) au Parti communiste. Avant la guerre, il dénonce le sort réservé aux musulmans. Il réfléchit à la notion de ''fédéralisme'' des cultures qu'il oppose au ''nationalisme'' d'un pays.

Il constatait dans le journal ''Alger républicain'' du 6 octobre 1938 « (...) nous comptons lutter contre le conservatisme social qui entend maintenir nos amis indigènes sur un plan d’infériorité ». En juin 1939, déjà, il publiait un reportage « Misère de la Kabylie », et en mai 1945, il écrivait une série d’articles, sous le nom de « Crise en Algérie ».

Albert Camus - 17 octobre 1957

En 1955, dans l'Express, au regard des ''événements'', il précise sa pensée : « Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine. Ah ! je l’ai choisi ! J’ai choisi mon pays, j’ai choisi l’Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement ! »

 

Ensuite, Camus semble ne plus choisir, les intellectuels dénoncent son silence.

Puis, à l'occasion de la remise de son Nobel, Lancelot lit le compte-rendu dans le Monde (14 dec 1957) d'un exposé d'Albert Camus fait aux étudiants suédois sur son attitude devant le problème algérien. 

Une phrase lui est alors attribuée et choque beaucoup d'entre nous : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère »...

Camus choisirait sa famille, c'est à dire sa communauté, celle des français d'Algérie plutôt que la justice, c'est à dire la lutte contre le colonialisme...

Pourtant, il ne s'agissait pas de cela : plus tard, le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapportera une version différente, et reconnue par d'autres témoins :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément.. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »

Camus dénonce le terrorisme.

Voici un extrait du discours du banquet Nobel, qui exprime l'état d'esprit d'Albert Camus, en cette fin d'année 1957 :« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… »

 

Le 1er janvier 1958, entre en vigueur, le Traité de Rome signé, le 25 mars 1957, par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne de l'Ouest. Il instaure la Communauté Economique Européenne (CEE). Après l'échec de la CED ( sur la Défense, donc) , se met en place une coopération économique.

Ce 1er jour d'an est également diffusé, sur la seule chaîne de télévision de RTF, le premier épisode des ''Cinq dernières minutes'', une série d'émissions policières de Claude Loursais, avec Raymond Souplex dans le rôle de l’inspecteur Bourrel. En radio, France IV, laisse la place à France / Paris-Inter.

On dit la France en plein essor : le PIB, la natalité, les ''vedettes'' du cinéma avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau, Lino Ventura et Gérard Philippe

Lancelot tient beaucoup à sa Traction Avant de Citroën, seule la future DS pourrait lui donner envie de changer de voiture.

La SNCF est aimée des français ; l'image des cheminots est bonne ( célébrée avec un film la Bataille du Rail (1946) ), on annonce de nouveaux records de vitesse, et le slogan « Une gare dans chaque commune » permet d'envisager d'échapper aux embouteillages ( Nous avons très peu d'autoroutes). Lancelot admire la Caravelle, un biréacteur qui peut atteindre 770km/h. qui va effectuer son premier vol vers New-York.

Le point noir reste le téléphone : '' la moitié de la France attend le téléphone, tandis que l'autre attend la tonalité. '' : bien trop souvent, il faut encore passer par l'intermédiaire d'une opératrice. ; on s'amuse d'entendre Fernand Raynaud, avec le ''22 à Asnières''. Les gens veulent le téléphone chez eux ; mais les listes d'attente s'allongent d'année en année.

A la surprise du monde, le 4 octobre 1957, l’URSS met en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l’Histoire. Nous en reparlerons. Nous déplorons, en France, en 1957, seulement 9500 nouveaux bacheliers scientifiques; 30.000 seraient nécessaires.

Lire la suite