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La Quête du Graal - 2– Béguin
Nos héros chevaliers, tentent de retrouver Galaad qui les précède, loin devant eux sur le chemin de la perfection; même lorsqu'il vient à leur secours et les délivre de l'ennemi, il les quitte aussitôt. La Quête s'attache aux seuls chevaliers qui conservent pendant celle-ci, leur parfaite chasteté, des trois chevaliers qui achèveront les aventures du Graal, deux sont vierges: Galaad et Perceval ; le troisième est le chaste Bohort.
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Perceval, finalement, a vaincu l'Ennemi ; et depuis ce moment il devient véritablement le chevalier du Christ. Une dernière et profonde transformation s'opère dans l'âme de notre héros naissant à la vie spirituelle. Sur la nef blanche, la nef de Salomon, il rencontre avec ses amis élus, sa soeur, devenue la vierge sainte, vouée au martyre. Pendant des années il accompagnera partout Galaad,
dont il sera le bras droit, l'aidant à abolir les « mauvaises coutumes » du royaume de Logres, à en achever les hautes aventures. Il ceindra l'épée merveilleuse que le « bon chevalier » a retiré du perron flottant le jour de la Pentecôte à Camelot et que ce dernier lui cède, une fois armé lui-même de l'épée du roi David. Ensemble, avec Bohort, ils entreront au château de Corbenic, ensemble ils participeront au banquet de la Cène ; ensemble ils emporteront le Graal et la lance qui saigne dans la Jérusalem céleste, à Sarras. Si les trois compagnons sont admis à la liturgie secrète du Graal , seul Galaad pourra contempler ce qu'il y a dans le Graal.
Là Perceval, témoin fidèle de la disparition des reliques ravies au ciel avec l'âme de Galaad, meurt ermite, en odeur de sainteté, pour reposer aux côtés de sa soeur et du Rédempteur au Palais spirituel.
Seul Galaad, le pur, le parfait, accédera à la vision du Graal, à Sarras qu'ils ont enfin abordé avec le navire construit jadis par le roi Salomon : c’est là que se perpétue la liturgie du Graal. Mais on ne survit pas à une telle vision : Galaad demande à Dieu de quitter cette terre. Perceval à son tour mourra. Bohort reviendra à la cour du roi Arthur, c’est lui qui racontera à un clerc chargé de les mettre par écrit les aventures de la quête du saint Graal.
Le Graal et la Lance, ont disparu dans les airs définitivement ; comme à la fin de l'épopée arthurienne, l'épée d'Arthur disparaîtra dans les eaux.
Nos héros, recherchent un mystère plus élevé, et reçoivent souvent le « corpus domini » ( l'Eucharistie) ; cette connaissance est selon les mots de Galaad : « voir ouvertement ce que l'esprit ne peut concevoir ni langue décrire »
Mais... Saint-Bernard ne condamnait-il pas, que : « apprendre pour savoir est vaine curiosité.... » ?
Madame Lot-Borodine ( cahiers du Sud ) nous enseigne qu'il y avait chez les cisterciens deux courants différents de pensée : celui qui se réclame de Saint-Bernard et celui qui dérivait de Guillaume de Saint-Thierry. Ce denier inspiré par les pères grecs, en particulier les Cappadociens, n'avait pas condamné la connaissance. Il y voyait un moyen d'aimer Dieu. C'est de lui que dériverait la Queste.
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La fin du roman, tient à nous renseigner sur l'origine du texte de la Quête : il serait écrit par Gautier Map à partir des notes prises par les clercs d’Arthur lors du récit fait par Bohort à son retour de la Queste. Gautier Map (1130/1135-1210) a réellement existé. C’était un ecclésiastique et écrivain anglais qui a vécu à la cour du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189), qui régna de 1154 à 1189.
La ''Queste '' n'est qu'un élément d'un grand ensemble ( un avant-dernier chapitre) , et suppose la lecture de l’œuvre complète.
Lancelot, père de l'élu Galaad, représente la Fin'amors et le passé du temps du Graal.
La Quête – qui se passe dans une forêt magique propice aux aventures – est une recherche dans une forêt de symboles, ou d'allégories.
Albert Béguin, dit à propos du Graal, qu'il s'est servi des travaux de Myrrha Lot-Borodine (1882-1957), pour lui servir de guide.
Lancelot ne manqua pas d’aller la voir lors de sa dernière maladie, à Fontenay-aux-Roses, dans la maison-pension de Melle Blanc au 1 rue Jean Jaurès. S'y croisèrent également, Jean Daniélou qui découvrit avec elle la théologie mystique de l'Orient, et le théologien Vladimir Lossky.
A Fléchigné, visites fréquente de Robert Buron, un homme politique avec qui on a plaisir à débattre. Démocrate-chrétien, ses années de jeunesse parlent beaucoup à Lancelot. Fondateur et député MRP, il est très sensible à l'urgence sociale qui se manifeste dans ces années, il soutient son ami l'abbé Pierre. Maire en 1953, il va beaucoup faire pour ouvrir Villaines-la-Juhel à la modernité.
'' L'autre personnalité que nous avons en haute estime est le libraire de la ville.
La boutique paraît intimidante aux gens du bourg, elle fait aussi papeterie et vend les livres scolaires ; mais elle est le lieu de passage de l'élite lettrée et cultivée du pays. Si nous sommes accueillis par un jeune homme en blouse grise, que l'on appelle le grouillot, celui-ci en nous reconnaissant, appelle aussitôt son patron. En blouse blanche, celui-ci, après une conversation polie, prend connaissance de la liste que nous lui proposons. Il nous installe alors dans un petit salon ouvert ; et nous rejoint avec une pile d'ouvrages disponibles. Parmi ceux-là, il y a quelques propositions de sa part.'' Ce jour-là Lancelot revient avec la traduction française, d'un ouvrage de Stefan Zweig, Trois Maîtres, Balzac, Dickens, Dostoïevski.
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Pour nous, La Comédie Humaine de Balzac, tient une place de choix dans notre bibliothèque ; c'est à dire que la série d'ouvrages est régulièrement feuilletée, jusqu'à l'envie de reprendre l'un des vingt-quatre volumes.
Le dernier repris était '' le Colonel Chabert'' qui, précisément, fait référence à un point que Zweig souligne : Balzac naît au commencement de l'Empire ; son enfance coïncide avec l'époque héroïque de l'Empire, il en fait son mythe. L'exemple de Napoléon « fait naître en lui le désir de n 'aspirer toujours qu'à l'ensemble, de chercher avidement à saisir non pas quelque richesse isolée mais toute la plénitude de l'univers... », « il comprime l'univers qu'il a ainsi dompté dans le grandiose carcan de la Comédie humaine. ». Balzac veut être le Napoléon de la plume ! Et, il montre que le pouvoir suprême est à la merci de l'homme de la plus humble extraction.
Les héros de Balzac, sont, comme lui, des ''hommes à passion'', des ''monomanes'' . Lui est créateur d'univers, un forcené du travail. « Avec chacun de ses nouveaux livres, avec chaque désir qu'il mettait ainsi en œuvre, sa vie se rétrécissait comme la magique peau de chagrin de son roman mystique. » Zweig estime que Balzac, ne pouvait pas avoir de philosophie à lui ; il épousait chacune de ses personnages. Son principe de vie était la Volonté. Une autre idée forte, source de réalité est la valeur de l'Argent. L'argent, force agissante de la vie sociale.
Anne -Laure de Sallembier, ponctue les conversations à propos de Balzac, par des anecdotes qu'elle destine à la petite Elaine. Notre aïeul Charles-Louis de Chateauneuf, fréquentait le salon de Delphine Girardin, et pouvait croiser Balzac avec d'autres grands écrivains comme Musset, ou Hugo. Chateauneuf va s'approcher, pour une femme, d'une société secrète, dont s'inspire Balzac dans Ferragus ; et c'est chez la duchesse d'A. qu'il eut la chance de pouvoir, avec lui, converser avec passion de science et de philosophie ( Swedenborg, l'alchime et Catherine de Médicis, etc..).
Charles-Louis de Chateauneuf, un homme entre deux femmes.
L'esprit de Charles-Louis était – depuis un certain temps déjà - occupé par une femme qu'il avait rencontré dans le salon de la duchesse d'A.... Mme J. est belle, fine ; et il la tient pour délicate, secrète; et considère que son amour naissant est sans espoir, puisqu'elle est mariée.. ! Tout juste se convainc-t-il de lui faire une cour digne d'un chevalier qui aime sa Dame d'un amour courtois...

Cette Dame, germanophile et dans la lignée de Madame de Staël, pratique la conversation en petit cercle d'intimes...
Mme J. a profité de sa liberté, que lui donne un mari volage, pour parcourir l'Allemagne, mais aussi la Russie et la Pologne ...
Femme ravissante, blonde, le regard bleu plein de gaieté, aux manières simples et élégantes. Elle n’a pas froid aux yeux, c’est une femme libre. Elle est très liée à Marie d'Agoult (1805-1876). Elle est dit-on la maitresse de Sainte-Beuve...
Alors qu'elle écrit à l'un de ses amants, pour lui évoquer des soucis d'argent ; on lui prêtait cette déclaration « Ce n'est pas mon mariage qui m'a gênée, mon mari n'a pas pris un sou de mon argent, il m'a même offert du sien mais comme il veut me ravoir je crains tout ce qui pourrait nous lier. C'est ce qu'on craint d'un mari, d'un maître. Ce n'est pas ce que je crains de toi, O mon amant, je te demanderais toute ta fortune sans craindre que tu ne me demandes, moi, à la fin »
A Paris, Mme J. s'est essayé au commerce des modes, sans réel succès; puis au roman, avec un récit qui traite fort mal le sexe fort, et qui fit scandale.

Elle est également connue pour ses récits de voyage et son intérêt pour le spiritisme.
Elle collaborera à la Revue cosmopolite...
Elle soutient, et aime chanter les chansons, aux idées libérales, de Béranger.
Mme J. s'intéresse à la plupart des " nouvelles " sciences en ce siècle bouillonnant : l'économie politique, l'anthropologie, l'astronomie et la philosophie. Elle lit en anglais, L'Origine des espèces de Charles Darwin (1859) , souhaite développer la philosophie populaire, et milite pour l'instruction des femmes...
Bien que tout ceci paraisse bien mondain; la fréquentation de cercles plus restreints, comme cette ''académie'' secrète, va permettre à Ch.-L de Chateauneuf de parfaire son chemin sur la quête du Graal …

Même si je sais peu de choses des relations entre Mme J. et Charles-Louis de Chateauneuf, elle semble avoir été finalement très intime, et essentielle pour lui... On lui a prêté, à tort, de nombreux amants...
Et, surtout..! Elle eut une fille, non pas de son époux - dont elle disait ne partager que le nom – mais bien de Ch.-L. de Chateauneuf .... Charles-Louis a toujours considéré Cécile-Joséphine J. comme sa fille, même si le mari de Mme J. lui donna son nom.
Le mariage de Charles-Louis de Chateauneuf et de Pauline
Ce mariage - semble t-il - n'eut pas de descendance ...

Pauline de Villenoi était la fille cadette d'une famille qui misait tout sur le fils aîné, promis à garder l'héritage familial...
Et si, Béatrix de Casteran, privée de dot par son père en faveur de son frère aîné, est livrée au premier venu... Là, Charles-Louis voulait bien devenir celui-là, et la garder du devenir de la perfide Béatrix... ( Voir l'histoire de la marquise Béatrix-Maximilienne-Rose de Rochefide : un personnage de La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. Née en 1808, fille du marquis de Castéran, elle épouse à l'âge de vingt ans le marquis de Rochefide qu’elle trompe très rapidement....)
Charles-Louis, après l'avoir aperçue au Théâtre, la rencontra à nouveau dans un salon...
Un beau visage ovale, brune et presque orientale, un front innocent.. Elle restait silencieuse, comme recueillie... Quand elle parlait, ses mots caressaient, mais ses yeux trahissait une certaine volonté...
Charles-Louis, trouva là son ''ange'' … et sentit grandir en lui, ce sentiment que l'on appelle '' amour ''...

Il lui écrivit des lettres pour se déclarer... Pauline de Villenoi a noté plus tard qu'elle admirait la générosité du caractère de Monsieur de Chateauneuf... Elle dit encore qu'elle « ne portait dans son désir de mariage aucune idée vulgaire, elle ne se mariait pas pour être mère, [...] pour avoir un mari, elle se mariait pour être libre », pour « agir comme agissent les hommes »( Pierrette : roman d’Honoré de Balzac, publié en 1840. Il paraît pour la première fois sous la forme d’un feuilleton dans le journal 'Le Siècle' ) - En effet, une femme mariée, peut enfin sortir seule, porter des toilettes élégantes et prendre la parole dans le monde.
S'ensuivirent de longues promenades, et un mariage sous les plus heureux auspices... Il ne plut pas, et chacun remarqua qu'aucun des deux mariés n'étaient entrés dans l’église du pied gauche … ! Ce fut gai et simple... Simple, même si bien sûr la mariée était habillée de blanc, chargée de rubans, de dentelles, de perles, couronnée de bouquets de fleurs d’oranger dont les boutons satinés tremblaient sous leur voile... « L’église « retentissait du bruit que faisaient les carrosses, les bedeaux, les suisses, les prêtres. [...] On ne voyait que fleurs, que parfums, que cierges étincelants » Balzac '' La Vendetta''

Charles-Louis n'était pas de ces célibataires pour qui le mariage était une idée fixe parce « qu'ils n’ont que cette manière de conquérir et de s’approprier une femme » (César Birotteau )
A l'inverse de ce que disent ses amis, à savoir que « personne [...] n’est assez riche pour faire la folie d’épouser une femme pour sa valeur personnelle » (Modeste Mignon) , Charles-Louis souhaitait ce mariage avec la sage Pauline, qu'il admirait...
Il est vrai qu'il avait commis le risque d'arriver à cet âge de 40 ans, « seule époque de la vie où les hommes [...] puissent encore épouser des personnes jeunes » ( La Recherche de l’Absolu. )
Un couvent avait assuré jusqu'à sa première sortie dans le monde, l'éducation de Pauline... Education qu'elle critiquait alors parce que trop inférieure à celle des garçons : un peu de grammaire, d’orthographe, très peu de calcul, beaucoup de géographie, un peu d’histoire et beaucoup d’histoire sainte, un peu de littérature … Une culture adaptée, par des livres spécialement écrits pour les filles et qui ne comportaient rien de ce qui pouvait porter atteinte à leur pureté.
Les ''arts d'agrément '' tenaient aussi beaucoup de place : la danse, la musique, le dessin, et complétaient les travaux d'aiguille …
Même s'ils se connaissaient peu ( Balzac écrit : « Le mariage unit, pour toute la vie, deux êtres qui ne se connaissent pas. » La Physiologie du mariage) ... Chacun des deux époux, avait - semble t-il - osé exprimer l'idée qu'ils avaient de leur vie intime … Un pacte, même, avait été conclu entre eux : la première consommation de l’union ne viendrait que de l’expresse volonté de Pauline, et n'eut lieu que plusieurs semaines après la cérémonie …. On peut y lire également que « ni l'un , ni l'autre n'accepteront jamais qu'un éventuel confesseur puisse intervenir dans leur intimité... »

Si Pauline connaissait l'existence de la liaison de Charles-Louis, et celle de sa fille Cécile-Joséphine; il s'engagèrent à tout se dire... Si Pauline désirait tant être libre, c'était pour n'aimer que son mari, s'en faire aimer et profiter de tout avec lui...
Ainsi Charles-Louis avait envisagé un voyage en Allemagne, sur les trace de Wolfram von Eschenbach; ils s'engagea donc à ce qu'elle vienne... De même pour celui dont il rêvait de faire en Ecosse... Elle s’intéressa également, et de près, à ses études astronomiques ....
Je reviendrai sur ce voyage en Allemagne, accompli par Charles-Louis et Pauline, alors que j'accomplirai le même parcours cet été ; pratiquement un siècle et demi plus tard …
Pour l'heure je vais sauter une génération ; puisque je vais continuer cette Quête avec des documents qui concernent Anne Laure de Sallembier (1875-1951)
A suivre ...
Balzac, et Catherine de Médicis...
Au cours d'une soirée chez la duchesse d'A. Charles-Louis de Chateauneuf participait au souper, lors de la seconde partie de soirée qui ne regroupe que quelques intimes, et quelque visiteur qui honore l’hôtesse de sa visite …

Ce soir là, il y a Balzac ( comme habitué) ; et comme visiteuse, une jeune femme, célébrée pour son intelligence, sa culture et sa beauté, - et qui va impressionner Charles-Louis -, la toute jeune épouse du comte de Medina Pomar bien plus âgé qu'elle et qu'elle vient d'épouser …
Maria de Mariategui, est la fille d'un noble espagnol marié à une anglaise petite fille du Comte de Northampton...

Maria de Medina Pomar se dit attirée par l'étude de l'occulte.
Ce soir là, elle questionne Balzac, sur son ouvrage à propos de Catherine de Médicis... Elle s'étonne qu'il ait pu s’intéresser à cette figure noircie par sa légende qui la tient responsable du massacre de la Saint Barthélémy.
Pour Balzac, au contraire : « Catherine de Médicis, a sauvé la couronne de France ; elle a maintenu l’autorité royale dans des circonstances au milieu desquelles plus d’un grand prince aurait succombé. »
La comtesse plaisante l'auteur, qu'il ait pu s’intéresser à cette femme qu'il dit n'avoir eu « aucune des faiblesses de son sexe, qui vécut chaste au milieu des amours de la cour la plus galante de l’Europe »... !
Balzac rit de bon cœur, et reconnaît que son intérêt, ici, n'était pas tant Catherine, que … l'alchimie … ! C'est un comte philosophique, ajoute t-il...

Cette discussion devient alors passionnante pour Charles-Louis... Non pas du fait des positions légitimistes de Balzac, encore moins pour sa défense de la religion catholique … Mais, parce qu'après avoir reconnu les goûts de chacun pour le roman historique, et Walter Scott... Maria se dit passionnée par l'histoire de l'Ecosse, et fascinée par le personnage de Mary Stuart...
Maria de Medina Pomar se dit touchée par le portrait de Balzac, qu'il fait de la petite Mary toute jeune épouse et amoureuse de François II … Elle se demande comment il peut défendre une mère qui fait passer ce qu’elle estime être les intérêts de l’État avant la vie de son propre fils... Elle s’oppose à ce qu’Ambroise Paré soigne François II sur son lit de mort : elle laisse son fils mourir parce qu’elle sait que ce sera le seul moyen de le soustraire à l’influence de Marie Stuart et des Guise.
Balzac reconnaît que cette femme était manipulatrice, qu'elle a divisé pour régner... C'est pour cela que dans la dernière partie de son texte, Catherine apparaît en rêve à un personnage mystérieux plus de deux siècles plus tard... pour se justifier d'avoir autorisé le massacre de la Saint Barthélémy.
Ce personnage va s'avérer être … Robespierre.. ! Ses actes sous la Révolution donnent-ils raison à la morale politique appliquée par la reine mère... ?
Maria, toujours avec beaucoup d'humour ; constate que Catherine conseille une politique qui va aboutir à la mort de Louis XVI … et donc à la fin de la monarchie … ! Mais peut-être, aujourd'hui, en ce début de la deuxième moitié du siècle, choisirait-il une autre position... ?
Maria propose au grand écrivain, de mettre son talent à défendre la cause de Marie Stuart ; sacrifiée elle aussi à la raison d'état par la ''Reine vierge''

Maria semble bien connaître la double reine de France, et d’Écosse : Marie Stuart (1542-1587) qui connaît la poésie, Pierre de Ronsard, en particulier. En mai 1555, elle donne un discours en latin devant la Cour où elle affirme qu’une éducation dans les lettres et les sciences humaines est adéquate pour une femme. Ces années qu'elle vécut en France ( de 1548 à 1560) furent les plus heureuses de sa vie mouvementée...
A dix-huit ans, veuve, elle revient en Ecosse, qu’elle a quittée, rappelons-le, alors qu’elle n’avait que six ans...
Avant sa mort sur le sinistre échafaud de Fotheringay ; Marie Stuart, pendant sa captivité, avait adopté une devise énigmatique : « En ma fin est mon commencement ».
La conversation continue à propos de Swedenborg, que la plupart autour de la table considèrent comme le précurseur de temps nouveaux... Ce siècle, avec ses découvertes scientifiques et le libéralisme de la pensée devrait permettre l'éclosion d'une nouvelle société plus sociale, plus égalitaire, plus spirituelle … !

Monsieur de Balzac revient à Catherine de Médicis, et par ses dons de conteur, retient l'attention de tous...
A l’époque de Catherine, - selon le Journal de P. de l’Estoille – on comptait pas moins de 30.000 alchimistes, astrologues et devins pour la seule agglomération de Paris.
Dès son plus jeune âge, elle avait été témoin des prédictions d'un certain astrologue : Gauric, en particulier celle de la date précise de la mort du pape Paul III le 20 novembre 1549. Prédire dès 1493, à Jean de Médicis, son grand-oncle, âgé alors de quatorze ans, qu’il serait un jour Souverain-Pontife. En effet, vingt ans plus tard, en 1513, Jean de Médicis coiffait la tiare sous le nom de Léon X.

Le pape Clément VII, tenait à unir sa nièce au Dauphin de France. Il vint lui-même à Marseille, y resta trente-quatre jours, patientant jusqu'à que sa jeune parente lui offrit les preuves visibles de la consommation, car, à quatorze ans, elle était nubile... Il bénit cette union complétée dans un lit qui avait coûté quelques soixante-mille écus et achevée, dit la chronique, sous les yeux même de François 1er, « ledit Seigneur Roi se réjouissant très fort des esbattements du petit couple ».
Malgré les mots du pontife, qui assurait que « A figlia d’inganno, non manca mai la figliuolanza : A fille d’esprit, la postérité ne manque ». Il fallut attendre dix ans pour que la postérité vint...
C'est qu'à cette époque, son mari avait pour élue de coeur, depuis longtemps déjà, la duchesse de Valentinois, Diane de Poitiers....

Catherine n'était pas belle, mais « elle est royne sur toute sa personne »... Elle attache à sa personne jolies femmes et jeunes seigneurs, tant et si bien que, nonobstant sa laideur, elle ne fut pas si chaste … on lui attribue plusieurs aventures. « La Cour de Catherine, écrit Brantôme, étoit un vray paradis du monde. On y voyoit reluire les dames comme étoiles en temps serein ».
Enfin, Balzac assure que Catherine – quand elle ne fait pas de politique - se livre à la pratique de la magie... Elle fait venir d'Italie, son astrologue et alchimiste Cosme de Ruggieri, dont la vie est un véritable roman d’aventures... Elle porte sur elle, bague et amulettes... D'ailleurs, une proche de Catherine, Léonora Galigaï, maréchale d’Ancre, comparaîtra en 1617, pour crime de sorcellerie.
Lire Swedenborg, au XIXe siècle... Balzac
Pour Swedenborg, au-dessus du monde matériel décrit par la science, se trouve un monde spirituel qui n’est pas moins substantiel, ni moins réel, que celui que nous observons.

Comment Balzac, et avec lui – l'un de ses lecteurs – Charles-Louis de Chateauneuf, appréhendent-ils les thèmes développés.. ? Je viens de lire, précisément, ''Louis Lambert'' , '' La Peau de chagrin'' et ''Séraphita''...
A cette époque, la mère de Balzac, et Balzac, s'étaient intéressé au ''magnétisme'' qu'ils considéraient comme une expérience religieuse … Dans chaque humain, se présentent une part de l’être tournée vers l’intérieur et une qui est tournée vers l’extérieur...
Dans La Peau de chagrin, Raphaël de Valentin, est au bord du suicide, par perte en particulier de son objet d'amour... Chez un antiquaire il se retrouve hésiter entre le portrait du Christ et une peau, qui ne reflète aucune image, mais une lumière floue et qui lui promet le pouvoir absolu au prix d’une restriction de sa vie à chaque vœu. Cela rejoindrait-il, cette théorie du ''fluide vital '' ( les désirs, les émotions …) chez Swedenborg qui dissolverait l'âme... ?

Séraphita a une apparence indécise mi-homme mi-jeune fille; Minna, la jeune fille qui l’aime, le considère comme un jeune homme ; Wilfrid la considère comme une jeune femme. Mais le personnage refuse les deux identités, et l’amour terrestre sous toutes ses formes... Séraphita est un ange ; et elle exhorte Minna et Wilfrid à se tourner l'un vers l'autre...
« Son entendement, son âme, son corps, tout en elle est vierge comme la neige des montagnes. (...) Quand elle eut 9 ans, son père et sa mère expirèrent ensemble, sans douleur, sans maladie visible, après avoir dit l’heure à laquelle ils cesseraient d’être. Debout à leurs pieds, elle les regardait d’un œil calme, sans témoigner ni tristesse ni douleur, ni joie ni curiosité ; son père et sa mère lui souriaient. Quand nous vînmes prendre les deux corps, elle dit : “Emportez !” “Séraphita, lui dis-je, car nous l’avons appelée ainsi, n’êtes-vous donc pas affectée de la mort de votre père et de votre mère ? ils vous aimaient tant !
– Morts ? dit-elle ? Non, ils sont en moi pour toujours. Cela n’est rien”, ajouta-t-elle en montrant sans aucune émotion les corps que l’on enlevait. »
Être un ange, c’est être « tout » avec Dieu...
« Wilfrid et Minna comprirent alors quelques-unes des paroles de Celui qui sur la terre leur était apparu à chacun d’eux sous la forme qui la leur rendait compréhensible, à l’un Séraphitüs, à l’autre Séraphita, quand ils virent que là tout était homogène. »

Dans La Peau de chagrin, l’emprise, le pouvoir de la peau échouent à constituer des satisfactions véritables et le monde interne s’étiole. Le désir même qu'il éprouve pour Pauline qui l'aime, fait diminuer la surface de la Peau...
S'ajoute une autre idée de Balzac attachée au '' Traité de la Volonté '' qu'il envisage et qu'il prête à Louis Lambert: Raphaël n'a jamais pu renoncer ni au ''vouloir'' ni au ''pouvoir'' que le vieil antiquaire présente comme les deux causes du malheur humain: «Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit »... Pour devenir heureux, en tirant profit de la Peau, il faudrait avoir l'âme assez forte pour ne pas craindre la mort...

Pour Swedenborg, l'amour conjugal permet seul de connaître l'autre sur le plan de la substance spirituelle, mais qu'à l'union des corps, il doit advenir une union des âme, qui''sexuellement'' ne va pas de soi, par ignorance des aspirations, des rêves, des désirs profonds de l’autre.
Le mysticisme de Swedenborg se fonde sur l’idée de la correspondance. Selon Swedenborg, la correspondance entre le spirituel et le naturel fonde et organise le réel. Cette voie intègre la science et la Révélation...
Cette correspondance mystérieuse entre cet univers - jusqu'au plus anodin de la nature - et la transcendance, va nourrir la naissance du romantisme anglais et allemand...
Swedenborg rationaliste, physicien, homme pratique et sociable était le familier des anges.

Aujourd'hui, beaucoup se disent persuadés que nos idées, nos sentiments, nos désirs, nos intuitions, notre volonté, notre conscience, nos rêves ne sont que des ''effets secondaires '', des épiphénomènes de la matière physique. L'Univers ( c'est à dire le ''Tout'' unique) n'est que matériel : réalité physique, continue, observable, régis par des règles ...etc On appelle cela le ''monisme matérialiste ''...
Swedenborg se situe à l’opposé de ce matérialisme.
Les '' Lumières '' conduisent des penseurs du XIXe siècle à s'opposer au rationalisme; en proposant cependant une pensée rationnelle tout en préservant l’essentiel des croyances en ''l’Autre monde''...
N'oublions pas qu'au siècle de Swedenborg, et au sein de l'Eglise chrétienne, Dieu était considéré comme sévère, jaloux et colérique … Le salut reposait plus sur une foi ''juste'' que sur une vie ''juste''... La damnation éternelle était promise aux païens, aux athées, aux hérétiques. Même les enfants non baptisés étaient exclus du ciel. … Le ciel était une demeure vague quelque part au-delà de l'étoile la plus éloignée....

Kant s'est beaucoup intéressé au cas ''Swedenborg''... Il s'est demandé s'il était rationnel de qualifier cette pensée de ''folle'' ? Cela le conduit à préciser l'objet de la philosophie, ou du moins les modalités de l’exercice de la raison.

Paul Valéry (1871-1945) juge ainsi son oeuvre : « J’y suis entré sans soupçonner que j’entrais dans une forêt enchantée où chaque pas fait lever des vols soudains d’idées, où se multiplient les carrefours à hypothèses rayonnantes, les embûches psychologiques et les échos ; où chaque regard entrevoit des perspectives tout embroussaillées d’énigmes, où le veneur intellectuel s’excite, s’égare, perd, retrouve et reprend la piste. Mais ce n’est point du tout perdre son temps. [Il] est peu de chasses plus prenantes et plus diverses que la chasse au Mystère Swedenborg. »

Balzac, influencé par Swedenborg, nous expose ses idées :
* « Dieu est une magnifique Unité qui n’a rien de commun avec ses créations, et qui néanmoins les engendre ! » Seraphita
** Louis Lambert explique tout « par son système sur les anges » et a un ardent désir de rencontrer un ange-femme... Ce pressentiment de l’existence des anges, cette aspiration vers le monde céleste sont développés dans Seraphita...
** ''L'homme intérieur '' se perfectionne par l'amour ( la charité), et la foi …
**** La science des Correspondances intéresse Balzac, particulièrement dans la Parole qui contient « des Arcanes innombrables dans le sens interne ou spirituel » que les anges seuls comprennent dans toute son étendue. Le terme « Arcane » retient aussi son attention comme la clef du « lien mystérieux entre les moindres parcelles de la matière et les cieux »
Dans Séraphita , le pasteur Becker, expose l'histoire de Séraphîtüs-Séraphîta, ainsi que les théories de Swedenborg :
Extrait « (…) Pour les hommes, dit-il, le Naturel passe dans le Spirituel, ils considèrent le monde sous ces formes visibles et le perçoivent dans une réalité propre à leurs sens.

Mais pour l’Esprit Angélique, le Spirituel passe dans le Naturel, il considère le monde dans son esprit intime, et non dans sa forme.
Ainsi, nos sciences humaines ne sont que l’analyse des formes. Le savant selon le monde est purement extérieur comme son savoir, son intérieur ne lui sert qu’à conserver son aptitude à l’intelligence de la vérité.
L’Esprit angélique va bien au delà, son savoir est la pensée dont la science humaine n’est que la parole ; il puise la connaissance des choses dans le Verbe, en apprenant les correspondances par lesquelles les mondes concordent avec les cieux.
LA PAROLE de Dieu fut entièrement écrite par pures Correspondances, elle couvre un sens interne ou spirituel qui, sans la science des Correspondances, ne peut être compris. Il existe, dit Swedenborg (Doctrine céleste, 26), des Arcanes innombrables dans le sens interne des Correspondances. Aussi les hommes qui se sont moqués des livres où les prophètes ont recueilli la Parole étaient-ils dans l’état d’ignorance où sont ici-bas les hommes qui ne savent rien d’une science, et se moquent des vérités de cette science. Savoir les Correspondances de la Parole avec les cieux, savoir les Correspondances qui existent entre les choses visibles et pondérables du monde terrestre et les choses invisibles et impondérables du monde spirituel, c’est avoir les cieux dans son entendement. Tous les objets des diverses créations étant émanés de Dieu comportent nécessairement un sens caché, comme le disent ces grandes paroles d’Isaïe : La terre est un vêtement (Isaïe, 5, 6). Ce lien mystérieux entre les moindres parcelles de la matière et les cieux constitue ce que Swedenborg appelle un Arcane Céleste. Aussi son traité des Arcanes Célestes, où sont expliquées les Correspondances ou signifiances du Naturel au Spirituel, devant donner, suivant l’expression de Jacob Boehm, la signature de toute chose, n’a-t-il pas moins de seize volumes et de treize mille propositions. « Cette connaissance merveilleuse des Correspondances, que la bonté de Dieu permit à Swedenborg d’avoir, dit un de ses disciples, est le secret de l’intérêt qu’inspirent ses ouvrages. Selon ce commentateur, là tout dérive du ciel, tout rappelle au ciel."
Séraphita d'Honoré de Balzac.
Balzac et Swedenborg (philosophe et mystique suédois, 1688-1772)

Balzac s’intéressait à la mystique, en 1830 il avait déjà lu sainte Thérèse d’Ávila, Antoinette Bourignon, Mme Guyon, Jacob Boehme, Swedenborg et Saint-Martin. Dans Seraphita il condense l’essence de la pensée de ces auteurs mystiques, surtout de Swedenborg.
« le swedenborgisme, qui n’est qu’une répétition dans le sens chrétien d’anciennes idées, est ma religion, avec l’augmentation que j’y fais de l’incompréhensibilité de Dieu » Une lettre de Balzac datée du 31 mai 1837.
Balzac pense pouvoir faire confiance à Swedenborg, parce que celui-ci n’est pas seulement un ''voyant'', mais un homme de science et de raison qui sait adopter un système mathématique et philosophique dans toute sa doctrine.
Emmanuel Swedenborg, né le 29 janvier 1688 à Stockholm en Suède, est très célèbre dans son pays et de son vivant... Sorte de '' Léonard de Vinci'', il est un inventeur et savant ; En 1719, le roi l'anoblit ; il siège ainsi à la chambre haute du Parlement suédois.

Swedenborg introduit en Suède le calcul différentiel et intégral mais refuse la chaire de mathématiques de l’Université d’Uppsala en 1725, préférant consacrer les douze années suivantes à son oeuvre monumentale, les Principia. Il y élabore une théorie de l’atome, une théorie de l’origine solaire de la terre et des autres planètes, une théorie ondulatoire de la lumière, une théorie nébulaire de l’origine du système solaire (chapitre 4 des Principia), et une théorie cinétique de la chaleur. Il publie une méthode pour calculer les longitudes d’après l’observation de la lune ; il se passionne pour la formation des sols et le phénomène des marées ; il contribue aux sciences naissantes de la cristallographie et de la métallurgie. Il identifie, dix-neuf ans avant Franklin, la nature des phénomènes électriques et s’intéresse bien avant Faraday au magnétisme. Il découvre que la position de l’équateur magnétique est différente de l’équateur géographique, et que le pôle magnétique Sud a un axe plus distant de l’équateur magnétique que le pôle Nord....etc
Il voyage beaucoup ; il se forme en Angleterre, en Hollande, en France...
En 1743, suite à plusieurs expériences mystiques, il abandonne ses recherches scientifiques pour se consacrer entièrement à la recherche théologique et philosophique...
Il demande à être relevé de toutes ses fonctions...
Swedenborg rédige une nouvelle œuvre colossale dont la pièce maîtresse est le Arcana Celestia, en douze gros volumes...
Le 19 juillet 1759, Emmanuel Swedenborg voit de Göteborg un incendie à Stockholm. Ce phénomène de vision à distance, ses entretiens avec les esprits, la tranquille assurance avec laquelle il se meut dans le merveilleux, le rendent bientôt célèbre dans toute l'Europe.
Il meurt à Londres le 29 mars 1772, à la date exacte qu’il avait lui-même prédite...
Sa pensée va influencer fortement la seconde moitié du XVIIIe siècle et tout le début du XIXe siècle.
![]() Swedenborg's place of birth is commemorated at Hornsgatan 43, in Stockholm, Sweden. |
![]() Emanuel Swedenborg’s Tomb in the Uppsala Cathedral, Sweden. |
Jorge Luis Borges (1899, 1996), admire Swedenborg et affirme qu'il est « l’homme le plus extraordinaire qu’ait mentionné l’Histoire […] est peut-être le plus mystérieux de ses sujets : Emmanuel Swedenborg ».
Paul Valéry, écrit : « Comment un Swedenborg est-il possible ? Que faut-il supposer pour considérer la coexistence des qualités d’un savant ingénieur, d’un fonctionnaire éminent, d’un homme à la fois si sage dans la pratique et si instruit de toute choses, avec les caractéristiques d’un illuminé qui n’hésite pas à rédiger, à publier ses visions, à se laisser passer pour visité par les habitants d’un autre monde, pour informé par eux et vivant une part de sa vie dans leur mystérieuse compagnie ? »

Balzac fut aussi passionné de sciences, attiré en particulier par la chimie dont il se fit expliquer par son ami François Arago les bases. Il lut avec passion les Éléments de philosophie chimique d’Humphrey Davy (1812) et les huit volumes du Traité de chimie de Berzélius (1829) pour pouvoir écrire un roman qui mettrait en scène un chimiste : La Recherche de l’Absolu (1834). Balzac était mu par la conviction qu’il devait exister derrière l’éclatement en divers éléments officiellement prêché, une chimie capable de tout expliquer par monisme.
Balzac a assisté aux cours du philosophe Victor Cousin; et en matière de philosophie, c'est Leibniz avec qui il a semblé partager quelque affinité : la constitution de la monade, avec ses plis multiples, les rapports corps-âme, etc… ( nous en reparlerons ...)
En ce XIXe siècle, Balzac juge que les systèmes philosophiques, en cours sont trop théoriques et rationnels, le mysticisme proprement dit ne l’est en revanche pas assez....

Mme de Staël, dans De l’Allemagne (1810), distingue les « théosophes » et les « simples mystiques ». Selon elle, les « théosophes » sont « ceux qui s’occupent de la théologie philosophique, tels que Jacob Boehme, Saint-Martin », avec l’ambition de « pénétrer le secret de la création », et les « simples mystiques » sont ceux qui « s’en tiennent à leur propre coeur », tels « plusieurs pères de l’Église, Thomas A-Kempis, Fénelon, saint François de Sales ». dans De l’Allemagne, 4e partie, chap. V : « De la disposition religieuse appelée mysticité »..
A suivre : … Lire Swedenborg, au XIXe siècle...
La mort de Balzac

Le lendemain du dimanche 18 août 1850, la nouvelle courrait que Monsieur de Balzac était mort.... Bien vite Charles-Louis de Chateauneuf en eut la confirmation !
Charles-Louis avait rencontré l’écrivain dans divers salons. Il se souvenait avec beaucoup de reconnaissance de ses échanges sur la philosophie, la science ; et il l'avait écouté très sérieusement et avec intérêt, quand Charles-Louis avait évoqué le Graal...
Au premier regard, Balzac n'était pas beau, un homme petit, avec une grosse taille qu'un vêtement peut-être mal fait rendait grossier. Une grosse tête, un grand front et des yeux … Un regard foncé qui exprimait tant de choses... Un gros nez carré et une bouche énorme qui riait toujours... Sa bonne humeur devenait vite contagieuse

« Il y avait dans tout son ensemble, dans ses gestes, dans sa manière de parler, de se tenir, tant de confiance, tant de bonté, tant de naïveté, tant de franchise, qu'il était impossible de le connaître sans l'aimer... » Sidonie de Pommereul épouse du général François de Pommereul
Son ''épaisseur'' semblait lui donner de la force, et non lui en retirer... Il agitait ses grosses mains, et chacun restait captif de son regard... Il charmait, il fascinait, entrait en confidence... Il ne pouvait être que bon ; on se sentait en confiance, comme s'il était de la famille...
En 1836, une jeune fille proche des Visconti, Sophie Koslowska, écrivait à son père, diplomate russe : « M. de Balzac qui est aussi un homme supérieur, goûte la conversation de Madame Visconti, et, comme il a beaucoup écrit et écrit encore, il lui emprunte souvent de ces idées originales qui sont si fréquentes chez elle, et leur conversation est toujours excessivement intéressante et amusante. Voilà la belle passion expliquée. M. de Balzac ne peut pas être appelé un bel homme, parce qu'il est petit, gras, rond, trapu ; de larges épaules bien carrées, une grosse tête, un nez comme de la gomme élastique, carré au bout, une très jolie bouche, mais presque sans dents, les cheveux noirs de jais, raides et mêlés de blanc. Mais, il y a, dans ses yeux bruns, un feu, une expression si fort que, sans le vouloir, vous êtes obligé de convenir qu'il y a peu de têtes aussi belles. Il est bon, bon à mâcher pour ceux qu'il aime, terrible pour ceux qu'il n'aime pas et sans pitié pour les grands ridicules.[...] Il a une volonté et un courage de fer ; il s'oublie lui-même pour ses amis. [...] Il joint à la grandeur et à la noblesse du lion la douceur d'un enfant. »

Charles-Louis de Chateauneuf a rencontré Monsieur de Balzac dans le salon de la duchesse d'A.... Il eut la chance de pouvoir converser avec passion de science et de philosophie... Ensuite, alors qu'il le croisait de nouveau; il avait remarqué – avec délice – alors qu'il était entouré et en conversation – qu'il lui jeta un regard vif, pressé, gracieux, d'une extrême bienveillance. Il s'est alors approché de lui pour lui serrer la main ; et tout fut dit, sans phrase... Balzac n'avait pas le temps de s'arrêter de parler, mais c'était comme si la présence de Charles-Louis l'eût ranimé au lieu de l'interrompre...
En 1843, le comte Hanski, mari d'Eve Hanska meurt... Balzac fait alors plusieurs séjours à Saint-Petersbourg avec sa bien-aimée...
Balzac a de gros soucis financiers.. Il emprunte beaucoup … Balzac dépense beaucoup pour l’aménagement de la Rue Fortunée ; en proportion égale de son amour pour la belle Eve, c’est-à-dire énormément...

En 1848, Balzac est prêt à repartir. Il prend le train à la Gare du Nord le 19 septembre.. On va maintenant de Paris à Cracovie en 60 heures...
1849 : il avoue à sa sœur, en décembre « A 50 ans avoir encore 100 000 francs de dettes, et ne pas être fixé sur une question qui est toute ma vie et mon bonheur, voilà la thèse de l’année 1849. »
1850 : Balzac est terriblement épuisé par des crises cardiaques successives, des étouffements et des bronchites...
L'administration du tsar refuse à Mme Hanska de conserver ses terres en cas de mariage avec un étranger... L’état de santé de Balzac n'est pas bon ; finalement elle franchit ce pas tant espéré par Balzac depuis des années : en février 1850, elle prend la décision de donner ses terres et son domaine à sa fille, afin de pouvoir l’épouser et l’accompagner en France...
Le mariage est enfin célébré le 2 mars 1850, à l’église Sainte-Barbe de Berditchev en toute intimité.

M. et Mme Honoré de Balzac quittent Wierzchownia le 24 avril 1850 et reprennent le chemin de Paris, à petites étapes, parce que la santé de l'écrivain exige des précautions.
Balzac se préoccupe auprès de sa mère de l’état de la maison qui doit être prête pour accueillir sa femme. Il lui écrit de Dresde, « j’espère être rue Fortunée le 20 ou au plus tard le 21, je t’en prie donc instamment, fais que tout sois prêt pour le 19 et que nous trouvions à déjeuner ou à dîner, quand bien même les provisions seraient perdues car j’ignore à quelle heure nous arriverons l’un de ces trois jours là. »
Le couple arrive enfin à Paris dans la soirée du 21 mai. Balzac voit l'un de ses rêves se réaliser : l’arrivée de sa femme dans leur demeure conjugale, 12 rue Fortunée, l'ancien hôtel de M. de Beaujon que Balzac avait acheté ( en sept. 1846) et tout fait préparer ... Mais, le domestique devant les accueillir n’est pas là ; et il faut appeler un serrurier en pleine nuit et forcer la porte…
À peine arrivé, la santé de Balzac se détériore encore. Mais, il reçoit encore... Charles-Louis de Chateauneuf a la grande opportunité d'accompagner le romancier et poète, Auguste Vacquerie (1819-1895), qui décrit ainsi sa visite : « Puis nous passâmes tous dans le salon principal, nous vîmes Balzac assis ou plutôt à demi couché dans un grand fauteuil placé près d’une fenêtre; il était enveloppé d’une longue robe de chambre; sa tête reposait sur un oreiller, sou ses pieds s’étalait un cousin. Ah quelle lamentable métamorphose le temps la maladie avenir opéré en lui ! Tombée cette belle vitalité ; éteint cette vaillante exubérance qui rendait sa personne si originale si attractive. Le romancier n’était plus que l’ombre de lui-même ».

Ce jour là, Balzac, tient absolument à faire présent à Charles-Louis, d'un manuscrit de jeunesse... Il lui assure que ces quelques pages pourraient l'intéresser dans ses recherches « au sujet de ce Graal, dont vous m'avez parlé... (…) Et, vous reconnaîtrez quelques idées de notre cher Swedenborg (*)... »
Charles-Louis reste surpris de l'intensité de son regard où semble se réfugier toute la vie.
***
En juillet, ses souffrances deviennent atroces. Au début d'août, les étouffements commencent. Balzac entre en agonie le 18. Ce jour-là, Victor Hugo est venu le voir, il a raconté cette dernière visite dans 'Choses vues'. « Une autre femme vint qui pleurait aussi et me dit : «Il se meurt. Madame est rentrée chez elle. Les médecins l'ont abandonné depuis hier. Il a une plaie à la jambe gauche. La gangrène y est.... (…) La nuit a été mauvaise. Ce matin, à neuf heures, monsieur ne parlait plus. Madame a fait chercher un prêtre. Le prêtre est venu et a donné à Monsieur l'extrême- onction. Monsieur a fait signe qu'il comprenait. Une heure après, il a serré la main à sa soeur, Mme de Surville. Depuis onze heures il râle et ne voit plus rien. Il ne passera pas la nuit. Si vous voulez, monsieur, je vais aller chercher M. de Surville, qui n'est pas encore couché. »»

(…) « J'entendis un râlement haut et sinistre. J'étais dans la chambre de Balzac.
Un lit était au milieu de cette chambre. Un lit d'acajou ayant au pied et à la tête des traverses et des courroies qui indiquaient un appareil de suspension destiné à mouvoir le malade. M. de Balzac était dans ce lit, la tête appuyée sur un monceau d'oreillers auxquels on avait ajouté des coussins de damas rouge empruntés au canapé de la chambre. Il avait la face violette, presque noire, inclinée à droite, la barbe non faite, les cheveux gris et coupés courts, l’œil ouvert et fixe. Je le voyais de profil, et il ressemblait ainsi à l'Empereur. »
Balzac meurt pendant la nuit du 18 août 1850. L'enterrement eut lieu le 21 août, après un office à l'église Saint-Philippe-du-Roule, au cimetière du Père Lachaise, ce haut-lieu de l’œuvre balzacienne, d'où le jeune Rastignac avait jeté son défi à Paris: "À nous deux maintenant", où gisaient Esther Gobseck, Lucien de Rubempré, tant d'autres personnages. Victor Hugo prononça l'éloge funèbre du romancier.
(*) E. Swedenborg, dans le prochain article ... A suivre ….
Société secrètes

Il faut rappeler le contexte :
La monarchie de Juillet (1830-1848), proclamée le 9 août 1830 après les émeutes dites des « Trois Glorieuses », succède en France à la Restauration. Pour les légitimiste, le roi des français Louis-Philippe est un usurpateur …

C'est le temps des complots, des conspirations … Un temps où le mystère coïncident avec le succès du Romantisme... Un temps héroïque, ou diabolique … Que peut-on en dire … ?
Certaines révélations sont de notoriété publique. Ainsi, la ''charbonnerie'', après les échecs des premiers soulèvements militaires de 1820, plutôt bonapartistes, se réorganise...
Les chefs légitimistes et la duchesse de Berry, semble abandonner la conspiration. Des républicains choisissent l’action parlementaire, sinon sont en exil ou en prison. De nouvelles structures comme , les Familles (de sensibilité et de langage saint-simoniens), ou les Saisons, plus secrètes ( voir Buonarotti, l’héritier de Babeuf..) apparaissent.

« Les sociétés populaires, légalement interdites comme clubs, n’en étaient pas moins actives ni moins influentes ; soit de concert, soit par instinct, elles s’étaient divisées et multipliées pour ne pas courir toutes ensemble le même péril ; mais sous leur nom divers, les Amis du Peuple, les Amis de la Patrie, les Réclamants de Juillet, les Francs-Régénérés, la Société des condamnés politiques, la Société des Droits de l’Homme, la Société Gauloise, la Société de la liberté, de l’ordre et du progrès, n’étaient en réalité qu’une seule et même armée, animée du même esprit et marchant, sous la même impulsion, au même but » Guizot.
La ''Charbonnerie '' est une société secrète, répandue dans divers États européens pendant le premier tiers du XIXe siècle, particulièrement en Italie. Elle emprunte en grande partie à la franc-maçonnerie son symbolisme et son rituel initiatique. Le saint patron des Charbonniers, est saint Théobald... !
Le thème d'une ''force supérieure'' invisible qui tente de modifier profondément l'état existant en le tirant soit vers le Bien, soit vers le Mal, a toujours existé... Une nouvelle conception de l'Histoire, du fait de la Révolution, intègre la notion de ''Progrès'' … La société reste inégalitaire ; et l'égalité doit se cacher …

« (...) toute dissidence d’opinions, soit dans la foi, soit dans la politique, a dû se manifester en société secrète » George Sand
Sur la question religieuse, les sociétés secrètes qui fonctionnent sur le modèle maçonnique ( déiste ) , rejettent – le plus souvent – la religion établie … Néanmoins, le curé de Clichy, l’abbé Chatel, proposera une ''aumônerie'' à quelques uns de ces groupes ...
Plus-tard la société secrète blanquiste impose la renonciation à la totalité des rites maçonniques empruntés à la Charbonnerie, et prône l’indifférence métaphysique, tendant en pratique vers le matérialisme.
Alexandre Dumas, Balzac, Sue ou Victor-Hugo, ont intégré dans leurs romans, des faits qui relèvent de ces sociétés secrètes … Ferragus, de Balzac est le premier volet d’un cycle de trois récits consacrés à une société secrète extraordinairement puissante, les Treize...

Bien sûr, il n'est pas aisé de démêler ce qui se trame sous le couvert de ses nombreuses ''sociétés secrètes '' … Contemporaine, George Sand, elle-même a tenté de comprendre... En effet, Pierre Leroux lui a suggéré d'écrire une suite à Consuelo, en en faisant le roman des sociétés secrètes.... La romancière cherche à donner à son histoire la plus grande vraisemblance et rassemble pour cela toute la documentation disponible. Mais la tâche est difficile comme elle l’expose à son mentor dans une lettre de juin 1843 : « Vous ne savez pas dans quel labyrinthe vous m’avez fourrée avec vos francs-maçons et vos sociétés secrètes. C’est une mer d’incertitudes, un abîme de ténèbres. Il y a tant d’inconnu dans tout cela, que c’est une belle matière pour broder et inventer, et au fait, l’histoire de ces mystères ne pourra, je crois, jamais être faite que sous la forme d’un roman ». Lettre à P. Leroux, après le 15 juin 1843, dans George Sand , Correspondance, Paris, Garnier frères

Dans La Comtesse de Rudolstadt, George Sand fait du Conseil suprême des Invisibles le maître d’un vaste réseau de sociétés secrètes, à l’insu des unes et des autres. Cette petite élite travaille à l’avènement du règne terrestre de l’Égalité en prêchant une religion nouvelle fondée sur « la formule mystérieuse et profonde » : Liberté, Égalité, Fraternité...
Comme l'explique L’initiateur des Invisibles à Consuelo, la religion de l’avenir est en lien étroit avec l’hérésie : « Nous sommes les héritiers des Johannites d’autrefois, les continuateurs ignorés, mystérieux et persévérants de Wickleff, de Jean Huss et de Luther »
La doctrine des Invisibles repose en effet sur une version primitive du christianisme, qui s’est perpétuée mystérieusement à travers les âges sous forme d’hérésies et de sectes, ou d'ordre comme les Templiers ...

George Sand s'est intéressée à la Stricte Observance fondée par le baron von Hundt (1722-1766) sur lequel elle interroge Ferdinand François ( voir correspondance)... Hunft a fondé en 1751 en Allemagne, en son château de Kittlitz, un nouveau système de hauts grades inspiré de l'Ordre du Temple et dirigé par des ''Supérieurs Inconnus '' … C'est là sans-doute où Consuelo ( une femme …) reçoit l’initiation... Cet Ordre du néo-Temple, se répand très vite et va attirer une douzaine de princes régnants... Goethe y a adhéré, ainsi que J G Fichte...
En France, la loge néo-templière des ''Chevaliers de la Croix'' accepte les femmes... La loge ''la clémente Amitié'' en 1840 et 1841, va initier trois femmes... Cette tentative de mixité va hélas avorter ...