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Les légendes du Graal

christianisme

1952 - L'Europe et la Civilisation chrétienne

21 Novembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Journet, #Ricoeur, #Maritain, #Christianisme

Lancelot fait part à son gouvernement, de la position du Vatican sur la construction d'une Europe unie. Le souhait de Pie XII est que cette unification se fasse sur des fondements chrétiens. Il espère beaucoup de l'engagement de Schuman, d'Adenauer et de Gasperi. Cela permettrait de prendre ses distances avec les Etats-Unis, et assurer sa neutralité entre les deux blocs.

A partir de la fin d'année 50 ; Pie XII tend à infléchir son discours anti-communiste.

Après le décret de 1949, sur l'excommunication... Le pape renonce à tout nouvel anathème. Il s'agit de reconnaître que la guerre avec l'arme atomique devient une absurdité à bannir absolument ; et qu'il convient de rechercher une forme de coexistence, basée sur le respect des libertés fondamentales ( dont la liberté religieuse).

En février 1951, Frédéric Joliot-Curie, au nom du Conseil mondial de la Paix demande au Vatican d'appuyer une « proposition de réduction des forces armées... ».

Pour tendre vers l'équilibre entre les blocs, le Vatican appuie le projet d'une Europe unie. Il soutient le Traité sur la Communauté européenne de Défense ( CED), du 27 mai 1952, proposé à la ratification des états.

En mai 1952, le maire de Florence, Giorgio la Pira, prend l’initiative d'un ''congrès pour la paix et la civilisation chrétienne'', une trentaine de pays sont représentés.

 

Le débat sur l'Europe, dans un contexte de guerre froide, sous-tend celui de la défense de notre '' civilisation chrétienne'' en regard d'une autre proposition, celle des communistes, avec le ''Mouvement mondial des partisans de la paix''.

Mais, interroge Lancelot, si le lien entre christianisme et civilisation occidentale est évident ; peut-on aujourd'hui, encore, promouvoir une civilisation chrétienne ?

Cette question mérite le débat, elle nourrit des discussions entre Maurice M. et Lancelot qui se sent d'autant plus concerné qu'elle habite la spiritualité de sa quête.

Charles Journet (1891-1975) est un théologien catholique suisse. Il deviendra cardinal en 1965.

 

A ce propos, Maurice évoque évoque l'abbé Charles Journet (Fribourg) qui corrige l'idée du mythe d'une chrétienté de type médiéval, que l'on pourrait imaginer à partir d'une certaine ''Queste du Graal''... !.

Journet - Maritain

Journet s'inspire beaucoup de Maritain.

- Puisque tu as eu le privilège de fréquenter le couple Maritain ; peux-tu nous en dire plus de cette ''nouvelle chrétienté'' dont il parlait dans ce fameux livre ''Humanisme intégral ''

- Oui... Que suis-je capable d'en dire... ? Ce livre a été publié en 1936. Pour ce qui releverait d'un ''nouveau Moyen-âge'', il s'agit d'un titre d'ouvrage de Nicolas Berdiaeff, qui date de 1927. Elaine l'appréciait beaucoup. Nous l'avions rencontré chez les Maritain. Son discours politique, pessimiste, ne passerait plus aujourd'hui...

Jacques Maritain (1882-1973 est un philosophe et théologien français. Éminent thomiste. De Gaulle le nomme ambassadeur auprès du Saint-Siège en 1945.

''Humanisme intégral'' (1936) de Maritain, son sous-titre est ''Problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté''. Il conçoit une ''nouvelle chrétienté'' autour d'un ''idéal social'', la chrétienté n'étant qu'un « âge de civilisation dont la forme animatrice serait chrétienne » Face à un humanisme marxiste, ou libéral bourgeois, inhumains ; il est de la responsabilité des chrétiens à montrer que l'ordre spirituel est de tendre « à tout pénétrer, à s'emparer de tout, à descendre au plus profond du monde. »

Nostalgie de la chrétienté médiévale ? Non. Cette nouvelle chrétienté tient à réhabiliter l'humain. Pour cela, elle repose sur trois principes : - l'autonomie du temporel ( il n'est plus un instrument du spirituel) ; – la transcendance absolue du spirituel, et la liberté de l'Eglise ; - rejet d'un dualisme, matériel-spirituel.

Maritain appelle à une nouvelle sainteté, la « sainteté profane », c'est un appel de pleine humanité sur les chantiers du monde.

 

Maurice, revient au père Journet, à propos de ''civilisation'' . Dans la lignée donc de Maritain, il préfère promouvoir la transcendance du christianisme qui est spirituel et éternel, alors que les civilisations sont contingentes et périssables.

- Cependant, le lien entre christianisme et civilisation occidentale, semble évident....Non ?

 

Lancelot se souvient que Paul Ricoeur se demandait si « le christianisme n'a pu être vécu que dans un contexte de civilisation aujourd'hui périmé, ... » ? ( C'était lors d'une conférence de la Post-fédération l'été 1946 à Melun).

Paul Ricœur (1913-2005) est un philosophe français, protestant.

Quand nous parlons de ''civilisation'', dit-il, nous comprenons bien que « nous appartenons à une certaine aventure qui a des contours géographiques et historiques et qui charrie certaines valeurs »

 

- « J'appartiens à ma civilisation comme je suis lié à mon corps. »

- « Une civilisation a des contours géographiques et historiques. » Nous n'y rencontrons pas toujours l'universalité de l'homme , mais une certaine aventure humaine.

 

* Certes, nous savons que naissent et meurent les civilisations ; mais une civilisation se construit sur des valeurs ?. 

Dans ces formule de Ricoeur : «  la dignité de l'homme itinérant est dans les valeurs éternelles qu'il découvre en les inventant historiquement. », je remarque une transcendance des valeurs ; même si, dit-il, - « Les valeurs ne se conservent que par la mémoire et l'invention des hommes. (…) Elles meurent quand nul n'y croit plus. »

- « Les valeurs des civilisations sont « garanties » par des valeurs'' religieuses''. » ( ici religieux ne signifie pas nécessairement foi en Dieu ). Lancelot pense alors, au communisme, qui a la prétention de construire une nouvelle civilisation....

 

Maurice tente de prendre le contre-pied, et définir la civilisation occidentale actuelle sans référence au christianisme :

* Comment pourrait-on définir notre ''civilisation occidentale'' ? N'a t-elle pas été plusieurs fois inventée : avec l'antiquité, le christianisme, les invasions barbares, puis avec la féodalité, la modernité puis la révolution bourgeoise ? Ne faut-il pas être prudent sur les limites historiques et géographiques ?

-Peut-on reconnaître un ensemble de valeurs révélé par cette histoire européenne ? - On pourrait répondre : - l'humanisme... ? Non ?

Et aujourd'hui ? « Nous sommes à l'âge atomique.. »... Quelles chances vont nous offrir, les techniques modernes ?

 

* Il y aurait une autre manière de se poser la question, par exemple : En quoi la foi chrétienne concerne t-elle notre civilisation ?

- Reprenant l'image du corps, Maurice ajoute, ma civilisation, comme mon corps, est le '' Temple du Saint-Esprit'' . Il s'agit d'y incarner ma foi.

- On parle donc, d'une civilisation à christianiser... D'ailleurs, il y a cette ''histoire'' de royaume, du règne à venir, de la fin de l'Histoire... Nous sommes invités donc à assumer les valeurs de l'époque, et de les convertir.

 

Oui, c'est bien cela, conclut Maurice... Même « si l'âge moderne était un âge païen » ? Si ''Dieu est mort '' ? Il reviendrait, à l'Eglise' de convertir et de ''baptiser'' ces valeurs nouvelles....

C'est ce qu'écrit le père Journet : « le christianisme du XXe siècle doit accepter de jouer un rôle dans les formations politiques, laïques et profondément sécularisées, à condition toutefois que la liberté de la Parole soit assurée ; il doit saisir toutes les occasions que lui offre le monde moderne, toutes les '' chances '' que lui fournit la civilisation contemporaine de baptiser cette civilisation, comme elle a tenté de baptiser celle des Grecs et celle des Barbares. »

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La rencontre du mythe et de l'histoire des hommes... -2/4-

21 Octobre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Paganisme, #Christianisme

« Pour ses nobles seigneurs dont chacun s'estimait le meilleur et dont nul ne savait qui était le moins bon, Arthur fit faire la Table ronde sur laquelle les Bretons racontent bien des récits. Les seigneurs y prenaient place, tous chevaliers, tous égaux. »

Wace, Le Roman de Brut, ca. 1155
 

La table ronde de Winchester ( photo) (5 m de diamètre) en chêne, est mentionnée dans des archives du 14e s. Elle est décorée de peintures représentant le roi Arthur et la liste de ses chevaliers.

Cette table aurait été fabriquée autour de 1250-1290, sous le règne d'Edward I, passionné par le récit arthurien, à l'occasion d'un tournoi.... Le décor peint actuel sur la table fut commandé par Henry VIII lors de la visite de l'empereur Charles V en 1522...

 

* Deux mythologies vont se rencontrer, s'affronter, parfois fusionner ... Le christianisme et le paganisme...

La Vérité du Christianisme, ne pouvait coexister avec des traditions qui s'étaient développées bien loin d'elle. Je veux parler, bien sûr ici, du paganisme ( sous ce mot, je regroupe toutes les croyances populaires qui ont eu cours depuis plus de dix siècles, avant l'avènement de Jésus-Christ.. ! Ce n'est quand même pas rien...)

1477 - procession païenne

Les ''Pères de l'Église'' dénoncent - comme des auteurs de fables mensongères - les poètes païens, fabricants de faux dieux, ils sont responsables des superstitions et de l'idolâtrie...
Les apologistes chrétiens s'appuient sur la parole du Psaume (95,5) pour dire que les dieux des nations sont des démons... C'est intéressant: ils existent donc;  mais, sont démoniaques ...

Au Moyen-âge, seule l'Église est en mesure de reproduire et de diffuser des écrits, de constituer des bibliothèques ; elle peut donc opérer une censure de facto et ne divulguer que ce qui sert ses desseins. Nous assistons alors à un double mouvement : censure des auteurs et du merveilleux païens, et – ça c'est assez ''fantastique'' : récupération et création d'un merveilleux chrétien.

Le paganisme:

Les païens honorent leurs dieux dans des temples, vouent un culte aux divinités des arbres, des sources et des pierres. Notons également le culte des sources et des fontaines, bien attesté dans tout l'Occident médiéval : les lois chrétiennes du Gulathing, en Norvège, reprochent aux païens de croire aux génies tutélaires (landvaettir), que ce soit dans les bosquets d'arbres ou dans les tertres ou dans les cascades. Régis Boyer constate que les sources recevaient des offrandes de vivres en Scanie, donnaient lieu à des rites et des mariages en Vàstergôtland et à des cérémonies propitiatoires en Nárke. Toutes ces pratiques sont bien connues de l'Église qui ne cesse de les combattre; - par exemple - dans les actes du concile de Tours, en 567...
 

Pourtant : Grégoire de Tours ( († 594)) relate l’initiative pastorale d’un évêque auvergnat qui, impuissant à déraciner une fête païenne se déroulant sur le mont Helarius, construit sur les lieux une église en l’honneur du saint chrétien Hilarius.


Grégoire le Grand (mort en 604) ordonne d'utiliser les édifices païens après en avoir éloigné les idoles et après lustration, mais le synode de Nantes (vers 658) rend obligatoire la destruction des édifices du culte païen ; en outre, les arbres doivent être coupés, les racines arrachées et brûlées, les pierres enlevées et jetées en un autre heu, là où elles ne pourront plus servir au culte.

 

Grégoire le Grand donne aux missionnaires qu’il a envoyés en Angleterre des instructions sur la façon de transformer les temples païens en églises chrétiennes. Ces deux textes révèlent une stratégie pastorale complexe qui, face au paganisme, mêle adroitement les catégories de la destruction et de l’oblitération avec celle de la récupération.
 
Sources : Paganisme, christianisme et merveilleux - Claude Lecouteux
A suivre ....
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