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Les légendes du Graal

1952

1952 - L'Europe et la Civilisation chrétienne

21 Novembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Journet, #Ricoeur, #Maritain, #Christianisme

Lancelot fait part à son gouvernement, de la position du Vatican sur la construction d'une Europe unie. Le souhait de Pie XII est que cette unification se fasse sur des fondements chrétiens. Il espère beaucoup de l'engagement de Schuman, d'Adenauer et de Gasperi. Cela permettrait de prendre ses distances avec les Etats-Unis, et assurer sa neutralité entre les deux blocs.

A partir de la fin d'année 50 ; Pie XII tend à infléchir son discours anti-communiste.

Après le décret de 1949, sur l'excommunication... Le pape renonce à tout nouvel anathème. Il s'agit de reconnaître que la guerre avec l'arme atomique devient une absurdité à bannir absolument ; et qu'il convient de rechercher une forme de coexistence, basée sur le respect des libertés fondamentales ( dont la liberté religieuse).

En février 1951, Frédéric Joliot-Curie, au nom du Conseil mondial de la Paix demande au Vatican d'appuyer une « proposition de réduction des forces armées... ».

Pour tendre vers l'équilibre entre les blocs, le Vatican appuie le projet d'une Europe unie. Il soutient le Traité sur la Communauté européenne de Défense ( CED), du 27 mai 1952, proposé à la ratification des états.

En mai 1952, le maire de Florence, Giorgio la Pira, prend l’initiative d'un ''congrès pour la paix et la civilisation chrétienne'', une trentaine de pays sont représentés.

 

Le débat sur l'Europe, dans un contexte de guerre froide, sous-tend celui de la défense de notre '' civilisation chrétienne'' en regard d'une autre proposition, celle des communistes, avec le ''Mouvement mondial des partisans de la paix''.

Mais, interroge Lancelot, si le lien entre christianisme et civilisation occidentale est évident ; peut-on aujourd'hui, encore, promouvoir une civilisation chrétienne ?

Cette question mérite le débat, elle nourrit des discussions entre Maurice M. et Lancelot qui se sent d'autant plus concerné qu'elle habite la spiritualité de sa quête.

Charles Journet (1891-1975) est un théologien catholique suisse. Il deviendra cardinal en 1965.

 

A ce propos, Maurice évoque évoque l'abbé Charles Journet (Fribourg) qui corrige l'idée du mythe d'une chrétienté de type médiéval, que l'on pourrait imaginer à partir d'une certaine ''Queste du Graal''... !.

Journet - Maritain

Journet s'inspire beaucoup de Maritain.

- Puisque tu as eu le privilège de fréquenter le couple Maritain ; peux-tu nous en dire plus de cette ''nouvelle chrétienté'' dont il parlait dans ce fameux livre ''Humanisme intégral ''

- Oui... Que suis-je capable d'en dire... ? Ce livre a été publié en 1936. Pour ce qui releverait d'un ''nouveau Moyen-âge'', il s'agit d'un titre d'ouvrage de Nicolas Berdiaeff, qui date de 1927. Elaine l'appréciait beaucoup. Nous l'avions rencontré chez les Maritain. Son discours politique, pessimiste, ne passerait plus aujourd'hui...

Jacques Maritain (1882-1973 est un philosophe et théologien français. Éminent thomiste. De Gaulle le nomme ambassadeur auprès du Saint-Siège en 1945.

''Humanisme intégral'' (1936) de Maritain, son sous-titre est ''Problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté''. Il conçoit une ''nouvelle chrétienté'' autour d'un ''idéal social'', la chrétienté n'étant qu'un « âge de civilisation dont la forme animatrice serait chrétienne » Face à un humanisme marxiste, ou libéral bourgeois, inhumains ; il est de la responsabilité des chrétiens à montrer que l'ordre spirituel est de tendre « à tout pénétrer, à s'emparer de tout, à descendre au plus profond du monde. »

Nostalgie de la chrétienté médiévale ? Non. Cette nouvelle chrétienté tient à réhabiliter l'humain. Pour cela, elle repose sur trois principes : - l'autonomie du temporel ( il n'est plus un instrument du spirituel) ; – la transcendance absolue du spirituel, et la liberté de l'Eglise ; - rejet d'un dualisme, matériel-spirituel.

Maritain appelle à une nouvelle sainteté, la « sainteté profane », c'est un appel de pleine humanité sur les chantiers du monde.

 

Maurice, revient au père Journet, à propos de ''civilisation'' . Dans la lignée donc de Maritain, il préfère promouvoir la transcendance du christianisme qui est spirituel et éternel, alors que les civilisations sont contingentes et périssables.

- Cependant, le lien entre christianisme et civilisation occidentale, semble évident....Non ?

 

Lancelot se souvient que Paul Ricoeur se demandait si « le christianisme n'a pu être vécu que dans un contexte de civilisation aujourd'hui périmé, ... » ? ( C'était lors d'une conférence de la Post-fédération l'été 1946 à Melun).

Paul Ricœur (1913-2005) est un philosophe français, protestant.

Quand nous parlons de ''civilisation'', dit-il, nous comprenons bien que « nous appartenons à une certaine aventure qui a des contours géographiques et historiques et qui charrie certaines valeurs »

 

- « J'appartiens à ma civilisation comme je suis lié à mon corps. »

- « Une civilisation a des contours géographiques et historiques. » Nous n'y rencontrons pas toujours l'universalité de l'homme , mais une certaine aventure humaine.

 

* Certes, nous savons que naissent et meurent les civilisations ; mais une civilisation se construit sur des valeurs ?. 

Dans ces formule de Ricoeur : «  la dignité de l'homme itinérant est dans les valeurs éternelles qu'il découvre en les inventant historiquement. », je remarque une transcendance des valeurs ; même si, dit-il, - « Les valeurs ne se conservent que par la mémoire et l'invention des hommes. (…) Elles meurent quand nul n'y croit plus. »

- « Les valeurs des civilisations sont « garanties » par des valeurs'' religieuses''. » ( ici religieux ne signifie pas nécessairement foi en Dieu ). Lancelot pense alors, au communisme, qui a la prétention de construire une nouvelle civilisation....

 

Maurice tente de prendre le contre-pied, et définir la civilisation occidentale actuelle sans référence au christianisme :

* Comment pourrait-on définir notre ''civilisation occidentale'' ? N'a t-elle pas été plusieurs fois inventée : avec l'antiquité, le christianisme, les invasions barbares, puis avec la féodalité, la modernité puis la révolution bourgeoise ? Ne faut-il pas être prudent sur les limites historiques et géographiques ?

-Peut-on reconnaître un ensemble de valeurs révélé par cette histoire européenne ? - On pourrait répondre : - l'humanisme... ? Non ?

Et aujourd'hui ? « Nous sommes à l'âge atomique.. »... Quelles chances vont nous offrir, les techniques modernes ?

 

* Il y aurait une autre manière de se poser la question, par exemple : En quoi la foi chrétienne concerne t-elle notre civilisation ?

- Reprenant l'image du corps, Maurice ajoute, ma civilisation, comme mon corps, est le '' Temple du Saint-Esprit'' . Il s'agit d'y incarner ma foi.

- On parle donc, d'une civilisation à christianiser... D'ailleurs, il y a cette ''histoire'' de royaume, du règne à venir, de la fin de l'Histoire... Nous sommes invités donc à assumer les valeurs de l'époque, et de les convertir.

 

Oui, c'est bien cela, conclut Maurice... Même « si l'âge moderne était un âge païen » ? Si ''Dieu est mort '' ? Il reviendrait, à l'Eglise' de convertir et de ''baptiser'' ces valeurs nouvelles....

C'est ce qu'écrit le père Journet : « le christianisme du XXe siècle doit accepter de jouer un rôle dans les formations politiques, laïques et profondément sécularisées, à condition toutefois que la liberté de la Parole soit assurée ; il doit saisir toutes les occasions que lui offre le monde moderne, toutes les '' chances '' que lui fournit la civilisation contemporaine de baptiser cette civilisation, comme elle a tenté de baptiser celle des Grecs et celle des Barbares. »

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La guerre froide - 1952 - Un espion au Vatican

11 Novembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Vatican, #Tisserant, #Tondi, #Montini, #Communisme

Lancelot découvre le fonctionnement de la Secrétairerie d'État, à la tête de laquelle Pie XII, s’abstient de nommer un responsable autre que lui-même ; avec l'assistance de Mgr Domenico Tardini, qui est à la tête de la première section de la Secrétairerie d'Etat, et avec Mgr Giovanni Battista Montini ( le futur Paul VI) placé à la tête de la seconde section, avec le titre de substitut de la Secrétairerie d'État.

Pour ce qui est de la stratégie internationale, s'expriment et se concurrencent alors au sein de la Curie, une ligne résolument anticommuniste avec des cardinaux très proches du pape et une ligne plus neutraliste (autour de Mgr Montini ).

 

La guerre froide et la politique italienne, se répercutent sur le Vatican. En effet, tandis que la Démocratie Chrétienne ( DC) et le Parti Communiste ( PCI) s'affrontent lors de la campagne pour les élections municipales romaines, le 25 avril 1952, un jésuite de l’Université pontificale grégorienne, Alighiero Tondi, quitte ouvertement la Compagnie de Jésus pour rejoindre le Parti communiste italien, et annonce la révélation de prétendus secrets du Vatican.

Mgr Eugène Tisserant

 

A Rome, le personnage incontournable est le cardinal Tisserant (1884-1972), avec qui Lancelot eut déjà des contacts rapides à propos de l'Allemagne. En effet, il a participé à la réconciliation entre Paris et Bonn après la guerre, et pendant laquelle il aida à cacher au monastère de Maria Laach, Konrad Adenauer, qu'il présente au Général de Gaulle, et soutient pour en faire l'interlocuteur de la reconstruction. En septembre 1949, Adenauer occupe le poste de chancelier de la République fédérale d’Allemagne, nouvellement créée.

Le cardinal Tisserant est un contact privilégié par le gouvernement français, il va tenir un rôle important dans les relations entre l’Église et l’État. Sa priorité est le combat anticommuniste et il compte sur le courant catholique en France pour efficacement le soutenir.

 

Lancelot est mal à l'aise avec cette très forte et rude personnalité, et cela d'autant plus quand il découvre la variété du réseau d'influence mis en jeu.

Parmi les protégés de Tisserant : Claude Arnould - un ancien du 2è bureau, fondateur avec le jésuite Antoine Dieuzayde, du réseau de résistance Jade-Amicol dès 1940, et en liaison avec le MI6 britannique - s'est mis à disposition du Vatican. Ils organisent ensemble un combat contre le communisme. Ils rencontrent des personnalités comme Emile Roche ( pendant les années trente un ancien ''jeune radical '' avec Bertrand de Jouvenel et a créé avec Jean Luchaire le journal ''Notre Temps '' ) ; le secrétaire d'état Raymond Marcellin, qui, sous Vichy fut chargé de « diffuser les idées sociales de la Révolution nationale », puis participera à la résistance dans le réseau ''Alliance''.

Effectivement, nombreux sont ceux qui ont cru pouvoir faire confiance à Pétain, au début...

Mais le réseau s’élargit aussi, à des personnes comme Georges Albertini, collaborationniste, adjoint de Déat, devenu expert dans l'anti-communisme et conseiller de nombreux politiques....

Alighiero Tondi

 

Arnould et Mgr Tisserant sont convaincus qu'un informateur pour le compte des soviétiques est à l’œuvre au Vatican. En effet des prêtres envoyés clandestinement, sont arrêtés dès leur passage derrière le ''rideau de fer'' ( expression de Churchill en 1946). Un agent du contre-espionnage français, Jacques de Pressac, devient le collaborateur du cardinal et enquête sur cette affaire.

Depuis les années 30, le collège ''Russicum'' forme des missionnaires pour l'Union Soviétique. Et, précisément, après un passage par le Russicum , le jésuite Alighiero Tondi avait intégré pendant le second conflit mondial la Secrétairerie d'Etat et était devenu l'adjoint du substitut, Mgr Giovanni Batista Montini ( futur Paul VI) .

Un soir d’avril 1952, de Pressac surprend Tondi en train d’ouvrir la chambre forte de Mgr Montini.

Alighiero Tondi, en 1936, après son diplôme d'architecte était entré, à vingt-huit ans, dans la Compagnie de Jésus, et espionnait pour Moscou, via Palmiro Togliatti le Secrétaire Général du P.C italien. Le père Tondi considère que les riches possédants se servent de l'Eglise pour convaincre les démunis que leur souffrance est la volonté de Dieu. Le communisme permet de leur rendre leur dignité. Tondi reconnaît avoir dérobé des renseignements sur les prêtres préparés à être envoyés dans les pays de l'Est.

Le 25 avril, le jésuite annonce par la presse sa ''conversion'' au communisme, et son départ de l'Eglise. Il épousera la militante communiste Carmen Zanti et se fixera à Berlin-Est pour enseigner à l'université Humboldt.

Arnould après la défection de Tondi, ira jusqu'à mettre en cause Mgr Montini et obtient son départ du Vatican. Il partage à Lancelot son inquiétude du progressisme dans la presse catholique française, et aussi des mouvements d'émancipation en Afrique.

Lancelot, malgré les recommandations de beaucoup, se sent bien plus proche de Mgr Montini, plus discret, pétri de culture française et ami de Jacques Maritain, et qui échange avec beaucoup de tact et de sensibilité. Malheureusement, sa nomination à Milan ( en 1954), semble signifier la victoire des ''zelanti'' ( ''intransigeants'' en français).

 

Après la guerre, le PCF est fort de ses combats dans la résistance, fort d'un espoir pour une sociétaire plus égalitaire.

Avec Maurice Maillard, Lancelot va reconnaître à travers divers points de vue, ce qui est en train de se jouer... par exemple, le jésuite Emile Rideau ( et disciple de Teilhard de Chardin) reconnaît la ''séduction communiste '' (1946) qui s'exerce sur le chrétien, en ce qu'elle contient une promesse de salut et s'inscrit dans le sens de l'Histoire.

Joseph Robert disant la messe sur la table de la salle à manger d’une famille ouvrière avant 1955

Cependant certains, comme le père Gaston Fessard, jésuite, résistant, philosophe politique, craignent que l'avènement d'une société communiste, soit une menace pour le christianisme, et plus généralement une menace totalitaire, comme l'est le fascisme. Le père Fessard, rejette l'adage selon lequel « l’intérêt général prime l’intérêt particulier », cet intérêt général doit aussi demeurer particulier. Il tente une définition du ''bien commun '' : définition économique avec les biens publics mis en commun ; définition sociale : avec l'accès de chacun aux biens communs ; définition éthique avec la nature de la relation entre les individus de la communauté.

« Pour que puisse être comblé ce désir vivant au plus intime de chaque individu et le constituant personne, il faut que la communauté dont il est membre ne soit pas close sur elle-même et que le Bien commun qu’elle vise assure son ouverture sur l’infini vers lequel se tend la personne . » ( G Fessard : Autorité et bien commun - 1944)

A l'opposé, Jean Boulier prêtre jésuite aussi, se fait le compagnon de route des communistes. En 1948, il participe au congrès mondial des intellectuels à Wroclaw ( Pologne), et siège ensuite au conseil national du ''Mouvement de la Paix'' (1951). « Loin d’y voir une trahison, une atténuation, une dilution de ma foi, comme on m’en accuse, c’est de tout l’élan de ma foi, de ma foi catholique intégrale que je m’engage dans cette bataille, dans la lutte des classes, pour l’appeler par son nom, et que j’en souhaite la victoire ». Sanctionné par la hiérarchie, frappé d’interdit personnel en 1950, il est finalement réduit à l’état laïc en 1952.

De jeunes prêtres renouvellent le sens du mot ''mission'' et se tournent vers le monde ouvrier. Le syndicalisme est dominé par le marxisme. Le père Henri Perrin devient ouvrier à Paris. Il quitte la Compagnie de Jésus quand le Saint Office condamne en 1949, toute forme de collaboration entre chrétien et communiste.

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1952 - Credo quia absurdum

12 Octobre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #idéologie, #1952, #Sartre, #Camus

Dans son groupe ''Esprit'' Lancelot porte le débat sur le pouvoir de l'idéologie, au point d'amener le condamné d'un procès stalinien à consentir à faire des ''aveux''. Certes ces aveux, sont à priori obtenus - comme le dénonce Koestler - '' par des semaines de tortures physiques et morales."... Mais certain n'excluent pas l'idée que le condamné n'abandonnant pas sa foi communiste, se sacrifierait, au profit de la vérité du parti omniscient, outil essentiel à la victoire contre le capitalisme...

Bien-sûr, Geneviève et Dominique Desanti ne veulent pas croire, les accusations de torture ; pour elles, le traître avoue devant un réquisitoire objectif, et pour soulager sa conscience.

 

Un peu plus tard, c'est Edgar Morin, qui revient sur le paradoxe de l'autocritique, outil disciplinaire chez les communistes.

Un bon communiste, d'autant plus s'il est cadre, « s’incline lorsque le Parti exige son autocritique. ».

Edgar Morin, explique, ce qu'il appelle son credo '' quia absurdum ''communiste, par cette formule : « on a raison, d’avoir tort avec le parti ; et on a tort, d’avoir raison contre le parti. ».

Tertullien (IIe s.), à qui on doit cette formule : « Credo quia absurdum » ( “Je crois parce que c’est absurde” ) voulait signifier que la foi n'était pas de l'ordre de la preuve et qu'il fallait bien le ''croire'' puisque ce n'était pas raisonnable ( ou absurde).

Pour ce qui est de la Foi religieuse, Lancelot répond que cette formule lui paraît paradoxale et inopérante, car elle dissocie foi et raison ; alors qu'elles sont intimement liées dans la théologie chrétienne.

Albert Camus aurait repris le ''credo quia absurdum'' ; en y reconnaissant le désir humain de donner un sens à ce qui est absurde... Alors « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » (…) « Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. De même, l’homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. » ( Camus, '' Le mythe de Sisyphe '' 1942)

Sartre dans Libération 15 juillet 1954

 

Peut-être, des intellectuels communistes, ont pu ainsi adopter une attitude de foi aveugle envers le Parti et l’URSS, même face aux absurdités et aux horreurs du régime.

 

Plus généralement, Pour Camus, qui est athée, l’absurde, c’est la confrontation entre le désir humain d’ordre et de cohérence et le caractère irrationnel du monde. Pour Sartre, l’absurde, c’est avant tout la « contingence » de l’être-en-soi, l’injustifiabilité des objets du monde. La condition humaine apparaît également comme absurde dans la mesure où l’homme ne peut devenir le fondement objectif de sa propre existence, ne peut être à la fois « en-soi » et « pour-soi ».

Comment expliquer cette erreur de ''sens'' ?

 

Geneviève répond : « Toi, tu es chrétien, tu ne ressens pas l'absurdité du monde ; ta foi consiste aussi à te persuader d'un sens à l’aventure humaine ; alors que devant tes yeux, le capitalisme écrase la majorité de l'humanité, au profit d'une minorité capitaliste. »

 

C'est vrai, l'anti-communisme n'est pas une position évidente ; il ne s'agit pas de nier l'exploitation de l'homme par l'homme ; mais de s'opposer à un totalitarisme. Il est difficile de s'opposer au parti des ''100.000 fusillés'' et à une grande partie des intellectuels qui vénère le marxisme, comme étant la « philosophie indépassable » ( Sartre).

En 1950, Emmanuel Mounier - lui-même - avait craint que l'anti-communisme soit une « force de guerre, une reprise du fascisme.. » ( Esprit, février 1950). Jean-Paul Sartre le condamne fermement :  « Un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais. (J.-P. Sartre, Situations IV )

1952

Et, d’autres intellectuels, comme Raymond Aron, Jean-François Revel ou Claude Lefort, vont reprocher à Sartre son aveuglement face aux crimes du stalinisme et son mépris pour les libertés individuelles.

Egalement, Camus dénonce, chez Sartre, la justification de la violence révolutionnaire, et l'accuse de sacrifier les valeurs humanistes au nom d’un idéal abstrait.

Mauriac, dans Le Figaro le 26 novembre 1952, exprime sa stupeur et son horreur face au procès Slánský, qu’il a qualifié de « sinistre farce » et de « spectacle abominable ».

 

A l'opposé de l'engagement de Geneviève, Lancelot rejette l'idée qu'un ''socialisme d'état '' - comme celui de l'URSS - puisse être une garantie de paix.

Même si la guerre de Corée alimentée par ce contexte de guerre froide fait craindre une troisième guerre mondiale ; ce Mouvement de la Paix, Lancelot en est convaincu, n'est qu'un élément de la stratégie de politique extérieure soviétique.

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1952 - Les Communistes et la Paix

2 Octobre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Communisme, #Esprit, #Europe

Dans un premier temps, parrainé par Robert Schuman très lié à l'Eglise, Lancelot travaille au Ministère des Affaires étrangères, en relation avec le Vatican, et au plus près du cabinet du ministre pour l'informer.

Robert Schuman ( 1886-1963) ministre pendant la Quatrième République, notamment aux Affaires étrangères, puis président du Conseil des ministres à deux reprises

Il est considéré comme l'un des pères fondateurs de la construction européenne.

Schuman est ministre des Affaires étrangères de 1948 à 1952; et doit son départ à la question coloniale alors qu'il est soupçonné de céder sur le démembrement de l'Empire ( nos colonies), au profit de la construction européenne.

 

Maurice Maillard est un prêtre jésuite qui a été autorisé par le provincial d'accompagner Lancelot dans sa mission ''politique''. De plus, le prêtre donne régulièrement des cours sur les rapports entre l'Eglise et l'Etat en France, aux étudiants de l' Académie pontificale ecclésiastique, institution fondée par Clément XI en 1701 ayant pour but de former le corps diplomatique du Saint-Siège.

Le père Maillard permit à Lancelot de s'initier au fonctionnement du Vatican, et très vite une véritable amitié va naître entre les deux hommes, fruit sans doute des longs voyages qu'ils firent ensemble sur le ''Rome-express'', qui leur permettait de partir de Paris en soirée et d'arriver avant la fin de matinée à Rome.

Lancelot, en particulier, va pour la première fois peut-être, interroger son questionnement sur une tradition religieuse qui l'habite, et à laquelle il tient ; mais finalement envers laquelle il n'est pas engagé; c'est ce que lui fait remarquer Maurice, plus âgé de quelques années.

La pratique religieuse de Lancelot, est étroitement liée aux événements qui l'obligent d'être présent dans une église. La raison de sa présence à ces cérémonies, relève plus de l'aspect social traditionnel, que de la spiritualité. Elle émerge cependant lors d'une plage silencieuse ou musicale, et au cours de ces instants où les yeux parcourent la beauté des lieux, environnée d'encens et d'une vague psalmodie latine, et rappelle un mystère qui dépasse de beaucoup la raison de sa présence.

Finalement, quelle différence entre une tenue en Loge, et une messe ; sinon que la première, en plus petit comité, satisfait mieux la raison et la fraternité; et que l'autre, marque culturelle et religieuse d'un territoire, satisfait l'entre-soi ?

Maurice, comme ancien ordonné accompagne de jeunes jésuites dans leur vocation. Il partage régulièrement avec Lancelot, les nouvelles problématiques que ces jeunes prêtres doivent parcourir.

En particulier, l'un d'entre eux, je l’appellerai Edmond, se rebelle et se déclare solidaire d'un ami prêtre-ouvrier à qui la hiérarchie demande de quitter son travail. Maurice note de plus en plus de conflits entre la conscience et l'institution ; les jeunes prêtres interrogent la réception dans l’Église de tout '' tout ce qui se fait d’important, le développement des sciences, de la critique historique, de la philosophie, de l'économie...''

 

Lancelot retrouve Geneviève, de plus en plus affiliée au Communisme. Cette situation - d'abord une originalité de leur couple - devient de plus en plus difficile.

 

Il ne s'agit plus seulement d'un engagement intellectuel ; Geneviève consent à la discipline rigoureuse du parti. En plus de participer aux réunions de cellule, distribuer la presse du parti, elle accepte des taches administratives quotidiennes au sein de l'Union des femmes françaises ( UFF), tout en y faisant des dons financiers réguliers.

Lancelot devient moins tolérant à ce qui lui semble n'être qu'une intolérable pression idéologique ; comme, soutenir sans condition l’Union soviétique et ses alliés, dénoncer les ennemis du communisme...etc. Il lui rappelle comment Edgar Morin , il y a moins d'une année, a été exclu du parti.

 

De plus, mais Lancelot ne le saura que plus tard ; ses amis communistes incitent Geneviève à se séparer de lui, qui la maintiendrait dans une culture bourgeoise et toxique.

Pour Lancelot, son épouse s'efforce de refouler sa culpabilité de son attitude pendant la guerre, jusqu'à désirer oublier l'existence de sa fille ; même si avec mauvaise foi, elle reproche à Lancelot et sa mère de la lui retirer, et alors qu'elle répète à chacun, qu'il est bien mieux pour Elaine de vivre à Fléchigné.

Depuis peu de temps, un homme Jean F. qui se présente comme cheminot, et aujourd'hui l'un des 3000 permanents du PC, futur député, accompagne et va jusqu'à venir chercher Geneviève dans leur appartement. Jean, manifestement, s'emploie à provoquer Lancelot, sur ses liens professionnels avec le Vatican, ses idées, et même ses goûts, comme si son seul intérêt était la dispute...

- Staline construit aujourd'hui une société qui donne du sens. C'est du concret, pas de la théologie ; dit-il. Et si le bonheur, pour tous et pas seulement pour les bourgeois, n'était pas au ciel, mais dans ce bas monde ?

Le procès-de-Prague 1952

 

Seulement, nous sommes en décembre 1952. Un ''procès'' vient d'écarter du bureau politique du PC, des personnalités comme André Marty, et Charles Tillon que Lancelot a côtoyé un peu au ministère des armées, sont accusés de déviationnisme, de fractionnisme et de manque de discipline. Cela renvoie aux nombreux procès en Union Soviétique, et actuellement au procès Slánský à Prague.

- Jean le reconnaît : cette décision envers Marty et Tillon, est aussi ''la manifestation de l’unité et de la fidélité au marxisme-léninisme et à l’Union soviétique.''

La presse française du Figaro, à La Croix et Combat, dénoncent le caractère arbitraire et antidémocratique de cette exclusion et la soumission du parti communiste à Moscou.

Pour ce qui est du procès Slánský, la presse française souligne l’antisémitisme du procès, qui frappe surtout des militants juifs ; et pour la plupart d’anciens résistants et antifascistes. Ils seraient accusés de crimes imaginaires et de complots invraisemblables.

- Pourtant, réplique Jean, un article de Sartre, intitulé « Les communistes et la paix », publié dans Les Temps modernes ( décembre 1952), défend la position du PCF sur la question de la guerre et de la paix, en s’opposant à la politique américaine et à la menace nucléaire. Il y critique aussi les intellectuels qui se réclament du socialisme mais qui refusent de soutenir le PCF. Sartre considère qu'il est le seul parti capable de représenter les intérêts des travailleurs et des opprimés. Il y affirme que le communisme est la seule voie pour réaliser une société sans classes et sans exploitation.

 

Geneviève est très impliquée par l'entremise de Dominique Desanti, à l'UFF. Autour de la revue ''Femmes françaises'', l'association féministe revendique 500.000 adhérentes. Il s'agit d'organiser des manifestations, des pétitions, des conférences, des cours du soir, des colonies de vacances et des activités culturelles et sportives pour les femmes.

La revue Esprit, tient à se mobiliser en faveur de la Paix, mais exprime des réserves de s'associer avec les communistes. Domenach l'avait déjà exprimé lors du congrès de la Paix, salle Pleyel en avril 1949, refusant de s'y associer. Si le socialisme démocratique pourrait constituer une garantie de paix, ils rejettent que ce puisse l'être avec un ''socialisme d’État'' tel qu’il est pratiqué en URSS.

Jean-Marie Domenach fait l'éloge de la Yougoslavie et s'élève contre l'idée que le régime de l’Union soviétique aime la paix.

Lancelot participe aux réunions des groupes ''Esprit '', et suit leur actualité grâce au ''Journal Intérieur'' qui est l'organe de communication du mouvement relancé en 1947, et animé par Paul Fraisse. Pour ce qui est de la revue Esprit , elle se veut une revue-carrefour, une revue de rencontres, une revue qui intègre d’autres courants de pensées que le seul courant de pensées de ses fondateurs. Chaque année un congrès se réunit en banlieue parisienne. Les groupes de Lyon ( Jean Lacroix), Grenoble ( Henri Bartoli), Strasbourg, Rennes...etc sont très actifs. On peut ainsi échanger avec Paul Ricoeur, Jean Lacroix, Jean-Marie Aubert, Georges Izard, André Déléage ou encore Louis-Émile Galey.

D'actualité, toujours de nombreux débats sur la Laïcité ; en effet la société catholique considère encore la laïcité comme un pis-aller. Pis-aller, ce qui signifierait que l'idéal de l'Etat terrestre serait l'Etat chrétien. L'état laïc, est une situation de fait, il garantit la liberté religieuse, mais reste en dessous de l'idéal chrétien....

Esprit prend part également à la réflexion sur les questions sociales comme l'humanisme au travail à laquelle prennent part des théologiens comme le dominicain Chenu, et le jésuite Calvez.

Carte satirique de l'Europe en 1952 - David Low

Ce qui intéresse Lancelot de Sallembier, ce sont les différentes visions de l'Europe qui s'affrontent, au sein même des participants aux débats conduits par ''Esprit''. La plupart s'opposent au fédéralisme, alors qu'un Marc Alexandre va le défendre.

Depuis la fin de la guerre, l'Europe suscite la méfiance du totalitarisme. N'est-ce pas tout simplement un mythe réactionnaire ? Les États-Unis, qui tiennent à l'idée, ne veulent-ils pas constituer un bastion stratégique dirigé contre l’URSS ?

Lancelot soutient le plan Schuman, d'une Europe construite autour d'une France neutre, avec pour objectif de constituer une troisième force mondiale. Elle pourrait commencer rapidement avec l'Allemagne et l'Italie ; et concurrencer les États-Unis et l’URSS.

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1952 – Eranos – 3 Le Graal et Jung

27 Septembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Jung, #Perceval, #Graal, #La Quête du Graal, #Löwith, #Eranos

Emma Jung consacre plusieurs heures à Lancelot, sur le travail d'individuation et sur le Graal.

A la lecture des notes de Lancelot, je peux retranscrire quelques notions originales, importantes ou supplémentaires sur le Graal ( beaucoup ont déjà été dites...).

Emma Jung propose une image ''atomique'' de la personne, avec en surface, le moi et la persona ( masque social), la part consciente ; et en profondeur, le noyau : le Soi, la part inconsciente.

Emma Jung nous invite à une lecture subjective de la légende, sorte de rencontre avec le soi... Ainsi, quand elle parle du jeune Perceval, dans sa forêt qui renvoie à la mère ; Lancelot pense à son rapport à Fléchigné.

La quête de Perceval commence avec la rencontre d'un Roi blessé, et d'un affront au féminin : la coupe renversée sur la Reine Guenièvre. Précisément, Perceval est engagé, mais il ne sait pas encore ce qu'il cherche. Comme lui, sans préjugé, avec naïveté, il s'agit d'affronter les ténèbres; et commencer par se rendre compte de ce qui ne va pas en soi.

Emma Jung, parle de la prise de conscience de l'ombre. ''L'orgueilleux de la lande'' est une figure d'ombre qui incarne l'orgueil de la chevalerie.

 

Chez l'homme, l'inconscient peut se personnifier par une figure féminine ( l'anima). Son monde est celui de l'âme. L'anima devient une médiatrice des contenus de l'inconscient : par exemple, la porteuse du Graal ; à différencier de Blanchefleur qui représente plutôt la femme réelle ( entremêlée avec l'anima, sans doute).

 

Le château du Graal, est dans l'autre-monde, l'un des signes est la rivière à franchir. Cet épisode agit, pour Perceval, comme un rêve d'initiation. Les personnages sont de la lignée de Perceval ( nous le saurons plus tard), avec plusieurs figures de père.

La porteuse du Graal transmet l'épée ; comme l'anima révèle certaines fonctions du moi, à partir du fond maternel de l'inconscient. A noter, le fil tranchant de l'épée qui renvoie aux facultés intellectuelles de l'esprit.

L'épée, la Lance, le Graal et la Pierre, édifient une structure quaternaire, expression de la réalisation de la conscience et renvoie au processus d'individuation. Comme, les quatre figures du tarot.

Si l'épée tranche, la lance atteint sa cible ( avec sa fonction guérissante). Cette même lance qui fit couler le sang du Christ sur la croix, et fut recueilli dans le Calice. ( Eucharistie). Le sang contient le principe de vie. La lance de Longin, reprend le motif de la ''Flèche d'amour'' – comme on disait au Moyen-âge – qui vise le cœur du Christ, et nous ouvre à son amour.

la Dame et le Graal

 

La figure de Perceval se transforme en symbole du fait de la lignée d'ancêtres, qu'il récapitule. Il est confronté au problème du Mal, à la question de la relation de l'homme avec la femme, entre autres questions...

Pour Perceval, sa faute est liée à sa mère ( il lui ai reproché de ne pas s'être soucié de sa mère...) ; elle est à rapprocher peut-être de l'offense de la coupe renversée, faite à la reine Guenièvre. Cette faute s'exprime par son silence lors de la procession du Graal ; et auparavant sur le principe féminin, avec la jeune femme à qui il dérobe un anneau, et lors du souvenir ( taches de sang dans la neige) de Blanchefleur qu'il a abandonnée.

 

« La mission de Perceval consiste à chercher la signification du vase qui contient le sang du crucifié et à découvrir la forme sous laquelle la vie intérieure essentielle de la figure du Christ continue à vivre, ainsi que le message qu'elle contient. » (cf La Légende du Graal (p86) – Emma Jung).

Ce message , ce trésor caché, comme un Graal, concerne aussi des contenus inconscients à découvrir ; ils ont à voir avec le soi. Il ne suffit pas que le soi se manifeste, en apparaissant sous forme symbolique ; il ne suffit pas de ''savoir'' ; il s'agit de s'interroger, quelle utilisation en faisons-nous ?

M-L von Franz

 

Lancelot, rencontre également, une collaboratrice de Jung, qui travaille sur l'Alchimie et la légende du Graal. Il s'agit de Marie-Louise von Franz qui lui propose de poursuivre ces discussions par un travail psychanalytique.

 

Le 25 août, après que Karl Löwith ( 1897-1973) ait donné une conférence sur "La dynamique de l'histoire et de l'historicisme", que Scholem a trouvé "très bien", il raconte autour de lui que Jung était furieux et qu'il partit après la première heure.

S'en suit, une conversation avec Jane Untermeyer et Erich von Kahler, et avec Corbin et sa femme.

Peut-on « imposer à l’histoire un ordre raisonné ou d’y saisir l’œuvre de Dieu. », se demande Löwith ? Du moins, cet ordre peut-il être le début d'une philosophie de l'Histoire ?

Lowith pense que l'histoire ne possède aucune logique immanente, il ajoute que la philosophie de Hegel et de Marx conduisent au nihilisme. Sa recherche le conduit plutôt - selon Lancelot – à inscrire l'homme dans une nature immuable, englobant tous les étants. Il reconnaît un « univers dépourvu de fin et sans Dieu », à partir duquel « l'homme aussi » n'est « qu'une modification sans fin ».

Lowith choisirait entre ces deux symboles, le Cercle à la Croix ; l'Antiquité au Christianisme. L'Occident tente désespérément de concilier deux visions : '' - l’antique théorie de l’éternité du monde avec la foi chrétienne en la création ; le cycle avec l’eschaton '' ; - '' l’acceptation païenne du destin avec le devoir chrétien de l’espérance.''

Ce fameux ''sens de l'Histoire'' serait une illusion qui fait croire à l'Homme qu'il est le maître du Monde, alors qu'il est de ce monde, à dimension naturelle, hors ''progrès humain''...

Lancelot, défend la proposition chrétienne de Teilhard de Chardin, pour qui l'Histoire permet de lire la convergence entre Cosmos, Vie et Esprit, qu'il appelle '' Phénomène Humain ''. L'Histoire exprime donc ''la complexification croissante de la matière et la montée en conscience de l’humanité''. Cette conception est une affirmation du monde spirituel et une voie d’épanouissement pour l’homme.

 

Karl Löwith reproche à Jung de ''psychologiser'' l'histoire, en cherchant un sens caché aux événements historiques et culturels. Cette démarche lui semble irrationnelle et ambiguë... On pense, que Lowith qui a quitté l'Allemagne en 1933, reproche à Jung sa position pendant le nazisme : Jung semblait se contenter de psychologiser le peuple allemand, sans condamner explicitement l’idéologie nazie ? Jung reconnaît avoir tenté de comprendre le phénomène nazi comme une manifestation de l’inconscient collectif allemand, mais sans pour autant l’approuver !

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1952 – Ascona – Eranos – 2

22 Septembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Eranos, #Jung, #Corbin

Ascona, Lago Maggiore, ca. 1950

Le séjour est intense ; et très vite le groupe de résidents à Ascona, s'organisent pour les transports jusqu'à la Casa ; et les repas et visites diverses.

Carl Gustav Jung est très sollicité ; grand, assez imposant malgré son âge ; il fait manifestement beaucoup d'efforts, pour être agréable envers chacun. Il est vénéré par tous ici, des femmes en particulier. Lancelot parvient tout de même à s'approcher du maître, et l'interroger sur le Graal.

Il répond : «  Les histoires du Graal ont été de la plus haute importance pour moi depuis que je les ai lues, à l’âge de 15 ans, pour la première fois. J’avais l’impression qu’un grand secret se cachait encore derrière ces histoires. »

C. G. Jung

Mais il s'agit d'un terrain réservé à sa femme; l'appelant aussitôt, il pousse Lancelot vers elle.

Emma Jung a 70 ans; mariée en 1903, elle a eu cinq enfants. Analyste, elle donne encore des conférences, et des cours à Zurich. Elle s'est toujours intéressé à l'histoire du Graal, et elle est souvent sollicitée pour donner des cours à ce sujet. Elle dit que les chemins tortueux de la quête du Graal, ont été une des voies d'accès à sa propre réalité inconsciente. Cette étude lui a ouvert les portes de la compréhension des grandes images archétypiques.

Lancelot lui retrace le contexte de sa propre recherche, et en particulier comment elle se rattache à sa lignée. Emma Jung se dit très intéressée par cette recherche au cours des siècles ; et plus généralement par cet attachement à toute une culture qui peut nourrir ainsi une quête.

Emma Jung

Après avoir écouté longuement Lancelot, elle s'émerveille de sa connaissance du mythe arthurien. Elle note également, son questionnement sur Dieu.

Sur ce point, elle répond que les réponses philosophiques de Dieu, sont purement intellectuelles. Ce Dieu éventuel compris philosophiquement vit-il quelque part, c'est à dire en soi ? - Je dois, avant tout, trouver l'image de Dieu valable pour moi ( celle du Dieu des catholiques, par exemple). Dieu est toujours spécifique à une tradition. Le divin est une force vivante qui me saisit. Jung dit qu'il peut être « barbare, infantile et profondément dépourvu de scientificité. »

Et, sans être contradictoire - pour avancer – Emma Jung insiste sur le concept d'individuation, et estime que nous sommes invités, chacun, à nous différencier de nos racines collectives. Ce chemin, utilise les rêves ou les mythes. L'idéal est de trouver - dans sa tradition - son ''mythe personnel''.

Selon Jung, l’individuation, c’est le fait de devenir qui nous sommes vraiment ; nous sommes unique.

 

Lancelot, pendant cette semaine, a la chance de côtoyer Henry Corbin dont il se met à l'écoute, avec chaque jour toujours plus de curiosité. Ils sont partis de la pensée allemande, avec K. Barth, puis Heidegger. Ensuite Corbin explique sa découverte de l'Iran, puis de la pensée de Jung.

Lancelot comprend que Corbin souhaite utiliser la méthode de l'interprétation - seul chemin vers une Connaissance vraie, telle que Heidegger l’utilise pour le Dasein , l'être dans le monde, inscrit dans ce Temps...

En simplifiant : la Phénoménologie prend en compte tout acte de la conscience, tous : ainsi l'imagination, ou l'amour , bref : tout sentiment participe à la connaissance de l'objet. La connaissance du réel n'est pas seulement affaire de logique, mais l'affaire de l'acte de conscience.

Jung et Corbin

Donc, Lancelot comprend que Corbin envisage de parler de l'être hors de ce Temps ; il s'appuie sur ce que permet la spiritualité orientale, et particulièrement la sagesse iranienne ( qui serait sans-doute, son ''mythe personnel ''). Corbin décrit ainsi, un monde qu'il appelle '' l'imaginal '', à ne surtout pas confondre avec ce que nous entendons par ''imaginaire'' ( c.à d. , pas vraiment réel...). L'imaginaire, en Occident, n'existe pas vraiment et échappe donc à la rigueur et à la méthode. En Iran, la spiritualité ne discrédite pas l'imagination, et la considère comme une faculté de connaissance. Peut-être un peu à la manière de la psychanalyse jungienne avec les rêves.

Ce monde de l'imaginal, Corbin le situerait entre le monde des idées et le monde sensible ; et dans le cas, par exemple des ''idées sur Dieu'', l'imaginal fait le lien entre les deux mondes. De la même façon sur l'idée de la mort : Corbin renvoie au ''Sein zum Tode '' ( ''Etre vers la mort '') de Heidegger ; non pas que cela renvoie à l'après-mort ; mais plutôt à la prise de conscience de sa mort. Précisément Corbin, va plus loin, puisqu'il pense que '' l'âme connaît ce qu'il adviendra d'elle.''

 

Pour répondre à son attente, Lancelot remarque la gentillesse de Corbin, qui n'insiste pas sur la mystique shî'ite qu'il ne connaît pas du tout ; et revient au christianisme, avec cette particularité d'un Christ, comme image de Dieu, et comme image de l'Homme jusque dans son désespoir, et sa mort.

Corbin s'interroge sur le Christ chrétien qui est rapproché de l’Être, mais qui n'est qu'idée de l’Être, spéculation... Quel est ce Christ qui s'adresse à moi et dont je fais l'expérience ?

Finalement, Corbin fait le procès d'une théologie affirmative et rationnelle, pour préférer une théologie négative ( chez M° Eckhart par exemple).

Corbin renvoie à cette parole de Maître Eckhart dans le Sermon N°12 : « L'oeil dans lequel je vois Dieu est le même œil dans lequel Dieu me voit. Mon oeil et l'oeil de Dieu sont un seul et même œil, une seule et même vision, une seule et même connaissance, un seul et même amour. »

Il ne s'agit pas bien-sûr de se prendre pou Dieu, mais de se dépouiller de soi et de laisser la place à Dieu.

 

Quand Corbin parle de chevalerie ( spirituelle ) ; il pense aux sages, aux prophètes.

Selon Corbin, avant d'atteindre cette chevalerie, soyons un pèlerin. Il faut d'abord avoir parcouru un certain itinéraire ; et atteindre le monde imaginal. Ensuite, pour vivre ''chevalier'', il nous faudra revenir vers le monde sensible.

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1952 – Ascona – Eranos – 1

17 Septembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1952, #Ascona, #Eranos, #Scholem

Lancelot passe la semaine du 20 août 1952, en Suisse, à Ascona et plus exactement à l'hôtel Casa Tamaro situé sur les rives du lac Majeur. L'hôtel est une ancienne résidence patricienne du XVIIIe siècle. Il y retrouve plusieurs voyageurs, intéressés par l'Eranos qui se tient tout près d'ici, chaque année.

Eranos, signifie en grec ancien, ''banquet''. Il s'agit en effet d'un banquet intellectuel et spirituel, qui s'organise autour des contributions faites par les convives. Quelques uns comme Lancelot, sont triés et admis comme auditeurs ; mais ne bénéficient pas de l'hébergement, ni du privilège de siéger autour de la ''Table Ronde ''. ( Même quand on s'appelle Lancelot... )

Après la guerre, les travaux s'articulèrent autour d'un programme d’anthropologie culturelle axé sur la base de « l’homme intérieur » (« innere Mensch »).

 

Cette aventure commença réellement en 1900, sur la colline de Monescia, nommée ''Monte Verità'', montagne de la vérité, avec l'arrivée à Ascona de nombreux artistes, intellectuels, anarchistes, hommes et femmes. On développe une vie sociale selon la nature, un végétarisme et un culte de la Terre-Mère qui promet une égalité entre hommes et femmes.

 

L'écrivain Hermann Hesse est venu, ici chercher l'inspiration. Le psychanalyste Otto Gross, entre 1906 et 1913, passe plusieurs séjours à Ascona où il sensibilise les résidents de la Monte Vérita à la psychanalyse mais également à ses théories qui promeuvent une sexualité totalement libre, et un modèle matriarcal opposé au patriarcat responsable à ses yeux du désenchantement du monde.

 

la stèle d'Eranos

Dans la propriété d'Olga-Fröbe Kapteyn, une stèle a été dressée portant l'inscription GENIO LOCI IGNOTO, au génie inconnu de ce lieu, entourant un Graal.

Le thème des conférences de 1952, est : « L'homme et l'énergie », est c'est la conférence de Gershom Scholem (1897-1982) qui introduit le cycle. Lancelot en garde un souvenir très fort. Son titre : « L'histoire du développement de la Shekhina en tant que concept kabbalistique ».

La Kabbale ou mysticisme juif, doit encore s'imposer face à une pensée des siècles des Lumières, qui la condamne au rang de rêverie ou superstition. Pourtant très peu sont ceux qui ont lu les ouvrages originaux qui s'y réfèrent. Scholem définit le mysticisme comme ''un mode de pensée qui cherche à combler au moyen d'une expérience interne l'abîme que les formes classiques de la religion ont creusé entre le monde et Dieu''.

Il est difficile pour Lancelot de retranscrire une pensée dont il connaît si peu les concepts. Sans-doute que les mots qui suivent sont ceux d'un chrétien qui entend raisonner des notions et les rapproche de son expérience.

Ainsi ce qu'il entend des dix Sephiroth, qui forment un ''arbre de vie'' : - dans le monde sensible, chaque Sephira est l'émanation d'une énergie divine, présente et agissante. Lancelot y reconnaît un Dieu vivant, agissant, et pourvu d'attributs.

Eranos 1952  - Gershom Scholem, Henry Corbin, Stella Corbin, Mircea Eliade, N, Gilles Quispel

La difficulté est que ''Dieu'' est inconnaissable. Au mieux le langage ( autre limitation) n'exprime que la manifestation de Dieu ( déclinées en dix manifestations).

Toute l'activité des Sephiroth constituent la Shekhina, la présence de Dieu dans notre monde matériel. La langue hébraïque - pour le kabbaliste - dans sa forme la plus pure et par sa nature spirituelle, représente une valeur mystique.

La Shekhina présence de Dieu parmi son peuple, s'expérimente pour le sioniste Scholem dans le Temple de Jérusalem ( ce qu'il en reste : le Mur). Pour le monde, Israël pourrait être l'image de la Shekhina...

Une discussion a lieu entre Scholem et Gilles Quispel ( néerlandais, historien du gnosticisme et théologien) sur le lien entre la Shekhina et le ''Saint-Esprit'' ( comme manifestation du divin...) et figures féminines ; ce qui est le cas pour les premiers chrétiens – en particuliers les chrétiens-juifs. Il cite Origène, Jérôme..

Dans le public d'une trentaine de personnes, se trouvent le dirigeant sioniste Nahum Goldmann et sa femme, avec qui Scholem va parler ensuite des réparations allemandes et des demandes israéliennes.

Le séjour commence fort ; et Lancelot bénéficie de l'aimable aide de Henry Corbin. Parmi les amis de Corbin, Lancelot rencontre : Erich von Kahler, Knoll, Löwith, Károly Kerényi et leurs épouses.

la Table Ronde d'Eranos.

 

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1952 – Schuman -Rougemont -Corbin

12 Septembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Europe, #Schuman, #Rougemont, #Corbin, #1952, #Eranos

On s'accorde à dire que c'est à partir du Congrès de La Haye de mai 1948, que le chantier de l'Europe a commencé. Huit cent "européistes" aux Pays-Bas, dont Camus, Malraux, des politiques, des hommes d'affaires se sont retrouvés aux Pays-Bas. Lors de la séance finale, les congressistes adoptent à l'unanimité le Message aux Européens préparé par le militant fédéraliste suisse Denis de Rougemont.

Depuis que Lancelot ( avec Elaine), avait rencontré Denis de Rougemont, lors d'une soirée au Cercle des étudiants vers 1930, ils n'avaient jamais rompu le contact.

Beaucoup avec Mounier, étaient passé au travers de ces années trente, en espérant, une troisième voie, voire même selon les mots de Rougemont, une'' révolution spirituelle''. Puis la guerre, avait renvoyé chacun à une réalité, bien plus triviale et tragique... Lancelot revit Rougemont, lors des "Rencontres Internationales de Genève", en 1946.

A présent, Schuman, lui-même, souhaitait rencontrer, sur un plan personnel, Rougemont. Il faut dire que Robert Schuman, s’intéressait de près à la question spirituelle.

C'est lors d'une discussion en aparté, que Schuman avait confié à Lancelot, qu'il était assez satisfait de sa disgrâce auprès de son ministère d'origine; et jusqu'à se porter garant auprès de la CIA, et lui permettre de le récupérer aux affaires étrangères sous le couvert du Saint-Siège. Le ministre évoqua Denis de Rougemont, chez qui il appréciait son ''personnalisme'', sa réflexion sur les totalitarismes, et sa spiritualité ouverte ( protestante).

Et finalement, c'est une grande chance, que l'occasion se soit présentée en juin 1952, lors d'une après-midi et du dîner : Lancelot put réunir Schuman, Nanik et Denis de Rougemont, et ( cerise sur la gâteau) Stella et Henry Corbin.

Les discussions tournent alors, bien-sûr autour de l'Europe, mais surtout concernent la spiritualité.

 

L'objectif d'une civilisation, dit Rougemont, c'est de donner un sens à la vie. « Elle pose un ordre, distingue le bien du mal, définit les raisons de vivre et de mourir, et dresse chaque homme, dès son enfance à s’y adapter et conformer. ».

- L'hindou a le karma, la caste... Dans un pays totalitaire, il y a le parti. L'européen, lui, semble un peu perdu. Il cherche, souvent il entre en conflit avec son milieu, les traditions, les préjugés...

- Cela ne daterait-il pas de cette religion « qui fit dépendre le salut de l’homme non point de l’observance des rites collectifs, mais de la conversion personnelle. » ? répond Rougemont.

« On peut donc définir l’Europe comme cette partie de la planète où l’homme, sans relâche, se remet en question, et veut changer le monde de telle manière que sa vie personnelle y prenne un sens. »

«Le fondement de cette révolution, son ressort et sa cause finale, c’est la notion, chrétienne à l’origine, de la valeur absolue de la personne humaine — de chaque personne humaine. »

Stella et Henry Corbin

 

Henry Corbin (1903-1978 ) répond qu'il y eut dans toutes les religions, des hérétiques. Lui-même s'intéresse aux hérétiques de l'Islam que sont les soufis, et les shi'ites... Loin de tout dogmatisme, il s'efforce de lier philosophie et théologie. C'est son professeur E. Gilson, qui l'a incité à apprendre l'arabe, il y a ajouté le persan et le turc... ! Deux rencontres l'ont de plus fortement marqués, Louis Massignon, et Denis de Rougemont... Corbin a traduit Heidegger, qu'il a rencontré avant guerre. Il a vécu à Istanbul, et actuellement son ''pays d'élection '' est l'Iran.

L'occident a perdu son ''sens'', au profit peut-être d'un esprit positif et d'une sécularisation de la société. D'ailleurs, si Corbin, parle de réconcilier l'Orient et l'Occident, c'est aussi de réconcilier la spiritualité et la rationalité, la théologie et la spiritualité... Et, c'est ce qu'il tente de présenter au '' cercle Eranos '' la première fois en 1949, devant des chercheurs, des intellectuels ; au cours de conférences où « chaque auteur traite de ce qui lui paraît essentiel pour l'homme à la quête de la connaissance de soi-même. ».

Les propos de Corbin interpellent fortement Lancelot, d'autant qu'il compare sa quête philosophique à la Quête du Graal, à laquelle seuls accéderont les chevaliers qui ont su s'en rendre dignes. Il fait référence à la querelle des universaux, au Moyen-âge, pour évoquer un monde de l' « imago », intermédiaire entre notre monde sensible, et le monde du pur Esprit.

Nos trois religions sont confrontés à un Texte. Nos théologies sont d'abord des herméneutiques ( un travail sur l'interprétation) ; et c'est sur l'esprit des textes qu'elles peuvent se rencontrer.

Article de Rougemont - l'Europe de la Culture

 

Rougemont plaide pour l'Europe de la culture ; d'autres pour l'Europe des marchandises. Si vous avez un bien A, et l'échangez contre un bien B ; à l'issue de l'échange vous possédez le bien B, et non plus le A ; c'est juste. Si vous avez un savoir A, et l'échanger contre un savoir B ; après l'échange, vous êtes riches des savoirs A et B... Et vous vous êtes fait un nouvel ami.

 

Robert Schuman, exprime lui, la responsabilité qu'il sent lui incomber, du bien commun. Devant les difficultés qui se présentent, s'il ne se décourage pas, c'est qu'il s'en remet – dit-il – à la Providence. Comment aurait-il pu affronter des élections, et les gagner, autrement ? La réconciliation entre L'Allemagne et la France est un autre défi, et préfigurera le projet européen.

Il comprend l'attachement de Corbin aux Textes, comme lui il dit apprendre du Nouveau Testament, « pour penser au plus près du Christ, et non pas selon les slogans du monde. ». Reconnaître dans un signe, comme l'Eucharistie, une Présence renouvelée lui donne l'énergie d'affronter les difficultés de la journée. « Je ne suis, dit-il, qu'un instrument imparfait, de la Providence. »

Schuman, qui hésitait jeune entre la prêtrise et l'engagement politique, a choisi le métier d'avocat, et la politique pour appliquer la doctrine sociale de l'Eglise et promouvoir la démocratie : « La démocratie doit son existence au christianisme. Elle est née le jour où l’homme a été appelé à réaliser dans sa tâche quotidienne la dignité de la personne humaine dans sa liberté individuelle, dans le respect des droits de chacun et dans la pratique de l’amour fraternel à l’égard de tous. Jamais, avant le Christ, de semblables concepts n’avaient été formulés».

Pour répondre à Rougemont, Schuman, pense que l'Europe, ne peut en rester à n'être qu'une entreprise économique et technique ; elle a besoin d'une âme, et il la reconnaît dans l'Europe chrétienne. L'Histoire a un sens, dit-il, elle tend vers plus d'égalité, et vers l'unité.

 

Lancelot interroge Henry Corbin sur ce ''cercle Eranos''. Et, ce qu'il va apprendre l'intéresse au plus au point.

Le projet de Olga Fröbe-Kapteyn (1881-1962), en 1933, était de construire un lieu avec une salle de conférence ("Casa Eranos") à côté de sa maison, sur les rives du Lac Majeur, à Ascona en Suisse . Elle se proposait d'accueillir des penseurs de tous ordres pour faire se rencontrer et dialoguer les philosophies orientales et occidentales.

Henry Corbin et Jung - Eranos

La présence de Carl Gustav Jung (1875-1961) a été décisive, et autour de lui des chercheurs dévoués à trouver la « racine commune de toutes les religions ».

Plusieurs sont devenus des habitués, comme Denis de Rougemont, Massignon, Rudolf Otto, Gershom Scholem, Gilbert Durant, Joseph Campbell, Marie Louise Von Franz, Mircea Eliade, et bien-sûr Carl Gustav Jung et son épouse Emma, et bien d'autres...

Trois types d'études y sont pratiquées : Mythologie comparée; Anthropologie culturelle; et Herméneutique symbolique.

Henry Corbin a donné sa première conférence, en 1949. Eranos est devenu, pour lui, important, Eranos donne un sens, une manière d'être...

Cette année 1952, Eranos se tient du 20 au 28 août. Le thème est l'Homme et l’Énergie ( Mensch und Energie )

Lancelot est enthousiasmé, et évoque la possibilité de s'y rendre ; Rougemont lui explique que les cessions ne sont pas vraiment publiques... Olga, est responsable de la programmation et de l’hébergement. Elle sélectionne et convoque les invités par lettre officielle ; mais peut-être pourrait-il trouver à se loger à Ascona, et assister à quelques conférences ; Rougemont promet de faire ce qu'il faut ; même si cette année, il n'y sera pas ; mais, Lancelot devrait y retrouver Corbin.

En effet, Henry Corbin, prépare une conférence sur '' le Temps cyclique dans le mysticisme et dans l’ismaélisme.''. A noter, que Jung devrait parler à propos de la synchronicité ( Über die Synchronicität).

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