Proust – Série sur les Salons parisiens - extraits


Marcel Proust publie au Figaro, en 1903-1904, une série de 6 chroniques intitulées “Salons parisiens” : salons artistiques, bourgeois et aristocratiques de Paris.
Ces chroniques de mondanités lui valurent une réputation de journaliste snob plutôt que d’écrivain et lui fut nuisible dans sa quête d’un éditeur ( Gide ne prit pas la peine de lire le manuscrit...) pour le premier volume de son roman, Du côté chez Swann.
Ces écrits dépassent largement la chronique mondaine ; Proust s'y livre sans retenue, sous les pseudonymes d'Horatio ou de Dominique ; son œil de journaliste observe les mœurs de la société avec beaucoup d'attention, en particulier à l'esthétique médiatique de la mondanité, à ses règles formelles, et à son inscription dans l'histoire … Ces écrits sont bien préparatoires à ''La Recherche'' et apparaissent ses goûts pour Saint-Simon et les mémorialistes...

Mais aujourd’hui encore c’est une des seules maisons de Paris où l’on soit invité à venir dîner à sept heures et demie.
Après le dîner, la princesse vint s’asseoir au petit salon, dans un grand fauteuil qu’on aperçoit à droite en venant du dehors, mais au fond de la pièce. En venant du grand hall, ce fauteuil serait au contraire à gauche, et fait face à la porte de la petite pièce, où, tout à l’heure, seront servis les rafraîchissements.
En ce moment, les invités du soir ne sont pas encore arrivés. Seules, les personnes qui ont dîné sont là. À côté de la princesse, une ou deux des habituées de ses dîners de la rue de Berri : la comtesse Benedetti, si spirituellement jolie et si joliment spirituelle ; Mlle Rasponi ; Mme Espinasse, dame d’honneur de la princesse ; Mme Ganderax, femme universellement aimée et appréciée de l’éminent directeur de la Revue de Paris.
(…)

Déjà la porte du salon de la princesse s’entr’ouvre, elle reste entrebâillée, pendant que la dame qui va entrer – personne ne sait encore qui c’est – ajuste une dernière fois sa toilette ; les messieurs ont quitté la table où ils feuilletaient les revues. La porte s’ouvre : c’est la princesse Jeanne Bonaparte suivie de son mari, le marquis de Villeneuve. Tout le monde se lève.
Quand la princesse Jeanne est à mi-chemin de la princesse, celle-ci se lève et accueille à la fois la princesse Jeanne et la duchesse de Trévise qui vient d’entrer avec la duchesse d’Albuféra.
Chaque dame qui entre fait la révérence, baise la main de la princesse, qui la relève et l’embrasse, ou lui rend sa révérence, si elle la connaît moins.
Voici M. Straus, l’avocat bien connu, et Mme Straus née Halévy, à qui son esprit et sa beauté donnent une puissance de séduction unique ; M. Louis Ganderax, le comte de Turenne, M. Pichot s’empressent autour d’elle, tandis que M. Straus regarde autour de lui d’un air malicieux.
La porte s’ouvre encore, c’est le duc et la duchesse de Gramont, puis la famille bonapartiste par excellence, la famille de tous les beaux titres d’empire, la famille Rivoli, c’est-à-dire : le prince et la princesse d’Essling, avec leurs enfants ; le prince et la princesse Eugène et Joachim Murat, le duc et la duchesse d’Elchingen, le prince et la princesse de la Moskowa.
Voici M. Gustave Schlumberger, M. Bapst, M. et Mme du Bos, le comte et la comtesse Paul de Pourtalès, le prince Giovanni Borghèse, un érudit, un philosophe, qui est aussi un brillant causeur ; M. Bourdeau, le marquis de La Borde, M. et Mme Georges de Porto-Riche.
Le petit salon est déjà si plein de monde que les plus anciens habitués montrent le chemin du hall où les moins intimes vont admirer avec une certaine timidité, comme écoliers sous l’œil du maître, les trésors d’art qui y sont rassemblés.
On s’arrête devant le portrait du prince impérial par Madeleine Lemaire, le portrait de la princesse par Doucet, le portrait de la princesse par Hébert, où elle a de si beaux yeux, de si douces perles. Bonnat le regarde de cet œil bon qui brille devant la belle peinture et échange des réflexions de technicien avec Charles Éphrussi, le directeur de la Gazette des Beaux-Arts, l’auteur du beau livre sur Albert Dürer, mais à voix si basse qu’on les entend mal.
La princesse ne s’assied plus. Elle va de l’un à l’autre, accueillant les nouveaux arrivés, se mêlant à chaque groupe, ayant pour chacun le mot particulier, personnel, qui tout à l’heure, quand il sera rentré chez lui, lui fera croire qu’il était le centre de la soirée.
Quand on pense que ce salon (nous prenons ici le mot de « salon » dans son sens abstrait, car matériellement le salon de la princesse était rue de Courcelles avant d’être rue de Berri) a été un des foyers littéraires de la seconde moitié du XIXe siècle ; que Mérimée, Flaubert, Goncourt, Sainte-Beuve sont venus là chaque jour dans une intimité vraie, ...(...)
DOMINIQUE. Le Figaro, 25 février 1903.

(…) dès qu’une soirée était sur le point d’avoir lieu, chaque ami de la maîtresse de maison venant en ambassade afin d’obtenir une invitation pour un de ses amis, Mme Lemaire en est arrivée à ce que tous les mardis de mai, la circulation des voitures est à peu près impossible dans les rues Monceau, Rembrandt, Courcelles, et qu’un certain nombre de ses invités restent inévitablement dans le jardin, sous les lilas fleurissants, dans l’impossibilité où ils sont de tenir tous dans l’atelier si vaste pourtant, où la soirée vient de commencer. La soirée vient de commencer au milieu du travail interrompu de l’aquarelliste, travail qui sera repris demain matin de bonne heure et dont la mise en scène délicieuse et simple, reste là, visible, les grandes roses vivantes « posant » encore dans les vases pleins d’eau, en face des roses peintes, et vivantes aussi, leurs copies, et déjà leurs rivales. À côté d’elles, un portrait commencé, déjà magnifique de jolie ressemblance, d’après Mme Kinen, et un autre qu’à la prière de Mme d’Haussonville Mme Lemaire peint d’après le fils de Mme de La Chevrelière née Séguier, attirent tous les regards. La soirée commence à peine et déjà Mme Lemaire jette à sa fille un regard inquiet en voyant qu’il ne reste plus une chaise ! Et pourtant ce serait le moment chez une autre d’avancer les fauteuils : voici qu’entrent successivement : M. Paul Deschanel, ancien président, et M. Léon Bourgeois, président actuel de la Chambre des députés, les ambassadeurs d’Italie, d’Allemagne et de Russie, la comtesse Greffulhe, M. Gaston Calmette, la grande-duchesse Vladimir avec la comtesse Adhéaume de Chevigné, le duc et la duchesse de Luynes, le comte et la comtesse de Lasteyrie, la duchesse d’Uzès douairière, le duc et la duchesse d’Uzès, le duc et la duchesse de Brissac, M. Anatole France, M. Jules Lemaître, le comte et la comtesse d’Haussonville, la comtesse Edmond de Pourtalès, M. Forain, M. Lavedan, MM. Robert de Fiers et Gaston de Caillavet, les brillants auteurs du triomphal Vergy, et leurs femmes exquises ; M. Vandal, M. Henri Rochefort, M. Frédéric de Madrazzo, la comtesse Jean de Castellane, la comtesse de Briey, la baronne de Saint-Joseph, la marquise de Casa-Fuerte, la duchesse Grazioli, le comte et la comtesse Boni de Castellane.

Cela n’arrête pas une minute, et déjà les nouveaux arrivants désespérant de trouver de la place font le tour par le jardin et prennent position sur les marches de la salle à manger ou se perchent carrément debout sur des chaises dans l’antichambre. La baronne Gustave de Rothschild, habituée à être mieux assise au spectacle, se penche désespérément d’un tabouret sur lequel elle a grimpé pour apercevoir Reynaldo Hahn qui s’assied au piano. Le comte de Castellane, autre millionnaire habitué à plus d’aises, est debout sur un canapé bien inconfortable.
Il semblerait que Mme Lemaire ait pris pour devise – comme dans l’Évangile : « Ici les premiers sont les derniers », ou plutôt les derniers sont les derniers arrivés, fussent-ils académiciens ou duchesses. Mais Mme Lemaire par une mimique que ses beaux yeux et son beau sourire rendent tout à fait expressive fait comprendre de loin à M. de Castellane son regret de le voir si mal placé. Car elle a comme tout le monde un faible pour lui. « Jeune, charmant, traînant tous les cœurs après soi », brave, bon, fastueux sans morgue et raffiné sans prétention, il ravit ses partisans et dé-
(...)
La grande-duchesse Vladimir s’est assise au premier rang, entre la comtesse Greffulhe et la comtesse de Chevigné. Elle n’est séparée que par un mince intervalle de la petite scène élevée au fond de l’atelier, et tous les hommes, soit qu’ils viennent successivement la saluer, soit que pour rejoindre leur place, ils aient à passer devant elle, le comte Alexandre de Gabriac, le duc d’Uzès, le marquis Vitelleschi et le prince Borghèse montrent à la fois leur savoir-vivre et leur agileté en longeant les banquettes face à Son Altesse, et reculent vers la scène pour la saluer plus profondément, sans jeter le plus petit coup d’œil derrière eux pour calculer l’espace dont ils disposent.
(…) Reynaldo Hahn fait entendre les premières notes du Cimetière (…) Dès les premières notes du Cimetière, le public le plus frivole, l’auditoire le plus rebelle est dompté. Jamais, depuis Schumann, la musique pour peindre la douleur, la tendresse, l’apaisement devant la nature, n’eut des traits d’une vérité aussi humaine, d’une beauté aussi absolue. Chaque note est une parole – ou un cri ! La tête légèrement renversée en arrière, la bouche mélancolique, un peu dédaigneuse, laissant s’échapper le flot rythmé de la voix la plus belle, la plus triste et la plus chaude qui fut jamais, cet « instrument de musique de génie » qui s’appelle Reynaldo Hahn étreint tous les cœurs, mouille tous les yeux, dans le frisson d’admiration qu’il propage au loin et qui nous fait trembler, nous courbe tous l’un après l’autre, dans une silencieuse et solennelle ondulation des blés, sous le vent.
(…) « Puis, tout s’éteint, flambeaux et musique de fête », et Mme Lemaire dit à ses amis : « Venez de bonne heure mardi prochain, j’ai Taomagno et Reszké. » Elle peut être tranquille. On viendra de bonne heure.
DOMINIQUE. Le Figaro, 11 mai 1903.
(...) Souvent données dans la journée, ces fêtes étincelaient des mille lueurs que les rayons du soleil, à travers le prisme des vitrages, allumaient dans l’atelier, et c’était une chose charmante que de voir le prince conduire à sa place, qui était celle du bon juge et du soutien fervent, celle de la beauté-reine, la comtesse Greffulhe, splendide et rieuse. Au bras du prince alerte et courtois elle traversait l’atelier dans le sillage murmurant et charmé que son apparition éveillait derrière elle et, dès que la musique commençait, écoutait attentive, l’air à la fois impérieux et docile, ses beaux yeux fixés sur la mélodie entendue, pareille à « … un grand oiseau d’or qui guette au loin sa proie. »

D’une politesse exacte et charmante avec tous ses invités, on voyait la figure du prince (la plus fine que nous ayons connue) s’animer d’une joie et d’une tendresse paternelles quand entraient les deux incomparables jeunes femmes que nous ne voulons que nommer aujourd’hui, nous réservant d’en parler plus tard, devant le magnifique et naissant génie desquelles il s’émerveillait déjà : la comtesse Mathieu de Noailles et la princesse Alexandre de Caraman-Chimay. Ces deux noms, qui ont la première place dans l’admiration de tout ce qui pense aujourd’hui, riches du double prestige de la gloire littéraire et de la beauté.
(…) Ces belles heures, ces fêtes de l’élégance et de l’art reviendront. Et dans l’assistance, rien ne sera changé. Les familles La Rochefoucauld, Luynes, Ligne, Croy, Polignac, Mailly-Nesles, Noailles, Olliamson, entourent la princesse de Polignac d’une affection à laquelle la mort du prince n’a rien changé, qui s’est accrue, si l’on peut dire, d’une reconnaissance profonde pour les années de bonheur qu’elle a données au prince, lui qu’elle a si bien compris, dont elle a si affectueusement de son vivant, si pieusement depuis sa mort, réalisé les rêves artistiques.
HORATIO. Le Figaro, 6 septembre 1903.
(…)

En dehors des personnes que nous avons déjà nommées, on voit souvent à Coppet quelques-uns des meilleurs amis de M. et Mme d’Haussonville, leurs enfants le comte et la comtesse Le Marois, la comtesse de Maillé, le comte et la comtesse de Bonneval, leurs beaux-frères et cousins Harcourt, Fitz-James et Broglie. La princesse de Beauvau et la comtesse de Briey y venaient l’autre jour de Lausanne, ainsi que la comtesse de Pourtalès et la comtesse de Talleyrand. De temps en temps, le duc de Chartres y fait des séjours. La princesse de Brancovan, la comtesse Mathieu de Noailles, la princesse de Caraman-Chimay, la princesse de Polignac, y viennent d’Amphion. Mme de Gontaut y vient de Montreux ; la baronne Adolphe de Rothschild de Prégny. On y applaudit quelquefois la comtesse de Guerne, née Ségur. La comtesse Greffulhe s’y arrête en allant à Lucerne.
Tout le monde y admire la comtesse d’Haussonville, le merveilleux essor d’un port incomparable, que surmonte, que couronne, que « crête » pour ainsi dire, une admirable tête hautaine et douce, aux yeux bruns d’intelligence et de bonté. Chacun admire le salut magnificient dont elle accueille, plein à la fois d’affabilité et de réserve, qui penche en avant tout son corps dans un geste d’amabilité souveraine, et par une gymnastique harmonieuse dont beaucoup sont déçus, le rejette en arrière aussi loin exactement qu’il avait été projeté en avant.
HORATIO. Le Figaro, 4 janvier 1904.

(…) Tous ses fidèles, la duchesse de Luynes douairière, Mme de Brantes, la marquise de Lubersac, la marquise de Castellane, la comtesse de Guerne, la grande cantatrice que je ne fais que citer aujourd’hui, la marquise de Ganay, la comtesse de Béarn, la comtesse de Kersaint, M. Dubois de l’Estang, le marquis du Lau, un de ces hommes de premier ordre, que les vicissitudes de la politique ont seules empêché de servir au premier rang et de briller aux premières places, le charmant duc de Luynes, le comte Mathieu de Noailles, dont le duc de Guiche vient d’exposer au Salon un portrait superbe de distinction et de vie ; le comte de Castellane (dont nous avons déjà parlé à propos du salon de Mme Madeleine Lemaire et dont nous aurons à reparler bientôt), le marquis Vittelleschi, M. Widor, enfin M. Jean Béraud dont nous avons déjà dit dans ce même salon de Mme Madeleine Lemaire la gloire, le talent, le prestige, le charme, le cœur, l’esprit – tous iraient jusqu'au bout du monde pour la retrouver parce qu’ils ne peuvent se passer d’elle.

Tout au plus, au début, lui laissèrent-ils sentir, comme elle ne paraissait pas le remarquer, qu’ils faisaient pour la voir un voyage assez difficile. « C’est très joli, lui dit le comte de La Rochefoucauld la première fois qu’il entreprit le pèlerinage. Est-ce qu’il y a quelque chose de curieux à visiter dans les environs ? » Parmi les visiteurs habituels de la comtesse, il en est un dont le nom est particulièrement aimé des lecteurs de ce journal, habitués à trouver dans ses chroniques une sorte d’opportunité philosophique, des applications saisissantes, comme dans cet article sur la manie d’écrire qui atteignait s’il ne les visait pas tant de jeunes gens du monde en mal de vocation littéraire. C’est le comte Gabriel de La Rochefoucauld. Vous avez tous vu ce grand jeune homme qui porte au front, comme deux pierres précieuses héréditaires, les clairs yeux de sa mère. Mais plutôt que de vous en parler moi-même, car ce n’est pas l’habitude ici que nos collaborateurs se louent les uns les autres, j’aime mieux citer à son sujet l’opinion d’un juge autorisé. « Il aura un extraordinaire talent, disait dernièrement M. Eugène Dufeuille ; il sera la gloire de son monde et il en sera aussi le scandale. »
(...)
Elle (la comtesse Potocka ) a connu tous les plus curieux artistes de la fin du siècle. Maupassant allait tous les jours chez elle. Barrés, Bourget, Robert de Montesquiou, Forain, Fauré, Reynaldo Hahn, Widor y vont encore. Elle fut aussi l’amie d’un philosophe connu, et si elle fut toujours bonne et fidèle à l’homme, en lui elle aimait à humilier le philosophe. Là encore je retrouve la petite nièce des Papes, voulant humilier la superbe de la raison.
(…) On comprend qu’elle puisse être bien séduisante avec sa beauté antique, sa majesté romaine, sa grâce florentine, sa politesse française et son esprit parisien.
HORATIO. Le Figaro, 13 mai 1904.
(…) il y a longtemps que la comtesse de Guerne a reçu ses lettres de plus grande naturalisation artistique ; et pour personne, pas plus pour les artistes que pour les gens du monde, elle n’est à aucun degré un amateur, mais une des deux ou trois plus grandes chanteuses vivantes.

L'article sur le salon de la comtesse Greffulhe, par Marcel Proust, hélas, n'est pas paru … Il a longtemps été considéré comme perdu...

Puis, redécouvert par Laure Hillerin lors de ses recherches pour sa biographie: ''La Comtesse de Greffulhe. L'Ombre des Guermantes ''. En explorant les archives « Je suis descendu sur une petite enveloppe bleue. Sur le recto, écrit au crayon: "article sur le suivi de Calmette". Au verso, au crayon bleu 'Soirée chez ctesse G.'. À l’intérieur, huit feuilles imprimées réunies au moyen d’un trombone, numérotées au crayon bleu. A la fin, une signature: Dominique. Mon cœur battait à tout rompre: j'avais découvert l'article inédit de Proust. »
Calmette du Figaro avait envoyé les épreuves à la Comtesse pour approbation. Apparemment, Mme Greffulhe a refusé la permission d'imprimer l'article.
Mme Greffulhe a écrit vers la fin de sa vie: « Il [Proust] m'a envoyé un portrait de moi qu'il a composé après m'avoir vu, ce qui était l'un des grands désirs de sa vie. Il m'a demandé de le lui retourner si je le trouvais bien. Mais, ayant très peur de la publicité à cause de mon mari, je l'ai caché à Bois-Boudran. Hélas! Est-il perdu? »
1900 - Les salons artistes et mondains -1-
Anne-Laure de Sallembier a nécessairement croisé Marcel Proust (1871-1922) lors d'une réception ( comme nous le verrons plus loin, le 4 juin 1908 à un Dîner de la princesse Polignac), ou à Cabourg en ces mêmes années...

Elle s'est peut-être reconnue dans une partie du portrait que Proust publiera dans sa Recherche, et qui concerne Madame de Cambremer, même si - sur plusieurs aspects – il n'est guère favorable ….
« « Ne parlez pas à tort et à travers de Mme de Cambremer « , dit Swann, dans le fond très flatté. « Mais je ne fais que répéter ce qu’on m’a dit. D’ailleurs il paraît qu’elle est très intelligente, je ne la connais pas... »
« M. de Cambremer », me dit-il. « Ah ! C’est vrai, mais c’est d’une ancienne connaissance que je te parle. (…) Je lui répondis que je le connaissais en effet et sa femme aussi, que je ne les appréciais qu’à demi. Mais j’étais tellement habitué, depuis que je les avais vus pour la première fois, à considérer la femme comme une personne malgré tout remarquable, connaissant à fond Schopenhauer et ayant accès, en somme, dans un milieu intellectuel qui était fermé à son grossier époux, que je fus d’abord étonné d’entendre Saint-Loup répondre : « Sa femme est idiote, je te l’abandonne. Mais lui est un excellent homme qui était doué et qui est resté fort agréable. » Par l’« idiotie » de la femme, Saint-Loup entendait sans doute le désir éperdu de celle-ci de fréquenter le grand monde, ce que le grand monde juge le plus sévèrement. »

Les Cambremer, font partie de la petite aristocratie de province; et la jeune Madame de Cambremer est une jeune femme intelligente et ambitieuse qui rêve d’être admise dans le milieu des Guermantes. Elle est très jolie et rend jalouse beaucoup de femmes. Elle a été amoureuse de Swann et a eu une liaison avec lui dans sa jeunesse.
Anne-Laure de Sallembier a souhaité, en effet, fréquenter le Monde et ses salons; mais, c'était pour satisfaire avant tout sa Quête...

Anne-Laure, mariée, s'était ennuyée à suivre, soumise, le rythme de son vieux mari, qui découvre sur ses terres le plaisir de la chasse, et le soir, le jeu de cartes ; puis, sa grossesse l'a contrainte à l'ennui total coincée dans sa propriété de Fléchigné, alors qu'elle rêvait de la vie mondaine parisienne...
A Paris, et avec son mari, elle a fréquenté les salons ''orléanistes''. Sallembier est proche du duc de Broglie (1821-1901), et de son fils Victor de Broglie (1846-1906). A Paris, ils retrouvent Albert de Mun... Par son entremise, ils seront reçus chez José-Maria de Heredia...
Albert de Mun, a pour cousine, Élisabeth de Gramont, duchesse de Clermont-Tonnerre. De plus, le frère d'Albert : Robert de Mun, a épousé le tante de la duchesse, Jeanne de Gramont. Anne-Laure va se lier avec Élisabeth de Gramont (1875-1954)...

Veuve, son intelligence, et sa beauté ; lui ouvrent bien des portes... Et, sa grande curiosité va lui permettre de dépasser les couleurs politiques, et même sociales des nombreux salons qui agitent les soirées parisiennes sous la troisième République.
Les ''gens de lettres'', les artistes, sont les principaux faire-valoir d'une soirée... Anne-Laure recherchent particulièrement les philosophes et les scientifiques...

Ainsi, dans les années précédant ce nouveau siècle, le salon de Lydie Aubernon, est resté célèbre pour ses conversations qu'elle dirigeait à la baguette... On pouvait rencontrer le philosophe mondain Elme Caro, vulgarisateur de Schopenhauer, Ferdinand Brunetière, directeur de la Revue des Deux Mondes, et le médiéviste Gaston Pâris, ou Renan, ou Alexandre Dumas …
Aujourd'hui ( ces premières années 1900...), les salons sont plus restreints, certains sont établis autour des rédactions de revues comme celui de La Plume ou du Mercure de France, qu'Anne-Laure va être invitée à fréquenter ; mais seulement, après avoir commencé dans des salons plus mondains, où quelques proches l'ont introduite...
Une femme de la bourgeoisie, aussi modeste soit-elle, se doit de consacrer un jour par semaine pour recevoir des visites... Les autres jours, pour les faire...

Le salon, est la pièce d'apparat du bourgeois où trône le piano, au milieu du mobilier ''Louis-Philippard'', ou mieux Henri III, ou encore mieux signés ou imités de Boulle.. Des portraits de famille couvrent les murs, un fond de peluche ou de velours rouge, éclairé par des becs Auer au gaz. Les bibelots encombrent les meubles... La Princesse de Polignac remplace les "portraits de famille" par des Monet...
Des personnalités reçoivent comme José Maria de Heredia (1842-1905) au 11bis rue Balzac:
Henri de Régnier, se souvient : la première fois, chez Heredia :
« Je me rappelle que la pièce où l’on nous introduisit était pleine de soleil et de fumée. Il y avait là des gens, mais je ne sais plus qui. Heredia était debout quand nous entrâmes. Je me souviens du brun et affable visage, de l’accueil chaleureux, de la main tendue cordialement. J’entendis la voix sonore et parfois hésitante et je me sentis soudain rassuré et à l’aise dès les premières paroles amicalement louangeuses du poète.

(…) Il venait beaucoup de monde, le samedi, chez Heredia. C’était un défilé incessant. Mais il y avait aussi les habitués, ceux qui venaient là, non pas en visite, mais qui y passaient la journée ou une partie de la journée. Je devins assez vite de ceux-là. (…) On se sentait moins dans un salon que dans une espèce de cercle. Aussi dépassait-on facilement les limites de la visite ordinaire. (…) L’obligation de manquer à cette habitude hebdomadaire était un contretemps fâcheux. Le samedi était à Heredia, comme le mardi soir à Mallarmé.
(…) que de visages j’y vis passer ! Certains y revenaient assez régulièrement, d’autres à intervalles variables. J’y ai vu Prévost et Barrès – lui rarement. J’y ai vu Maupassant, Jules Breton, Callias, Pouvillon, Pomairols, Tiercelin, le marquis de Gourjault, qui avait été l’ami de Théophile Gautier, le musicien Benedictus, qui était celui de Judith Gautier, le baron de Pontalba, Chenevière, Nolhac, Cazalis, qui encore ? »

Tous les vendredis, les Saint-Marceaux : le sculpteur René de Saint-Marceaux 1845-1915) et sa femme, née Marguerite Callou, en couple uni, reçoivent dans leur appartement du 100 boulevard Malesherbes. Salon d'artiste, on doit venir en tenue de travail, présenter ses œuvres … On y rencontre Jean-Louis Vaudoyer, Chausson, Lalo, Vincent d'Indy, Paul Dukas, Sargent, Claude Monet, André Messager, Henri Gauthier-Villars (Willy) et sa femme (Colette), Ravel, Pierre Louÿs, Debussy, Fauré.
Marcel Proust s'est inspiré de '' Meg '' pour le personnage de Madame Verdurin...
Elle critique le snobisme et les positions dreyfusardes, de la Comtesse Greffulhe... Et, c'est vrai que la simplicité de Marguerite de Saint-Marceaux, attire de nombreux artistes, même ceux qui n'apprécient pas '' le monde '', comme Debussy...
« Une fine chienne bassette, Waldine, écoutait, une ouistitite délicieuse venait manger des miettes de gâteau, un peu de banane, s’essuyait les doigts à un mouchoir avec délicatesse, attachait aux nôtres ses yeux d’or, actifs et illisibles. De telles licences, discrètes, quasi-familiales, nous plaisaient fort. Pourtant nous nous sentions gouvernés par une hôtesse d’esprit et de parler prompts, intolérante au fond, le nez en bec, l’oeil agile, qui bataillait pour la musique et s’en grisait. Là, je vis entrer un soir la partition de Pelléas et Mélisande. Elle arriva dans les bras de Messager, et serrée sur son cœur, comme s’il l’avait volée. Il commença à la lire au piano, de la chanter passionnément, d’une voix en zinc rouillé.

Souvent, côte à côte sur la banquette d’un des pianos, Fauré et lui improvisaient à quatre mains, en rivalisant de modulations brusquées, d’évasions hors du ton. Ils aimaient tous deux ce jeu, pendant lequel ils échangeaient des apostrophes de duellistes : “Pare celle-là !... Et celle-là, tu l’attendais ?... Va toujours, je te repincerai...”
Fauré, émir bistré, hochait sa huppe d’argent, souriait aux embûches et les redoublait...
Un quadrille parodique, à quatre mains, où se donnaient rendez-vous les leitmotive de la Tétralogie, sonnait souvent le couvre-feu… » Colette Willy
1900 – L'occultisme et la théosophie

Revenons à la Théosophie, à ne pas lier forcément à la Société théosophique, fondée elle, en 1875, lors de la fondation en Amérique de la Société théosophique par Helena Petrovna Blavatsky et le colonel Olcott. Nous y reviendrons....
Le principe de la Théosophie chrétienne, pourrait remonter à Jacob Boehme ( allemand, XVIIe siècle)...
Mais ce que, Anne-Laure de Sallembier, en ces années 1900, retient : c'est l'enseignement d'une expérience de Dieu, intuitive, analogique ( le jeu des correspondances ) et symbolique. La théosophie aide à répondre aux questions existentielles ( pourquoi le monde, le mal, la mort … ?). L'idée de Nature, englobe le divin, l'humanité et l'univers... Tout le visible est le miroir de l'invisible, il peut être compris et vécu comme une expérience mystique...
L'aspect mythique de la révélation chrétienne est privilégié ; et les aspects dogmatique et clérical de la religion sont rejetés... L'aller-retour entre la raison, et l'expérience personnelle est privilégié. La science est valorisée, mais reste insuffisante pour modéliser la réalité...

Pour ce qui est de la Société théosophique, la successeure de Mme Blavatski, Annie Besant (1847-1933), est une authentique militante socialiste féministe. Elle va tenter de promouvoir, dans l’esprit prophétique du début du siècle, un nouveau Messie instructeur de l’humanité... Ce rôle fut confié à un jeune Indien Jiddu Krishnamurti (1896-1986) qui rejeta finalement cette lourde charge comme l’avait fait Claire Bazard choisie par les saint-simoniens comme Femme-Messie en 1832.
En Allemagne, Franz Hartmann (1838-1912),un médecin allemand, franc-maçon, théosophe, martiniste, occultiste, géomancien, astrologue et auteur d'ouvrages ésotériques ; fonde une société théosophique allemande, et en 1906, est membre fondateur, de l'Ordo Templi Orientis (O.T.O.).

En France, c'est Lady Caithness (1830-1895), amie de H.P. Blavatski ( qui était plutôt ouverte aux spiritualités orientales), qui prend la tête d’une théosophie chrétienne, et donc scissionnaire, en profitant du passage par son salon de la quasi-totalité du monde occultiste parisien. La question du christianisme provoquera également la rupture de Rudolph Steiner (1861-1925) dans le monde germanophone à la veille de la guerre, soucieux d’intégrer l’acquis traditionnel occidental dans sa démarche d’acculturation de l’ésotérisme au monde moderne.
Même problématique :
Joséphin Péladan (1858-1918) affirme rester catholique, et s'oppose à Stanislas de Guaita (1861-1897 à 36ans) chrétien, mais à l'esprit éclectique ( christianisme, bouddhisme, spiritisme …) Tous deux avaient fondé l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, dont fit aussitôt partie Papus ( passé pat la Théosophie) … Tous les jeudis soirs, les ''gnostiques'' se réunissent avenue Trudaine chez Stanislas de Guaïta. En collaboration avec son secrétaire et ami Oswald Wirth, Stanislas de Guaita réalise un Tarot...

Gérard Encausse, dit Papus, (1866-1916) est l'un des grands animateurs de la vie occultiste parisienne pendant la Belle Epoque. Papus avait fait des études de médecine et comptait nombre de médecins dans ses proches amis et disciples. il décédera en 1916, ''victime d'un envoûtement''... ou d'une tuberculose … Les amis de Papus se réunissaient au siège de la Librairie du Merveilleux, 29 rue de Trévise.

En 1909, la '' Librairie du Merveilleux'' est au 76, rue de Rennes, à Paris, et elle est tenue par Pierre Dujols (1862-1926) et sa conjointe Mademoiselle Charton ( bretonne, née en 1868) , devenue son épouse en 1887... Elle aime à faire sa prière le soir en regardant le coucher du soleil. Elle est décrite par Mme Dubois comme ayant des dons de clairvoyance, faisant des rêves prémonitoires, lisant les lignes de la main et dans les cartes.
Ici, Anne-Laure de Sallembier, a pu croiser: Joris-Karl Huysmans, l'abbé Mugnier, l'artisan de la conversion de J. K. Huysmans, la cantatrice Emma Calvé, Paul Sédir, Paul Adam, Victor-Emile Michelet, Stanislas de Guaïta, Josephin Péladan, Charles Maurras, Villiers de l'Isle-Adam, Maurice Barrès, Catulle Mendès ( l'ex-mari de Judith Gautier) , Augusta Holmès ( maîtresse et compagne de Catulle M.), Victorien Sardou, et même le sceptique Anatole France... Et aussi, anecdotiquement, Mademoiselle Sarah Bernhardt...
Beaucoup de ces personnes, peuvent aussi se retrouver à ''La librairie de l'Art indépendant'', d'Edouard Bailly... Haut lieu de l'ésotérisme parisien...
Même si, Huysmans et Jules Bois vont s’opposer fermement à Papus et à Guaïta.

Judith Gautier, regrette et s'écarte des excès de Péladan, Guaïta, Papus, Paul Adam, Léon Bloy, Jules Bois, Huysmans, l'abbé Boullanet quelques autres, luttant à grand renfort d'anathèmes, de maléfices fluidiques, envoûtements, exorcismes, jusqu'au duel à l'épée ou au pistolet … !
Parmi les femmes plus rares dans ce monde d'hommes ; on remarque :
Emma Calvé, cantatrice, maîtresse de Jules Bois qui fut le grand ami de Maurice Leblanc. Emma Calvé était la meilleure amie de Georgette Leblanc...
''On'' dit, comme la légende ..., qu'elle aurait été en relation avec le fameux abbé Saunière, curé de Rennes-le-Château qui dépensa une fortune, d'origine inconnue...


Augusta Holmès (1847-1903), égérie et véritable compagne de Catulle Mendès, est compositrice.
Vers 1869 elle devient la compagne de Catulle Mendès (1841-1919), écrivain prolifique très en vogue, directeur de journaux littéraires, actif dans le mouvement poétique dit du «Parnasse». Catule Mendès est marié avec Judith Gautier (la fille du poète Théophile Gautier) depuis 1866... Raphaël, le premier enfant d'Augusta Holmès et de Catulle Mendès naît en mai 1870.

Elle gagne les milieux parisiens vers 1870, se distingue par la ferveur qu'elle porte à la musique de Wagner, fait une forte impression et devient rapidement une célébrité. Pougin la décrit comme une jeune femme d'une beauté rayonnante, à l'opulente chevelure blonde, au regard clair, perçant et assuré, à l'allure fière et décidée. Elle fera l'admiration de Liszt, Wagner, Gounod et de Saint-Saëns dont elle repousse une demande en mariage tout en liant avec lui une amitié durable.
En 1899, elle prend le parti réactionnaire de Déroulèdes et prend cause pour les «anti-dreyfusards».
Son salon est témoin d'étonnantes expériences occultes: racontées dans ''L'au-delà et les forces inconnues'' de Jules Bois... Enfin, elle se convertit au catholicisme et prend pour prénom Patricia.
Sources : de Agnès de Noblet : ''UN UNIVERS D'ARTISTES Autour de Théophile et de Judith Gautier'' - dictionnaire – L'Harmattan 2003

Laure de Sallembier, par l’influence de Rudolf Steiner , s'est démarquée de « l'occultisme non scientifique » ; et garde du mot ''occulte'' un synonyme à ''initiatique''. Pour elle l'anthroposophie est une connaissance spirituelle de l’Évolution, qui relie l'être humain aux autres êtres vivants...
1900 – L'occultisme - Lady Caithness (3)
Anne-Laure de Sallembier, n'a pas pu rencontrer Lady Caithness ; mais elle en a entendu beaucoup parler; et en particulier par Judith Gautier et par Camille Flammarion...
Son grand-père, Charles-Louis avait rencontré chez Balzac, la toute jeune épouse du Comte de Medina Pomar ; elle évoquait déjà certaines expériences occultes …

http://perceval.over-blog.net/2019/05/balzac-et-catherine-de-medicis.html
Bien plus tard, à Paris, Lady Caithness reçoit chez elle - tous les mercredis du printemps à l'automne - et invite des intervenants sous forme de conférences, comme le médecin Charles Richet (1850-1935), élève de Charcot et analyste des phénomènes parapsychologiques ( futur lauréat du prix Nobel) , l'astronome Camille Flammarion (1842-1925), le spirite Léon Denis (1846-1927) ou Annie Besant (1847-1933), future présidente de la Société théosophique.

«Réunion des plus élégantes hier, chez la duchesse de Pomar, pour entendre la conférence de Léon Denis sur la doctrine spirite. D'une éloquence très littéraire, l'orateur a su charmer son nombreux auditoire en lui parlant de la destinée de l'âme qui peut, dit-il, se réincarner ici-bas jusqu'à épuration parfaite.(...) » 7 juin 1893 - Article de Journal...
Voici un programme, joint avec une carte de visite...
18 Avril 1894 - M. Camille Flammarion : Les étoiles et l'infini.
26 Avril - M. le Professeur Bonnet-Maury : Le Congrès des religions à Chicago.
2 Mai - Mme Hardinge Britten : Le spiritualisme moderne (en anglais).
9 Mai - M. le Professeur Ch. Richet : La Paix internationale.
18 Mai - M. Victor du Bled : La femme au XVIII° siècle.
23 Mai - M. Léon Denis : Le Problème de la vie et de la destinée.
30 Mai - M. l'abbé Petit : L'Esprit nouveau.

Le Journal parisien l’Événement, du 21 mars 1895 : «Orateur littéraire, armé d'une ardente conviction, Léon Denis a su vite conquérir l'auditoire mondain qui se pressait dans la salle des fêtes de l'hôtel de Pomar, et c'était un plaisir de voir cet essaim de belles dames de l'aristocratie parisienne, amusées au début par quelques pensées frivoles, modifiant peu à peu l'expression de leurs regards pour devenir graves et montrer une attentive fixité »
Lady Caithness soutient financièrement la branche française de la Society for Psychical Research Society chargée d'étudier les phénomènes paranormaux... Elle compte parmi ses membres des personnalités aussi diverses qu'Arthur Conan Doyle, Henri Bergson, Camille Flammarion, le chimiste William Crookes et le naturaliste Alfred Russel Wallace.
Voici le témoignage de la jeune Alexandra David-Néel :
«Elle habitait un très vaste et somptueux hôtel, remarquable par un escalier monumental en marbre rose. La maîtresse du logis recevait dans une chambre à coucher dont le plafond peint représentait le Cercle de l'étoile, c'est à dire plusieurs centaines de figures de bienheureux et d'anges disposés en rangées concentriques autour d'une étoile d'or.(...) Le jour de la maîtresse de maison l'on discutait dans cette chambre de théories occultes et de recettes d'alchimie mais, surtout de l'évocation des Esprits. La duchesse et ceux qu'elle recevait étaient tous des adeptes du spiritisme.»

Lors de ces séances, l'exploratrice croise Camille Flammarion, attablé avec une douzaine d'autres personnes dans la chapelle faiblement éclairée. « Les Esprits qui se manifestent dans des séances des spirites sont des élémentaires, des âmes désincarnées plus ou moins longtemps conscientes. Elles sont plus ou moins intelligentes, souvent hébétées aussi, par l'état inconfortable que leur créent leur manque d'enveloppe matérielle et l'impossibilité où elles se trouvent, faute d'organes sensoriels, de participer encore à l'activité du monde auquel elles ont appartenu. Ces élémentaires cherchent activement les occasions de se réincarner et de nouer avec les vivants des relations propres à leur faciliter cette réincarnation. Or, à défaut de celle-ci, ces entités tendent à occuper temporairement les individus incapables de s'opposer à leur emprise ou ceux qui la subissent volontairement. De là, les phénomènes de possession et de médiumnité...»

L’intérêt d'Anne-Laure s'est portée, également, sur la période où elle vécut en Ecosse... Elle a épousé James Sinclair, le 14ème comte de Caithness, le 6 mars 1872.
Une nuit, alors qu'elle dormait dans un château de Caithness (le château de Thurso) , elle eut un songe qui lui enjoignait de se rendre immédiatement à la chapelle du château royal de Holyrood... Ce qu'elle fit... Elle vécut cette nuit là, une expérience médiumnique avec Mary Stuart... Expériences qui se reproduiront...
Holyrood Abbey, a été envisagée en 1906, comme chapelle pour les Chevaliers du Chardon -
Un 24 juin 1314, à Bannockburn, Robert Bruce roi d'Ecosse battait Edouard II roi d'Angleterre, gendre de Philippe IV le Bel. En ce jour de victoire il institua l'Ordre de Saint-André du Chardon d'Ecosse, en l'honneur du saint patron de l'Ecosse, en y insérant les Templiers écossais qui avaient participé à la bataille et qui n'avaient plus de nom depuis la destruction de leur Ordre. Il cessa d'exister après la mort de Marie Stuart: tombé dans le silence, le secret, cet Ordre fut réveillé par Jacques VI d'Ecosse, fils de la reine Marie Stuart et de son époux et cousin Henri Stuart de Lennox, seigneur de Darnley. De nouveau tombé dans l'oubli, le secret et le silence, il fut réveillé une troisième fois (1687) à Saint-Germain-en-Laye par son petit-fils Jacques VII d'Ecosse, roi d'Angleterre ( sous le nom de Jacques II), d'Ecosse et d'Irlande... La reine Anne le reconstitua en 1703, et, vingt ans plus tard, le roi Georges 1er le confirma solennellement et en modifia les statuts.

Cet ordre se compose aujourd'hui d'une seule classe de membres, portant tous le titre de chevaliers. Il est destiné à récompenser le mérite et les services de la noblesse d'Ecosse.
“Qui s’y frotte, s’y pique''...
Une superstition populaire voyait en lui un don du Diable. Néanmoins, le chardon évoque aussi l'amour et le labeur qui résistent aux épreuves et aux souffrances. Il est associé aux amours terrestres d'Aphrodite ainsi qu'à l'amour miséricordieux de la Vierge Marie. On lui a également attribué des vertus curatives, de purification et de longévité. En Écosse, dont il est l'emblème national, le chardon est célébré dans une légende du Xe siècle : espérant attaquer furtivement le château de Staines, les envahisseurs vikings ôtèrent leurs bottes ; les Écossais avaient rempli les douves asséchés de chardons et furent avertis par les cris de douleur de l'ennemi (Heilmeyer). Faisant jaillir une belle fleur hors d'une tige rêche, les racines du chardon auraient la propriété de dissiper la mélancolie."

Le peintre ''allemand'' Albrecht Dürer, peintre, mais aussi féru de mathématiques, représente dans ses tableaux de nombreux symboles : compas, la pierre taillée, le sablier, l’échelle, le triangle lumineux. Dans un célèbre autoportrait, Dürer se représente tenant à la main un chardon, selon les uns il représente la fidélité : le chardon gage de son amour pour sa femme ( que l'on dira ensuite très revêche...!) et pour d'autres ce serait le symbole de l’initiation. Le chardon est la fleur du soleil, c’est l’image de la vertu cachée protégée par ses piquants....
Selon les légendes qui courent ici, il y aurait un lien entre l'abbaye de Holyrood et la chapelle de Rosslyn... Nous sommes alors en 1545-46, la régente d'Ecosse et Sir William Sinclair de Roslin (petit-fils du fondateur de la chapelle Rosslyn), signent un accord dans lequel il est écrit : « et le secret confié à nous, nous le garderons... ». Cela concernerait un ''trésor'', celui de Holyrood, caché par les Sinclair sous les voûtes souterraines de la célèbre chapelle Rosslyn...

Ce trésor contenait sans doute des reliques : '' le fragment de la Vraie Croix, dans son reliquaire en argent, en or et en bijoux; le Crucifix sacré ou noir de l'Écosse, qui a été maintenu pendant cinq siècles comme le symbole sacré le plus précieux de la nation par le premier saint-clair-écossais, l'échanson de la reine Marguerite et de la famille St. Clair. "
La chapelle de Rosslyn nécessita quarante années de travaux, et fut achevée en 1486, soit 6 ans après le décès de son créateur William Sinclair (11th baron), qui y fut enterré.
Son père, Sir Oliver St Clair, douzième baron de Rosslyn, avait poursuivi les travaux de construction de la chapelle Rosslyn et avait quatre enfants, dont deux évêques - Henry et John -, qui officièrent lors du mariage entre Marie, reine d'Écosse, et Henry Stuart, lord Darnley, dans l'église de Holyrood le 29 juillet 1565. Il convient également de noter que le XIVe baron de Rosslyn, également appelé William, fut nommé président de la Cour suprême d'Écosse par la reine Marie en 1559.
Plusieurs Sinclair ont été enterrés dans l'abbaye …
A Lire : sur la chapelle de Rosslyn : ICI :

Lady Caithness a décrit son expérience avec Mary Stuart dans une brochure intitulée A midnight visit to Holyrood (1884) .. A la suite de quoi Lady Caithness a décidé de vouer sa vie à la spiritualité, comme il le lui avait été demandé : « (…) tu as été choisie (…) parce que tu as une nature complète et bien équilibrée qui te permet de voir et de comprendre tous les côtés de la vérité. » .
Lady Caithness décède à Paris le 2 novembre 1895. Elle sera inhumée à Holyrood..
1900 – L'occultisme - Lady Caithness (2)
Examinons ''L'Ouverture des Sceaux (1893)''. Il s'agit de l'un des derniers ouvrages de Lady Caithness, qui mourra seulement deux ans après sa publication. Le noyau du livre consiste en un travail d'exégèse des trois premiers chapitres de la Genèse. Pour Lady Caithness, la Bible est un « ''livre scientifique '', dont les mystères peuvent être aussi facilement compris qu'une proposition en mathématique, en mécanique ou en chimie »... ( Ce livre semble s'apparenter à une série de communications avec des entités spirituelles... )

Dans un chapitre, il est question de la chute d'Adam et de sa punition, à savoir la sortie du jardin d'Eden : l'auteure commence à considérer la description du jardin et des quatre fleuves qui sont censés l'arroser, il ne s'agit pas d' un lieu géographique ; mais d'un lieu ''physiologique''. Selon Lady Caithness, le jardin d'Eden est en effet le corps humain même, et plus particulièrement le corps de la femme. Pour elle le corps humain est « le temple de Dieu », « la merveille, la couronne des œuvres magnifiques de Dieu; il est son image a Lui, et lorsqu'il sera devenu parfait ce sera le lieu ou Il habitera ». Et, il est intéressant de noter que, dans ce jardin qu'est le corps, une attention spéciale est attribuée aux organes de la reproduction. En effet Lady Caithness regrette que le corps soit aujourd'hui « considéré comme une chose honteuse, et ses parties les plus indispensables [soient] estimées les plus vulgaires, et méprisables ». Mais en réalité, « aux yeux du Créateur, la génération dans l'homme est ( ... ) une fonction supérieure et divine. Le système créateur est un sanctuaire dans lequel s'accomplissent ses intentions les plus élevées »
Si les organes sexuels ne représentent rien d'impur, c'est « l'usage pervers que l'homme en a fait» qui les a rabaissés.

Le chapitre se poursuit avec une exégèse originale, identifiant les quatre fleuves du jardin d'Eden aux quatre fonctions corporelles, liées à la circulation des fluides :
• Le premier fleuve, Pischon, est celui de la nutrition du corps par le biais du sang, qui circule dans tout le système. Ensuite il y a Guihon, le fleuve qui représente les excréments qui courent par la voie des intestins. Le troisième fleuve est Heddekel, qui « débarrasse le système d'une autre classe d’impuretés par le moyen des reins ». Il s'agit évidemment de l' urine. Finalement, le quatrième et dernier fleuve, l'Euphrate, est celui « qui rend fertile, qui coule a travers le système reproducteur ». Puisqu'il est question ici particulièrement du corps de la femme, il doit s' agir des eaux du ventre de la femme enceinte, mais aussi du sang de ses règles.

Ensuite, les propos de Lady Caithness, restent obscurs : elle évoque un « baume en Galaad », et une « source d'eau vive » qui serait capable de régénérer les corps humain …
« Qui donc empêchera ceux qui savent ces choses de les proclamer? [ ... ]Qui dira aux vieillards [ ... ) qu'il y a un baume en Galaad capable de leur rendre la jeunesse et la force, et de les sauver de la mort en les introduisant dans le royaume des fils de Dieu? A la race malade et maudite, qu'il y a une source d' eau vive qui peut la guérir, si seulement elle veut en boire, qui apaisera l'enfer ardent dont elle souffre; qu'il y a un pays ou coule le lait et le miel, un arbre et une rivière de vie pour satisfaire tous les besoins humains? Qui osera dire cela? Et cependant ce sont justement ces choses que chaque âme vivante peut obtenir, car Dieu les a mises a sa portée. Le royaume des cieux est en tous, et il n'y a qu'à le chercher pour le trouver et en jouir. »

Certains lecteurs font références à ces passages, pour parler de '' magie sexuelle''
« [ ... ] le mystère de Dieu qui est cache en Christ et scellé dans la Bible[ ... ) est le chemin par lequel les forces créatrices dans l'homme et dans la femme, forces qui furet perverties à l’époque de la Chute, doivent être utilisées et devenir l’élixir de la vie, au lieu d’être ce qu'elles sont maintenant, la malédiction de la mort. »
Ces « forces créatrices dans l'homme et dans la femme » pourraient être les forces de la sexualité?
Lady Caithness semble croire que le moment n' est pas encore venu pour révéler ouvertement au monde ce ''mystère''. Pour elle il semblerait que le sexe tel qu'il est pratiqué n'ait pas grand chose à voir avec celui-ci. La sexualité vécue alors est effectivement une souillure du corps, et, pour l'instant, il est nécessaire de souligner l'importance de « relations pures ». Malheureusement, Lady Caithness n' explique pas ce qu' elle entend par cette expression...

Elle ajoute qu'il ne faut pas craindre que cette nouvelle sexualité puisse être moins satisfaisante, même sur le plan strictement sensuel, que l'autre. A ce propos, elle aborde aussi explicitement, dans des termes seulement un peu voilés, mais évidemment courants a son époque, la question de l'orgasme:
« Nous n'avons pas l'intention de dire que la relation entre les sexes, telle qu' elle doit exister, priverait l'un ou l'autre du bonheur qui peut-être senti par le cœur dans l'union a travers les sens. Non! au contraire ce bonheur sera augmenté au delà de tout ce que l'on peut imaginer. » •
Puis, elle ajoute une remarque adressé plus particulièrement aux hommes, qui n'imaginent pas quelle sera la qualité des orgasmes après la venue du Jour Nouveau:
« Oh! si les hommes pouvaient comprendre cela, et voir que, même au point de vue matériel et égoïste, ils auraient tout intérêt a aspirer à la nouvelle naissance. »
Ce discours sur la sexualité, est d'autant plus étonnant, qu'il est porté – à cette époque – par une femme … Discours original, même dans la mouvance théosophique.

Une autre exception intéressante, de ce point de vue, est le point de vue d'Ida Craddock, contemporaine de Lady Caithness, qui développe une extraordinaire doctrine de sexualité mystique sur la base de communications qui lui auraient été faites par une entité angélique. Dans ces enseignements, peut-être influencés par les écrits de P.B. Randolph, Ida Craddock donne une grande importance a la question de la jouissance féminine comme clé du bonheur conjugal.
A noter, peut-être, que le fait d'envisager une source que l'on prétend autre que soi - ici des ''entités'' permet un discours sur la sexualité plus radical et qui transgresse des normes sociales...
Enfin, cette nouvelle vision du corps qui prend forme au sein de la mouvance occultiste, pourrait être rapprochée du courant allemand de la Lebensreform : un mouvement de réforme en Allemagne et en Suisse à la fin du XIXᵉ siècle et début du XXe.. principalement critique de l'urbanisation et de l'industrialisation avec son slogan du « retour à la nature ».

Sources : EXEGESE ET SEXUALITE: L'OCCULTISME OUBLIE DE LADY CAITHNESS par Marco PASI ( agrégé d'histoire de la philosophie hermétique et des courants associés à l'Université d'Amsterdam )
1900 – L'occultisme - Lady Caithness (1)
Beaucoup de femmes trouvent de l'intérêt à la mouvance théosophique, quant à leur ''émancipation '' dans la société et aussi, pour celles qui y accèdent, pour leur sexualité.
En effet, ''On'' considérait que le corps féminin était un obstacle au développement spirituel .. ! Et des femmes, comme Lady Caithness, développent un discours différent...

Lady Caithness, présidente de la société théosophique de Paris, est née Maria Mariategui en 1830 a Londres, de père espagnol et mère anglaise (catholique), les deux appartenant a des familles de la haute aristocratie... Elle se marie en 1853, avec le comte de Medina Pomar. Elle est veuve en 1868, et commence à s'intéresser au spiritisme...
En 1872 elle se marie en secondes noces avec James Sinclair, comte de Caithness, appartenant a l'une des familles les plus anciennes, et riches, de l'Ecosse. Elle publie alors '' Old Truths in a New Light,'' sa vision personnelle de la tradition occulte.
En 1877 se produit l’événement de de sa vie spirituelle: elle reçoit dans son domaine de Holyrood, en Ecosse, une révélation provenant de l'esprit désincarné de Mary Stuart (1542-1587). Elle reçoit alors des communications par la voie mediumnique – de Mary Stuart – des années durant...
Portée par les idées féministes qui circulent dans les milieux spiritualistes ; vers 1879, elle s'éloigne de son mari, et s'installe a Paris... Son mari meurt en 1881, la laissant héritière de son patrimoine : femme libre et riche …

Elle se lie en particulier avec Anna Kingsford ( 1846-1887) et Edward Maitland (1824-1897), qui font des longs séjours chez elle tant a Paris qu'a Nice. Des séances spirites se tiennent régulièrement chez elle ...
Entre 1883 et 1884 elle fonde la ''Société Théosophique d'Orient et d'Occident '', une branche française de la Société Théosophique de Mme Blavatsky.
Lady Caithness va mourir d' une crise d' asthme en 1895, a 1'âge de soixante-cinq ans. Son corps est inhumé avec des funérailles catholiques.
Ci-dessous: Un message de Marie, reine d'Écosse, avec son monogramme.

Examinons, à présent, quelques aspects de la pensée de Lady Caithness :
- Pointons l'importance pour elle du thème de la réincarnation ( alors qu'elle tient à rester dans le christianisme...)... Elle va tenter de contrecarrer l'aspect antichrétien de l’œuvre de Mme Blavatsky. A noter que, parmi les participants à ses soirées mondaines il y avait aussi un bon nombre de prélats et d'hommes d’Église...
- Un autre aspect important est celui du messianisme. Un messianisme féminin : les signes d'une ''fin des temps'' sont là : une nouvelle ère commence, et la femme jouer un rôle important...

La société théosophique ouvre ses portes à de grandes figures féminines comme Emma Hardinge Britten, Mme Blavatsky , Anna Kingsford... Même si ces femmes se lient toujours à des personnalités masculines. Lady Caithness, elle, semble être en mesure d'affirmer son indépendance totale,surtout après la mort de son deuxième mari. A partir de ce moment elle est une femme déterminée, indépendante, riche, qui profite de sa position dans la haute société cosmopolite de son temps, et ne semble pas avoir besoin de l'appui d'un homme pour légitimer ses intérêts ou ses activités.
La Femme ou Principe féminin est au centre de sa pensée. Elle questionne l’idée que Dieu est Père et par là-même donne à la Femme une dimension spirituelle de premier ordre.
Le '' féminisme ' de Lady Caithness se manifeste surtout dans sa manière de lire les textes sacrés, et dans sa tentative de mettre en cause les interprétations théologiques traditionnelles, qui n'auraient pas attribué à la femme le rôle prééminent qui lui revenait. L'aspect féminin de la Divinité a été trop longtemps ignorés par les théologiens.

Pour ce qui est de la dimension sexuelle, certains membres de la mouvance ''occultiste'', y compris Mme Blavatsky et Anna Kingsford, défendent la valeur spirituelle de l'abstinence sexuelle, même à l'intérieur du mariage... Pour beaucoup de femmes, à cette époque, elles aspirent plus à une ''liberté du sexe', qu'à une ''liberté sexuelle'' … L'abstinence n'étant pas justifiée par des considérations de type moral, mais plus sur un discours qui porte sur la sublimation des énergies sexuelles, dirigée surtout sur le corps masculin...
Sa référence fondamentale reste la Bible. Son christianisme fait du Christ une figure universelle. Le Christ est l'un des grands maîtres de l’humanité, ainsi qu'un principe cosmique. Son lien avec le Jésus historique est de plus en plus tenu. La lecture et l’exégèse de la Bible sont de nature symbolique, et rappellent par bien des aspects l'approche de Swedenborg, qui reste une influence fondamentale de la mouvance spirite et de l’ésotérisme du XIXe siècle, particulièrement en France. Le sens littéral n'est que le sens exotérique du texte sacré, alors que son sens ésotérique n'est accessible qu'aux ''chercheurs'' ( volonté + grâce )...
La Bible n'est pas un livre d'Histoire ; dans le sens de la succession d’événements concrets qui mènent, de la chute d'Adam au pacte de l'Alliance de Dieu avec le peuple élu, puis a l'incarnation historiquement située de Dieu dans la chair d'un homme.
La Bible nous parle en revanche, par le biais de '' figures '', de l’évolution de l'âme sur son parcours vers l'illumination divine. Les personnages mêmes de la Bible représentent des stades, des passages, de ce chemin vers la perfection.
1900 – L'occultisme -
Anne-Laure de Sallembier, comme dans la plupart des assemblées intimes bourgeoises, a fait ''tourner les tables''... Ces pratiques occultes semblaient faire le lien entre l'Esprit et la matière, entre la religion et la science...

Jusqu'à la Grande Guerre, de nombreux scientifiques ont accueillis les expériences occultes, et ont tenté d'ouvrir des territoires nouveaux de connaissance . Camille Flammarion, les Curie, Paul Langevin, Charles Richet, Édouard Branly ont touché à l’occulte... Papus ( Gérard d’Encausse, médecin). Arago de l'Académie des sciences, par exemple nomme une commission pour étudier les faits qui entourent '' la fille électrique '' Angélique Cottin ( déplacements de corps …). Camille Flammarion, s’engage dans l’étude du spiritisme dans le but précis de réconcilier la science et le spiritualisme.

Après le ''magnétisme'' ( au XVIIIe s. comme nous l'avons vu, ici même : ) , le ''spiritisme'' apparaît comme la nouvelle doctrine. La grande figure spirite en France est Allan Kardec (1804-1869) : Le livre des esprits 1862: sa tombe – il s'appelait réellement Hyppolite Léon Rivail - est un lieu de pèlerinage toujours fleuri (elle l’est encore de nos jours)... Depuis les ''salons'', des cérémonies mystérieuses pour parler aux morts ou profiter des visions d’un extralucide, fleurissent dans le tout Paris mondain.
Par exemple, Liane de Pougy, dans son appartement du Faubourg du Roule, reçoit nombre d’amis et de voyantes célèbres... On y fait régulièrement « tourner les tables » …
Nous sommes en 1908, et la France se remet à peine de l’affaire Dreyfus ; elle s'est officiellement séparée de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. Des congrégations entières comme les Chartreux ont été chassés de leurs couvents entre deux gendarmes. Les relations avec la papauté sont au bord de la rupture. Les lieux de cultes sont propriété d’état et lors de leurs inventaires calotins et bouffeurs de curés font le coup de poing. Il y aura même des morts.

Le spiritisme veut renouveler le christianisme, et ses nouveaux ''médiums'' sont souvent des femmes... Dans ce cadre elles prennent la parole, sont écoutées, et sont publiées... Elles promeuvent une solidarité nouvelle ( crèches, bibliothèques, maisons de retraite...). La Revue spirite met ainsi en question l’indissolubilité du mariage. Ces femmes spirites relativisent la filiation : un bébé n’est que le fruit de l’association d’un esprit qui vient d’ailleurs incarné dans un corps de chair au moment précis de la naissance. La Revue milite pour une réforme du Code civil afin que la femme trouve sa pleine et entière « personnalité morale et juridique. »
En juin 1908 se tient à Paris un Congrès spiritualiste assorti d'un Convent maçonnique des rites spiritualistes. L’événement est important pour les occultistes et pour le grand public, le dossier de presse en témoigne. On y remarque le jeune René Guénon, (le premier, au second rang en partant de la gauche, portant un sautoir maçonnique) ; à sa gauche, Amélie Gédalge (1865-1931) de la Maçonnerie mixte du « Droit humain » et à la gauche de celle-ci, Marie Martin (1848-1914), l’épouse du Dr Georges Martin...

Rufina Noeggerath (1821-1908) ( française et dite '' Bonne-Maman''), s’intéresse aux preuves de survie après la mort. Médium douée, elle crée alors son propre groupe spirite. Ses communications sont fortement marquées par la tolérance et l’anticléricalisme. Elle y défend tous les persécutés, les Juifs en particulier. Son livre La survie, sa réalité, sa manifestation, sa philosophie, est publié en 1897.
Claire Galichon, médium et écrivain, publie un certain nombre d’ouvrages où elle défend un « féminisme spiritualiste » et pour l'époque révolutionnaire … Figurez-vous qu'elle ose réclamer: une éducation et une instruction égales pour les deux sexes, un salaire égal lorsque le travail est égal, l’accès des femmes à toutes les carrières... ! Nous sommes en 1909...
Elle dénonce l’assujettissement de l’épouse et la violence du mari qui commence bien souvent lors de la nuit de noce. « Certaines nuits de noce sont des nuits de bataille. (…) Ce qui importe en face du désir d’amour, c’est qu’il soit réciproque. Quand il est partagé, il perd tout caractère répugnant. »

Dans un contexte culturel largement anti-sémite (!) de cette époque, des théosophes comme St-Yves d’Alveydre (1842-1909); valorisent la « Mission des Juifs », tout autant que l'action civilisatrice des égyptiens, des hindous, des celtes ...etc.
Pour lui, la Fraternité du Temple, est l'héritière en Occident de la tradition ésotérique. Les occultistes du XIXe s. cherchent des liens entre les Templiers et l’Alchimie... On va même tenter de trouver des explications ( loin du diable) symboliques à la figure du Baphomet ( voir Eliphas Levi).
Les templiers purent recevoir des juifs : les secrets de la magie; et des arabes, les secrets de l'Alchimie …
N'oublions pas qu'au XIXème siècle, le mot ''occultisme'' est utilisé comme un synonyme d’ésotérisme...
L'ésotérisme désignait un espace de liberté pour la spéculation spirituelle hors du carcan des dogmes et des règles établies de l’exégèse religieuse...
J'ai déjà évoqué ici, qu'en cette fin de siècle, cette nouvelle spiritualité ne s'oppose pas aux idées nouvelles que sont le socialisme, ou le féminisme...

Au contraire :
Victor Hennequin, avocat, fouriériste, député de l’Assemblée législative en 1850, est à l'écoute de « l’esprit de l’âme de la Terre »... Jean Reynaud, publie également, '' Philosophie religieuse. Terre et ciel. (1854)'' Il souhaite un renouvellement des études théologiques et pour ce faire met en rapport sciences physiques, sciences morales, astronomie et théologie. Il a pour ambition de démontrer la vie dans l’univers, de poser le dogme de l’immortalité, de nier l’existence de l’enfer. Par ses souffrances et par son travail, l’homme participe à sa régénération et à celle de la planète.
Arthur Arnould ( directeur de la revue théosophique '' le Lotus Bleu'' est un ancien élu de la commune... La nouvelle génération née autour de 1865, de jeunes artistes et futurs voyageurs influencés par l’anarchisme sont théosophes dans les années 1890, comme Ivan Aguéli (1869-1917) ou Alexandra David-Néel (1868-1969) qui intègrent la loge Ananta d’Arnould. Et d'autres ….
Camille Flammarion, Gabrielle et Anne-Laure
Camille Flammarion, le réputé et populaire scientifique, rencontre Julia-Gabrielle Renaudot...

Le point commun qui semble les réunir, est non pas un objet scientifique ( du moins pour nous au XXIe s.), c'est l'intérêt pour l'occultisme... Même si, l’astronome Camille Flammarion, s’engage dans l’étude du spiritisme dans l'idée aussi de réconcilier la science et le spiritualisme.
L'occultisme semble d'ailleurs être l'un des fils rouges de ce qui a rempli la vie de Laure Sallembier... ( à suivre)... Au XIXe siècle, le mot ''occultisme'' vient d’apparaître : il concerne la théorie et la pratique des sciences occultes... Papus (1865-1916), explique que la méthode des ''sciences occultes'' est basée sur l'Analogie, et permet d'étudier la partie invisible, occulte de la nature et de l'Humain...

Julia-Gabrielle Renaudot, est née à Meudon ( près de l'Observatoire d'astronomie physique …!) le 31 mai 1877, du sculpteur Jules Renaudot et de Maria Latini, peintre d'origine romaine et modèle de la Salomé peinte par Henri Regnault... Elle est morte à Juvisy-sur-Orge le 28 octobre 1962.
Gabrielle est l'une des ces premières femmes à atteindre cette maturité réservée alors aux hommes. Alors qu'elle suit une formation universitaire, elle s'essaie au journalisme, puis à la littérature...
Gabrielle, attirée par la science du ciel, est enthousiasmée par les livres de Camille Flammarion ; elle lui est présentée en 1893. A 18ans, elle commence à travailler pour lui.
Titulaire d'une licence, inscrite à la Société astronomique de France dès 1902, elle collabore à son bulletin à partir de 1910. Elle adhère alors à l'association des journalistes parisiens.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, elle s'engage comme infirmière ; mais elle a quelques problèmes de santé sur le 'front'. En 1915, Gabrielle remplace le secrétaire de l'association Emile Touchet, mobilisé... Elle est alors astronome adjointe à l'Observatoire de Juvisy et travaille à rédiger le tome 3 de la Planète Mars... Camille Flammarion est considéré à l'époque comme l'astronome le plus célèbre d'Europe. Entouré de nombreux collaborateurs Camille Flammarion, anime l'observatoire de Juvisy, qu'il a fait construire ( à domicile).

Devenu veuf, Camille Flammarion épouse Gabrielle Renaudot le 9 septembre 1919, à la mairie d'Ermont.
<-- Dans le parc de l’Institut Météorologique. En première ligne de gauche à droite , le directeur de l’Institut Météorologique, Gabrielle Renaudot, Camille Flammarion, Bernard Vermont et le Major C. Sclia
Le 3 juin 1925 cette union intellectuelle, d'une grande harmonie, est soudainement rompue. Le grand savant meurt dans les bras de sa femme,
Désignée par lui comme directrice de l'Observatoire de Juvisy, et chargée de la publication de ses ouvrages posthumes, Gabrielle Flammarion est, élue secrétaire générale de la Société Astronomique de France, en remplacement de son mari.

Camille Flammarion (1842-1925), fort de ses livres de vulgarisation – a fait paraître de son vivant, 55 ouvrages qui furent presque tous traduits dans différentes les langues - et ses conférences ; le scientifique à beaucoup de succès auprès des femmes... Lui-même n'est pas insensible, à la vénération dont il est l'objet, de certaines d'entre elles...
Il semble que le grand homme eu un sérieux penchant pour sa belle lectrice, Anne Laure de Sallembier...
Ce devait être vers 1895... Camille Flammarion, est certainement passé par Fléchigné, sans-doute pour une séance spirite...
En 1861, Flammarion a découvert ''Le Livre des Esprits'' d’Allan Kardec (1804-1869), codificateur du spiritisme. Depuis, il associe complètement recherches astronomique, conférences, collaboration à de nombreuses revues, avec la fréquentation des milieux spirites et l'écriture de nombreux ouvrages sur les communications avec les morts...

Camille Flammarion, s'intéresse aux femmes et a aussi écrit sur elles :
Rappelons qu'il eut deux épouses successives, Sylvie (1836-1919) et, précisément Gabrielle (1877-1962) sa collaboratrice, de trente-cinq ans sa cadette...
Dans un livre « Rêves étoilés » (1888), Camille Flammarion tient des propos qui collent à la mentalité de l'époque :

En 1894, Camille Flammarion publie un roman d’anticipation '' La Fin du monde ''… En l'an 6000, la civilisation s'est bien améliorée :
« … On avait vu dans les resplendissantes cités une nouvelle race de femmes ramener sur le monde le charme caressant et lascif des voluptés orientales, raffinées encore par les progrès d’un luxe extravagant ».(p. 278-9)
(…) … Les femmes avaient acquis une beauté parfaite, avec leurs tailles affinées, si différentes de l’ampleur hellénique, leur chair d’une translucide blancheur, leurs yeux illuminés de la lumière du rêve, leurs longues chevelures soyeuses, où les brunes et les blondes d’autrefois s’étaient fondues en un châtain roux, ensoleillé des tons fauves du soleil couchant, modulé de reflets harmonieux ; l’antique mâchoire bestiale avait disparu pour s’idéaliser en une bouche minuscule, et devant ces gracieux sourires, à l’aspect de ces perles éclatantes enchâssées dans la tendre chair des roses, on ne comprenait pas que les amants primitifs eussent pu embrasser avec ferveur les bouches des premières femmes. Toujours, dans l’âme féminine, le sentiment avait dominé le jugement, toujours les nerfs avaient conservé leur auto-excitabilité si curieuse, toujours la femme avait continué de penser un peu autrement que l’homme, gardant son indomptable ténacité d’impressions et d’idées ; mais l’être tout entier était si exquis, les qualités du cœur enveloppaient l’homme d’une atmosphère si douce et si pénétrante, il y avait tant d’abnégation, tant de dévouement et tant de bonté, que nul progrès n’était plus désirable et que le bonheur semblait en son apogée pour l’éternité.

Peut-être la jeune fille fut-elle une fleur trop vite ouverte ; mais les sensations étaient si vives, décuplées, centuplées par les délicatesses de la transformation nerveuse graduellement opérée, que la journée de la vie n’avait plus d’aurore ni de crépuscule. D’ailleurs l’esprit, la pensée, le rêve dominaient l’antique matière. La beauté régnait. C’était une ère d’idéale volupté ».
En 1897, il publie « Stella », un roman où l’Amour et l’Astronomie s’unissent ; en relation avec sa passion pour Gabrielle, sa jeune collaboratrice... En même temps, sa femme Sylvie fonde la Ligue de la paix et du désarmement par les femmes... Dans ce roman, il idéalise une femme qui débarque dans la solitude d'un homme qui ne vivait que de l'observation du ciel. Le coup de foudre se concrétise par une sublime nuit d’amour avec de scintillantes étoiles pour témoins.
« Les deux amants connurent ce qu’ils n’avaient jamais connu, et oublieux de la terre obscure, se trouvèrent transportés en une région de délices où, baignés de clarté, ils crurent s’endormir dans une auréole d’éternelle lumière » (Stella, p. 304).

En 1903 ; dans son « Astronomie des Dames », s'adressant à des lectrices, il mesure son discours :
« La femme égale l’homme en facultés intellectuelles. Écrire pour elle spécialement serait l’humilier. Ne nous targuons pas de cette prétention. Qui sait même si, en y regardant de plus près, et en nous affranchissant de tout cet orgueil masculin qui a commis plus d’une sottise, nous ne trouverions pas la femme supérieure à l’homme en finesse et en tact, au moral comme au physique, en vivacité d’impression, en puissance d’assimilation, en ressources d’imagination ; et qui sait si elle ne comprend pas plus vite que les bacheliers aux moustaches naissantes, les problèmes de l’histoire naturelle, de la physique et de l’astronomie, lorsqu’elle veut se donner la peine d’y prêter attention ? Non, n’écrivons pas pour les femmes. Ce sont elles qui pourraient nous en apprendre, car sur bien des choses, sur nous-mêmes peut-être, elles en savent plus que nous, observent mieux, voient mieux, sont plus intuitives. A bas l’orgueil du sexe prétendu fort ».
Anne-Laure de Sallembier, comme dans la plupart des assemblées intimes bourgeoises, a fait ''tourner les tables''...
Et,- d'après ses notes - ce que, Anne-Laure de Sallembier, en ces années 1900, retient : c'est l'enseignement d'une expérience de Dieu, intuitive, analogique ( le jeu des correspondances ) et symbolique.
Elle lie ses expérience spirites à la théosophie, qui l'aide à répondre aux questions existentielles ( pourquoi le monde, le mal, la mort … ?). L'idée de Nature, englobe le divin, l'humanité et l'univers... Tout le visible est le miroir de l'invisible, il peut être compris et vécu comme une expérience mystique...
L'aspect mythique de la révélation chrétienne est privilégié ; et les aspects dogmatique et clérical de la religion sont rejetés... L'aller-retour entre la raison, et l'expérience personnelle est privilégié. La science est valorisée, mais reste insuffisante pour modéliser la réalité...
Edouard Schuré - Marguerite Albana
A son retour d'Allemagne, Anne-Laure de Sallembier, éprouva la nécessité de rencontrer un personnage qu'elle connaissait déjà un peu... Edouard Schuré ( 1841-1929) avait fréquenté, avant qu'il ne cesse, le salon de madame Stern ; il était donc familier de Marcel Proust, José Maria de Heredia, Henri de Régnier, Paul Fort, Reynaldo Hahn, Paul Bourget, Gabriel Fauré, Camille Flammarion, Anna de Noailles, Yvette Guilbert, Réjane...

- « Il est blond, grand et beau. Ses traits sont menus et mobiles. Son front est large et blanc ; le galbe de son visage est délicat et charmant. Ses yeux brillent d'une lumière chaude. Le corps est souple et fort comme celui d'une panthère dont il a parfois le mouvement onduleux. Tour à tour indolent et fougueux, doux et violent, il a la colère léonine, et le regard serein d'un ange d'amour dans ses moments d'inspiration. Toujours à l'affût des impressions, dévoré par sa passion de vivre, assoiffé d'émotions, il se laisse parfois entraîner par le délire des sens. C'est alors l'incarnation du jeune Bacchus, c'est Dionysos qui brûle en lui de toutes ses flammes et de tous ses délires. Ces états sont suivis, en lui de longs et cruels désespoirs ». selon Marguerite Albana...
Édouard Schuré est philosophe, et grand admirateur de Richard Wagner...

Sa notoriété est partagée autant par sa culture que par son aventure érotico-mystique avec une femme mystérieuse, Marguerite Albana Mignaty (1821-1887), du moins autant que peut l'être une très belle femme, qui vit entre l'Italie, la Grèce et l'Italie et la société cosmopolite de Florence...
Selon les propres termes d'E. Schuré : elle apparaît en cette fin de siècle, comme la Femme-Muse, l'éveilleuse et amante des âmes... « Bachante révoltée » pour le morose Proudhon ; « Amante passionnée et douloureuse » selon Mme Desbordes de Valmore, mais aussi femme de lettre et philosophe comme Mme de Staël.
L'occultisme, complète ses goûts vers l'art, l'histoire, la science... Elle cherche le Beau à travers l 'Amour... Cette beauté immatérielle qu'elle adore est la splendeur du Vrai … Enfin, voici un extrait du livre qu' E. Schuré fit publier, avec un récit de sa rencontre avec Marguerite (1900).
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![]() Extrait de Essai sur la vie et l'oeuvre de Marguerite Albana par E Schuré |
C'est sous son inspiration que Schuré écrit son livre le plus connu Les Grands Initiés, Esquisse de l'histoire secrète des religions (1889), consacré notamment à Rama, Krishna, Hermès, Moïse, Orphée, Pythagore, Platon et Jésus, qui n'a plus cessé depuis d'être réédité dans de nombreuses langues.

En 1865, le jeune étudiant alsacien entendit Tristan et Isolde à Munich, Schuré se prit de passion pour Wagner .Après plusieurs lettres, le Maître l'invita à venir le voir à Tribschen. Ils prolongèrent cette amitié naissante par une correspondance qui s'établit entre eux. En 1869, Schuré publiait dans La Revue des deux mondes sa première étude sur Wagner qui est considérée comme l'événement fondateur du Wagnérisme en France.
« Comme artiste, Wagner ressemblait à un puissant magicien capable d’évoquer toutes les passions par les incantations de sa musique et le ressort du drame. Comme penseur, il avait quelque chose du démon qui cherche à concevoir l’ange par la force de l’intellect et qui, malgré ses étonnantes facultés, souffre sous le poids de sa nature et aspire à la délivrance. Ce désir est le fil qui relie toutes ses oeuvres. »

Quand Anne-Laure rencontre Edouard Schuré, Marguerite est décédée depuis une vingtaine d'années. Elle le félicite pour la légion d'honneur qu'il vient de recevoir... Elle vient l'entendre lui parler de Wagner... Ce qu'il fait avec passion ; et aussi de la mythologie celte, de l'occultisme et de la théosophie...
En 1906, sa traductrice en allemand ( Marie von Sivers) lui fait rencontrer Rudolf Steiner, venu faire une conférence à Paris... Schuré est emballé, il devient membre de la société théosophique en 1907 et fréquente désormais Steiner devenu son maître spirituel.