1921 – André Gide. 2
Depuis 1906, Gide habite la Villa Montmorency, qu'il s'est fait construire. La maison, située dans l'avenue des Sycomores, relève de la forteresse ou du paquebot....
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Lancelot et Jeanne, entrent par la porte entrebâillée... Pas d'employé de service. Une voix, de loin, les sollicite pour persévérer ; ils aperçoivent Gide, leur fait signe, il semble errer seul dans une enfilade de pièces inhabitées et sonores, d'un navire abandonné... Ils prennent un étroit escalier de phare, jusqu'au premier étage, ils distinguent une cabine avec un lit défait; encore quelques marches, un autre couloir, ils passent dans un bureau meublé d'une table pliante et d'un tabouret; Gide les conduit dans le poste de vigie qui domine une bibliothèque avec des piles de livres au sol. Des fauteuils les attendent...
Assis, face à eux pétrifiés ; l'écrivain tient à la main de grosses lunettes d'écaille...
Finalement, ils vont tous rire. L'atmosphère détendue, Gide est très curieux du jeune couple, sur leur passion commune de la lecture... Gide évoque son amitié avec Edith Wharton... Après qu'ils aient répondu à toutes ses questions, Lancelot et Jeanne finissent à poser les leurs...
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Gide prend une cigarette qu'il ne quitte plus... Il répond, dans un halo de fumée, lentement comme un professeur...
Parmi les notes de Lancelot ; je lis :
- Toute théorie n'est bonne que si l'on s'en sert... et si l'on s'en sert à passer outre... Prenez Darwin, Taine, Barrès ou moi …. Mais si vous lisez Dostoïevsky – je vous le conseille fortement, commencez par ''L'idiot'', puis ''Les Possédés''... – vous verrez qu'il n'a jamais réduit le monde à une théorie.
- Pour définir une œuvre d'art... ? S'en tenir aux vers de Baudelaire : « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. »
- Sur la religion... Tout ce que je pense contre l'Eglise, c'est avec le Christ... Et tout ce qui me retient d'y entrer, c'est l'Evangile... ! Ghéon me dit que c'est là une erreur des protestants : prétendre limiter aux seuls Evangiles la révélation... Oui... Ghéon, sans-doute le lisez-vous, en ce moment, dans l'Action Française ; j'ai l'impression qu'il me quitte ; ses articles sur la littérature sont une protestation contre ma pensée, contre moi... Et, savez-vous ce que dit Maurras... ?
« Je ne quitterai pas ce cortège savant des Pères, des conciles, des papes et de tous les grands hommes de l'élite, pour me fier aux évangiles de quatre juifs obscurs ».. !
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- A mon avis, Dieu me parle davantage ou mieux dans l'Evangile, que dans n'importe quelle encyclique...
- Apprenez que Proust, envoie une auto pour me prendre... Pourquoi ? Pour me demander quelques clartés sur l'enseignement de l'Evangile, il espère y trouver quelque soutien et soulagements à ses maux...
- Le classicisme.... Oui, Maurras défend le sien... mais le sien opprime, supprime... Rien ne me dit que ce qu'il opprime ne vaut pas mieux que l'oppresseur. Massis écrit des articles contre moi, il m'attribue les paroles de mes personnages, celles qui peuvent me nuire... Ne lui dites pas que vous m'avez rencontré ; il vous dirait que mon influence est un danger public...
- Mme Mühlfeld... Je me souviens, je vous y ai vu... Ce jour là, je me reprochais d'être venu ; je n'aime pas entendre Valéry et Cocteau dénigrer un sujet ; ils s'amusent à créer des paradoxes de salon pour briller... Séparément, ils sont charmants.
1921 – La Littérature – Colette
Pour Jeanne, c'est le style qui fait l'écrivain ; ensuite il doit pouvoir tout dire. Le style est un peu comme le corps, et la pensée du texte comme l'âme... Le style se doit d'être charnel ; s'il n'est qu'idées, la pensée sera sèche et triste … Colette, comme Gide – quoique différents – en sont de beaux exemples...
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Colette recherche la Beauté, tant pis si la vérité en est travestie. Même un roman, cela doit être de la poésie : il faut peaufiner le son, l'image... Colette s'amuse à inventer des mots :
- Tiens, écoutes : « le los de la crépellaine, du bigarella, du poplaclan, du djirsirisa et de la gousellaine – j’en oublie ! – une griserie phonétique me saisit, et je me mets à penser en pur dialecte poplacote. (…) j’empoigne mon filavella, je chausse mes rubespadrillavellaines et je coiffe mon djissaturbanécla ; la marée baisse, voici l’heure d’aller pêcher, dans les anfractuosités du rockaskaïa, le congrépellina et la dorade zibelinée. »
A propos de ''Chéri'', Colette a écrit : « (…) Chéri est pour moi d’ordre symphonique. Son mutisme comporte le pouvoir désagrégateur de la musique, emprunte des désordres aux timbres instrumentaux et surtout vocaux. (…) Je ne fais à Chéri l’honneur de le rapprocher de la musique que parce que celle-ci est le délectable agent de toute mélancolie. »
- Pourquoi choque t-elle ?
Jeanne répond que cela choque les hommes, et seulement certains... Colette métamorphose ce qui pourrait être pervers... Willy était pervers, mais Colette sublime ce qu'il voulait la faire écrire...
- Son style, c'est le plaisir du corps à travers tous les sens. En fait, j'aime le grand style, classique... C'est pourquoi, je t'ai pris, toi … le monarchiste... !
- Menteuse ! C'est moi, qui t'ai approché, j'ai forcé ta garde de jeunes prétentieux... J'ai pris des risques...
- C'est vrai... T'annoncer ainsi comme monarchiste... Ça m'a plu... J'aurais aimé être une princesse à la cour de Versailles... J'y serais l'épouse d'un vieil homme que je mènerais par le bout du nez, et j'aurais plein d'amants, à la faveur de leur talent littéraire.... Et toi.. ? Tu pourrais être mon page … Tu me désirerais, mais je ne te concéderais qu'un amour courtois... Mais bon, c'est trop tard....
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Rencontrer Colette, semble affaire délicate. Les Jouvenel sont installés dans un petit hôtel particulier, au 69 boulevard Suchet, dans le 16ème, à la limite d’Auteuil et du Bois de Boulogne. Mais, Mme de Jouvenel ne reçoit pas …
Lancelot et Jeanne, finalement, la rencontre au quatrième étage de ''la maison rouge '', comme on l’appelle à cause de sa façade écarlate, du boulevard Poissonnière, le siège du Matin. C'est un vendredi après-midi, quand Colette, directrice littéraire, reçoit les auteurs. Elle se tient derrière son bureau américain, encombré de manuscrits et de boîtes de bonbons ; à ses côtés, un autre bureau avec Hélène Picard, sa secrétaire et amie...
Colette s'étonne qu'ils viennent à deux.... « comme c'est mignon... » ; qu'ils n'aient aucun texte à lui proposer, et donc.... ? Un conseil ? « Il ne faut pas faire de la littérature, et ça ira »... « Si vous voulez rencontrer un véritable écrivain, allez voir Proust. »
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- '' Chéri'' est mon premier vrai roman, différent des ''claudines'' ou ''vagabondes''... Je l'ai envoyé à Proust, à Gide ; ils l'ont apprécié.
« Le récit qui ne craignait naguère ni redites ni hors-d’œuvre, et semblait n’obéir qu’à une libre fantaisie de poète, apparaît dans Chéri discipliné, resserré, dompté. […] Tout dans ce livre pourrait se donner en modèle : la composition, et notamment l’exposition du sujet dans les vingt premières pages, l’étude des caractères, la vérité du dialogue, la qualité du style. Colette a pris pleine conscience de son art spontané, et domine ses dons au lieu de s’abandonner. Elle travaille désormais à la façon des classiques, sans plus rien demander au subconscient, et n’écrit plus un mot qu’elle ne l’ait prémédité. […] Elle est de nos grands écrivains le seul qui, depuis la guerre, se manifeste autre que nous la connaissions déjà, sans rien perdre de ses qualités d’antan.» Benjamin Crémieux, La Nouvelle Revue Française, 1er décembre 1920.
1921 – André Gide.
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Jeanne L. est une admiratrice fervente d'André Gide (1869-1951)... Elle raconte qu'un jour, deux hommes sont entrés dans la boutique de son père, ils se sont intéressés aux livres d'occasion que son père présente à la vente... L'un a découvert une édition originale de ''la Porte Etroite'' devenue très rare... L'homme a désiré l’acheter ; l'instant d'avant, elle s'est approchée de son père et a murmuré d'une voix tremblante mais distincte : « Oh ! Non papa... ne vends pas celui-là... ? » Et son père, l'a retiré en s'excusant, prétextant qu'il était déjà vendu... : L'autre homme lui a souri; elle en est sûre c'était André Gide … !
Ce livre pour Jeanne est plein de magie, et dans sa simplicité atteint le sublime des grandes œuvres... Lancelot s'étonne :
- Ne trouves-tu pas Alissa, l'héroïne, trop belle et trop parfaitement pure... ? A moins que ce ne soit ce « trop » qui te fascine...
- Ce ''trop'' peut être fascinant, mais ce ''trop'' du sacrifice va jusqu'à la mort...
- Dieu, lui-même, semble n'être d'aucun secours... Dieu serait-il atroce et muet... ? A moins, qu'en fait, on ne puisse rien demander à Dieu... Pas de marchandage, même pas de récompense... ! Alissa choisit le sacrifice, la ''Porte étroite''...
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Jeanne est persuadée que ''la Porte étroite'' (1909) s'équilibre avec '' L'immoraliste'' (1902); la ligne et l'esprit sont les mêmes... Dans les deux textes, l’authenticité est revendiquée ( auteur-narrateur, lettres...).
- Pour moi, la morale rigide pervertit le débat entre vertu et amour. La recherche de l'Absolu est contraire au bonheur, car éloigné des réalités terrestres... !
- Enfin... C'est le propos de Gide... J'admets que chacun des deux ouvrages, incarne une erreur: pour l'un, un mysticisme désincarné, pour l'autre un individualisme charnel...
Grâce à Jeanne, Lancelot a découvert Gide : Les Nourritures terrestres l'ont transporté, par son anticonformisme, son appel à s'accomplir soi-même... Il a poursuivi, avec ''la Porte étroite'' et '' L'immoraliste'...
« Ce n’est pas seulement le monde qu’il s’agit de changer ; mais l’homme. D’où surgira-t-il, cet homme neuf ? Non du dehors. Camarade, sache le découvrir en toi-même et, comme du minerai l’on extrait un pur métal sans scories, exige-le de toi, cet homme attendu. Obtiens-le de toi. Ose devenir qui tu es. Ne te tiens pas quitte à bon compte. Il y a d’admirables possibilités en chaque être. Persuade-toi de ta force et de ta jeunesse. Sache te redire sans cesse : Il ne tient qu’à moi » (Les Nouvelles nourritures )
Gide questionne, bouscule... Les camarades de l'A.F., ne l'apprécient pas.
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Lancelot s'interroge :
- Gide semble penser, parler pour lui-même ; il valorise un certain individualisme intellectuel, religieux. Henri Massis dénonce cet individualisme, attiré par ce qui serait le plus malsain.
- Il parle de lui, il écrit en vérité, sans effet, en classique...
- Mais, ce n'est que Sa vérité... Mettre à jour les doutes, les errements de l'individu, tend à le dissocier, le perdre... La recherche en soi, la recherche intérieure est préférée à La Vérité... Selon Massis, toujours, il n'admet de contrainte qu'artistique ; et son classicisme ne servirait que le désordre...
Lancelot et Jeanne vont tenter de rencontrer André Gide ; mais leurs tentatives tournent court. Le maître ne reçoit pas des inconnus ! Lancelot s'en remet à sa mère, pour essayer l'entre-gens mondain… Effectivement, Gide fréquente souvent Edith Wharton ; et il suffit d'attendre... Gide a co-dirigé avec Edith Wharton pendant les années de guerre le Foyer franco-belge, organisme officiel d’aide aux réfugiés.
1921 – Lancelot– Jeanne L.
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Lancelot profite de certains aménagements des études pour les étudiants de la classe 1920 ; d'autant qu'il effectue son service auxiliaire dans un ministère... Sont inscrits près de 9500 étudiants, et sont organisés dit-on 14000 examens, lors de cette cession, afin d'octroyer aussi des équivalences dont profitent Lancelot,...
Plusieurs étudiants sont cornaqués par un avocat qui appartient à l'entourage de Paul Painlevé, dont comme je l'ai déjà évoqué, Lancelot ; et une jeune fille, Jeanne L. (1903-1996) qui commence également ses études de droit...
Jeanne L. aide son père à corriger les épreuves des ouvrages de droit qu’il édite aux '' Cours de droit '', place de la Sorbonne, où il tient aussi boutiques de livres. C'est lui également qui vend les polycopiés des cours de droit...
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Son père, affirme que les femmes ne réussissent guère dans cette voie, mais il espère que sa fille, jolie et intelligente, aura l'opportunité de dégoter un futur magistrat plein d'avenir, ou de reprendre son affaire d'éditions... En effet, dit-on, la femme serait toute intuition. Elle aurait du mal à suivre un raisonnement, à moins qu'il soit bien cadré par des règles, comme en sciences ; or en Droit, il s'agit d'assouplir des règles pour les conformer à la réalité …
En fait, dit Jeanne... Les juristes craignent que les femmes investissent un domaine où s’établissent les fondements de la société. En accédant à l’étude des lois, les femmes pourraient prendre conscience de leur servitude et souhaiter leur émancipation... Qui sait... ?
Aussi, dès l'arrivée de la jeune femme auprès des nouveaux étudiants en Droit, elle fut captée par les plus entreprenants... Lancelot abandonna la partie, et pendant plusieurs jours, il s'est contenté d'observer les groupes qui se formaient. Si, lui-même restait seul, il tentait de s'approcher du petit groupe qui commençait à se fidéliser atour de Jeanne. Et, c'est quand elle l'entendit dire qu'il était monarchiste, qu'il rencontra enfin son regard...
Lancelot est rapidement séduit par la désinvolture et l'intelligence de la jeune fille. Un chapeau en feutrine enfoncé jusqu'au yeux, le pull en laine au col large sur une jupe mi-longue à plis... Alerte dans sa tenue confortable, un peu plus jeune que lui, et de très beaux yeux émeraude; Jeanne est véritablement passionnée de littérature...
Lancelot va se laisser entraîner, fasciné, puis pris par sa passion littéraire et son exaltation à vouloir rencontrer ses écrivains préférés... Il va mettre tout en œuvre, et en particulier l'accroche que les relations de sa mère peuvent lui fournir.
Lancelot a ainsi l'autorisation de se rendre au 3, rue Georges-Ville, à 18h00 , où Mme Mühlfeld reçoit...
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Étendue sur ses fourrures, l’hôtesse lui tend la main, lui fait bon accueil, et le trouvant si jeune, lui propose de rester près d'elle pour lui présenter quelques personnalités qui semblent bien connaître la comtesse de Sallembier... Surtout, il réussit à se faire inviter avec son amie, le dimanche après-midi... Mme Mühlfeld ne reçoit les dames que le dimanche …
Jeanne est émerveillée... Elle y croise Gide, Paul Valéry, Cocteau... Elle s'empresse autour d'eux. Lancelot se sent délaissé, et un peu gêné de la voir si désinvolte et pratiquement tenter tous de les séduire...
Lancelot observe ; Claudel est en partance vers le Japon, comme ambassadeur de France ; il est impatient d'y être et fait admirer à chacun la montre de Rimbaud acheté à son beau-frère, Paterne Berrichon. André Gide attaque brusquement le vieux marquis de Castellane – guindé, la tête rejetée en arrière - à propos de la Paix de Versailles, de la vieille Europe qu'il ne reconnaît plus, et la jeune qui l'effraie... Paul Valéry est brillant, il use de calembours et de contrepèteries.
Jeanne est très reconnaissante à Lancelot de ces premiers contacts avec ces écrivains qu'elle vénère... En particulier, elle s'amuse et appelle le jeune homme ''mon Chéri'', en référence au livre de Colette qui vient de paraître, et qu'elle goûte fort... Colette dont elle admire l'écriture, et son implication dans le journalisme... Il lui fait remarquer qu'à la grande différence du personnage de Colette, il est, lui, un peu plus âgé qu'elle. Elle répond que cela ne se voit pas ; et que, de plus, elle a bien plus d’expérience que lui... Elle ne peut s'empêcher de lui raconter sa relation 'particulière' avec une camarde de classe, qui lui valut un renvoi de son collège... ! D'ailleurs, pour ce qui est des hommes, elle les préfère plus âgés... Elle aime répéter aussi, qu'elle n'épousera qu'un homme de lettres ; même si son père espère la voir convoler avec un magistrat...
Lancelot à Paris : 1920 – René Guénon -2-
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La Tradition, pour Guénon, permet de reconnaître le sens de nos actions, si elles on en un... La Tradition a une ''origine divine'', une origine primordiale, reconnaissable dans les grands religions... Cette Tradition s'exprime par le symbole ; la particularité du symbole est qu'il n'exprime pas qu'un seul aspect d'une réalité, mais en manifeste plusieurs à la fois...
- Serait-ce pour cela que je ressens une difficulté à appréhender plusieurs vérités à la fois... C'est un peu déroutant... ? - Chez moi, nous nommons ''traditions'' les coutumes locales...
- La Tradition dont je parle, c'est bien-sûr, bien plus que cela ! Oui, elle se transmet, mais de maître à disciple … Oui, c'est une connaissance ; mais intérieure. C'est notre raison d'être. Chez nous, cette connaissance a pris forme dans la religion. La religion souhaite faciliter le rapport à la Tradition, par le dogme en aide à l’intelligence ; par la morale en aide à l'âme, et par les rites pour s'aider du corps... Pour ce qui est du sens profond, il me semble que les spiritualités orientales l'expriment mieux ; elles proposent par exemple, un ''non-dualisme'', assez étranger à notre religion...
La politique … ?
Guénon entrevoit en effet, une possible restauration d'une tradition occidentale ; et c'est pour lui l'unique moyen de sortir de la crise actuelle... Ce déclin ne date pas seulement de la Révolution, dit-il ; il faut remonter à Philippe de Bel, qui rompit la distinction médiévale des « deux glaives » ( en opposition à Boniface VIII – 1302), pour qui ces deux glaives sont ceux du Christ, et seul le glaive spirituel peut gouverner le glaive temporel, le pape étant juge et arbitre...
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Puis les conclusions des traités de Westphalie (1648), mirent fin à ce qui subsistait encore de la ''Chrétienté '' médiévale : la religion devient un domaine géré librement par chaque État, avec une laïcisation progressive des relations internationales qui permet aux états de s'émanciper des dogmes religieux. Pour Guénon, l'esprit de la Tradition quitte alors l'Europe, pour l'Orient... Seuls quelques aspects de la Franc-Maçonnerie, et de la religion surent garder un léger fil de transmission... Une restauration est toujours possible, espère t-il...
Le Christianisme ?
- Dans votre cas, je dirais « oui ! . Par le Graal...
Peut-être gagneriez-vous à visiter la spiritualité orthodoxe, et l'hésychasme en particulier...
Le Graal, c'est cette coupe que les égyptiens représente pour signifier le cœur... Pour moi, le Graal, c'est le coeur du Christ. Le cœur envisagé comme le centre de l'être, être à la fois humain et divin.
Et si, vous parler de la Quête du Graal, et des chevaliers qui partent à sa recherche ; c'est que nous sommes en présence de quelque chose qui aurait été perdu, ou caché... Les francs-maçons parlent de la ''Parole perdue''...
L'homme a été écarté de son centre originel... Aujourd'hui enfermé dans la sphère temporelle, l'humain n'a plus accès à cette vision d'où toutes choses sont contemplées sous l’aspect de l’éternité.
La perte du Graal, c'est en somme la perte de la Tradition avec tout ce que celle-ci comporte...
Vous me parliez de votre ancêtre Roger de Laron templier ; et précisément, on pourrait penser que des organisations initiatiques médiévales, comme l'ordre du Temple, ont pensé préserver ce dépôt spirituel que représente le Graal... ?
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Une question taraude Lancelot depuis quelque temps, et à ce jeune homme qui semble si bien le comprendre; il peut oser le demander...
- Mais moi, que puis-je faire de plus que tous ceux de ma lignée, dont mon grand-père, ma mère me parlent ?Je ne sais même pas ce que je vais faire de mes études... !
- Ne vous en faites pas ! Et, dites-moi simplement : comment connaissez-vous, la chevalerie..., la chevalerie du Graal … est-ce seulement de l’intérêt culturel... Peut-être bien plus.. ?
- Oui, j'y suis très attaché; quelque chose d'elle, pourtant si ancienne, résonne en moi ...
- Et bien, n'hésitez pas... « appelez à votre aide cette Chevalerie du Très Saint Graal... ! Lorsque vous commencerez à être un chevalier et que vous partirez à la quête de votre réalité divine, cette Chevalerie du Très Saint Graal vous aidera, vous répondra, et vous serez le maillon actif d’une chaîne immense qui peut changer l’humanité ».
* Lancelot écrivit ensuite: « Cela m'a semblé bien mystérieux... mais me confortait dans mon intérêt pour ce mythe du Graal qui prenait de plus en plus de place dans ma vie. » : selon une note, qui reprenait cet entretien ...
Je résume ainsi, à la suite, quelques enseignements que la fréquentation de René Guénon, a permis à Lancelot de garder pour lui... Même si nous y reviendrons vers 1928-1930, Lancelot, ensuite perdra le contact avec cet homme hors système, qui choisira de s'écarter du monde, ou plutôt de la modernité...
Lancelot retient que cet homme fin à l'esprit acéré, ne souhaite que renforcer le ''croyant'' dans sa foi ; tout en éveillant son intelligence, sa faculté de discernement ; et là est sa discipline. L'objectif de cette discipline est d'atteindre « le point sublime d’intuition où toute chose est perçue sous l’angle de la vérité » D.G. Ce point en-deçà du raisonnement... Peut-être, l'intuition comme saisie immédiate d'une réalité... Sa mère lui a tant parlé de cette faculté que Bergson a tenté d'appréhender...
Lancelot à Paris : 1920 – René Guénon -1-
Anne-Laure de Sallembier, note avec regret le rejet - de la part de nombreux d'Action Française ( A.F.) - de la philosophie allemande, de Kant ; mais aussi de Bergson, de Blondel … Elle corrige le ''politique d'abord'' de Maurras, en précisant qu'il signifie l'antériorité et non la primauté du politique... Effectivement, il faut commencer par l'humain , à l'image de l'ordre naturel, avant d'imaginer construire un ordre divin, sur terre et qui serait alors totalitaire... ! L'abbé Degoué, rétorque : « métaphysique d'abord car c'est la notion même de l'existence et de l'être qui se trouve en jeu. » ( De l'homme à Dieu, Maritain)
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La mère de Lancelot, n'approuve pas les critiques de l'A.F. Sur la ''Société des Nations'' ; pour elle c'est un premier pas vers l'idéal de l'unité universelle ; voire même un ordre mondial dont Lancelot et Anne-Laure ont bien souvent entendu parler au sein du groupe de Bloomsbury...
Le père Degoué rejoint Maritain quand il dénonce le monde moderne « fondé sur les deux principes contre nature de la fécondité de l'argent et de la finalité de l'utile »
Jacques Maritain ( 1882-1973) s'associe avec Maurras, pour créer la ''Revue Universelle'' et continuer sur cet élan. Le premier numéro parait le 1er avril 1920 avec comme directeur Jacques Bainville et comme rédacteur en chef Henri Massis. Maritain doit en assumer la chronique de philosophie.
La fille du peintre symboliste, Noëlle Maurice-Denis, souhaite y participer, et leur présente un philosophe ''hors cadre'' René Guénon (1886-1951). Elle l'a entendu lire un travail sur « La métaphysique orientale». Elle est transportée d’enthousiasme et tente de l’introduire dans les milieux néo-thomistes qu’elle fréquente, ainsi que dans celui de l’Institut catholique de Paris.
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Par chance, Lancelot est présent avec Bainville, rue du dragon, quand René Guénon y passe... Ils s'en retournent tous les deux, et décident de continuer une conversation prometteuse dans un café proche... En effet, quand Lancelot a prononcé le mot ''Graal'' dans sa présentation, René Guénon ne l'a plus quitté des yeux.
Ils s'amusent également chacun de se reconnaître comme amateur de mathématiques, Guénon ayant commencé une licence de mathématiques, avant d'être happé par sa recherche plus impérieuse d'une expérience spirituelle, avant d'être intellectuelle …. Et Paris, offre mille propositions qu'il s'est empressé d'expérimenter... En peu de temps, Lancelot comprend que Guénon ne craint pas de se fourvoyer... Il commença avec Papus, et son école Hermétique, ses prétentions paranoïaques l'ont mis en garde contre les périls charriés par ces sortes de secte... La transmission dont se réclamait Papus , dont celle des ''Elus-Coens'', ou de Joseph de Maistre, était fictive...
Il s'est approché également de loges maçonniques d'obédiences irrégulières, jusqu'à atteindre de hauts grades ; expériences décevantes également...
Guénon dénonce également l'erreur spirite, ainsi que le Théosophisme...
Ce qu'il reproche à ces mouvements c'est d'avoir fabriqué de toute pièces à partir d 'éléments disparates ( syncrétisme) une pseudo-théorie qui reposent sur aucune filiation authentique... Il les a fréquenté, étudié de l'intérieur...
Et, finalement il préconise de s'attacher à retrouver dans les religions le fond traditionnel qui leur est – à toutes – commun... Cette métaphysique est ce que Guénon nomme l'ésotérisme ; l'exotérisme étant la présentation faite à tous, qui s'adapte selon le temps et le lieu … « La langue Métaphysique par excellence est le symbolisme, capable de mettre en relation tous les degrés de la manifestation universelle, ainsi que toutes les composantes de l'Être. Le symbolisme est le moyen dont dispose l'homme pour "assentir" à des ordres de réalité qui échappent, par leur nature même, à toute description par le langage ordinaire. »
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Lancelot sent dans cet homme jeune, grand, frêle, malhabile, et très attentif, un possible grand-frère ; quelqu'un qui pourrait le comprendre, et le conforter ou non dans ses choix... Comme, celui de la politique et de l'Action Française ; de la religion et de l'Eglise catholique ; de la science ou de la métaphysique... Ou encore, s'engager dans une voie et pour quel avenir... ? Quelles études... ?
Ce qui est incontournable : la Quête, le Graal... Ses ancêtres, son grand-père et aujourd'hui, sa mère dont il ne se doutait pas à quel point elle a continué cette recherche, et qu'elle a préparé ce chemin qu'il se doit aujourd'hui d'emprunter...
Guénon l'écoute et le questionne sur cette connaissance relayée de génération en génération, dont Lancelot se dit le témoin et l'héritier... Cela évoque pour lui, ce que la Tradition devrait être pour chacun de nous ; et comment elle se transmet : de maître à disciple...
A suivre...
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Lancelot à Paris : 1920 – L'Action Française
La date d'incorporation du service militaire de Lancelot est fixé à Octobre 1920, pour une durée de deux ans...
Pendant l'absence de son fils, la Comtesse de Sallembier a été très efficace. Après quatre années de ''désert'', la mère de Lancelot a su renouer avec ses plus influentes relations.
![]() En 1920, la poétesse Anna de Noailles entourée du physicien Albert Einstein et des mathématiciens Emile Borel et Paul Painlevé. |
En particulier Paul Painlevé, mathématicien et ministre de la guerre (1917), et qui le redeviendra en 1925... Théoricien d'aéronautique, il avait appuyé les démarches de J.B. pour passer des ''dragons'' à l'aviation... Lui-même veuf depuis 1902, il semble s'appliquer à garder le contact avec Anne-Laure de Sallembier et s'empresse à prendre Lancelot sous sa protection. Le jeune homme d'ailleurs ne manque pas de lui exprimer son intérêt pour les mathématiques, et l'aéronautique...
Lancelot bénéficie, dans les ministères d'un besoin de jeunes gens dans les postes clé, et d'une ambiance ''après-guerre'' favorable à la détente... Aussi, Lancelot est affecté dans un service auxiliaire au Ministère des Armées, à Paris... Il s'engage à se présenter au concours de rédacteur dans le ministère et obtient l'habilitation de poursuivre des études. Après un examen exceptionnel qu'il réussit, Lancelot est admis en 1921 à suivre les cours de l'Université de droit.
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La comtesse reprend pour une courte période sa vie à Paris ; jusqu'à ce que, finalement, elle rejoigne Fléchigné, après avoir engagé et formé une gouvernante pour s'occuper de l'appartement et des nécessités domestiques de son fils....
Lancelot, malgré les réserves exprimées par sa mère, rejoint La Fédération des étudiants d’Action française. Le mouvement gagne en notoriété, et s'affiche en opposition aux valeurs bourgeoises et conservatrices de la république, et en proposition d'une monarchie garante des valeurs chrétiennes et chevaleresques ...etc. L'Action Française est alors environnée de prestige – un prestige culturel et littéraire – c'est ''le parti de l'intelligence''. Il y a Maurras (1868-1952); mais sa mère a insisté pour qu'il rencontre d'abord Jacques Bainville (1879-1936)... L'historien est marié avec une normande de Marigny, où le couple passe l'été...
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L'outrance qu'entretient la communication du mouvement, le slogan ''politique d'abord'' prenant le dessus sur ''catholique d'abord'' vont inciter, finalement, Lancelot à s'éloigner de cet engagement politique, au bénéfice d'une participation plus culturelle....
Comment ne pas être gêné par l'argument développé par Jacques Rivière, le jeune directeur de La NRF, quand il il dénonce l’annexion de la religion par un mouvement politique que dirige un athée... !
Enfin, vers 1925, Louis Latzarus, proche de l'A.F. publie La France veut-elle un roi ?: Le retour du roi semble une chimère. Le duc d’Orléans, inconnu des Français, n’a rien de remarquable : « voilà trop longtemps que, sous sa casquette marine, le prétendant regarde fièrement un horizon vide»
Parmi les comportements de ses camarades de l'A.F. s'exerce un antimaçonnisme qui gène Lancelot... Dans sa famille, ses proches, nombreux ont partagé cet engagement, sans d'ailleurs que leurs convictions correspondent à ce que les détracteurs en disent... De plus, la maçonnerie anglaise, qui a pignon sur rue, a laissé sur le jeune homme, une impression positive. Nulle par ailleurs, en France, il n'a encore rencontré un accueil aussi favorable à son intérêt pour la chevalerie et la quête du Graal...
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Jacques Bainville est une personne avenante, chaleureuse, les cheveux plaqués et séparés par une raie, la moustache effilée, il parait jeune... Sa préoccupation, malgré la victoire, semble être la force de l’Allemagne... Il s'empresse – connaissant le goût de sa mère pour la culture allemande – de préciser à Lancelot, qu'il a fait de nombreux séjours dans ce pays. Il aime lire Heinrich Heine, mal aimé des autorités allemandes nationalistes, démocrate et partisan d'une monarchie constitutionnelle... Mais, il redoute que l'Allemagne retrouve toute sa puissance.
- Savez-vous, à votre âge j'étais fasciné par Louis II de Bavière, il m'a d'ailleurs fourni le sujet de mon premier livre...
La monarchie, oui... Mais, à l'étonnement du jeune homme, Bainville s'annonce sceptique sur le plan religieux, et se présente plutôt voltairien.
Le grand sujet de discussion parmi nos jeunes de l'Action Française, c'est le rapport entre Révolution française et Monarchie, Révolution française et République … '' L'anarchie démocratique et parlementaire, est fille de la Révolution''...
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Bainville se distingue parce qu'il fait une analyse du passé, à partir du présent... Par exemple, dans l'hérésie albigeoise : « On y reconnaît ce qui apparaîtra dans le protestantisme : une manifestation de l'esprit révolutionnaire ». Pour Bainville, l'ordre nécessite le recours au roi ( ou homme providentiel), et au développement des « classes moyennes » … A l'extérieur l'Allemagne a reproduit de siècle en siècle la situation de 1914... L'Histoire : un éternel recommencement.... ?
Lancelot s'aperçoit qu'il est difficile de se faire une opinion tranchée sur la tragédie que vient de vivre l'Europe... Quand Anne-Laure de Sallembier, ou le père Degoué, nomment l'Europe, ils signifient la civilisation européenne ; sa mère parle même de ''guerre civile ''… Ils regrettent que le nationalisme, au lieu de développer et d'exprimer une identité de l'intérieur, s'exprime essentiellement par une opposition entre nations... Cette Guerre pourrait avoir avoir détruit l'idée même de communauté culturelle, exprimée par Romain Rolland...
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A la suite de cette réflexion, le père Degoué, dit s'être interrogé sur la position de Maurras, mais avait repris espoir avec un manifeste, en réponse à la critique de Romain Rolland, paru dans Le Figaro du 19 juillet 1919, intitulé ''Pour un parti de intelligence''... et qui affirme notamment : « Croyants, nous jugeons que l'Eglise est la seule puissance morale légitime et qu'il n'appartient qu'à elle de former les mœurs incroyants, mais préoccupés du sort de la civilisation, l'alliance catholique nous apparaît indispensable. » (…) Notre salut est d'ordre spirituel. A cette heure d'indicible confusion où l'avenir de la civilisation est en jeu, notre salut est d'ordre spirituel. » (…) « nous prétendons organiser la défense de l'intelligence française, c'est que nous avons en vue l'avenir spirituel de la civilisation tout entière. » (…)
A cette occasion Lancelot, entend parler de Jacques Maritain, signataire, du manifeste.
A suivre...
Noël - Années 1920
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25 décembre 1918
Grande fête des petits. Nous avions installé hier soir devant la bibliothèque de notre chambre, en guise de cheminée, les souliers des enfants et nous avions mis tout autour tous les joujoux que Lily avait achetés pour eux. Dès cinq heures du matin tout le monde était réveillé. À sept heures invasion de la chambre.
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25 décembre 1920
Conversation amusante ce soir chez Madame Mühlfeld entre Gide, Valéry, Louis Artus. On parle de choses diverses, du dernier livre de Madame de Regnier, du Chéri de Colette Willy, de spiritisme. Chacun raconte sa petite histoire, mais le plus intéressant est certainement ce que m'a dit Louis Artus de sa femme, qui est catholique convaincue. Un soir elle se laisse aller à faire tourner des tables avec des amis et se révèle médium remarquable. Le lendemain, malgré elle, elle faisait à différentes reprises remuer des tables, chez elle, à son grand émoi et sans le vouloir ?
25 décembre 1921
Comme tous les ans, les petits sont venus dans notre chambre chercher les jouets et les cadeaux disposés dans les souliers. La joie de Marcel et de Françoise. Mais ce qui est plus beau à voir encore que la joie des petits, c'est la joie de la maman et l'amour avec lequel tous les cadeaux sont disposés.
25 décembre 1924
Hier soir, dîner très amusant et intéressant chez Maxime Leroy. J'étais ennuyé d'avoir accepté cette invitation. (...)
Non seulement je ne me suis pas ennuyé, mais je me suis amusé. L'état-major du Quotidien était au grand complet : Dumay et sa femme, à côté de qui je fus à table, Pierre Bertrand et sa femme, Guernut de la Ligue des Droits de l'Homme, Charles Brun et sa femme, etc. Petit côté ridicule, Maxime Leroy avait mis, sur le couvert de chaque convive, de ces petits objets de cotillon, qui ouverts, sont des bonnets en papier. Chacun se mis sur la tête son bonnet. Les bonnets rouges ne manquaient pas. Bientôt chacun oublia qu'il était ainsi affublé et l'on vit M. Guernut, par exemple, nous parler gravement des armements de l'Allemagne.
25 décembre 1926
Nous avons été chercher les enfants chez les Kapferer. Vraiment c'est incroyable ce qu'on est arrivé à faire accrocher sur les murs de certains bourgeois! Il y a dans son vestibule des décorations de Bonnard, d'une laideur totale, à tous points de vue, sans même cette pointe de bon goût discret qu'il y a chez certains artistes de ce groupe. Dans la salle à manger des toiles d'un nommé Dufy, c'est incroyable. J'ai même l'impression qu'en écrivant à ce sujet, je perds mon temps.
Extraits du Journal de Paul Landowski, sculpteur.
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Anne-Laure de Sallembier, légitimiste en 1920.
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Sur ce que contient l'idée de monarchie orléaniste chez Anne-Laure de Sallembier, après la Grande Guerre, et qui va sans-doute motiver l'engagement de son fils Lancelot dans l'Action-Française, du moins pour un temps...
Pour Anne-Laure, la révolution française ayant détruit l'édifice ancien, il ne s'agit pas de revenir en arrière... Après les échecs de Louis XVIII et Charles X, explicables par une malheureuse nostalgie d'un ordre ancien et périmé ; le royalisme semblait être devenu une cause perdue...
De plus, l'affaire Dreyfus, semblait avoir perdu le ''Parti du Roi'', dans le marasme réactionnaire des anti-dreyfusards ; tandis que les républicains consolidaient le régime en place...
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La République conduit à la guerre...
L'Etat-nation est né de la révolution française, le nationalisme en est son exaltation. Le citoyen est subordonné « aux intérêts exclusifs de la nation, de l'Etat-nation, à sa force, à sa puissance, à sa grandeur. » ( Winock).
Les révolutionnaires de la première république de 1792, s'opposaient à l’Europe des dynasties ; et rêvaient d'exporter la révolution pour construire – disaient-il, l'Europe des nations …
La République française ( et même l'empire des deux napoléons) devient hégémonique : « Cette tradition, c'est celle qui fait de l'histoire de France celle de l 'humanité. » Michelet
La commune de Paris, jusqu’au-boutiste – lors de la guerre avec la Prusse - reproche au gouvernement « d'avoir failli à sa mission de défense nationale » ( Winock).
L'esprit de revanche sur l'Allemagne, va participer à fonder la IIIème République
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Ce nationalisme républicain, est pour la comtesse de Sallembier, une des causes des guerres de 1870, puis de 1914...
Mais, elle va regretter le syncrétisme de Maurice Barrès qui va intégrer sa vision nationale de la Révolution, au monarchisme sectaire de Maurras... !
Beaucoup de monarchistes, et en particulier dans la noblesse ancienne, ne vont jamais adhérer aux idées de Maurras...
Pour Maurras, les intérêts de la personne sont subordonnés à la nation, y compris la monarchie et L’Église... Pour cette raison, les amis de la comtesse- qui ne reconnaissent pas la Nation - se disent ''légitimistes'' pour se désolidariser des monarchistes maurassiens.
La dynastie royale se voue au royaume, et ce sont ses devoirs qui la rende légitime. Elle se doit humble, et reçoit sa vocation de Dieu. L'Eglise se porte garante ; de fait, elle ne peut être nationale ( gallicane).
Anne-Laure, condamne le colonialisme, conséquence de l’universalisme républicain...
L'individualisme relève des idées que portent la république, et qu'elle souhaite universelles...
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La comtesse de Sallembier n'aime pas le mot ''aristocratie'' qui se prête aux ''privilégiés'' du régime en place, et qui possède la richesse... Il y a bien sûr, aussi, une aristocratie de la République …
Elle préfère le mot de '' noblesse '' qui évoque le devoir et l'honneur... La noblesse s'acquiert par la famille, et le mérite....
Pour les légitimistes, la Grande-Guerre est une guerre civile.
L'Europe des peuples existe. Elle s'est construite au travers de grands faits culturels qui ont traversé cette entité : les pierres levées ; les grands textes fondateurs grecs, germains, celtes qui ont nourri tout l'espace carolingien ; les grandes légendes de la Table Ronde ou des Nibelungen, le monachisme chrétien, la révolution gothique, la Renaissance, etc...
Le XXe siècle, commence avec l'emprise de cette idée ''nationaliste', et l'effondrement de trois empires. Se préparent alors l'avènement de régimes nouveaux, et l'éminence d'une nouvelle guerre que Bainville prévoit...
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Chaque personne s'inscrit dans une lignée, une langue, une religion. La Tradition porte cette identité avec ses coutumes, son histoire ; elle s'inscrit dans un temps et un espace particuliers. La Tradition définit un peuple. Chaque peuple est singulier, aucun n'est supérieur à un autre...
Pour tout dire, Anne-Laure de Sallembier, regrette l'engagement de son fils dans l'Action Française...
«Mieux qu’à restaurer la Monarchie, l’Action Française cherchait en fait à instaurer sa propre monarchie... » Colette Capitain, historienne - L’idéologie de l’Action Française.
Lancelot de Fléchigné -4- Cambridge - Russell
A Cambridge, Lancelot suit des cours pour approfondir la langue anglaise, comme de nombreux étrangers.
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Il a tardé pour contacter Bertrand Russell, comme le lui avait recommandé sa mère ; étant donné la popularité du personnage, ici... Finalement, il ose se présenter, et s'en voit récompensé, devant l'empressement de Russell pour l'inviter chez lui...
Il est de notoriété, ici, que Russell sort de prison, pour son action pacifiste. Russell en est très satisfait, cela lui a permis de lire et d'écrire son livre '' Introduction à la philosophie mathématique ''.
Une jeune femme, Dora, a rejoint Russell. Elle est féministe et matérialiste. Russell lui raconte les passionnantes discussions qu'il eut avant guerre avec Anne-Laure et J.B, les parents de Lancelot... Il se rappelle bien : « un beau couple uni, une sorte d'identité double, et fait de distinction simplifiée bien française ».. ! Selon les mots mêmes de Russell ; qui s'en amuse fort.... Mais, il exprime avec tristesse et révolte sa haine de la guerre, quand il apprend la mort de J.B. ….
Russell n'est pas surpris de savoir les raisons du choix de sa mère de l'appeler Lancelot... Mais, il l'est de se rendre compte à quel point le jeune homme est attaché à ce qu'il nomme ''La Quête''... Il se souvient de l'attachement d'Anne-Laure au concept du divin....
- J'examine les raisons qui pourraient appuyer ce concept, et je n'en vois pas... ! Du moins aucune ne me semble logiquement valide...
- Et des raisons pratiques, psychologiques … ?
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- Il ne peut pas y avoir de raison pratique de croire en ce qui n'est pas vrai... ! Une chose est vrai, ou elle ne l'est pas !
- Mais, si on doute... ? Cette chose peut être, du moins, ''utile''... ?
- Oh...! On suspend son jugement... Croire en quelque chose, parce que c'est utile, me semble fondamentalement malhonnête... ! De plus, la plupart du temps, les règles dites utiles sont fausses, et font plus de mal que de bien … Ce qui nous est imposé, n'a aucune valeur... Et vous qu'en pensez-vous... ?
- Oui, si des règles, nous sont imposées, et que nous n'en voyons pas le sens ; elles sont peut-être fausses … Mais, à mon avis, une chose vraie, n'est pas une croyance ; elle est un savoir... Et, notre esprit ne peut pas se satisfaire seulement de connaissance qui ne seraient que des savoirs... Notre esprit nous appelle à imaginer, à expérimenter dans notre vie des intuitions, et même des raisonnements qui ne nous conduisent pas seulement qu'à des savoirs...
- Pourquoi... ?
- Mais parce que nous sommes limités aux conditions de notre existence... S'il y a un ''au-delà'', il ..
- La vie après la mort, n'a pas de sens... !
- '' L'au-delà'' ne fait pas partie de notre ''existence'', puisqu'il n'est pas créé... Il est ''tout-autre''... ?
- Bref.. ! Vous ne pouvez rien en dire !
- Non …. Pourtant les humains, n'ont jamais cessé de l'évoquer ….
- Et ce Graal, dont parlait votre mère... ?
- Nous n'imaginons en aucune façon trouver un graal... Pourtant, ma mère, mon grand-père, et beaucoup d'autres, ont pris et prennent le chemin de la Quête du Graal … !
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- Vous aviez, je crois, avant la Révolution déjà, un ancêtre franc-maçon... ? Dora a étudié sérieusement le XVIIIe siècle Français...
Et à présent elle et Russell rêvent d'aller visiter la Russie soviétique, se faire une idée de la révolution bolchevique... Peut-être rencontrer Lénine … ?
Présentement Dora invite Lancelot à suivre des conférences à la ''Société Hérétique'' fondée en 1909 à Cambridge... Plusieurs membres de Bloomsbury y ont participé. Cette société anticonformiste est ouverte aux femmes ; elle s'interroge en particulier sur l'avenir de la Religion, et les règles et restrictions qu'imposent les religions... Son président en est Charles Ogden (1889-1957) ; et ce philosophe, linguiste va tenter de convaincre Lancelot, d'une méthode d'apprentissage de l'anglais, qu'il met au point, et destinée à promouvoir un ''anglais de base'', « un sous-ensemble simplifié de l’anglais ordinaire » qui deviendrait la langue internationale...
Si de nombreuses sociétés, et multiples associations prospèrent à Cambridge, il en est une à laquelle Lancelot aurait bien voulu adhérer: l' ''A.N.O.M.'' l'association de ceux qui n'ont pas de mission, en sont exclus tous ceux qui se croient indispensables. La fondatrice de cette société est une française : Maryse Choisy, une bien agréable personne, qui vient de Saint-Jean-de-Luz et a grandi dans le château de sa tante, la comtesse Anna de Brémont. Elle étudie la philosophie, et Bertrand Russell est l'un de ses professeurs.
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A Cambridge, tout le monde peut parler de Ramanujan (1887-1920), un mathématicien indien autodidacte. Découvert par Godfrey Harold Hardy (1877-1947) et associé avec le Groupe Bloomsbury et les Cambridge Apostles...
Les mathématiciens, ici, sont stupéfiés par l'originalité des formules qu'il présente, alors qu'il ne peut pas toutes les démontrer ; pourtant elles vont s'avérer exactes et démontrées plus tard … Il a beaucoup travaillé sur des constantes telles que π et e, les nombres premiers ou encore la fonction partition d'un entier... En 1918, il fut élu ''Fellow of Trinity College'' pour ses recherches sur les fonctions elliptiques et la théorie des nombres.
Il vient de passer cinq ans à Cambridge ; mais il est malade, et souhaite repartir en Inde...
Grâce à l'entremise de Russell, Lancelot peut approcher le génie...
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Ramanujan, à l'opposé de son soutien et ami G.H. Hardy, est un mystique... pour lui, une équation qui a du sens, exprime une pensée de Dieu.
Il a appris seul, sans formation formelle. Sans papier, alors, il imaginait ''de tête'', et progressait en écrivant sur le sol...
Véritablement obsédé par les fractions, les séries divergentes, les intégrales elliptiques et les séries hypergéométriques, Ramanujan se désespéra de ne pas obtenir la reconnaissance de mathématiciens. En 1913, il envoie une lettre à G.H Hardy à Cambridge, et cela allait changer leur vie, à tous deux...
Quand on l'interroge sur sa manière d'arriver à établir une équation, il répond « C’était la déesse Namagiri, qui m'est apparu dans mon rêve et m’a aidé à résoudre ce problème... »
Hardy, dut apprendre à son protégé certaines connaissances bien établies en mathématiques, mais il reconnaît qu'il a appris beaucoup plus de lui ...
Ramanujan est timide et calme, et s'anime dès qu'il expose ses idées mathématiques ou philosophiques... Pour lui, toutes les religions sont dépositaires d'une part de la Vérité, même si certaines observances religieuses peuvent être discutables....