fascisme
L'Unité des forces du Monde
- N'avons-nous pas imaginé que le monde était rationnel, et que ses lois s'imposaient ?
Je ne parle pas qu'en physique ; je pense davantage à la gestion de l'Etat.
- Notre chef nous demandait alors de lui donner cartes blanches, pour assurer - autoritairement si nécessaire – la gestion technocratique de l'Etat français. La ''Révolution Nationale '' c'est le rejet de la démocratie et du libéralisme ; le pouvoir populaire devant s'identifier à un dirigeant fort. Pétain prétendait exécuter sans détours et sans délais « ce que le peuple veut ».
Parler du fascisme avec Drieu c'est attirer sa colère sur le régime français. Pour lui, il s'agissait d'une vision du monde cohérente et esthétique (!) ; il en parlait en 1934 dans un essai intitulé « Socialisme fasciste » ; une époque où l'Italie de Mussolini, pouvait en être le modèle.
« Le libéralisme niait l’État, dans l’intérêt de l’individu ; le fascisme réaffirme l’État comme la véritable réalité de l’individu. » ( B. Mussolini, La Doctrine du fascisme, 1938.)
Et pour en revenir aux loi de la physique de la nature : Oui, la doctrine fasciste affirmait que les peuples étaient soumis aux « lois de la nature », aux lois originelles de tous les êtres humains en lutte entre eux pour la survie et l’expansion. ( Ezio Maria Gray, politicien fasciste italien)
Dans ces lois, ''la force'' serait l’élément essentiel : la nature se caractérise par ses forces.
Dans la presse, on parle de pouvoir libérer une énorme quantité d'énergie, en faisant exploser le noyau d'un atome... ! Edmond Blanc dans '' le Jour'' en conclut : « On dit qu’il ne faut pas jouer avec le feu. Il ne faut peut-être pas davantage jouer avec l’énergie colossale enfermée dans les atomes, petits univers scellés par les forces de la Nature. »
Prenons du recul, avec la Physique, encore.... Nous sommes 4 siècles avant J.C. ; la structure de notre monde, est pensée autour des 4 éléments, la terre, l'eau, l'air et le feu. Ces éléments se combinent par attraction ( amour ) ou répulsion ( haine). Aristote associe à la matière 4 qualités : le chaud, le froid, l'humide et le sec. Exemple, le feu est chaud-sec, l'air est humide-chaud, l'eau froide et humide et la terre froide et sèche...
Pour René Descartes ( 1596-1650), le monde est ''plein'' : l'action créatrice de Dieu repose sur la matière qui doit emplir tout l'espace. Ce monde plein ( le ''vide'' n'existe pas) est composé de trois éléments, l'éther, le feu, la terre. Blaise Pascal va lui, expérimentalement, admettre l'existence du vide.
L'Unité de la nature de Kant, inspire des scientifiques qui travaillent sur l'électricité et le magnétisme.
« La nature, c'est l'existence des choses, en tant qu'elle est déterminée selon des lois universelles. ». Et, si Kant dit « unité de la nature », il ne s'agit pas de réalité en soi, il s'agit d'une « unité nécessaire, certaine à priori, de la liaison des phénomènes. » Car « l’entendement ne puise pas ses lois (a priori) dans la nature, mais les lui prescrit » ( Prolégomènes, 1783 ) .
En 1820, Ørsted met en évidence la relation entre l'électricité et le magnétisme. La loi d'Ampère la plus connue est celle de l'électrodynamique. Elle décrit les forces que deux conducteurs parallèles parcourus par des courants électriques exercent l'un sur l'autre.
Il est possible d'envisager que les forces « électrique » et « magnétique » puissent être en fait unifiées, et Maxwell propose en 1860 une théorie générale de l'électromagnétisme classique, qui pose les fondements de la théorie moderne.
A ce propos, Feymann qui participera au projet Manhattan ( la course à la bombe atomique, avant les nazis..) dira que l’événement marquant du XIXe siècle sera d'avoir établi les fameuses ''4 équations de Maxwell '', qui expliquent des phénomènes comme l'électricité, le magnétisme et la lumière.
Depuis 1884, elles sont là : ( pas de panique …)
1 Une charge électrique génère un champ électrique autour d'elle.
2 Le champ magnétique est engendré par une configuration en ''dipôle''. Il est impossible de séparer les pôles Nord et Sud d'un aimant.
3 Si on fait varier le flux magnétique dans un circuit, ça provoque un courant électrique dans ce circuit ( Loi de Faraday).
4 Un courant provoque un champ magnétique.
Ces 4 équations expliquent tout l'électromagnétisme ! Les physiciens vont rapidement se rendre compte que les ondes lumineuses ne sont autres que des ondes électromagnétiques.
Wilhelm Ostwald ( Professeur à l’université de Leipzig ) suggère une autre piste : celle de reconstruire la physique sur la base des deux principes de la thermodynamique : le principe de conservation de l’énergie et celui d’entropie.
Ostwald, en 1895, prétend que le concept de matière, lié à une interprétation mécaniste de la nature, est périmé. « dans le monde de la mécanique rationnelle, il n'y a ni passé, ni avenir au même sens que dans le notre. L'arbre peut redevenir graine, le papillon chenille... Pourquoi ces faits ne se produisent-ils pas dans la réalité ? La théorie mécanique ne l'explique pas ; le fait que, dans la nature réelle, les phénomènes ne sont pas réversibles, condamne sans appel le matérialisme physique. »
L'énergie est un invariant de l'Univers, régissant l'ensemble des phénomènes physiques. Pour Ostwald tout est énergie.
Pierre Duhem (1861-1916), s'était lié d'amitié avec Paul Painlevé ( ami d'Anne-Laure...), qu'il avait rencontré à l'Ecole Normale Supérieure. Son opposition au chimiste Marcelin Berthelot et son anti-républicanisme, seront des obstacles à sa nomination à Paris. Il part pour Bordeaux. Anti-dreyfusard, il se brouille avec Painlevé ( 1894).
La plupart des contemporains de Pierre Duhem - en France notamment - se proposaient de réduire les phénomènes chimiques à la mécanique ; lui, les rapportait à la thermodynamique. Et, donc en opposition au projet de réduction mécaniste des atomistes, comme Boltzmann.
Duhem considère que l'entropie ne peut être représentée par une combinaison de seuls concepts mécaniques.
Pourtant, en 1909, Otswald va admettre que Jean Perrin avec son article '' Mouvement Brownien et réalité moléculaire '' a apporté la preuve expérimentale de la structure atomique de la matière.
Thomson et Clausius formule l'Entropie par des interdictions : - ''un système ne peut produire un effet mécanique en extrayant de la chaleur de l'objet le plus froid avec lequel il interagit''. - '' Il n'existe aucun processus qui aurait pour seul effet un transfert de chaleur d'un corps froid vers un corps plus chaud.''
L'entropie se présente sous forme d'irréversibilité de flèche du temps, de dégradation. Lors du freinage d'une voiture son énergie cinétique se dégrade en chaleur dans les freins.
Maxwell et Boltzmann ( encore eux...!) vont formaliser l'expression mathématique de la théorie cinétique des gaz ( qui interprète les notions de température et de pression des gaz).
Un gaz paraissait être un milieu continu, élastique … L'idée de la nature atomique de la matière cependant faisait son chemin ; et un gaz pouvait être un ensemble de particules en agitation permanente. Un gaz apparaissait comme un véritable ''chaos'' ( qui a donné ''gaz''!), et qui cause une pression sur les parois.
Clausius interprète la chaleur en tant que manifestation de l'énergie associée à leurs mouvements désordonnés.
James Maxwell suppose donc que les particules d'un gaz sont des sphères de petites dimensions, dures et parfaitement élastiques. Ces molécules s'entrechoquent à des vitesses différentes
James Maxwell montre que la température absolue T du gaz est un paramètre caractérisant la distribution de probabilité des vitesses des molécules.
Enfin, Ludwig Boltzmann, comme nous l'avons vu, veut élucider la nature de l'entropie, grandeur restée mystérieuse. Après des années d'efforts, il y parvient en 1877. Il fait correspondre, à un état d'équilibre d'un matériau, un très grand nombre W de configurations microscopiques possibles indiscernables à notre échelle, et il identifie l'entropie S du matériau au logarithme de ce nombre. S=K log W ( K=1,38.10 puissance-23) ( formule novatrice inscrite sur la tombe de Boltzmann), S exprime une complexité cachée, sa croissance s'interprète comme une augmentation du désordre microscopique. Ainsi, l'ordre exhibé par un cristal disparaît lors de sa fusion. Une augmentation de température fait croître le désordre.
Face au caractère désordonné de l'énergie fournie à un moteur thermique par la source chaude, la source froide apporte de l'ordre.
1935 - Le nazisme, et les fascismes. 3 - Philosophie
Lancelot est resté secoué par cette rencontre. Il lui a fallu plusieurs jours pour digérer les réponses des uns et des autres... Et surtout, finalement, le manque de réponses satisfaisantes.
Comment peut-on ainsi échanger et mettre en perspective des arguments idéologiques qui sont en train de se mettre en œuvre et de transformer notre vie et qui vont nous donner des raisons de vivre ou de mourir, ou de tuer...
Peut-on d’ailleurs imaginer, ou espérer même, pouvoir se comprendre, et négocier quelque chose de recevable... Alors que l'enjeu est existentiel !
Lancelot assume mal, notre apathie, qui ne répond en rien à l'urgence du moment.
Et plus profondément, Lancelot est insatisfait de lui-même... Sur quels fondements repose sa foi en la vie ? Un socle qui lui permettrait d'être certain de ses convictions, de ne plus avoir peur et d'être mu par un volonté de servir la vérité... ?
Ne s'agit-il pas également des fondements de notre société d'après-demain ! Pour demain, que peut-ont-on attendre d'états fascistes en guerre les uns contre les autres, sinon le chaos ? Et donc, aujourd'hui, n'est-il pas essentiel d'être sûr de nous, pour ce que nous allons décider ?
Lancelot ne s'est jamais senti aussi proches de ses chevaliers, qui errants et en Quête, étaient plus ou moins prêts à suivre l'Aventure qui allait les conduire à une rencontre, à une épreuve, et leur donner le sens et même l'objet de la Quête...
Lancelot a la chance de pouvoir partager son trouble, ses incompréhensions avec sa mère, et avec Elaine.
Anne-Laure connaît bien l'Allemagne, et ses philosophes; la conception du monde d'Hitler, dit-elle est une macédoine d'ingrédients germaniques : l'esprit guerrier pour exalter le surhomme aryen, l'idée d'un état qui s'impose sur l'individu, le conflit des races comme force de l'histoire, le dogmatisme médiéval des Eglises chrétiennes réfuté par Kant. De Fichte, Hitler aurait repris le nationalisme, et l'antisémitisme... Et Schopenhauer lui aurait appris qu'il fallait glorifier la volonté plus que la raison...
Bien sûr, ce fatras d'idées philosophiques pourraient être démenti par chacun des philosophes qui en seraient, dit-on, l'inspirateur : de Nietzsche à Hegel, de Fichte à Kant ; ils ne s'y retrouveraient pas ! - Je ne pense pas, dit-elle, que la pensée allemande soit responsable de la déraison nazie...
Je me demande si la responsabilité ne tient pas à l'élaboration occidentale d'une eschatologie de l'histoire qui se présenterait comme une théologie sans Dieu, et qui satisfait aux aspirations de beaucoup, aujourd'hui... ?
Kant pointe une maladie, qu'il appelle le ''fanatisme moral'' et qui consiste à se sentir possédé par le bien, sans ressentir de contrainte morale, et à exalter le sacrifice de soi... D'ailleurs, Kant dénonce le choix qui en a été fait pendant la Révolution...
- Tu remarques, que les nazis n'osent pas rejeter le monument qu'est Kant ; pourtant en totale contradiction... Le ressort de la morale, c'est l'universalisme ( impératif catégorique) ; alors que pour eux, c'est le Führer - porte parole du peuple - qui est le garant de ce qui est bon pour le peuple ( allemand).
Pour Elaine, nous avons besoin de comprendre la finalité des enjeux qui se posent aujourd'hui, nous avons besoin de raison, donc de philosophie; mais nous avons besoin de sens, donc de théologie.
Pourquoi ne pas revenir aux sources de notre Tradition : Aristote, Thomas d'Aquin ...
Maritain pointe le néo-paganisme antisémite et anti-chrétien de l’hitlérisme : « Il rive les hommes à des catégories et à des fatalités – biologiques – auxquelles aucun usage quel qu’il soit de leur liberté ne leur permet d’échapper. »
Tu remarques, note Lancelot, que les nazis semblent fasciné par l'antiquité, plutôt grecque; et élaborent un curieux mélange gréco-germain. Pour eux, le christianisme - avec sa doctrine universaliste et égalitaire - serait une invention juive pour subvertir l'ordre hiérarchisé germain...
Les chrétiens, reconnaît Lancelot, ont la chance de connaître la ''fin''... Une fin inaccessible à la raison, car au-delà de notre existence... Cette connaissance est offerte par la Révélation : elle est pour tous, mais elle est théologique... Est-il possible que Théologie et philosophie se complètent naturellement... ?
- Thomas d'Aquin nous ouvre une porte . Enfin, c'est Maritain, via Thomas qui – pour moi – le fait, répond Elaine
Lancelot rencontre un prêtre.
- Vos politiciens parlent de nationalisme ; les chrétiens s'intéressent à l'humanité, l'humain transcende la nationalité. La Vérité n'intéresse pas Hitler, il pense que c'est lui qui construit la vérité. Il pense que la guerre va lui permettre d'affirmer cette vérité. C'est une folie...
Le prêtre demande à Lancelot ce qu'il aimerait devenir : Président du Conseil, Général..., un héros ? Lancelot, ne sait pas...
Le prêtre lui dit : moi, j'aimerais devenir un saint..
Lancelot répond : « j’aimerais apprendre à croire ».
Le prêtre ajoute : vous êtes plus près du but, que moi... Puisque le christianisme n'est pas réservé à une élite, il est ouvert à tout homme désireux de devenir humain, pleinement humain...
Pourtant, dit le prêtre, vous n'y arrivez pas seul ; c'est bien ça ? Ce manque que vous ressentez me dit, que vous êtes prêt du but que vous recherchez...
Il est difficile de savoir à quoi l'on croit et si l'on croit vraiment...
Qui est Jésus-Christ pour aujourd'hui... quel rapport entre la foi et le fascisme ( qui est un monde sans Dieu )... Comment ce monde s'accomplit-il en Dieu ?
1935 - Le nazisme, et les fascismes. 2
Cette réunion fait ensuite le point sur la politique étrangère, et soumet des axes de réflexion pour de futurs articles sur l'année 1935-1936... Ensuite la réunion est, semble t-il, devenue plus informelle et les notes relevées par Lancelot reflètent l'intensité des échanges.
- Le fascisme, dit Drieu, ne présente pas de dialectique au contraire du communisme, comme lui il est pragmatique. On juge la société qu'il prône à ses résultats . Il n'y a pas de fascisme universel, il n'y a que des fascismes, chacun étant lié à un espace national, culturel...
- Pragmatique, je le suis aussi, quand je prend acte de l'existence du nazisme et de ce qu'il apporte à la communauté allemande. Il a mis fin à une période de désordre ; pour une Allemagne dynamique qui s'est relevée des pires difficultés économique.. !
Sans-doute est-ce le témoignage vibrant de Drieu sur ce qu'il a vu à Nuremberg qui a délier les langues sur nos craintes pour les uns, nos aspirations pour les autres...
- Cent mille personnes qui regardent défiler et danser cinquante mille jeunes gens. Des chœurs et des chants admirables : une tragédie antique. C'était écrasant de beauté !
Bien qu’essentiellement pragmatique, il y a une dimension spirituelle dans le fascisme : il s'agit d'une mystique nationale, liée au paganisme, aux forces du milieu présentes dans la tradition...
- Remarquez ceci, dit Alfred Fabre-Luce – L'Europe a voulu lutter contre la Révolution Française. Et, qu'ont fait nos voisins ? ils ont fait des concessions à la démocratie... Et bien, il nous faut aujourd’hui faire des concessions au fascisme pour lutter contre le nazisme ( un fascisme étranger). D’un certain point de vue, défense de la liberté, limitation de la liberté sont devenues synonymes.
Je ne veux pas rester tourné vers le passé. Observons notre temps, avec la volonté d'en saisir les mécanismes, d'en démonter les rouages, pour aller hardiment au cœur des choses, à l'essentiel.
Drieu la Rochelle reprend :
- Je refuserais volontiers que la politique ne soit que fonctionnelle, je souhaiterais qu'elle soit éruptive, une révolution permanente et non statique Le communisme en URSS est devenu une forme dénuée de mouvement..
- Les événements de février 1934, ne sont redevables ni à la droite, ni à la gauche … ! C'est l'expression d'un rejet de la politique ; et j'ai reconnu là, le miracle de la vie...
L'agent de cette force, c'est la jeunesse ; elle est force de destruction et ne peut s'opposer aux partis de gauche et de droite...
Pour aller de l'avant, il faut un tiers parti, fasciste c'est à dire social et national. Fasciste parce qu'en rupture... Fasciste parce qu'en fidélité exclusive à un chef.
Qui, en France, serait le chef ?
- Il n'existe pas encore... Peut-être, sûrement ... Doriot.
« La grande pensée, c’est celle-ci: l’homme s’est aperçu qu’il était en train de mourir et il a voulu se sauver. L’homme s’est aperçu qu’il était en train de mourir dans son corps et qu’il ne pouvait se sauver qu’en sauvant son corps. » «Le PPF, est le parti du corps vivant» (1937), dans Chroniques politiques de Drieu.
- Le corps sportif, jeune est une bonne image ; parce que le corps biologique, comme le corps politique, sont condamnés à se restaurer sans cesse dans le mouvement.
Une argumentation opposée s'exprime, en particulier avec Pierre Brossolette.
Il reconnaît avoir pensé qu'Hitler ne préparait que le retour des Hohenzollern, et un retour du conservatisme passé. Aujourd'hui, on assiste au déchaînement de la plus violente et la plus décourageante des frénésies nationalistes ; et dont on ne peut attendre que la guerre.
Le fascisme allemand, mais également tout fascisme, déshumanise l'homme.
L'humaniste, le républicain aussi, a foi en l'homme, mais il parie sur la personne. Le fascisme a foi dans le sang de la race au mépris de l'individu. L'individu y abdique sa liberté. Le fascisme excite la haine du peuple contre l'étranger..
Lancelot reprend quelques arguments de Jean Cavaillès. - Premier point : le nazisme consiste dans la haine et le refus de l'universel. - Un deuxième point caractéristique du fascisme: l'uniformité et la disparition de l'homme derrière le parti. - Un troisième point : le germain aurait recours au cœur, à l'intuition de la race, contre le rationnel, l'intellectualisme, qui ne serait qu'un jeu des juifs et des étrangers... Simpliste et absurde!
Enfin en Allemagne, la propagande massive n'est possible qu'avec une puissante aide financière, et le soutien des petits bourgeois ( fonctionnaires, commerçants, industriels..) exaspérés qui aspirent à l'ordre.
De la discussion animée qui suit, Lancelot a noté que le fascisme parlerait plus de fraternité que de liberté, et d'égalité; parce que le fasciste abandonne une partie de sa liberté au profit de la collectivité ; et l'égalité au profit de la hiérarchie.
Cependant : tous considèrent que, on peut craindre une Allemagne nazie qui militarise et affirme la supériorité de la race aryenne ; même si certains minimisent le danger et doutent qu'elle puisse signifier la disparition physique de la race juive, ils ajoutent : on peut déplorer la cruauté, mais cela ne peut faire oublier le problème de la ''question juive''...
Drieu, continue :
- Il y a une ''joie fasciste '' manifestée par ses adhérents ; on peut la critiquer, mais elle est là.
On est frappé en Allemagne de ressentir l'enthousiasme du peuple pour fêter sa poésie, son romantisme wagnérien...
- L'impérialisme allemand ne doit pas être oublié ! C'est à nous de nous présenter aussi forts ! Nous pourrions faire aussi bien, mais notre démocratie est décadente, passive avec une morale de midinette … Il nous faut retrouver le sens d'un ordre nouveau, le goût de l'héroïsme, l'exigence de la grandeur.
Drieu maintient que l'esprit fasciste est anti-conformiste, donc anti-bourgeois...
Après le 6 février 1934 - Le choix... 1
Comment ne pas s'interroger ? Comment ne pas douter, même de la République ?
La vie politique est un champ de manœuvres pour les professionnels de la politique ; leur carrière passe bien avant la défense du bien public... Les cabinets se suivent et les radicaux se succèdent à eux-mêmes... !
Mauriac espère en l'homme providentiel ; aussi est-il séduit par André Tardieu ou Philippe Henriot. Après les événements de ce 6 février, la politique semble se crisper sur des positions plus radicales de gauche ou de droite. Faut-il choisir ? Le 7 février Mauriac s'en prend '' au président du Conseil maçonnique ''.
La Franc-maçonnerie est compromise ; elle annonce publiquement une épuration dans ses rangs.
« La grande part de cette crise est due à nous-mêmes. Nous avons oublié la véritable tradition maçonnique, l’observation stricte de notre Constitution, le but moral et l’idéal admirable de la vraie Maçonnerie ». Georges Voronoff
« La Franc-maçonnerie est attachée plus que jamais à des formes supérieures de la vie sociale qu’elle pensait définitivement acquise par la civilisation : la liberté d’opinion et d’expression, le respect de la pensée et de la civilisation humaines, la souveraineté du peuple et l’élimination de la force dans les rapports entre les hommes et les nations. Or, la valeur de ces principes est remise en cause par l’institution de régimes qui prétendent justement les éliminer de la vie sociale. »
« Le 6 février, une foule fut lancée à l’assaut des institutions et la lutte contre le parlementarisme se transforma en lutte contre la démocratie. » Louis Doignon, Grand Maître de la Grande Loge de France
Si Lancelot, ne croit pas vraiment que ce 6 février pouvait être un complot contre la République…. Il prend conscience de la fragilité de cette République si décriée…
Denis de Rougemont avec Alexandre Marc et Karl Barth, Juvisy, 1934. |
Une discussion avec Denis de Rougemont, lui permet d'avancer :
- Ce sont les événements qui nous réveillent – dit-il – à présent, il faut choisir. Penser, c'est aussi prendre des risques, ce n'est pas qu'un refuge, un refuge idéal. Tant mieux, le ''risque '' c'est la santé de la pensée !
Certains nous disent, et il peuvent être tout autant marxistes, ou fascistes, que la loi ( historique) seule nous conduira à la liberté... Ce serait même le déterminisme de l'Histoire : abandonnez votre petit moi, et fondez votre destin dans la collectivité ; vos inquiétudes s'apaiseront...
Soyons vigilant, ne confondons pas sacrifice... et suicide !
- C'est un peu, comme si des nouveaux dieux, ou d'anciens dieux, ou de nouveaux mythes, nous menaçaient de leur puissance ; et que nous ne pourrions échapper à l’un qu'en nous jetant dans les griffes d'un autre... ?
- Oui, ils sont là. Ont-ils une raison d'être ? « Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. »
- Qui sont-ils... ?
L’État, la nation, la classe, la race, l’argent, l’opinion... Il sont ''Légion...'' !
- Ce serait le ''destin du siècle'' .. ?
- Non .. « En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. »
Chacun de nous a un destin...Peut-être s'agit-il de commencer par rechercher - dans nos pensées – les origines de ces grands faits qui bouleversent le monde
- Ce retour à soi, c'est le retour à l'individu ?
- Attention, l'individualisme conduit aux mythes collectifs.
« La société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. »
« Les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. (…) la personne à son tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. »
« La personne, au contraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. » Denis de Rougemont « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, février 1934.
Beaucoup ont institué la date du 6 février 1934, comme une de celles qui ont infléchi un ''destin personnel''. Ainsi Philippe Henriot ( qui deviendra sous Vichy, secrétaire d’état à l’Information et à la Propagande.). Ce jour lui permet l'appui d'un argumentaire antiparlementarisme opposant '' la masse des « honnêtes gens » à une poignée de « fripouilles » '', et qui va jusqu’au complot judéo-maçonnique. Il intervient passionnément à la Chambre sur ce thème, écrit un livre '' Le 6 février'', et multiplie les conférences en province.
Le 9 février, avec le PC, Jacques Doriot manifeste contre les fascistes. A l'opposé de Thorez et du Komintern, il prône une nouvelle ligne et le rapprochement avec la SFIO. Isolé, il sera exclu en juin 1934 et créera en 1936 le PPF.
Robert Brasillach (1909−1945) est un passionné de littérature, il dispose d'une chronique littéraire au quotidien l’Action Française, il est plutôt éloigné de la politique. Ce 6 février, il assiste à une pièce de théâtre ; et à la sortie il est pris par les événements : il écrira plus tard :
« Un escroc juif d’Odessa, Alexandre Stavisky, paraissait au centre d’une redoutable combinaison dont faisait partie les plus grands noms. On allait l’arrêter, il fuyait en Savoie, on le trouvait mort dans une villa de Chamonix, dans les premiers jours de 1934. Suicide ? On le dit. Assassinat, c’était plus probable. Désormais, il était impossible d’arrêter l’affaire. (...)
Tant de mensonges, tant de piètres hypocrisies révoltaient la ville. Dès le début de janvier, la fièvre monta, on arracha les grilles d’arbres boulevard Saint-Germain, on conspua les parlementaires et les gardes mobiles. Ainsi se préparait-on à l’émeute – ou à la révolution. (...)
À onze heures et demie, en sortant du théâtre, un spectacle singulier nous arrêta soudain : à l’horizon, quelque chose de lumineux dansait, au-dessus des têtes, semblait-il. Nous regardions sans comprendre ce feu balancé et noir : c’était un autobus, au Rond-Point, que l’on renversait. Et soudain, comme nous avancions, une foule énorme reflua soudain sur nous, des automobiles chargées de grappes d’hommes et de femmes roulèrent à grands sons de trompe, de vieilles dames se mirent à courir, les jambes à leur cou. Nous comprîmes que ce n’était pas une manifestation, mais une émeute.
( …) Une immense espérance naissait dans le sang, l’espérance de la Révolution Nationale (...)
Pour nous, nous n’avons pas à renier le 6 février. Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe (un cénotaphe de plus en plus vide), en souvenir de vingt-deux morts. (...)
Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une instinctive et magnifique révolte, (…) avec (…) (...) son espérance invincible d’une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays. » Robert Brasillach - Notre avant-guerre, Paris, Plon, 1941
La condisciple de Brasillach, Simone Weil, en 1934 suspend sa carrière de professeur de philosophie, pour faire l'expérience de la condition ouvrière à la chaîne. Parallèlement, elle s'intéresse à la spiritualité chrétienne. Elle écrit alors : elle écrit : « la civilisation la plus pleinement humaine serait celle qui aurait le travail manuel pour centre, celle où le travail manuel constituerait la suprême valeur »
1928 Davos - 3 - Albert Einstein et Paul Tillich
Paul Tillich (1886-1965), pasteur allemand, enseigne à Dresde, la science de la religion. Pour lui, la foi est le fait d'être saisi par une préoccupation ultime ; et celle-ci lui paraît présente dans la culture, science y compris...
A Davos, Tillich est très sollicité, entouré d'étudiants et de collègues. Son ancien professeur, Fritz Medicus, présent, assure qu'il est le philosophe de l'avenir...
Einstein et Tillich partagent la même conception du religieux : pour le premier, un homme qui a trouvé une réponse à la question du sens de la vie, est un homme religieux, et Paul Tillich écrit : « Être religieux signifie s’interroger passionnément sur le sens de notre vie et être ouvert aux réponses, même si elles nous ébranlent en profondeur . »
Lancelot découvre Paul Tillich, et considère comme un signe que celui-ci évoque ces ''questeurs de vérité '' que sont le jeune Werther, ou les héros des romans du Saint-Graal... Le Quester est à la recherche du Graal - c'est-à-dire ce qu'il y a de plus élevé: connaissance, sagesse, foi … Il est habité de ''Préoccupations ultimes''.
Tillich constate que la principale source de désaccord entre la religion et la science se trouve dans ce concept de Dieu personnel. Einstein décrit la loi de causalité comme s'appliquant à tous les événements physiques, il est inconcevable pour lui qu'une « Volonté Divine existe en tant que cause indépendante d'événements".
Cependant Einstein exprime son émerveillement devant la « grandeur de la raison incarnée dans l'existence », il ne remarque pas alors, que la théologie moderne appelle cela une « expérience du numineux » c'est à dire la sensation que l’on est en présence de quelque chose au-delà de la compréhension ou du contrôle . En attaquant la conception du Dieu personnel, Einstein se rebelle contre un mélange ancien et dépassé d'éléments mythologiques et rationnels ; aussi Tillich considère qu' « aucune critique de cette idée déformée de Dieu ne peut être opérante.»
Einstein n'a pas remarqué, ajoute Tillich, que '' Dieu'' est un symbole, que le prédicat ''Personnel'' ne peut être dit du Divin « que symboliquement ou par analogie, et qu'il s'affirme et s'annule en même temps. »
Ce symbole de Dieu est nécessaire à l’existence de l’homme: « Car, comme le dit le philosophe Schelling:" Seule une personne peut guérir une personne. « raison pour laquelle le symbole du Dieu personnel est indispensable à la religion vivante. C'est un symbole, pas un objet ».
Pour Tillich - Le symbole religieux rend compte de la tendance au concret dans la conception religieuse et l’expérience de Dieu... Dans l’expérience de la préoccupation ultime, il y a toujours un contenu plus ou moins concret et en fait les symboles religieux s’identifient à ce nouveau concret.
Il y a plus. La suspicion de Tillich se porte également sur le concept de relativité. qui semble éliminer « tout point de référence absolu ». Ce qui est certain, dit-il, c'est que la théorie de la relativité a révélé plus clairement qu'il ne l'était auparavant l'existence de l'infini... Pour Tillich, la théorie, revêt la nature d'un mystère plus profond encore...
Einstein relève le malentendu : il parle de ''relativité'' d'une procédure qui définit une quantité physique ( longueur, temps d'une horloge...), et d'invariance pour la vitesse de la lumière ...etc
Si la Relativité ne considère plus l'espace et le temps, comme des données absolues, mais comme dépendant de la mesure faite par l'homme, comme si le temps et l'espace ''naissent'' de la mesure... alors les thèses de Bergson, par exemple, sont caduques.
Plus généralement, dans un mouvement d'idées tel que le ''relativisme'', on observe que toute connaissance y est considérée comme relative au sujet connaissant... On y dénonce les illusions de l'absolu ; ou du moins on ne prétend pas s'exprimer sur le ''Pourquoi'' des choses...
Beaucoup de jeunes gens et jeunes filles fréquentent ces cours ; l'ambiance est à l'étude, à la controverse ( les ''Diskussionsabend'') et à l'amusement plus ou moins officiel.
Diverses soirées musicales sont organisées pour soutenir l’événement, comme le concert de Maria Philipi déjà évoqué, ou le récital de la soprano autrichienne Emmy Heim lors de la quatrième semaine...
Le moment musical le plus couru est sans nul doute le concert donné par le professeur – et violoniste ! – Albert Einstein, au profit des '' Cours universitaires''.
Les journées se terminent tard ; Lancelot et Elaine ne se quittent pas de la journée ; et c'est une véritable complicité qui s'établit entre les deux. Sagement, le soir, l'un et l'autre regagnent leur chambre respective. Devant l'une ou l'autre porte la discussion souvent continue, puis Elaine avoue sa fatigue et chacun se retire seulCarl Schmitt lors d’un discours, en 1930.
Une conférence, celle du philosophe et juriste allemand Carl Schmitt de Bonn, a été l'occasion de discussions passionnées et très actuelles... sachant, que - il n'y a aucun doute - le philosophe est un ardent admirateur du fascisme italien : Benito Mussolini, à la tête du parti national fasciste et après sa marche sur Rome, est devenu premier ministre en 1922...
En Allemagne, Hitler chef du parti NSDAP, lors du congrès de Nuremberg de 1927, exalte la communauté du peuple uni sous la direction du chef.
Carl Schmitt va parler de politique, et même de théologie politique.
Sa première grande idée: - Tous les concepts de la théorie moderne de l’État sont « des concepts théologiques sécularisés ». L'Etat moderne tend « d’imiter les décrets immuables de la divinité ». L'Etat est une création récente, c'est « l'instrument qui a permis aux monarchies européennes, à partir du XVIe siècle, de mettre fin aux guerres privées et d'établir la tranquillité, la sécurité et l'ordre dans les limites de leurs territoires. »
La pensée de Carl Schmitt se construit sur une critique du libéralisme et de la démocratie libérale... Il évoque une démocratie d'acclamation ce qui suppose une homogénéité raciale du peuple, et un lien fort entre le leader et son peuple. L'affaire du politique, c'est l'unité politique du peuple. Et un peuple – en opposition à une foule hétérogène – se définit par son identité.
Les débats provoqués par la conférence vont préciser certains points qui émanent de la pensée de Carl Schmitt.
Le fascisme rénove le nationalisme parce que c’est un mouvement qui se présente comme révolutionnaire et moderniste. Le fascisme comporte une dimension sociale et veut imposer un État fort, fondé sur des méthodes nouvelles de gouvernement... Schmitt prétend que le fascisme ouvre sur une démocratie fondée sur l'alliance ''mystique'' entre un chef et un peuple. Il s'agit d'une ''démocratie de masse''. Il dénonce une décadence économique, sociale et morale de la bourgeoisie capitaliste. La politique, comme la religion, implique des mythes, qui sont moteur de l'action.
- La démocratie ne repose t-elle pas sur un socle de valeurs comme les droits fondamentaux de la personne, et sur le droit avec la séparation des pouvoirs ...?
- Précisément, non! Ces conceptions libérales sapent le principe de souveraineté et neutralise la puissance de l'Etat. L'unité nationale doit s'imposer contre le pluralisme des intérêts économiques.
« Seul un État faible est le serviteur capitaliste de la propriété privée. Tout État fort […] montre sa puissance véritable non contre les faibles, mais vis-à-vis des puissants au plan social et économique. […] C’est pourquoi les employeurs et plus particulièrement les industriels ne peuvent jamais complètement faire confiance à un État fasciste et doivent présumer qu’un jour il se transformera finalement en un État des travailleurs avec une économie planifiée. »
- Qu'en est-il de la sphère privée de la personne?
- En tant que religion politique, le fascisme s’ingère dans l’économie, dans l’art, la morale, etc. Il subordonne entièrement le privé au public. " Tout est politique''!
Carl Schmitt prévoit que l'Etat de droit bourgeois ( une fausse démocratie ) disparaisse ... Par la monarchie? Le monarchisme des royalistes lui semble naïf . Et, le parlementarisme est dépassé... La véritable représentation du peuple ne peut se faire qu'avec un leader, acclamé ( démocratie directe).
Quelques intellectuels, présents, n'hésitent pas à exprimer leur préoccupation devant ces thèses, même si elles semblent assez populaires. Ainsi, Victor Basch (1863-1944) exprime les fondements humanistes pour une défense de Droits de l'Homme. Il relève également l'antisémitisme et le racisme en oeuvre dans les théories fascistes...