1912: L’exposition du Sonderbund ... 2012
L’événement de l’année 1912 restera sans conteste le naufrage du Titanic et ses 1500 victimes, qui marqua l’esprit de ses contemporains. C'est aussi : l’avènement de la République en Chine et l’indépendance de l’Albanie.
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En 1912,également, se tenait à Cologne l’exposition du Sonderbund, une des expositions les plus importantes du XXe siècle, aujourd’hui entrée dans la légende.
Elle rassemblait un ensemble exceptionnel de plus de 650 œuvres de Cézanne, Cross, Gauguin, van Gogh, Picasso, Macke, Munch, Nolde ou Schiele, l’événement laissait, tant par la quantité que par la qualité des œuvres exposées, littéralement « bouche bée ». A une époque marquée par le conservatisme du régime impérial, l’exposition du Sonderbund s’apparenta à une révolution et devait constituer une étape décisive pour l’art moderne Outre-Rhin.
En 1912, les oeuvres sont évidemment déconcertantes pour des visiteurs qui sont encore, pour certains, attachés au réalisme sombre fin XIXe... Déconcertante aussi, la façon de les montrer, tout sauf pompeuse ; et l'idée même d'une telle manifestation.
Six cent cinquante œuvres... ! Cent vingt-cinq Van Gogh et les trente-six Munch … pour affirmer de la façon la plus appuyée qu'ils sont les inspirateurs des expressionnismes en Allemagne - les groupes Die Brücke à Dresde, Der blaue Reiter à Munich, les peintres de Düsseldorf.
Gauguin et Cézanne sont eux aussi en valeur, la raison est cette fois française : sans eux, impossible de comprendre les nabis et les fauves. Or le " Sonderbund ", très clairement, développe un éloge de l'art contemporain français considéré comme le plus expérimental et le plus audacieux. Cette orientation a suscité des protestations ultrapatriotiques et xénophobes, bien peu surprenantes dans le contexte politique du temps.
La manifestation est en effet et sans la moindre équivoque internationaliste et antinationaliste. Si elle insiste dans son titre sur son côté Westdeutscher (rhénan), c'est pour s'opposer politiquement à Berlin, à la Prusse, à un empereur qui proteste contre la place selon lui excessive faite aux peintres français à la Nationalgalerie de Berlin. A Cologne, le parti pris est exactement à l'inverse : Signac, Cross, Denis, Matisse, Derain, Girieud, Vlaminck, Braque sont présents et la place qui leur est réservée dans le parcours démontre que la modernité est principalement de naissance française. Et qu'elle se diffuse dans l'Europe entière.
La vie artistique du moment est proliférante, sans frontières, indifférente aux patriotismes bellicistes, entraînée dans le flux des avant-gardes. C'est le temps où le Russe Morosov vient acheter des toiles de l'Espagnol Picasso à Paris auprès de l'Allemand Kahnweiler, alors que son compatriote Chtchoukine passe des commandes d'oeuvres monumentales à Matisse.
Chacun est alors absolument convaincu que l'art se trouve au début d'une ère différente et que tout est possible. Deux ans après, le pire devenait réel.
Extraits d'un article de Philippe Dagen « Le monde » sept2012
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Aussi, est-il impressionnant en cette rentrée 2012 que ce rendez-vous organisé par le Wallraf-Richartz-Museum de Cologne .... L’institution s’est donnée pour
mission de reconstituer l’une des plus marquantes expositions du XXe : la légendaire Sonderbund, qui
s’est tenue il y a pile un siècle dans la ville allemande. Petite révolution muséographique (accrochage linéaire et guide du visiteur) et grande concentration d’avant-gardes, elle reste une
référence dans l’histoire des expositions internationales. Ici, les superlatifs ne sont pas de trop. Le défi est de taille, et semble avoir été remporté largement. Sur les 650 œuvres présentées
en 1912, l’équipe du musée est parvenue à en rassembler 120 appartenant aux divers courants du début du XXe siècle : post-impressionnisme, expressionnisme ou cubisme. Et cerise sur le
gâteau, le musée a pu bénéficier du concours de quelques généreux collectionneurs qui ont bien voulu prêter des œuvres de Picasso, Munch ou Nolde présentées pour la première fois depuis des
décennies. A voir absolument.
C'est à COLOGNE - « 1912. Mission moderne » au Wallraf Richartz Museum, du 31 août au 30 décembre 2012
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A noter, pour l'actualité prochaine des expositions:
- PARIS - Edward Hopper au Grand Palais , du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013
- PARIS - Salvador Dali au Centre Pompidou, du 21 novembre 2012 au 25 mars 2013
- BILBAO - Egon Schiele au Guggenheim, du 2 octobre 2012 au 6 janvier 2013
- LILLE - Bosch, Brueghel, Bles, Bril au Palais des Beaux-Arts, du 6 octobre 2012 au 14 janvier 2013
- BOUSSU (Belgique) - Art et science-fiction au Grand-Hornu, du 18 novembre 2012 au 17 février 2013 ( On y retrouvera les artistes Larry Bell, Lucio Fontana, Dominique Gonzalez-Foerster, João Maria Gusmão & Pedro Paiva, Anish Kapoor, Mike Kelley, Kasimir Malevitch ou Chris Marker. )
Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 3 )
Plus concrètement : pour que l’existence humaine se produise, une structure psychophysique est nécessaire. Le Bouddha la décrit comme étant la conjonction de cinq agrégats (skandhas) : la forme ( le corps ), les sensations, les perceptions ( avec la contribution de la mémoire l’imagination ou le jugement …), les formations karmiques ( subconscient …), la conscience ( qui conçoit la dualité moi-monde …).
Le « soi » est appréhendé comme l’ensemble de ces agrégats. Selon le bouddhisme, cet ensemble n’est qu’une succession de configurations changeantes qui apparaissent et se dissipent, ce n’est donc pas une entité centrale et immuable… Cet attachement au « moi », est une cause de grande souffrance… Un égo menacé s’attache ainsi à des apparences inconsistantes, et s’enferme dans des émotions perturbatrices…
La source de ce résumé, provient du « Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey.
Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda.
Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 2 )
Si tout s’écoule et se défait… Comment pouvons nous être convaincu de la réalité substantielle de notre identité ?
La construction de cette identité a-t-elle un sens ? Comment inclure notre part de liberté individuelle dans un déroulement global .. ?
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La source de ce résumé, provient du « Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey. Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda. |
La « misère » ( selon une vision pessimiste …) de la condition humaine sert – par ailleurs - de révélateur aux possibilités de libération qui s’ouvrent à l’homme. Le choix d’orienter sa vie dans telle ou telle direction fonde sa liberté et contribue à sa grandeur… ( cf « le roseau pensant de Pascal : « mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que celui qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien… » )
Le bouddhisme nous dit que si l’homme résiste ( face à la mort, par exemple ) contre la nature même de l’écoulement des choses, il ne fera qu’attiser des tensions qui n’offriront aucune solution.
Le Bouddha indique que le « monde humain » a pour cause principale le désir… Il mentionne également une autre cause essentielle : la croyance au moi.
« Les êtres ordinaires manquent de sagesse et s’accrochent à la croyance au moi en se fixant sur l’existence ou l’inexistence de ce dernier. Cette pensée incorrecte les pousse à agir incorrectement. Ils empruntent de fausses voies où ils produisent des actes positifs, négatifs et immuables. S’accumulant, ces actes croissent et se multiplient, et dans chacun s’est implantée une graine d’esprit. Suivent pollution et appropriation qui provoqueront l’existenc-devenir, la naissance, la vieillesse et la mort. » ( Soûtra des dix terres. Chap 6,§3 , 126 )
« Nous naissons et renaissons dans le samsara parce que nous sommes fascinés par cette construction fragile et transitoire que nous appelons le moi. Cette fascination apparaît parce que nous ne discernons pas la véritable nature de l’esprit qui est beaucoup plus vaste , plus spacieuse et plus lumineuse. Sous la
pression de la fixation égocentrique s’ensuit l’émergence de la dualité : la conscience se positionne face à un monde qu’elle perçoit comme extérieur. Dans le jeu de relations qui s’instaure
entre elle et ses objets, une multitude d’émotions interviennent. Certaines sont positives, d’autres neutres, d’autres reflètent les trois poisons fondamentaux de l’esprit confis : le désir,
la colère, et l’ignorance.. Ainsi le « moi » peut ressentir de l’attirance, de la répulsion, ou de l’indifférence pour les objets avec lesquels il entre en contact. En cherchant à
satisfaire ses nombreux besoins, il ne cesse d’alimenter la force motrice du karma. »
Attention : Il n’y a pas d’Ignorance , de Désir, de Colère, mais des manifestations tangibles de l’ignorance, des preuves de désir et de colère… La conscience n’existe qu’en relation avec d’autres facteurs qui, en se conditionnant les uns les autres, constituent notre existence.
Comprendre l’idée que le bouddhisme se fait de l’homme, de son identité … ( 1 )
- La cosmologie du bouddhisme, repose sur une « absence » de cause ultime et immuable… Pourquoi ?
Nous sommes dans un scénario où tout se construit et se dissout dans un flux incessant, où tout phénomène est le fruit de causes et de conditions. Une « cause immuable » peut-elle produire un univers qui change ?
« Aucune cause ne pourrait rester immuable du fait même qu’elle se trouve incluse dans le processus de causalité… Enfin la conscience qui tente de se
représenter l’origine de l’univers ne peut se placer en marge du processus de causalité auquel elle participe… Ma conscience et l’univers ne sont pas deux entités inséparables… D’un point de vue
bouddhique, on ne peut affirmer que le cosmos soit extérieur à la conscience et que la conscience soit plongée en lui. » Alain Grosrey
- La forme humaine
Le bouddhisme reconnait différents états dans le « samsara »… ( je passe ..).. mais, je note qu’il est rare d’obtenir une forme humaine … Aussi, les enseignements insistent sur le prise de conscience du caractère hautement précieux de l’existence humaine et de l’environnement qui la rend possible.
Pour en revenir à la cosmologie, remarquons que la vision scientifique a mis aujourd’hui un terme à l’univers statique de Newton et à la vision aristotélicienne des
cieux immuables … ! Aussi,
recevons nous aujourd’hui avec facilité les implications spirituelles d’une vision très symbolique du bouddhisme :
- L’impermanence : naissance, croissance, vieillissement et mort, sont les étapes de tout processus… seule la continuité de la transformation fait sens … cette approche ouvre l’intelligence à une vision systémique, et permet de prendre conscience de la finitude de l’existence et de la valeur infinie de chaque instant :
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« les propriétés essentielles d’un organisme ou d’un système vivant sont des propriétés qui appartiennent au tout et qu’aucune partie ne
possède » Fritjof Capra ( nouvelle interprétation scientifique des systèmes vivants. )
- Le phénomènes se présentent dans un jeu de non-équilibres continus. Il ne s’agit pas d’un désordre, mais un processus d’interactions et de corrélations entre une diversité d’éléments… Qu’il s’agisse des éléments fondamentaux de la matière ou des émotions …
La source de ce résumé, provient du « Grand livre du Bouddhisme » d’Alain Grosrey.
Alain Grosrey est docteur d’Etat en Littérature comparée et diplômé d’Etudes Indiennes de l’Institut Kaivalyadhama (Lonavla/Bombay). Il enseigne dans le cadre de l’Université bouddhique Rimay Nalanda.
Toute science suspendue ...
Chanson inspirée par l'oeuvre de St Jean de la Croix. Composée et interprétée par Pierre Eliane, qui est prêtre, carme et musicien.
Jésus, l'héritier - histoire d'un métissage culturel
Ci-dessous, de larges extraits de l'Introduction de ce livre ( à lire ...) :
Jésus, l'héritier ; histoire d'un métissage culturel
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Christian Elleboode (Auteur) , Editeur : Colin; Date de sortie : 30/11/2011
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Description
À l´heure du grand retour des fondamentalismes religieux et des crispations identitaires, n´avons-nous pas, plus que jamais, besoin de mettre en évidence le ciment culturel qui unit les hommes ? À tous ceux qui craignent les « chocs de civilisations », nous nous devons de rappeler qu´une civilisation, quelle qu´elle soit, est inséparable des autres. Faire appel à l´Histoire, à des faits avérés, à des sources partagées, voilà sans doute la meilleure manière d´inviter les religions au dialogue. L´auteur de ce livre original et courageux nous offre les résultats d´un travail monumental : il a remis en perspective les croyances et les pratiques des peuples contemporains des Hébreux et de leurs ancêtres, qui ont vécu à un prodigieux carrefour culturel où se sont exercées les influences des grands empires de Mésopotamie, d´Asie mineure et d´Égypte. Cette enquête nous montre à quel point, humainement parlant, il est absurde qu´une religion s´imagine marquée du sceau de la « pureté ». Tout dès le départ est partage. Le rappeler ne saurait porter atteinte à la part du divin, bien au contraire, c´est nous ramener aux racines communes des fois distinctes. Christian Elleboode enseigne à la faculté catholique de Lille.
La culture religieuse, brassage de convictions, est ce par quoi l’homme développe ses héritages, ce par quoi il donne et exprime le sens de son existence. Le fait religieux est présent dans toutes les cultures humaines, même les plus primitives : fondamentalement, le fait religieux lie l’homme à des puissances qui sont plus qu’humaines.
…
La religion est ambivalente, car elle est à la fois source de communion et de confrontation. Elle favorise la communion entre les membres d’une même communauté, mais aussi la confrontation avec ceux d’une autre culture. En même temps, les religions sont travaillées de manière interne par des logiques contradictoires qui tendent parfois à l’ouverture à l’autre, parfois à la fermeture sur soi. À des degrés divers selon les religions, on trouve des messages de paix mais aussi des messages intolérants et des prescriptions rituelles excluantes pour les autres, qui favorisent le mépris.
… il n’y a pas de culture « pure », c’est-à dire authentique. Toute culture est métissée car faite d’emprunts. L’étude attentive de la rencontre des cultures révèle que celle-ci se réalise selon des modalités multiples et qu’elle aboutit à des résultats extrêmement contrastés selon les situations de contact. Les recherches sur l’acculturation, que l’on peut définir comme l’ensemble des changements socioculturels entraînés par le contact prolongé entre des groupes et des sociétés de cultures différentes, ont permis de dépasser nombre d’idées reçues sur les propriétés de la culture, et de renouveler le concept même de culture. L’acculturation n’apparaît pas comme un phénomène occasionnel, mais comme une des modalités habituelles de l’évolution culturelle de chaque société. Cela est bien évidemment vrai pour la culture religieuse.
Revenons au concept de culture. Le propre de l’homme n’est ni l’émotion, ni la station debout, ni la fabrication d’outils. Le propre de l’Homme, c’est le langage ; et par le langage, il peut communiquer aux autres ce qu’il a appris : au commencement « était le Verbe » ! À cause du langage, les mutations de l’humanité ne sont plus génétiques », mais culturelles. Capable de se projeter dans l’avenir, l’homme n’est pas totalement soumis à la loi de la génétique. Il est à même de faire des choses que les animaux ne font pas, pour le meilleur et pour le pire. Pour le pire : les animaux ne sont ni bons ni méchants, car ils font ce que leur « programme génétique » leur prescrit. Il n’y a donc pas de meurtre chez les animaux. À l’inverse, dans le souvenir originel de toutes les religions, nous affirme René Girard dans son livre Des choses cachées depuis la fondation du monde6, il y a le meurtre, « le péché originel », le meurtre du Frère (Caïn), celui du Père (Oedipe). L’homme peut transgresser la loi génétique et assassiner son frère. D’où l’absolue nécessité pour les hommes d’établir des lois morales ou religieuses afin de supplanter à la carence des lois naturelles. L’homme est ainsi cet être qui a doublé son code génétique par un code culturel. Admettre que notre patrimoine culturel est aussi celui des autres, c’est s’ouvrir aux autres et proscrire notre ethnocentrisme spontané, consistant à estimer la culture des autres comme inférieure ou méprisable. Il y a dès la Préhistoire une « culture » humaine toujours menacée d’oubli. Admettre l’héritage ne veut pas dire sombrer dans le relativisme culturel qui consiste à affirmer que tout fait culturel n’a de sens que dans le contexte de leur propre culture. Sous une forme extrême, le relativisme culturel refuse l’existence de valeurs universelles puisque toutes les cultures se « valent ». C’est bien pourquoi les religions modernes doivent s’attacher à reconnaître et à retrouver l’héritage des croyances plus anciennes, tout en affirmant leurs propres ruptures et innovations par rapport à ces mêmes croyances. Admettre ses dettes n’est aucunement en contradiction avec le fait de mettre en avant ses apports. Le travail n’est certes pas aisé, car si prendre conscience des césures ne va pas de soi (le Christ était juif et ne souhaitait pas créer une nouvelle religion), interpréter les croyances de nos ancêtres est peut-être encore plus difficile. Même si l’interprétation d’un texte sacré fait sens pour nous, rien ne prouve qu’elle corresponde à l’intention des rédacteurs. C’est pourquoi il faut toujours garder une certaine prudence dans ce domaine et maintenir en éveil notre capacité de discernement. Aborder l’aspect ésotérique des enseignements ne doit pas devenir un prétexte pour débrider notre … Il faut donc se méfier de certaines interprétations qui, pour être habiles, n’en sont pas moins suspectes, par exemple cette façon douteuse d’interpréter les lettres INRI, Jesus Nazarenum Rex Judeorum : Jésus, le Nazaréen, roi des Juifs par Igne Natura Renovabitur Integra, « la nature sera renouvelée totalement par le feu » ! Procéder ainsi reviendrait à ramener l’exégèse, soit l’herméneutique des textes sacrés, à un simple jeu de langage et ignorer son caractère rationnel ou scientifique ; jeu qui n’a rien d’anodin, surtout en ce domaine. Il n’est pas question dans ce domaine de chercher à se faire plaisir en jonglant avec des significations supposées.
Un autre risque serait de prendre pour argent comptant les théories évolutionnistes (développées au XIXe siècle parallèlement aux travaux de Darwin sur l’évolutionnisme biologique), qui considèrent que l’humanité prise dans son ensemble progresserait par étapes, des formes archaïques d’organisation sociale vers des formes complexes de civilisation. Même si l’évolutionnisme ne s’identifie pas à une vision linéaire et gradualiste de l’histoire dans la mesure où il peut exister des ruptures, il considère que les différentes sociétés emprunteraient le même chemin. Ce sont les fameuses séquences « historiques » de Comte, Marx ou Frazer (on y reviendra). Au dire des évolutionnistes, un progrès serait associé à un développement continu, nécessaire, qui se répète d’une société à une autre, même si les rythmes sont inégaux. Les différentes sociétés représenteraient des stades différents de l’évolution universelle et les sociétés dites primitives seraient les témoins résiduels de l’« enfance de l’humanité ». En matière de religion, nous savons désormais que les thèses d’un Lewis Henry Morgan ont montré leurs limites : au départ, les premières religions n’étaient pas inintelligibles, comme il le supposait, même si les premières sociétés semblaient « saturées » de religion. Le passage progressif du naturisme au fétichisme, qui était déjà une première forme d’idolâtrie, puis du fétichisme à l’animisme et au totémisme, puis enfin du totémisme au polythéisme et au monothéisme, n’est plus admis. La thèse de Lucien Lévy-Bruhl sur les mentalités primitives qui avaient une aversion pour le raisonnement, comme celle de James G. Frazer sur les trois stades de la pensée (magique tout d’abord puis religieuse et enfin scientifique) témoignent déjà, en leur temps, de la limite d’une telle approche. Non pas que ces travaux soient dépourvus d’intérêt, bien au contraire : l’histoire des religions a été inaugurée avec l’évolutionnisme. Mais ils correspondent bien à l’esprit du xixe siècle encore très marqué en Occident par l’esprit chrétien et par le siècle des Lumières qui le précède, où le progrès est vu comme le fruit de la raison. Mais comment prouver qu’il existe un sens unique de l’évolution, sans régressions, ni blocages, ni pertes ?
À l’opposé de l’évolutionnisme, la thèse, au XIXe siècle, d’un monothéisme originel suivi d’une déchéance conduisant à l’animisme a eu un certain succès. Il est peut-être vrai que de nombreux peuples partagent la croyance d’un être divin ayant créé intentionnellement notre monde, qui aurait été, à l’origine, un océan infini. C’est donc de la mer qu’émergent les terres dans les premières mythologies. Pour les Égyptiens, cet océan primordial était le Noum. Pour le peuple alaskien Tigikak (Arctique), c’est Corbeau qui créa le monde en harponnant une grande baleine, laquelle, en flottant, devint la terre ferme. Parfois deux êtres se partagent l’acte de modeler le monde, tels le Premier Créateur et l’Homme solitaire des Mandans, une tribu de l’Ouest nord-américain. Ils envoyèrent une poule faite de boue ramasser de cette même substance au fond des eaux afin d’en confectionner la première terre. En s’interrogeant sur les mystères de l’Univers, les hommes ont conçu de nombreuses représentations du cosmos. Beaucoup de peuples pensent que le monde est né d’un oeuf cosmique. En Chine, ce sont les forces opposées et complémentaires du yin et du yang, présentes dans l’oeuf, qui ont créé le premier être, Pan Gu. Les Dogons d’Afrique de l’Ouest évoquent un oeuf en vibration qui éclata pour libérer l’esprit créateur. Au Japon, les Aïnous croyaient que six cieux situés au-dessus de la Terre, et six mondes situés en dessous, abritaient des dieux, des démons et des animaux. Il est à noter que le monde a, de longue date, été perçu comme rond. Une légende inuit raconte que deux familles parties dans des directions opposées se croisèrent alors que leurs membres étaient devenus très vieux : ils étaient retour à leur point de départ. Selon les Mangaians de Polynésie, l’univers est contenu dans une noix de coco géante. En lisant Claude Lévi-Strauss, on sait maintenant que les mythes des peuples lointains ne sont pas plus ridicules que ceux de la Grèce ou de la Rome antique, tant admirés par les humanistes.
Les scientifiques pensent aujourd’hui que l’univers est né du « Big Bang », une gigantesque explosion survenue il y a 13 milliards d’années. Celle-ci projeta la matière dans toutes les directions, lançant l’univers dans une expansion qui se poursuit de nos jours. On pourrait considérer cette version très récente de la Création comme un nouveau mythe de l’âge scientifique. Dans son essence, il n’apparaît guère différent des mythes anciens de nombreuses civilisations, qui racontent qu’un monde ordonné est né du chaos primitif. Alors, monothéisme initial, naturisme ou polythéisme ? Que savons-nous des origines après que tant de théoriciens ont supposé, sans aucune preuve solide, que la religion provenait de l’expérience des rêves pour l’un, de la crainte de phénomènes inexplicables de la nature pour l’autre, ou encore de la fascination face à l’unité et la diversité du monde ? L’idée d’un « grand dieu », chez les pseudo-primitifs, dominant une foule de petits dieux qui lui sont soumis, n’est que l’idée d’un Être suprême dans certains polythéismes et non l’idée fondamentale d’un monothéisme. Et le polythéisme est bien plus répandu dans l’histoire de l’humanité que le monothéisme, dont rien ne prouve qu’il se place, soit à l’origine, soit comme état terminal des croyances.
Venons-en maintenant au fait : la recherche des noyaux historiques, pour tenter un début de décodage de la Bible. Notre objectif est de tenter de mettre en avant les héritages de ce que l’on qualifie de premier monothéisme, ce judaïsme dont se réclame Jésus-Christ puisqu’il est né juif et mort juif (comme disait Luther), mais aussi de comprendre en quoi Jésus, pris dans une mouvance universalisante, pour ainsi dire en voie d’autodépassement, montre que l’homme peut se libérer du culte de Dieu. Dieu, d’ailleurs, n’a jamais eu besoin et n’en réclame pas. Le meilleur culte à Lui rendre, c’est le service du prochain, l’amour des autres, la justice rendue à tous, à la suite de Jésus lui-même. Bref, c’est le message de l’Évangile, qui se traduit littéralement par la « Bonne nouvelle ». Jésus lui-même se sait héritier et à aucun moment ne pense provoquer une rupture radicale avec la religion de ses pères. Nous savons en outre que, s’il y a pu avoir des frictions avec ce qu’il appelait la « tradition des pères », car il entretenait une attitude critique à l’égard des institutions juives de son temps, il n’était pas le seul à critiquer les pratiques cultuelles du judaïsme. D’autres, comme les Esseniens dont on a découvert les célèbres manuscrits dans les grottes de Qumrân en 1947, avaient pris leurs distances par rapport au Temple et à la caste sacerdotale de Jérusalem. En tout cas Jésus ne pensait pas à fonder une autre religion, dissidente par rapport au judaïsme : il attendait le « Royaume de Dieu » ! À l’époque de Jésus, le judaïsme était en pleine évolution, très éclaté, très ouvert à la culture et la pensée grecques. Rappelons que la Palestine (que l’on n’appelait pas encore ainsi) était sous l’occupation grecque puis romaine depuis trois siècles. Par la force des choses, la question d’une ouverture plus universaliste, dans un environnement païen omniprésent, se posait à tout le judaïsme. De plus, le prosélytisme des prédicateurs juifs auprès des païens cultivés connaissait beaucoup de succès. Le judaïsme avait peut-être autant de chances que le christianisme de devenir une religion universelle. Pour des raisons historiques, culturelles et proprement religieuses, c’est un autre choix qui a été fait car il y a eu rupture avec le judaïsme. La Bonne Nouvelle qu’annonce Jésus, c’est bien déjà le christianisme ; ce n’est pas un rituel liturgique nouveau ni des prescriptions légales supplémentaires et détaillés, mais une autre façon de voir Dieu. Le message de Jésus est « transfrontalier », et c’est son ouverture totale qui va provoquer la rupture, d’autant que le judaïsme rabbinique se refermera sur lui-même, en réaction notamment à la persécution romaine.
Tant de disciplines s’occupent du religieux — l’anthropologie religieuse, la sociologie religieuse, l’histoire des religions, la philosophie des religions, les théologies, etc. – que le projet que nous nous sommes donné peut sembler ubuesque. Il faudrait être inconscient ou d’une prétention inouïe pour oser affirmer faire la synthèse de ces savoirs, alors que la science des religions est en miettes. Cette réflexion s’inscrit dans une démarche transversale, pluridisciplinaire, qui ne cherche qu’à aborder quelques problèmes essentiels. Nous n’allons poser que quelques hypothèses, et surtout beaucoup d’interrogations. L’accent est mis sur la sociologie, l’histoire des religions et l’anthropologie, qui voient la religion comme une partie de la culture, afin de tenter d’expliquer les ressemblances et les différences entre phénomènes religieux dans des sociétés diverses, de l’Égypte à la Mésopotamie.
Cet ouvrage aborde les religions anciennes jusqu’au message de Jésus mais il traite essentiellement d’un concept, celui de l’acculturation, qui comprend les phénomènes qui surviennent lorsque des groupes d’individus de cultures différentes (et donc de religions différentes) entrent en contact direct et continu, et que se produisent des changements à l’intérieur des modèles culturels de l’un ou l’autre des deux groupes, ou chez les deux. Le judaïsme est le fruit de multiples rencontres culturelles, d’acculturations spontanées et forcées, mais il est devenu une religion à part entière, même si les reprises de rites ou de croyances nous renvoient parfois au plus profond des religions premières. Prendre en compte la situation relationnelle dans laquelle s’élabore une culture ne doit jamais conduire à négliger de s’intéresser au contenu de cette culture, à ce qu’elle signifie en elle-même. Jésus est celui qui bouscula l’édifice entier mais lui aussi, malgré ses rejets, gardera, consciemment ou non, nombre de traits des cultures anciennes. Après tout, il n’a à aucun moment rejeter sa religion.
- Voir précedemment: Eloge du métissage culturel et religieux
Eloge du métissage culturel et religieux
Le « syncrétisme », le métissage … méritent mieux qu’un anathème ! En rester chez les cathos. à la condamnation d’un syncrétisme qui amalgamerait les savoirs et les doctrines incompatibles… nous empêchent d’appréhender la complexité…
« Nous savons que le judaïsme a emprunté la circoncision à l’Egypte, les mythes de la création du monde à la Mésopotamie, les anges et le paradis aux
Perses et le nom même de la synagogue aux Grecs … »
Cette citation, comme toute la suite ( ci-dessous) est emprunté à un ouvrage de Christian Elleboode : « Jésus, l'héritier » ou « histoire d'un métissage culturel » (Christian Elleboode enseigne à la faculté catholique de Lille.)
- Sur la 4ème de couv.
« À tous ceux qui craignent les «chocs de civilisations», nous nous devons de rappeler qu'une civilisation, quelle qu'elle soit, est inséparable des autres. »
« Cette enquête nous montre à quel point, humainement parlant, il est absurde qu'une religion s'imagine marquée du sceau de la «pureté». (un exemple très connu avec l'arche de Noé, qu'on retrouve dans la culture des Sumériens, une image ensuite reprise par les Chrétiens. »
Tout dès le départ est partage. Le rappeler ne saurait porter atteinte à la part du divin, bien au contraire, c'est nous ramener aux racines communes des fois distinctes. »
« Toute culture ne peut être que métisse. Ne pas l'admettre, c'est se fermer aux autres et museler son esprit. Refuser le métissage des cultures au nom de l'identité (alors que celle-ci est toujours plurielle) est bien plus que de la bêtise, c'est un vrai danger pour nos sociétés ». interv de Ch. Elleboode
- Article dans le journal « la Croix »
" .. Mobilisant les résultats obtenus dans différentes disciplines, cet universitaire, enseignant aux facultés catholiques de Lille, met en perspective les influences qu’ont pu exercer sur les Hébreux les croyances et les pratiques des peuples voisins de Mésopotamie, d’Asie mineure, d’Égypte, comme celles de l’occupant romain. Il s’intéresse au processus d’« acculturation », c’est-à-dire à ce qui se produit quand un groupe culturel et religieux entre en contact avec d’autres.
Et s’il n’hésite pas à parler de métissage ou de syncrétisme en matière religieuse, c’est dans un sens positif, « comme création d’un nouvel ensemble culturel cohérent et durable ». Cette création ne va pas sans ruptures, mais celles-ci ne sont possibles que par un enracinement profond dans la tradition.
La vie de Jésus, de ce point de vue, offre un témoignage d’une fidélité créatrice. Il est d’abord un héritier, un fidèle à Loi, interlocuteur des pharisiens sans tomber dans leurs excès, souligne l’auteur dans la dernière partie de son livre, au ton plus personnel. Mais Jésus est aussi celui qui, tout en prétendant accomplir la Loi, « dépasse le judaïsme ». Le fait qu’il ait tant circulé en Galilée, « région ouverte à tous les horizons de la terre et de la mer », n’est certainement pas pour rien dans le caractère « transfrontalier » de son message.
Et c’est son ouverture totale qui va provoquer la rupture, estime l’auteur, alors que la fermeture du judaïsme rabbinique, dans le contexte de l’occupation romaine, conduira à son procès et à sa mort. L’enquête de Christian Elleboode montre en fin de compte qu’aucune religion, aucune culture ne peut prétendre être marquée du sceau de la « pureté ». Croire le contraire, c’est tout simplement nier les leçons de l’histoire et nourrir l’idéologie du choc des civilisations."
Extraits de l'Introduction de ce livre: Jésus, l'héritier - histoire d'un métissage culturel
Le siècle dernier … Le regard de Bernanos sur la crise… ( 2 )
"Il y a dix ans,
la masse catholique penchait dangereusement vers le totalitarisme de droite, avec une élite jeune et dynamique déjà gagnée au fascisme. Aujourd'hui, la même masse penche vers le totalitarisme de
gauche, avec une élite jeune et dynamique déjà gagnée au marxisme. Inutile de dire qu'entre temps le prestige de la force était passé de droite à gauche" Bernanos : (F, Français si vous
saviez, Paris, Gallimard, 1961).
"Le problème qui se pose aujourd'hui, parce que de sa solution dépend le sort de l'humanité, n'est pas un problème de régime politique ou économique (démocratie ou dictature, capitalisme ou communisme), c'est un problème de civilisation" (L, Français si vous saviez, Paris, Gallimard, 1961).
"Les trusts ont concentré peu à peu la richesse et la puissance autrefois réparties entre un très grand nombre d'entreprises pour que l'État moderne, le moment venu, distendant sa gueule énorme, puisse tout engloutir d'un seul coup, devenant ainsi le Trust des Trust, le Trust-Roi, le Trust-Dieu" (L,)
Dès lors, à partir de cette analyse bernanosienne, on voit comment capitalisme, démocratie et socialisme se conjuguent pour précipiter la croissance de
l'État : le
capitalisme en concentrant la puissance économique dans un petit nombre de mains, la démocratie en poussant l'État à contrôler cette puissance, le socialisme en réalisant ce contrôle. De ce fait,
ce sont bien toutes les sociétés modernes qui sont engagées sur la voie de ce mouvement inexorable vers le développement d'un étatisme totalitaire.
"Quand les machines distribuent à tous la lumière et la chaleur, par exemple, qui contrôle les machines est le maître du froid et du chaud, du jour ou de la nuit. Vous haussez les épaules en disant que je veux en revenir à la chandelle, je désire seulement vous démontrer que les machines sont entre les mains du collectif une arme effrayante, d'une puissance incalculable. La question n'est pas d'en revenir à la chandelle, mais de défendre l'individu contre un pouvoir mille fois plus efficace et plus écrasant qu'aucun de ceux dont disposèrent jadis les tyrans les plus fameux" (L,).
"La technique, prophétise-t-il, prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son principe, c'est-à-dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l'ordre de la vie, ses raisons de vivre. Dans un monde voué à l'efficience et au rendement, il importe que chaque citoyen dès sa naissance soit consacré aux mêmes dieux" (FCR, La France contre les robots, Paris, R. Laffont, 1947).
"Inutile d'opposer communisme et capitalisme. C'est la même chose. Tous deux aboutissent à la même croissance de l'État, qui s'est substitué à homme comme un cancer à l'organe qu'il détruit... Bref, des régimes jadis opposés par l'idéologie sont maintenant étroitement unis par la Technique. Et un monde gagné à la Technique est perdu pour la Liberté" (F, 47).
À l'origine de cette
évolution, se trouve donc, selon lui, "la déspiritualisation de l'homme, coïncidant avec l'envahissement de la civilisation par les machines, l'invasion des machines prenant à l'improviste une
Europe déchristianisée" (L, 149). C'est qu'en effet, cette déspiritualisation a entraîné "la défaillance des hautes facultés désintéressées de l'homme au bénéfice de ses appétits" (F, 139), en
orientant les préoccupations humaines vers "l'efficacité sur les choses" (L, 235).
"Il faut une révolution analogue à celle d'il y a deux mille ans, je veux dire une nouvelle explosion des forces spirituelles dans le monde. Il faut d'abord, et avant tout, respiritualiser l'homme. Pour une telle tâche, il est grand temps de mobiliser, en hâte, coûte que coûte, toutes les forces de l'Esprit" (F, 293).
Ce type d'analyse sur les tendances "totalitaires" des sociétés industrielles et de la civilisation technologique moderne s'est rencontré chez d'autres observateurs... Ainsi, les orientations idéologiques dont se réclamait Marcuse. Ainsi ce qu'en disait le sociologue de la technique qu'a été Jacques Ellul...
Peintures de: George Tooker Jr. est né à Brooklyn en 1920 et est décédé dans le Vermont en 2011.
Au siècle dernier… Le regard de Bernanos sur la crise… ( 1 )
Ci-dessous, par des extraits : les orientations originales de la réflexion de Bernanos qui se dessinent progressivement entre 1918 et 1935 …
Pour lui, en effet, la France de la Illème République (1870 à 1940 ) dont il stigmatise les tares est une société qui est fondamentalement bourgeoise, faite
par la bourgeoisie pour la bourgeoisie. Son avènement, accompagné de la répression sanglante de la Commune, a marqué le couronnement et l'achèvement de cette évolution.
Dans « La Grande Peur des bien-pensants» ( GP ) il dénonce le "règne de l'argent", qui lui paraît avoir été une des causes déterminantes de la décomposition de la société française. 1870, c'est, en effet, à ses yeux, "le triomphe des puissances d'argent" et de leur pouvoir corrupteur.
"Qu'on pense ou non du bien de la modération indispensable à la vie en société, il est difficile de s'empêcher de
sourire au spectacle de modérés par système qui, de leurs mains diligentes, déplacent et reculent sans cesse le fameux jalon qui doit marquer la limite des concessions possibles : avant-hier
conservateurs, hier opportunistes, aujourd'hui libéraux, progressistes ou républicains de gauche..." (GP, 98).
"La bourgeoisie défend la propriété... À mesure que s'organisait contre elle le monde ouvrier, on l'a vu s'instituer peu à peu la protectrice des valeurs spirituelles dont l'immense prestige avait l'avantage de couvrir utilement ses privilèges" (Scandale de la vérité).
"Nous n'allons tout de même pas nous casser la figure pour savoir de quel régime, république, dictature ou monarchie, lequel est le plus capable de sauver une société dont nous ne souhaitons nullement le salut" (Corresp.).
A ce moment, il rêve d’une "réforme sociale" qui devrait être fondée sur "la réconciliation du peuple et de l'État, unis contre l'oppression de l'argent" (GP, 181). Quant aux moyens à mettre en œuvre pour restaurer cet ordre chrétien, Bernanos reste sur ce point assez vague.
Il prophétise dans « La Grande Peur », l'avènement d'une "nouvelle forme de barbarie", dans laquelle le règne de l'argent viendrait
confluer avec le développement technique pour donner naissance à un monde matérialiste dans lequel les hommes libres n'auraient plus de place.
"Si le monde que nous voyons naître a quelque chance de durer, cela ne peut être que par l'accord chaque jour plus intime du Capital et de la Science, du Ploutocrate et de l'Ingénieur, d'où va sortir une sorte de déterminisme économique, une loi d'airain seule capable de mettre la multitude à genoux"(GP, 336).
Et La Grande Peur s'achève sur cette proclamation : "La société qui se crée peu à peu sous nos yeux réalisera aussi parfaitement que possible, avec une sorte de rigueur mathématique, l'idéal d'une société sans Dieu. Seulement, nous n'y vivrons pas. L'air va manquer à nos poumons. L'air manque... On ne nous aura pas. On ne nous aura pas vivants !" (GP, 350).
Une des raisons, selon Bernanos, à cette « crise », c’est ce monde déspiritualisé qui, selon lui, "s'organise
pour se passer de Dieu" (EC, 1219).
Bernanos va devenir de plus en plus solitaire, se définissant, au-delà des partis, comme un chrétien et un homme libre : "Démocrate ni républicain, homme de gauche non plus qu'homme de droite, que voulez-vous que je sois ? Je suis chrétien » ( dans Marianne, 17 avril 1935..) Ainsi s'annonce, au milieu des années 30, l'attitude qui va être désormais la sienne jusqu'à sa mort, celle d'un homme seul, refusant toutes les annexions, assumant face à un monde bouleversé une sorte de mission prophétique.
Oeuvres de Martin Lewis:
Il est né en Australie en 1881... A quinze ans il quitte sa famille et parcourt la Nouvelle Zélande. Il travaille dans la marine marchande et se fixe ensuite à Sidney, où il publie ses dessins dans un journal progressiste, The Bulletin. Il étudie parallèlement à l'Ecole des Beaux-Arts de Sidney, avec la célèbre peintre Julian Ashton, qui participa au renouveau de la gravure dans ces années.
Lewis gagne les Etats-Unis en 1900.
On connait mal ensuite ses activité. On le retrouve travaillant à New-York en 1910, où il passe le reste de sa vie.
Il gagne le Japon en 1920, un tournant capital. Pendant huit mois il pratique l'aquarelle et le peinture à l'huile en extérieur.
Comment parler des fantômes, amène à parler de la Foi
Dans le numéro spécial de cet été, « La Vie » traite du surnaturel… Le catholique, que je revendique être, se
retrouve mal dans cette analyse de ses « croyances »… Certes, mes « croyances » sont de toute sortes : sociales, culturelles.. Et, je pense que nul être humain n’échappe
à son lot de croyances… au moins pour ne pas craindre à chaque instant que le ciel ne me tombe sur la tête … ! Je sais qu’une discussion qui commence par évoquer le surnaturel : des
fantômes aux rêves prémonitoires et aux guérisseurs, des esprits des morts aux médecines parallèles… ne peut que m’amener à un moment ou l’autre à parler de ma Foi…. Et pourtant, ce n’est pas à
mon avis du même ordre… Un titre comme : Le surnaturel
: entre science et religion, que faut-il croire ? n’a que l’avantage de pouvoir préciser, ce qu’est à mon avis la Foi, et surtout ce qu’elle n’est pas.
« Que
faut-il croire » n’a pour moi, aucun sens. La Foi, n’est pas de l’ordre du savoir, donc de l’erreur et de la vérité… Il ne peut pas y avoir une liste de ce qu’il « faut
croire » ! Je doute même, que quelqu’un puise « croire », ce qu’il « faut croire ».. ! Pour ma part, le dogme, n’a pas cette fonction …
Par contre je partage tout à fait la distinction que fait Élisabeth Marshall, dans son éditorial, entre Foi, et « paranormal » : « Distinguer aussi entre les dogmes de la foi (telle la résurrection du Christ), ces rites passeurs de surnaturel qui structurent les religions et fédèrent les communautés de croyants, et un paranormal que l’homme ferait surgir à volonté pour exercer sa puissance personnelle. »
Effectivement, au-delà de mes convictions personnelles, il s’agit bien de définir, ce qui me permet de me reconnaître dans la communauté catholique… Et c’est en particulier, par la manière culturelle et cultuelle, de tourner autour des « mystères » de l’être et de la Vie.
Il est difficile, aujourd’hui, ( et j’aime cette difficulté…) de comprendre ce qui relient ensemble tous les catholiques… Ce pourrait être : « La messe »?, mais alors il me semble que nous rejetterions la majorité d’entre nous … ! Et ce n’est pas les résultats du sondage de « La Vie » de ce numéro d’août, qui vont m’aider … !
- Autant ( 62 à 63%) « croient » à la traversée de la mer rouge par Moïse, qu’à la résurrection de Jésus. Pour ma part, en simplifiant… je dirais – Je ne crois pas que la mer rouge se soit ouverte en deux, comme un fait historique ; par contre je ressens dans ces paroles bibliques un enseignement spirituel. - Je crois que Jésus Christ est ressuscité ; c’est à mon avis le socle de la spiritualité catholique ( peut-être chrétienne également… sauf que le christianisme n’est pas « une » religion …mais une famille de religions …). Il est, à mon avis, bien insuffisant de s’en tenir à cela … il faudrait, sans fin, préciser ce que cela signifie …
- Je lis également ( N° de La Vie 3493 ) : Seulement 56% des catholiques « pratiquants » croient à la vie après la mort… ! Je ne comprends pas… Donc, pour les autres 44% de catholiques « pratiquants », Jésus-Christ est définitivement mort, Il n’est pas vivant ! ..?
- 64% de catholiques pratiquants « croient » à la théorie de la relativité .. La relativité est pour moi, de l’ordre du savoir, un savoir scientifique … un savoir « relatif », donc… Ce sondage semble mettre au même niveau « savoir » et « Foi »… Si les deux participent à la culture de l’humain, le savoir est limité par le cadre de ce qui est « naturel » …
Ce qui, bien souvent, est source de malentendu, c’est la confusion entre « esprit », « âme », et « psyché » … Ainsi, quand, Jean-Didier Vincent dit, à la question : « Qu’est-ce que l’esprit ? - C’est ce qui anime le corps et ce qui se tracte à l’intérieur du cerveau. ». Pour moi, il s’agit de la psyché donc de l’âme… C’est oublier l’enseignements des Pères anciens, qui définissent l’homme comme : corps, âme et esprit… Et c’est ainsi que l’on comprend ce qu’en dit Aristote, quand il parle de l’immortalité de l’âme… Et je ne sais pas,- « La croyance favorise encore les effets de l’esprit sur le corps. » J.D.V. - ce que cela peut signifier… Il paraît scientifique de penser que le corps est en lien interactif avec la psyché … ! Cela n’a rien de « spirituel » … !
Par contre, - à mon avis - l’art, le sentiment amoureux … permettent plus facilement de faire le lien entre psyché et esprit…
La réflexion qui me vient à la suite de ce dossier ; c’est la difficulté de pouvoir définir un profil « catholique »… Que signifie aujourd’hui, hors
attachement culturel et familial, « être catholique » ? Aussi, je comprends mal, cette prière du 15 août 2012 : « Pour la France » ;
France, dont la particularité est sans doute politique, puisque je me sens comme catholique plus « humain » que « français » … Je n’ai rien contre les sujets évoqués … Par
contre, si le message explicite, semble être celui que tout le monde croit avoir compris : selon le propos de Monseigneur Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France: "Ce
n'est un scoop pour personne que de dire que l'Eglise s'oppose au mariage homosexuel" (France Inter). Alors, il me semble que ces évêques chargent un peu la barque … Au nom de qui, et pourquoi
parlent-ils ainsi … ? Comment l’Épiscopat français prend-il en compte la diversité de cette église?