1 - Les légitimistes et les Trois glorieuses – 1830 -
1830, comme 1827 et 1828 avant elle, est une année de médiocres récoltes impliquant des prix élevés pour les denrées et un report du pouvoir d'achat sur le pain. L'économie est morose.
La période est à l'agitation ministérielle, parlementaire et journalistique...

Le roi Charles X (1757-1836), menace l’opposition de gouverner par ordonnances en cas de blocage des institutions …
''On'' suggère que le « parti prêtre » pourrait pousser le roi à légiférer par ordonnances sur le fondement de l’article 14 de la Charte pour imposer des « élections jésuitiques »... !
Le 16 mai 1830, Charles X dissout la Chambre des députés... Des élections sont une déroute pour le roi : l’opposition passe de 221 à 270 députés...
Le 25 juillet, le roi Charles X tente par un coup de force constitutionnel de freiner les ardeurs des députés libéraux par ses ordonnances de Saint-Cloud... qui, en particulier, suppriment la liberté de la presse et enlèvent le droit de vote aux commerçants et aux industriels.

A Paris, éclate alors une insurrection de trois jours, les 27, 28 et 29 juillet 1830 (les Trois Glorieuses), qui s’achève par le départ du roi pour l’exil.
Le 30 juillet, les députés, les journalistes veulent éviter à la révolution d'aller plus loin … Ils récupèrent la révolution populaire au profit de la bourgeoisie. Après quelques jours d’hésitation entre république et solution orléaniste, la monarchie de Juillet est finalement instituée. La bourgeoisie parisienne dame le pion aux républicains désorganisés.

Charles X passe la nuit du 30 au 31 juillet 1830 au château de Saint-Cloud... Il fuit Paris... le lendemain, à Rambouillet, on lui dit qu'il courre le risque de se faire arrêter par La Fayette et ses troupes qui veulent s'emparer de lui dès le lendemain. Ses proches lui conseillent de résister … Mais Charles X prend tout le monde à contre-pied en annonçant qu'il décide de nommer le duc d'Orléans ( le prochain Roi Louis-Philippe...!), lieutenant général du royaume...
Le duc d'Orléans préfère prendre cette charge directement des députés ; et organise l'exil de Charles X.

Le 2 août 1830, le roi tente une dernière manœuvre en abdiquant au profit de son petit-fils – le duc de Bordeaux, fils de la duchesse de Berry - pour essayer de sauver la dynastie.
Les légitimistes considèrent que Charles X est toujours roi et que son abdication est nulle, Louis-Philippe, son cousin, étant considéré comme un usurpateur.
Dans la monarchie traditionnelle, le roi tient son autorité de Dieu et l’exerce pour le bien commun, l’usurpateur Louis-Philippe ne peut invoquer cette transcendance, aussi se réclame-t-il de la Révolution dont il revendique l’héritage...

Ils n'oublient pas, non plus, que Louis-Philippe est le fils de ''Philippe-Egalité'' qui a voté la mort de Louis XVI.
Louis-Philippe prend le pouvoir, La religion catholique n'est plus religion d'État, la censure de la presse est abolie, le drapeau tricolore rétabli.
Alors que les légitimistes reconnaissent Charles X ( de 1824 à 1836) et son fils - Louis-Antoine d’Artois - comte de Marnes, appelé Louis XIX ( de 1836-1844), puis le roi Henri V ( Comte de Chambord, petit-fils de Charles X) ( 1844-1883)...

Un mot sur ''Louis XIX'' : Louis Antoine de Bourbon, duc d'Angoulême est le fils aîné de Charles X. Le 2 août 1830, à la suite de la Révolution de Juillet, le duc d'Angoulême a renoncé au trône de France en faveur de son neveu, le jeune duc Henri de Bordeaux, futur comte de Chambord.. Louis XIX aura été Roi 20 minutes : le temps de renoncer .... Cependant, à la mort de son père Charles X (nov 1936) , il prend provisoirement le nom symbolique de "Louis XIX". « Je prends le titre de roi, bien résolu à ne faire usage du pouvoir qu'il me donne que pendant la durée des malheurs de la France, et à remettre à mon neveu, le duc de Bordeaux, la couronne le jour où, par la grâce de Dieu, la monarchie légitime sera rétablie », a-t-il écrit aux royalistes légitimistes... Le duc d'Angoulême veille à l'éducation du duc de Bordeaux, fils posthume de son frère cadet, le duc Charles Ferdinand de Berry, qu'il considère et aime comme l'enfant qu'il n'a pas eu de son mariage avec la duchesse Marie Thérèse.

Revenons au moment où, la révolution gronde à Paris, Louis-Philippe accepte le trône que lui présentent Laffitte, Perier et Thiers. D’abord lieutenant-général du royaume, il devient roi des Français le 7 août ; et commence une nouvelle dynastie (la monarchie orléaniste) : '' bien que Bourbon, et parce que Bourbon...'' !

Au début de la monarchie de Juillet, on assiste à une vague de démissions ( 53 députés, 83 préfets …). Le pouvoir est ouvertement anti-légitimistes et même anticléricale, ce qui crée chez les légitimistes un sentiment de persécution, qui atteint un pic en 1831, avec le lancement d'un mandat par le préfet de police Baude contre l'archevêque de Paris, Mgr de Quelen, suivi de toute une série de brutales perquisitions policières dans toute la France.

Les légitimistes considèrent que la monarchie de juillet va promouvoir les persécutions contre l’Église et tous les fidèles de la France traditionnelle. Subversion, conscription, assassinats, barbaries, viols des sépultures et autres crimes planifiés par le nouveau pouvoir politique placent alors la population en état de légitime défense et suscitent l’insurrection contre-révolutionnaire de 1832.
A suivre …. avec ''Les légitimistes préparent l'insurrection''
Les études de Charles-Louis de Chateauneuf au Collège Royal de Limoges.

Je reviens sur les études de Charles-Louis de Chateauneuf, au Collège Royal de Limoges, qu'il voudrait terminer avec le baccalauréat; il a 16 ans ... Le proviseur est Monsieur Lary.
Sous napoléon, le 17 mars 1808 est créé le baccalauréat. Les candidats doivent être âgés d'au moins 16 ans et l'examen ne comporte que des épreuves orales portant sur des auteurs grecs et latins, sur la rhétorique, l'histoire, la géographie et la philosophie.
Si les collèges (ou lycée) préparent au bac, ce sont les facultés de lettres qui décernent le baccalauréat à des collégiens qui ont achevé leur rhétorique ou leur philosophie... Les facultés de sciences délivraient aussi un bac es-sciences, ou es-math.
Le Bac, est alors équivalent à un concours d'entrée: en 1815, on ne peut être admis au baccalauréat dans les facultés de droit et de médecine sans avoir au moins le grade de bachelier dans les celle des lettres.
Mais, il s'agit alors aussi de concurrence celui de l'entrée à l’Ecole polytechnique, aussi pour rendre l'épreuve plus difficile, on introduit la première épreuve écrite (composition française ou traduction d'un auteur classique).
La classe de première ou de rhétorique prépare à des épreuves orales d'explication de textes anciens, à des questions de Rhétorique, et de mathématiques ...
La deuxième année permet de préparer des épreuves au Concours général, et assure l'admission en licence à l'université ...

Intéressant aussi de se rappeler le « vécu » des collégiens, et celui des professeurs, à cette époque, à Limoges : ( Sources: Pierre Delage, Lycée Gay-Lussac : 5 siècles d'enseignement, Saint-Paul, Le Puy Fraud éd., 2010)

À cette époque, la journée d’un collégien est rythmée de la manière suivante :
5 h 30 : lever (au son du tambour) ; habillage ; prière
6 h 00 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
7 h 30 : déjeuner ; récréation
8 h 00 à 10 h 00 : enseignement des matières littéraires, dans lesquelles s'insèrent les cours de sciences et de mathématiques ...
10 h 00 à 12 h 00 : étude ou cours spéciaux (ex : dessin)
12 h 00 : dîner ; récréation
13 h 30 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
14 h 30 à 16 h 30 : enseignement des matières littéraires ( avec + ou – de sciences ...)
16 h 30 : goûter ; récréation
17 h 00 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
19 h 30 : souper ; récréation
21 h 00 : coucher.

Les collégiens de cette époque sont habillés d’un costume civil, et non militaire, un « frac » en drap bleu foncé, avec col blanc; ils ont, pour se coiffer, un tricorne... Les enseignants portent la robe professorale; les professeurs donnent leurs cours de 8 h 00 à 10 h 00, et de 14 h 30 à 16 h 30, sauf le jeudi...
Charles-Louis de Chateauneuf est bon élève. Et, son professeur de mathématiques, Monsieur Gouré, qui se passionne à le faire progresser dans cette matière, tient à le présenter à l'entrée de l’École polytechnique... Nous avons vu précédemment que Charles-Louis préférerait des études de droit, bien plus attirantes et surtout, parce qu'elles sont un prétexte de vivre à Paris à la façon dont les jeunes gens de l'époque imagine une vie de bohème ...
Seulement... Sa famille ( peu présente ...) et surtout M. Gouré ont des arguments sérieux, financiers, et même spirituels et politiques ...!

Charles-Louis aime le langage virtuel des mathématiques. C'est une manière d'entrer dans les secrets de l'esprit, une logique pour se promener dans les arcanes alchimiques de l'esprit... Monsieur Gouré l'a même initié à ce qui pourrait être à la source d'immenses progrès, l'appréhension de l'infiniment petit, pour de grandioses calculs ...!!! M. Gouré nomme cela: les "Mathématiques transcendantes", c'est à dire le calcul différentiel et intégral... Nous en reparlerons ...

Ayant passé le bac. ès-lettres, Charles-Louis prépare ensuite le bac. ès-sciences jury qui l'admet au grade avec deux boules blanches pour les mathématiques et une boule rouge pour les sciences physiques... Il suit avec M. Gouré les classes de Mathématiques élémentaires, puis la classe de Mathématiques spéciales... Enfin, il se prépare au concours d'entrée au concours de l'École polytechnique, il a vingt ans, mais il est refusé pour la session de l'été 1836...
Le pivot de la formation mathématique est, durant presque tout le XIXe siècle, l’École Polytechnique, centre à peu près unique de la culture scientifique... Stendhal, qui lui aussi, remportait les prix en mathématique, s'était préparé à entrer à l’École polytechnique, alors installée rue de l’Université...

Une autre raison qui compose l'ensemble des raisons qui vont permettre à Charles-Louis de monter à Paris, est d'une part l'attachement de M. Gouré au passé jésuite du Collège, et aux jésuites en général; et d'autre part les convictions légitimistes du professeur ....
M. Gouré assurait au jeune homme que Paris lui ouvrirait les bras, et en particulier ceux de l'un des maîtres du professeur limougeaud : Augustin Cauchy (1789-1857); s'il était initié aux "Mathématiques transcendantes"...
C'est ainsi, que Charles-Louis de Chateauneuf, pourra rejoindre son ami Elie Berthet à Paris... Et, ce sera pour entrer dans un monde des arcanes scientifiques promis par son professeur.. Egalement, il fera connaissance de sociétés, certaines secrètes, qui lui permettront de commencer une Quête personnelle, et continuer celle de ses ancêtres: Roger de Laron et Louis-Léonard de la Bermondie...
Cette quête commence: - par les mathématiques, - la société jésuite nommée '' la Congrégation'' et - la fidélité au roi ''Bourbon'' ...
A suivre ...
Charles-Louis de Chateauneuf – Limoges au XIXe s.
Fils ou neveu : de M. Joseph Châteauneuf ( né en 1759) et de Marie-Catherine-Louise de la Bermondie d'Auberoche ( née en 1780) , mariés en 1803. Jean de Châteauneuf est mort en son château de La Villatte (cne de Saint-Junien-la Brégère, Cr.) vers 1820...

Marie Catherine de La Bermondie, née vers 1780, a pour parents: Jean Léonard de La Bermondie né le 16 avril 1739 et Jeanne de VILLOUTREYS née vers 1740 ou 1750...
Charles-Louis de Chateauneuf est né en 1816, sans doute enfant adultérin...
Il est placé en nourrice dans la campagne environnante, et grandit ainsi, avant d'intégrer le collège royal ( nom sous la restauration) de Limoges, en qualité d'interne...
De bonne heure, il se livre ainsi à la vie contemplative, à l'observation de la nature et l'écoute des contes et légendes qu'emplissent les veillées dont il est friand....

Puis, il parcourt les romans du dernier siècle, et autres miraculeux trésors qu'il peut arracher à sa famille, qu'il voit peu … Son goût pour la lecture va vite devenir impérieux... Ses loisirs en sortie du Collège se passe chez les bouquinistes de Limoges.
Le Collège Royal ( plus tard Lycée Gay-Lussac) a peu changé depuis ; si ce n'est en 1828, la chapelle ( abandonnée...) qui – réouverte au culte - est dotée à présent d'un plafond et d'une toiture ; et, la construction des quatre dortoirs des pensionnaires , dans une aile construite sous l'Empire...

On a repris la désignation des classes des ex collèges des Jésuites : classes élémentaires (8e, 7e) jusqu'à la classe de philosophie...: De la 6e à la 3e les élèves doivent rendre chaque jour un thème (une traduction du français en latin). En seconde on ajoute des pièces de vers latins et en rhétorique des exercices de thèmes et de versions latines et grecques, des exercices de prose. On cherche à développer l’élocution écrite.
On y enseigne aussi : le français, les premiers principes de géographie, d’histoire et de mathématiques, puis se renforcent les sciences : le cours de sciences physiques (zoologie, botanique, minéralogie, chimie, physique) est commun aux classes de 3e/2de/Rhétorique …
Un professeur de philosophie ( pour la première fois il n'est pas prêtre) va les marquer : Charles Mallet (1807-1875) nommé en 1832, au collège royal de Limoges, en remplacement de l'abbé Garrigou. Ch. Mallet élève de l'Ecole normale a passé le concours de l'agrégation de philosophie sous la présidence de Victor Cousin (1792-1867), autre personnage que rencontrera C.-L. de Chateauneuf....

Charles-Louis rencontre un camarade de son âge avec qui partager sa passion, il se nomme Elie Berthet. Le jeune Elie, a, de plus, le goût de l'écriture et lui fait noter sur un cahier les récits du jeune romancier qu'il devient …
A la suite d'Elie Berthet, Charles-Louis devient excellent en rhétorique et en mathématiques ; tous deux se partageant les prix ...
Le père d'Elie Berthet est un négociant de Limoges, honorable mais peu riche... Il s'inquiète de l'avenir de son fils qui semble plus attiré par la passion littéraire que par une profession bourgeoise... A douze ans, il était passionné de botanique ; et possédait déjà une riche collection de papillons et d'insectes qui peuplaient alors le Limousin... Avec l'aide de Charles-Louis, ils vont enrichir cette collection ; le but secret entre eux est de ne jamais être à charge et de subvenir eux-mêmes à leurs besoins... Ainsi, ils vendront à des amateurs les collections d'histoire naturelle ainsi composées...
Leur rêve serait de ''monter'' à Paris, faire leur droit, vivre de ''bohème'' etc ...

«L'étude la plus charmante pour une femme, et surtout pour une jeune fille, est celle de la botanique. Cette science s'apprend avec une extrême facilité par la pratique, et l'on se crée ainsi une source de jouissances intarissable, en même temps que l'on jette un peu de poésie dans l'existence, si dure et si brutale pour tous. J'aime beaucoup la botanique, et je m'efforce de communiquer ce goût à mes petits-enfants. Elie Bertet ». autographe
Limoges autour de 1830:

En 1827, Limoges est soumise à une triade autoritaire :
- le préfet : le rigide baron de Coster
- l'évêque, Prosper de Tournefort, enfermé dans ses positions réactionnaires,
- le maire : Athanase Martin de la Bastide qui règne sur la ville de son château en campagne limousine ...

Dès le 30 juillet 1830, après la fuite de Charles X, les républicains proposent au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume . Le 7 août 1830 après un vote favorable des Chambres il devient Louis-Philippe 1er. Il refuse le titre de roi de France qui l’aurait fait Philippe VII et se fait proclamer roi des Français. Ce nouveau titre, déjà porté par Louis XVI de 1789 à 1792, lie la monarchie au peuple et non plus au territoire. Comme autre symbole fort, la nouvelle monarchie adopte le drapeau tricolore pour remplacer le drapeau blanc de la Restauration.

A Limoges, la précarité de la condition des ouvriers, les a conduit à participer aux mouvements de révolte et de révolution. Pendant la révolution de 1830, de juillet à novembre, des grèves éclatent pour l'augmentation des salaires et la diminution de la journée de travail.
Tous les députés élus sont des libéraux... C'est la fin de trois décennies ''calmes''...
C'est véritablement alors l'heure de la bourgeoisie triomphante. Le nouveau Maire Fr. Alluaud entend insuffler modernité et progrès dans la gestion de la ville...
François II Alluaud s’attelle à poursuivre l'œuvre de son père et implante une usine de porcelaine aux Casseaux en 1816, en bord de Vienne, à une époque où celle-ci était une authentique route du bois. Il est également Maire de Limoges (1830-1833), et va participer à l'amélioration de la qualité de fabrication, de cuisson, et va franchir les barrières esthétiques en terme de création. Sous son influence, l'industrie porcelainière de Limoges va devenir une véritable industrie d'art.

Après les 3 glorieuses (1830) , les naveteaux armés de leur interminable lancis figurent dans les rangs de la garde nationale.
A noter en 1835, une très grave inondation des bords de Vienne...
Après six siècles de durée, le pont Saint-Martial et le pont Saint-Étienne servent encore aux communications de deux pauvres faubourgs, et heureusement ils ont tout juste assez d'utilité pour qu'on les entretienne...

Entre 1833 et 1839, le Pont-Neuf est construit puis livré à la circulation le 29 juillet 1839. La première pierre de ce pont a été posée le 17 juillet 1832. Cette pierre renferme une plaque en porcelaine portant les noms des officiels. Appelé pont ''Louis Philippe'' , il fut baptisé ''Pont Neuf'' après la révolution de 1848. Les emplacements prévus pour de grandes assiettes en porcelaine évoquant l'importance de la profession et sa vocation à réaliser des chefs d'oeuvre , sont hélas demeurés vides.

Le champ de juillet fut établi en 1830 pour permettre les charges d’entraînement des régiments de cavalerie, dont le XXème dragon. L'armée refuse le lieu qui devient un espace de promenade... L'oeuvre des frères Bühler, célèbres paysagistes du XIXe siècle, en 1858 a disparu, et est malheureusement oubliée. (Le jardin a été entièrement reconstruit dans sa partie basse vers 1928.)
1840, voit le Théâtre, place Royale ( de la République )
1846, le Palais de justice
1852, une halle sur la Place de la Motte

1856, la gare d'Orléans
1861, la Caserne de la Visitation...
La Porcelaine :
Vers 1830, la grande industrie de Limoges, reste la production de textiles. En 1837, la ville compte 25 manufactures de flanelles établies au bord de Vienne. Le déclin est du à la concurrence des tissus du nord de la France ; et il est contrebalancé par le développement de la porcelaine...

Sous la Restauration, l’augmentation de la production de porcelaine, sans doute liée à une augmentation de la consommation, est notable. Elle est due à deux facteurs : l’abondance des matières premières – kaolin et bois – dans la région et la présence d’une main-d’œuvre nombreuse et habile. En 1830, on inventorie seize fabriques, puis vingt-quatre en 1836-1837, soit quarante fours. Onze d’entre elles sont établies à Limoges et les autres en Haute-Vienne. Au niveau des effectifs, l’enquête industrielle de 1840-1844 recense 3198 personnes travaillant dans l’industrie porcelainière, qui est ainsi la première de la région. La production est alors majoritairement constituée de porcelaine blanche. Les décors sont principalement exécutés par des artistes qualifiés à Paris ou Toulouse, principaux centres de vente de cette porcelaine. Cependant, des ouvriers porcelainiers limousins décorent également la porcelaine. Quant aux exportations, elles se font en direction des marchés allemand, italien, espagnol et américain, mais encore modestement.
Charles-Louis de Chateauneuf – Un enfant du siècle : le XIXe

Jean-Léonard de la Bermondie, naît en 1739, en Limousin... Ancien page du Roi, officier dans les Gardes Françaises ; il y rencontre le marquis de Lusignan, avec qui il emprunte le chemin de la Franc-maçonnerie... Fort de l'héritage de son ancêtre Roger de Laron, templier...; il découvre diverses routes qui conduiraient au Graal; et comme émigré (pendant la révolution ), la pilosophie...

Avant de tourner cette page, il laisse à sa descendance les traces de ce chemin de vie. Le relais va être assuré par Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges...
Il y a tout juste 200 ans, naissait une génération qui s'est fait appeler ''enfant du siècle''...
L'une des meilleures illustration de ce type d'homme et de femme, est le roman d'Alfred de Musset (1810-1857): '' La Confession d'un Enfant du Siècle '', roman autobiographique publié en 1936...

Cette histoire est inspirée de la passion réelle vécue par Alfred de Musset et George Sand entre juillet 1833 et Mars 1835. Ces amours cohabitent avec la vie de débauche dont Musset ne parvient pas à se défaire et avec la liaison que Sand a avec le docteur Pietro Piagello à Venise. Dans le roman, tout y est romancé et rien ne s'est réellement passé comme le décrit Musset. Le procédé sera repris par George Sand (1804-1876) elle-même dans son texte '' Elle et Lui'' (en 1859), où tout et rien ne sont vrais … !
''Enfant du Siècle '': désigne les temps nouveaux, placés sous le signe du héros fondateur ( « Ce siècle avait deux ans. Rome remplaçait Sparte »), à présent déchu ; mais signifie encore : gloire, énergie, espoir, avenir, jeunesse.

« C'est à nous jeunes gens, enfants du siècle et de la Liberté, à favoriser l'aurore du bonheur des nations, à faire accorder la sûreté des trônes avec la liberté des peuple... » écrit le jeune Balzac (1799-1850) (Sténie : roman inachevé commencé en 1819) ).
Victor Hugo (1802-0885) , se reconnaît lui-même dans ''Feuilles d'automne '' : « Je suis fils de ce siècle !... »
E. P. de Senancour (1770 - 1846), écrivain du premier romantisme français. Dans ses Rêveries, il décrits les enfants du siècle, comme des « esprits légers et insouciants, enivrés d'esprit et privés d'âme, qui voient dans le monde comme il va, le monde comme il doit aller.»
Ce siècle est nourrit des nostalgies de la noblesse mais aussi des mécomptes de la liberté puis des humiliations de la défaite. On y retrouve mêlés : vocabulaire passéiste, et attitude aristocratique, avec une inquiétude métaphysique ou sa crispation en révolte.

Benjamin Constant dans son roman autobiographique paru en 1817 : ''Adolphe'', met en scène les relations amoureuses entre Adolphe, un jeune homme de bonne famille, et Ellénore ( inspirée de plusieurs femmes, mais surtout de Germaine de Staël )... cette œuvre exprime ce mal du siècle; l'auteur affirme en effet : « J'ai voulu peindre dans Adolphe une des principales maladies morales de notre siècle : cette fatigue, cette incertitude, cette absence de force, cette analyse perpétuelle, qui place une arrière-pensée de tous les sentiments, et qui les corrompt dès leur naissance ».
Je reviens à la Confession d'un enfant du siècle (1836), ; avec le film de Diane Kurys, on entend Musset prononcer ces paroles ( et qui est en fait un résumé du Chap II de la Confession.):

« Le monde était en ruines, et nous venions au monde. La guerre était finie, nous arrivions après la gloire, après l’idéal, il nous restait le désespoir pour seule religion et pour toutes passions et mépris. Les femmes s’habillaient de blanc comme les fiancées, et nous les enfants du siècle, vêtus de noir comme les orphelins, nous les regardions, blasphème à la bouche et le cœur vide. J’allais dans ce désert, serré dans le manteau des égoïstes… quand soudain, je la rencontrai… »
Voilà ce qui en est de cette génération : '' Enfant du Siècle''.
Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges, tentera lui, de se défaire de cet atavisme, en retrouvant des racines bien plus anciennes...
A suivre ...
Le Romantisme, la philosophie et les Mythes. 2/2

En 1793, Fichte (1762-1814) est nommé Professeur de philosophie à Iéna, où il succède à Karl Leonhard Reinhold, qui était lui aussi un disciple important de Kant et une source d'influence pour Fichte. Ce dernier suscite très vite un enthousiasme considérable par son éloquence, par la fulgurance et la nouveauté de ses idées, mais aussi par le caractère en apparence énigmatique, voire hermétique de sa pensée. Il est renommé dans toute l'Allemagne et même en dehors ( c'est Madame de Staël qui le fait connaître en France).
La '' Querelle de l’athéisme '' ( de 1798 à 1800) contraint Fichte à renoncer à son poste de professeur de philosophie à Iéna... et rappelle les '' péripéties '' connues par Spinoza un peu plus d’ un siècle avant Fichte.
Fichte, dans son ouvrage pointe ses accusateurs en les vilipendant comme « idolâtres ». Selon lui, toute conception de « Dieu » comme « substantiel », comme une entité distribuant des récompenses et des punitions sous forme de bien être ou de mal être, doit être écartée comme idolâtre.

« Un Dieu qui doit être le serviteur des désirs est un être méprisable ; il remplit une fonction qui répugnerait à tout honnête homme. Un pareil Dieu est un méchant être ; il entretient et éternise la perdition des hommes et la dégradation de la Raison ; un pareil Dieu, c'est à proprement parler et tout justement ce Prince de la terre, jugé et condamné depuis longtemps par la bouche du Verbe dont il fausse les paroles. Son office est l'office de ce Prince ; sa fonction, de subvenir aux besoins de la police. Ce sont eux les véritables athées, ils n'ont absolument pas de Dieu ; ils se sont forgé une idole impie... Accomplir certaines cérémonies, réciter certaines formules, croire des propositions incompréhensibles, ce sont tous leurs moyens de se mettre bien en cour avec lui et de recevoir ses bénédictions. Ils adressent à Dieu des louanges, ils lui font une gloire, dont un homme ne voudrait pas ; et, ce qu'il y a de plus impie, ils ne croient même pas aux paroles qu'ils prononcent, ils s'imaginent seulement que Dieu aime à les entendre, et pour avoir ses faveurs, ils abondent en ce sens. » Fichte

Je rappelle l'évolution conceptuelle : avec Descartes je m'interroge sur ce qui est réel : je peux être victime d'erreurs, d'illusions...mais ce qui certain c'est que J'existe ( je pense être). Suis-je alors limité à ma propre perception ? Descartes ''croit en Dieu'', il est celui qui conduit ma pensée...
Puis-je penser le réel, sans faire appel à une Transcendance ?
C’est en ce sens que Kant propose de distinguer les « choses en soi » : qui est l’inconnaissable réalité objective des simples « phénomènes », qui sont ce que je perçois, grâce à l’aide d’un certain prisme : celui de l’espace, du temps, de la grandeur, des relations de cause à effet, etc.
Mais... - Y a t-il plusieurs ''choses en soi'' .. ? - Leur existence est-elle nécessaire... et seraient-elles la cause des ''phénomènes'' ?
Fichte, lui répond de façon ironique : « Comment ! tu es capable de parler d’une réalité, sans en rien savoir, sans en avoir au moins obscurément conscience, sans la rapporter à toi ? ...»
Précisément, pour Schelling, l'athéisme consiste à séparer l'homme de Dieu... Moi et non-moi, sujet et objet, phénomène et 'chose en soi' ne forment qu'un. Le monde est unité essentielle et il n'y a pas lieu d'opposer le monde idéal et le monde réel. Humain et nature ne sont que les deux faces d'un seul et même être, l'Un, l'Absolu...

Panthéiste Schelling ? Pourtant, il affirme que Dieu est point de départ, à la fois existence nécessaire, mais dès l'origine « puissance » (possibilité) d'une autre existence. La création est actualisation de cette puissance de l'être autre. L'homme est le point où l'unité des puissances est restaurée mais actualisant à nouveau cette puissance, cette fois sur le plan de la conscience : c'est l'odyssée religieuse de l'humanité d'abord sous la forme ''imaginaire'' de la mythologie puis sous la forme d'une conscience délivrée, en personne dans la Révélation.
Attention : ''imaginaire'' ne signifie pas '' qui n'existe pas '' … ! ( Voir le monde imaginal de H. Corbin...)
Sources : diverses.., notamment Van Riet Georges. Mythe et vérité. In: Revue Philosophique de Louvain.
L'émigration – le Romantisme, la philosophie et les Mythes. 1/2

L'émigré, J. L. de la Bermondie, arrive donc en Allemagne ; avec sa principale question qui concerne le Graal, le Mythe... Des articles précédents ont fait référence à Roger de Laron, chevalier templier, dont il est l'héritier …
Et précisément, il se rend compte qu'ici, des intellectuels en ont fait un problème philosophique ...
Quel est ce problème ? Tout simplement, celui de savoir ce qu'est un mythe, ce qu'il signifie, comment il faut le comprendre et l'apprécier. Quel est le sens du mythe, quelle est sa fonction dans la vie humaine, quelle valeur doit-on lui reconnaître ?

Auguste Schlegel (1767-1845) écrivain, philosophe ; en 1798 professeur à Iéna, fonde avec son frère la revue Athenaüm; il y a là également Ludwig Tieck, Wackenroder, Novalis … D'abord marié avec l'étonnante Caroline Michaelis... En 1804, il devient l'un des amants de Madame de Staël... Il lui restera fidèle jusqu'à sa mort ( à elle en 1817). Il écrit :
« Le mythe est un produit universel et nécessaire de la faculté poétique des hommes: c'est en quelque sorte une poésie originelle du genre humain »... Schlegel définit la mythologie comme « langage imagé de la raison et de l’imagination, sa sœur : ici, chaque corps se voit attribuer une âme, et tout ce qui est invisible est rendu visible »
Ces formules indiquent clairement que la mythologie n'est pas le produit d'un passé lointain ou d'une époque primitive de l’humanité. Comme le langage, elle constitue au contraire un phénomène indissociable du fait d'être homme, un principe structurel de son esprit.

L'homme appréhende le Monde par le mythe. Le peuple s'approprie le mythe et lui donne vie. Les allusions symboliques du mythe font qu'il est parfaitement reconnu par notre imagination... « Le premier mouvement de notre imagination est celui par lequel notre existence et le monde extérieur deviennent réels pour nous », écrit Schlegel...
« L'homme donne une forme humaine à toutes les forces de la nature qu'il perçoit. La personnification est la figure universelle de son langage naturel. » A. Schl.
« Le langage n'est pas un produit de la nature, mais une reproduction de l'esprit humain, qui y consigne l'apparition et les affinités de sa pensée, et tout le mécanisme de ses opérations.

Dans la poésie, quelque chose de déjà formé est donc à nouveau formé; et la capacité de son organe à prendre forme est aussi illimitée que la capacité de l’esprit à revenir sur lui-même par des réflexions toujours portées à la puissance supérieure. Il n'est donc pas surprenant que la manifestation de la nature humaine puisse en poésie plus que dans les autres arts se spiritualiser et se transfigurer, et qu'elle sache s'y frayer une voie jusqu'à de secrètes régions mystiques » A. Schl.
Critique de la philosophie des ''Lumières'' dans les leçons de Berlin d' August W. Schlegel :
L'âme humaine, écrit Schlegel, est divisée, comme l'est le monde extérieur, entre « lumière et ténèbres », et « la succession du jour et de la nuit est une image très pertinente de notre existence spirituelle ». Tandis que la lumière de la raison nous enchaîne aux « conditions de la réalité », celles-ci sont abolies la nuit, entourées d'un « voile bienfaisant », et c'est ainsi que s'ouvrent « des perspectives sur les espaces du possible ».
En ce sens, la raison et l'imagination représentent les forces fondamentales de notre nature : la raison « toujours à la recherche de l’unité », l'imagination « produisant sens cesse une variété illimitée ».

Schlegel illustre l’indépendance de l'imagination face à la raison, en évoquant les rêves où l'imagination « s'adonne à ses jeux sans connaître aucune contrainte ».
Le philosophe Friedrich Wilhelm Joseph (von) Schelling (1775-1854) fera également de la mythologie, au fil des années, sa préoccupation principale...
En 1790, il rentre au Stift (séminaire) de Tübingen où il rencontre Hölderlin et Hegel.
En 1798, Schelling arrive à Jena. Comme Novalis et Ludwig Tieck , il fréquente également Schlegel. Il s'engage, même, dans une histoire d'amour avec Caroline Michaelis-Schlegel (1763-1809), qui est tolérée par son mari ; elle a créé autour d'elle un cercle d'écrivains qui est le creuset de toutes ces nouvelles idées …

En 1800, August Schlegel part à Berlin ; il va se séparer de Caroline qui va se marier en 1803 à Schelling...
À cette époque, l'idée la plus répandue sur les mythes était la suivante : ceux-ci seraient, ou bien le résultat de l'imagination des hommes, ou bien des vérités déguisées, traduisant la réalité par des allégories ou des métaphores.
Schelling s'oppose radicalement à cette interprétation du mythe. Pour lui, le mythe ne peut être d'aucune manière le résultat de l'imagination de l'homme, c'est au contraire la conscience de l'homme qui est le résultat des mythes. Les mythes ne sont ni des vérités cachées, encore moins des allégories ou des métaphores.
Les mythes sont des tautégories ( définition : les figures mythologiques signifient ce qu'elles sont et sont ce qu'elles signifient. ): ils ne disent rien d'autre que ce qu'ils disent. La question n'est pas de savoir s'ils sont vrais ou faux. Ils existent et ne signifient que ce qu'ils sont.

Quand j'écris ( voir: St-Augustin, Zundel … Secrétan...) « en moi habite quelqu’un de plus grand que moi », je suggère que la transcendance ne m'est pas externe, mais interne ; ce qui dépasse mon moi, est en moi...
« En nous tous est présente une faculté mystérieuse et merveilleuse, celle de nous retirer dans la partie la plus intime de nous-mêmes (...) afin d'intuitionner l'éternel en nous, sous la figure de l'immutabilité. Cette intuition est l'expérience la plus intime, la plus proche, celle dont dépend tout ce que nous savons et croyons quant au monde suprasensible » ( A. Schelling. Lettres sur le dogmatisme ..).
L'émigration – le Romantisme et Germaine de Staël.
Weimar_1803 - Le peintre Otto Knille a réuni dans sa fresque Weimar 1803 les romantiques allemands des deux premières générations, le Sturm und Drang et le Cercle d'Iéna.
'' De L’Allemagne''
Les émigrés vont introduire le Romantisme dans la littérature française. Le rationalisme ( façon ''Lumières'' à la française) devient suspect...

''De l’Allemagne'' de Germaine de Staël grand succès après 1815 – au moment où les émigrés rentrent en France - est un livre qui va assurer la diffusion de ces idées...
En 1810, la police impériale avait saisi en France les 2000 exemplaires imprimés et seront pilonnés.
Napoléon lui fait rapporter :« Nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez.. Votre dernier ouvrage n’est point français. »
L’ouvrage paraîtra à Londres en 1813 et à Paris en 1814.
Qu’y a t-il donc de si terrible dans ce gros traité en deux volumes?

Madame de Staël dénonçait déjà la stérilité, ou plutôt l’épuisement, du classicisme français.
Elle attendait la régénération par les auteurs du Nord, qui ont rejeté ce carcan de règles. C'est Germaine de Staël - fille des Lumières, attirée par la rêverie poétique et sensible à la relativité de choses – qui popularise le mot '' romantisme '' : Déjà Delphine et Corinne ont fait souffler des ouragans sentimentaux.., assez proches de ceux rencontrés dans sa vie privée …

« Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme. » (…) « ... en considérant la poésie classique comme celle des anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques. Cette division se rapporte également aux deux ères du monde: celle qui a précédé l'établissement du christianisme, et celle qui l'a suivi. » G d St ( Chap XI De la poésie ...)
En 1803-1804, Germaine de Staël séjourne à Berlin, Francfort et surtout Weimar. Cette dernière ville lui semble une nouvelle Athènes, en moins classique. Schiller, et même Goethe, prennent peur devant cette femme qui raisonne tant et si vite...
Elle semble n'avoir peu de goût pour la philosophie idéaliste qui conduit – affirme t-elle – au mysticisme et à la superstition... Germaine de Staël, aura besoin d'être initiée au kantisme : un jeune anglais Henry Crabb Robinson (un puits de science..) va s'en charger... Puis, elle réussira à s'attacher Auguste Schlegel, avec le prétexte qu'il soit le précepteur de son fils Augustin.

En 1811, un second voyage en Allemagne va compléter ce panorama, une vision de l'Allemagne, contrastée avec un Sud presque latin et un Nord brumeux à souhait... Une Allemagne négligée : jusque-là, l’Europe attendait la lumière du Sud... Il existe, au-delà du Rhin, des écrivains, des philosophes, des peintres aussi, qui innovent, alors que la France impériale stagne. Paris doit cesser de se regarder le nombril...
Une Allemagne en pleine mutation. Politique aussi, puisque Napoléon a supprimé en 1806 le Saint Empire romain-germanique, mais aussi morale et intellectuelle. Les Français ont l’habitude d’une Allemagne faible et morcelée (elle compte environ 400 états !).. Par ses guerres, Napoléon accélère son unité comme sa «germanicité»...

Au contact des penseurs allemands, Mme de Staël, va accepter l'idée d'une double nature chez l’humain : d'une part l’empire des sens, auquel est abandonné le monde visible ; et le monde invisible de la pensée, du sentiment, de l’âme, donc immatériel.
« Le jour où l’on a dit qu’il n’existait pas de mystères dans ce monde, ou du moins qu’il ne fallait pas s’en occuper, que toutes les idées venaient par les yeux et par les oreilles, et qu’il n’y avait de vrai que le palpable, les individus qui jouissent en parfaite santé de tous leurs sens se sont crus les véritables philosophes. Faut-il donc appeler du nom de folie tout ce qui n’est pas soumis à l’évidence matérielle ? » ( G de St. De L'Allemagne )
Si Mme de Staël s’accorde à accepter, qu'il y a des phénomènes dont on ne peut pas saisir l’essence car l’individu ne perçoit que sa manifestation extérieure. Pour Friedrich Schlegel ( le frère d'August...), cependant, l’individu peut, à travers l’esprit poétique, percevoir dans la réalité des fragments de l’essence divine des choses...

Madame de Staël s’intéresse à la façon dont la religion se rattache, en Allemagne, à tout un système littéraire et philosophique basé sur un sentiment de l’infini, «positif et créateur», et sur une absence de limites, auxquels la plupart des écrivains allemands rapportent leurs idées religieuses.

Le sentiment religieux de l’infini, que la nature a revêtu de divers symboles, étant le véritable attribut de l’âme. Elle se rattache de nouveau aux théories des romantiques allemands sur la capacité de l’esprit poétique de percevoir des fragments de l’essence divine des choses par le biais des combinaisons - chimiques - des différents éléments qui composent la nature.
Ce sentiment religieux permet donc de lier les méditations philosophiques aux plaisirs de l’imagination et aide l’esprit poétique à souligner les contrastes dans la nature et dans l’âme. Ainsi, les poètes mystiques allemands se rattachent au sentiment d’une religion qui est loin du protestantisme ou du catholicisme.
Germaine de Staël se méfie de la tendance mystique de la religion... Elle va aussi évoluer sous l'influence de A. Schlegel, et de Charles de Villers, Elzéar de Sabran... N'oublions pas alors la tendance ''illuministe'' de mouvements religieux et théosophiques en Allemagne ...
Dans De l’Allemagne, Mme de Staël note aussi que les grands intellectuels allemands s’occupent d’occultisme et d’alchimie... mais, elle, ne peut pas tout accepter...
Germaine de Staël reste sceptique : « tout ce qui n’est pas susceptible de preuves peut être un amusement de l’esprit, mais ne conduit jamais à des progrès solides ». ( G de St. De L'Allemagne )
L'émigration – Charles de Villers, Dorothea Schlözer et Germaine de Staël

Avant de revenir à Madame de Staël et Villers, il faut parler de Dorothea von Rodde-Schlözer (1770-1825), elle est une des personnalités féminines allemandes étonnantes de cette époque. Fille d’August Ludwig Schlözer, professeur d’histoire et de politique à l’université de Göttingen, elle est la première femme allemande à être élevée au titre de docteur en Philosophie obtenu à l’âge de dix-sept ans en passant brillamment des épreuves aussi diverses que les mathématiques, le latin et l’architecture. Cette spécificité la rend célèbre dans l’Europe des Lumières... A quatre ans, elle lit. À l'âge de cinq ans, elle étudiait la géométrie. À 16 ans, elle maîtrisait dix langues..
Buste de Dorothea von Rodde-Schlözer, par Jean-Antoine Houdon, Paris, 1806
Elle se marie en 1792 avec Mattheus Rode, un marchand et sénateur beaucoup plus âgé qu’elle, mais après sa rencontre en 1794, elle entretient une relation amoureuse, et peu conventionnelle avec Charles Villers (1765-1815).
En 1801, Dorothea Schlözer se rend à Paris dans le cadre d'une mission diplomatique de son mari. Villers et ses enfants l'accompagnent. A Paris , ils cherchent à rencontrer des savants : elle fait la connaissance du naturaliste Lacépède , du géologue Dolomieu et du philologue Fauriel . Elle visite des galeries, rencontre Jacques-Louis David et Jean-Baptiste Isabey. Anicet Charles Gabriel Lemonnier fait son portrait et Jean-Antoine Houdon crée un buste d'elle.
Quelques années plus tard, son mari est ruiné (1810) et Villers et deux de ses enfants meurent... Affligée et affaiblie par une santé fragile, elle décide de s’installer dans le sud de la France et meurt à Avignon en 1825.

Revenons à Charles de Villers, et sa rencontre avec Madame de Staël :
« On trouve toujours M. de Villers à la tête de toutes les opinions nobles et généreuses; et il me semble appelé, par la grâce de son esprit et la profondeur de ses études, à représenter la France en Allemagne, et l’Allemagne en France. » Madame de Staël, De l’Allemagne
Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 ) « Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment ..."
Une active correspondance s'était engagée entre Villers et Mme de Staël : « Villers m'écrit des lettres où l'amour de Kant et de moi se manifestent » écrit-elle le 23 Octobre 1802 à Camille Jordan.
En Octobre 1803, elle fait la connaissance de Charles de Villers à Metz, alors qu'il se rend à Paris.

C'est alors l'occasion d'un marivaudage entre Villers et Mme de Staël, qui insiste pour qu'il l'accompagne en Allemagne... Mme de Rodde, l'égérie de Villers, s'en inquiète fortement... Au départ de Germaine, Villers, ensuite, se cache pour lui écrire...
« Deux journées se sont écoulées lentement, après d'autres si rapides, deux journées pleine de mélancolie, d'amertume, de rêveries, de regrets. Je restai avant-hier comme inanimé à la place d'où je vis disparaître la voiture qui vous emportait... Ils (ces jours) laisseront en moi à jamais le sentiment profond d'un bonheur plus qu'humain, une estime de moi-même que je n'ai due qu'à vous, le souvenir ravissant d'avoir été élevé par vous au premier rang entre les hommes, la certitude de ne pas mourir sans avoir connu toute la lassitude de l'existence et l'ivresse et l’énergie dont un être est susceptible. » ( cahiers staëliens N°7 mai 1968)

La conception idéalisée de l’érotique allemande présentée par Villers dans son essai de 1806, sur la manière essentiellement différente dont les poètes français et les allemands traitent l’amour, qu’il oppose à la tradition du roman galant français dans le but de donner une nouvelle orientation à la littérature française, prend sa source dans la haute estime qu’il a pour la philosophie et la religion allemandes, exprimée dès son Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther de 1804.
Villers interprète les violences de la Révolution française comme la conséquence d’un très ancien matérialisme mettant l’accent sur le plaisir et sur le corps, en contraste avec la culture allemande centrée sur l’âme et la vertu.
Raison et Religion, avec Kant
Pourquoi réinventer les réflexions déjà argumentées par nos plus grands penseurs... ?

Que nous dit E. Kant (1724-1804) sur ce sujet toujours débattu ?
Par l’intermédiaire d'une conférence de Monique Castillo ( docteur en Philo et prof à Paris Créteil), voilà ce que j'en retiens....
* La raison ne doit pas réduire la religion à la superstition ; même face à une posture irrationnelle de la religion... Kant nous invite à penser la religion selon la raison ; la raison étant éduquée à respecter les conditions de la rationalité scientifique et donc limiter ses prétentions …
La raison se limite elle-même si elle ne critique que la caricature de la religion. Et, la religion ne peut que susciter de l'agacement, quand elle ne fait aucun cas de nos intelligences critiques ( exemple : condamnation pour sorcellerie...etc)
Quand la raison prétend nous délivrer de la superstitions … Elle risque de réduire la religion au plus bas degré de l’irrationalité … Et, déclarer le sacré comme une superstition; un mystère, ne serait plus qu'une mystification ; et l'amour : une aliénation … Déclarer la religion comme l'opium du peuple... c'est supprimer toute la religion pour l'un de ses vices … (Tuer une mouche avec un canon … !)

Kant: ''la religion dans les limites de la simple raison'', ne tombe pas dans ce piège... Kant part du caractère indéracinable du Mal qui est commis par les hommes... Le problème du Mal interpelle autant la religion que la raison … Il nous faut interroger l'horreur des crimes du XXe siècle … ? Péché ou crime c'est toujours la liberté humaine qui choisit d'agir contre le bien ...
** Pourrait-on espérer une Révélation religieuse entièrement rationalisée... ? Non, le Kantisme résiste à cette idée. Il faut penser l'homme tel qui est... L'histoire est une tache à réaliser et le kantisme ouvre à la raison aussi bien qu'à la religion le chemin de l'espérance …

La Raison peut-elle absorber la religion ?
L’intelligence ordinaire ne sait pas comprendre la Vie, puisqu'elle décompose la vie... Elle ne comprend la vie que par la mort … ( la science ne peut appréhender la Vie dans sa totalité).
La religion comprend la Vie par ce qu'elle surmonte la mort … Selon la formule de Hegel : « ce n'est pas cette vie qui recule d'horreur devant la mort et se préserve de la destruction mais la vie qui porte la mort et se maintient dans la mort même qui est la vie de l'esprit »
Le Messianisme moral en politique a un énorme défaut : il arrête l'histoire, quand la promesse s'accomplit ! Pour Kant, l'histoire humaine ne se clôture par aucune eschatologie …
Une religion qui se laisserait absorber par la raison, ce serait se transformer en ''civilisation'' chrétienne... Il faut s'inventer en permanence pour continuer d'exister. L'humanité n'est pas le résultat de l'histoire, elle en est le but …

*** Un autre scénario serait une raison réduite à l'impuissance par la religion : ainsi une religiosité conquérante qui déclare la guerre à la raison, pour imposer une domination …
Cet obscurantisme doit être combattu aussi bien par la religion que par la raison …
Kant a fondé la rationalité scientifique et morale … Nécessité d'un dialogue, la raison ne peut qu'interroger, critiquer, comprendre … Exclure et condamner ne sert à rien …
La religion dit des choses qui nous dépasse , mais qui nous inspire …
Pour le fanatisme, la fin de l'histoire réclame la fin de l'humanisme, de la raison, de la science, pour être le triomphe définitif du Divin sur la terre comme au ciel … !
La Raison a du mal à relever le défi de cet usage pervers de la religion. Elle est réduite à l'impuissance. Le fanatisme a toujours raison , et contre la raison elle-même …
La raison est incapable de réagir contre un dogme qui s'est immunisé contre tout ce qui peut être dit. La religion accuse la raison qui s'exprimer contre le dogme, d'attiser la haine sociale.. Il existe un certain ''holisme'' du fanatisme, qui tend à l'absorption de l'individu dans le tout …
**** Le kantisme peut-il proposer une riposte à ce défi contemporain ?
L'un des ressorts de l'approche philosophique kantienne de la religion : consisterait alors à
- la confondre pour impiété et pour impureté doctrinale, pour porter atteindre à sa justification …
- inviter la raison à empêcher la religion de tomber dans l'illusion, la superstition et la pensée magique … Favoriser la dynamique morale en lutte contre ses propres dérives, éviter la perversion de la religion …
Rien n'est plus à craindre pour Kant, qu'une religion qui soumet les individus, qui abolit leur raison et leur liberté, qui cède à la peur de puissances occultes, et conforte les pouvoirs qui réduisent la religion à un simple instrument idéologique de domination...

La raison doit être capable d'interprétation.
La religion parle par des symboles qui sont les expressions d'un sens qui agit lui-même par la voie de l'inspiration; et un symbole - explique Kant - est ce qui donne à penser au delà de ce qui est scientifiquement connu... Ainsi la raison qui traduit les symboles de la religion contribue à en communiquer l'inspiration tout en la préservant des dérives …
La religion est, dans les limites de la raison, une activité de désaliénation ; tout comme inversement la vraie raison n'est pas celle qui détruit la foi mais permet de témoigner de sa liberté...
Alors...? Il est pas bien Kant ...?
Nous sommes au XXIè siècle ! Et pourtant.. Kant, c'est le XVIIIe... !
Un mot, encore..: si aujourd'hui, nous pensons à l'islamisme, à l'époque chacun pensait au Christianisme ...!
L'émigration – L’Allemagne, Kant : Charles de Villers et Germaine de Staël
Dans les années 80, J. L. de La Bermondie, le répète : « Tout semblait possible, sauf l’exécution du Roi, sauf cette révolution-là !»
Les '' Lumières'' qui enchantaient les intellectuels, les lettrés, espéraient et soutenaient une monarchie qui s'adapterait aux transformations économique, politique et sociales inévitables... D'ailleurs cela se vérifiait dans les états des Habsbourg, et surtout en Angleterre où le roi n'exerce pas par la grâce de Dieu, mais par le libre consentement de ses sujets par le biais du parlement …

Je ne sais rien de ces années d'émigration concernant J. L. de la Bermondie ; mais j'imagine qu'elles sont proches de celles qu'ont vécu des personnages qui à cette même époque se sont croisés avec les même intérêts. A la croisée de ces chemins, il y a Madame de Staël (1766-1817), et en lieu et place de J. L. de la Bermondie : je vois Charles de Villers ( 1765-1815), François de Pange (1764-1796), Benjamin Constant (1767-1830), des personnages du ''groupe de Coppet'' comme Auguste Schlegel, (1767-1845), Mathieu Jean Félicité, duc de Montmorency-Laval,(1766 -1826), Prosper de Barante (1782-1866), et aussi Juliette Récamier...

Charles de Villers (1765-1815) a consacré sa vie à faire connaître en France les richesses de la pensée et de la culture allemandes. Il fut dans ce domaine un précurseur de Madame de Staël.
Officier d'artillerie, Villers s’intéresse au ''magnétisme animal'' d'où, sa foi en la ''force vitale '' et dans la vertu thérapeutique de la nature..
Le marquis de Puységur, major du régiment et mentor de Villers ; est l'élève de Franz-Anton Mesmer. Villers est admis dans la Société de l'Harmonie... Il compose même un Manuel du magnétiseur qu'on s'arrache et qui attire à son auteur éloges et critiques. Le magnétisme prend pour lui un attrait supplémentaire lorsqu'il fait la connaissance (1783) d'un de ses partisans les plus célèbres, le comte de Cagliostro qui préside alors la loge maçonnique de Strasbourg, et de sa jeune et charmante compagne, Lorenza Feliciani, qui devient la maîtresse du jeune officier jusqu'au départ de celui-ci pour Besançon. Dès lors, dit-on, Villers partage ses loisirs entre le mesmérisme et l'amour...

En 1792, il émigre, et s'établit en Allemagne où il restera jusqu'à sa mort.
En 1796 il est inscrit comme étudiant à l'université de Göttingen où il est en contact avec les professeurs les plus illustres. Il y fait la connaissance de Dorothea Schlözer, fille de l'historien August Ludwig Schlözer, première femme docteur en philosophie de cette université et épouse d'un riche marchand lübeckois Matthäus von Rodde, plus âgé.
C'est dans la maison du couple à Lübeck qu'il séjourne ensuite de 1797 à 1811, formant un ''ménage à trois'' .Villers publie en 1801 son grand ouvrage Philosophie de Kant qui suscite des critiques diverses en France et est sollicité par Napoléon pour un exposé sur cette philosophie... Suit un ouvrage consacré à Luther.
En 1803, il se rend, avec Dorothea, à Paris pour y recevoir un prix. Puis, il rencontre Mme de Staël. Exilée par le Premier Consul, elle est en route pour l’Allemagne, où elle doit rencontrer tout ce qui compte de poètes et de savants. Ils passent douze jours ensemble, partageant la même fièvre et le même enthousiasme. En bien des points le “De l’Allemagne” de G. de Staël, paru dix ans plus tard, porte la marque de la pensée de Villers.
Villers fait donc découvrir la philosophie de Kant à Mme de Staël, qu'elle approfondit par la suite grâce à A. Schlegel, mais aussi grâce au jeune anglais Henry Crabb Robinson, qu'elle reçoit à Coppet ( Janv. 1804). Ce dernier présente en effet à Mme de Staël et Benjamin Constant l’esthétique kantienne, en se concentrant sur trois thèmes fondamentaux : l’autonomie de l’art, le problème de l’évaluation critique des objets esthétiques et de l’universalité du jugement de goût et, enfin, la question du sublime. Cela alimentera dans De l’Allemagne, plusieurs chapitres consacrés à la philosophie de Kant et son impact sur la littérature et les arts .

Kant (1724-1804)... La philosophie va nourrir la réflexion sur l'art.

En effet, la philosophie de Kant ouvre une brèche au discours romantique sur l’art … En Allemagne, certains se disent que tout miser sur la Raison ( avec ''les Lumières''), est trop austère : si on laissait faire l’imagination ; le sentiment … ? Un vraie question philosophique.. !
Kant avance que '' la chose en soi '' dont le monde est au-delà de toute connaissance sensible. est à distinguer du '' phénomène '' : '' la chose pour moi''. Si la « chose-en-soi » est inatteignable, le « moi » ne serait-il pas plus excitant.. ? L'art n'est-il pas aussi moyen de connaissance ? Et pourquoi pas une expérience subjective de « la chose-en-soi ».. ?
Les romantiques, défendent que l’imagination est une dimension spontanée et dynamique de la raison...
L’imagination humaine apparaît comme un pouvoir constitutif de la connaissance. Kant note dans la première Critique, que l’imagination est « un art caché dans les profondeurs de l’esprit humain ».

Jusqu'à présent, l'artiste était censé travailler ( et non créer) en l'honneur de Dieu et d'après des règles souvent assez strictes. Comme le disait Saint-Augustin, « creatura non potest creare » : la créature (l’homme) ne peut pas créer, l’homme peut seulement imiter ce que le créateur a crée, il est voué à se rapporter à un modèle extérieur.
Kant, lui, dit que l'imagination est un levier extraordinaire qui trouve sa source – non pas dans un modèle extérieur – mais dans l’esprit humain, dans la racine cachée de l’esprit humain.
Du coup, pour les romantiques précisément, l’artiste devient une sorte de démiurge, quasi-divin, qui peut créer grâce à son imagination. Il se met souvent en rivalité au sein du romantisme avec Dieu. C’est la thèse faustienne de la création.

On parlera aussi d'une esthétique du sublime, dont on peut trouver la source chez Kant, dans la Critique de la faculté de juger ; voici en effet comment Kant définit le sublime par opposition au beau : « Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, qui consiste dans la limitation ; en revanche, le sublime pourra être trouvé aussi en un objet informe, pour autant que l’illimité sera représenté en lui ou grâce à lui et que néanmoins s’y ajoutera par la pensée la notion de sa totalité ; ainsi le beau semble convenir à la présentation d’un concept indéterminé de l’entendement, et le sublime à celle d’un concept indéterminé de la raison » ( Kant : Critique de la faculté de juger ). Le sublime est ainsi lié aux notions d’illimité, d’infini, voire d’informe, alors que le beau est marqué par la limitation. ( le Rococo et le néo-classicisme sont à ranger dans le ''Beau'')...

Pour Kant le sublime artistique n’est pas grec, mais il peut être égyptien ( les pyramides) ou chrétien...
Kant va se situer dans une position délicate, car il reconnaît à l'imagination, source des Idées esthétiques, la capacité d’usurper la place de l'entendement dans un processus qui ne relève pas à proprement parler d'un processus de connaissance, mais qui permet d'entrevoir – sous une forme sensible – une réponse aux questions fondamentales qui se posent à l'homme... Hegel remettra de l'ordre … !
Le ''Romantisme'' voit dans ce qui paraît ''obscur'' une expérience de ce qui est caché... Il met en avant la nuit, les légendes, le Moyen-âge, le rêve …

L'esprit du monde se reconnaît dans la nature... Et d'ailleurs, y a t-il vraiment une distinction à faire entre esprit et matière ? Schelling voit en la nature : l'esprit du monde ; et il voit aussi cet esprit à l’œuvre dans la conscience de l'homme...
Friedrich Wilhelm Josef Schelling (1775-1854), a cinq ans de moins que Hölderlin ou Hegel ( trois camarades d'études au séminaire de Tübingen (Stift), tous trois destinés à devenir pasteur...) Cependant, Schelling semble par sa précocité les avoir dépassé... En 1794, il entend parler de Fichte (1762-1814) et le rencontre. Schelling se convertit alors à la philosophie.

Pour se faire une idée du climat intellectuel dans ces années, il faut se rendre à Iéna, qui vit sous sous le règne éclairé de Charles-Auguste (de 1775 à 1828) et de son ministre Goethe (1749-1832). La ville reçoit les Lumières de l'École de Weimar, ce qui suscite la renaissance de l'université. Goethe y consacre tout son zèle, pédagogique et administratif. C’est là qu'en 1794 il se lie d'amitié avec Friedrich Schiller, qui depuis 1789 était professeur et vit jusqu'en 1799 à Iéna.
L'université va recruter une pléiade de talents, avec notamment Johann Gottlieb Fichte (1794), Schelling (1798), Hegel (1801-07), faisant de la ville le centre de l'idéalisme allemand, mais aussi du premier mouvement romantique, avec August Wilhelm Schlegel, sa femme Caroline, Friedrich Schlegel, Ludwig Tieck, Clemens Brentano et Novalis.