wagner
Edouard Schuré - Marguerite Albana
A son retour d'Allemagne, Anne-Laure de Sallembier, éprouva la nécessité de rencontrer un personnage qu'elle connaissait déjà un peu... Edouard Schuré ( 1841-1929) avait fréquenté, avant qu'il ne cesse, le salon de madame Stern ; il était donc familier de Marcel Proust, José Maria de Heredia, Henri de Régnier, Paul Fort, Reynaldo Hahn, Paul Bourget, Gabriel Fauré, Camille Flammarion, Anna de Noailles, Yvette Guilbert, Réjane...
- « Il est blond, grand et beau. Ses traits sont menus et mobiles. Son front est large et blanc ; le galbe de son visage est délicat et charmant. Ses yeux brillent d'une lumière chaude. Le corps est souple et fort comme celui d'une panthère dont il a parfois le mouvement onduleux. Tour à tour indolent et fougueux, doux et violent, il a la colère léonine, et le regard serein d'un ange d'amour dans ses moments d'inspiration. Toujours à l'affût des impressions, dévoré par sa passion de vivre, assoiffé d'émotions, il se laisse parfois entraîner par le délire des sens. C'est alors l'incarnation du jeune Bacchus, c'est Dionysos qui brûle en lui de toutes ses flammes et de tous ses délires. Ces états sont suivis, en lui de longs et cruels désespoirs ». selon Marguerite Albana...
Édouard Schuré est philosophe, et grand admirateur de Richard Wagner...
Sa notoriété est partagée autant par sa culture que par son aventure érotico-mystique avec une femme mystérieuse, Marguerite Albana Mignaty (1821-1887), du moins autant que peut l'être une très belle femme, qui vit entre l'Italie, la Grèce et l'Italie et la société cosmopolite de Florence...
Selon les propres termes d'E. Schuré : elle apparaît en cette fin de siècle, comme la Femme-Muse, l'éveilleuse et amante des âmes... « Bachante révoltée » pour le morose Proudhon ; « Amante passionnée et douloureuse » selon Mme Desbordes de Valmore, mais aussi femme de lettre et philosophe comme Mme de Staël.
L'occultisme, complète ses goûts vers l'art, l'histoire, la science... Elle cherche le Beau à travers l 'Amour... Cette beauté immatérielle qu'elle adore est la splendeur du Vrai … Enfin, voici un extrait du livre qu' E. Schuré fit publier, avec un récit de sa rencontre avec Marguerite (1900).
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Extrait de Essai sur la vie et l'oeuvre de Marguerite Albana par E Schuré |
C'est sous son inspiration que Schuré écrit son livre le plus connu Les Grands Initiés, Esquisse de l'histoire secrète des religions (1889), consacré notamment à Rama, Krishna, Hermès, Moïse, Orphée, Pythagore, Platon et Jésus, qui n'a plus cessé depuis d'être réédité dans de nombreuses langues.
En 1865, le jeune étudiant alsacien entendit Tristan et Isolde à Munich, Schuré se prit de passion pour Wagner .Après plusieurs lettres, le Maître l'invita à venir le voir à Tribschen. Ils prolongèrent cette amitié naissante par une correspondance qui s'établit entre eux. En 1869, Schuré publiait dans La Revue des deux mondes sa première étude sur Wagner qui est considérée comme l'événement fondateur du Wagnérisme en France.
« Comme artiste, Wagner ressemblait à un puissant magicien capable d’évoquer toutes les passions par les incantations de sa musique et le ressort du drame. Comme penseur, il avait quelque chose du démon qui cherche à concevoir l’ange par la force de l’intellect et qui, malgré ses étonnantes facultés, souffre sous le poids de sa nature et aspire à la délivrance. Ce désir est le fil qui relie toutes ses oeuvres. »
Quand Anne-Laure rencontre Edouard Schuré, Marguerite est décédée depuis une vingtaine d'années. Elle le félicite pour la légion d'honneur qu'il vient de recevoir... Elle vient l'entendre lui parler de Wagner... Ce qu'il fait avec passion ; et aussi de la mythologie celte, de l'occultisme et de la théosophie...
En 1906, sa traductrice en allemand ( Marie von Sivers) lui fait rencontrer Rudolf Steiner, venu faire une conférence à Paris... Schuré est emballé, il devient membre de la société théosophique en 1907 et fréquente désormais Steiner devenu son maître spirituel.
Voyage en Allemagne – Parsifal et Wagner -
Anne-Laure de Sallembier est sortie bouleversée de la représentation de Parsifal... C'est comme si un événement capital avait eu lieu ; quelque chose en elle s'est accompli : « Cette œuvre a atteint le fond de mon âme ; mais je ne sais pas encore ce qu'elle peut me révéler... »
Elle eut l'impression d'avoir assisté à une sorte d'initiation, à un mystère... Celui de la Rédemption...
Elle se demande si la beauté de cette œuvre ne toucherait pas à l'essence même de la religion... ?
C'est comme si elle avait ressenti - après la nuit et les larmes de la souffrance - la fraîcheur, la paix d'un nouveau jour sous la protection d'un amour divin...
Pendant le spectacle, Anne-Laure passe de la terreur aux frissons suaves, de la fascination à l'extase …
Le spectacle s'adresse d'abord à l'intuition par le symbole … Puis, ce que l'intuition ressent, est confirmé par ce que la raison comprend.... Elle retrouve là quelque enseignement de Bergson ...
La musique de Wagner, pénètre dans le corps, on a du mal à dominer ses impressions... Il y a la tentation de la volupté, mais on sent toujours, en même temps, l'aspiration de l'âme verts le haut...
A Montsalvat le Graal est à l'abri d'un temple inaccessible ; confié à la garde d'hommes simples et purs à qui Il donne un pouvoir surhumain. Ils gardent aussi la Lance, mais la lance est passée au pouvoir de l'Ennemi, et le Graal est menacé... La Lance est - comme - à l'avant-poste du Graal …
Je retranscris ici, quelques notes, qui concernent surtout des images, de la musique
Acte I :
* « On voit passer le roi Amfortas couché sur sa litière, se rendant au bain. Kundry, la séductrice, apparaît sous une de ses personnalités. Vêtue comme une sorcière sauvage, elle apporte un baume mystérieux pour le roi malade. Mais son demi-repentir ne suffit pas à l’affranchir, et Klingsor peut s’empare d’elle à volonté pour l’employer au service de ses œuvres de ténèbres. » (...)
« Gournemans assis sous un grand arbre, raconte aux jeunes écuyers groupés autour de lui l’histoire des malheurs récents du Graal et des souffrances du roi Amfortas depuis qu’il a succombé à la séduction d’une magicienne. Soudain, vibre dans l’air le bruit d’une flèche décochée et un beau cygne s’abat expirant à quelques pas du groupe. Les écuyers se précipitent et amènent le coupable devant Gournemans. Parsifal, car c’est lui, regarde effaré;il ne comprend pas ce qu’on veut de lui. »
« Pendant que l’âme de Parsifal s’éveille au sentiment de la pitié pour le cygne, l’orchestre fait entendre les motifs qui, plus tard, seront associés aux scènes les plus religieuses et en particulier à celle de la communion dans le temple du Graal. (…) le procédé musical de Wagner vient renforcer la signification ésotérique de l’idée... » (...)
« L’audition de ces motifs, jointe à la vision de la scène, fait pénétrer instantanément dans le cerveau de l’auditeur cette idée que la communion de l’âme avec le divin et la rédemption qui en est la conséquence, ne peuvent s’accomplir qu’en respectant la loi d’amour qui unit dans une solidarité absolue toutes les parties de l’Univers... » (...)
« C’est en vain que Gournemans interroge Parsifal. Il ne sait rien, ni qui il est, ni d’où il vient. Mais Kundry, la sorcière, révèle sa naissance. Elle apprend à Parsifal que sa mère est morte de chagrin parce qu’il l’a abandonnée.
* « L’orchestre fait entendre le motif de la magie, qui tout au long de l’oeuvre souligne la perte du libre arbitre... (...)
« Gournemans qui vaguement entrevoit que ce naïf enfant des bois pourrait être « le Simple, le Pur » dont l’arrivée a été prédite au Roi pécheur, entraîne Parsifal du côté du Temple. C’est ici que se trouve ''la montée au Graal'': . Cette partie musicale de l’oeuvre est celle qui m’apparaît comme la plus profondément ésotérique ( c'est à dire : à comprendre par l'intuition, avant la raison...), parce que le génie du maître semble avoir exprimé en ces surhumaines harmonies le mystère de l’évolution de la vie sur tous les plans de l’existence: le plan cosmique : évolution des mondes; le plan matériel terrestre : évolution de l’homme; le plan spirituel : évolution de l’âme. » (...)
« Le décor commence à se mouvoir de gauche à droite de façon à donner l’illusion de la marche. Insensiblement les voûtes de la forêt se changent en masses montagneuses. L’obscurité envahit la scène. Au milieu des harmonies puissantes de l’orchestre qui montent et s’enflent comme les vagues de l’Océan, on entend cette phrase cadencée de Gournemans: «Tu vois mon fils, le temps ici devient l’espace.»
Ainsi que les personnages du drame, l’auditeur se croit transporté dans l’infini insondable. Le monde de l’illusion disparaît, nous avons dépassé les limites du temps. Dans le gouffre de la vie universelle, la loi éternelle se déroule avec les mondes qui évoluent et les humanités qui se dégagent lentement des règnes inférieurs de la nature pour s’élever jusqu’à la sphère de l’esprit.
L’orchestre seul parle, car les mots seraient impuissants à peindre le mystère qui se déroule. »
« Le motif de la marche du Graal entremêlé avec l’appel des cloches; puis les motifs de la douleur et de la pitié. Les différents crescendos qui s’accentuent comme une ascension sur des plans d’élévation successifs disent l’effort douloureux de l’univers, de la nature et de l’homme enfantant le divin.
(…) bientôt le thème du Graal s’affirme dans toute sa plénitude avec l’idée de la victoire. Puis, tout s’apaise : seules les cloches du Graal appellent les chevaliers. Ils entrent deux à deux dans le Temple. Le décor est ici à la hauteur du rêve, la vision du Maître est égalée. On se sent dans le tabernacle où s’adore l’immuable.
S'accomplit la liturgie du Graal...
Parsifal porte la main à son coeur, la vérité est devenue vie en lui. Mais.... il reste silencieux !
Désormais, quelles que soient les épreuves qu’il aura à subir, l’étoile du Graal le guidera. La lumière a pénétré jusqu’au fond de son âme. Gournemans peut le chasser hors du Temple, il saura y revenir. »
Au deuxième acte,
« Le prélude du deuxième acte prépare l’auditeur à pénétrer dans le royaume de la magie où s’agitent et se démènent les forces élémentaires, semi-intelligentes, au moyen desquelles Klingsor exerce ses enchantements diaboliques. Rien de plus coloré que cette phrase du début. On dirait une chevauchée de furies. Puis, sur une basse qui semble peindre le chaos des éléments, des traits rapides se dessinent, semblables à des salamandres sillonnant la nuit. » (...)
« Kundry sort d’un gouffre, enveloppée d’une vapeur blanche sous laquelle apparaît sa beauté radieuse.
Au moment où Kundry s’éveille, Klingsor étouffe sa conscience spirituelle et, par la suggestion exercée sur le quatrième principe, ou l’âme animale, il enfonce le dard du désir dans la chair qui commence à tressaillir. (...)
(…) surgit un jardin enchanté, où la séductrice, cachée derrière un bosquet de plantes tropicales, attend l’arrivée de Parsifal. (…) la scène ravissante des filles-fleurs. Rien de plus chastement voluptueux... (…) C’est un trait caractéristique de l’oeuvre de Wagner que l’idée du mal y est toujours représentée d’une façon frappante, sans jamais souiller l’âme par la vulgarité des tableaux ou la lascivité des attitudes. À quelle hauteur se livre la lutte ! On le comprend au premier appel de Kundry : « Parsifal !… »
« Ces trois notes évoquent un monde de pensées ; l’effet en est saisissant. Il dit tant de choses, ce nom prononcé en ce moment, et souligné par les divers motifs de l’orchestre. Il évoque la vaste forêt, les jours de l’enfance, la tendresse maternelle, les rêves de l’adolescent, son pressentiment du Graal ; tout ce-la voluptueusement enveloppé de chauds effluves qui émanent de la séductrice. « Je t’ai vu dans ton berceau de mousse », lui dit-elle. Puis, elle lui décrit les angoisses de sa mère lorsque son fils restait longtemps loin d’elle, sa joie quand elle le retrouvait, ses étreintes folles. Et, pour vaincre la pureté qui s’effarouche, elle ajoute en souriant : « Ces baisers-là ne te faisaient-ils pas peur ? » Ah ! elle sait bien, la subtile magicienne, la rose de l’Enfer, que de vulgaires voluptés ne sauraient séduire le « Simple et le Pur ». Elle a touché juste en faisant vibrer la corde qui chante l’amour unique, le seul qui ne trompe pas. «Ma mère! ma mère!» s’écrie le jeune homme en s’affaissant aux pieds de Kundry. Doucement, la magicienne enlace de ses bras l’enfant qui se souvient et pleure. «L’aveu et le repentir effaceront ta faute, lui dit-elle, en se penchant vers lui, le savoir changera ta folie en raison. Apprends à connaître cet amour qui enveloppait Gamuret lorsque l’ardeur d’Herzeleide l’embrasait. L’amour qui te donna la forme et l’existence, devant lequel la mort et l’innocence reculent, qu’aujourd’hui, avec le salut suprême de la bénédiction maternelle, il te donne son premier baiser»
La séductrice se penche et pose ses lèvres sur celles de Parsifal.
Le baiser qui devait perdre Parsifal, le sauve. Il repousse les bras nus de l’enchanteresse.
« Amfortas ! » Ce cri, qui produit une impression bouleversante, n’est-il pas comme la réponse à l’appel de Kundry, un instant auparavant : « Parsifal ! »
Parsifal, toujours sous l’obsession du souvenir d’Amfortas, se représente la scène où le roi du Graal a succombé... (...)
Désormais elle n’est plus l’esclave de Klingsor qui obéit à une impulsion reçue. C’est une vraie femme en proie aux affres d’un amour méprisé, (...)
Dans son âme blessée, passionnée, mais toujours aspirante, Parsifal se confond avec le Sauveur qu’autrefois, dans une lointaine existence... etc
Il est impossible de donner avec des paroles la moindre idée de la puissance de cette scène exprimée par la musique. (…)
Après le cri «Amfortas» viennent les motifs de la souffrance et de la pitié; puis, semblables à des sifflements de l’enfer, des passages démoniaques, qui s’appliquent à l’œuvre diabolique de Kundry.
(..)
Lorsque Parsifal est à genoux, ce sont les thèmes du Graal et de la Cène qui viennent fortifier son âme contre la tentation. Dans le délire de la passion de Kundry, les harmonies rappellent le château magique avec ses ensorcellements. (...)
Klingsor tient la lance qu’il a dérobée à Amfortas ; il en menace Parsifal. L’éclair du fer reluit, mais il s’arrête au-dessus de la tête du « Simple et du Pur. » Parsifal prend la lance et dessine dans l’air un grand signe de croix. Alors jardins et palais disparaissent. Klingsor s’enfonce dans l’abîme ; les filles-fleurs jonchent le sol. Kundry s’affaisse en poussant un cri. Au fond de la scène, apparaît le sommet neigeux qui domine le Graal.
* Un prélude d’une beauté incomparable nous peint la morne tristesse qui plane sur le Graal, et ces harmonies désolées, venant après le mouvement enfiévré de la magie, font passer dans notre âme le froid de la mort. D’autres motifs nous disent la lutte anxieuse de Parsifal à la recherche du Graal et le cri de Kundry brisée et vaincue. Le moi inférieur est bien crucifié, mais l’âme spirituelle n’a pas encore reçu le baptême de la lumière céleste.
« Le troisième acte s’ouvre comme une idylle de paix et de rédemption. Nous sommes dans un paysage printanier et au milieu d’une prairie parsemée des premières fleurs, à la lisière d’une forêt ombreuse d’où s’échappe une source claire. Le vieil écuyer de Titurel, Gournemans, s’est fait anachorète. Il sort de sa hutte, car il a entendu un profond gémissement, un soupir d’angoisse derrière le buisson. Il approche et voit Kundry endormie là d’un sommeil léthargique. Il la relève inerte comme un cadavre, lui frotte les mains et l’asperge d’eau. Enfin elle ouvre les yeux. Gournemans, qui l’a souvent retrouvée ainsi et qui ne sait rien de sa vie de péché, remarque cette fois-ci une différence. Rien de sauvage ni de fiévreux; elle est humble et triste. Elle porte la robe brune des pénitentes,une corde en guise de ceinture, et arrange soigneusement ses cheveux épars.
(...)
« l’admirable scène connue sous le nom de Charme du Vendredi Saint. (…) Parsifal prend le flacon des mains de Kundry et le remet à Gournemans, afin de recevoir de lui l’onction sainte. « Qu’il soit purifié et lavé de toutes les souillures de sa longue course errante ! » dit le pieux chevalier, tandis que les motifs les plus doux passent comme des brises d’amour sur les têtes inclinées. Puis, au moment où Gournemans prononce ces mots : « Ainsi l’heure est venue, ton front je le bénis et Roi je te salue ! » le motif de Parsifal vainqueur éclate avec une force triomphante et se termine en un grandiose fortissimo sur le thème du Graal. Parsifal puise de l’eau dans le creux de sa main et la répand sur la tête de Kundry en disant : « Ainsi j’accomplis mon premier devoir, reçois l’eau du baptême, et crois en ton Sauveur qui t’aime. » - Kundry s’affaisse aux pieds de Parsifal et pleure.
Le bruit de ses sanglots étouffés qui se mêle à la phrase adorable de la Foi, pénètre l’âme d’une émotion indicible. (...)
« même effet de décor qu’au premier acte. Toute la scène semble se mouvoir, mais en sens inverse. Cette montée au Graal, bien différente de la première, exprime par la musique le désespoir de l’heure actuelle, la mort de Titurel. (...)
Amfortas ne peut échapper à sa souffrance, car son repentir n’a pas changé la direction de son désir. En lui c’est l’être inférieur qui aspire toujours à la vie. Il n’a pas la force de s’élever à un état de conscience supérieur. Parsifal lui, par la pitié pour le souffrant, est monté jusqu’à la sphère de l’amour divin.
Sources : Émilie de Morsier (1843-1896) PARSIFAL de Richard Wagner
Parsifal de Wagner - Kundrie
Parsifal est l'histoire de la quête spirituelle du héros et le combat du bien et du mal sur fond d’exaltation de l’idéal chevaleresque.
La ''Kundry'' créée par Wagner, apparaît tour à tour comme la servante passionnément dévouée des chevaliers du Graal quand elle est livrée à sa propre nature, et comme leur ennemie acharnée, l’instrument de leur déchéance, lorsque, subissant malgré elle le magique ascendant de Klingsor, elle se transforme en une femme « effroyablement belle » et devient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés.
Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, et perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du ''chaste fou'' promis. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance.
Finalement, c'est Kundry, qui éclaire Parsifal sur sa propre histoire, et qui lui permet d’accomplir son destin.
Si Parsifal ne se perd pas dans le jardin maléfique des ''filles-fleurs'' de Klingsor ; il est soudain pris par une voix d’une irrésistible beauté qui s’adresse à lui : « Parsifal ! » A quoi le jeune garçon étonné répond: « Est-ce moi que tu as appelé, moi qui n’ai pas de nom? » Kundry, sait que lui, Parsifal, est bien le rédempteur annoncé par la prophétie... Kundry cherche désespérément à se libérer de sa propre malédiction ( celle d’avoir ri autrefois du Sauveur souffrant ), ce qui - pense t-elle – ne pourra se faire qu’en se faisant aimer totalement d’un être pur et innocent comme l’était le Sauveur dont le souvenir l’obsède... Elle entreprend de séduire ce chevalier simple et transparent qui l’attire irrésistiblement.
Au moment où Parsifal s'apprête à sombrer délicieusement : il rejette brutalement la séductrice, se redresse et se précipite loin d’elle en criant de toutes ses forces: « Amfortas – la blessure !- la blessure! -elle brûle dans mon cœur- oh, plainte, plainte, terrible plainte, j’ai vu saigner la plaie. Voilà qu’elle saigne en moi maintenant ! »
Wagner dans une lettre à Louis II explique le sens de cette réaction inattendue: « Le baiser qui fait succomber Amfortas au péché éveille en Parsifal qui lui est innocent la conscience de la faute commise par le malheureux dont il n’a auparavant ressenti que confusément la plainte désolée. La cause du péché d’Amfortas lui apparaît en toute clarté à travers son propre sentiment de la compassion. C’est avec la rapidité de l’éclair qu’il reconnaît le poison. Ainsi le savoir de Parsifal est plus grand que celui de toute la chevalerie de Graal qui a toujours pensé qu’Amfortas ne souffrait que de la blessure infligée par la lance. »
Kundry répond: « Si tu es rédempteur, quel pouvoir méchant t’interdit de t’unir à moi pour mon salut (…) Une heure seulement m’unir à toi, qu’en toi je sois absoute et sauvée! » Parsifal: « Le baume qui guérit ta peine vient d’autre source que ton mal. »
Bien plus tard, Kundry, à genoux aux pieds de Parsifal, lui lave les pieds et les essuie de ses cheveux, telle Marie-Madeleine autrefois avec le Christ.
Lors de la dernière représentation de Parsifal en présence de Wagner, il monte au pupitre pour diriger la fin de l’opéra. Il va mourir six mois plus tard à Venise, le 13 février 1883.
Nietzche va accuser son ancien ami de s’être « effondré soudain, éperdu et brisé, au pied de la croix des chrétiens » ; cependant il admire l'oeuvre : « Parsifal conservera éternellement son rang dans l’art de la séduction, comme le ‘coup de génie’ de la séduction… J’admire cette œuvre, j’aurais aimé l’avoir faite. »
Parsifal de Wagner
Je n'ai hélas jamais vu, le Parsifal de Wagner... Je n'en ai écouté que des extraits... Alors, je n'aborderai pas l'aspect musical de l'oeuvre... Je vais seulement rapporter, l'histoire que nous conte Wagner :
En ce temps, les précieuses reliques que sont : le Graal et la Sainte-Lance, sont conservés dans une demeure inviolable et inaccessible aux profanes, sur le '' Montsalvat '', où se dresse un château élevé par le pur Titurel, et les mettre à l'abri des ennemis de la Foi... Autour de lui, une élite de chevaliers que leur pureté a rendus dignes de ces augustes fonctions, sert le Graal qui récompense ces nobles serviteurs de leur pieuse fidélité, en les investissant d’une force et d’une vaillance miraculeuses...
Klingsor, d'une contrée voisine, souhaite être admis dans cet ordre chevaleresque; mais tiraillé par le ''péché''; il ne peut faire taire ce désir qui emplit son âme... Ne pouvant y parvenir, il détruit cette force maléfique en se mutilant... Mais, cette indigne action lui ferme à jamais les portes du Château sacré... ! De plus, il reçoit de l'Esprit du mal les enseignements maudits de l’art de la magie.
Plein de haine alors contre ceux qui l’ont renié comme frère, il a employé son fatal pouvoir à transformer la lande aride en un jardin plein de délices où croissent, moitié fleurs, moitié femmes, des êtres fantastiques d’une beauté irrésistible, déployant leurs séductions pour s’appliquer à perdre ceux des chevaliers du Graal qui sont assez faibles pour tomber dans leurs pièges.
Les uns après les autres, une grande partie des gardiens du Graal se font attirer puis ensorceler par ces femmes dans les ivresses de la luxure. Tant et si bien qu’un beau jour, leur chef Amfortas, n’en pouvant plus de voir sa communauté disparaître ainsi peu à peu, a décidé de partir lui-même armé de la sainte lance pour le jardin magique dans le but d’en finir avec ce Klingsor que son père Titurel avait autrefois rejeté avec dégoût.
La chasteté forcée de Klingsor lui donnait pour accomplir le mal autant de puissance qu’une chasteté librement assumée en donnait aux autres religieux pour faire le bien. Il était parvenu à se rendre maître, grâce à cette force, d’une femme extraordinairement séduisante, sorte de réincarnation d’Hérodias et de Marie-Madeleine, aspirant elle-même à la délivrance de ses fautes et attendant cette grâce d’un être qui, enfin, saurait résister à ses charmes.
Cette femme, se nomme Kundry dans sa vie actuelle ; autrefois dans une vie antérieure, elle avait croisé sur son chemin le Christ montant au Calvaire chargé de sa croix et elle avait ri de Lui... Ensuite, elle dut porter douloureusement le souvenir du regard qu’il lui avait alors adressé... Cette femme, géniale personnification de l’éternel féminin à la fois Eve et Marie, tiraillée entre le mal et le bien, est en quête de cet amour absolu qu’elle avait entrevu autrefois dans le regard du Christ.
Kundry séduit les chevaliers; mais aussi les sert pour expier et réparer le mal qu’elle leur cause au service du mal. Amfortas, le présomptueux, armé de la lance sacrée, n’eut pas plus tôt rencontré l’ensorcelante Kundry qu’il succomba à son tour; Klingsor s’empara de la lance, il lui infligea au flanc une blessure inguérissable avec laquelle il regagna à grand peine le domaine du Graal.
Là, malgré tous les baumes et les onguents, il ne parvint jamais à se remettre de son mal et il ne cessait d’implorer le Ciel pour sa guérison.
Depuis ce temps, la confrérie auguste des chevaliers est plongée dans la tristesse et la honte, chacun d’eux prenant sa part de l’humiliation et des douleurs du roi déchu.
Le plus terrible pour Amfortas venait du fait qu’étant grand-prêtre du Graal, lui seul pouvait officier et découvrir la sainte relique, source de vie et de force pour toute la communauté, et que cette monstrance sublime lui infligeait du fait de sa faute des tortures atroces, faisant saigner sa blessure plus que jamais et anéantissant ses dernières forces.
Un jour où, prosterné devant le tabernacle, il implorait la pitié du Seigneur, il entendit une voix céleste prophétisant la guérison de sa blessure et le rachat de ses fautes par un Être tout de pureté et de miséricorde, un ''chaste'', un ''simple'', qui après avoir ravi aux mains criminelles de Klingsor la lance profanée, la rapporterait au sanctuaire, et viendrait rendre au Graal son éclat immaculé... D'un seul attouchement de la lance cicatriserait la plaie...
La ''Kundry'' créée par Wagner, apparaît tour à tour comme la servante passionnément dévouée des chevaliers du Graal quand elle est livrée à sa propre nature, et comme leur ennemie acharnée, l’instrument de leur déchéance, lorsque, subissant malgré elle le magique ascendant de Klingsor, elle se transforme en une femme « effroyablement belle » et devient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés. Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, et perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du ''chaste fou'' promis. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance.
Acte I : Une forêt aux environs du château du Graal situé sur une montagne inaccessible. Gurnemanz attend, entouré de jeunes chevaliers, l'arrivée du roi Amfortas. Gurnemanz ( basse) est un vieux chevalier du Graal, ayant servi sous les règnes de Titurel et d’Amfortas.
Apparaît Kundry ( soprano), elle tient une fiole contenant un baume – pour le roi, afin d'apaiser ses souffrances - qu'elle est allée quérir en Arabie...
Soudain, un cygne percé d'une flèche s'abat au sol, mort. Consternation de Gurnemanz, des chevaliers et des pages : les animaux, en particulier les cygnes, sont sacrés sur les terres du Graal.
Et, surgit le jeune Parsifal (ténor), spontané, ignorant de tout et notamment du mal... Le jeune homme ignore tout, sauf qu'il a une mère nommée Herzeleide. Kundry raconte son histoire : sa naissance, sa rencontre avec des chevaliers .....
Le sage Gurnemanz, pressent qu’il pourrait être le sauveur tant attendu. Les cloches de Montsalvat appellent à la cérémonie du service du Graal. Gurnemanz propose au nouveau venu de l’accompagner, ils s’éloignent ensemble.
Scène 2, dans la grande salle du château: Hélas, la torpeur du jeune homme pendant la célébration du Graal, provoque son renvoi.
Acte II : En haut d'une tour de son château, Klingsor se tient à côté de ses instruments de magie. Il tire de son sommeil Kundry, qui était revenue jusqu'à lui, et qui s'éveille en poussant un hurlement. Klingsor sait qu'un jeune héros dangereux approche : il ordonne à sa créature de le séduire et de le perdre, comme tous les autres auparavant....
En son jardin féérique où les filles fleurs séduisent pour les perdre les chevaliers du Graal, Klingsor, enjoint la diabolique Kundry de charmer Parsifal. Elle lui prodigue un voluptueux baiser.. Ce baiser transperce Parsifal d'une douleur folle : « Amfortas ! La blessure ! » : dans un dévoilement, il comprend tout. La compassion pour la souffrance du roi du Graal lui apporte la révélation de la connaissance. Il repousse Kundry. Devant son refus elle le maudit, le réduisant à errer loin de Montsalvat. Parsifal triomphe de Klingsor appelé au secours par Kundry, il récupère la lance.. En un instant, le château de Klingsor disparaît et le jardin merveilleux se transforme en désert aride. Kundry est effondrée : « Tu sais où me retrouver », lui dit Parsifal, qui s'en va pour tenter de retrouver Montsalvat.
Acte III : Une prairie en fleurs, en lisière d'une forêt, dans la gloire du printemps ; une source, une hutte appuyée sur un amas de rochers. C'est le Vendredi Saint ; des années plus tard. Un ermite sort de la hutte : c'est Gurnemanz, encore vieilli, pauvrement vêtu de la robe en ruines de chevalier du Graal.
Au terme de son chemin initiatique, arrive Parsifal, sous les traits d’un chevalier en armure noire, ramenant enfin la sainte lance.
Amfortas ne désirant plus que la mort, néglige le rite du calice, et les chevaliers, privés de réconfort divin, dépérissent. Titurel (basse), le père d’Amfortas, lui-même a succombé. Parsifal se reproche de n'avoir pas su éviter ce désastre. Étreint par la douleur et l'épuisement, il est au bord de l'épuisement...
Kundry, dans un acte de pénitence, comme la prostituée de l’évangile, lave et oint d’un parfum les pieds de Parsifal, avant de les essuyer de ses cheveux.
Gurnemanz, baptise Parsifal et lui donne l’onction, faisant de lui le nouveau prêtre roi de Montsalvat. Son premier office est de baptiser Kundry qui s’endort dans le sommeil de la mort et du pardon.
La scène finale, se passe dans la grande salle de Montsalvat, devant la dépouille de Titurel.
Parsifal s’avance vers Amfortas, pose la lance sur la blessure qui se referme. Enfin il annonce que le Graal sera désormais exposé pour tous et pour toujours. Il aura par la suite un fils, Lohengrin…
Mais là c’est une autre histoire !
Voyage en Allemagne – Bayreuth et Wagner - 2
* Pourquoi vient-on, ici, jusqu'à Bayreuth, pour écouter l’œuvre de Wagner ?
Ce qu'exprime la musique est immédiat, immatériel, et suscite, en nous, des émotions. Là : elle est gagne sur la poésie, par sa puissance ; et la poésie gagne en précision... L'opéra de Wagner, ajoute l'action mythique avec - par la musique - l'objectif de déplacer l'action extérieure... en action intérieure...
Wagner prend le Mythe, car son intérêt est la dimension symbolique.. Ce drame touche à ce qu'est l'humain. Il est universel ; même si Wagner traverse plusieurs périodes où il est lui-même anti-religieux à tendance optimiste, puis dès 1854 religieux à tendance pessimiste ( période schopenhauerienne...) ; enfin, en 1864, Wagner entre dans une quatrième période : une période religieuse, encore, mais optimiste cette fois-ci.
Wagner rompt ce que son époque a fait de l'Opéra : un divertissement comme un autre... Avec Parsifal ( écrit entre 1865 et 1882), l'Opéra est une représentation dramatique et sacrée ; comme s'il revenait à ses origines sacrées de la tragédie grecque.
De manière générale, on peut dire que pour Wagner, l'homme ne se situe pas au dessus de la nature ; mais au contraire, comme un être de la nature.
Wagner utilise, un moyen-âge mythique, un moyen-âge où le paganisme se mêle au christianisme qui se mêle, encore, au panthéisme.. Pour Wagner, le peuple a conservé une innocence quasi naturelle...
En ce début de XXe siècle, le wagnérisme prépare t-il le terrain au nazisme... ? Peut-être, même si wagnérisme ne signifie pas nazisme... !
C'est, par escroquerie intellectuelle, que le nazisme a annexé le wagnérisme... !
Wagner, en revanche, est le grand musicien de la philosophie de Schopenhauer (1788-1860) : La volonté naît du désir d'amour , un désir de vie aveugle et impossible à satisfaire … Ce principe à la fois doux et douloureux, régit le monde et perturbe l'équilibre insondable du néant ( dans le sens où Dieu n'existe pas …) …
L'Amour pour Wagner, s'exprime – avec passion – au travers de la pulsion érotique ; et même dans Parsifal, qui est une œuvre sur la Rédemption. Kundry, la rose de l'enfer, la pécheresse repentie... séduit le '' naïf imbécile'' qu'est encore le jeune Parsifal ; et réveille en lui le désir de sa mission...
Wagner écrit dans '' Ma vie '' que l’origine de son opéra remonte à ce qu'il a éprouvé en avril 1857, le jour du Vendredi saint, dans le jardin de la propriété des Wesendonck à Zurich. « Je m’éveillais pour la première fois avec le soleil le jour du Vendredi Saint : le jardin était verdoyant, les oiseaux chantaient ». Cet enchantement lui rappelle alors le Parzifal de Wolfram von Eschenbach dont il décide de tirer un opéra.
Pourtant, déjà dans le ''Lohengrin'' (1850) : Lohengrin révèle à Elsa qu’il vient d’un château nommé Montsalvat où se trouve le Saint Graal dont son père, le roi Parsifal, est le gardien.
Wagner aurait lu le Parzifal de Wolfram von Eschenbach (1170-1220), lors de son séjour de cinq semaines à Marienbad en 1845. Eschenbach est un des plus grands poètes épiques de son temps et c’est à ce titre qu’il apparaît déjà comme personnage dans Tannhäuser (1845) au moment du tournoi des chanteurs...
Parsifal est créé à Bayreuth le 26 juillet 1882. Wagner a réglé le moindre détail : décors, costumes, mise en scène. Franz Liszt, Anton Bruckner, Richard Strauss, sont dans la salle. Son opéra est conçu pour « son » théâtre... Wagner a interdit que Parsifal soit représenté ailleurs. Chaque représentation devait rester une expérience unique parce qu’inouïe au sens propre.
Le Thème de Parsifal, est donc l’héroïsme rédempteur seul susceptible d’apporter le salut. Pour soigner la blessure du roi Amfortas, blessé par le magicien Klingsor (son plus grand ennemi), il faut un être pur susceptible d’éprouver la plus grande compassion.
Parsifal est naïf ; mais ni chez Chrétien de Troyes, ni chez Eschenbach, il ne renonce aux joies de l'amour physique... Ce qui est alors attendu du parfait chevalier, c'est d'être à jamais fidèle à la dame à laquelle il a engagé sa foi. L'exigence de la pureté-chasteté n'intervient qu'ultérieurement dans les continuations cisterciennes de ''La queste du Saint-Graal '' où le Graal ne sera révélé qu'à Galaad chevalier vierge ; et ne pourra être accompagné dans le service du Graal que de Perceval, et Bohort, qui ne sont que chastes ….
Chez Chrétien et Wolfram, Kundry (Cundrie) est une femme au physique repoussant... Cependant, elle est fort savante... Elle reproche à Perceval de n'avoir pas poser la Question ; et de pas avoir pris les tourments du roi pêcheur en pitié …
Chez Wagner ; Kundry entre en scène sous l’apparence d’une « farouche amazone », messagère des chevaliers. Séductrice pleine de sensualité livrée à l’influence de Klingsor, elle est aussi déchirée par la malédiction qui la condamne à l’errance pour avoir raillé le Christ souffrant. C’est elle qui va éclairer Parsifal sur sa propre histoire, ce qui lui permettra d’accomplir son destin.
« Cette œuvre de vieillesse, très sous-estimée, est pourtant à vrai dire absolument passionnante. On y trouve la plus extraordinaire musique (transformation du IIIe acte) et le personnage de Kundry est sans aucun doute sa conquête poétique la plus achevée. » Thomas Mann
Thomas Mann (1875-1955) a connu Parsifal en 1909 : « Délivrance, aboutissement, achèvement, cet oratorio de la Rédemption pousse à l’extrême l’exploration de mondes écartés, terribles et sacrés, et l’art de les faire parler » Thomas Mann
Voyage en Allemagne – Bayreuth et Wagner - 1
Bien-sûr, les conversations entre Anne-Laure et Emmy portent sur Wagner (1813-1883). Le goût des mathématiques de la jeune scientifique semble questionner les mythes que portent Wagner à la conscience de tous...
En ce début du siècle, tous les étrangers qui se rendent à Nuremberg, sont en transit pour Bayreuth.
* Bayreuth est une jolie ville située sur le Main ( dit rouge) qui, en cet endroit, n'est qu'un petit ruisseau coulant entre deux berges de gazon, ombragé çà et là de minces roseaux et murmurant gentiment sur un lit de cailloux. Aujourd'hui, chef- lieu de la Haute-Franconie, Bayreuth fut jadis la capitale d'un margraviat, où régna la sœur du grand Frédéric. Voltaire y habita.
La salle d'opéra sur la '' Colline sacrée '' conçue par Wagner, est inaugurée en 1876.
Wagner est mort depuis 1883... En ces premières années du siècle, le génie de Wagner est reconnu dans le monde … Les fidèles estiment que c'est à Bayreuth même qu'il faut boire à la source wagnérienne. et presque tous les ans, depuis son ouverture, le théâtre des fêtes qu'il a fait construire s'ouvre pour permettre à quelques uns d'entendre ses opéras.
L'aspect du théâtre est des plus simples.
Huit escaliers conduisent dans la salle disposée en amphithéâtre. Derrière cet amphithéâtre, une galerie tient toute la largeur du fond. L'amphi. disposé à l'antique, permet le mélange des classes sociales, pas de loges, si ce n'est les deux réservées au milieu de la galerie, l'une pour la famille Wagner, l'autre pour les familles princières. Les côtés de la salle sont ornés de hautes colonnes portant chacune une couronne de lampes électriques.
L'arrivée des voitures, qui amènent les spectateurs et gravissent péniblement le versant de la colline, est une des choses les plus curieuses de Bayreuth. Les femmes prennent largement, à ce moment, leur revanche de l'obscurité obligatoire de la salle, et toute leur coquetterie se concentre dans la forme du chapeau et dans la coupe du manteau jeté sur dès épaules qu'on ne peut découvrir. Peu de fleurs ; l'Allemagne ignore ce luxe. Avant le commencement du spectacle, il se forme des groupes sur la terrasse qui précède le péristyle du théâtre. C'est là que se classent les différentes nuances de dilettanti : les muets que l'adoration empêche de parler, les éloquents qui éprouvent le besoin de manifester pour montrer qu'ils peuvent dépasser le diapason normal, les curieux, les sages, puis les initiés qui seuls comprennent, seuls sont dignes d'entendre et sourient doucement, de ce sourire à la fois bienveillant et dédaigneux que les divinités bouddhiques concèdent parfois aux simples mortels.
Les représentations du théâtre de Wagner commencent à quatre heures et durent jusqu'à dix heures avec deux entractes de cinquante minutes chacun. On dîne au restaurant voisin pendant le second entracte, si on peut parvenir à trouver place à une table. Sinon, on en est réduit au lunch debout. Deux avertissements, donnés sur le péristyle par une fanfare qui les emprunte à l'un des motifs de la pièce en représentation, annoncent que l'on doit regagner sa place, si l'on ne veut pas perdre le bénéfice du spectacle.
Wagner, s'est astreint à posséder un théâtre exclusivement destiné à ses œuvres, ayant reconnu les inconvénients que peut amener la distraction du public, la gêne qu'occasionnent ses conversations, le trouble qui résulte du va-et-vient des spectateurs ; il a stipulé que le signal donné, personne n'entre plus dans la salle et n'en puisse sortir.
Les spectateurs ayant pris leurs places, il les a plongés dans la nuit, ne laissant à leurs yeux que la ressource ou, pour mieux dire, l'obligation de se diriger vers la scène seule éclairée.
Pour Anne-Laure ; qui n'apprécie que de loin cette sensation que l'on trouve à l'Opéra dans le sens italien ou français du mot... Elle espère autre chose qui lui rappellerait que c'est bien en Allemagne que la Réforme est née... Elle se plaît à suivre l'esprit allemand dans ses généralisations philosophiques ; cet esprit qui se nourrit volontiers de l'invisible...
C'est - forte de cette distinction - qu'Anne-Laure de Sallembier s'assoit dans un fauteuil du théâtre de Bayreuth et, après avoir suffisamment pensé à Luther, à Kant et à Goethe, elle se préparer à admirer le génie incontestable de Wagner. La durée du spectacle ( sans les entractes) , devrait être au moins de quatre heures... Karl Muck, dirige l'orchestre.
Sources : Albert Lavignac : '' Le voyage artistique à Bayreuth''
L'Histoire de Parzival de Wolfram von Eschenbach – 7/, - Rudolf Steiner
En France, nous situons la légende du Graal, principalement sur l'autorité de Chrétien de Troyes, puis de Robert de Boron, et ses continuateurs... Les pays anglo-saxons, s'appuient davantage sur la version de Thomas Malory (vers 1470)... Peu - en France - semblent s'intéresser réellement au Parzival de Wolfram von Eschenbach... Il serait temps, je pense, de corriger ce point de vue...
Et, si nous privilégions cette dernière version … ?
Quelques suisses et allemands, bien sûr, ont préparé cette voie. Depuis Wagner, et je pense en particulier à Rudolf Steiner (1861-1925), et ses continuateurs …
Je tiens à exprimer, avant de continuer, ma répulsion devant certaines théories raciales - qui avaient cours parmi nos meilleurs scientifiques de la fin du XIXe siècle ! ( Je pense à Camille Flammarion, que je suis en train de lire …) - et qui aujourd'hui sont totalement rejetées... Steiner n'y a pas échappé ! A nous de trier, en totale connaissance et raison … Malheureusement, en Allemagne - précisément du fait de l'intérêt au XIXe siècle pour le Parzival - la légende du Graal a pu et peut encore supporter une idéologie effrayante … ! A nous d'être vigilant …
Rudolf Steiner est né en 1861, dans l'Empire d'Autriche , exactement aujourd'hui, en Croatie... Journaliste, conférencier, il fonde l'anthroposophie...
L’œuvre de Richard Wagner ( 1813-1883), l'interroge. Je cite R. Steiner « C'était le jour du Vendredi saint 1857, dans la villa Wesendonk au bord du lac de Zurich. Il regardait au dehors la nature qui germait, bourgeonnait, fleurissait. Et à cet instant, le lien entre la nature bourgeonnante et la mort du Christ sur la croix lui apparut avec évidence. C'est ce lien qui constitue le mystère du Saint Graal. À partir de ce moment-là, l'idée d'adresser au monde, sous une forme musicale, le message du mystère du Saint Graal, s'empara de lui. »
Rudolf Steiner, imagine – à la lecture du Parzival - une communauté d'hommes et de femmes, réceptrice de ce message : des Templiers, des ''Chevaliers du Graal '' ( Lohengrin..) ; et il la différencie d'une autre communauté légendaire ( anglo-saxonne) : les chevaliers de la Table Ronde...
Par exemple : Richard Wagner voyait entre le soleil et les fleurs des échanges d'énergie, des échanges entre règne divin et végétal... Le calice de la plante est le Graal ; le rayon solaire est la Lance ( sanglante)... Le sang, c'est la Connaissance ; et l'importance de la lignée ( les liens du sang)
Cette Connaissance, c'est ce qui peut être donné aux hommes sous forme de sang coulant du calice, qui s'ouvre d'en haut ...
Gauvain, parfait chevalier de la Table Ronde, neveu d'Arthur, représente l'homme face aux affaires de ce monde... Parzival, accède à l'autre communauté des chevaliers du Graal... La coupe sacrée portant le sang divin fut apportée en Europe, aux chevaliers du Graal de Montsalvage.
Wagner dit reconnaître dans le sang du Christ : « la quintessence de la souffrance consciemment désirée, qui se déverse en tant que compassion divine dans tout le genre humain, source originelle de ce dernier. » Steiner voit en Wagner quelqu'un qui « s'est approché plus qu'aucun autre du mystère originel. C'est précisément l'énergie qu'il mit dans cette démarche qui fait de lui un grand artiste. On ne doit pas le considérer comme un musicien ordinaire, mais comme un profond connaisseur des profonds secrets du Saint-Graal auxquels, pour l'humanité moderne il voulait rendre vie. »
Pour Steiner, les ''chevaliers du Graal'' sont les chevaliers du Verbe ; et les chevaliers du roi Arthur : les chevaliers du glaive.
« L’épée du Graal, se brise quand elle vieillit. Il faut alors la rapporter à la source ce dont il ne reste que des fragments transmis par la tradition. Le passé doit être rajeuni à la source de vie. C’est là, à la source de l’esprit que l’épée du Graal se reconstitue. » R Steiner
« Si les scènes du Parzival apparaissent toujours deux fois, c’est parce que d’abord, on y revit le passé. On s’aperçoit alors qu’il est stérile. Ensuite, se produit une rénovation, les faits sont rénovés à la source de l’Esprit et deviennent alors féconds. D’ailleurs, toutes les scènes du Graal ont un double sens, historique d’une part et universellement humain d’autre part. L’être humain, par exemple, doit toujours retourner à la source, comme Parzival, qui reste en liaison avec la source de l’esprit en envoyant constamment les chevaliers qu’il a vaincu à la femme qui veille sur la source. » R Steiner.
Klingsor représente les ''anciens mystères'' profanés... Kundry comme Hérodiade, est le symbole de la force de création de la nature, qui chaste ou impudique, est ''sans rênes'' … Le pur et l'impur ont en commun une réalité sous-jacente, le désir... Kundry est une magicienne noire, jusqu'à ce que Parzival la délivre : les deux possède une sagesse …
Steiner, pense que si au Moyen-âge, on pouvait comprendre le sens du texte d'Eschenbach ; aujourd'hui c'est la musique de Wagner, qui transmet le message : « Ses mélodies portent les vibrations nécessaires à la purification du corps éthérique de l'homme aspirant à recevoir le mystère du Saint Graal. »
Ensuite, ce qui est curieux, c'est l'intérêt géographique porté aux indications géographiques de Wolfram pour identifier les lieux de l'action ; et qui va permettre à Steiner de choisir le lieu de construction du ''Goetheanum''...
Le Goetheanum est le siège de la Société anthroposophique universelle... Ont lieu des concerts et des spectacles d'eurythmie. En outre, plusieurs congrès s'y tiennent chaque année.
Ce lieu conçut par Steiner correspondrait à la localisation de l’ermitage de Sigune au pied de l’emplacement du ''château du Graal'' … !
Dans Willehalm et dans Parzifal, Wolfram von Eschenbach dit ne rien inventer...
Cependant, le style, le vocabulaire de Parzival, mettent en avant de nombreux artifices de langage et de style pour captiver son auditoire... On note de nombreux éléments merveilleux : heaume de diamant de Gamuret, château des reines dans lequel on retrouve vivante la mère d’Arthur, armure de Feirefils forgée par les salamandres, etc…
Le personnage de Gauvain, prend son intérêt dans cette histoire, du fait qu'il est le double de Parzival... Sinon, historiquement, sa quête ne fait pas avancer le récit … le roi Arthur, lui-même est un personnage secondaire …
Il semble que Wolfram se soit basé sur des lieux réels qu’il connaît pour camper le décor de son histoire avec une grande cohérence spatiale... ( nous en reparlerons...)
Plus intéressant, c'est que déjà , dans Willehalm de Wolfram von Eschenbach, est établi le lien entre le Christianisme, les Mystères et la science Alchimique des Arabes. Ce lien s’effectue grâce à Arabel/Gybourc, la femme de Guillaume, une femme arabe d’une grande culture...