parsifal
1900 - Les salons artistes et mondains - la Porte de Parsifal
1899 chez Anna de Noailles- De gauche à droite, debout : prince Edmond de Polignac, princesse de Brancovan, Marcel Proust, prince Constantin de Brancovan (frère d’Anna de Noailles), Léon Delafosse. Au 2ème rang : Mme de Montgenard, princesse de Polignac, comtesse Anna de Noailles, Au 1er rang : princesse Hélène de Caraman-Chimay (sœur d’Anna de Noailles), Abel Hermant

Nous avons évoqué la finalité de l'Art... Une femme, encore, a porté à cette époque cet idéal esthétique, par la musique en particulier ; il s'agit de Winnetta Singer devenue Princesse Polignac (1865-1943)...
Les Polignac, est une dynastie originaire du Puy-en-Velay qui remonte ses preuves de noblesse au IXe siècle, elle ne se réduit pas à la personne de la grande amie de Marie-Antoinette, gouvernante des enfants de France.
D’origine américaine, née en 1865, Winnaretta est très jeune à la mort de son père, Isaac Singer, l’inventeur de la machine à coudre, qui lui laisse une fortune considérable. Winnaretta Singer (1865-1943) est millionnaire à 18 ans...
D'abord mariée à 22 ans, avec le prince Louis de Scey-Montbéliard en 1887, ce mariage sera annulé par le Vatican en 1892 ( Elle se serait réfugiée sur une armoire pendant sa nuit de noces, effrayée de ce qui se passait et aurait menacé son mari de se tuer s'il l'approchait. ).
En 1893, elle se marie avec le prince de Polignac, homosexuel, bien plus âgé qu'elle, et amoureux platonique. Le Prince Edmond de Polignac, est le fils du ministre de Charles X... Son ami Marcel Proust le compare à « un donjon désaffecté qu’on aurait aménagé en bibliothèque » ...
Winnaretta est musicienne et une artiste peintre ; mécène, elle reçoit dans son atelier de peinture de la rue Cortambert (que Proust surnommait le Hall), dans sa campagne de Saint-Leu-la-Forêt ou dans son immense hôtel particulier parisien au 57 de l’avenue Henri-Martin, « la plus élégante fumerie d’opium de Paris » selon Paul Morand. On y croisait, outre Marcel Proust -qui évoqua son Salon dans un article publié dans le Figaro du 6 septembre 1903-, Monet, Cocteau, Colette, Nabokov, Picasso, Valéry. Surtout on pouvait y entendre, en avant-première, les chefs d’œuvres musicaux qu’elle commanditait à la fine fleur de l’avant-garde.
Avec son mari, ils font chaque année le ''pèlerinage'' à Bayreuth ; Edmond est déjà venu au secours de Wagner après son échec avec Tannhäuser à l’Opéra de Paris...

Ravel a présenté à la Princesse de Polignac la dédicace de son dernier ouvrage: Pavane pour une infante défunte . À cette époque, il était courant que les artistes demandent la permission avant de dédier une œuvre à qui que ce soit, mais avant que Winnaretta ne puisse s'opposer à la décision de Ravel, Pavane s'était déjà avéré être un succès exceptionnel. Elle accepta cette dédicace et devint finalement l'un des supporters les plus passionnés de la musique de Ravel.
« Le désir de Winnaretta de faire entendre des œuvres qui nécessitaient des exécutants en très grand nombre, ce que l'on ne voyait jamais dans des demeures privées avait une conséquence fâcheuse. Elle devait inviter beaucoup de monde à ses concerts pour équilibrer la foule des musiciens et, souvent, la qualité des auditeurs diminuait en fonction de leur quantité. Les critiques et les chroniqueurs mondains étaient tantôt ennuyés, tantôt amusés par la réunion de princesses coiffées de chapeaux élégants et de ducs qui renversaient leur chaise, faisaient tinter leur cuillère dans les tasses et papotaient bruyamment cependant que les musiciens tentaient de lutter énergiquement contre ce fond sonore évocateur d'une basse-cour. » Michael de COSSART: Une américaine à Paris (Paris, Plon, 1978)

Winnaretta a de nombreuses relations amoureuses, qu'elle ne dissimule pas, avec des femmes, notamment : la compositrice Ethel Smyth, la peintre Romaine Brooks qui débute en 1905, et met fin à sa liaison avec Olga de Meyer.
Olga de Meyer (1871-1930) est connue pour sa beauté, elle est le modèle et la muse de nombreux artistes, donc Jacques-Émile Blanche, James Jebusa Shannon, James McNeill Whistler, Giovanni Boldini, Walter Sickert, William Ranken, John Singer Sargent et Paul César Helleu.
Un autre de ses admirateurs n'était autre que Charles Conder, qui s'amouracha d'Olga Caracciolo et peignit son portrait. On comptait également dans son cercle de fréquentation Aubrey Beardsley. Olga de Meyer a également inspiré des personnages des romans d'Elinor Glyn et d'Ada Leverson.
Winnaretta aima d'autres femmes mariées... A Venise, un mari ''offensé'' d'être trompé, voulut se battre en duel avec elle…
Porte de Parsifal - Eugène Grasset, Projet de Porte monumentale, aquarelle de présentation (1890), Paris, Petit Palais.
Winnaretta confia à Anne-Laure sa passion pour la musique de Wagner... et le désir qu'elle eut de créer à côté de son atelier une sorte de Temple au Graal... !
Sérieusement … Elle a envisagé une porte monumentale qu'elle confierait au sculpteur et céramiste Jean Carriès. Eugène Grasset, dessinateur, conçut un projet dont il reste un dessin daté du 16 janvier 1890. Satisfaite du projet, Winnaretta a signé la commande à Carriès, qui n'est jamais allé au bout du projet … !
Ce dessin est nommé '' la Porte de Parsifal'' :
La porte monumentale devait être habillée de carreaux de céramique représentant des visages masculins et féminins et un bestiaire assez étrange. Au centre, un pilier portait une statuette à l’effigie de Winnaretta, elle-même assez curieuse, car elle est représentée comme une très jeune fille belle et altière, qui foule aux pieds un serpent, et porte sur le bras gauche… un chat.

Les salons sont plus ou moins '' artistes '' ou plus ou moins ''mondains'' .. Pour les mondains : des salons raffinés comme celui de la Comtesse Aimery de la Rochefoucauld (1852-1913)( fréquenté par M. Paul Bourget, Proust...) ; le salon '' finance et grande industrie '' de Mme Henri Schneider , ou celui plus ''aristocratie politique'' de la duchesse de La Rochefoucauld-Doudeauville... pour lesquels les règles de ''recrutement sont très ciblées...

Le salon de Mme de Caillavet, est un ''salon littéraire'', le dimanche ...

Chez la comtesse Greffülhe, on est « mondain, musical, littéraire ; très éclectique », chez la comtesse d'Haussonville, on est « mondain, politique littéraire ; chez Mme Madeleine Lemaire « musique et littérature »...
Certains salons esquissent des carrières académiques, et pour être candidat à l'Académie, à l'Institut... ; il est recommandé de faire quelque stage dans certains salons de ''grandes examinatrices '' …
Le jeune poète Henri Hertz (1875-1966) est convié dans l'un de ces salons :

« (…) il y a là aussi quelques regards lourds d'amoureuses qui se posent et se retiennent ; et dans ceux des jeunes femmes mariées, il y a de la langueur de regret : ceux des mères frétillent à l'unisson des yeux de leurs filles ! L’œil des hommes insulte, marque, ou gouaille, avec tous les signes de la luxure, du dédain blasé, ou de l'expérience indulgente comme ne face des naïvetés enfantines ! Tout cela assoupi et retenu ici, sans excès, parce qu'on est dans un salon protestant ! »
Hertz continue et note sur ces ''salons'' ce qui lui semble spécifiquement français : « En France, le sens romanesque, passionnel, galant prime tout ; une femme est toujours une femme dans les trafics aussi bien que dans les salons ; la femme se montre continuellement femme, l'homme continuellement homme ; le souci du sexe ne quitte ni leurs yeux, ni leurs gestes.
L'amour règle toutes leurs réunions. C'est ce qui donne à toutes les assemblées françaises, aux plaisirs, aux discours, aux affaires, un aspect particulier... »
Sources :''Paris 1900: Essai d'histoire culturelle'' de Christophe Prochasson
Voyage en Allemagne – Parsifal et Wagner -
Anne-Laure de Sallembier est sortie bouleversée de la représentation de Parsifal... C'est comme si un événement capital avait eu lieu ; quelque chose en elle s'est accompli : « Cette œuvre a atteint le fond de mon âme ; mais je ne sais pas encore ce qu'elle peut me révéler... »

Elle eut l'impression d'avoir assisté à une sorte d'initiation, à un mystère... Celui de la Rédemption...
Elle se demande si la beauté de cette œuvre ne toucherait pas à l'essence même de la religion... ?

C'est comme si elle avait ressenti - après la nuit et les larmes de la souffrance - la fraîcheur, la paix d'un nouveau jour sous la protection d'un amour divin...
Pendant le spectacle, Anne-Laure passe de la terreur aux frissons suaves, de la fascination à l'extase …
Le spectacle s'adresse d'abord à l'intuition par le symbole … Puis, ce que l'intuition ressent, est confirmé par ce que la raison comprend.... Elle retrouve là quelque enseignement de Bergson ...
La musique de Wagner, pénètre dans le corps, on a du mal à dominer ses impressions... Il y a la tentation de la volupté, mais on sent toujours, en même temps, l'aspiration de l'âme verts le haut...
A Montsalvat le Graal est à l'abri d'un temple inaccessible ; confié à la garde d'hommes simples et purs à qui Il donne un pouvoir surhumain. Ils gardent aussi la Lance, mais la lance est passée au pouvoir de l'Ennemi, et le Graal est menacé... La Lance est - comme - à l'avant-poste du Graal …
Je retranscris ici, quelques notes, qui concernent surtout des images, de la musique
Acte I :

* « On voit passer le roi Amfortas couché sur sa litière, se rendant au bain. Kundry, la séductrice, apparaît sous une de ses personnalités. Vêtue comme une sorcière sauvage, elle apporte un baume mystérieux pour le roi malade. Mais son demi-repentir ne suffit pas à l’affranchir, et Klingsor peut s’empare d’elle à volonté pour l’employer au service de ses œuvres de ténèbres. » (...)

« Gournemans assis sous un grand arbre, raconte aux jeunes écuyers groupés autour de lui l’histoire des malheurs récents du Graal et des souffrances du roi Amfortas depuis qu’il a succombé à la séduction d’une magicienne. Soudain, vibre dans l’air le bruit d’une flèche décochée et un beau cygne s’abat expirant à quelques pas du groupe. Les écuyers se précipitent et amènent le coupable devant Gournemans. Parsifal, car c’est lui, regarde effaré;il ne comprend pas ce qu’on veut de lui. »
« Pendant que l’âme de Parsifal s’éveille au sentiment de la pitié pour le cygne, l’orchestre fait entendre les motifs qui, plus tard, seront associés aux scènes les plus religieuses et en particulier à celle de la communion dans le temple du Graal. (…) le procédé musical de Wagner vient renforcer la signification ésotérique de l’idée... » (...)
« L’audition de ces motifs, jointe à la vision de la scène, fait pénétrer instantanément dans le cerveau de l’auditeur cette idée que la communion de l’âme avec le divin et la rédemption qui en est la conséquence, ne peuvent s’accomplir qu’en respectant la loi d’amour qui unit dans une solidarité absolue toutes les parties de l’Univers... » (...)
« C’est en vain que Gournemans interroge Parsifal. Il ne sait rien, ni qui il est, ni d’où il vient. Mais Kundry, la sorcière, révèle sa naissance. Elle apprend à Parsifal que sa mère est morte de chagrin parce qu’il l’a abandonnée.

* « L’orchestre fait entendre le motif de la magie, qui tout au long de l’oeuvre souligne la perte du libre arbitre... (...)
« Gournemans qui vaguement entrevoit que ce naïf enfant des bois pourrait être « le Simple, le Pur » dont l’arrivée a été prédite au Roi pécheur, entraîne Parsifal du côté du Temple. C’est ici que se trouve ''la montée au Graal'': . Cette partie musicale de l’oeuvre est celle qui m’apparaît comme la plus profondément ésotérique ( c'est à dire : à comprendre par l'intuition, avant la raison...), parce que le génie du maître semble avoir exprimé en ces surhumaines harmonies le mystère de l’évolution de la vie sur tous les plans de l’existence: le plan cosmique : évolution des mondes; le plan matériel terrestre : évolution de l’homme; le plan spirituel : évolution de l’âme. » (...)
« Le décor commence à se mouvoir de gauche à droite de façon à donner l’illusion de la marche. Insensiblement les voûtes de la forêt se changent en masses montagneuses. L’obscurité envahit la scène. Au milieu des harmonies puissantes de l’orchestre qui montent et s’enflent comme les vagues de l’Océan, on entend cette phrase cadencée de Gournemans: «Tu vois mon fils, le temps ici devient l’espace.»
Ainsi que les personnages du drame, l’auditeur se croit transporté dans l’infini insondable. Le monde de l’illusion disparaît, nous avons dépassé les limites du temps. Dans le gouffre de la vie universelle, la loi éternelle se déroule avec les mondes qui évoluent et les humanités qui se dégagent lentement des règnes inférieurs de la nature pour s’élever jusqu’à la sphère de l’esprit.
L’orchestre seul parle, car les mots seraient impuissants à peindre le mystère qui se déroule. »

« Le motif de la marche du Graal entremêlé avec l’appel des cloches; puis les motifs de la douleur et de la pitié. Les différents crescendos qui s’accentuent comme une ascension sur des plans d’élévation successifs disent l’effort douloureux de l’univers, de la nature et de l’homme enfantant le divin.
(…) bientôt le thème du Graal s’affirme dans toute sa plénitude avec l’idée de la victoire. Puis, tout s’apaise : seules les cloches du Graal appellent les chevaliers. Ils entrent deux à deux dans le Temple. Le décor est ici à la hauteur du rêve, la vision du Maître est égalée. On se sent dans le tabernacle où s’adore l’immuable.
S'accomplit la liturgie du Graal...
Parsifal porte la main à son coeur, la vérité est devenue vie en lui. Mais.... il reste silencieux !
Désormais, quelles que soient les épreuves qu’il aura à subir, l’étoile du Graal le guidera. La lumière a pénétré jusqu’au fond de son âme. Gournemans peut le chasser hors du Temple, il saura y revenir. »
Au deuxième acte,
« Le prélude du deuxième acte prépare l’auditeur à pénétrer dans le royaume de la magie où s’agitent et se démènent les forces élémentaires, semi-intelligentes, au moyen desquelles Klingsor exerce ses enchantements diaboliques. Rien de plus coloré que cette phrase du début. On dirait une chevauchée de furies. Puis, sur une basse qui semble peindre le chaos des éléments, des traits rapides se dessinent, semblables à des salamandres sillonnant la nuit. » (...)

« Kundry sort d’un gouffre, enveloppée d’une vapeur blanche sous laquelle apparaît sa beauté radieuse.
Au moment où Kundry s’éveille, Klingsor étouffe sa conscience spirituelle et, par la suggestion exercée sur le quatrième principe, ou l’âme animale, il enfonce le dard du désir dans la chair qui commence à tressaillir. (...)
(…) surgit un jardin enchanté, où la séductrice, cachée derrière un bosquet de plantes tropicales, attend l’arrivée de Parsifal. (…) la scène ravissante des filles-fleurs. Rien de plus chastement voluptueux... (…) C’est un trait caractéristique de l’oeuvre de Wagner que l’idée du mal y est toujours représentée d’une façon frappante, sans jamais souiller l’âme par la vulgarité des tableaux ou la lascivité des attitudes. À quelle hauteur se livre la lutte ! On le comprend au premier appel de Kundry : « Parsifal !… »
« Ces trois notes évoquent un monde de pensées ; l’effet en est saisissant. Il dit tant de choses, ce nom prononcé en ce moment, et souligné par les divers motifs de l’orchestre. Il évoque la vaste forêt, les jours de l’enfance, la tendresse maternelle, les rêves de l’adolescent, son pressentiment du Graal ; tout ce-la voluptueusement enveloppé de chauds effluves qui émanent de la séductrice. « Je t’ai vu dans ton berceau de mousse », lui dit-elle. Puis, elle lui décrit les angoisses de sa mère lorsque son fils restait longtemps loin d’elle, sa joie quand elle le retrouvait, ses étreintes folles. Et, pour vaincre la pureté qui s’effarouche, elle ajoute en souriant : « Ces baisers-là ne te faisaient-ils pas peur ? » Ah ! elle sait bien, la subtile magicienne, la rose de l’Enfer, que de vulgaires voluptés ne sauraient séduire le « Simple et le Pur ». Elle a touché juste en faisant vibrer la corde qui chante l’amour unique, le seul qui ne trompe pas. «Ma mère! ma mère!» s’écrie le jeune homme en s’affaissant aux pieds de Kundry. Doucement, la magicienne enlace de ses bras l’enfant qui se souvient et pleure. «L’aveu et le repentir effaceront ta faute, lui dit-elle, en se penchant vers lui, le savoir changera ta folie en raison. Apprends à connaître cet amour qui enveloppait Gamuret lorsque l’ardeur d’Herzeleide l’embrasait. L’amour qui te donna la forme et l’existence, devant lequel la mort et l’innocence reculent, qu’aujourd’hui, avec le salut suprême de la bénédiction maternelle, il te donne son premier baiser»
La séductrice se penche et pose ses lèvres sur celles de Parsifal.
Le baiser qui devait perdre Parsifal, le sauve. Il repousse les bras nus de l’enchanteresse.
« Amfortas ! » Ce cri, qui produit une impression bouleversante, n’est-il pas comme la réponse à l’appel de Kundry, un instant auparavant : « Parsifal ! »
Parsifal, toujours sous l’obsession du souvenir d’Amfortas, se représente la scène où le roi du Graal a succombé... (...)

Désormais elle n’est plus l’esclave de Klingsor qui obéit à une impulsion reçue. C’est une vraie femme en proie aux affres d’un amour méprisé, (...)
Dans son âme blessée, passionnée, mais toujours aspirante, Parsifal se confond avec le Sauveur qu’autrefois, dans une lointaine existence... etc
Il est impossible de donner avec des paroles la moindre idée de la puissance de cette scène exprimée par la musique. (…)
Après le cri «Amfortas» viennent les motifs de la souffrance et de la pitié; puis, semblables à des sifflements de l’enfer, des passages démoniaques, qui s’appliquent à l’œuvre diabolique de Kundry.
(..)
Lorsque Parsifal est à genoux, ce sont les thèmes du Graal et de la Cène qui viennent fortifier son âme contre la tentation. Dans le délire de la passion de Kundry, les harmonies rappellent le château magique avec ses ensorcellements. (...)
Klingsor tient la lance qu’il a dérobée à Amfortas ; il en menace Parsifal. L’éclair du fer reluit, mais il s’arrête au-dessus de la tête du « Simple et du Pur. » Parsifal prend la lance et dessine dans l’air un grand signe de croix. Alors jardins et palais disparaissent. Klingsor s’enfonce dans l’abîme ; les filles-fleurs jonchent le sol. Kundry s’affaisse en poussant un cri. Au fond de la scène, apparaît le sommet neigeux qui domine le Graal.
* Un prélude d’une beauté incomparable nous peint la morne tristesse qui plane sur le Graal, et ces harmonies désolées, venant après le mouvement enfiévré de la magie, font passer dans notre âme le froid de la mort. D’autres motifs nous disent la lutte anxieuse de Parsifal à la recherche du Graal et le cri de Kundry brisée et vaincue. Le moi inférieur est bien crucifié, mais l’âme spirituelle n’a pas encore reçu le baptême de la lumière céleste.

« Le troisième acte s’ouvre comme une idylle de paix et de rédemption. Nous sommes dans un paysage printanier et au milieu d’une prairie parsemée des premières fleurs, à la lisière d’une forêt ombreuse d’où s’échappe une source claire. Le vieil écuyer de Titurel, Gournemans, s’est fait anachorète. Il sort de sa hutte, car il a entendu un profond gémissement, un soupir d’angoisse derrière le buisson. Il approche et voit Kundry endormie là d’un sommeil léthargique. Il la relève inerte comme un cadavre, lui frotte les mains et l’asperge d’eau. Enfin elle ouvre les yeux. Gournemans, qui l’a souvent retrouvée ainsi et qui ne sait rien de sa vie de péché, remarque cette fois-ci une différence. Rien de sauvage ni de fiévreux; elle est humble et triste. Elle porte la robe brune des pénitentes,une corde en guise de ceinture, et arrange soigneusement ses cheveux épars.

(...)
« l’admirable scène connue sous le nom de Charme du Vendredi Saint. (…) Parsifal prend le flacon des mains de Kundry et le remet à Gournemans, afin de recevoir de lui l’onction sainte. « Qu’il soit purifié et lavé de toutes les souillures de sa longue course errante ! » dit le pieux chevalier, tandis que les motifs les plus doux passent comme des brises d’amour sur les têtes inclinées. Puis, au moment où Gournemans prononce ces mots : « Ainsi l’heure est venue, ton front je le bénis et Roi je te salue ! » le motif de Parsifal vainqueur éclate avec une force triomphante et se termine en un grandiose fortissimo sur le thème du Graal. Parsifal puise de l’eau dans le creux de sa main et la répand sur la tête de Kundry en disant : « Ainsi j’accomplis mon premier devoir, reçois l’eau du baptême, et crois en ton Sauveur qui t’aime. » - Kundry s’affaisse aux pieds de Parsifal et pleure.
Le bruit de ses sanglots étouffés qui se mêle à la phrase adorable de la Foi, pénètre l’âme d’une émotion indicible. (...)
« même effet de décor qu’au premier acte. Toute la scène semble se mouvoir, mais en sens inverse. Cette montée au Graal, bien différente de la première, exprime par la musique le désespoir de l’heure actuelle, la mort de Titurel. (...)
Amfortas ne peut échapper à sa souffrance, car son repentir n’a pas changé la direction de son désir. En lui c’est l’être inférieur qui aspire toujours à la vie. Il n’a pas la force de s’élever à un état de conscience supérieur. Parsifal lui, par la pitié pour le souffrant, est monté jusqu’à la sphère de l’amour divin.
Sources : Émilie de Morsier (1843-1896) PARSIFAL de Richard Wagner
Parsifal de Wagner - Kundrie

Parsifal est l'histoire de la quête spirituelle du héros et le combat du bien et du mal sur fond d’exaltation de l’idéal chevaleresque.

La ''Kundry'' créée par Wagner, apparaît tour à tour comme la servante passionnément dévouée des chevaliers du Graal quand elle est livrée à sa propre nature, et comme leur ennemie acharnée, l’instrument de leur déchéance, lorsque, subissant malgré elle le magique ascendant de Klingsor, elle se transforme en une femme « effroyablement belle » et devient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés.

Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, et perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du ''chaste fou'' promis. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance.

Finalement, c'est Kundry, qui éclaire Parsifal sur sa propre histoire, et qui lui permet d’accomplir son destin.
Si Parsifal ne se perd pas dans le jardin maléfique des ''filles-fleurs'' de Klingsor ; il est soudain pris par une voix d’une irrésistible beauté qui s’adresse à lui : « Parsifal ! » A quoi le jeune garçon étonné répond: « Est-ce moi que tu as appelé, moi qui n’ai pas de nom? » Kundry, sait que lui, Parsifal, est bien le rédempteur annoncé par la prophétie... Kundry cherche désespérément à se libérer de sa propre malédiction ( celle d’avoir ri autrefois du Sauveur souffrant ), ce qui - pense t-elle – ne pourra se faire qu’en se faisant aimer totalement d’un être pur et innocent comme l’était le Sauveur dont le souvenir l’obsède... Elle entreprend de séduire ce chevalier simple et transparent qui l’attire irrésistiblement.

Au moment où Parsifal s'apprête à sombrer délicieusement : il rejette brutalement la séductrice, se redresse et se précipite loin d’elle en criant de toutes ses forces: « Amfortas – la blessure !- la blessure! -elle brûle dans mon cœur- oh, plainte, plainte, terrible plainte, j’ai vu saigner la plaie. Voilà qu’elle saigne en moi maintenant ! »
Wagner dans une lettre à Louis II explique le sens de cette réaction inattendue: « Le baiser qui fait succomber Amfortas au péché éveille en Parsifal qui lui est innocent la conscience de la faute commise par le malheureux dont il n’a auparavant ressenti que confusément la plainte désolée. La cause du péché d’Amfortas lui apparaît en toute clarté à travers son propre sentiment de la compassion. C’est avec la rapidité de l’éclair qu’il reconnaît le poison. Ainsi le savoir de Parsifal est plus grand que celui de toute la chevalerie de Graal qui a toujours pensé qu’Amfortas ne souffrait que de la blessure infligée par la lance. »
Kundry répond: « Si tu es rédempteur, quel pouvoir méchant t’interdit de t’unir à moi pour mon salut (…) Une heure seulement m’unir à toi, qu’en toi je sois absoute et sauvée! » Parsifal: « Le baume qui guérit ta peine vient d’autre source que ton mal. »

Bien plus tard, Kundry, à genoux aux pieds de Parsifal, lui lave les pieds et les essuie de ses cheveux, telle Marie-Madeleine autrefois avec le Christ.
Lors de la dernière représentation de Parsifal en présence de Wagner, il monte au pupitre pour diriger la fin de l’opéra. Il va mourir six mois plus tard à Venise, le 13 février 1883.
Nietzche va accuser son ancien ami de s’être « effondré soudain, éperdu et brisé, au pied de la croix des chrétiens » ; cependant il admire l'oeuvre : « Parsifal conservera éternellement son rang dans l’art de la séduction, comme le ‘coup de génie’ de la séduction… J’admire cette œuvre, j’aurais aimé l’avoir faite. »
Parsifal de Wagner
Je n'ai hélas jamais vu, le Parsifal de Wagner... Je n'en ai écouté que des extraits... Alors, je n'aborderai pas l'aspect musical de l'oeuvre... Je vais seulement rapporter, l'histoire que nous conte Wagner :

En ce temps, les précieuses reliques que sont : le Graal et la Sainte-Lance, sont conservés dans une demeure inviolable et inaccessible aux profanes, sur le '' Montsalvat '', où se dresse un château élevé par le pur Titurel, et les mettre à l'abri des ennemis de la Foi... Autour de lui, une élite de chevaliers que leur pureté a rendus dignes de ces augustes fonctions, sert le Graal qui récompense ces nobles serviteurs de leur pieuse fidélité, en les investissant d’une force et d’une vaillance miraculeuses...
Klingsor, d'une contrée voisine, souhaite être admis dans cet ordre chevaleresque; mais tiraillé par le ''péché''; il ne peut faire taire ce désir qui emplit son âme... Ne pouvant y parvenir, il détruit cette force maléfique en se mutilant... Mais, cette indigne action lui ferme à jamais les portes du Château sacré... ! De plus, il reçoit de l'Esprit du mal les enseignements maudits de l’art de la magie.

Plein de haine alors contre ceux qui l’ont renié comme frère, il a employé son fatal pouvoir à transformer la lande aride en un jardin plein de délices où croissent, moitié fleurs, moitié femmes, des êtres fantastiques d’une beauté irrésistible, déployant leurs séductions pour s’appliquer à perdre ceux des chevaliers du Graal qui sont assez faibles pour tomber dans leurs pièges.

Les uns après les autres, une grande partie des gardiens du Graal se font attirer puis ensorceler par ces femmes dans les ivresses de la luxure. Tant et si bien qu’un beau jour, leur chef Amfortas, n’en pouvant plus de voir sa communauté disparaître ainsi peu à peu, a décidé de partir lui-même armé de la sainte lance pour le jardin magique dans le but d’en finir avec ce Klingsor que son père Titurel avait autrefois rejeté avec dégoût.
La chasteté forcée de Klingsor lui donnait pour accomplir le mal autant de puissance qu’une chasteté librement assumée en donnait aux autres religieux pour faire le bien. Il était parvenu à se rendre maître, grâce à cette force, d’une femme extraordinairement séduisante, sorte de réincarnation d’Hérodias et de Marie-Madeleine, aspirant elle-même à la délivrance de ses fautes et attendant cette grâce d’un être qui, enfin, saurait résister à ses charmes.
Cette femme, se nomme Kundry dans sa vie actuelle ; autrefois dans une vie antérieure, elle avait croisé sur son chemin le Christ montant au Calvaire chargé de sa croix et elle avait ri de Lui... Ensuite, elle dut porter douloureusement le souvenir du regard qu’il lui avait alors adressé... Cette femme, géniale personnification de l’éternel féminin à la fois Eve et Marie, tiraillée entre le mal et le bien, est en quête de cet amour absolu qu’elle avait entrevu autrefois dans le regard du Christ.

Kundry séduit les chevaliers; mais aussi les sert pour expier et réparer le mal qu’elle leur cause au service du mal. Amfortas, le présomptueux, armé de la lance sacrée, n’eut pas plus tôt rencontré l’ensorcelante Kundry qu’il succomba à son tour; Klingsor s’empara de la lance, il lui infligea au flanc une blessure inguérissable avec laquelle il regagna à grand peine le domaine du Graal.
Là, malgré tous les baumes et les onguents, il ne parvint jamais à se remettre de son mal et il ne cessait d’implorer le Ciel pour sa guérison.
Depuis ce temps, la confrérie auguste des chevaliers est plongée dans la tristesse et la honte, chacun d’eux prenant sa part de l’humiliation et des douleurs du roi déchu.

Le plus terrible pour Amfortas venait du fait qu’étant grand-prêtre du Graal, lui seul pouvait officier et découvrir la sainte relique, source de vie et de force pour toute la communauté, et que cette monstrance sublime lui infligeait du fait de sa faute des tortures atroces, faisant saigner sa blessure plus que jamais et anéantissant ses dernières forces.
Un jour où, prosterné devant le tabernacle, il implorait la pitié du Seigneur, il entendit une voix céleste prophétisant la guérison de sa blessure et le rachat de ses fautes par un Être tout de pureté et de miséricorde, un ''chaste'', un ''simple'', qui après avoir ravi aux mains criminelles de Klingsor la lance profanée, la rapporterait au sanctuaire, et viendrait rendre au Graal son éclat immaculé... D'un seul attouchement de la lance cicatriserait la plaie...

La ''Kundry'' créée par Wagner, apparaît tour à tour comme la servante passionnément dévouée des chevaliers du Graal quand elle est livrée à sa propre nature, et comme leur ennemie acharnée, l’instrument de leur déchéance, lorsque, subissant malgré elle le magique ascendant de Klingsor, elle se transforme en une femme « effroyablement belle » et devient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés. Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, et perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du ''chaste fou'' promis. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance.

Acte I : Une forêt aux environs du château du Graal situé sur une montagne inaccessible. Gurnemanz attend, entouré de jeunes chevaliers, l'arrivée du roi Amfortas. Gurnemanz ( basse) est un vieux chevalier du Graal, ayant servi sous les règnes de Titurel et d’Amfortas.
Apparaît Kundry ( soprano), elle tient une fiole contenant un baume – pour le roi, afin d'apaiser ses souffrances - qu'elle est allée quérir en Arabie...
Soudain, un cygne percé d'une flèche s'abat au sol, mort. Consternation de Gurnemanz, des chevaliers et des pages : les animaux, en particulier les cygnes, sont sacrés sur les terres du Graal.
Et, surgit le jeune Parsifal (ténor), spontané, ignorant de tout et notamment du mal... Le jeune homme ignore tout, sauf qu'il a une mère nommée Herzeleide. Kundry raconte son histoire : sa naissance, sa rencontre avec des chevaliers .....

Le sage Gurnemanz, pressent qu’il pourrait être le sauveur tant attendu. Les cloches de Montsalvat appellent à la cérémonie du service du Graal. Gurnemanz propose au nouveau venu de l’accompagner, ils s’éloignent ensemble.
Scène 2, dans la grande salle du château: Hélas, la torpeur du jeune homme pendant la célébration du Graal, provoque son renvoi.
Acte II : En haut d'une tour de son château, Klingsor se tient à côté de ses instruments de magie. Il tire de son sommeil Kundry, qui était revenue jusqu'à lui, et qui s'éveille en poussant un hurlement. Klingsor sait qu'un jeune héros dangereux approche : il ordonne à sa créature de le séduire et de le perdre, comme tous les autres auparavant....

En son jardin féérique où les filles fleurs séduisent pour les perdre les chevaliers du Graal, Klingsor, enjoint la diabolique Kundry de charmer Parsifal. Elle lui prodigue un voluptueux baiser.. Ce baiser transperce Parsifal d'une douleur folle : « Amfortas ! La blessure ! » : dans un dévoilement, il comprend tout. La compassion pour la souffrance du roi du Graal lui apporte la révélation de la connaissance. Il repousse Kundry. Devant son refus elle le maudit, le réduisant à errer loin de Montsalvat. Parsifal triomphe de Klingsor appelé au secours par Kundry, il récupère la lance.. En un instant, le château de Klingsor disparaît et le jardin merveilleux se transforme en désert aride. Kundry est effondrée : « Tu sais où me retrouver », lui dit Parsifal, qui s'en va pour tenter de retrouver Montsalvat.

Acte III : Une prairie en fleurs, en lisière d'une forêt, dans la gloire du printemps ; une source, une hutte appuyée sur un amas de rochers. C'est le Vendredi Saint ; des années plus tard. Un ermite sort de la hutte : c'est Gurnemanz, encore vieilli, pauvrement vêtu de la robe en ruines de chevalier du Graal.
Au terme de son chemin initiatique, arrive Parsifal, sous les traits d’un chevalier en armure noire, ramenant enfin la sainte lance.
Amfortas ne désirant plus que la mort, néglige le rite du calice, et les chevaliers, privés de réconfort divin, dépérissent. Titurel (basse), le père d’Amfortas, lui-même a succombé. Parsifal se reproche de n'avoir pas su éviter ce désastre. Étreint par la douleur et l'épuisement, il est au bord de l'épuisement...
Kundry, dans un acte de pénitence, comme la prostituée de l’évangile, lave et oint d’un parfum les pieds de Parsifal, avant de les essuyer de ses cheveux.
Gurnemanz, baptise Parsifal et lui donne l’onction, faisant de lui le nouveau prêtre roi de Montsalvat. Son premier office est de baptiser Kundry qui s’endort dans le sommeil de la mort et du pardon.

La scène finale, se passe dans la grande salle de Montsalvat, devant la dépouille de Titurel.
Parsifal s’avance vers Amfortas, pose la lance sur la blessure qui se referme. Enfin il annonce que le Graal sera désormais exposé pour tous et pour toujours. Il aura par la suite un fils, Lohengrin…
Mais là c’est une autre histoire !