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Les légendes du Graal
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Sur les pas du Roi Arthur -6/.- Glastonbury

30 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Glastonbury, #Roi Arthur, #Angleterre

Le lendemain, nous prenons la route de Glastonbury, en passant par Wells ; ce serait dommage de manquer la cathédrale et les 'à-côtés'... On peut se promener dans la plus vieille rue d'Angleterre : ''Vicars’ Close''. Dans cette rue, l’architecture est uniquement médiévale. Elle fut créé en 1348 par l’évêque Ralph de Shrewsbury afin d’héberger les 42 membres du chœur de la cathédrale. Cette communauté s’organisait le long d’une simple rue avec les maisons individuelles de part et d’autre, ainsi qu’à chaque extrémité, une salle commune pour la prise des repas et une chapelle.
Chaque maisons se voulait habitable pour un seul prêtre et était identique : une salle de séjour au rez-de-chaussée avec une grande fenêtre de part et d’autre, à l’Est et à l’Ouest, donnant sur un escalier en colimaçon menant au 1e étage où se trouvait la chambre. Des latrines et des douches étaient installées dans les cours arrières et des puits se trouvaient à chaque extrémité de la rue.

Passé Penniless Porch la « porte sans le sous » en référence aux mendiants qui y faisaient l’aumône, remplacés aujourd'hui par un jeune joueur de guitare ; on découvre l’impressionnante façade de la cathédrale de Wells  devant laquelle s’étend une grande pelouse encadrée de maisons médiévales. La cathédrale est vraiment imposante par sa largeur : la porte voûtée est surmontée de trois longs vitraux et, de part et d’autre de la structure centrale, deux grandes tours gothiques se dressent vers le ciel. Il s’agit de la première cathédrale anglaise construite dans ce style gothique. La façade, qui date de 1230, comprend de nombreuses statues médiévales représentants des scènes bibliques, des rois et des évêques, des anges, les douze apôtres et, à son sommet, la statue du Christ.

 

Nous voilà prêts pour ce que je pensais être l’essentiel de notre voyage : Glastonbury...
Ce serait Joseph d'Arimathie qui aurait établi la première église chrétienne en Somerset. Il serait à l'origine de l’abbaye, qui daterait du premier siècle. Nous en avons des traces dès le VIIe siècle... Elle s'agrandira au cours des siècles jusqu’en 1541 où elle fut détruite par le roi Henry VIII.
Joseph d'Arimathie emportant le Graal
Une légende médiévale prétend que Joseph construisit une table pareille à celle de la cène, la place de Judas restant vide, personne ne devait s'y asseoir sauf un véritable chevalier. Cinquante ans après avoir mis Jésus au tombeau, Joseph fut enseveli le 27 juillet 82 auprès de la petite chapelle en torchis et osier, bâtie par lui et ses douze compagnons...
 
A la mort de Joseph d'Arimathie, des sources mentionnent que le Graal fut transporté à Rome, pour faire partie du trésor des papes. Mais ici, on a retenu que Joseph aurait dissimulé le vase en l’ensevelissant juste au dessous du Tor de Glastonbury à l’entrée du monde souterrain. On cite un lieu précis, '' Chalice-Hill '' sous la colline qui porte ce nom, et où se trouve le puits sacré, dont l'eau aurait servi à baptiser les convertis et bien des personnalités...
Joseph of Arimathea,
Keeper of the Holy Grail
 
En 166, le pape Eleuthère envoie des missionnaires en Somerset pour restaurer la chapelle primitive. On ne reparle plus de Glastonbury, avant le Ve siècle quand Saint-Patrick vient ici. En 546, Malgwin de Landoff érige une grande église. Saint David, patron du Pays de Galles, crée au VIe s. des monastères dont Glastonbury, pour combattre les erreurs de Pélage...
Le nom celtique du lieu était '' Dun-Nazeth-Clas '', qui signifierait le fruit sacré, chez les druides, de la pomme, un lieu renommé pour sa fertilité...
L’abbaye a connu d’après les retracés archéologiques diverses phases de constructions et de destructions. En particulier un incendie ravage la plupart des bâtiments constitutifs de l’abbaye en 1184….
 

 

Selon l’ecclésiastique Giraud de Barri, des pèlerins découvrent quelques années plus tard lors de sa reconstruction une sépulture contenant des os appartenant à deux individus distincts.  Sépulture constituée par un cercueil disposé sous une dalle de pierre portant une croix de fer avec cette inscription :

Arms du King Arthur

Hic jacet sepultus inclutvs Rex Arturius in insulis Avalonia cum Wenneveria uxore cum sua secunda in insula Avallonia” ; C’est à dire : Ci-git le fameux Roi Arthur ensevelie avec sa seconde épouse Wenneveria dans l’île d’Avalon ( avalon signifie '' pommeraie '').


Le roi Richard Coeur de Lion règne alors, roi français plus que britannique : il a grandi en Aquitaine, a fait sa croisade, est revenu se faire couronner en Angleterre après sa libération qui a laissé exsangue le royaume, puis est retourné en France. Ce n’est pas un roi très populaire en Grande Bretagne. Mais c’est le fils d’Henri II Plantagenêt, commanditaire de l’Histoire des Rois de Bretagne, qui place Arthur, ce héros breton, à l’origine de la lignée des Plantagenêt. Le mythe arthurien s'inscrit alors dans l'histoire... La découverte de ces corps renforce la fiabilité de la légende, et permet à Richard de se revendiquer breton. Elle permet aussi à la petite abbaye de Glastonbury, déjà bien puissante dans les cercles chrétiens de l’époque, d’asseoir son autorité et d’assurer sa richesse. Richesse qui va se révéler indispensable quelques années plus tard, quand l’abbaye brûle entièrement dans un incendie (1184) .

 

Arms des Plantagenêts

Grâce à son prestige, les moines parviennent à la faire reconstruire en un temps record : en deux ans... La construction est allée tellement vite qu’ils ont du faire appel à différents maîtres d’oeuvre, ce qui explique pourquoi chaque fenêtre est ornée de motifs différents. Cette nouvelle église est la vieille église encore partiellement debout aujourd’hui, l’Eglise des Dames qui date de 1186.
On déambule donc aujourd’hui dans les ruines de l’abbaye datant de la période post-incendie.
Quelques décennies plus tard, le rayonnement de Glastonbury s’est encore accru. La petite église ne suffit plus. Une cathédrale est alors construite, juste derrière. En 1278, lors d’une grande cérémonie à laquelle assistent le roi Edouard 1er et la reine Éléonore, les restes du roi Arthur sont remis en terre dans une tombe de marbre noir massif, porté par des lions, de marbre eux aussi, au pied du grand autel de l’église. Glastonbury est au faîte de sa gloire.

L'emplacement de la tombe est marquée au sol. Non loin, une jeune femme rousse se recueille. Je l'avais déjà aperçue alors qu'elle parcourt le site selon certains axes...
Le cadre s'il est grandiose - 15.5 hectares - est serein. La visite commence par un musée, puis on rentre dans un jardin verdoyant. La pelouse entoure les bâtiments : la Chapelle de la Vierge, puis les quelques ruines qui entourent le site du tombeau d'Arthur... Il y a deux étangs et un verger. Plus de 250 arbres sont dispersés...

Des ruines, bien sûr... les toucher nous ramène à tenter de retrouver ce qui animait les moines qui vivaient ici... Je trouve une carte : ''la tour foudroyée'', bien sûr... La paix n'est pas toujours au rendez-vous...

Je reviens à l'Histoire....

Par permission d' Edouard III (1312-1377), on fit des fouilles pour retrouver le corps de Joseph d'Arimathie... (?)
On arrive à l’époque d’Henri VIII. Celui-ci se déclare le chef de l’Eglise dans son propre royaume. Le schisme avec Rome est consommé et la guerre éclate. Mais Henri VIII est ruiné. Un de ses conseillers lui rappelle alors sagement qu’en tant que chef de l’Eglise en Grande Bretagne, il est aussi libre de prendre ses richesses. Plusieurs abbés se révoltent, dont celui de Glastonbury, Richard Whiting, qui est pendu pour haute trahison sur le Glastonbury Tor  en 1539.
Les richesses de Glastonbury partent alors dans le trésor royal et la cathédrale et l’abbaye sont démantelées (1541) , à la fois par les hommes d’Henri VIII pour s’assurer que ce puissant centre religieux disparaisse, mais aussi par les habitants qui utilisent les pierres déjà taillées...
Les ruines vont rester à l’abandon pendant trois siècles, jusqu’à l’époque romantique anglaise (19ème siècle). Un riche propriétaire achète alors ces ruines, qui jouxtent son domaine, dans le but d’étendre un peu sa propriété et de posséder de jolies ruines. Lui-même n’aura jamais connaissance de l’importance de ces jolies ruines en question, mais un de ses proches descendants oui, en retrouvant également de vieux manuscrits parlant de l’endroit.
Commence alors la protection de l’abbaye de Glastonbury, aujourd’hui assurée par une association privée et le English National Heritage, qui protège également le Tor.

 
 
 
Des parties communes du monastère, comme le cloître, la cuisine des moines et le réfectoire, il ne subsiste que les fondations, recouvertes d’herbe verte. Seule la cuisine de l’Abbé datant du 14e siècle est encore intacte avec son toit en forme de dôme surmonté de deux tours octogonales permettant l’évacuation de la fumée. Elle témoigne de la richesse et du niveau de vie élevé des abbés et moines de l’abbaye.

 

 
 
 
 
 
 
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Sur les pas du Roi Arthur -5/.- Bristol

27 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Angleterre, #Roi Arthur, #Merlin

Il est temps de fermer ses valises, et enfin de parcourir le chemin... Mais, par où commencer ?
Autrement dit, qu'elle est l'origine de La Légende... ?
 
Très vite, je m'aperçois qu'elle est multiple. Cette quête ne peut être que celle d'un agnostique en la matière, mais un agnostique qui cherche, un pèlerin...
 
Après ma descente de l'avion à ''Bristol- Airport'', je passe ma première nuit sur le sol anglais, dans un hôtel du centre-ville ''Brooks Guest House'', la chambre King double nous attend... Avec la possibilité de boire un thé, je trouve une carte : le N°8 du Tarot de Merlin - ''le Magicien'' ( en fait le Bateleur du Tarot) , une figure qui me conforte à ouvrir mes livres : Hermes initie l'apprenti que je suis par la mobilisation de mon énergie intellectuelle, la plus simple à rassembler et à contrôler.
 
Ma première source sur laquelle je peux m'appuyer, qui fait référence textuellement au Roi Arthur, c'est l' "Historia Regum Britanniae" œuvre rédigée en latin entre 1135 et 1138, par l'écrivain gallois Geoffroy de Monmouth (~ 1100-1155) ( à noter que l'origine de ce clerc serait de souche bretonne …) . Ce texte remporta un certain succès jusqu’à la fin du XVe siècle : plus de 200 manuscrits latins en subsistent. Bien des adaptations et des traductions ( appelés Bruts) ont circulé...
 
Ce livre s'appuie sur un ''magicien '' Merlin et ses prophéties ( Prophetiae Merlini  ), il serait lui-même inspiré par un livre très ancien le Liber vetustissimus, composé en breton. Ensuite cette Historia a été traduite en gallois (Brut y Breninhed), et adaptée en langue romane sous le titre de Roman de Brut en 1155 par Wace qui lui évoque pour la première fois la Table Ronde. .
Merlin prophesies for Vortigern,
from a manuscript of Geoffrey of Monmouth's ..

Le texte de Geoffroy de Monmouth aura une influence très importante sur les auteurs médiévaux qui s'emparent de la matière de Bretagne pour créer leurs œuvres.

Geoffroy de Monmouth, remonte aux premiers héros fantastiques, et après la conquête romaine, il cite le traître Vortigern ( ou Vortegirn) qui appelle dans l'île les barbares saxons ; c'est Vortigern qui rencontre Merlin, qui en aidant ses successeurs : Aurelius Ambrosius et Uther Pendragon, repoussent victorieusement les invasions barbares. Enfin, Monmouth rapporte le règne d'Arthur, conquérant de l'Irlande, de la Norvège et de la Gaule et vainqueur de son neveu Mordred qui, avec l'aide de la reine Guenièvre, devenue sa maîtresse, avait tenté de s'emparer du trône. Avec les successeurs d'Arthur, et sous la menace continuelle des Saxons, le royaume ne fait que décliner jusqu'à la fin du VIIe siècle.
Le tout premier portrait du roi Arthur
In Geoffroy de Monmouth Prophetia ...

 

Le roi Arthur avait déjà été cité par l'historien et moine Nennius ( début du IXe s.) dans L'Historia Brittonum : premier ouvrage à faire référence au personnage d'Arthur, en tant que chef des rois des Bretons, avec le titre de dux bellorum dans les 12 batailles qu'il livra contre les Saxons...

 

 
Les Plantagenêt ( Henri II …) et leurs successeurs vont s’approprier la figure du roi mythique des Bretons jusqu’à en faire leur ancêtre. Vers 1200, la découverte de la tombe du roi Arthur à l’abbaye de Glastonbury brise le mythe de « l’espoir breton ». Le prêtre Layamon ( fin du XIIe s.) , par ailleurs traducteur du Brut de Wace en langue anglo-saxonne, va récupérer dans les écrits de Geoffroy les prophéties de Merlin pour les détourner au profit des Anglais : Merlin annonce qu’un jour Arthur reviendrait pour aider les Anglais...
 
Dans le troisième livre attribué à Geoffroy de Monmouth, La Vie de Merlin : Merlin est marié à Gwendolena, roi de Dyfed, il est pris de folie à la vue du massacre de trois de ses frères, il s’enfuit dans la forêt de Calédonie, au sud de l’Ecosse actuelle. Il devient le Merlin ' homme sauvage '. Dès lors, Merlin vit en compagnie d’un loup.  Merlin refuse les présents les plus merveilleux qu’on lui offre pour l’arracher à sa retraite. Dans la forêt de Calédonie, il développe des capacités prophétiques prodigieuses, il parle avec les plantes et les animaux. C’est un savant : il connaît l’astronomie et la musique, il discourt longuement des phénomènes naturels et des origines du monde.
Geoffroy de Monmouth a fait entrer dans l’histoire Arthur, Merlin, Gauvain, Conan Meriadec, Utherpendragon, des personnages ''créés'' que l’on retrouve aux côtés de personnages historiques. Cette confusion du légendaire et des faits historiques a eu comme conséquences, durant huit siècles, de contribuer à la rencontre de la légende et de l'histoire …
Il est extraordinaire de constater que ce Mythe qu’il a contribué à répandre a été accepté comme un ensemble de faits historiques jusqu’au XVIIe siècle en Angleterre et jusqu’au début du XIXe en France !
Avec Richard Cœur de lion, successeur d’Henri II, Arthur est adopté par les rois normands d’Angleterre. C’est cet Arthur là que nous retrouverons chez Chrétien de Troyes, autre grand auteur arthurien après Geoffroy de Monmouth, dans la seconde moitié du 12e siècle. Avec Chrétien, nous entrerons dans le monde et dans l’idéologie chevaleresque...
( Parmi mes sources : l'Encyclopédie de brocéliande: http://broceliande.brecilien.org/ )
 
Ces lectures méritent bien une promenade dans la ville de Bristol, ….....
Sur un muret, non loin de King St. au bord de l'eau, un verre (pint) de bière abandonné attire mon attention... A l'intérieur, une carte : le Chariot.... ! Je me suis permis de garder le verre …
Il y a grande animation au ''Old Duke''... Il fait beau, en suivant la rivière, nous mangeons sur la terrasse du Severnshed, au-dessus de l'Avon.
 
Si le Bateleur-Magicien, fait s'interroger l'impétrant avec la question du Graal : Que cherches-tu dans la vie ? : Le chariot, véhicule de la conscience, rappelle une autre question : Où vas-tu ? Cette figure remet Minerve/ Brigid (*) comme patronne de la connaissance et de l'inspiration. L'intellect n'est pas la seule source, et il me faut revenir à toute la richesse du Mythe. Je marche dans une direction choisie avec discernement, sagesse, enthousiasme … Arthur, est le précurseur de nombreuses quêtes... Si les chevaliers de la Table Ronde parcourent la Bretagne arthurienne, ils se rendent, la quête achevée, dans la ville de Sarras devenue la demeure du Graal...
 
(*) Brigit ou Brigid était la déesse la plus puissante et la plus connue de la mythologie celtique. Elle fut assimilée à Sainte Brigitte patronne de l'Irlande qui naquit vers 453  
Les deux illustrations ci-dessus sont de l'illustratrice Beatrice Stevens - Geoffrey of Monmouth's Dream — 1906.
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La légende de Merlin l'enchanteur. 3/3

17 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Merlin, #Légende arthurienne, #Gauvain, #Viviane, #Roi Arthur

Artus et les chevaliers

Après avoir chevauché quelques heures, ils éprouvèrent le désir de se reposer. On était au printemps. La beauté du ciel, le chant des oiseaux, la fraîcheur de la verdure naissante les plongèrent dans une douce rêverie. Ils n'en sortirent que pour s'apercevoir que quatorze jeunes gens, tous beaux et bien vêtus, les regardaient.

Ces jeunes gens demandèrent où était le roi Artus. Aussitôt désigné, le roi les vit s'agenouiller devant lui pour lui dire qu'ils désiraient tous recevoir de lui l'ordre de la chevalerie, afin de le servir loyalement et fidèlement. Déjà, durant son absence, ils avaient défendu ses terres contre de terribles agresseurs.

L'air noble des jeunes gens, cette prévenance en sa faveur, inclinèrent Artus à demander qui ils étaient. Celui qui les conduisait se présenta d'abord : c'était Gauvain, fils du roi d'Orcanie. Puis il nomma ses compagnons. Artus leur fit le meilleur accueil et embrassa Gauvain, qui se trouvait être son neveu.

- Je vous octroie la charge de connétable, lui dit-il. Et il l'investit par son gant gauche. Quelques jours après, ils arrivèrent tous à Logres.

Et là, le roi Artus prit Escalibor, la bonne épée, et la pendit au flanc gauche de Gauvain, puis il lui chaussa 1'éperon droit, tandis que le roi Ban lui bouclait le gauche, les éperons d'or étant le signe distinctif des chevaliers. Enfin, il lui donna l'accolade. Il adouba de même, c'est-à-dire revêtit d'une armure ses compagnons, et leur distribua des épées. Seul l'un d'eux, Sagremor, neveu de l'Empereur de Constantinople, ne voulut point d'autre épée que celle de son pays. Puis, chacun des nouveaux chevaliers adouba à son tour les gens de sa maison. Et pour finir, ils allèrent tous ouïr la messe.

Au retour, Merlin, devant le roi, les seigneurs et les nouveaux chevaliers assemblés, leur conta l'histoire du Graal.

Pour finir, il dit, s'adressant à Artus : - Sire, il vous appartiendra à présent de dresser la table du Graal, d'où il adviendra quantité de merveilles.

- La table sera dressée au château de Carduel, en Galles, répondit Artus et le jour de Noël, j'élirai les chevaliers qui auront droit d'y siéger.

Merlin et Viviane

 

Une seconde fois, Merlin s'en alla rejoindre Viviane, ainsi qu'il le lui avait promis. Vous devez croire qu'il avait grand désir de s'y rendre très vite.

Pourtant, il fit un détour au royaume de Bénoïc, en Petite Bretagne, puis au royaume de Gannes, où il conta ce qui s'était passé en Carmélide. Et sachant toutes choses, il demanda aux rois de ces pays de prendre la mer avec des soldats afin d'aider Artus à chasser les Saines du royaume de Logres.

Alors, satisfait de leur réponse, il s'en fut donc en forêt de Brocéliande. Quand Viviane l'aperçut, elle courut à lui, et tous deux éprouvèrent une grande joie à se retrouver. Sans plus tarder, Viviane voulut connaître de nouveaux jeux.

- Beau Sire, lui dit-elle, dites-moi comment je pourrais faire dormir un homme aussi longtemps qu'il me plairait... Elle se garda bien de lui révéler pour qui elle désirait cette science, car elle croyait que Merlin ne la lui aurait pas enseignée. Mais Merlin lisait dans sa pensée. Et il savait qu'elle invoquait une fausse raison quand elle ajouta :

- J'aimerais endormir mon père Dyonas, et ma mère, quand vous viendrez me voir, pour être tout à fait libre.

Merlin refusa. Viviane n'en parut que peu contrariée. Déjà, elle était sûre d'elle-même et de son pouvoir sur Merlin, et, quand arriva le dernier jour, ainsi qu'elle le prévoyait, Merlin céda. Ils se trouvaient alors tous deux dans le verger nommé « Repaire de joie et de liesse », et Merlin lui apprit non seulement ce qu'elle désirait, mais beaucoup d'autres choses encore, par exemple trois mots qu'elle prit par écrit et qui avaient cette vertu de l'empêcher d'appartenir à un homme lorsqu'elle les portait sur elle. Merlin se munissait ainsi contre lui-même, mais il se savait si amoureux de Viviane qu'il lui céderait toujours.

Alors qu'il s'en revenait à Logres, il prit l'aspect d'un vieillard affublé d'un costume démodé, mais pimpant. Or, le jour était extrêmement beau, et Gauvain, dans le dessein d'en profiter, avait demandé son cheval et avait pris le chemin de la forêt.

C'est ainsi qu'il rencontra Merlin monté sur un palefroi blanc. Celui-ci l'aborda et le ramena à la réalité :

- Messire Gauvain, lui dit-il, si tu m'en croyais, tu laisserais là promenade et rêverie, car il vaudrait mieux pour ton honneur faire la guerre aux ennemis de ton roi. Gauvain éberlué, allait répondre, mais Merlin avait déjà disparu.

La guerre aux Saines

 

C'est qu'en effet l'instant était grave. Les Saines, redoutables guerriers, plus nombreux que les flots de la mer, assiégeaient alors la ville de Clarence. Or, un jour où le ciel était couleur de plomb, enveloppé de brume, les Saines furent réveillés par une multitude de lances qui, telle des bêtes sauvages, se jetèrent avec fureur sur leurs tentes, abattant les mâts, renversant les pavillons et massacrant tout ce qui se trouvait sur leur passage.

L'armée des chevaliers, qui avait pour enseigne la bannière blanche à croix rouge, avançait ainsi inexorablement, chassant les Saines, qui tentaient vainement de se rallier au son de leurs cornes et de leurs buccins.

Gauvain tua le roi Ysore et lui prit son cheval, le « gringalet », qui pouvait courir dix lieues sans connaître la fatigue. Les rois Artus, Ban et Bohor, et combien d'autres, firent merveille. Merlin jeta des enchantements, si bien que les Saines cédèrent et s'enfuirent de toute la vitesse de leurs chevaux, s'embarquant sur des bateaux pour une destination inconnue. Alors Artus partagea entre les chevaliers le riche butin laissé par l'ennemi, puis il fit duc de Clarence, Gasselin, l'un de ses chevaliers. Et il y eut cinq jours de grande liesse.

 Mariage d'Artus

 

Le sixième jour, ils partirent pour la Carmélide, où Guenièvre attendait Artus.

Le jour du mariage, il y eut plus de joie que jamais en un jour de fête. La salle fut couverte de joncs, d'herbes vertes et de fleurs qui embaumaient. L'été débutait, et un vent chaud avait lustré le ciel qui débordait de soleil. Guenièvre apparut aux yeux éblouis de tous, le visage découvert, ses cheveux blonds couronnés d'or et de pierreries, vêtue d'une robe lamée d'or, si longue qu'elle traînait à plus d'une demi-toise. En cortège, les fiancés, les rois et leur cour, les barons du royaume de Carmélide, les nobles et les bourgeois se rendirent à l'église pour la bénédiction nuptiale. Ensuite, tout ce monde fit bombance, après avoir entendu les ménestriers jouer du violon, de la flûte et des chalumeaux, puis les chevaliers se divertirent à l'escrime et autres jeux, et tous dansèrent et prolongèrent ces plaisirs fort tard dans la nuit.

Pas un convive n'oublia de sa vie une aussi belle journée. Une semaine après, les rois Ban et Bohor prenaient congé d'Artus, qu'ils n'avaient pas quitté depuis qu'ils guerroyaient contre les Saines, et regagnèrent leurs terres. Ils partirent en compagnie de Merlin et, ensemble, ils traversèrent la mer pour arriver en Petite Bretagne, où ils furent accueillis avec des transports d'allégresse.

Cependant, Merlin poursuivit son chemin pour aller voir Viviane, dans la forêt de Brocéliande.

Le lac de Diane

 

Viviane reçut son ami avec beaucoup de tendresse, si bien qu'il en tomba plus amoureux encore, si la chose se pouvait. Ayant pris la peine de lui expliquer la plupart de ses jeux, c'était elle maintenant qui lisait dans ses yeux et dans sa pensée, de telle façon qu'il n'eût jamais aucun secret pour elle.

Un après-midi qu'ils se promenaient tous deux dans la forêt, Merlin conduisit Viviane au lac de Diane. Il lui fit remarquer une tombe, en marbre, où l'on voyait en lettres d'or ces mots : Ci-gît Faunus, l'ami de Diane. Puis il lui conta cette histoire : Faunus aimait loyalement Diane, la déesse des bois. Hélas ! celle-ci lui préféra Félix et elle n'hésita point, un jour que Faunus blessé voulut se baigner dans l'eau enchantée qui se trouvait alors à la place même de la tombe, à faire renverser une pierre sur lui, celle-là même qui fermait à présent le tombeau, où gisait écrasé le pauvre Faunus. Alors Félix, indigné par l'acte criminel de Diane, la prit par sa tresse, et lui coupa la tête de son épée.

- Et qu'est donc devenu le manoir que Diane avait fait bâtir ? demanda Viviane, après un grand moment de silence.

- Le père de Faunus le détruisit dès qu'il connut la mort de son fils. Or, devinez quelle idée vint brusquement à Viviane ? Elle émit le désir d'avoir un manoir aussi beau et aussi riche que celui de Diane.

Et aussitôt, pour lui complaire, Merlin faisait jaillir, à la place du lac, un château, si merveilleux qu'il ne s'en trouvait point de semblable dans toute la Petite Bretagne.

- C'est votre manoir, ma mie, lui dit-il. Jamais personne ne le verra qui ne soit de votre maison, car il est invisible pour tout autre et aux yeux de tous, il n'y a là que de l'eau. Si, par envie ou par traîtrise, quelqu'un de vos gens révélait le secret, aussitôt le château disparaîtrait pour lui, et il se noierait en y croyant entrer.

- Mon Dieu ! fit Viviane éblouie, jamais on n'entendit parler d'une demeure plus secrète et plus belle. À la voir si heureuse s'augmenta encore la joie de Merlin, qui lui apprit plusieurs autres enchantements, au point qu'il devint d'une imprudence folle.

- Beau Sire, lui dit-elle un jour, il y a encore une chose que je voudrais savoir. C'est comment je pourrais enserrer un homme sans tours, sans murs, sans fers, de manière qu'il ne pût jamais s'échapper sans mon consentement...

Merlin, qui lisait dans sa pensée, répondit :

- Ma belle amie, de grâce, ne me demandez plus rien. Vous voulez m'enfermer ici pour toujours, et je vous aime si fort qu'il me faudra faire votre volonté. Viviane lui sourit tendrement :

- Je n'ai sans vous ni joie ni biens, dit-elle, et j'attends tout de vous. Puisque je vous aime autant que vous m'aimez, ne devez-vous pas faire ma volonté et moi la vôtre ?

- La prochaine fois que je viendrai vous voir, je vous enseignerai ce que vous désirez. Il y avait obligation pour Merlin de retourner, à présent, au royaume de Logres, auprès du roi Artus qui réunissait beaucoup de monde à Carduel, au moment de Noël.

Fondation des Chevaliers de la Table ronde

 

Et il y eut, en effet, grande réception et festin en ce jour, au château de Carduel, au pays de Galles. Merlin amusa les invités du roi en prenant diverses apparences, puis, quand les tables furent enlevées, après le repas, il rappela l'histoire du Graal ou l'histoire de ce vase contenant le sang du Christ.

Or, d'après la légende, ce vase avait été transporté en Petite Bretagne.

- Et, dit Merlin, il est écrit que le roi Artus doit établir ici même une table, qui sera ronde pour signifier que tous ceux qui devront s'y asseoir ne jouiront d'aucune préséance. À la droite du roi demeurera toujours un siège vide, en mémoire du Christ. Qui se risquerait de le prendre, sans être l'élu, serait puni de mort, car il est réservé au Chevalier qui aura conquis le Graal.

- Qu'il en soit ainsi ! déclara Artus. Et aussitôt qu'il eut parlé, surgit, au milieu de la salle, une table ronde autour de laquelle se trouvaient cent cinquante sièges de bois.

Et sur la plupart d'entre eux, on lisait en lettres d'or : Ici doit s'asseoir Un Tel Mais sur celui qui était à la droite du fauteuil du roi, aucun nom n'était inscrit. Artus et les chevaliers désignés vinrent prendre place. On remarquait messire Gauvain, et tous ceux qui avaient défendu le royaume durant l'absence du roi.

Puis Gauvain, en sa qualité de connétable, prononça, au nom de tous, le serment solennel : que jamais Dame, Damoiselle ou homme ne viendrait demander aide à la cour sans l'obtenir, et que, si l'un des chevaliers présents disparaissait, les autres, tour à tour, se mettraient sans trêve à sa recherche, pendant un an et un jour.

Tous les Chevaliers de la Table ronde jurèrent, sur des reliques de saints, de tenir le serment qu'avait fait pour eux messire Gauvain. Ensuite, la reine Guenièvre proposa que quatre clercs fussent à demeure dans ce château de Carduel pour mettre par écrit toutes les aventures des Chevaliers. Le roi Artus l'approuva. Et à l'unanimité, les Chevaliers manifestèrent grande joie.

Quête de Merlin

 

Tombeau de Merlin à Brocéliande

Pour la quatrième fois, Merlin quitta la cour du roi Artus pour se rendre dans la forêt de Brocéliande. Le roi et la reine en furent peinés, car il était pour eux un excellent ami. Et d'autant plus que Merlin leur avait dit qu'il ne reviendrait pas. Était-ce possible, se disaient-ils, en le voyant disparaître au loin, sur un cheval superbement harnaché.

Ayant retrouvé Viviane, Merlin céda enfin à sa prière et il lui donna les moyens de le faire prisonnier d'amour pour toujours. Mais cela, on l'ignorait à Carduel et quand trois mois furent écoulés, sans que Merlin parût, Gauvain dit au roi, qui se montrait très triste :

- Sire, je vous jure, par le serment que je fis, pour Noël, que je le chercherai, partout où cela me sera possible, durant un an et un jour. Et tous les chevaliers l'imitèrent, et partirent en quête de Merlin à la même heure. Ils se séparèrent à une croisée de chemins.

Or, un jour que Gauvain traversait une forêt après avoir longtemps erré sur les terres de Logres et ne savait où se diriger, il croisa une Damoiselle montée sur un beau palefroi noir, harnaché d'une selle d'ivoire aux étriers dorés. Elle-même était richement vêtue. Mais Gauvain, plongé dans une sombre rêverie, passa auprès d'elle sans la voir ni la saluer, ce qui représentait, pour un chevalier, une faute grave. Profondément choquée, la Damoiselle fit tourner son palefroi et aborda Gauvain, pour lui reprocher son manque de courtoisie. Et, pour le punir, elle lui souhaita de ressembler au premier homme qu'il rencontrerait.

Gauvain s'inclina, ne dit mot et repartit, mais à peine eut-il chevauché quelques lieues, ses yeux s"arrêtèrent sur un nain qui marchait en compagnie d'une Damoiselle. Se rappelant la leçon qu'il venait de s'attirer, il s'empressa de la saluer. À quelque distance, il ne comprit pas, ou il ne comprit que trop, ce qui lui arrivait : les manches de son haubert lui venaient maintenant bien au-delà des mains, et les pans lui couvraient les chevilles.

Eh oui, Gauvain avait tellement diminué de taille qu'il n'était plus qu'un nain, dont les pieds n'atteignaient pas les étriers et la tête son écu... Sa peine fut si vive, qu'il se demanda, un moment, s'il n'allait pas en finir avec la vie. Mais que dirait-on, à la cour du roi Artus, d'un chevalier qui n'aurait su faire face à l'épreuve ? Et déjà, s'aidant d'un tronc d'arbre coupé pour descendre de cheval, il raccourcissait ses étriers, relevait les manches et les pans de son haubert et aussi ses chausses de fer. Puis, courageusement, il reprit la route pour être fidèle à son serment. Mais de Merlin, point ne se présentait. Personne ne l'avait vu ni ne le connaissait. Et vous devinez aisément l'angoisse de messire Gauvain qui continuait à parcourir des lieues.

Un jour, il entra dans la forêt de Brocéliande, et c'est là qu'il découvrit un étrange phénomène : une sorte de vapeur... Il ne pouvait croire que son cheval ne franchirait pas un obstacle transparent et aérien. Mais non. Obstinément, le cheval refusa d'avancer... Et, soudain, il s'entendit appeler par son nom, et reconnut la voix de Merlin.

- Où êtes-vous ? demanda Gauvain. Je vous supplie de m'apparaître...

- Non, répondit Merlin, vous ne me verrez plus jamais, et après vous je n'adresserai la parole qu'à ma mie, Viviane. Le monde n'a pas de tour si forte que la prison d'air où elle m'a enserré. Et il raconta comment, alors qu'il dormait, Viviane avait fait un cercle de son voile, autour du buisson ; et comment, quand il s'éveilla, il comprit qu'il ne pourrait plus sortir de ce cercle enchanté où Viviane le retenait prisonnier. Il dit encore :

- Saluez pour moi le roi, et madame la Reine, et tous les chevaliers et barons, et contez-leur mon aventure. Puis il ajouta : Ne désespérez pas de ce qui vous est advenu, Gauvain. Vous retrouverez la Damoiselle qui vous a enchanté ; cette fois, n'oubliez pas de la saluer, car ce serait folie. À tout ce discours, le nain Gauvain ouvrit de grands yeux.

Cependant, il reprit la route de Carduel, tout à la fois heureux et mécontent, heureux de ce que Merlin lui prédisait la fin de sa mésaventure, et mécontent de penser que son ami s'était montré, pour la première fois, plus fol que sage. Quand il traversa la forêt où il avait croisé la Damoiselle qui lui avait jeté ce mauvais sort, il craignait tant de la rencontrer et de ne pas la saluer, qu'il ôta son heaume pour mieux la voir. Et soudain, il l'aperçut aux prises avec des chevaliers félons qui lui voulaient du mal. Gauvain s'élança alors sur eux et les combattit si bien, malgré sa petite taille, qu'il les mit en déroute.

En reconnaissance de son dévouement et de sa bravoure, la Damoiselle, sur la promesse qu'il lui fît d'être toujours courtois, lui permit de redevenir ce qu'il était avant leur première rencontre. Alors messire Gauvain chevaucha si vite qu'il arrive en même temps que les chevaliers qui étaient partis comme lui pour chercher Merlin et qui revenaient, comme lui, après un an et un jour.

Tous firent au roi et à la reine le récit de leurs aventures et quand vint le tour de Gauvain de raconter l'enserrement de Merlin, il provoqua chez tous une grande tristesse. Des clercs mirent ces récits par écrit. Grâce à eux, nous les connaissons aujourd'hui.

*** Bien sûr tous ces textes sont des adaptations modernes, recueillies comme des " Contes et Légendes de Merlin ", inspirées par les textes anciens ....

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Sur les pas du Roi Arthur -4/.-

14 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Quête, #Roi Arthur, #Tarot

Au-delà même du 'solaire' , se trouve le Monde Stellaire, représenté par la troisième carte : L'Etoile.

Dans les textes relatifs à Merlin, on y trouve la déesse Ariane qui tisse les étoiles.

C'est le lieu de la Vérité Universelle

Au-delà de toute connaissance géographique, historique, il y a dans toute recherche, tout voyage une possibilité d'un déplacement intérieur, peut-être même spirituel...

L’ÉTOILE est, en vérité, notre Étoile intérieur, notre guide intérieur... 

L'ensemble de ces trois cartes, nous invite au discernement. La Lune représente ce qui nous semble être l'obscurité intérieure, le Soleil une certaine révélation et l’Étoile permet de différencier la chemin de l'illusion et celui de l'Esprit. Et, c'est très difficile … !

L'Etoile nous rappelle, que chacun d'entre nous a une mission à réaliser... Mais, sur ce chemin nous ne sommes pas seuls; et c'est ce que nous verrons – sans doute - ( je garde confiance !) pendant notre voyage.

Mon objectif en entreprenant ce voyage est d'accentuer la prégnance de ce mythe, en moi...

Et, pourquoi celui-là ?

J'espère aussi faire une provision d'images ressenties, d'ambiances et pénétrer encore un peu plus l'environnement de cette Légende. Enfin... pour ce que j'en conscientise !

Partir à la recherche du mystère d'une légende a t-il un sens … ?

Évidemment ! S'il y a mystère, et d'autant plus portée par une légende : le départ pour une quête, donc une recherche, est naturel. Quant au sens de cette recherche, elle est en elle-même, puisque le but n'est pas la cible, mais le chemin : démarche propre au mystère lui-même …

Et si la légende est celle du Graal ; la matière est si importante, si vaste, qu'y mettre un peu d'ordre – un ordre tout personnel bien sûr – est déjà un beau travail.

La légende du Graal, avec sa figure centrale du Roi Arthur est présente dès le Moyen-âge sous sa forme littéraire ; mais elle circule depuis beaucoup plus tôt...

A partir de Chrétien de Troyes, la légende du Graal se croise avec la tradition chrétienne ; mais elle était présente déjà dans une tradition païenne et celte en particulier ...

Les efforts des historiens et de nombreux chercheurs pour établir cette légende sur un fondement historique, ont produit un personnage d'Arthur, chef de tribu...

L'origine de ces légendes se perd dans un obscur passé, attendu que beaucoup de ces aventures symboliques démontrent une époque pré-chrétienne.

Ainsi, Merlin le Sage, dernier frère de la fraternité Druidique, doit avoir été relié à tous les prêtres Druidiques précédents qui prêchaient la Doctrine Universelle que l'humanité d'à présent ne connaît plus.

Aujourd'hui encore, de nombreux pèlerins gravissent péniblement la pente raide du château de Montségur; bastion cathare appelé par certains "Le mont de la Certitude" pour chercher paix et recueillement là où ont vécu et où sont morts des centaines de ''parfaits''.

Mêmes pèlerinages au château de Montréal-de-Sos ( Ariège) ainsi qu'en Espagne où le Montserrat est lui aussi, la montagne des pèlerins.

De même aussi, en Angleterre, vers la chapelle en ruines de Glastonbury où se trouverait le sépulcre de Joseph d'Arimathie, et où le Graal aurait trouvé son dernier refuge.

Cette recherche prend parfois figure d'une chasse au Trésor, aventure symbolique, reprise en divers lieux quelque soit notre tradition...

--- Cette fois-ci, il est temps de fermer ses valises. Et, de se rendre dans cette île étrange, qui rejette l'Europe, roule à gauche, et.. et ... à voir!

Avant de quitter le Northumberland, j'ai envie d'évoquer un château que je n'ai pas visité : : Bamburgh Castle, qui est dit être la ''Joyeuse Garde'' cité dans le ''Lancelot en prose '' (1215) . Initialement, il se nommait la ' Douloureuse Garde ' puisqu'il causait la mort des chevaliers qui tentaient de l'assaillir... Il est l'un des plus beaux châteaux Anglais, et il est sur la côte du Northumberland
Il est le cadre du premier exploit de Lancelot, alors que son nom ne lui avait pas été révélé. Il était le ' chevalier sans nom ', ou ' le blanc chevalier '.
Il gagnera ce château, au cours de trois épreuves : celle des ' trois portes ', celle de la dalle du caveau qui lui révélera son nom, et celle de la crypte et du démon... Les habitants redécouvriront la joie de vivre, la prospérité et la fécondité …
'' Joyeuse Garde '' deviendra le domaine de Lancelot, et son refuge avec Guenièvre lorsqu'il sera pourchassé, et où il serait enterré...
 

- Certaines sources disent que Arthur aurait rasé ''Joyous Gard'' ... Et Malory ( 1470) suggère que le château de Bamburgh est assis sur les ruines de ''Joyous Gard''.  

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La légende de Merlin l'enchanteur. - 2/3 -

11 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Merlin, #Roi Arthur, #Leodagan, #Guenièvre, #Légende arthurienne

La pierre merveilleuse

Seize années s'écoulèrent. Uter Pendragon mourut, deux ans après Ygerne. Comme il n'avait point d'héritier direct, les barons du royaume trouvèrent une solution très simple : demander à Merlin de leur en désigner un.

- Attendez le jour de Noël, répondit Merlin. Donc, la veille de Noël, les barons se réunirent à Londres et parmi eux se trouvait Antor avec Keu et Artus, ses deux enfants dont il ne savait à présent lequel il préférait. En procession, ils allèrent tous à la messe de minuit, puis, selon la coutume, à la messe du jour. Quand ils sortirent de l'église, ils entendirent des cris, tout un brouhaha et ils demandèrent ce qui se passait d'extraordinaire.

On leur montra une grosse pierre au milieu de la place, venue on ne sait d'où, qui ne ressemblait à rien, avec à son sommet une enclume de fer dans laquelle une épée se trouvait fichée jusqu'à la garde. Vous pensez si les langues allaient bon train. Chacun cherchait une explication à ce phénomène.

 

- Cela vient du ciel, disaient les uns.

- Du ciel ou de l'enfer, répliquaient les autres.

- D'où qu'elle soit, il nous faut bénir cette pierre, dit l'évêque. Tout en s'apprêtant à accomplir ce geste pieux, il se baissa et fronça les sourcils : ce qu'il venait de découvrir le laissa quelques secondes sans voix. Puis il lut clairement, de telle façon qu'ils fussent entendus de tous, ces mots inscrits en lettres d'or sur la pierre : Celui qui ôtera cette épée sera le roi.

Il y eut alors une véritable bousculade. Tous les barons, puissants et hauts seigneurs, se précipitèrent pour lire à leur tour ces mots magiques et certains voulurent tirer au sort pour décider qui en ferait les premiers l'essai. Une querelle s'ensuivit et l'on entendait déjà le cliquetis des armes, quand l'évêque intervint en choisissant lui-même deux cent cinquante chevaliers pour tenter l'aventure. Or, pas un, malgré beaucoup de force, d'adresse et de bonne volonté, non, pas un ne parvint à faire bouger l'épée. Qui en fut amusé ? Keu et Artus, ces deux grands adolescents de seize ans qui observaient la scène d'un oeil critique. Estimant qu'eux aussi avaient droit à cette étrange « course à l'épée », la prenant comme un jeu, ils s'approchèrent de la pierre fabuleuse. Artus dit :

- Voyons si je pourrai... Mais avant qu'il eût achevé sa phrase, il tirait 1'épée par la poignée et la montrait à Keu et à Antor médusés.

- Beau fils, est-ce toi qui serais désigné... ? murmurait Antor. Déjà des barons accouraient, déjà des protestations véhémentes s'élevaient. Avait-on jamais vu un homme de naissance obscure devenir roi de Bretagne ? Il fallut, une fois encore, l'intervention de l'évêque pour calmer les esprits.

- Or ça, Messieurs, que diriez-vous de la Chandeleur pour recommencer l'expérience ? fit le prélat.

Arthur retire Excalibur du rocher, par Loïc Tréhin

La proposition fut adoptée, et, avec quelle impatience, tous attendirent la Chandeleur. Quand ils purent de nouveau tenter leur chance, il n'y en eut aucun qui ne montra joyeux visage. Seul Artus tira, avec autant de facilité que si elle avait été enfoncée dans une motte de beurre, la fameuse épée... Pouvait-on imaginer, dès lors, qu'il n'était pas l'élu de Dieu ?

Artus fut donc sacré roi de Bretagne et la pierre merveilleuse disparut. Cependant, à cette lointaine époque comme aujourd'hui, l'unanimité n'était pas facile à faire. Et des esprits chagrins contestèrent la légitimité du roi Artus. Voilà pourquoi onze des plus puissants barons s'assemblèrent bientôt ; ils décidèrent alors de lui déclarer la guerre. Déterminés à vaincre ou à mourir, ils firent le siège du château de Kerléon où Artus s'était enfermé. Ils allaient lancer un dernier assaut contre la forteresse, quand Merlin intervint, les regardant de travers comme quelqu'un qui est très mécontent.

Du haut d'une tour, il leur expliqua qu'Artus n'était pas le fils d'Antor, ni le frère de Keu, mais qu'il appartenait, par sa naissance, à un rang beaucoup plus élevé qu'aucun d'entre eux...

Et pour confirmer ce qu'il avançait, il leur conta l'histoire d'Uter Pendragon et d'Ygerne. Allez donc convaincre des barons bretons ! Ceux-ci s'entêtèrent à déclarer qu'ils ne voulaient pas d'Artus pour roi, car c'était un bâtard. Merlin, qui les voyait réunissant déjà leurs bannières pour reprendre le combat, fit alors un grand geste, jetant ainsi un enchantement. Instantanément, toutes les tentes des barons rebelles se mirent à flamber. L'incendie crépitait pendant que dans une terrible mêlée, les gens d'Artus et les gens des barons luttaient et s'entretuaient. Artus eut sa lance rompue.

Et quoiqu'il fût assez mal en point, il tira aussitôt son épée, celle qu'il avait arrachée à la pierre merveilleuse. Elle portait un nom : Escalibor, ce qui signifie en hébreu « tranche fer et acier », et elle jetait autant de clarté que deux gros cierges allumés. Tout ragaillardi, Artus s'élança de nouveau dans le combat et tailla en pièces l'armée des rebelles, aidé de Keu devenu son sénéchal, d'Antor, et de beaucoup d'autres de ses fidèles, si bien qu'à la fin de la journée, les barons avaient fui, si honteux que plus ne se peut, laissant armes et vaisselles d'or et d'argent sur le terrain.

Départ pour la Carmélide

Quand le roi Artus constata les grands pouvoirs de Merlin, songeant qu'il ne pouvait se passer d'un aussi précieux concours, il l'invita à venir vivre à la cour, laquelle se tenait alors à Londres. Merlin lui conseilla de faire don, en quantité, de vêtements, d'argent et de chevaux, et d'armer nombre de nouveaux chevaliers. Artus se rendit à cet avis et ainsi se gagna les coeurs. Tous acquirent alors la conviction qu'ils ne pouvaient vivre ailleurs.

Un jour, Merlin, qui connaissait l'avenir, dit a Artus :

- Sire, le moment est venu de vous engager comme simple chevalier au service du roi Léodagan de Carmélide. Vous en tirerez grand avantage. Il se garda bien d'en dire plus, bien que le roi poussât de grands cris. Quoi ! Laisser sa terre pour prêter main-forte au vieillard qu'était Léodagan, lequel avait maille à partir avec de redoutables voisins... Merlin n'y pensait pas. Or, Merlin s'obstina.

- Partez, Sire, sans tant vous inquiéter, et vous verrez ce qui arrivera. Cependant... Il s'interrompit, se lissa la barbe, et lorsque Artus lui eut demandé de poursuivre, il dit : - Cependant, emmenez donc avec vous le roi Ban de Bénoïc et le roi Bohor de Gannes, qui sont du reste en route, à cette heure, pour vous rendre hommage. Ces deux frères, rois de Petite Bretagne, ont toutes les qualités de chevaliers.

Artus fut sage et vit bien que son intérêt était de faire ce que lui conseillait Merlin. Aussi se réjouit-il de la visite des deux rois et il annonça qu'il allait immédiatement donner des ordres pour qu'il y eût en leur honneur fêtes et tournois. Merlin, cependant, soupira.

- Eh bien, dit Artus, ne dois-je point faire tendre de soieries et de tapisseries, et joncher d'herbe et de fleurs les rues de Londres ?

- Certes, répondit Merlin. Il vous sied de recevoir magnifiquement. Et je gage qu'il ne manquera à votre accueil qu'une reine...

Artus ne dit mot, se demandant vaguement pourquoi Merlin regrettait aujourd'hui l'absence d'une reine, et s'il était vraiment urgent d'en donner une au royaume de Bretagne. Quelques semaines plus tard, quarante preux, parmi lesquels se trouvaient Artus, Ban de Bénoïc et Bohor de Gannes, parvenaient en Carmélide et se présentaient, en se tenant par la main, au roi Léodagan, qu'ils saluèrent l'un après l'autre. Le roi Ban, qui était le plus éloquent et le plus bavard de tous, dit à Léodagan que ses compagnons et lui-même lui offraient leur service, mais à une condition.

- Messire, fit Léodagan intrigué, quelle est cette condition ? Alors Ban lui demanda de promettre de ne jamais chercher à savoir leurs noms véritables. Comme c'était là coutume assez courante, Léodagan s'inclina. Bientôt, les guetteurs donnaient le signal, apercevant au loin les premiers coureurs ennemis et la fumée des incendies. Il y eut grand branle-bas de combat. Artus et ses compagnons s'assemblèrent sous la bannière de Merlin, où un petit dragon à longue queue et une tortue semblaient lancer des flammes.

 

La bataille fut violente, les assaillants paraissant décidés à tout mettre en oeuvre pour obtenir la victoire : et les lances se heurtèrent et les épées frappèrent les heaumes et les écus, dans un tel tintamarre que le tonnerre n'eût pu se faire entendre. Or, il advint que les gens de Léodagan furent, un moment, en mauvaise position, enfoncés par les gens du redoutable roi Claudias de la Déserte. Léodagan fut même renversé de son cheval et pris par ses ennemis. Merlin le sut dans le même instant.

- À moi, francs Chevaliers ! s'écria-t-il en apparaissant sur le champ de bataille et en levant son enseigne flamboyante. Artus et ses compagnons, qui luttaient avec rage, arrivèrent aussitôt au grand galop.

- On verra qui preux sera ! cria encore Merlin. Puis il donna un coup de sifflet, et un vent impétueux se leva qui fit tourbillonner un immense nuage de poussière derrière lequel nos quarante compagnons, lâchant le frein et piquant des deux, coururent sus aux ennemis aveuglés. Ceux-ci abandonnèrent le roi Léodagan sur le champ de bataille, et, têtes baissées, sous une grêle de traits, s'enfuirent à toutes jambes. Les gens de Léodagan s'empressèrent alors de lui donner un cheval et de nouvelles armes, puis tous repartirent à bride abattue derrière leur porte-enseigne.

À ce moment, le dragon de l'enseigne de Merlin se mit à vomir des brandons enflammés, si bien que tout s'embrasa et que les derniers résistants lâchèrent pied. Seul un géant, le duc Frolle, eut encore le courage de prendre à deux mains sa masse de cuivre, si lourde que peu d'hommes eussent pu la soulever, et se mit à en asséner des coups autour de lui.

Artus s'élança à sa poursuite, son épée Escalibor à la main. Frolle tira la sienne ; elle avait nom Marmiadoise. Dès qu'elle jaillit hors du fourreau, si grande était la clarté qu'elle répandait, que le champ de bataille en fut illuminé et qu'Artus fit un pas en arrière.

 

- Sire chevalier, dit alors le géant, je ne sais qui tu es, mais pour ta bravoure, je te ferai grâce. Rentre ton arme et je te laisserai aller. À ces mots, le roi Artus sentit le rouge de la honte lui monter au visage.

- C'est à toi de mettre bas cette épée, dit-il, et sache que le fils d'Uter Pendragon ne recule pas devant la mort.

- Serais-tu donc le roi Artus ? Et aussitôt le géant se jeta sur lui, mais Artus sut adroitement 1'éviter et se défendit grâce à Escalibor ; il lui en donna un si grand coup sur le bras que Frolle laissa choir son épée. Étourdi, il fut emporté par son cheval dans la forêt immense.

Quand la nuit s'installa, le calme régnait. Les rois Ban et Bohor demandèrent à Artus s'il n'avait point trop de mal.

- J'ai réussi au-delà de toute espérance, dit-il. C'est ainsi qu'en plus de mon épée Escalibor, qui a fait merveille, j'ai pu ramasser Marmiadoise, 1'épée du géant Frolle, qui étincelle comme un diamant dans l'ombre.

Guenièvre de Carmélide

 

Déjà les tables étaient mises pour le repas quand arrivèrent au palais de Léodagan nos trois rois et Merlin. Léodagan, les attendant, s'était appuyé à une fenêtre. Et dès qu'il les vit venir, il alla à leur devant et leur fit fête. On leur prit leurs chevaux, on les désarma, et on les conduisit par la main dans une salle richement ornée où une demoiselle d'une grande beauté leur présenta l'eau chaude dans un bassin d'argent.

C'était la fille de Léodagan, Guenièvre, et on ne pouvait alors trouver plus belle personne en Bretagne. De sa main, elle leur lava le visage et le cou, qu'ils avaient couverts de poussière du champ de bataille, et elle leur passa à chacun un fort élégant manteau.

 

Dès l'instant où Artus en fut revêtu, il plut à Guenièvre, qui ne fut pas longue à comprendre que lui aussi l'observait à la dérobée, avec un intérêt mêlé d'admiration. Ses grands yeux bleus pétillèrent alors de gaieté, ce qui la rendit encore plus attrayante, si la chose se pouvait. Léodagan conduisit ses hôtes à table, et il remarqua qu'Artus prenait place entre Bohor et Ban. Ignorant, d'après leurs conventions, qui ils étaient, il supposa qu'Artus était le seigneur des deux autres. « Plût à Dieu qu'il épousât ma fille, c'est un parfait chevalier et un homme de haut rang », songea-t-il.

 

Cependant, Guenièvre offrait le vin à Artus dans la coupe du roi, agenouillée devant lui, et il la trouva si belle qu'il en oubliait de boire et de manger. Il se tourna légèrement pour que ses voisins ne vissent point son émoi, mais Guenièvre, elle, s'en aperçut très bien.

- Messire, buvez, lui dit-elle, et ne m'en veuillez pas si je ne vous appelle point par votre nom, car je l'ignore. Ne soyez pas distrait à table, ne l'étant point aux armes, comme nous avons pu le constater aujourd'hui. Alors, il prit la coupe et but.

 

Les nappes ôtées, Ban vint s'asseoir à côté de Léodagan. Et lui qui aimait tant discourir, il lui fit maints compliments de Guenièvre.

- Sire, lui dit-il encore, il arrive un moment où il nous faut songer à l'avenir. Or, vous n'avez pas d'autre enfant qui puisse hériter de vos terres. N'est-ce point imprudent de ne pas la marier ?

- Il y a sept ans que le roi Claudius de la Déserte me fait la guerre, répondit Leodagan en soupirant. Et je n'ai pas trouvé le temps de penser à ma fille. Mais s'il se présentait quelque gentilhomme qui puisse me défendre, je la lui donnerais volontiers et il aura ma terre après moi, je ne regarderai ni au lignage ni au rang. En entendant ces propos, une lueur de malice passa dans les yeux de Merlin, qui émit un petit grognement amusé. Puis, ayant accompli sa mission, il partit.

Viviane

En ce temps-là, il y avait au coeur de l'Armorique une vaste forêt qui allait de Fougères à Quentin, de Corlay à Camors, et de Faouët à Redon. C'était la forêt de Brocéliande. Le vent y jouait constamment et les arbres s'inclinaient en des révérences sans fin, sur une étendue qui mesurait bien trente lieues de longueur et vingt de largeur. À travers cette forêt erraient des créatures extraordinaires comme fées et sylphes.

Il y avait Dyonas, qui était filleul de Diane, la déesse des bois, et dont la fille, Viviane, rôdait jour et nuit parmi les arbres et s'amusait avec les papillons.

Un jour qu'elle se trouvait assise près d'une source où les korrigans et les fées venaient habituellement se mirer, elle vit passer un très beau jeune homme, haut de taille et brun de cheveux, qui allait à pas de promenade, fredonnant pour lui-même. Arrivé près d'elle, il s'arrêta, s'appuyant sur une branche, et la salua, mais sans ajouter un mot de plus.

 

C'était Merlin, qui sentait battre si fort son coeur devant la grande beauté de cette jeune fille, qu'il redoutait de perdre sa liberté d'esprit. Eh ! oui, Merlin savait qu'il venait de rencontrer Viviane, il savait qu'il était désigné pour l'aimer et être aimé d'elle, et qu'il lui serait soumis entièrement dès qu'ils se seraient entretenus tous deux.

Or, Viviane, comme toute femme, était curieuse, et elle lui demanda :

- Qui êtes-vous, beau Sire ?

- Je suis un valet errant qui cherche le maître qui m'apprenne mon métier.

- Peut-on savoir quel métier ? Merlin s'assit au bord de la source, prenant place près de Viviane et répondit :

- Par exemple, à soulever un château fort, fût-il assiégé par des soldats. Ou bien à marcher sur un étang sans se mouiller les pieds, ou bien encore à faire naître une rivière et beaucoup d'autres choses...

 

Viviane battit des mains :

- Quel beau métier ! Ah ! je voudrais vous voir à l'oeuvre. Je serais alors votre amie, en tout bien tout honneur, ajouta-t-elle, coquette. À ces mots s"augmenta 1'émoi de Merlin, qui accepta de lui montrer une partie de ses jeux et de ses talents. Il y mit pourtant une condition :

- Que j'aie votre amour, sans vous demander plus. Viviane jura qu'elle y consentait. Alors, avec la branche sur laquelle il s'appuyait, Merlin traça un cercle sur le sol. Ce geste étonna Viviane ; elle promenait ses yeux autour d'elle et ne voyait rien d'extraordinaire, mais, quelques secondes plus tard, surgirent de belles dames et de beaux messieurs qui faisaient une grande ronde et chantaient joyeusement. Certains se mirent à danser sous les arbres soudainement chargés de fruits, tandis qu'au loin se profilait un château devant lequel s'étendait une pelouse avec de grands parterres de fleurs.

On eût dit que Merlin avait fait naître le paradis.

Fascinée, Viviane observait lentement toutes choses, s'arrêtant devant les danseurs, tentant de fredonner leurs refrains.

- Que vous en semble ? dit Merlin. Etes-vous toujours preste à tenir votre serment ?

- Certes, Messire, et de coeur je vous appartiens. Mais vous ne m'avez encore rien appris...

- Je le ferai un jour, c'est promis. Dès que la lune brilla, les belles dames et leurs cavaliers disparurent, ainsi que le château, seul demeura le verger, à la prière de Viviane, qui le nomma « Repaire de joie et de liesse ».

- Maintenant, dit Merlin, je dois partir.

- Êtes-vous donc si pressé de me quitter ? Et sans m'avoir rien enseigné encore...

- Il faut du temps, gentille Damoiselle...

Mais Viviane voulait connaître tout de suite le secret de Merlin : elle était prête à demeurer là toute la nuit et même à consentir à tout ce que Merlin exigerait, quand elle saurait comment on accomplissait de tels prodiges. Alors Merlin lui expliqua la manière de faire couler une rivière où il lui plairait. Viviane contemplait cette eau merveilleuse avec extase, après avoir écrit la recette sur un parchemin. À peine s'aperçut-elle que Merlin la saluait en lui promettant de revenir bientôt.

Fiançailles d'Artus

Merlin s'en retourna en Carmélide, où le roi Léodagan l'accueillit avec joie. Mais il se demandait toujours qui pouvaient bien être ceux qui l'avaient si courageusement aidé à vaincre ses ennemis.

Le seul moyen de faire taire sa légitime curiosité était, lui semblait-il, de poser la question à Merlin. Ce qu'il fit un beau jour.

- Sire, répondit Merlin, en désignant Artus, sachez que ce jeune homme est de plus haut rang que vous-même, qui êtes un roi couronné. Nous allons de par le monde pour le mieux connaître et en espérant trouver une épouse digne de ce jeune homme...

 

Vous vous doutez bien que Léodagan songea immédiatement à lui offrir sa fille, la plus belle et la plus sage qui fût... Comme Merlin l'assurait qu'elle serait acceptée de bon coeur, il la fit quérir à l'instant même.

Quand Guenièvre fut là, il manda tous les chevaliers qui étaient au palais et dit, en mettant la main de la jeune fille dans celle d'Artus :

- Messire, dont j'ignore encore le nom, recevez ma fille pour femme avec tout ce qu'elle aura d'honneurs et de biens après ma mort. Artus, radieux, s'inclina.

Merlin révéla alors le nom des quarante preux, tous fïls de roi et de reine, qui avaient accompagné Artus, roi de Bretagne, celui-là même qui venait de se fiancer.

À cette nouvelle, la joie de Léodagan et des assistants fut immense, et tous firent hommage au roi Artus. Cependant, quelques jours après, Artus annonça qu'il se voyait dans l'obligation de s'éloigner quelque temps, car il lui restait encore des ennemis à vaincre.

Alors, Guenièvre lui donna un heaume pour se couvrir la tête, et il partit à cheval, suivi de ses quarante compagnons.

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Sur les pas du Roi Arthur -3/.-

8 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Merlin, #Roi Arthur, #Tarot

Dans la saga des Chevaliers de la table Ronde, les habitants de ce pays correspondent d’abord à des types.

Type de la traîtresse : plusieurs récits racontent comment un chevalier, toujours plein de bonne foi, se fait abuser par une perfide demoiselle, elle est alors originaire du Northumberland.

Gauvain relate comment un chevalier aux armes vermeilles fit naguère irruption à la cour d’Arthur, embrocha deux ou trois chevaliers et emporta une demoiselle. Or ce chevalier vermeil était un chevalier de Northumberland prénommé Heliadel.

Le roi de Northumberland préside à des jugements iniques, prenant la calomnie pour véridique... De plus, il cautionne le tribut que deux géants imposent à toute sa contrée.

 

Le royaume de Gorre, qui reste une trace du Northumberland, est évoqué chez Chrétien de Troyes : c'est le royaume de Baudemagu qualifié du pays « d'où nul ne revient. ». ( Chevalier de la Charette).

Il s'agit d'un pays de l'au-delà auquel Lancelot parvient en franchissant le Pont de l'Epée. Gorre vient de gouffre, gosier : une gueule d'enfer ( dans l'imagerie médiévale) . C'est là qu'est emprisonnée la reine Guenièvre emmenée par Méléagant...

Dans la mythologie irlandaise, Gorias est aussi le nom d'une des îles au nord du monde où l'on va chercher l’initiation ( c'est dans le royaume de Gorre que Lancelot apprendra son nom)

 

Continuons la visite du Northumberland, avec la carte suivante : le Soleil.

Cette carte nous conduit au-delà du ''lunaire''. Dans le texte ''vision prophétique de Merlin'', on y trouve un cavalier sur un cheval blanc qui régule les rivières. « Quand le disciple est prêt, le maître arrive » dit-on ; ce maître, ce guide est ici Merlin lui-même...

Si je suis prêt ; c'est que j'ai trouvé cette 'force', c'est que je sais qu'elle m'habite, et que j'en connais la source ...

 

Le personnage fétiche et énigmatique de la légende du Graal, légende – pourtant - portée ensuite par des narrateurs cisterciens, est le mage Merlin adepte des anciennes traditions païennes...

C'est avec lui, qu'il convient de commencer notre route. Comme toute légende, son fondement se veut géographique et historique... Selon Norma Lorre Goodrich, le personnage serait apparu lors d'une période tragique de la Grande-Bretagne, située vers la fin de l'Empire romain, Merlin aurait vécu entre le milieu du Ve siècle et la fin du VIe siècle...

Certaines histoires ramènent Merlin à Myrddin, petit roi de tribut dans la foret de Kelyddon. Il serait devenu fou au cours de la bataille de d'Arderyd, au nord de Carlisle. C'est l'origine de la légende de Merlin, le « Fou du Bois ».

C'est sous la plume de Geoffroy de Monmouth au XIIe siècle, qu'est transcrit – pour la première fois - ce nom de Merlin (Merlinus), Myrddin en gallois et Merzhinn en breton.

Geoffroy de Monmouth mêle l'histoire du « Fou du Bois » à celle de « L'Enfant qui parle », et donne ainsi au personnage sa dimension de mage et de devin, fils d'un démon. Les manuscrits gallois ont conservé des poèmes attribués au « barde » Myrddin, et il est à peu près sûr que certains d'entre eux sont, sinon authentiques, du moins issus d'une tradition orale remontant avant cette époque.

Arthur vit une époque où la tradition ancienne et moribonde (le monde druidique) fait face au monde chrétien alors en pleine expansion.

Merlin est un guide, il est là pour montrer une réalité cachée qui échappe au commun des mortels. Chaque fois qu'on lui pose une question, il se met à rire, parce qu'il sait que celui qui la pose connaît la réponse mais ne veut pas la dire ou ne sait pas comment la dire. Il a un rôle nécessaire, sans lui personne ne se poserait de question et personne ne trouverait la voie à suivre.

Lié aux forêts et aux lieux sauvages, incarnant une sorte d'esprit universel en lien avec les rythmes cosmiques de la nature, l'enchanteur Merlin met ses pouvoirs au service de la Bretagne. Entre ses apparitions au milieu des hommes et à la cour, les auteurs du Lancelot-Graal, le font rejoindre dans la forêt de Northumberland une demeure appelée "l'Esplumoir". Là l'attend un prêtre nommé Blaise qui a pour mission de consigner l'histoire du royaume breton.

Le trait mythique le plus important qui caractérise Merlin est son pouvoir de métamorphose : être protéen, il peut à volonté prendre la forme d'un animal, en particulier d'un cerf, créature liée à la forêt et symbole de souveraineté, ou parfois l'apparence d'un homme sauvage ou d'un gardien des bois, mi-homme mi-animal. Selon les circonstances, il revêt d'autres formes : celle d'un paysan ou d'un moine ou celle d'un enfant ou d'un vieillard. Il a aussi le pouvoir de transformer les autres ; ainsi grâce à lui le roi Uter prend l'apparence de son vassal, le duc de Tintagel et peut ainsi confondre et séduire sa femme Ygerne. Omniscient, Merlin domine la condition humaine et se met au service des hommes.

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Sur les pas du Roi Arthur -2/.-

5 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Roi Arthur, #Tourisme, #Tarot

Pour revenir à ce premier trio de carte... Observons l'arcane de La Lune :

Dans un voyage, il y a d'abord la découverte des paysages. Dans une histoire, également : est décrit la terre, sa diversité de paysages et de créatures... Également, apparaissent, ses dimensions cachées : des forces ou des influences invisibles, inconscientes. Les histoires traiteront de naissance et de mort, elles peuvent indiquer les premières étapes de transformation ou d’initiation...

Les mystères cachés derrière les éléments naturels sont représentés par des êtres 'élémentaux' comme les fées ou les génies des lieux ( figures d’animaux...)... Ces êtres révèlent des états de conscience, et expriment des pensées, des émotions ou des énergies liées à ce monde 'lunaire' et donc terrestre...

 

Avant même de partir,

Viviane nous entraîne dans un pays qui '' n'existe pas '' portant, dans notre histoire nous le nommons, nous le désignons même sur la carte : il s'agit du Northumberland.

 

Notre parcours commence dans un territoire inhabité, couvert de forêts : terre inculte aux franges de la civilisation.

Ce sera donc le Northumberland, et elle sera la terre des confins.

Le Northumberland de Grande Bretagne est intégré à un réseau de royaumes étranges, et peu comme le redoutable royaume de Gorre... Le Northumberland est associé à un ''autre temps''...

Un temps qui précède même celui de Merlin, puisque c'est avant le ''passage'' . Ici règne un monde inculte et sauvage … Le rôle de Merlin sera d'en faire un monde organisé, l'espace de la cour arthurienne …

De cette origine terrestre, de ce limon, qu'est-ce qui en moi demande à advenir ?  

 

Le Northumberland
Le Northumberland

Le Northumberland

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Sur les pas du Roi Arthur -1/.-

2 Septembre 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Roi Arthur, #Tourisme, #Quête

Sur les pas du Roi Arthur -1/.-

Depuis longtemps je souhaitais mettre mes pas dans ceux de la légende arthurienne, sur le sol anglais ; au plus près de l'origine du mythe...

Un voyage comme celui-là se prépare, pour être prêt à recevoir non seulement, ce que le pays garde en patrimoine, en paysages ; mais aussi ce qui ne peut pas s'écrire dans un guide de voyage, qui n'est pas de l'ordre de la foi, mais de l'Esprit et de l'esprit même de la Légende...

Ce voyage se prépare en amont, avec ce que j'ai déjà compris de la '' Quête du Graal '' ; de la Légende avec ses contes et ses images … C'est cette préparation particulière, que je décris dans ces cinq ou six articles, avant même de partir …

L'occasion de partir et tenter ce chemin m'a été facilité grâce aux interventions de Viviane, une belle femme rousse qui s'exprime par l'intermédiaire des cartes du Tarot.

Les trois premières cartes sont la Lune, le Soleil et l’Étoile.

La tradition de Merlin est fondée sur l'idée d'Espace Sacré, avec toutes les énergies et la conscience tournant autour des trois Mondes – de la Lune, du soleil et de l'Etoile...

La Tradition de Merlin, enseignée par une femme : Viviane voit la création comme un ensemble de trois roues :

  • La première Roue représente le monde lunaire ( centré sur la Lune) qui comprend les planètes dont la terre.

  • La deuxième Roue est le monde solaire, centré sur le Soleil, l'au delà du Lunaire ...

  • la troisième Roue : le monde Stellaire, centré sur … l'Inconnu, ou le vide, ou l'au-delà du Solaire ...

Viviane - appelée aussi Niviène ( céleste - le gallois 'nef', le breton 'nenv' signifient 'ciel' ) dans le Roman de Merlin - est une fée des eaux et une magicienne... Deux figures vont fusionner dans ce personnage : la marraine de Lancelot et la geôlière de Merlin.

Sur les pas du Roi Arthur -1/.-
Sur les pas du Roi Arthur -1/.-
Sur les pas du Roi Arthur -1/.-
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La légende de Merlin l'enchanteur. 1/3

30 Août 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Merlin

Merlin l'Enchanteur

Il était une fois, en Bretagne, une jeune femme qui mit au monde un bébé si velu qu'on n'en avait jamais vu de semblable. Elle demanda aux personnes qui l'assistaient de le porter immédiatement à l'église pour qu'il reçût le baptême. - Quel nom voulez-vous lui donner ? - Celui de son aïeul maternel, répondit la jeune femme.

Parchemin, 435 x 315 mm. 1480-1485

Les seize premières miniatures ont été peintes en camaïeu par un artiste du Centre-Ouest de la France, le Maître de Charles de France. L'enluminure du folio 7 représente en une seule image plusieurs épisodes consécutifs à la naissance de Merlin : à gauche la naissance de Merlin, couvert de poils ; à droite son baptême, qui contrevient au projet du Diable de lutter grâce à lui contre l'action salvatrice de Jésus-Christ ; au centre le jugement de sa mère, tandis qu'on prépare déjà le bûcher pour son supplice.

C'est ainsi que le bébé fut appelé Merlin.

Or, Merlin avait pour père un diable, ce que sa maman n'osait avouer.

Tout en le berçant dans ses bras, elle l'embrassait malgré sa laideur et lui dit un jour :

- Parce que je ne peux désigner ton père, mon bébé chéri, tu seras appelé : « enfant sans père » et moi, selon la loi, je vais être condamnée et mise à mort. Pourtant, je ne l'ai pas mérité...

- Tu ne mourras certainement pas à cause de ma naissance.

Merlin avait alors tout juste neuf mois. La stupéfaction de sa mère en l'entendant parler fut si grande qu'elle le laissa choir. Aussitôt, l'enfant se mit à hurler, ameutant tous les voisins qui voulurent connaître la cause de ce vacarme. La mère de Merlin aurait-elle voulu par hasard le tuer ?

- Figurez-vous que Merlin parle comme une grande personne, expliquait-elle à tous ceux qui l'interrogeaient. Comme Merlin gardait la bouche close, à présent, cela rendait la chose encore plus extraordinaire et plus mystérieuse.

À la fin, certaines personnes, espérant l'entendre, le rudoyèrent. - Ah ! dirent-elles, il eût mieux valu pour ta mère que tu ne fusses jamais né. - Taisez-vous ! cria aussitôt le nourrisson, rouge de colère. Laissez ma mère en paix. Nul ne sera assez hardi, tant que je vivrai, pour lui faire du mal ou justice, hors Dieu. Si jamais gens connurent l'ébahissement, ce fut bien ceux qui entendirent ces mots. Et tous, sans exception, s'empressèrent de colporter la nouvelle à travers le village, tant et si bien, qu'elle parvint aux oreilles du juge.

Or le juge se dit : « Peut-être ferais-je bien de me débarrasser de cette affaire que j'avais oubliée et de convoquer cette mère que je dois condamner à être brûlée vive. » Au demeurant, le juge ne croyait en rien tout ce qui se racontait. Aux questions gênantes qu'il lui posa, la mère ne put que baisser la tête jusqu'à ce que Merlin, qu'elle tenait dans ses bras, éternuât bruyamment et s'écriât :

 

- Ce n'est pas de si tôt que vous la condamnerez, monsieur le Juge...

- Ah ! fit le magistrat qui n'en croyait pas ses oreilles. Et tu vas me dire pourquoi, j'espère...

- Certainement, répondit Merlin imperturbable, car si l'on condamnait toutes les personnes qui ne peuvent avouer le nom du père de leur enfant, il y aurait ici quantité de gens qui seraient brûlés. Je le ferais bien voir, si je voulais.

Et, ajouta le poupon belliqueux, je connais mieux mon père que vous le vôtre, monsieur le Juge, ne vous en déplaise...

À ces mots, le magistrat, le rouge au front, se disait : « ce garçon est extraordinaire. Non, je ne puis le tuer. » - Qui donc est ton père ? dit-il enfin de sa voix la plus douce. - Un de ces diables qui ont nom incubes et qui habitent l'air. De lui, j'ai la science infuse et celle des choses faites, dites, et passées. Je connais également celles qui doivent arriver...

- Les choses faites, dites et passées... répéta le juge en tremblant. Et comme il ne devait pas avoir la conscience bien tranquille, il décida de laisser la mère de Merlin en liberté.

Celui-ci vécut heureux et choyé auprès d'elle jusqu'à l'âge de sept ans.

 

La tour croulante

Manuscrit enluminé ( XIIIe) montrant Uther Pendragon , Æthelbert [ homonymie nécessaire ] , le roi Arthur et Oswald de Northumbrie , de Epitome des Chroniques de Matthieu Paris

Il y avait alors en Bretagne un roi qui se nommait Constant. Il mourut bientôt en laissant deux enfants en bas âge : Moine et Uter Pendragon. Or, le sénéchal du royaume, un certain Voltiger, homme féroce, plein d'ambition, et qui briguait le trône, donna l'ordre de tuer les enfants.

Uter Pendragon eut la chance d'échapper à cet ordre en partant clandestinement, avec de fidèles amis, pour une ville étrangère. Et Voltiger, se croyant sûr de pouvoir agir à sa guise, ne tarda guère à se faire couronner roi de Bretagne. Mais il n'était pas digne d'une aussi haute charge. Il n'aimait que les honneurs et point du tout ses sujets. Et ses sujets le savaient bien, qui haïssaient ses petits yeux au regard méchant, et sa bouche large et mince qui ne s'ouvrait que pour blâmer et punir. Voltiger, en dépit de cette impopularité qu'il sentait grandir autour de lui, était décidé à demeurer roi coûte que coûte. Aussi voulut-il, pour se protéger, faire bâtir aux portes de la ville une tour si haute et si forte qu'elle ne pût jamais être prise. Les maçons se mirent donc à l'oeuvre, mais à peine la tour commençait-elle de s'élever de trois ou quatre toises au-dessus du sol, qu'elle s'écroula. Voltiger convoqua ses maîtres maçons et contenant à peine son mécontentement, il leur commanda d'employer la meilleure chaux et le meilleur ciment qu'ils pourraient trouver. Et gare à eux si le travail ne s'accomplissait pas correctement ! Ainsi firent-ils, vous le pensez bien.

Hélas ! quand elle fut presque achevée, une seconde fois, la tour s'écroula. Puis une troisième, et une quatrième. Si bien que les châtiments tombaient drus sur les maçons et que le roi enrageait de plus en plus. Finalement, dans la crainte de ne jamais voir sa tour édifiée, Voltiger s'avisa qu'il valait mieux s'adresser aux mages et aux astronomes qu'aux maçons. Après onze jours de graves discussions, ceux-ci persuadèrent le roi que la tour ne tiendrait jamais si l'on ne mélangeait au mortier le sang d'un enfant de sept ans, né sans père.

- Que douze messagers partent immédiatement à travers la Bretagne et ramènent un enfant qui réponde à ces conditions, ordonna Voltiger.

Un beau matin, l'un de ces messagers rencontra sur sa route des jeunes garçons en train de s'amuser. Parmi eux se trouvait Merlin. Et Merlin, qui connaissait toutes choses, s'avança vers lui et dit :

- Je suis celui que tu cherches, Messager. Enfant sans père dont tu dois rapporter le sang a ton roi.

- Qui t'a dit cela ? demanda le messager interloqué.

Ce garçon ne ressemblait pas tout à fait aux autres garçons. Il n'avait pas le regard rieur et naïf des jeunes enfants.

- Si tu me certifies que tu ne me feras aucun mal, j'irai avec toi et je t'expliquerai pourquoi la tour ne tient pas, poursuivait Merlin. Mais je pourrais d'abord te montrer que je sais bien d'autres choses, ajouta-t-il négligemment.

- Vraiment ? dit le messager. Allons Parle... Et il regardait Merlin avec une méfiance non déguisée.

- Eh bien, il s'agit d'une tour que le roi Voltiger voudrait bâtir, mais la tour s'écroule toujours. Alors il a réuni des mages... Du geste, le messager l'interrompit. Il se disait : « ce garçon est extraordinaire. Non, je ne puis le tuer. »

- Viens avec moi, ordonna-t-il à Merlin. Et, saisissant le bras de l'enfant, il ajouta plus doucement : n'aie pas peur. Merlin, lisant dans sa pensée, accepta volontiers de le suivre. Auparavant, il alla embrasser sa mère qu'il rassura pleinement. Tout au long du chemin, le messager acquit la conviction que Merlin était l'être le plus prodigieux qui eût jamais foulé le sol breton et qu'il se devait, en conséquence, de le maintenir en vie. Seulement, quand il arriva à quelques kilomètres du palais, il se demanda comment il s'y prendrait avec Voltiger. Merlin aurait-il une idée ?

Merlin et Vortigern

- Dis au roi la vérité, répondit Merlin. Donne-lui l'assurance que je lui expliquerai pourquoi il ne parvient pas à bâtir sa tour. Ainsi fit le messager, si bien que le roi, intrigué au plus haut point, manda Merlin, lequel prononça alors ces mots :

- Sous les fondations de la tour, habitent deux dragons. L'un est rouge et l'autre est blanc. Quand le poids de la tour devient trop pesant pour eux, ils éprouvent le besoin de se retourner. C'est à ce moment que les murs s'écroulent.

- Dans ce cas, il ne reste qu'une chose à faire, dit le roi, creuser le sol. Et aussitôt des ouvriers se mirent au travail. Dès qu'ils atteignirent la base des fondations, ils trouvèrent deux énormes dalles qu'ils soulevèrent.

Merlin avait raison : deux dragons en sortirent qui se jetèrent sauvagement l'un contre l'autre. Stupéfaits, intrigués, Voltiger, sa cour et tous les ouvriers suivirent la bataille, qui dura deux jours.

Le dragon rouge parut d'abord avoir le dessus, mais le blanc, plus agile parce que plus jeune, finit par le tuer. Cependant, son triomphe fut bref, car il se coucha et mourut à son tour. S'adressant à Voltiger, Merlin lui dit : - Maintenant, tu peux faire édifier une tour. Voltiger hocha la tête. Après un temps de réflexion, il demanda : - Saurais-tu me dire ce que signifie la bataille des deux dragons ?

Merlin sourit : - Promets-moi d'abord de ne point me malmener pour t'avoir dit la vérité. - Je te le promets.

- Alors, écoute bien : le dragon rouge, c'est toi, Voltiger, le dragon blanc, c'est Uter Pendragon. Dans quelques jours, vous entrerez en lutte : toi pour garder, lui pour reconquérir son royaume usurpé. Et le dragon blanc sera vainqueur du dragon rouge. À ces mots, le roi pâlit. Uter Pendragon était-il donc encore un vivant avec lequel il fallait compter ? Le coeur lourd d'angoisse, il décida par prudence d'envoyer une armée à Wenchester. Pouvait-il se douter que lorsque ses gens verraient luire au soleil les bannières d'Uter Pendragon sur le bateau qui l'amenait de Petite Bretagne au-devant de cette armée menaçante, ils le reconnaîtraient aussitôt pour leur roi légitime ? C'est ce qui arriva pourtant et Voltiger, abandonné de ses soldats et de ses amis, n'eut que le temps de s'enfuir dans un de ses châteaux forts. Il y demeura quelques jours en proie à la peur, puis, ainsi que l'avait prédit Merlin, il mourut pendant l'assaut qu'Uter Pendragon donna à la forteresse.

Jeux de Merlin

 

Il advint qu'Uter Pendragon, devenu roi de Grande-Bretagne entendit parler de l'extraordinaire Merlin, qui non seulement connaissait toutes choses, mais possédait encore de singuliers pouvoirs. Le roi décida donc de le faire vivre à sa cour, et envoya des messagers à sa recherche, sachant qu'il se cachait dans la forêt de Northumberland.

Un jour que l'un de ces messagers parcourait cette forêt épaisse et toute bruissante du murmure des feuilles, il aperçut, vêtu d'un bliaud élimé, les cheveux hirsutes, la barbe longue, et portant sur 1'épaule la cognée des bûcherons, un homme très maigre qui l'aborda en ces termes :

- Beau Sire, vous ne faites guère, me semble-t-il, la besogne dont vous a chargé votre seigneur...

Amusé autant que déconcerté par cette remarque, l'enquêteur s'arrêta et, d'un ton de plaisanterie, demanda au bûcheron de quoi il se mêlait. Sans répondre directement à la question, celui-ci déclara :

- Si je cherchais Merlin, il y a belle lurette que je l'aurais trouvé ! Cependant, il m'a recommandé de vous dire qu'il se rendra au palais si le roi en personne vient le quérir en cette forêt. Ce qui eut pour résultat de faire ouvrir des yeux tout ronds de stupéfaction à l'enquêteur.

- Merlin ! répétait-il. Tu connais donc Merlin... ? Le bûcheron hocha la tête, puis il disparut dans un fourré après une pantomime compliquée autant qu'intraduisible. Quand le roi Uter Pendragon apprit la chose, il n'hésita pas une seconde :

- Je pars au-devant de Merlin, dit-il. Et c'est ainsi que le roi et ses gens chevauchaient, un beau matin d'automne, à travers feuilles et buissons odorants et jaunis. Parvenus a une clairière, ils virent un troupeau de moutons, puis le jeune berger qui les gardait. Ils l'interrogèrent.

 

- Connaîtrais-tu Merlin, par hasard ? - Certes, répondit le berger. - Tu es son ami ? - J'attends un roi et si ce roi venait, je saurais bien le mener à Merlin.

- Eh bien, conduis-nous à lui... Comme le berger se grattait la tête et paraissait hésiter, Uter Pendragon s'avança et se nomma. - Je suis le roi lui-même, dit-il. - Et moi je suis Merlin, dit le berger. Les compagnons du roi poussèrent des cris d'indignation. Quoi ! Ce berger presque contrefait se prendre pour... Mais ils n'eurent pas le temps de terminer leur phrase : à la place du berger apparut le jeune enfant qui avait expliqué à Voltiger devant tous ses courtisans ce que signifiait la bataille des deux dragons.

Alors, le roi et ses compagnons, fort impressionnés, le saluèrent et l'entourèrent. C'est ainsi qu'on apprit, pour la première fois, en Grande-Bretagne, que Merlin possédait le pouvoir de se transformer à sa guise et de prendre l'apparence d'un autre. Cependant, Uter Pendragon eut beau lui promettre monts et merveilles, Merlin refusa de vivre à sa cour. Comme c'était un sage, il se contenta de remercier le roi et de l'assurer de son aide, préférant laisser aller les choses et ne point donner aux courtisans des sujets de jalousie, ce dont il eût été le premier à pâtir. Le roi s'inclina, mais dès qu'un problème se posait, qu'une question restait sans réponse, il appelait Merlin qui accourait. Ce fut ainsi que grâce à lui, Uter Pendragon put vaincre des ennemis redoutables, les Saines, et grâce à son pouvoir d'enchanteur, donner aux soldats morts, près de Salisbury, un cimetière aux pierres tombales venues d'Islande, si longues et si lourdes que nul homme n'aurait pu les soulever, même avec un engin. Et tant que le monde durera, ces pierres seront là...

La duchesse de Tintagel

Uter Pendragon était maintenant fort et puissant ; cependant, au milieu de ses soldats, il lui arrivait de s'ennuyer. Il songeait alors à la présence d'une reine auprès de lui, mais aucune femme ne lui paraissait assez belle ni assez sage pour lui plaire. Un jour, pourtant, il décida de rassembler pour une grande fête, dans son château de Carduel, au Pays de Galles, les seigneurs des environs, avec les dames et demoiselles. Il vint beaucoup d'invités, et parmi eux, Ygerne, l'épouse du duc Hoel de Tintagel. Dès que le roi la vit, il en tomba amoureux. Mais il n'y avait place, dans le coeur de la belle Ygerne, que pour son mari, en dépit des amabilités de toutes sortes que lui prodigua son suzerain. Convaincu qu'il ne pourrait jamais la conquérir, Uter Pendra on en éprouva un si profond chagrin qu'il en serait peut-être mort, si Merlin...

 

Oui, si Merlin l'enchanteur n'était accouru à son secours.

- Que faire ? Que faire ? gémissait le roi. - Sire, pourriez-vous me promettre un don... ? - Je n'ai rien à te refuser, Merlin... Merlin souriait.

Le roi songeait déjà, à son intention, à quelque récompense, mais à sa grande surprise, Merlin fit simplement préparer les chevaux.

- Voudrais-tu voyager ? demanda le roi.

- Nous allons partir tout de suite pour Tintagel, répondit Merlin. Peu avant d'arriver au château, Merlin descendit de son palefroi et cueillit une touffe d'herbe au bord du ruisseau. Puis, la donnant au roi :

- Il serait bon, sire, que vous vous en frottiez la figure, dit-il. Se demandant ce qui allait bien lui arriver, le roi se hâta d'obéir et aussitôt, il prit la taille et les traits du duc Hoel de Tintagel. Quand il se regarda dans le ruisseau, il n'en croyait pas ses yeux. À la porte du château, les guetteurs n'éprouvèrent aucun doute, et le firent entrer, le reconnaissant pour leur maître. Il était tard et la nuit ne se parait ni de lune ni d'étoiles. Qui fut encore trompée par les apparences et accueillit Uter Pendragon en croyant recevoir son époux ?

Ygerne, bien sûr, pour le plus grand bonheur du roi.

Hélas ! la semaine n'était pas terminée, qu'Ygerne apprenait que son mari avait été tué au cours d'un combat la nuit même où elle l'avait cru de retour. Jugez de son désarroi. La pauvre duchesse de Tintagel pleura toutes les larmes de son corps.

Cependant, Uter Pendragon l'aimait toujours et même davantage. Il s'empressa donc de solliciter sa main. Désemparée et libre désormais, Ygerne la lui accorda. Mais, honnêtement, elle tint à ce que le roi sache ce qui lui était advenu, certaine nuit très sombre, comment elle avait cru voir son mari. Le roi hocha la tête et sourit mystérieusement.

- Ce n'est pas tout, dit Ygerne.

- Quoi donc, ma belle amie ? Et Ygerne avoua qu'elle serait bientôt mère. Alors le roi soupira et dit doucement :

- Il ne faut en parler à personne. Quand votre enfant sera né, nous le confierons à quelqu'un qui s'en occupera. Ce fut alors que Merlin rappela au roi la promesse qu'il lui avait faite, et sollicita, en guise de don, le nouveau-né.

- C'est entendu, dit Uter Pendragon, cet enfant est tien. Et Merlin le remit à l'un des plus honnêtes chevaliers du royaume, Antor, qui le fît baptiser sous le nom d'Artus et qui l'éleva en compagnie de son propre fils que l'on appelait Keu.

Personne, sauf Merlin, ne se doutait du fabuleux destin qui attendait Artus.

Texte venu du web, auteur inconnu, merci à lui.

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Ballade contée au Moyen-âge -8/8-

27 Août 2016 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge

Le temps passe.. Guillaume ne manque pas les rendez-vous à la poterne ''abandonnée'' où il retrouve la belle Ermengarde ...

Et, ce jour, les deux amants éclatent de sanglots douloureux.
« Recevez mon dernier adieu, s’écrie Guillaume! C’en est fait, il n’est plus de bonheur pour moi dans cette contrée, et il faut que je la fuis, puisque je ne puis devenir votre époux. Maudites soient à jamais les richesses qui me font perdre tout ce que j’aime.

- Hélas ! je m’applaudissais de les posséder pour pouvoir vous les offrir, répondit la tendre Ermengarde. Faut-il que le sort me réduise à les maudire aussi !


Mais, mon cher Guillaume, ne désespérons pas encore : il nous reste une ressource...
- Vous m'aviez parlé que près d’ici, à Eyjaux, vous avez un vieil oncle de l’âge de mon père et son ami d’enfance ; si vous lui êtes cher, comme je ne puis en douter, allez le trouver et lui confiez le secret de notre amour : sans doute il a aimé dans son jeune âge ; il aura pitié de nous. Dites-lui qu’il peut faire mon bonheur et le vôtre ; je ne lui demande pour cela qu’un service simulé ; c’est de vous céder, pendant quelques jours seulement, trois cents livres de rentes sur sa terre ; qu’il vienne alors me demander pour vous à mon père : il m’obtiendra de son amitié, j’en suis sûre ; et dès que nous serons unis, nous lui remettrons en mains l’acte de son bienfait ! Ah ! mon doux ami, ai-je besoin de ses présents pour t’aimer !

- J’allais mourir, s’écria Guillaume ; vous me rendez l'espoir et la vie. »

Il court aussitôt chez l’oncle et le supplia de seconder son amour, sans lui avouer cependant qu’il est aimé de la demoiselle.
« Votre choix ne mérite que des éloges, répondit celui-ci ; j'ai beaucoup entendu parler de votre mie, elle est charmante, soyez tranquille, je me charge de l’obtenir de son père, et je vais de ce pas la lui demander. » En effet, il monte aussitôt à cheval.
Guillaume, transporté de joie, part de son côté pour Châlucet où est annoncé un tournoi qui doit durer deux jours. Pendant toute la route il ne s’occupe que du bonheur qu’il pourra enfin goûter. Hélas ! il ne soupçonne guère qu’on songe à le trahir.... !
L’oncle est reçu par le père à son ordinaire ; on se met à table, où tout en buvant l’un à l’autre, les deux ''vieillards'' racontent leurs antiques prouesses en amour et en chevalerie. Mais quand on eut desservi et que tout le monde s'est retiré :


« Mon vieil ami, dit le seigneur d'Eyjaux, je suis garçon et m’ennuie de vivre seul ; vous allez bientôt marier votre fille et vous trouver de même. Acceptez une proposition que j’ai à vous faire : accordez-moi Ermengarde ; je lui abandonne tout mon bien, je viens demeurer avec vous et nous ne vous quittons plus jusqu’à la mort. » Cette proposition enchante le père ; après avoir embrassé son vieux gendre, il fait venir sa fille, à laquelle il annonce l’arrangement funeste qu’ils vient de conclure ensemble.

Si la demoiselle est consternée, je vous le laisse à penser. Elle ne rentre dans sa chambre que pour se désoler, pour maudire mille fois la trahison du perfide vieillard, pour appeler à son secours le malheureux Guillaume. Pendant ce temps, le chevalier travaille à la mériter en se couvrant de gloire à Châlucet, et il est bien loin d’imaginer que par une noirceur abominable son oncle la lui enlève, et de plus, en le déshéritant. Le soir, elle courre à la poterne, car elle ignore qu’il est au tournoi ; mais après avoir attendu longtemps sans le voir paraître, elle se croit abandonnée.

Le jour fatal vient d’être fixé par les vieillards au surlendemain. Le futur a demandé que le mariage et la noce se fissent en urgence, et en son château d'Eyjaux. En conséquence, il est réglé que, pour arriver de bonne heure, on partirait au point du jour ; et, en attendant, le gendre et le beau-père envoient dans tout le voisinage inviter leurs amis, c’est-à-dire ceux des gens de leur âge... Le lendemain, arrivent, les uns après les autres, ces barbons au corps décrépit, au front ridé, et à la tête chauve. Jamais ne s'est vue assemblée de noce plus burlesque. On pourrait penser qu'ils viennent tous, avant de partir pour l’autre monde, se dire le dernier adieu.
La journée est employée à préparer les ajustements et la parure de la triste mariée. Elle étouffe intérieurement de douleur, et se voit obligée pourtant de dévorer ses larmes et d’affecter un visage tranquille. Le père vient de temps en temps examiner si l’ouvrage avance. Dans une de ces visites, quelqu’un lui demande s’il a songé à faire venir suffisamment de chevaux pour conduire à Médot toutes les personnes qui doivent s’y rendre. « Les hommes ont les leurs sur lesquels ils sont venus, répondit-il. Ceux de mes écuries serviront ; mais, en tout cas, pour ne pas nous trouver embarrassés, il n’y a qu’à en envoyer chercher quelques-uns de plus chez mes voisins. »
Et sur-le-champ il dépêche un domestique qu’il charge de cette commission.
Celui-ci se rappelle en route que Guillaume a un cheval gris magnifique, et réputé le plus beau de toute la vicomté. Le balourd croit que ce serait sans doute flatter sa jeune maîtresse que de lui procurer, pour une cérémonie aussi agréable, une pareille monture, et il va chez le chevalier l’emprunter.
Guillaume, après avoir remporté le prix du tournoi, passe chez son oncle pour chercher la réponse qu’il attend; mais ne l’ayant pas trouvé et s’imaginant que le père apparemment fait quelque difficulté, il est revenu chez lui, du reste si parfaitement tranquille sur cette affaire, si plein de confiance en la parole du négociateur, qu’en entrant il commande qu’on fasse venir son ami Bertran le troubadour pour chanter avec lui quelques chansons amoureuses. Il se flatte que son oncle se fasse un plaisir de venir lui annoncer lui-même la réussite de son message, et, dans cet espoir, il a sans cesse les sens tournés vers la porte.

C'est un domestique qui finit par apparaître, qui, le saluant de la part de son maître, lui demande au nom du vieillard, pour le lendemain son beau destrier gris. « Oh ! de toute mon âme, répond Guillaume, et pour plus longtemps s’il le veut. Mais quel besoin a-t-il donc de mon cheval ? Sire, c’est pour mener à Eyjaux, Ermengarde, notre demoiselle. Sa fille ! Eh ! que va-t-elle faire à Eyjaux? Se marier. Quoi ! est-ce que vous ne savez pas que votre oncle l’a demandée à monseigneur, et qu’il l’épouse demain matin au point du jour ? »

 

À ces paroles Guillaume reste pétrifié d’étonnement. Il ne peut croire une trahison aussi noire et se la fait certifier une seconde fois. Malheureusement pour lui, les coupables sont tels qu’il ne peut s’en venger. Il se promène pendant quelque temps en silence, les yeux baissés et l’air furieux. Soudain, il s’arrête, appelle son écuyer, fait seller le cheval gris, et le livre au valet. « Elle le montera, se dit-il à lui-même, et en le montant elle songera encore à moi. Ne suis-je pas trop heureux de contribuer à ses plaisirs ? Mais non, c’est à tort que je l’accuse. On a forcé sa main, elle n’en est que plus à plaindre ; moi, j’ai son cœur, et tant que je vivrai, elle aura le mien. »
Le chevalier alors appelle tous ses gens. Il leur distribue le peu d’argent qu’il a, et leur permet de quitter son service dès l’instant même. Ceux-ci éperdus lui demandent en quoi ils ont eu le malheur de lui déplaire. « Je n’ai qu’à me louer de vous tous, répond-il, et je voudrais qu’il me fut permis de vous mieux récompenser ; mais la vie m’est à charge, partez et laissez-moi mourir. »
Les infortunés se jettent en larmes à ses genoux ; ils le conjurent de vivre et le supplient d’agréer qu’ils restent auprès de lui pour adoucir ses maux. Il les quitte sans leur répondre et va s’enfermer dans sa chambre.


On dort pendant ce temps au château du père. Pour pouvoir partir de grand matin on s’y est couché de bonne heure, et le guetteur du donjon a ordre d’éveiller tout le monde au son du tocsin, dès que le jour commence à paraître : Ermengarde seule ne peut reposer. L’instant de son malheur approche et elle n’y voit plus de remède. Vingt fois dans la journée la pauvrette a cherché l’occasion de s’enfuir. Elle l’aurait fait sans crainte si la chose avait été possible, mais elle a trop d’yeux à tromper, et son unique consolation est de passer la nuit dans les larmes.
Vers minuit la lune se lève. Le guetteur, qui le soir a un peu bu et qui s’est endormi, se réveille tout à coup et voyant une grande clarté, croit qu’il est déjà tard, et se hâte bien vite de sonner son tocsin. Aussitôt tout le monde de se lever, et les domestiques de seller les chevaux. Le destrier gris, comme le plus beau, est destiné pour la demoiselle. À cette vue, elle ne peut contenir sa douleur et fond en larmes. On n’y fait point attention, parce que ces larmes sont attribuées au regret de quitter la maison paternelle. Mais quand il est question de monter le cheval, elle s’y refuse si opiniâtrement qu’il faut l’y placer comme de force.

On part: d’abord marchent les domestiques, hommes et femmes, puis les gens de la noce, puis la mariée qui, peu empressée d’arriver, s’est mise à la queue de la troupe. On l’a confiée à un vieux chevalier, homme sage et renommé, lequel doit lui servir de parrain pour la cérémonie, et celui-ci ferme la marche.
Il y avait pour arriver à Eyjaux trois lieues à faire, toujours dans la forêt, et par un chemin de traverse si étroit, que deux chevaux peuvent à peine y passer de front. Il faut donc aller à la file. Pendant la première demi-lieue on cause, on s’égaye un peu ; mais nos barbons qui n’ont pas dormi suffisamment succombent bientôt au sommeil. Vous auriez ri de voir leurs têtes chenues vaciller à droite et à gauche ou tomber penchées sur les cous des chevaux.

La demoiselle suit, trop occupée de sa douleur pour songer à eux. Pareille à ces condamnés qu’on mène au supplice, et qui, pour vivre quelques instants de plus, retardent la marche autant qu’ils peuvent, elle ralentit le pas de son cheval. Mais on n’a pas fait une lieue que, sans le vouloir, elle se trouve séparée de la troupe Son vieux conducteur ne s’en aperçoit pas davantage, parce qu’il sommeille comme les autres. Cependant ses yeux s’entr’ouvrent de temps en temps ; mais comme il voit toujours devant lui le destrier gris, ils se referment tout aussitôt : les chevaux, au reste, n’ont pas besoin de guides ; dans un chemin pareil ils ne pouvent s’égarer.
Il y a un endroit pourtant où la route se partage en deux ; l’une est la continuation de celle d'Eyjaux, et l’autre un petit sentier qui conduit chez Guillaume. Tous les cavaliers de la troupe ont suivi la première comme de raison ; et le cheval du vieux parrain ne manque pas de suivre la trace des autres. Pour le palefroi gris, depuis le temps qu’il conduit son maître au rendez-vous de la poterne de Lasnours, il est si fort accoutumé au sentier, qu’il le prend à son ordinaire.

Il faut, pour arriver chez Guillaume, passer à gué une petite rivière. Au bruit que fait le cheval en mettant le pied dans l’eau, Ermengarde sort de sa triste rêverie ; elle se retourne pour appeler le parrain à son secours, et ne voit personne ; seule et abandonnée dans une forêt à pareille heure, un premier mouvement d’effroi la fait tressaillir ; mais l’idée de pouvoir échapper au malheur qui la menace étouffe sa frayeur ; et elle pousse hardiment son cheval dans la rivière, prête à périr, s’il le faut, plutôt que de consommer cet hymen abhorré. Il n’y a rien à craindre ; le cheval, selon sa coutume, traverse de lui-même le gué ; et bientôt il arrive chez son maître.
Le guetteur apercevant la demoiselle corne aussitôt pour avertir, et vient lui demander ensuite, à travers la petite porte du pont-levis, ce qu’elle veut. « Ouvrez vite, crie la jeune fille, c’est une femme poursuivie par des voleurs qui vous demande secours. » L’autre regarde par le guichet : il voit une jeune personne parfaitement belle et couverte d’un riche manteau d’écarlate. La parure, la beauté de la demoiselle, ce cheval gris qu’elle monte et qui lui semble être le palefroi de Guillaume, l’étonnent au point qu’il croit que c’est quelque fée favorable que la compassion amène auprès de son bon maître pour le consoler. Il court aussitôt l’avertir. Guillaume a passé la nuit dans les larmes. Ses gens, véritablement affligés parce qu’ils l’aiment, n’ont pas voulu se coucher plus que lui. De temps en temps ils vont sans bruit écouter à sa porte, dans l’espoir que peut-être sa douleur s’allège; mais l’entendant toujours soupirer et gémir, ils reviennent pleurer ensemble. Cependant, des qu’il apprend qu’une femme est à sa porte, par courtoisie il va au-devant d’elle et fait baisser le pont-levis.

O joie inespérée ! O bonheur ! il voit sa mie. Elle s’élance dans ses bras, en criant : « Sauvez-moi » ; et en même temps elle le serre avec les siens de toutes ses forces, et regarde derrière elle d’un air d’effroi, comme si réellement des ravisseurs l'ont poursuivie.
« Rassurez-vous, s’écrie-t-il, rassurez-vous, je vous tiens et il n’y a personne sur la terre qui puisse désormais vous arracher à moi. » Alors il appelle ses gens, leur donne différents ordres, et fait lever le pont. Mais ce n’est pas assez ; pour être parfaitement heureux, il faut qu’il soit de façon urgente l’époux d'Ermengarde ; il la conduit donc à sa chapelle, et, mandant son chapelain, lui ordonne de les marier ensemble. Alors la joie rentre dans le château ; maîtres et domestiques, tous paraissent également enivrés de plaisir ; et jamais à tant de chagrin ne succèdent aussi promptement des transports de joie aussi vifs.
Il n’en est pas ainsi à Eyjaux. Tout le monde y est arrive excepté la demoiselle et son gardien. Mais on a beau se demander ce qu’ils sont devenus, personne ne peut l’apprendre. Enfin son gardien parait, toujours dormant sur son cheval ; et il est fort étonné, quand on le réveille, de ne plus voir la mariée devant lui.
Comme on soupçonne qu’elle ait pu s’égarer dans la forêt, plusieurs domestiques sont détachés pour aller la chercher. Mais on sait bientôt à quoi s’en tenir par l’arrivée d’un écuyer qu’envoie Guillaume, et qui vient annoncer que la demoiselle est chez lui et - de la part du chevalier - invite le père et tous les gentilshommes de la noce à se rendre chez lui. On y court ; Guillaume va au-devant d’eux, tenant par la main sa nouvelle épouse qu’il leur présente sous cette qualité.

À ce mot d’abord s’élève dans la troupe un grand murmure. Mais quand Guillaume prie qu’on l’écoute, quand il a conté toute l’histoire de ses amours jusqu’à l’aventure de son fidèle destrier, tout change. Ces vieillards, blanchis dans des principes d’honneur et de loyauté, témoignent même leur indignation de ce qu’on les a rendus complices d’une perfidie ; et ils se réunissent tous pour presser le père de ratifier l’union des deux jeunes gens.
Celui-ci ne peut s’y refuser, et la noce se fait chez Guillaume.
L’oncle est mort dans l’année ; le chevalier par cet événement hérite d'Eyjaux. Peu de temps après, son beau-père étant mort aussi, il se voit un des plus riches seigneurs de la Vicomté de Limoges, et Guillaume et Ermengarde ont vécu aussi heureux qu’ils méritaient de l’être.

-- Fabliaux adapté du Lai du Palefroi Vair (Histoire du cheval gris)

 

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