bretagne
LA FONTAINE MAGIQUE DE BARENTON, OU, LAUDINE ET YVAIN.
Dans son roman Le Chevalier au Lion, Chrétien de Troyes met en scène une fontaine sans nom, que les critiques et les historiens s’accordent pour identifier à la fontaine de Barenton dépeinte dans le Roman de Rou de Wace. Chrétien utilise la magie de la fontaine qui déclenche la pluie lorsque l’on verse de son eau sur le perron.
L’histoire d’Yvain, le héros du Chevalier au Lion, est ici sommairement racontée à travers le rôle que joue la fontaine.
Cette fontaine maléfique se trouve en forêt de Brocéliande, domaine dont la châtelaine est Laudine et dont Lunete est la fidèle suivante et la conseillère. Son mari, Esclados le Roux est un terrible chevalier qui surgit dès que quelqu’un verse l’eau qui met en péril la forêt et ses habitants.
Le roi Arthur réunit sa cour pour des festivités à Carduel, au pays de Galles. Calogrenant, un des chevaliers, fait le récit d’un revers qui lui est arrivé six ans auparavant à une fontaine dans la forêt de Brocéliande. Armé de pied en cap, il part chercher l’aventure :
Je trouvai un chemin à ma droite
au milieu d’une forêt épaisse.
C’était une voie très pénible,
pleine de ronces et d’épines.
Non sans douleur, ni sans peine,
je suivis ce chemin et ce sentier.
Pendant presque toute la journée
je chevauchais de la sorte ;
puis je finis par sortir de la forêt :
c’était en Brocéliande.
Vers 180-189 — Chrétien de Troyes (1176-1181).
Au détour d’un chemin, un rustre indique à Calogrenant une fontaine dont il ne reviendra pas sans quelque difficulté ni avant de lui avoir payé son tribut. (v. 371) Le rustre décrit à sa manière la fontaine qui bout, plus froide que du marbre, l’ombrage de l’arbre auquel est attaché un bassin de fer, le perron sans pareil, la chapelle, petite mais très belle. Si tu veux prendre de l’eau dans le bassin et la répandre sur le perron (v. 393-394), dit-il : tu verras alors se déchaîner une telle tempête (v. 395) que les arbres de la forêt seront mis en pièces et que toutes les bêtes, y compris les oiseaux, la quitteront. Enfin, il met en garde Calogrenant d’arriver à sortir vivant d’une telle épreuve, chance qu’aucun chevalier qui y soit allé, n’a connue.
Suivant le chemin indiqué par le rustre, Calogrenant découvre le pin, le plus beau de la terre, un perron d’émeraude, un bassin d’or… La vision qu’il en a est donc bien différente de celle du rustre. Ses yeux de chevalier ne voient pas un lieu d’épouvante, mais un lieu enchanteur qui l’émerveille :
Je vis pendu à l’arbre le bassin,
de l’or le plus fin qui ait jamais encore
été mis en vente sur quelque foire que ce soit.
Croyez-moi la fontaine
bouillait comme de l’eau chaude.
Le perron était fait d’une seule émeraude
percée comme un tonneau,
et dessous il y avait quatre rubis,
plus flamboyants et plus vermeils
que le soleil au matin
quand il paraît à l’orient.
Je vous assure que jamais, sciemment,
je ne vous mentirai d’un seul mot.
J’eus alors envie de voir la merveille
de la tempête et de l’orage,
ce dont je ne me tiens guère pour sage,
car je me serais bien volontiers repris,
si je l’avais pu, aussitôt que
j’eus arrosé la pierre creuse
avec l’eau du bassin.
Sans doute en versai-je trop, je le crains,
car alors je vis le ciel si perturbé
Que, de plus de quatorze points,
les éclairs me frappaient les yeux ;
et les nuages jetaient, pêle-mêle,
de la neige, de la pluie et de la grêle.
Il faisait un temps si mauvais et si violent
que je croyais bien que j’allais mourir
à cause de la foudre qui tombait autour de moi
et des arbres qui se brisaient.
Vers 417-446 — Chrétien de Troyes (1176-1181).
Yvain à la fontaine de Barenton ( Tableau de l’église de Tréhorenteuc)
Brusquement tout s’arrête : c’est le calme absolu, laissant place au chant des d’oiseaux rassemblés sur le pin. Puis, dans un fracas de galop, surgit un chevalier en armure, Esclados le Roux, le seigneur du lieu qui fonce sur lui et le met en garde :
car vous m’avez chassé de ma maison
avec la foudre et la pluie.
[…]
car vous m’avez livré un tel assaut
dans mon bois et dans mon château,
que rien n’eût pu me venir en aide,
hommes, armes, ou remparts.
Personne n’a été ici en sécurité,
dans quelque forteresse qui ait pu y exister,
qu’elle fût de pierre dure ou de bois.
Vers 502 et 506-512
Le combat engagé est violent et bref, laissant Calogrenant aplati au sol, humilié et vaincu. Esclados laisse cependant le chevalier s’en retourner à pied, couvert de honte.
Yvain, un des chevaliers d’Arthur est le cousin de Calogrenant. Le récit terminé, il ne peut laisser cette humiliation impunie et décide de se rendre à la fontaine, seul, à l’insu de tous, pour se venger de l’affront. Parvenu à la fontaine, comme Calogrenant, il asperge le perron afin de provoquer Esclados le Roux. Un terrible et très long combat a lieu entre les deux hommes. A la fin, monseigneur Yvain/fracasse le heaume du chevalier. (v. 860-861). Esclados blessé à mort, s’enfuit à toute bride jusqu’à son château, poursuivi par Yvain. Tous deux franchissent le pont-levis mais Yvain reste prisonnier entre deux herses. Lunete, la servante, assiste à la scène et décide de le secourir. Esclados meurt, laissant Laudine, son épouse, dans un profond chagrin. Lunete donne à Yvain un anneau qui le rend invisible. Il échappe aux barons qui cherchent l’intrus pour le mettre à mort.
Yvain découvre alors Laudine. Il délire sur sa beauté et en tombe amoureux. Lunete, La demoiselle, qui était rusée comme une Bretonne, (v. 1580) présente Yvain à Laudine et persuade la veuve de lui faire appel pour défendre la fontaine et son domaine. Alors qu’ils se parlent d’amour, elle ignore qu’il s’agit du meurtrier de son mari. Suivent les noces avec la bénédiction des barons. A son tour, Yvain devient le défenseur de la fontaine.
A la cour d’Arthur, personne ne sait où se trouve Yvain. Le roi qui avait entendu Calogrenant vanter la merveille de la fontaine décide de s’y rendre avec toute sa suite,le roi vint voir la merveille/de la fontaine et du perron (v. 2174-2175). Arrivé sur les lieux, Arthur verse un plein bassin d’eau sur le perron ce qui déclenche les foudres du ciel. Aussitôt, surgit le chevalier en armes. Aucun ne reconnaît Yvain sous son armure ; lui seul sait à qui il a à faire…
L’aventure manque à Yvain. Alors Laudine lui accorde d’aller courir les tournois avec ses anciens compagnons à condition qu’il s’engage à revenir au bout d’un an. Passé ce délai, elle considérera qu’il aura manqué à cet engagement. Yvain oubliera de tenir cette promesse faite à sa belle…
Répudié par Laudine, Yvain s’enfonce dans la forêt. Pris de folie, il vit un temps sous la protection d’un ermite. Sa rencontre avec trois demoiselles, dont l’une possède de quoi le guérir, lui permet de retrouver la raison et de reprendre son chemin. En forêt, Yvain prend la défense d’un lion aux prises avec un serpent… Chrétien se sert de cette symbolique du bien contre le mal pour montrer la voie que choisit Yvain. L’animal devient son compagnon dans les épreuves à venir pour défendre le bon droit. Yvain se fait appeler le « chevalier au lion ».
Quinze jours plus tard, le hasard veut qu’ils passent près de la fontaine. Yvain ressent une vive douleur d’avoir laissé passer l’année. Il se proclame mille fois malheureux et misérable. Alors qu’il s’en prend à lui-même, une voix féminine qui se lamente se fait entendre à l’intérieur de la chapelle proche de la fontaine ; Yvain ne le sait pas, mais Lunete y est retenue prisonnière…
D’autres épreuves attendent Yvain. En échange du mal qu’il a causé à Laudine, il cherche à faire le bien en luttant contre les mauvaises coutumes, en réglant des litiges et en réparant des injustices. C’est, croit-il, le prix qu’il doit payer pour se racheter. Yvain prend conscience qu’il ne peut continuer à vivre sans l’amour de Laudine. Il lui faut la revoir pour faire cesser sa souffrance. Encore faut-il qu’elle accepte de le rencontrer :
Voici ce qu’il envisage : il partira
de la cour tout seul et ira
guerroyer sa fontaine.
Là il fera tant gronder la foudre,
déchaîner les vents, et tomber la pluie
que, par force et par nécessité,
elle sera obligée de faire la paix avec lui
ou, sinon, il ne cessera jamais
de provoquer la fontaine
et continuera donc a déclencher pluie et vents.
Vers 6507-6516 — Chrétien de Troyes (1176-1181).
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Dame de la Fontaine (Lunete et Yvain (Owain) sont sur la gauche) |
En fait, Laudine n’a personne pour défendre son domaine contre un chevalier malveillant qui viendrait verser l’eau sur le perron. Yvain vient guerroyer la fontaine jusqu’à ce que la forêt entière dût s’effondrer dans le gouffre de l’enfer (v. 6529). Très inquiète, Laudine redoute que son château ne s’écroule d’un seul coup (v. 6531)…
De son côté, Lunete intervient auprès de Laudine pour qu’elle prenne à son service un chevalier capable d’assurer sa défense avant qu’il ne soit trop tard. Personne d’autre n’en étant capable, elle parvient non sans mal à décider Laudine à recevoir le « chevalier au lion ». Alors Lunete retrouve Yvain à la fontaine :
C’est que j’ai obtenu de ma dame,
pourvu qu’elle ne veuille pas se parjurer,
qu’elle sera votre femme, exactement comme elle l’était autrefois,
et vous son mari.Vers 6674 à 6677
Sources: Fontaine de Barenton
Sur la route à Brocéliande. L'Eglise du Graal de Tréhorenteuc. -4-
En 1945, l'abbé Gillard a l'opportunité des services d'un prisonnier allemand Karl Rezabeck. Il le loge et le nourrit, en échange il réalise les tableaux dont le prêtre lui donne une description précise...
Rezabeck va peindre un étonnant chemin de croix. Un chemin de croix situé non à Jérusalem, mais à Tréhorenteuc : les paysages sont identifiables : la cour du presbytère, les prairies, le manoir de la rue neuve ( N° 4 et 8) , et même le val sans retour ...
Ici, les trois chutes du Christ, représentent les trois tendances de la nature humaine, qui égarent l'individu : l'orgueil, l'avarice et la luxure.
Ainsi à la 9e station “Jésus tombe pour la 3e fois”, Marie Madeleine est représentée sous les traits de la fée Morgane vêtue d'une très légère robe rouge . Un quotidien régional va titrer: « À Tréhorenteuc, une pin-up dans un chemin de croix ».
Le menuisier qui prépare la croix, c'est Wisdorf l'ébéniste allemand qui a travaillé avec l'abbé … Dans le 3ème tableau, on reconnaît Sainte Onenne et ses oies ( N° 3, 12 et 13). A la 13e station, Joseph d’Arimathie recueille le sang du Christ dans le Graal.
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Après le chemin de croix, l'abbé Gillard fait exécuter trois tableaux qui illustrent la légende arthurienne.
- L'un est la reprise d'une illustration du ''Lancelot en prose'' d'Evrard d'Espinques ( 1475) et représente les chevaliers autour de la Table Ronde, et apparaît au centre, le Graal, porté par des anges.
Les deux autres sont plus originaux :
- L'un est ( encore ..) consacré au Val sans Retour, et met en scène Morgane, tentatrice à la robe rouge, la chevelure sombre, face à Lancelot... par lui, est brisée la magie du lieu, créé par la fée Morgane. Trahie dans son amour pour le chevalier Guyomar, elle conçoit de se venger... ( vous connaissez l'histoire ...)
Sur le tableau, autour de Morgane et de lancelot, sont représentés quelques uns des 253 chevaliers enfermés dans le Val durant 17 ans ( le nombre 17 ! )... Leur vie est oisive, faite de jeux, de festins, de joutes amicales, de danses … mais, ils sont prisonniers … Un géant garde ce lieu
- L'autre tableau, est consacré à un des sites mythiques de Brocéliande : la Fontaine de Barenton. ( je vous raconte l'histoire, la fois prochaine …)... Antique lieu de réunion druidique...
Sur le tableau, on y voit : *Yvain, le chevalier au lion, derrière lui surgit le chevalier noir ; et parmi les arbres verdoyants, se devine une silhouette féminine...
* Viviane et Merlin, ils se sont rencontrés ici, et Merlin a pris l'apparence d'un beau jeune homme, pour la séduire... Finalement, se servant de son enseignement, Viviane va l'enserrer ( dans une prison d'air) pour toujours … Viviane apparaît dans une robe translucide, parée de ses charmes, en opposition aux vierges chrétiennes … !
* A gauche, la figure d'Eon de l'Etoile ( !?), une sorte de moine, ''robin des bois'' et condamné pour hérésie... Lié à une comète ( repérée en 1145), on le disait magicien, et faisait apparaître tout un banquet ...
* En bas, une joute, et en arrière-plan, la belle Sydoine...
Ces quatre scènes illustreraient les quatre éléments : l'eau ( la fontaine ...), l'air, ( la prison...), la terre ( que mordent les 52 chevaliers battus par Yvain...) et le feu ( de la comète...)
- Enfin, un tableau '' la famille de Sainte Onenne'', représente face au festin du Graal, un banquet réunit la famille de la sainte : le roi Judhaël et son épouse Pritelle avec leurs 22 enfants... Et, le saint Judicaël, roi et fondateur de l'abbaye de Pailpont. A droite, on distingue l'église de Tréhorenteuc
MORGANE, ET LE VAL SANS RETOUR
Le val sans retour est le domaine magique de la fée Morgane, demi-soeur du roi Arthur et détentrice de pouvoirs magiques.
Auparavant, je peux reprendre cette histoire plus avant ; au moment où Morgane rencontre le chevalier Guyomard.
Nous sommes alors – après Chrétien de Troyes, dans le « Lancelot en prose » – où, après que Morgane ( Morgue) ait pu être considérée comme une fée, elle devient un être immoral et maléfique …
Très occupée à ne rien faire à la cour de son demi-frère Arthur, Morgane passait de troubadours en ménestrels au gré de ses caprices sans la moindre retenue, jusqu’au jour où son regard croisa celui du beau Guyomard, chevalier de petite Bretagne. C’est peu de temps après le mariage de Guenièvre avec le roi Arthur que ce chevalier plein de vaillance, neveu de la reine, arrive au palais royal. Dès lors, ce fut l’amour fou et exclusif.
Morgane, alors suivante de Guenièvre, s’éprend follement de Guyomard . Morgane a très mauvaise réputation : « si chaude et luxoriose que plus chaude feme ne convint a querre. »
Les deux amants finissent par coucher ensemble et la reine est aussitôt avertie de leur relation. Guenièvre, qui souhaite avant tout protéger la renommée de son mari et de Guyomard, fait prendre les amants sur le fait. Elle met en garde Guyomard de ne pas poursuivre cette liaison…
Cependant l’amour de Guyomard à l’égard de Morgane, n’est pas exclusif. Morgane s’aperçoit très tôt qu’il lui préfère une autre demoiselle. La fée, qui s’en doutait, réussit à les surprendre alors qu’ils s’unissaient dans le Val.
Le val sans retour.
La fée surprend un jour dans un vallon son amant Guyomard dans les bras d’une rivale. Elle décide d’enfermer l’infidèle dans une prison d’air qu’elle plaça en cette vallée. Morgane ne ne s’arrête pas là :
Elle lance un enchantement : tout chevalier qui pénétrera dans le vallon ne pourra en ressortir que s’il a toujours été fidèle à son amie. Le vallon rapidement surpeuplé, prend le nom de Val sans retour.
« Ce val, dit tout d’abord le conte, était appelé à la fois le Val sans Retour et le Val aux Faux Amants : le Val sans Retour parce qu’aucun chevalier n’en revenait, et aussi le Val aux Faux Amants parce qu’y étaient retenus tous les chevaliers qui avaient été infidèles à leurs amies, cette faute n’eût-elle été commise qu’en pensée […] » Lancelot Anonyme (1215-1225).
« La prison était plus douce qu’on ne l’eût cru, car ils avaient à boire et à manger tout leur saoul et se distrayaient toute la journée en jouant aux échecs et aux dames, en dansant, en écoutant vielles et harpes et tous autres instruments. » ( Lancelot)
Deux cent cinquante-trois chevaliers sont déjà retenus prisonniers de l’enchantement du Val depuis dix-sept ans. Morgue a toutefois donné la possibilité de mettre fin au sortilège s’il venait à se présenter un chevalier à la conduite irréprochable. Bien sûr, elle est convaincue que ce chevalier n’existe pas.
C’est alors qu’un jour, Lancelot rencontre une jeune fille en pleurs qui a perdu son amant. Voulant savoir s’il lui était infidèle, elle l’avait fait entrer dans le vallon de Morgane. Hélas, le jeune homme n’était point ressorti et la jeune fille, inconsolée de son absence, est prête à lui pardonner son infidélité. Lancelot compatit et promet de porter secours au jeune homme afin de le délivrer de l’emprise de Morgane.
Ainsi, un jour, arrive dans le val, un chevalier fidèle à ses serments d’amours et que la vue des belles fées n’émeut pas, car ses pensées sont pleines du souvenir de sa bien aimée.
En effet, Lancelot du lac est déjà prisonnier de l’amour absolu qu’il voue à la reine Guenièvre et rien ne peut l’en détourner.
Après avoir su résister aux charmes des fées sur le sentier du diable, il doit bousculer les dragons de feu et les gardiens géants du val maudit pour abattre les murailles d’air qui s’écroulent devant son coeur pur.
Mais Lancelot n’a qu’à paraître pour détruire l’enchantement. Les chevaliers quittent leur prison d’air et fêtent leur libérateur. Morgue tire la leçon de l’aventure en montrant que ce parfait amant est en fait l’ennemi des femmes, qui s’accommodaient fort bien d’une situation qui interdisait à leurs amants de les quitter. Lancelot rend les chevaliers à leur vie d’aventures et les enlève à leurs amies.
« Lancelot, dit Morgane, tu as fait à la fois beaucoup de mal et beaucoup de bien ; tu as fait du mal à bien des belles dames te des belles demoiselles, que tu as privées de leur bonheur et de leur amour, car jamais plus elles ne seront aussi heureuses ; mais tu as fait du bien aux chevaliers, car ils sont libres et pourront rejoindre leur parenté, qui les croyait perdus à tout jamais. »
Après cet affrontement, la victoire de Lancelot rétablit l’ordre un moment menacé : la morale masculine, temporairement transgressée, l’emporte définitivement, et les femmes retrouvent la place subalterne qu’elles n’auraient jamais dû quitter...
Sur la route à Brocéliande. L'Eglise du Graal de Tréhorenteuc. -3-
Devant l'autel, la mosaïque “LA PUISSANCE DU SANG DIVIN” située au sol au milieu du chœur, a été redécouverte le 24 juin 2014 à l’occasion du déplacement de l’autel (en le rapprochant du vitrail du Graal), afin de faciliter la déambulation des visiteurs.
Cette magnifique mosaïque représente un calice d’où émanent 17 rayons à travers une croix de Jérusalem (comme les quatre autres que l’on peut déjà admirer autour du chœur ainsi que celle du grand vitrail, donc 4+1=5, et les 5 croix=5 plaies du Christ...) et au-dessus de laquelle on peut lire : « La puissance du Sang Divin» (soit 22 lettres !). Laissons parler les chiffres …. :
Ce Graal, est le 8ème de ce sanctuaire consacré au Graal : en correspondance avec Jésus, l'homme du ''8ème jour'' : le ressuscité...
17 est la porte qui permet à l'homme de se réaliser, c'est à dire de ressusciter lui-même dans la plénitude ( le 22) de la vie spirituelle …
17 serait le nombre du Graal. « 17 est en effet nombre du Tout, de la Résurrection, de la transmutation, et c’est le nombre atomique du chlore sans lequel le ''Grand Œuvre'' serait impossible. »
A noter, dans le cadre de la chevalerie :
- les 17 vertus chevaleresques : La foi, La loyauté, La défense, La bravoure, L’honneur, La courtoisie, La charité, La justice, La sagesse, La tempérance, L’humilité, La franchise, Le courage, La prouesse, La prudence, La fierté, La dignité.
Si dans le choeur, nous nous retournons, nous sommes face à la mosaïque du ''Cerf blanc au collier d'or '' réalisée en 1955 par les ateliers Rennais ODORICO, d’après un dessin de Jean Delpech.
La mosaïque est en reflet du grand vitrail … ( le Christ, les 4 vivants, joseph d'Arimathie, masculin, féminin ...)
Le cerf porte une chaîne avec une croix, une nimbe autour de la tête, et une étoile au-dessus... Il figure l'apparition du Christ, entouré des évangélistes... Cette catéchèse passe par le monde des légendes...
La légende arthurienne, nous permet d'y voir Merlin, qui use de ses pouvoirs pour changer d'apparence, symbole de sagesse ; ou même, la divinité Cernunnos des Celtes.... Lancelot voit apparaître le cerf blanc et les lions. Ils passent sans daigner lui adresser un regard avant de disparaître par enchantement. Lancelot s’interroge. Le soir, un vieillard l’incite à renoncer à sa vie dissolue avec la reine Guenièvre. Lancelot ne peut s’y résoudre et échoue dans sa quête du Graal.
Dans '' La Queste du Saint-Graal '' Galaad ( le fils de Lancelot) , et Perceval ont une vison similaire dans la forêt ...
La pierre, rappelle le perron de la fontaine de Barenton, déjà représentée dans cette chapelle... Elle est en forme de croissant de lune et évoque le Féminin ( le monde des eaux, domaine des fées) ...
La forêt est celle de Brocéliande, des cinq arbres ( image du masculin) le plus gros épouse la forme d’un soleil...
Ce cerf blanc a aussi une signification religieuse. Saint-Hubert a vu apparaître un cerf blanc portant un crucifix. On sait aussi qu'un cerf blanc et quatre lions aidèrent Joseph d'Arimathie à traverser une rivière périlleuse.
Au-dessus à droite, cinq arbres peuvent représenter les cinq plaies du Christ d'où sort le fleuve de vie, qui fait pousser l'ancolie ( visible au centre de la mosaïque) symbole de l'Amour divin, pour l'humain... L'ancolie est pour Dante, la plante ''alchimique'' plante mâle et femelle... L'abbé Gillard, a tenu à sa présence, comme signature...
A suivre... ( mais avant, la prochaine fois: La légende de Morgane et le Val sans Retour...)
Sur la route à Brocéliande. L'Eglise du Graal de Tréhorenteuc. -2-
Le choeur est éclairé par 3 vitraux, qui présentent le Graal sous chacune des fameuses ''Tables du Graal ''.
Et mur nord, la Table de la Cène...
Mur sud : La Table Ronde autour de laquelle sont rassemblés le Roi Arthur et les chevaliers, lors de l’apparition du Saint Graal.
Il faudrait parler de tous les détails qui se répondent d'un vitrail à l'autre …
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Le Graal est représenté au centre de la Table autour de laquelle se sont réunis le Christ et ses disciples, une place reste vide, celle de Judas... Le Graal est de couleur verte, l'abbé Gillard le situe dans la tradition d'une coupe taillée dans une émeraude, tombée du front de Lucifer... | Le Graal apparaît aux chevaliers de la Table Ronde. Le siège périlleux (vide) est occupé. La Quête du Graal est ici achevée, avec Galaad... |
Enfin, le vitrail central, un chef d'oeuvre des ateliers parisiens Grubeër, qui a coûté au prêtre le prix d'une ferme ( un héritage..). Là, il faut prendre le temps de scruter cette forêt de symboles...
Comme au Moyen-âge, sont représentés deux donateurs ( Louis Thétiot et sa mère : cousins de l'abbé Gillard)
Au centre du vitrail, le Christ ressuscité, debout et à ses pieds Joseph d'Arimathie. Selon les évangiles, il a récupéré le corps du Christ et l'a enseveli dans son propre tombeau.
On dit qu'il a recueilli le sang du Christ, dans une coupe ( Le Graal ). Il est l'un des gardiens du Graal ; jusqu'à Galaad...
Ici, est représentée la scène où emprisonné, Joseph d'Arimathie, put se nourrir et survivre grâce au Christ Ressuscité et au Graal …
On note à gauche, l'emblème du Royaume de Jérusalem, qui évoque l'Ordre du temple, et qui est associé à la garde du Graal, par Wolfram von Eschenbach, dans son Parzifal ( 1210).
Bien d'autres symboles sont dissimulés, dans ce vitrail... Peut-être le chemin à trouver qui conduit au Graal …
Voir les deux lapins à gauche …; le phénix...
Les deux personnages, nouvel Adam et nouvelle Ève, sont recueillis autour d’un arbre arborant un unique fruit, une mystérieuse pomme bleue. Ce fruit de la Connaissance du bien et du mal ne semble pas être mangé !... ; Les quatre symboles des évangélistes... les quatre signes du zodiaque … Le bouquet de chardons ...Etc ...
Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.
En suivant le déambulatoire, pour arriver derrière l'autel et devant la pierre tombale de Saint-Gildas, j'entends un homme raconter à ses enfants l'histoire de la Bretagne ; je reste attentif et finis même par entrer dans la discussion pour l'interroger sur la vie d'Abélard ici, à saint-Gildas...
Eglise abbatiale de Saint-Gildas
En ce temps là ( disons l'an 490) - l'année même ou le roi Arthur remportait la victoire du mont Badon qui mit un coup de frein provisoire aux invasions saxonnes - Saint Gildas fut comme de nombreux jeunes clercs de cette époque l'élève de l'abbé Ildut au Pays de Galles avant de s'illustrer comme fondeur de cloches.
L 'abbaye est fondée au 6ème siècle (536) par Gildas, moine venu d'Angleterre. Auparavant, après un pèlerinage à Rome, il a fondé en 528 : Holy Trinity près de Glastonbury …
Au Xème siècle, l'abbaye est détruite lors des invasions normandes. A la demande du Duc de Bretagne, Geoffroy 1er, un certain Félix, moine de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire la reconstruit, en pierres cette fois-ci. Commencée en 1008, la reconstruction s'achève en 1032 par la consécration de l'église par Judicaël, évêque de Vannes et frère du Duc. Félix meurt le 4 mars 1038. Plusieurs abbés succèdent à Félix. Un certain Robert est le prédécesseur d'Abélard et mourra vers 1130.
Pierre Abélard ( 1079-1142) a connu le choeur, le déambulatoire et le transept quasiment tel que nous les voyons aujourd'hui. Il a célébré la messe entre ces colonnes et ces chapiteaux magnifiques.
L'abbaye semble manquer de moyens. Les moines cherchent alors un abbé puissant et reconnu capable de les aider. Ils font appel en 1125 à Abélard, réputé dans certains milieux, notamment en tant que fondateur de la scolastique, mais également détesté par d'autres pour certaines de ses remises en causes de dogmes établis.
Abélard explique dans un courrier (en latin) qu'il n'est pas volontairement venu en Bretagne, mais pour fuir les conflits qu'il connaissait dans ses fonctions précédentes. Il y décrit les moines qu'il doit diriger comme pauvres et victimes d'un seigneur voisin tyrannique, mais également comme très indisciplinés. Il s'inquiète et s'indigne en particulier de leur mode de vie peu en rapport avec leur fonction monastique : ces moines, selon Abélard, passaient plus de temps à la chasse et à des activités matérielles qu'à la prière et à l'élévation de l'esprit :
« C'était une terre barbare, une langue inconnue de moi, chez les moines des habitudes de vie d'un emportement notoirement rebelle à tout frein et une population grossière et sauvage. »
« Les portes de l’abbaye n’étaient ornées que de pieds de biche, d’ours, de sanglier, trophées sanglants de leur chasse. Les moines ne se réveillaient qu'au son du cor et des chiens de meute aboyant. Ils étaient cruels et sans frein dans leur licence»
« Et là, sur le rivage de l'Océan aux voix effrayantes, aux extrémités d'une terre qui m'interdisaient la possibilité de fuir plus loin, je répétais souvent dans mes prières : "Des extrémités de la terre j'ai crié vers vous, Seigneur, tandis que mon coeur était dans les angoisses." »
Les moines de Saint-Gildas ne veulent pas abandonner femmes et enfants et au contraire ils réclament de leur abbé de quoi nourrir leur famille. En effet, que deviendraient ces femmes et ces enfants abandonnés ; et où iraient-ils ?
« Les moines m'obsédaient pour leurs besoins journaliers, car la communauté ne possédait rien que je pusse distribuer, et chacun prenait sur sa bourse pour se soutenir lui et sa concubine, et ses fils et ses filles. Non seulement ils se faisaient un plaisir de me tourmenter ainsi, mais ils volaient et emportaient tout ce qu'ils pouvaient prendre, pour me créer des embarras dans mon administration, et me forcer ainsi, soit à relâcher les règles de la discipline, soit à me retirer tout à fait. »
Les moines tentent de se débarrasser de leur père abbé en versant du poison dans le calice de la messe. Abélard est prêtre; au moins depuis qu'il a été élu abbé.
Une scène non moins étonnante se déroule à Nantes où Abélard est venu visiter le comte Conan III qui est malade. Un serviteur de la suite d'Abélard a reçu mission de ses frères d'empoisonner l'abbé au cours du repas. Mais c'est un moine qui, par ignorance, mange la nourriture empoisonnée destinée à Abélard et meurt sur le champ. Le serviteur criminel, épouvanté, s'enfuit !
Si un petit groupe de moines est fidèle à Abélard, qui s'est réfugié dans les dépendances de l'abbaye, un autre groupe lui tend des guet-apens dès qu'il sort de l'abbaye en postant, à prix d'argent, des brigands chargés de le tuer.
« Je considérais en gémissant combien ma vie était stérile et malheureuse : stérile pour moi comme pour les autres, tandis qu'elle était jadis si utile à mes disciples ; je me disais qu'aujourd'hui que je les avais abandonnés pour les moines, je ne pouvais, ni dans les moines, ni dans les clercs, produire aucun fruit : j'étais frappé d'impuissance dans toutes mes entreprises, dans tous mes efforts, et l'on pouvait justement m'appliquer ce mot : "Cet homme a commencé à bâtir, et il n'a pu achever." J'étais profondément désespéré, »
Pendant qu'Abélard, nouvel abbé de Saint-Gildas depuis un an, peut-être deux, est aux prises de mille difficultés avec ses moines, des nouvelles alarmantes lui arrivent du monastère d'Argenteuil où Héloïse est prieure. Suger organise un concile à Saint-Germain-des-prés et obtient du légat du pape, Mathieu d'Albano, l'expulsion des moniales de leur couvent Héloïse et quelques unes des religieuses se trouvent à la rue. Heureuse coïncidence, le Paraclet d'Abélard est vide et disponible.
« Les voyant dispersées de tous côtés par l'exil, je compris que c'était une occasion qui m'était offerte par le Seigneur pour assurer le service de mon oratoire. J'y retournai donc, j'invitai Héloïse à y venir avec les religieuses de sa communauté ; et, lorsqu'elles furent arrivées, je leur fis donation entière de l'oratoire et de ses dépendances, donation dont, avec l'assentiment et par l'intervention de l'évêque du diocèse, le pape Innocent Il leur confirma le privilège à perpétuité pour elles et pour celles qui leur succéderaient. »
Sur la route de Brocéliande. Le château de Suscinio
Le château de Suscinio – situé sur la presqu’île de Rhuys se découvre dans un décor privilégie : une vue sur la mer, et entouré de marais …
Au XIIIe s., Le premier logis, un manoir pour la chasse, est bâti pour le duc de Bretagne Pierre de Dreux, en 1218. . Il s’agrandit sous l’impulsion des Ducs de Bretagne qui y implantent un premier manoir. Celui-ci est ensuite remanié et agrandi pour devenir la vaste résidence princière visible aujourd’hui. C'est, à l'époque, la résidence préférée des Ducs de Bretagne et d'Anne de Bretagne. Sa vaste enceinte est cernée de douves et flanquée de 6 tours.
Une visite bien complète : des salles, des commentaires ( audio-guides, affiches ..etc) et des animations ...
* En 1373, le Connétable de France Du-Guesclin investit le château défendu par les Anglais, comble les douves dans l'angle Sud-Ouest, enfin aidé par les engins d'assaut, y pénètre, tuant tous les défenseurs sans en épargner un seul. Il fait démanteler tours, courtines et logis...
Le château est agrandi à la fin du XIVe siècle. Les ducs Jean IV et Jean V entreprennent des travaux de consolidation et la construction d'une nouvelle tour.
Jeanne de Navarre, épouse de Jean IV, accoucha à Sucinio (ou Suscinio), le 24 août 1393, d'Arthur, comte de Richemont, l'une des gloires de la France et de la Bretagne. Créé connétable de France par le roi Charles VII en 1425 ; il eut l'honneur de sauver le royaume avec Jeanne d'Arc.
Au XVe siècle, Rhuys est une vaste forêt giboyeuse et ses hautes futaies cernent le château de toutes parts, même du côté de la mer, plus lointaine que de nos jours. Voilà pourquoi, plus que les cris de guerre, retentissaient en ces lieux les aboiements des meutes, les clameurs des chasseurs et les sons variés des cornes de chasse. Brillantes réceptions, chevauchées galantes, tournois trouvent à Scucinio un cadre idéal. Ce château est pour les Ducs de Bretagne un lieu "Sans Soucis", "Soucis n'y est" ou plutôt "Suscinio" qui, en des temps différents, à même signification.
Pour y dormir tranquille et "sans soucis" ce palais est entouré de douves larges et profondes... Aux grandes marées, les eaux de l'Océan, par un canal, s'y déversent. Comme elles ne sont pas rigoureusement étanches, que l'eau s'évapore et et qu'elles risquent d'être asséchées, la Duchesse Isabeau, au milieu du XVe siècle, les fait alimenter par l'eau d'une fontaine conduite au moyen d'une ingénieuse canalisation.
François 1er de Bretagne ( 1414-1450) - fils de Jean V - et dit '' le fratricide'' régna huit ans. Il se maria deux fois. Sa première femme fut Yolande, sœur du roi de Sicile ; la seconde la belle et bonne Isabeau d'Ecosse.
François rongé par le remord, mourut en 1450. Il laissait à sa veuve, le château de Suscinio et toutes ses dépendances. La duchesse fit exécuter de nombreuses réparations. Elle fit capter les eaux de la fontaine dite '' de la duchesse '' …
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Dessins de l'architecte Georges Ganuchaud (1915-1998)
Progressivement abandonné par les ducs ( au profit de Nantes) après le 15ème siècle, En 1520, le château passe à la couronne de France. Il tombe en ruines et est vendu à la Révolution ; il est investi par les Chouans, et finalement très dégradé, il est vendu à un marchand qui l’exploitera comme carrière de pierres. D’ailleurs c’est en tant que ruine que Prosper Mérimée fait classer le château aux monuments historiques en 1840.
Un des trésors du château est le pavement médiéval, datant entre 1330 et 1340.
Ici aussi, il reste : un fantôme : un jeune garçon, fils d'un capitaine de la garde. Le petit garçon a deux espaces privilégiés, au 3ème étage : la salle ''garde robe du duc'' et sous les combles, ce qui serait la chambre des enfants. Il s'y promène encore … Il apparaît, il court , il repart, il ne parle pas …
Sur la route de Brocéliande. - Le fantôme de Redon – Belphégor – 2/2-
C'est l'Abbé Pichot qui découvrit en 1855 une crypte et également le souterrain de l'Abbaye St-Sauveur de Redon qui menait de l'ancienne Abbaye au fleuve Vilaine :
A l'époque, l'entrée fut refermée juste après sa découverte, mais un étudiant ( Arthur Bernède ) du Lycée St-Sauveur construit sur les ruines de l'Abbaye, s'est glissé à l'intérieur du souterrain secret et aurait aperçu un fantôme ....
La sortie vers la Vilaine, aujourd'hui barricadée
Epouvanté, Arthur Bernède s’enfuit alors vers Paris, sans savoir que Belphégor est sur ses traces…
Le jeune Arthur apprend l’art lyrique. Hélas un soir de l'année 1890, il est victime d’une agression dans une ruelle obscure. Il parvient, de justesse, à se débarrasser de son adversaire, mais le mal est fait, ses cordes vocales sont fragilisées, il a perdu sa voix. Bernède comprend vite que Belphégor, ou celui qui se cache sous ce nom, est à l’origine de cette agression…
Ce n'est qu'en 1927, qu'Arthur Bernède, ayant vaincu sa peur et ses hésitations, écrit un roman, qui n'est en fait qu'un message crypté à l’attention de celui ou celle qui l’a persécuté, pour lui montrer qu’il a percé à jour sa machination.
Le roman ''Belphégor'' paraît en feuilleton dans Le Petit Parisien du 28 janvier au 30 mars 1927 . La très pudibonde Revue des lectures de l'abbé Louis Bethléem considère que « certains détails et le demi-monde où s'agitent les personnages principaux font que ce livre ne convient pas à toutes les jeunes filles... » !
« Belphégor est un mystère. Le mystère le plus troublant que l'on puisse imaginer et dont nous n'avons pas le droit de soulever, même légèrement, le voile... Qu'il nous suffise de dire que l'auteur de Judex, Cœur de Française, Surcouf et de tant d'autres récits justement célèbres n'a peut-être pas encore écrit un roman plus captivant, plus original et mieux digne de conquérir les suffrages de nos lecteurs ! » ''Belphégor'' est présenté ainsi dans Le Petit Parisien
L'histoire commence au Musée du Louvre, dans la « salle des Dieux barbares », où un veilleur de nuit surprend une étrange silhouette qui semblait vouloir s'en prendre à la statue de
« Belphégor, dieu des Moabites ». Pourchassé par le gardien, le visiteur fantomatique disparaît mystérieusement. La nuit suivante, il se manifeste à nouveau et assomme un autre gardien, retrouvé mourant le lendemain matin, à côté de la statue renversée. L'inspecteur Ménardier, chargé de l'enquête officielle, n'apprécie guère qu'un jeune journaliste intrépide s'intéresse de très près à l'affaire.
Le célèbre détective privé Chantecoq '' le roi des détectives ''., et sa fille Colette, se lancent aussi sur la piste du fantôme ...
Parmi les références que Bernède utilise dans ce roman, on peut noter que l'un des principaux personnages Jacques Bellegarde est journaliste au Petit Parisien. Au chapitre 6 de la première partie du roman, lorsque ce journaliste découvre la statue renversée de Belphégor, il se rappelle « tout à coup l’histoire, déjà ancienne mais rigoureusement authentique de cette statue moyenâgeuse de la Cathédrale de Dol, en Bretagne, à l’intérieur de laquelle, un jour, par le plus grand des hasards, un sacristain avait découvert une cachette contenant plusieurs centaines de pièces d’or ».
Belphégor, pourrait s'apparenter à la « Stèle au dieu guerrier » conservée au musée du Louvre, et dont l'identité divine ou royale est controversée. Entre autres hypothèses, il pourrait en effet s'agir d'un dieu « apparenté au Baal cananéen, dieu de l'orage ». Or selon Joseph Scaliger, le véritable nom de Belphégor serait « Baal-Reem, c'est-à-dire dieu du tonnerre ».
Également, plus loin dans le roman, au début de la troisième partie, Bernède fait référence à des « Mémoires secrets » que l'astrologue Cosme Ruggieri (+1615) aurait rédigés peu après la Journée des barricades, alors que la reine Catherine de Médicis était contrainte de fuir Paris, pour ne plus y revenir.
Le 20 mars 1937, alors qu’il prononce un discours devant la Société des Gens de Lettres, Bernède s’écroule, terrassé par une crise cardiaque. Dans la poche de sa veste, on retrouve une menace de mort signée de ce troublant: «Belphégor»!
Entre-temps, suite à des rénovations au sein du lycée Saint-Sauveur, le sarcophage vide, accompagné des papiers du professeur Chanderne, est expédié à la section égyptologique du Louvre. Présenté, dans le pavillon égyptien de l’Exposition Universelle de Paris en 1937, il est ensuite entreposé, sous une fausse étiquette, dans les réserves du musée…
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De nos jours : Un conservateur curieux le redécouvre. Désireux d’épurer ses collections, le Louvre contacte alors la Mairie de Redon pour lui proposer de lui restituer ce pan du patrimoine local. Seulement, avec le retour de ce trésor, resurgit le spectre maléfique de Belphégor dans les rues de la cité…
Sur la route de Brocéliande. - Le fantôme de Redon – Belphégor – 1/2-
Ma route vers Brocéliande commence - par hasard ici – à Redon...
Et avant de m'attacher aux fantômes de la Matière de Bretagne... Je suis happé par le Mystère attaché à la ville de Redon . En effet, après la visite de L'abbatiale Saint-Sauveur, alors que je me rends vers le cloître de l'abbaye, je partage mes pas avec un homme qui engage la conversation sur la nef de l'Eglise qui remonte quand même au XIe siècle … Je lui fais part de mon étrange impression que j'ai ressenti et que l'on distingue sur ma photo : le chevet lumineux et ce décor baroque qui accentue le contraste, avec la nef sombre, et ses arcades en plein cintre.
L'homme me parle de Saint Convoyon ( Conwoïon) que je ne connaissais pas... Lui et ses compagnons quittèrent Vannes pour se retirer dans la solitude, et ils vinrent ici, au confluent de l'Oust et la Vilaine... Ces hommes, en attente d'un signe sur leur destinée, à l'heure de tierce, virent une croix lumineuse descendre du ciel à l'endroit où se trouve aujourd'hui le maître-autel de l'église du Sauveur. C'est ainsi que l'abbaye, fut fondée en 832, sous la règle de Saint-Benoît, puis confirmée par Nominoë le roi de Bretagne (en 834) et par l'Empereur Louis Le Pieux (en 836). Au XIIème siècle, l'abbaye de Redon possédait 26 prieurés...
On dit aussi qu'un jours, un enfant aborda presque nu sur le rivage de Redon. Les laveuses de Rieux - grande ville alors, avaient repoussé ce pauvre petit ; mais les femmes de Redon le recueillirent pleines de charité. Or, ce petit enfant c'était le Sauveur Jésus...
Deux bonnes raisons, pour que l'église soit consacrée au ''Saint-Sauveur'' …
Je demande à l'homme s'il connaît d'autres histoires... Je lui dis que je vais à Brocéliande, et suis amateur de contes et légendes... Il me regarde alors étrangement, un regard appuyé, puis se détend, sourit et m'interroge sur... la fée Carabosse !: « Savez-vous qu'elle serait originaire de la campagne redonaise ; pour preuve une chanson bien connue par ici qui raconte comment la mauvaise fée fut changée en rocher, alors que blessée au pied, elle fut traitée par un ''rebouteu'' de Redon... Depuis, elle rode dans les bois des alentours …."
L'homme me fixe à nouveau, comme s'il attendait une réaction de ma part... Piteusement, je ne sais que répondre: « C'est tout … ? »
Si vous ne craignez pas que je vous entretienne de fantôme, je puis vous parler, non pas de celui de Merlin, mais ... De Belphégor ! Vous connaissez Belphégor ?
Le fantôme du Louvre ?
Ah, non... Le fantôme de Redon ! Vous voulez parler du roman d'Arthur Bernède (1871-1937)... Vous faîtes bien de signaler l'oeuvre de cet auteur, puisqu'il est originaire de Redon, il est né rue du port ; mais le fantôme dont je parle est bien ici, lui … Êtes-vous prêt à me suivre …?
C'est ainsi que j'ai suivi, ce monsieur … J'ai depuis cherché à savoir qui pouvait-il être ; et un seul nom m'a été proposé : Patrick Denieul... Pourtant cet auteur n'était pas à Redon ce jour là … Mystère !
''L'homme'' me propose de le suivre jusqu'à une pièce de ce qui est aujourd'hui un lycée, et dont il tient seul la clé. Dans cette pièce, il a reconstitué le cabinet de curiosité d'un savant, le professeur Chanderne. Camille Chanderne fut enseignant au lycée Saint-Sauveur, au XIXe siècle. « Une de ses découvertes sera à l'origine du fantôme de Belphégor, et c'est le personnage que découvrira le public »
« Vous remarquez que le cabinet du professeur regorge d'objets archéologiques en tout genre... »
Cette histoire commence en 1867... Par une nuit brumeuse, une goélette accoste au port de Redon et débarque une caisse volumineuse que réceptionne le professeur Camille Chanderne, enseignant au lycée Saint-Sauveur et égyptologue amateur. Dans cette caisse passée en fraude se trouve un sarcophage… Après un an de fouilles dans la région de la Mer Morte, Chanderne a découvert la momie d’une prêtresse, censée incarner le dieu barbare Belphégor.
L’ancien souterrain situé sous le lycée lui sert à dissimuler sa découverte.
Quelques semaines plus tard, Chanderne est retrouvé mort dans son lit. Des papiers griffonnés gisent sur son bureau. Dans la cheminée, on a brûlé des documents. L’affaire fait grand bruit à l’époque, sans pouvoir être résolue…
Vingt ans plus tard... Nous sommes donc en 1887 : Arthur Bernède, un jeune lycéen, tombe par hasard sur le sarcophage en fouinant dans le souterrain et s’intéresse à l’affaire. Ce qu’il découvre en relisant les papiers conservés de Chanderne, le terrifie : Belphégor est vivant. La momie a disparu ne laissant que quelques bandelettes moisies. Le dieu barbare erre dans les rues sous la forme d’un spectre habillé de noir et revêtu d’un masque funéraire.
A suivre ...