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Les légendes du Graal

moyen-age

Le monde de la magie au Moyen-âge : -2/.-

30 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Erec, #Magie, #Chrétien de Troyes, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #Littérature

Dans le roman de Chrétien de Troyes,'' Erec et Enide '' :

Érec, après avoir chevauché plus de trente lieues en compagnie d'Enide, sa femme, et de Guivret le Petit, son ami, arrive devant un château-fort entouré de tous côtés d'une eau large et profonde. C'est le château de Brandigan. Il appartient au roi Évrain, qui l'a fait fortifier par luxe plutôt que par besoin, car la défense naturelle suffisait. Erec propose aussitôt d'aller y prendre hôtel ; mais Guivret l'avertit qu'il y a là un «mal trespas », autrement dit une mauvaise coutume. Depuis sept ans, aucun de ceux qui s'y sont aventurés n'en est revenu ; on y reçoit «honte ou mort ». D'ailleurs, si l'aventure est périlleuse, elle a un beau nom, elle s'appelle «la Joie de la Cour ». Ce mot achève de décider Erec à demander l'hospitalité du roi ...

 

Dans la dernière partie du roman, au terme de sa quête, Erec tente la terrible aventure dont nul n’est jamais revenu. Il doit vaincre le géant Mabonagrain pour lui permettre de sortir de ce verger d’amour où il est prisonnier.

« Autour du verger il n’y avait ni mur ni haie, mais seulement de l’air. Par un effet magique l’air sur chaque côté assurait la clôture du jardin, si étroitement qu’il était impossible d’y pénétrer, à moins de voler par-dessus, exactement comme s’il avait été entouré d’une barrière de fer. Eté comme hiver, on y trouvait des fleurs et des fruits à maturité. Ces fruits étaient ensorcelés : on pouvait les manger dans le verger mais il était impossible de les emporter à l’extérieur. Celui qui aurait voulu en emporter un n’aurait jamais pu trouver la porte et ne serait jamais sorti du verger avant de l’avoir remis en place. De tous les oiseaux qui peuplent le ciel et qui font le plaisir de l’homme en chantant pour le distraire et le réjouir, il n’en est pas un que l’on ne puisse y entendre, et même plusieurs de chaque espèce. Il n’est pas sur toute l’étendue de la terre d’épice ou de racine douées de vertus médicinales qui n’y soient cultivée, et en abondance. C’est là que par une entrée fort étroite pénétra la foule des gens avec le roi Evrain et tous les autres. Erec chevauchait dans le verger, la lance en arrêt, tout en goûtant le chant des oiseaux qui s’y faisaient entendre. Ils étaient pour lui le symbole de sa Joie, la chose qu’il désirait le plus. […] Erec suivit alors un sentier, seul, sans aucun compagnon, et finit par trouver un lit d’argent recouvert d’un drap brodé d’or, à l’ombre d’un sycomore ; sur le lit il vit une jeune fille, à la taille bien prise, au visage fin, d’une beauté de rêve. »

 

… apparaît, étendue sur un lit et à l’ombre d’un sycomore, une fée.

Le verger est un monde '' autre '', parallèle au réel, régi par l’enchantement...

Pour pouvoir demeurer avec sa dame, Mabonagrain est obligé de tuer tout chevalier qui pénètre dans le verger, afin de prouver constamment qu’il est le meilleur chevalier.

 

Dans le Cligès , Fénice, fille de l’empereur germanique , est promise à l’empereur de Constantinople Alis. Lors de la rencontre publique des promis, la jeune fille tombe immédiatement amoureuse du chevalier Cligès (et réciproquement), qui n’est autre que le neveu de l’empereur...

Cligès et Fenice (BNF 2186 folio 3v)

La « nigromance » de Thessala va permettre à Fénice, bien que mariée, de préserver sa virginité et de rester fidèle, d’esprit et de corps, à Cligès...

Thessala, originaire, comme son nom l’indique, de Thessalie, « où sont feites les deablies, anseigniees et establies », experte à ce titre en enchantements, en sortilèges et en poisons, confectionne une potion épicée qui, correctement filtrée, permet à l’empereur d’assouvir en rêve son désir charnel pour Fénice. Le « philtre » n’induit donc pas l’amour, mais crée, à titre défensif, l’illusion de l’activité sexuelle. L’empereur et la jeune vierge « coucheront dans le même lit, mais durant tout le temps qu’ils seront ensemble, elle sera en sécurité comme s’il y avait un mur entre eux deux. […] Quand il sera profondément endormi, il aura d’elle son plaisir à volonté ; [et] il sera persuadé d’avoir ce plaisir en état de veille, sans être victime d’un songe, d’une tromperie ni d’un mensonge. »

Le breuvage est confié par Fénice à Cligès, qui, tout en en ignorant la vertu, en sert une pleine coupe à Alis, ainsi que le lui a ordonné la mariée. L’empereur se trouve aussitôt envoûté et livré à ses fantasmes. La nigromance, dont le caractère diabolique est sous-entendu,permet paradoxalement à la jeune fille, contrairement à Iseult, de ne pas verser dans l’adultère , ni même d’être véritablement mariée, puisque la consommation du mariage n’a pas eu lieu ! Seul l’esprit de l’empereur est troublé et trompé.

 

 La caractéristique de Thessala est de préparer des breuvages ensorcelés, capables de soumettre l’arbitre de ceux qui les boivent. Chrétien nous la montre à l’œuvre, avec beaucoup de réalisme, avec ses herbes et ses ingrédients, dont on ne met pas en doute les vertus obscures mais efficaces...

La potion ''d'amour'' préparée par Thessala et offerte à Alis au repas de noces, aura comme effet de lui faire croire qu’il possède son épouse la nuit, alors qu’il rêve seulement.

L’effet de la magie est une illusion... Plus tard Fénice boit une potion narcotique qui la fera sembler morte et lui permettra de rester insensible aux douleurs que les médecins du roi Alis lui infligent pour vérifier sa mort. Ensuite, elle pourra vivre cachée dans une tour avec Cligès... Le philtre procure un faux plaisir et une fausse mort. Il est puissant, efficace, mais ne résout pas le problème : il donne un ''faux'' bonheur …

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Le monde de la magie au Moyen-âge avec Chrétien de Troyes : -1/.-

27 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Magie, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #Légende arthurienne, #Chrétien de Troyes, #Littérature

Pour Pic de la Mirandole ( XVe s), la magie agit par amour : « Les merveilles de l'art magique ne s'accomplissent que par l'union et l'actualisation des choses qui sont latentes ou séparées dans la nature. (…) Faire de la magie n'est pas autre chose que marier le monde »

Par édit royal de 1682, sous Louis XIV, la notion de sorcier ou magicien est supprimée : désormais l'État ne reconnaît plus que des charlatans, des imposteurs, ou des imaginatifs, des fous. Le XVIIIe s. tente de rationaliser la magie. Paris voit défiler de hautes figures de la magie, comme le comte de Saint-Germain en 1763, Franz Anton Mesmer en 1778, Cagliostro en 1785, tous contestés...

 

Pour parler du Moyen-âge, il nous faut un témoin : Chrétien de Troyes (né vers 1130 et mort entre 1180 et 1190) ; l'un des premiers auteurs de romans de la chevalerie, et de la littérature arthurienne en particulier.

Il est au service de la cour de Champagne, au temps d'Henri le Libéral (1127-1181) et de Marie de France (1145-1198), son épouse. Henri part en croisade de 1147 à 1150 ; puis de 1176 à 1181. Marie de France ou de Champagne, est la première fille de Louis VII le jeune roi de France et d'Aliénor d'Aquitaine, ce qui présente la particularité de faire d'elle la demi-sœur à la fois de Richard Cœur de Lion et de Philippe Auguste. Comtesse de Champagne par son mariage, elle assume trois fois la régence sur ses terres. Son fils parti en croisade, va devenir Roi de Jérusalem... Elle participe à la cour lettrée d’Aliénor d'Aquitaine à Poitiers (1170-1173) et protège de nombreux écrivains... Chrétien de Troyes lui dédie son ''Chevalier de la Charrette''.

Le comte Henri était un grand lettré, appréciant tout particulièrement les auteurs classiques, les historiens et les philosophes. Il aimait discuter avec les théologiens de son époque, Pierre de la Celle, Pierre Comestor, Jean de Salisbury notamment.

Pour nous placer dans le contexte culturel, nous serons attentifs au cadre théorique des '' 4 éléments '' :

La théorie des quatre éléments est une façon traditionnelle de décrire et d'analyser le monde. Elle remonte à la Grèce antique ( Aristote) et servit de base à toute la science naturelle du Moyen-âge.

L’univers est composé de quatre éléments : feu, terre, eau, et air, et pour les comprendre il faut envisager les quatre qualités élémentaires : chaud, froid, humide et sec.

Ainsi : le Feu (chaud et sec) ; la Terre (froide et sèche), l'Eau (froide et humide) et l'Air (chaude et humide)...

N'oublions pas, que nous sommes à l’époque des croisades, et que c'est au XIIe siècle en Terre Sainte, et lors de la reconquista en Espagne, que le savoir des Grecs et la théorie aristotélicienne des éléments a pénétré en Occident par l’intermédiaire des Arabes.

Au XVIIIe siècle, lors de l'institution de l’initiation maçonnique : les quatre éléments vont signifier la purification par le feu, l’eau, l’air et la terre. L'initié doit être purifié pour entrer en maçonnerie.

Dans le roman médiéval Perceforest, un épisode fait référence aux quatre éléments :

Le roi Perceforest, voulant symboliser les œuvres du Dieu Souverain dans le temple qui lui est dédié, fait construire un reliquaire « d'or et d'argent et garny d'un fin cristal dont le piet estoit rond » et y place les « quatres élémens ».

Les quatre éléments vont alors lui permettre de matérialiser « la magnificience et la puissance du Souverain Créateur »: « II print premièrement de la terre, qui est le plus pesant des quatres, et en mist dedans le creux du pillier de cristal. Après il y mist de l'eaue, et consequamment il y encloït de l'aer, puis mist de l'oelle especiale dedens l'ampoulle qui estoit sus le pillier. En ceste oille mist de la mesche, puis l'aluma. Ce fait, il s'eslonga ung petit, puis regarda le riche reliquaire, car il lui pleut a merveilles, car l'en y veoit assez clerement les quatres elemens ».

Cette référence aux conceptions scientifiques d' Aristote dans un ouvrage purement littéraire montre combien les quatre éléments faisaient partie de la culture de base des lettrés en cette fin du Moyen Age.

 

Chez Chrétien de Troyes, les lieux magiques de ses romans font référence aux propriétés magiques de l’Air, de l’Eau, de la Terre et du Feu.

  • L’Air enveloppe le verger de la Joie de la Cour.

  • l’Eau versée par Yvain sur la fontaine merveilleuse déclenche l’orage...

  • de la Terre viennent les pouvoirs magiques des pierres précieuses, utilisées toutes seules ou enchâssées dans les anneaux et des plantes mélangées dans les philtres.

  • tandis que le Feu accompagne les rites de passage, sorte d’ordalie païenne, dans le lit périlleux.

 

La magie se situe dans le contexte du merveilleux, d’où elle sort et qui représente son point de référence constant.

C'est ainsi que nous partons en « quête de la Joie » jusqu'à la « quête du Graal »

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de 1759, les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '' Par amour pour sa Dame...

12 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Moyen-âge, #XVIIIe siècle, #Littérature, #chevalier, #femme, #Galanterie

Voilà comment, Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781), informe ses lecteurs « sur la foi de nos anciens auteurs, les avantages de la Chevalerie militaire, de laquelle il ne reste plus que des vestiges dans les divers ordres de la Chevalerie régulière ou religieuse... »

Je rappelle que les textes suivants sont extraits de : '' Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie'' publiées en 1759...

Se battre pour l'amour de sa Dame :

Combien de fois ne vit-on pas à la guerre des chevaliers prendre les noms de poursuivants d'amour, et d'autres titres pareils, se parer du portrait, de la devise et de la livrée de leurs maîtresses , aller sérieusement dans les sièges , dans les escarmouches et dans les batailles offrir le combat ( note 24) à l'ennemi , pour lui disputer l'avantage d'avoir une dame plus belle et plus vertueuse que la sienne , et de l'aimer avec plus de passion.

(24) Le sire de Languerant , en 1378, ayant mis en embuscade dans un bois quarante lances qu'il commandait, leur ordonna de l'attendre jusqu'à ce qu'il fût revenu de reconnoître la forteresse de Cardillac occupée par les Anglois. Il s'avança tout seul jusqu'aux barrières , et s'adressant à la garde : « Où est Bernard Courant vostre capitaine? demanda-t-il. Dites luy que le sire Languerant luy demande une jouste; il est bien si bon homme d'armes et si vaillant qu'il ne la refusera pas pour l'amour de sa dame ; et s'il la refuse ce luy tournera à grand blâme, et diray qu'il m'aura refusé par couardise une jouste de fer de lance. » Elle ne fut point refusée , et Languerant y perdit la vie. ( Froissart, liv. II , p. 43 et 44- )

 

Prouver la supériorité de sa valeur , c'étoit alors prouver l'excellence et la beauté de la dame qu'on servoit , et de qui l'on étoit aimé : on supposoit que la plus belle de toutes les dames ne pouvoit aimer que le plus brave de tous les chevaliers ; et le parti du vainqueur trouvoit toujours son avantage dans cette heureuse supposition.

Mais le pourroit-on croire , si l'on n'étoit appuyé sur le témoignage des historiens comme sur les romanciers, pourroit-on se persuader que des assiégeants et des assiégés, au fort de l'action, aient suspendu leurs hostilités pour laisser un champ libre à des écuyers qui vouloient immortaliser la beauté de leurs dames, en combattant pour elles ? C'est néanmoins ce qu'on vit arriver au siège du château de Touri en Beauce , suivant Froissart. S'imaginera-t-on aisément encore que dans le feu d'une guerre très-vive des escadrons de chevaliers et d'écuyers françois et anglois, qui s'étoient rencontrés près de Cherbourg en 1379 , ayant mis pied à terre pour combattre avec plus d'acharnement , arrêtèrent les transports de leur fureur pour donner à l'un d'entre eux, qui seul étoit resté à cheval, le loisir de défier celui des ennemis qui seroit le plus amoureux? Un pareil défi ne manquoit jamais d'être accepté. Les escadrons demeurèrent spectateurs immobiles des coups que se portaient les deux amants ; et l'on n'en vint aux mains qu'après avoir vu l'un d'eux payer de sa vie le titre de serviteur qu'il avoit peut-être obtenu de sa dame.

Les héros grecs sont-ils donc plus sages dans Homère, lorsqu'au milieu de la mêlée ils s'arrêtent tout-à-coup pour se raconter leur généalogie ou celle de leurs chevaux ? Ce combat singulier fut suivi d'une action des plus sanglantes ; et Froissart , pour donner plus de poids à son récit , ajoute : « Ainsi alla ceste besongne comme je fu à donc informé. »

L'esprit de galanterie , l’âme de ces combats, dont l'histoire nous fournit des exemples sans nombre , ne s'étoit point encore perdu dans les guerres d'Henri IV et de Louis XIV ; on y faisoit quelquefois le coup de pistolet pour l'amour et pour l'honneur de sa dame : au siège d'une place on vit un officier blessé à mort , écrire sur un gabion le nom de sa maîtresse en rendant le dernier soupir.

(…)

Brantôme nous apprend que de son temps plus que jamais , l'amour avoit encore ses héros : « Les gens de cour se sont fait remarquer très-braves et vaillants et certes plus que le temps passé. »

Puis reprenant ce qu'il avoit dit plus haut de M. de Randan : « Estant à Metz , continue-t-il , un cavalier de dom Louys d'Avila, colonel de la cavalerie de l'empereur, » se présenta et demanda à tirer un coup de lance pour l'amour de sa dame. Monsieur de Randan le prit aussistost au mot par le congé de son général , et s'estant - a mis sur les rangs, fust ou pour l'amour de sa maistresse qu'il espousa depuis , ou pour l'amour de quelqu'autre bien grande , car il n'en estoit point dépourvue , jousta si furieusement et dextrement qu'il en porta son ennemi par terre à demy mort, et retourna tout victorieux et glorieux dans la ville, ayant fait et apporté beaucoup d'honneur à luy et à sa patrie , et dont chacun le loua et en estima extrêmement et non sans cause. »

 

(…) un usage dont nos romanciers ont souvent fait mention, et qui convient tout-à-fait à des temps où le chef-lieu de chaque domaine étoit un poste , et presque une place de guerre, exposée aux insultes , aux attaques de voisins toujours ennemis et toujours armés. Une demoiselle riche héritière , suivant le récit de ces romanciers, une dame restée veuve avec de grandes terres à gouverner, avoit-elle besoin d'un secours extraordinaire, elle appeloit quelque chevalier d'une capacité reconnue , elle lui confioit , avec le titre de vicomte ou de châtelain, la garde de son château et de ses fiefs, le commandement des gens de guerre entretenus pour leur defense ; quelquefois même , dans la suite , elle acquittoit par le don de sa main ( note 47) les services importants qu'elle avoit reçus de lui. Ordinairement de telles alliances furent contractées par les avis et sous l'autorité des souverains. Protecteurs nés des pupilles et des veuves nobles de leurs États, les princes ,en conciliant les intérêts des deux parties , remplissoient les généreuses fonctions de la garde royale, et récompensoient en même temps la valeur des plus braves chevaliers de la cour. Ce fut vraisemblablement ainsi qu'un nombre assez considérable de nos plus grands seigneurs acquirent les terres immenses qu'ils ont possédées. Il seroit difficile de donner une origine plus glorieuse, soit à la puissance de leurs maisons, soit à l'étendue de leurs domaines.

 

(47) Je n'ai que des romans et des ouvrages aussi fabuleux à citer pour preuve de cet usage ; mais on peut croire aisément que cette idée romanesque fut adoptée par des seigneurs et des chevaliers qui auroient voulu s'assurer de l'adresse et de la valeur des époux qu'ils destinoient à leurs filles pour défendre les fiefs dont elles étoient héritières.

« Le puissant roy Odescalque , qui avoit une fille nommée Doralisce (Nuits de Straparole, t. I, p. 236), en la voulant marier honorablement, avoit fait publier un tournoy par tout royaume , ayant delibéré de ne la marier point , sinon à celui qui auront la victoire et le prix du tournoy, au moyen de quoi plusieurs, ducs , marquis et autres puissants seigneurs étojent venus de toutes parts pour conquester ce précieux prix. » On voit , dans Perceforest ( vol. V, fol. 22, 28), la description d'un célèbre tournoi dont le prix devoit être pareillement une jeune demoiselle à marier : le vainqueur devint son époux.

Une autre demoiselle, suivant le roman de Gérard de Roussillon (manuscr., fol. 99, recto), en provençal, choisit elle-même un brave chevalier pour être le châtelain de ses- terres et pour les défendre , et l'épousa dans la suite. On peut se rappeler ici ce que dit Froissart (1. 1, p. 222) des amours d'Eustache d'Auberticour avec madame Isabelle de Juliers , qui lui envoya souvent des chevaux en présent et qui couronna les exploits de ce brave chevalier par le mariage qu'elle contracta avec lui.

Excès de libertinage :

Dans ces temps-là le mérite le plus accompli d'un chevalier consistoit à se montrer brave , gai , joli et amoureux. Quand on avoit dit de lui qu'il savoit également parler d'oiseaux , de chiens , d'armes et d'amour ; quand on avoit fait cet éloge de son esprit et de ses talents , on ne pouvoit plus rien ajouter à son portrait.

On ne parloit point de l'amour sans définir l'essence et le caractère du parfait et véritable amour ; et l'on se perdoit bientôt dans un labyrinthe de questions spéculatives sur les situations ou les plus désespérantes, ou les plus délicieuses d'un coeur tendre et sincère; sur les qualités les plus aimables ou les plus odieuses d'une maîtresse. Les fausses subtilités que chacun employoit pour défendre sa thèse, étoient appuyées, tantôt de déclamations in décentes contre les dames , tantôt de phrases pompeuses cent fois rebattues qu'on débitoit à leur honneur. Un juge de la dispute qui répondoit à ce qu'on appeloit prince d'amour , ou prince du Puy dans les cours d'amour, juridictions établies dans quelques contrées, pour connoître de ces importantes matières , un juge,dis-je, prononçoit des sentences presque toujours équivoques, obscures et souvent énigmatiques , auxquelles les parties se soumettoient avec une respectueuse docilité.

(…)

Ces amants de l'âge d'or de la galanterie , qui semblent avoir moins puisé dans Platon que dans l'école des scotistes, les idées et les définitions de l'amour , ces espèces d'enthousiastes, se vantoient de n'aimer que les vertus, les talents et les grâces de leurs dames, d'y trouver l'unique source du bonheur de leur vie ; et de n'aspirer qu'à maintenir, qu'à exalter, et qu'à répandre en tous lieux la ré putation et la gloire qu'elles s'étoient acquises.

Prodigues de louanges exagérées , ils ne se seroient jamais permis d'avouer qu'il y eût une dame plus belle que celle qu'ils servoient ; quelques-uns même se vantoient de la plus violente passion pour celles qu'ils n'avoient jamais vues, sur le seul bruit de leur renommée. Une infinité de détails toujours puérils, étoient la seule expression des craintes , des espérances et de tous les sentiments dont leurs esprits étoient agités.

Cette métaphysique d'amour , ce vaste champ où s'exerçoient les plus beaux esprits qui brilloient parmi nos respectueux serviteurs des dames, n'avoit cependant point banni de leurs entretiens les images, les allusions, et les équivoques froides et obscènes , production ordinaire des esprits grossiers et licencieux. L'indécence fut portée aussi loin qu'elle pouvoit aller dans les écrits , et surtout dans les poésies de ce temps, où les hommes les plus qualifiés s'exerçoient dans la science gaie , c'est-à-dire dans l'art de rimer et de versifier.

Comme il n'y avoit qu'un pas de la superstition de nos dévots chevaliers à l'irréligion , ils n'eurent aussi qu'un pas à faire de leur fanatisme en amour aux plus grands excès du libertinage (17). Ils ne demandoient à la beauté dont ils étoient esclaves, ou plutôt idolâtres, ils ne demandoient que la bouche et les mains ( termes empruntés de la cérémonie des hommages), c'est-à-dire l'honneur de tenir d'elles leur existence comme en fief; mais on ne les jugera pas trop légèrement, si l'on dit que souvent ils furent peu fidèles aux chaînes qu'ils avoient prises.

Jamais on ne vit les moeurs plus corrompues que du temps de nos chevaliers , et jamais le règne de la débauche ne fut plus universel. Elle avoit des rues , des quartiers dans chaque ville; et saint Louis gémissoit de l'avoir trouvée établie jusqu'auprès de sa tente , pendant la plus sainte des croisades. C'est Joinville même, confident de ses plaintes, qui nous les a rapportées. L'ignominie que ce prince voulut faire subir à l'un de ses chevaliers surpris en faute , prouve combien il étoit nécessaire d'arrêter les suites de la corruption générale. Le châtiment dont ce pieux monarque avoit trouvé l'exemple dans les loix communes du royaume, n'étoit guère moins scandaleux que le crime.

Aux tendres conversations de nos chevaliers et de nos écuyers succédoient plusieurs jeux, qui souvent rouloient sur la galanterie , et dont quelques-uns qui nous sont demeurés , amusent à peine nos enfants. Un vain cérémonial de révérences, de génuflexions , de prosternations jusqu'à terre, consumoit le reste de leur temps dans un exercice continuel , aussi fatigant que ridicule.

Défions-nous des éloges que donne un siècle au siècle qui l'a précédé. L'amour antique (19), si tendre, si constant , si pur et si vanté, dont on fait toujours honneur à ses devanciers, fut le modèle que les censeurs, dans tous les ages , proposèrent à leurs contemporains : deux ou trois cents ans avant Marot on avoit comme lui , et presque dans les mêmes termes, regretté le train d'amour qui régnoit au bon vieux temps.

(17) Quelques traits empruntés de différents siècles me serviront à prouver que la corruption de nos ancêtres ne le cédoit point à celle qui, dans tous les temps , excita la colère des censeurs publics. Le moine du Vigeois , vers 1180 , parlant de la licence qui régnoit alors dans les troupes , comptoit, dans une de nos armées, jusqu'à quinze cents concubines , dont les patures se montoient à des sommes immenses : ''Quorum ornamenta inestimabili thesauro comparata sunt.'' Le même historien nous apprend que le respect public ne les renfermoit point dans la classe qui leur convenoit : parées comme les plus grandes dames , on les confondoit avec ce qu'il y avoit de plus respectable : la reine elle-même y fut trompée , en voyant à l'église une femme de cette espèce : comme elle alloit au baiser de la paix, elle l'embrassa de même que les autres femmes. Ayant été depuis mieux informée, elle en fit des plaintes au roi son mari , et le monarque défendit que les femmes publiques portassent dans Paris le manteau , qui devint la marque à laquelle on distingua les femmes mariées.

Le treizième siècle ne fut pas mieux réglé, même dans le temps où saint Louis donnoit l'exemple d'une vie toute chrétienne. (...)

Charles VI la cour même devint le théâtre du scandale. La plus ancienne et la plus édifiante de nos maisons religieuses en eut le triste spectacle , suivant le moine de Saint-Denis qui déplore en ces termes le malheur de son monastère.

Après le récit des tournois faits en 1380, à Saint-Denis (Hist. de Saint-Denys, ch. VI , p. 170 et 171) pour la Chevalerie du roi de Sicile et de son frère : « Jusques-là , dit l'historien , tout alloit assez bien , mais la dernière nuit gasta tout par la dangereuse licence de masquer et de permettre toutes sortes de postures plus propres à la farce qu'à la dignité de personnes si  considérables , et que j'estime à propos d'estre remarquées dans cette histoire pour servir d'exemple à l'advenir à cause du désordre qui en arriva. Cette mauvaise coûtume de faire le jour de la nuit, jointe à la liberté de boire et de manger avec excès , fit prendre des libertés à beaucoup de gens, aussi indignes de la présence du roi que de la sainteté du lieu où il tenoit sa cour. Chacun chercha à satisfaire ses passions ; et c'est tout dire qu'il y eut des marys qui patirent de la mauvaise conduite de leurs femmes, et qu'il y eut aussi des filles qui perdirent le soin de leur honneur. Voilà en peu de mots le récit de toute cette leste que le roi acheva de solemniser par mille sortes de présents , tant pour les chevaliers et les escuyers qui s'y signalèrent , que pour les dames et les damoiselles : il leur donna des pendants d'oreille de diamants , plusieurs sortes de joyaux et de riches étoffes, prit congé des principales qu'il baisa, et licencia toute la cour. » (...)

 

Si je rapporte encore les vers suivants d'un de nos poetes françois, qui ne peuvent point être pris à la lettre , c'est moins pour faire connoître la dépravation du siècle que pour donner une idée de l'esprit de nos écrivains qui repaissoient leurs lecteurs Une dame qui reçoit chez elle un chevalier ne veut point s'endormir qu'elle ne lui envoie une de ses femmes pou lui faire compagnie.

 

La comtesse qui fut courtoise ,

« De son oste pas ne li poise (N'est pas fâchée d'avoir un tel hôte,)

Ainz li fist fére à grant delit ( Une grande joie) ,

En une chambre un riche lit.

Là se dort à aise et repose ;

Et la comtesse à chief se pose ( Enfin va se coucher. ),

Apele une some (sienne) pucelle,

La plus courtoise et la plus bele.

A consoil ( En secret , à l'oreille.) li dist, belle amie,

Alez tost , ne vous ennuie ( Qu'il ne vous déplaise.)

Avec ce chevalier gesir ,

(...)

Si le servez, s'il est mestiers.

Je i alasse volentiers,

Que ia ne laissasse pour honte ;

Ne fust pour monseigneur le comte

Qui n'est pas encore endormiz. »

 

(Fabliaux mss. Du roi, n° 7615, fol. 210, verso, col. 1.)

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de 1759, les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '' -2/.-

9 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Moyen-âge, #XVIIIe siècle, #Tournoi, #Littérature, #Lancelot, #Galanterie

de 1759, les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '' -2/.-

Je rappelle que les textes suivants sont extraits de : '' Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie'' 1759 - par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781)

Le Tournoi...:  et les Dames ...

Tandis qu'on préparoit les lieux destinés aux tournois, on étalait le long des cloîtres de quelques monastères voisins, les écus armoiries de ceux qui prétendaient entrer dans les lices; et ils y restaient plusieurs jours exposés à la curiosité et à l'examen des seigneurs , des dames et demoiselles. Un héraut ou poursuivant d'armes nommait aux dames ceux à qui ils appartenaient ; et si parmi les prétendants il s'en trouvait quelqu'un dont une dame eût sujet de se plaindre, soit parce qu'il avait mal parlé d'elle, soit pour quelqu’autre offense ou injure , elle touchait le timbre ou écu de ses armes pour le recommander aux juges du tournoi, c'est-à-dire, pour leur en demander justice. Ceux-ci , après avoir fait les informations nécessaires, devaient prononcer; et si le crime avait été prouvé juridiquement , la punition suivoit de près. Le chevalier se pré- sentoit-il au tournoi malgré les ordonnances qui l'en excluoient, une grêle de coups que tous les autres chevaliers, et peut-être les dames elles-mêmes, faisoient tomber sur lui , le punissoit de sa témérité , et lui apprenoit à respecter l'honneur des dames et les loix de la Chevalerie. La merci des dames qu'il devoit réclamer à haute voix , étoit seule capable de mettre des bornes au ressentiment des cheva liers et au châtiment du coupable.

Le Tournoi Eglinton en 1839

(...)

 Le bruit des fanfares annonçait l'arrivée des chevaliers superbement armés, et équipés suivis de leurs écuyers, tous à cheval ils s’avançaient à pas lents, avec une contenance grave et majestueuse. Des dames et des demoiselles amenaient quelquefois sur les rangs ces fiers esclaves attachés avec des chaînes, qu'elles leur ôtoient seulement lorsqu'entrés dans l'enceinte des lices ou barrières ils étaient prêts à s'élancer. Le titre d'esclave ou de serviteur de la dame que chacun nommoit hautement en entrant au tournoi étoit un titre d'honneur qui ne pouvait être acheté par de trop nobles exploits il étoit regardé, par celui qui le portait, comme un gage assuré de la victoire, comme un engagement à ne rien faire qui ne fût digne d'une qualité si distinguée : ''Servants d'amour'', leur dit un de nos poetes, dans une ballade qu'il composa pour le tournoi fait à Saint-Denys sous Charles VI, au commencement de mai 1389,

Ludovico Marchetti (1853-1909)

( …) A ce titre les dames daignoient joindre ordinairement ce qu'on appeloit faveur, joyau, noblesse, nobloy ou enseigne : c’était une écharpe, un voile, une coiffe, une manche, une mantille, un bracelet, un nœud ou une boucle ; en un mot quelque pièce détachée de leur habillement ou de leur pa rure; quelquefois un ouvrage tissu de leurs mains , dont le chevalier favorisé ornoit le haut de son heaume ou de sa lance, son écu, sa cotte d'armes, quelqu'autre partie de son ar mure et de son vêtement. Souvent dans la chaleur de l'action , le sort des armes faisoit passer ces gages précieux au pouvoir d'un ennemi vainqueur; ou divers accidents en occasionoient la perte. En ce cas, la dame en renvoyait d'autres à son chevalier, pour le consoler et pour relever son courage : ainsi elle l'animoit à se venger, et à conquerir à son tour les faveurs dont ses adversaires e'toient parés, et dont il devoit ensuite lui faire une offrande

 

L'usage de ces enseignes, appelées d'autres fois connaissances, c'est-à-dire signes pour se reconnoître, a produit dans notre langue ces façons de parler , « à telles enseignes , à bonnes enseignes ».

Henri IV qui conserva toujours le caractère de l'ancienne Chevalerie , portoit encore dans sa parure des enseignes gagnées dans des combats plus sérieux et plus importants. Comme il étoit devant Dreux , et qu'il reçut la visite de sa bonne cousine , la duchesse de Guise à qui il avoit envoyé un passeport, il alla au-devant d'elle, et l'ayant conduite en son logis et en sa chambre, il lui dit : « Ma cousine, vous voyez comme je vous ayme, car je me suis paré pour l'amour de vous.

- Sire ou Monsieur, lui répondit-elle en riant , je ne vous en remercie point, car je ne vois pas que vous ayez si grande parure sur vous que vous en deviez vanter si paré comme dites.

- Si ay,dit le roi, mais vous ne vous en avisez pas ; voilà une enseigne ( qu'il montra à son chapeau) que j'ai gagnée à la bataille de Coutras pour ma part du butin et victoire ; cette qui est attachée, je l'ay gagnée à la bataille d'Ivry : voulez-vous donc, ma cousine, voir sur moi deux plus belles marques et parures pour me montrer bien paré?

Maclame de Guise le lui avoua en lui repliquant : - Vous ne sçauriez, sire , pourtant m'en montrer une seule de monsieur mon mary.

- Non, dit-il, d'autant que nous ne nous sommes jamais rencontrez ni attaçquez ; mais si nous en fussions par cas venus là, je ne sçay ce que s'en fust esté.

A quoi repliqua madame de Guise : - Sire , s'il, ne vous a point attaqué , Dieu vous en a gardé; mais il s'est bien attaqué à vos lieutenants et les a fort bien frottez , témoin le baron Doué duquel il en a remporté de fort bonnes enseignes et belles marques ; sans s'en estre paré que d'un beau chapeau de triomphe qui lui durera pour jamais. »

 

Philip Hermogenes Calderon (1833-1898)

(…)

De même que le vassal à la guerre prenoit le cri du seigneur dont il relevoit , de même aussi les chevaliers demandoient aux dames dont ils étoient serviteurs, quels cris elles vouloient qu'ils fissent retentir en combattant pour elles dans les tournois.

Il y a quantité de demi-mots énigmatiques et de sens couvert, parce qu'ils ne sont entendus que de celui qui les porte ; c'est ce qu'on a affecté en la pluspart des tournois où les chevaliers prenant des devises d'amour, se contentoient d'être entendus des personnes qu'ils aimoient, sans que les autres pénétrassent dans le seus de leur passion.

L'usage de ces devises a donné lieu à cette fiction des arrêts d'amour. Un amant ayant entrepris de jouter, « fit faire harnois et habillements qu'il divisa à la plaisance (de sa dame) et où il fit mettre la livrée de sa dite dame, et avec ce eut chevaulx et lance et housse de même. Quand vint au departir qu'il cuidoit trouver sadite dame pour avoir sa bénédiction , elle feignit d'estre malade en se faisant excuser, et dire qu'elle ne pouvoit parler à lui.... La court d'amour condamna la damoiselle à habiller, vestir et armer ledit amoureux demandeur la première fois qu'il voudra jouster, et conduire son cheval par la bride tout du long des lices ung tour seulement, luy bailler sa lance en disant : Adieu , mon amy , ayez bon cœur , ne vous souciez de rien , car on prie pour vous. » ( Arresta amorum, p. 366 ad 368.)

 

Les chevaliers étoient souvent invités à se rendre aux tournois avec leurs femmes, leurs sœurs ou autres parentes, mais surtout avec leurs maîtresses ( Perceforest, vol. III, fol. i25, verso, col. i).

 

Jane_Georgina,_Lady_Seymour, lors du Tournoi d'Eglinton 1839

Les chevaliers vainqueurs faisoient des offrandes aux dames ; ils leur présentoient quelquefois aussi les champions qu'ils avoient renversés et les chevaux dont ils leur avoient fait vider les arçons. Dans le roman de Floire et de Blancheflor ( fol. 4i , intitulé le Jugement d'amors , dans un manuscrit du roi ), la demoiselle qui aime un chevalier, reproche à celle qui a pris un clerc pour son ami , d'avoir fait un mauvais choix.

J'en ai fait un bien meilleur , dit-elle : « Mais mon ami est bel et gent : Quand il vait à tournoiement Et il abat un chevalier, Il me présente son destrier. »

Don Quichotte conduit par la Folie et Embrase de l'amour...


 

Le vainqueur, conduit dans le palais, y étoit désarmé par les dames qui le revêtoient d'habits précieux : lorsqu'il avoit pris quelque repos elles le menoient à la salle où il étoit attendu par le prince , qui le faisoit asseoir au festin dans la place la plus honorable. (…)

Lancelot du Lac nous peint, dans un endroit de son roman, l'air timide, embarrassé et même honteux , d'un jeune héros assis à table entre le roi et la reine , après s'être couvert de gloire dans un tournoi.

Les mêmes principes de modestie inspiroient aux chevaliers vainqueurs des attentions particulières pour consoler les vaincus et pour adoucir leurs peines … (…)

...Alain Chartier , dans le poëme où cet auteur fait parler quatre dames dont les amants ont chacun éprouvé un sort différent à la funeste bataille d'Azincourt. L'un d'eux a été tué; l'autre a été fait prisonnier; le troisième est perdu et ne se retrouve point ; le quatrième est sain et sauf, mais il ne doit son salut qu'aune fuite honteuse. On représente la dame de celui-ci comme infiniment plus à plaindre que ses compagnes , d'avoir placé son affection dans un lâche chevalier: Selon la loi d'amour, dit-elle, je l'eusse mieux aimé mort que vif. Le poëte ne blessoit point la vraisemblance ; les sentiments qu'il prêtoit aux dames étoient alors gravés dans tous les cœurs.

Le Tournoi Eglinton 1839

Le désir de plaire aux dames fut toujours l'ame des tournois. On lira avec plaisir, dans le roman de Perceforest (vol. IV ,ch. VI, fol. 19, verso , et 20, recto), les plaintes que fait ce prince à l'un de ses confidents , de l'inaction et de la langueur de ses chevaliers qui, dans le sein de leur bonheur, ont abandonné les joutes, les tournois, les quêtes merveilleuses , et tous les bons exercices de la Chevalerie ; il compare leur engourdissement au silence du rossignol qui ne cesse de mener joyeuseté en servant sa dame de mélodieux chant , jusqu'à ce qu'elle se soit rendue à ses prières. Les chevaliers pareillement , à la vue des clairs visages , des yeux vairs et riants et des doux regards attrayants des pucelles , ayant commencé à faire joutes et tournois , remplirent l'univers du bruit de leur vaillance : ils firent des exploits incroyables, jusqu'à ce qu'enfin ils eussent désarmé la rigueur des beautés qu'ils servoient.

Le Tournoi Eglinton 1839

La fidélité à tenir sa parole, cette vertu héréditaire des François , étoit regardée comme le plus beau titre des Gaulois , au jugement des Romains leurs ennemis. ...(..)

Le roi Artus ayant donné sa parole à un chevalier de lui laisser emmener la reine sa femme , n'écouta ni les plaintes de cette princesse , ni les représentations qu'on put lui faire; il ne répondit autre chose, sinon qu'il l'avoit promis , et que roi ne se doit dédire de sa promesse. Lyonnel , qui veut l'en détourner, lui réplique : Donc est le roy plus serf (esclave de sa parole) que autre, et qui vouldroit estre roy honny soit-il. (En ce cas maudit soit qui voudroit être roi.) La reine est emmenée pour acquitter la parole de son mari. (Lancelot du Lac, t. II, fol. 2 , recto, col. 1 .) La foi donnée au nom de la Chevalerie étoit de tous les serments le plus inviolable.

Frank William Warwick Topham (British, 1838 - 1924), The Queen of the Tournament

(..)

En effet, si l'honneur de toutes les daines, en général, étoit extrêmement recommandé aux chevaliers , il l'étoit bien davantage à ceux qui étoient particulièrement attaches à la maison ou à la personne d'une dame. Attenter à l'honneur de la femme de son seigneur, étoit un crime capital de lèze-féodalité , et le plus irrémissible de tous ceux qui emportoient la confiscation du fief que l'on tenoit sous son hommage ; lui enlever le cœur de sa femme, c'étoit lui arracher la vie. Si l'on en croit l'auteur du roman de Lancelot du Lac (t. III, fol. 34, recto, col. 2), le vassal ou le chevalier informé de la mauvaise conduite que tenoit la femme de son seigneur, ne pouvoit le lui dissimuler sans se rendre criminel ; il ne devoit avoir rien de caché pour lui. Aggravain découvre au roi Artus l'affront fait à ce prince dans la personne de sa femme , par Lancelot qu'elle aimoit, et Mordrec ajoute: « Nous la vous avons tant celé que nous avons peu , mais au dernier convient-il que la vérité soit descouverte , et de tant que nous l'avons celé nous sommes parjurez, si nous en acquitons et disons plainement qu'il est ainsi. » (Lancelot du Lac, t. III , p. 134, recto , col. 2.)

(...)

La somme des biens qu'un chevalier peut posséder, suivant Lancelot du Lac (t. II, fol. 160, recto), sont : Force, hardiesse, beauté, gentillesse, débonaireté, courtoisie, largesse et force d'avoir (richesses) et d'amis.

(…)

Les dames ont aussi diverses manières de se mettre en honneur ; la beauté , la vertu , l'éloquence, la bonne grâce, le don de plaire et celui de la sagesse. C'est un grand mérite que celui de la beauté dans une dame; mais rien ne l'embellit tant que l'esprit et la sagesse. C'est là ce qui lui attire de tout le monde l'hommage qui lui est dû. ...

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de 1759, les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '' -1/.-

7 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Moyen-âge, #XVIIIe siècle, #Littérature, #chevalier

Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781) publie, après un mémoire concernant la lecture des Anciens Romans de Chevalerie ; en 1759 les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '', rééditées au cours du XIXe siècle, et saluées par Ch. Nodier …

Dès 1748, La Curne de Sainte-Palaye est reçu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, après avoir entrepris l’étude des chroniqueurs du Moyen Âge, ce qui le conduit à rechercher les origines de la chevalerie.

Bien sûr l'auteur y fait l'éloge de la noblesse, dont il rappelle les valeurs... Ses sources relèvent de textes littéraires... Et c'est le début d'une recherche historique de la chevalerie …

Ce sont les érudits de la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui ont redécouverts la littérature médiévale, l'ont ''traduite'', et l'ont fait lire .

La Curne de Sainte-Palaye, écrit un glossaire de l'ancien français et propose une réécriture des œuvres de Chrétien de Troyes … Il applique la technique de la synthèse à des dialogues de Chrétien de Troyes, rapidement repris sous la forme du discours rapporté... Exemple :

« Lancelot lui proposa de les rompre [les barreaux de fer protégeant la fenêtre], la reine lui en representa l’impossibilité par leur grosseur, mais il l’assura que rien n’estoit capable de l’empecher de l’approcher que sa deffence. Elle lui donna toute permission, et convint qu’il estoit plus convenable […] qu’elle allât l’attendre dans son lit. (f. 291v) » Il s'agit ici du moment crucial où Lancelot parvient enfin à rejoindre la reine encore prisonnière dans le palais de Méléagant. Chacun des verbes en italique correspond à une réplique au discours direct dans le roman original, le bref passage cité couvrant plus de 30 vers de Chrétien (4597-632).

Lorsque les dames et demoiselles de la cour d’Artus projettent l’organisation du tournoi de Noauz, c’est par le procédé du ''don en blanc'' (cf note) qu’elles obtiennent du roi la promesse que la reine sera présente (vv. 5382-409). La simplification introduite par La Curne lui permet de faire l’économie du motif pour n’en conserver que le résultat : [Les dames] en firent annoncer le jour par tout le royaume, après que la reine leur eut promis d’y assister. (f. 294r)

Note : Le ''don contraignant '' ou ''don en blanc'' est un motif fréquent dans la littérature du Moyen Âge... Le donateur est lié à sa promesse sans qu'il connaisse la nature du don qu'il a accordé et, une fois la requête acceptée, ne pas s'acquitter de sa promesse serait une lâcheté, un acte contraire à l'honneur, aussi « le roi, le chevalier ou la dame qui se sont endettés d'un don doivent acquitter leur promesse, même si elle contredit leurs principes moraux ou leurs sentiments profonds » 

 

Les passages que j'ai repris soulignent l'importance - pour notre auteur – du rôle de la Dame dans la vie d'un chevalier, depuis son adoubement, jusque dans sa pratique de la chevalerie, en particulier lors des tournois comme nous allons le lire ….


 

Extraits de : '' Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie'' 1759 - par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye

« (...)

Les premières leçons qu'on donnait aux pages ou damoiseaux regardoient principalement l'amour de Dieu et des dames c'est-à-dire la religion et la galanterie.

Si l'on en croit la chronique de Jehan de Saintré, c’était ordinairement les dames qui se chargeaient du soin de leur apprendre, en même temps, leur catéchisme et l'art d'aimer. Mais autant la dévotion qu'on leur inspirait était accompagnée de puérilités et de superstitions, autant l'amour des dames, qu'on leur recommandait, était-il rempli de raffinement et de fanatisme. Il semble qu'on ne pouvait, dans ces siècles ignorants et grossiers, présenter aux hommes la religion sous une fortune assez matérielle pour la mettre à -leur portée ni leur donner, en même temps, une idée de l'amour assez pure assez, métaphysique ,pour prévenir les désordres et les excès dont était capable une nation qui conservait partout le caractère impétueux qu'elle montrait à la guerre. ̃Pour mettre le jeune novice en état de pratiquer ces bizarres leçons de galanterie, on lui faisait de bonne heure faire choix de quelqu'une des plus nobles, des plus belles et des plus vertueuses dames des cours qu'il fréquentait c’était elle à qui, comme à l'Être souverain, il rapportait tous ses sentiments, toutes ses pensées et toutes ses actions. Cet amour, aussi indulgent que la religion de ce temps-là, se prêtait et s’accommodait à d'autres passions moins pures et moins honnêtes.

 

Les sept premières années de l'enfance avoient été abandonnées à l'éducation des femmes, les sept suivantes étaient employées au service de page, et les sept autres à celui d'écuyer, avant que de parvenir à la Chevalerie...

Albert de Gapensac poète provençal, dit que sa dame veut en user envers lui comme le haut baron qui craint d'accorder la Chevalerie à son écuyer, de peur de se priver d'un serviteur dont il retire de grands services Ne craignez rien, jure-t-il à cette dame plus vous me témoignerez d'amour et plus vous me trouverez fidèle.

A suivre : '' le Tournoi ''

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Fêtes de Beltane

2 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #XVIIIe siècle, #Moyen-âge

La veille du 1er Mai, est nommé selon les traditions : Veille de mai, Roodmas, Nuit de Walpurgis, Cethsamhain, Whitsun or Old Bhealltainn, Bealtinne, Walburga, Eté celte…

Ou, plus connue dans les pays celtes, aujourd'hui comme Fête de Beltane, la troisième des quatre grandes fêtes de l'année celtique. Elle marque la fin de la saison sombre et le début de la saison claire. Beltane est un des sabbats majeurs de la tradition païenne.

Beltane, signifie ''feu de Bel'' ( Bel, Belenos est le dieu solaire)

En Europe avant que le 1er mai ne devienne la fête du travail, on avait pour coutume de planter un arbre le premier mai en symbole de prospérité. 

Au Moyen-âge, hommes et femmes passaient la nuit dans la forêt à cueillir des fleurs et des rameaux en bourgeons afin d’accueillir mai au lever du soleil. On dressait au centre du village l’arbre de mai. On pouvait, également, choisir une reine et un roi de mai. De tels rites étaient destinés à assurer la fertilité des cultures, la fécondité du bétail et des êtres humains...

L'arbre de mai planté dans la Terre mère comme symbole phallique célèbre l’union de la Déesse et du Dieu. Les participants prenaient un ruban (rouge pour les hommes et blancs pour les femmes) et dansaient autour du mat.

La comtesse du Barry en Flore, F-H Drouais, 1769

Jusqu'au XVIIIe siècle, la déesse Flore ( complémentaire de Vénus) : la déesse romaine des fleurs, des jardins et du printemps ; est en vogue... Du 28 avril au 3 mai, les Romains vénéraient leur déesse, de façon  excessive, et très souvent licencieuse : lors des six jours de fêtes, les prostituées avaient coutume de se rassembler dans un des cirques de Rome, situé « dans un vallon qui est entre le Mont Quirinal et le Mont Pincius », et d’y organiser des jeux dénudés et orgiaques. 

La popularité de l'arbre de mai, va décliner après la Révolution française, et continuer sous une forme plus morale...

La romancière Marion Zimmer Bradley fait couronner Arthur selon les rites du Vieux Peuple le jour de Beltane.

 

Saint Eutrope et Sainte Onenne ( d'origine celtique :  Onn(Gw)enn , les saints patrons de l'église du Graal à Tréhorenteuc sont fêtés ce même jour, le 30 avril.

 

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Au XVIIIe siècle, le mythe celtique refait surface : Les poèmes d'Ossian. -2/2-

21 Avril 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #Ossian

Finn, Ossian et Niamh

Finn, Ossian et Niamh

Un matin, les Fianna sont à la chasse au cerf sur les rives du Lough Lein, dans le comté de Kerry, quand ils voient venir vers eux, un beau cheval blanc ; sur le cheval, est assise la femme la plus belle qu’ils n’ont jamais vue. Elle porte une longue robe bleue comme le ciel d’été, et parsemée d’étoiles d’argent. Ses longs cheveux d’or tombent jusqu’à sa taille.

« Quel est ton nom et de quelle terre viens-tu ? » demande Fingal ( Finn), le chef des Fianna. « Je suis Niamh aux cheveux d’Or. Mon père est le roi de Tir-Na-Nog, répondit-elle. J’ai entendu parler d’un guerrier nommé Ossian. On m’a fait part de son courage et de sa poésie. Je suis venue afin de le trouver et le ramener avec moi à Tir-Na-Nog. »

« Dis-moi, quelle sorte de terre est Tir-Na-Nog ? » demande Ossian.

« Tir-Na-Nog est la terre des jeunes« , répond Niamh. C’est un lieu heureux, sans douleur ou tristesse. Tout ce que l’on y souhaite se réalise et personne n’y vieillit. Si tu viens avec moi, tu verras que tout cela est vrai. » Alors, Ossian monte sur le cheval blanc ; il dit au revoir à son père et à ses amis. Il promet de revenir bientôt.

Le cheval galope sur l’eau, se déplaçant plus vite qu’une ombre. Les Fianna sont tristes de voir leur héros s’en aller, mais Finn leur rappelle la promesse d’Ossian qui a assuré qu’il reviendrait vite.

Tir Na Nog - Niamh Of The Golden Hair by RalphHorsley on deviantART

Le roi et la reine de Tir-Na-Nog accueillent Ossian et organisèrent une grande fête en son honneur. Tir-Na-Nog est en effet une terre merveilleuse, tout comme l’a dit Niamh. Le jeune homme chasse puis festoie. Le soir, il raconte des histoires de Fingal, son père, et des Fianna ainsi que leur vie en Irlande. Ossian ne s’est jamais senti aussi heureux, et peu de temps après, Niamh et lui se marient.

Le temps passe vite et bien qu’il soit très heureux, Ossian commence à vouloir rentrer chez lui pour rendre une visite aux siens. Niamh n’a pas envie qu’il parte, mais elle finit par lui dire : « Prends mon cheval blanc. Il te transportera en toute sécurité jusqu’en Irlande et te ramènera. Quoi qu’il arrive, tu ne dois pas descendre de ce cheval et toucher le sol de l’Irlande. Sinon, tu ne reviendras jamais jusqu’à moi ou à Tir-Na-Nog. »

Ce qu'elle ne lui dit pas, c'est que bien qu’il pense n'avoir été absent seulement quelques années, il était – en fait - à Tir-Na-Nog depuis trois cents ans !

par Jim Fitzpatrick - le retour en terre des Fianna

Quand il arrive, l’Irlande parait très étrange à Ossian. Il semble n’y avoir aucune trace de son père, Fingal, ou du reste des Fianna. Les gens qu’il voie lui semblent petits et faibles. Tandis qu’ il passe à travers Gleann-na-Smol, il aperçoit des hommes qui tentent de déplacer une grosse pierre. « Je vais vous aider « , déclara Ossian. Les hommes ont peur de ce géant sur son cheval blanc. Penché sur sa selle, Ossian lève la pierre d'une main et la lance. Mais la sangle de la selle éclate et Ossian est projeté au sol. Immédiatement, le cheval blanc disparaît et les hommes voient devant eux un très vieil homme. Ils l’amènent alors à un Saint homme – on dit aujourd'hui qu'il s'agit de saint Patrick , qui vit à proximité.

« Où sont mon père et les Fianna ? » demande Ossian. Quand il apprend qu’ils sont morts depuis longtemps, il a le cœur brisé. Il parle beaucoup des actes de Fingal ( Finn) et de leurs aventures ensemble. Il parle du temps qu’il a passé à Tir-Na-Nog et de sa belle épouse, Niamh, qu’il ne verra plus.

Ossian voit les fantômes de ses ancêtres au clair de lune , Nicolaï Abildgaard , 1778


 

Partick, qui a recueilli Ossian ( ou Oisin), lui demande de raconter ce qui lui est arrivé au moment où il a quitté Finn et le Fianna et s'en est allé avec Niamh.

Là est l’origine des chants, des poèmes d'Ossian:

Ossian invoque les esprits sur les bords de la Lora, François Pascal Simon, baron Gérard (1770-1837)

 

Madame Royale, fille de Louis XVI

Nous revenons au XVIIIe siècle, avec Madame Royale, la fille de Louis XVI, qui après la mort de son père ;

pour le poète ( M. D’ALBINS -  Les chagrins de Marie-Thérèse-Charlotte en sortant du Temple) prend alors les traits de Selma, personnage issu des chants d’Ossian, chantant la mort de son père Fingal, la lune comme seul témoin...

Sous ces couleurs appréciées à l’époque, ces poèmes mettent en valeur la piété filiale. La « Jeune Infortunée » chante son désespoir mais elle chante surtout la mort de son père, première à rendre un culte à ses cendres.

Le rêve d'Ossian , Jean Auguste Dominique Ingres , 1813

Le rêve d'Ossian , Jean Auguste Dominique Ingres , 1813

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Au XVIIIe siècle, le mythe celtique refait surface : Les poèmes d'Ossian. -1/2-

18 Avril 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Ossian, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #Littérature, #Angleterre

Une nouvelle fois, mais au XVIIIe siècle, le Mythe va rencontrer la littérature, pour nous permettre de revenir vers de nouvelles sources antiques …

Cela commence comme une supercherie, si du moins on pense que le mythe rapporté par le poète n'est qu'une invention...

 

James Mac Pherson

James Mac Pherson (1736-1796) est un poète écossais: il est le découvreur d'un cycle dits '' poèmes d'Ossian '' un barde écossais du IIIème siècle...

James Macpherson est hanté par des récits gaéliques originaires des Highlands et des îles... En 1760, il s'immerge dans l'ouest du comté d'Inverness, les îles de Skye, North Uist, South Uist et Benbecula. Il est à la recherche de manuscrits... Il monte une expédition vers l'île de Mull, Argyll...

En 1761, il écrit ( ou ''re-écrit'') une épopée sur le thème de Fingal écrite par Ossian (basé sur le fils de Fionn, Oisín), et, en décembre, il publie Fingal ( qui signifie : l'étranger blanc) , un Ancien Poème épique en six livres, ainsi que plusieurs autres poèmes composés par Ossian, le fils de Fingal, ''traduit'' dit-il de la langue gaélique...

 

Ce travail est devenu un best-seller international. Les aventures d'Ossian et celles de son père Fingal, le roi de Morven, rencontrèrent un succès qui valut la gloire à Macpherson...

Des savants, faute de pouvoir se référer à des sources manuscrites – lancent une controverse …

Le chant du cygne d'Ossian par Nicolai Abildgaard, 1782

Pourtant, grâce à la publication des chants épiques attribués à Ossian commence un vaste mouvement de découverte d’un patrimoine culturel, hérité des ancêtres « barbares » des Européens, les Celtes, Germains et Vikings... alors que le classicisme de l'époque ne se référait qu'à des sources culturelles gréco-latines …

Le barde aveugle Ossian s’accompagne d’une harpe celtique comme un Homère nordique.

Werther, le héros du roman de Goethe, déclare qu’ « Ossian a remplacé Homère dans son cœur »

Comme beaucoup, Napoléon Bonaparte devient ''ossianophile'' . Il commande plusieurs tableaux sur les thèmes des épopées à Gérard, Girodet et Ingres pour décorer ses appartements ou ceux de Joséphine.

 

Ossian reçoit les Héros français morts pour la patrie par Anne-Louis Girodet de Roucy, 1805

Le plus étonnant de ces tableaux est celui qui fait entrer directement Bonaparte et ses officiers dans l’épopée. Il s’intitule Ossian recevant les héros français. Girodet, qui a réalisé cette peinture pour la salle à manger de la Malmaison, lui a donné un long commentaire explicatif. On y apprend que l’aigle s’enfuit devant le coq qui symbolise « le Génie de la France » et qu’Ossian embrasse Desaix tandis que Kléber tend une main à Fingal, le guerrier fils d’Ossian, en signe d’alliance. Les généraux Dampierre, Dugommier, Championnet, Joubert, Desaix, etc., sans oublier le Premier consul, figurent sur le tableau…


 

Le cycle d'Ossian, ou des Fianna, se situe à égal avec le cycle d'Ulster. Les récits de ce cycle concernent la vie de chasseurs nomades au coeur de forêts primitives en Irlande. Ils sont contés par Ossian, le fils de Finn.

Les Fianna constituaient une sorte de chevalerie, chargée de maintenir l'ordre en Irlande et de protéger l'île contre toute invasion. Au IIIe siècle, dit-on, l'ordre des Fianna comptait deux cent cinquante officiers et quatre mille cinquante hommes.

Le héros, Fingal, ou Fionn ou Finn mac Cumhail est pourfendeur de monstres et magicien à la fois. Il est aussi poète et mène grande vie. Il a pour ennemi le fier Goll et son vantard de frère, Conan, tous deux fils de Môrna et chefs de ce clan redoutable …

 

 

Finn rencontra sa femme, Sadbh, alors qu'il chasse. Elle a été transformée en cerf par un druide, Fer Doirich. Les chiens de chasse de Finn, Bran et Sceolang, qui ont eux aussi été des hommes auparavant, sentent qu'elle est humaine, et s'interposent pour que Finn l'épargne. Elle se retransforme en une sublime femme. Après leur mariage, elle tombe rapidement enceinte. Toutefois, Fer Doirich refait surface, la transformant à nouveau en cerf, et Sadbh disparait.

Sept années passent avant que Finn retrouve son fils, Ossian (Oisín), qui devient l'un des plus puissants des Fianna.

Malgré son âge Finn prend pour épouse Graïnné ( fille de Cormac) qui l'abandonne pour le jeune et séduisant guerrier Diarmaid (Dermat).

A suivre ...

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De L’Annwn, au pays des fées...

15 Avril 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Mabinogion, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #femme, #Fée

Isle of Man

Isle of Man

Il est question de l’Annwn dans le premier des quatre contes des Mabinogion : Pwyll, prince de Dyved. Après une dispute de chasse, Arawn, roi de l’Autre Monde et Pwyll échangent leurs situations pour une durée de un an, c’est le mythe fondateur de la dynastie des princes de Dyved. Dans le Livre de Taliesin, un poème gallois du IXe s. ( Preideu Annwn) évoque qu’ Arthur et ses hommes partent pour l’Annwn afin d’en rapporter un chaudron magique. Seuls, sept hommes – dont le barde Taliesin qui raconte l’aventure – reviendront de cette quête qui préfigure celle d’autres objets talismaniques dans les récits arthuriens. Cet Autre Monde est aussi présent dans le conte Kulhwch et Olwen.

Shaun-William-Kerr

L' "Autre-Monde" est très présent dans les contes arthuriens ; et localisé au-delà d’une limite naturelle : rivière, forêt, arbre, mégalithe…etc. C’est un pays qui peut surgir partout mais ne se trouve nulle part … On peut le rapprocher du château du Graal… Et de l’île d’Avalon…

 

 

La littérature arthurienne – en se christianisant – va se construire en opposition à cette notion capitale d’Autre-Monde. L’Annwn est à distinguer clairement des représentations chrétiennes de l’au-delà.

 

By Charles Vess, né le 10 juin 1951 à Lynchburg (Virginie)

 

Aujourd’hui, on peut rapprocher l’Annwn, du pays des fées..

 

Le pays des fées est fondamentalement d’essence matriarcale. En témoignent ces nombreuses fées et Dames du Lac (qui donna l’Épée au roi Arthur), le plus souvent non mariées (supposées et dites « vierges » comme Diane-Artémis), qui séduisent et collectionnent les mortels valeureux. Malheur à qui osera rejeter les avances de ces dames.

Les plus chanceux se verront expédiés dans « l’autre monde », lors d’une chasse, poursuivant un gibier magique, un animal blanc surnaturel (biche, cerf, sanglier… un animal totémique, héraldique, sacré), qui les attirera au travers d’une porte invisible du Sidh, afin qu’ils y réapprennent les bonnes manières amoureuses envers les femmes.

En pénétrant dans l’Autre Monde de nos légendes, on entre au propre comme au figuré dans le pays des rêves : on pourra y trouver le repos ou le tourment, y voir réaliser ses souhaits les plus chers ou bien y rencontrer d’incompréhensibles mystères, et passer en quelques battements de cœur du plus merveilleux des songes au plus terrible des cauchemars… Il n’est alors guère surprenant de voir les terres d’abondance et de jouvence se confondre avec le monde des trépassés, le terme « Autre Monde » pouvant aussi bien désigner le pays des fées que le séjour des morts.

 

Cet Autre Monde est toujours séparé du nôtre par une frontière qu’il convient de franchir, une limite devant être outrepassée, symbolisée le plus souvent par une barrière naturelle (l’orée d’un bois, l’entrée d’une caverne, la surface d’un lac, les flots de l’océan, une nappe de brume ou tout simplement l’horizon…) mais dont l’emplacement peut aussi être marqué par un cercle de pierres levées ou, dans les récits médiévaux, par le portail d’un château…

The-Knight-And-The-Nymph by Edward-Okun (1872-1945)

De manière plus abstraite, cette limite peut aussi être celle qui sépare la veille et le sommeil, la conscience et l’état de transe, la sagesse et l’imprudence, ou encore le respect des interdits et leur transgression.

Dans tous les cas, le passage dans l’Autre Monde correspond à une incursion dans l’inconnu. Ainsi, le chasseur impétueux qui s’écarte de son chemin ou s’éloigne de ses compagnons pour poursuivre un gibier surnaturel (blanc cerf, sanglier géant etc) passera sans s’en apercevoir d’un monde à l’autre : l’animal fabuleux l’y a certes attiré, mais c’est le chasseur lui-même qui a transgressé un interdit symbolique en quittant le sentier ou en abandonnant le groupe.

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Les Mabinogion

12 Avril 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Mabinogion, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge, #Littérature

Les Mabinogion
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Certaines parties ont été traduites en français par Théodore Hersart de la Villemarqué, mais c’est Joseph Loth qui va établir la première édition française intégrale.

Ce texte provient d’ histoires, initialement trouvées dans deux manuscrits, le Livre blanc de Rhydderch (1300-1325) (maintenant à la Bibliothèque nationale galloise) et le Livre rouge de Hergest (1375-1425) (aujourd’hui conservé à l’Université d’Oxford) , mais certaines de ces histoires sont considérées comme ayant été écrites dès le 11ème siècle.

Les Mabinogion sont constitués de 4 branches, intitulées Pwyll, prince de Dyfed, Le Mabinogi de Branwen, Manawydan fils de Llyr et Math fils de Mathonwy..

Ces récits, sans être véritablement articulées, mettent en scène des personnages communs et font appel à une mythologie originale sans rapport exact avec les mythes gréco-latins ou germaniques. « Ce sont [quatre] nobles et francs [héros] agissant dans toute leur spontanéité. Chaque homme apparaît comme une sorte de demi-dieu caractérisé par un don surnaturel ; ce don est presque toujours attaché à un objet merveilleux, qui est en quelque sorte le sceau personnel de celui qui le possède », explique Ernest Renan

Alan Lee - The-Mabinogion - the-dream-of-rhonabwy

En dehors de ces quatre branches, il y a encore quatre récits qui se rattachent au cycle arthurien, dont le célèbre Culhwch and Olwen (vers 1100) ; enfin trois « nouvelles », que l’on considère aujourd’hui comme des adaptations « receltisées » des romans de Chrétien de Troyes.

Alan-Lee - The-Mabinogion

En effet, si on a considéré comme allant de soi que ces textes étaient anciens et qu’ils étaient une mise en écrit d’une très antique tradition orale. On en a déduit que le Mabinogi de Peredur ab Evrawc pouvait être la source du Conte du Graal de Chrétien de Troyes.

Joseph Loth, linguiste et historien français qui s’est particulièrement intéressé aux langues celtiques, abonde dans ce sens et dira ainsi, dans sa traduction de ces textes: «Les Bretons insulaires, avant l’apparition des romans français, avaient mis sur pied des romans d’aussi longue haleine et aussi bien composés pour le moins que les romans français. Il est même remarquable que dans l’ensemble, Owen et Lunet, Peredur, Gereint et Enid sont supérieurs aux romans français correspondants (Yvain, Perceval, Erec et Enide). Au point de vue artistique, la supériorité des écrivains gallois est également incontestable. Aucun écrivain français du temps de Chrétien, ni en France ni en Angleterre, ne saurait lutter contre les Gallois comme conteurs. Chez les Français, l’histoire se déroule lentement, terne, incolore, embarrassée de maladroites répétitions, de digressions oiseuses. Chez les Gallois, la narration est vivante, colorée, mettant en relief avec un sûr instinct artistique, les traits de nature à produire un effet pittoresque et romantique. »

Alan-Lee - illustration-from-Peredur-son-of-Efrawg - The-Mabinogion

Cependant, bien que certains passages des Mabinogion soient très anciens, on croit aujourd’hui que certains contes se sont plutôt inspirés des textes français. Anne Berthelot, médiéviste, ira même plus loin en disant que non seulement ils s’en sont inspirés mais qu’en plus, ils n’en ont pas toujours compris le sens.

Les Mabinogion gardent encore aujourd’hui une partie de leurs secrets…

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