Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les légendes du Graal

graal

La Grande Guerre, Myrrha Borodine et le Graal. -1-

25 Octobre 2020 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Grande Guerre 14-18, #Myrrha Borodine Lot, #Graal, #La Quête du Graal, #Moyen-âge

Le père Degoué, simple abbé de Mayenne, représente ces amateurs anonymes qui après 1900, collectent par voie orale, littéraire ou souvent par les archives paroissiales, des témoignages sur les légendes locales... On les nomme ''folkloristes''; ils font partie de sociétés savantes et sont amenés à élargir leur recherche en empiétant sur l'Histoire...

Parallèlement et sans contact avec les précédents, l’université a développé avec prestige une discipline comme l'Histoire : discipline chargée d'un discours unificateur et moral sur le passé national ; lourde responsabilité en ces temps de conflit...

 

1914 : les historiens s'engagent à faire connaître les actuels ''crimes allemands'' en Belgique et dans le nord de la France... Ils se chargent d'expliquer comment les allemands se sont exclus de la civilisation et sont retournés à l'état de barbarie morale... Nous sommes dans la lignée d’Ernest Lavisse et d’Émile Durkheim...

Les historiens ''médiévistes'' ont dans le sein de la faculté une place d'excellence ; « ils apparaissent comme les détenteurs d’un savoir sur les origines de la nation qu’il faut désormais exhumer, approfondir et transmettre » ( Agnès Graceffa - Université de Lille  )..

 

La mobilisation, bien sûr, touche de façon importante les jeunes étudiants et chercheurs médiévistes.. En 1915, aucune thèse n’est soutenue à l’École des Chartes. Alors que le nombre moyen, avant-guerre, atteint presque la vingtaine, deux seules le sont en 1916. Les femmes sont devenues majoritaires, parmi les diplômés... Ferdinand Lot continue ses cours, même s'il est contraint parfois de les annuler faute d'auditeurs...

Ferdinand Lot (1866–1952) est un médiéviste de renommée internationale, chartiste, professeur à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et en Sorbonne (1909), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1924).

F. Lot est qualifié de non-conformiste... Il partage avec les étudiants les résultats de son travail, et réalise avec eux un authentique enseignement de recherches. Ouvert d'esprit, le maître ne craint pas de s'engager... A côté de ses recherches historiques, il publie dans les annales de Bretagne et consacre des études approfondies à la littérature arthurienne et à la question du Graal.

Pendant ces années, il travaille en collaboration avec son épouse à un ouvrage important sur le Lancelot-Graal, qui paraîtra en 1918...

En 1909, Ferdinand Lot a épousé une jeune fille née à Saint-Pétersbourg 27 ans plus tôt : Myrrha Borodine. Venue en France pour préparer une thèse sous la direction de Joseph Bédier, elle devient une spécialiste de la littérature courtoise du Moyen Age.

Le couple va beaucoup recevoir en leur domicile - 53 rue Boucicaut, à Fontenay-aux-Roses - en particulier bien-sûr des membres de la communauté russe ; mais aussi des étudiants, des amis... Et en cette fin d'année 1914, Ferdinand Lot et sa femme vont participer à la création d'une institution créée en janvier 1915 pour accueillir les réfugiés du nord de la France et de Belgique. Situé à quelques mètres de son domicile, le Refuge Franco-Belge fonctionnera jusqu'en 1919.

Des réfugiés belges à Paris en 1914

 

En effet, fuyant l'avance allemande, 1/5 de la population belge (entre 1.300.000 et 1.500.000 personnes) va trouver refuge à l’étranger.

Anne-Laure est au courant de l'engagement de son amie Edith Wharton, l'écrivaine met à profit sa fortune pour aider les réfugiés à Paris...

Est-ce par le biais du refuge franco-belge directement, ou par l'intermédiaire d'une prise de contact du père Degoué, avec F. Lot sur le ''Lancelot''... ? Anne-Laure de Sallembier va recevoir à Fléchigné plusieurs familles belges, qui permettront d'ailleurs de continuer les travaux de la ferme, malgré l'absence des mobilisés...

Également, la région ouvre plusieurs hôpitaux de réserve, et beaucoup de femmes viendront y donner un coup de main, jour et nuit...

 

Savoir qu'un professeur d'université, un érudit, comme M. Ferdinand Lot s'intéresse à la Légende arthurienne, permet d'expliquer que la question n'est pas seulement d'ordre folklorique... D'ailleurs c'est naturellement que l'importance du Graal va être comprise et étudiée sur le niveau spirituel par la femme du professeur F. Lot, Myrrha, de confession orthodoxe.

En 1909, année de son mariage, elle suit les cours de Joseph Bédier et travaille une thèse sur La femme dans l’œuvre de Chrétien de Troyes. Pendant la guerre, elle collabore aux Etudes sur le Lancelot en prose, qui sera publié par F. Lot en 1918...

La rencontre de l'abbé Degoué avec Myrrha Lot-Borodine (1882-1954), va être décisive pour la suite de notre Quête...

 

Myrrha Borodine, née à Saint-Pétersbourg est issue d'une famille russe intellectuelle. Elle s'intéresse à la littérature courtoise du Moyen-âge. Avec son mari, elle entre dans le ''Cycle Arthurien'', puis dans la « haute aventure » du Graal, et se voue à ce type d'études.

Avec Etienne Gilson, elle approfondit la mystique cistercienne et l'apport de Saint Bernard.

Gilson reprend la spiritualité de Bernard, et parle de l'Amour du Bien qui subsiste en nous malgré le ''péché'' ; bien sûr l'amour est d'abord imparfait, en particulier avant de connaître Dieu – Bernard de Clairvaux (1090–1153) identifie, « aimer » Dieu, à « penser » Dieu ... Cet apprentissage à connaître Dieu, conduit Myrrha à décrire un processus de restauration, qui prend en compte que l'homme est fait à « l'image et ressemblance » de Dieu ; l'humain est appelé à une « divinisation »...

Myrrha retrouve symboliquement cette quête du Divin, dans le ''service d'amour '' courtois de la Dame... La Quête revient à chercher le secret de l'Amour ; et au Moyen-âge – et c'est très important - le signe ou symbole est réalité substantielle...

La table d'argent sur laquelle est posée le Saint Graal, est le symbole de la liturgie eucharistique

 

- Myrrha, comment en êtes-vous arrivée à La Quête... ?

- Il y eut pour moi le Moyen-âge énorme et magnifique: le roman courtois qui passionna ma jeunesse. Ensuite à l'âge de la maturité, l 'épopée mystique du Graal, quête des suprêmes valeurs par l'âme médiévales. Puis les études sur la spiritualité gréco-orientale s’imposèrent à moi durant de longues années. 

- Vous êtiez croyante... ?

- J'avais abandonné longtemps avant mon mariage toute pratique religieuse dans mon Eglise-mère

Mais, la Quête, m'amène à chercher et préciser les éléments fondateurs de la foi chrétienne.

- Quel élément, par exemple, vous permet de joindre le Graal à la foi chrétienne ?

- et bien … La Theosis chez les Pères grecs... C'est à dire cet appel de l'homme à rechercher le divin : on peut le nommer divinisation ou déification...

Recherche signifie aussi erreurs... Les leçons d'Etienne Gilson ou de Paul Alphandéry (1875-1932, historien et spécialiste du christianisme médiéval ) m'ont questionnée sur les dérives, les erreurs qui peuvent facilement se propager dans une religion

( sources : Ma mère, Myrrha Lot-Borodine. De Marianne Mahn-Lot )

 

Myrrha Borodine, sans rejeter l'apport celtique, fait du Graal un élément chrétien. Pour elle, les valeurs propres des deux civilisation sont foncièrement dissemblables ; et c'est le fond de l'argumentation de ses critiques folkloristes...

Il s'agit donc pour Myrrha de découvrir le sens d'une œuvre portant l'empreinte du génie médiéval fécondé par l'Église...

Pour cela, il faut tenter de comprendre la nature particulière du symbolisme au moyen âge, qu'elle rapproche à quelque chose que l'on connaît aujourd’hui : la spiritualité liée à patristique de l'Orient chrétien...

Le ''signe qui s'offre aux sens '' est une réalité substantielle exprimant l'essence même de la chose représentée. Le signe opère ce qu'il est, ou, le signe réalise ce qu'il symbolise... La réalité spirituelle se substitue au signe ; c'est ce qui s'exprime dans la transsubstantiation...

 

Un tel symbolisme, ne peut pas s'imposer, il nécessite de la part de celui ou celle qui veut en faire l’expérience, une libre création et nécessite « l'approfondissement des plans successifs sur lesquels il se projette tour à tour déclenchant le mouvement des « similitudes et senefiances », si chères aux auteurs des diverses versions de la Légende du Graal... » Aussi, faut-il admettre un symbolisme à plusieurs dimensions, qui monte de l'image au conceptuel et finit par embrasser la totalité des phénomènes s'offrant à un œil intérieur.

Toutes ces ''figures'' qui nuancent les vérités, tissent la Légende du Graal...

Légende, qui fait revivre le Mythe chrétien « par une méthode d'introspection intuitive (Einfühlung) adhérant au sujet en pleine et compréhensive sympathie. » Par exemple, nous pouvons dire que ce paysage est triste, au lieu de dire qu'il nous rend triste... ''Einfühlung'', introduit en philosophie en 1873, vient des romantiques allemands ( Robert Vischer (1847-1933), Theodor Lipps ); on le retrouve également dans l'empathie....

Lire la suite

Voyage en Ecosse -1- Le Graal avec Jessie Weston

14 Juillet 2020 , Rédigé par Perceval Publié dans #Graal, #La Quête du Graal, #1900, #Angleterre, #Jessie Weston

Château de Bamburgh

Au cours d'une soirée ( party) à Cambridge, Anne-Laure parle de son désir d'aller en Ecosse, d'y visiter d'étranges châteaux, et – pourquoi pas – rencontrer l'esprit des mythes médiévaux, comme ceux de la légende arthurienne; un jeune homme, étudiant, se présente : William John Montagu, fils du baron Armstrong qui, dit-il, est le propriétaire du château de Bamburgh, dit de la Joyeuse Garde, réputé pour avoir été le château du chevalier Lancelot... Anne-Laure se montre enthousiasmée, d'autant que son fils de 11ans s'appelle Lancelot ( mais, hélas n'est pas du voyage...).

C'est Thomas Malory, qui a identifié la ''Joyous Gard'' avec le château de Bamburgh, un château côtier dans le Northumberland...

De plus, n'oubliez pas que c'est dans les forêts du Northumberland que Merlin se montre au roi Uter Pendragon, sous l'apparence d'un gardien de bêtes puis d'un homme de bien; Merlin partant régulièrement se réfugier en Northumberland pour y rencontrer Blaise.

Château de Bamburgh - Intérieur

La ''Joyous Gard'' tire son nom du jeune Lancelot lorsqu'il s'installe au château après l'avoir capturé et mis fin à un enchantement maléfique, à la suite d'une aventure pendant laquelle il devait prouver sa chevalerie au roi Arthur . Puis, du fait de l'adultère, et donc la trahison, de Lancelot avec la reine Guenièvre; Lancelot sauve la reine, condamnée à mort, et l'amène à Joyous Gard. Arthur assiège alors sans succès Joyous Gard. Le château reprend alors son ancien nom, ''Dolorous Gard''. Plus tard, Lancelot abandonne son château pour retourner en France avant de devenir ermite à Glastonbury, où il passe le reste de ses jours. Son corps est ensuite emmené à Joyous Gard pour y être enterré. Dans les histoires en prose de Tristan et Iseult , ils vivent dans le château avec la permission de Lancelot, pour échapper au roi Mark, époux d'Iseult .

Très vite le sujet du Roi Arthur, semble captiver, ici, chacun... Des opinions diverses, fusent, ce qui étonne beaucoup Anne-Laure, sachant qu'en France, le sujet n'est partagé que par des spécialistes...

Dans les pays de langue anglaise, c'est la version de Sir Thomas Malory, qui est réécrite pour adultes ou pour enfants...

Un étudiant camarade de William, soutient que - selon le prieur de Northampton Nicholas Cantelupe (décédé en 1441) - l’université de Cambridge, dont il a écrit l'histoire après y avoir été étudiant, a reçu sa charte d'Arthur ; et ce devait être vers 530 … !

Quelqu'un ajoute qu'une obscure tradition locale a même déclaré que Cambridge était le site de la dernière bataille d'Arthur de Camlann... Objet de controverse, réplique quelqu'un ; en effet, cela semble provenir d'une fausse étymologie, et on pourrait dire que tout nom de lieu contenant ''Cam '' pourrait être habilité à en être le site...

Pendant la discussion, Anne-Laure note que l'on parle de Jessie Laidlay Weston (1850-1928), une universitaire , médiéviste et folkloriste anglaise, qui travaille principalement sur des textes arthuriens médiévaux.

Elle vit dans le Dorset ( 65 Lansdowne Road, à Bournemouth, ) et pense que les origines de la légende du Graal sont antérieures aux sources chrétiennes, et sont celtiques... Un tout jeune étudiant du Trinity collège , du nom de Frank Laurence Lucas, critique son interprétation mystique et liée à la réalisation de soi , en la qualifiant de ''théosophiste''... De sorte que, finalement, Anne Laure retient, avec grand intérêt, le nom de l'universitaire...

Anne-Laure apprendra que Jessie Weston, a été l'élève à Paris de Gaston Paris, et qu'elle connaît bien le professeur von Schroeder, pour l'avoir connu au Festival de Bayreuth...

Jessie voit dans l'histoire du Graal, une continuité entre les cultes anciens d'Attis-Adonis, et de Mithra et le christianisme ; entre l'ancienne foi et la nouvelle … Le Christianisme, en devenant dominant a cherché à se distancier des croyances passées en déclarant que toutes les similitudes étaient les moqueries et les pièges du diable. Cependant, Weston considère que les romans médiévaux du Graal, furent écrits par des gens ignorants de leur signification profonde. Des thèmes de contes traditionnels se mêlent aux survivances de rituels anciens... Pour Chrétien de Troyes (décédée en 1185), par exemple, dit-elle, l'histoire était romantique, pure et simple ; mais il n'avait aucune idée de la véritable signification et de l'origine des aventures. 

L'histoire-origine du Graal, pour Weston, raconte l'aventure d'un chevalier errant, qui visite l'un de ces temples cachés ; il y réussit le test du premier grade d'initiation à la vie, et échoue lorsque qu'il s'approche du plus haut degré...

Le Graal est une force vivante – ajoute t-elle, il ne disparaîtra jamais... On peut ne plus le voir, pendant des siècles, disparaître du champ de la littérature, mais il remonte à la surface de nos préoccupations, et redevient un thème d'inspiration vital … Ainsi, après un sommeil depuis Malory, il s'est enfin réveillé pour une nouvelle vie, grâce aux génies de Tennyson et de Wagner, par exemple...

Jessie Weston semble bien en avance sur son temps ; elle reconnaît dans le mythe arthurien, des cultures anciennes qui pratiquaient des '' rituels de végétation '' pour participer activement au renouvellement de la fertilité de la terre, pour réparer les dommages que nous avons causés à la capacité de la Terre à soutenir la vie ; et peut-être, que le Graal est plus que jamais nécessaire aujourd'hui.

La fertilité, recherchée à travers ces "rituels de végétation", s'étend non seulement à la fertilité du sol mais à la fertilité humaine et, plus tard, à une sorte de fertilité spirituelle en union avec '' la source spirituelle de la vie ''. Au cœur de la Quête du Graal se trouve l'idée d'un roi et d'une terre en difficulté. Le roi et sa terre ne font qu'un. Si l'un est malade, l'autre aussi; et guérir l'un, c'est guérir l'autre. Et comment ne pas songer au Grand Rite qui, par l’union de l’Epée et de la Coupe, symbolise l’union du Dieu et de la Déesse ? Les contes du Graal, qui font partie de la littérature courtoise, mettent en scène de nombreuses jeunes filles et femmes dont le rôle initiatique a dû fortement déplaire aux moines du Moyen-Age, qui se sont empressés de transformer ce Graal (féminin et très sexuel) en « Saint Graal » contenant le sang du Christ et la Grâce Divine.

Voilà, l'une parmi les leçons passionnantes, que Jessie Weston, put apporter à Anne-Laure...

Lire la suite

Proust et le Graal

22 Janvier 2020 , Rédigé par Perceval Publié dans #1900, #Proust, #Chrétien de Troyes, #Graal, #La Quête du Graal, #Perceval

La Recherche de Proust, pourrait s'apparenter à la Quête du Graal...

Pour la Recherche, il s'agit de faire le lien entre le présent : celui des actes du quotidien, et l'esprit d'un passé qui refait surface ; pour la Quête c'est retrouver les correspondances avec le mythe, et rejoindre l'Idée du Beau, du Vrai ; et les deux au travers de la littérature...

 

De plus, c'est au nom de la religion de la Beauté que Proust s'en prend à la ''loi de séparation'', pour défendre les cathédrales ( Le Figaro du 16/08/1904) ; même si c'est ici une religion sans transcendance...

Fantin-Latour, Le Graal, Prélude de Lohengrin - 1892

 

Et surtout, Proust fait référence à Wagner:

« Le rôle du héraut et du roi tout entier, le rêve d'Elsa, l'arrivée du cygne, le chœur du juste, la scène entre les deux femmes, le refalado, le Graal, le départ, le présent du cor, de l'épée et de l'anneau, le prélude, est-ce que tout cela n'est pas beau ? » sur Lohengrin lettre à Reynaldo Hahn (1894) de Trouville)

 

Le Narrateur de la Recherche serait un ''Perceval'' agnostique, découvrant en début une tasse de thé, qui n'en finit pas de la questionner, échappant aux jeunes ''filles-fleurs'', et qui finalement retrouve le Graal à la faveur de pavés disjoints, ou d'un livre...

Comtesse Greffulhe 1902

Encore, c'est le rôle que tient la duchesse de Guermantes : vue dans l'église de Combray, elle apparaît comme dans l'opéra de Wagner : ''Les Maîtres chanteurs de Nuremberg''. Ce serait là l'église Ste Catherine de Nuremberg avec l'entrée solennelle de la duchesse.. Juliette Hassine (Essai sur Proust et Baudelaire) rapproche cette scène de Parsifal : « Pour l'enfant qui attend d'être touché par la grâce du regard de Mme de Guermantes, le spectacle de la duchesse s'avançant dans la sacristie est pour lui une vraie apparition du Graal. »

La duchesse de Guermantes, est selon Proust, une descendante de Geneviève de Brabant, que l'on retrouve chez Wagner ; et … dans les légendes limousines des ancêtres d'Anne-Laure de Sallembier ( c'est ICI...)

C'est aussi, lors de la représentation en 1908 de Tristan und Isolde que Proust, dans sa correspondance, dit admirer pour la première fois, assise dans sa loge, la princesse de Bibesco (1886-1973) qui semble avoir été un des modèles pour la duchesse de Guermantes...

Princesse Bibesco-1911 Boldini

Son salon parisien était fréquenté par Paul Claudel, Georges Clémenceau, Gérard de Nerval, Montesquiou, Anatole France et de nombreuses autres personnalités du beau monde de l'art et de la politique. Proust va la rencontrer lors du bal de L'Intransigeant, le 10 mai 1911, à l'hôtel Carlton .

Dans Au Bal avec Marcel Proust, celle-ci le décrit «  livide et barbu, le col de son manteau relevé sur sa cravate blanche, qui avait traîné sa chaise depuis le début de la soirée ».

Emmanuel et Antoine Bibesco furent les voisins du jeune Marcel Proust, boulevard Malesherbes. Ils partageaient un même humour, s’étaient donnés des surnoms, et avaient un goût commun pour les choses de l’esprit. En leur compagnie, Proust fut entraîné au théâtre, dans les salons, au restaurant, en excursion pour visiter les églises en vue de sa traduction de Ruskin. Ils voyagèrent jusqu’en Belgique et en Hollande. La rencontre des Bibesco fut, en outre, pour Proust, l’entrée dans un monde différent du sien.

librairie Lefailler - vitrine-Proust

L'objet de la Recherche, c'est le '' Temps retrouvé '', lors d'un éblouissement, d'une félicité...

C'est ce qu'écrit Proust « « je présenterai comme une illumination à la Parsifal la découverte du Temps retrouvé dans les sensations, cuiller, thé etc. » Cahiers Proust

À la fin du Temps retrouvé, la longue séquence intitulée « L’Adoration perpétuelle » emprunte son titre à la liturgie catholique pour désigner la découverte du sens de sa vie et de sa vocation littéraire par le héros. En début de la « matinée » du prince de Guermantes, le narrateur est contraint de faire une halte dans le salon-bibliothèque pour attendre la fin du morceau musical dont l’exécution a commencé avant son arrivée. Il y découvre un livre '' François le Champi ''…

 

« (...) je sentais que le déclenchement de la vie spirituelle était assez fort en moi maintenant pour pouvoir continuer aussi bien dans le salon, au milieu des invités, que seul dans la bibliothèque ; il me semblait qu’à ce point de vue, même au milieu de cette assistance si nombreuse, je saurais réserver ma solitude. » (Le Temps retrouvé) Et c'est ensuite le passage du « bal de têtes »...

 

Cristophe Imperiali ( de l'Université de Lausanne) rapproche deux moments du Conte du Graal de Chrétien de Troyes; et de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust : d'un côté, l'impérissable scène des gouttes de sang sur la neige; de l'autre, la scène capitale où, dans la bibliothèque des Guermantes, Marcel décide de devenir écrivain.

 

Cette révélation de la mémoire involontaire et de la fonction qu'elle est appelée à jouer dans l'œuvre d'art à créer, Proust l'appelle, dans ses cahiers, une « illumination à la Parsifal »:

 

Je cite ci-dessous des extraits de ce texte qui donne la clé de toute ''La Recherche''

(…) il y a un instant j'étais entré dans la cour de l'hôtel de Guermantes, (…) au moment où, me remettant d'aplomb, je posai mon pied sur un pavé qui était un peu moins élevé que le précédent, tout mon découragement s'évanouit devant la même félicité qu'à diverses époques de ma vie m'avaient donnée la vue d'arbres que j'avais cru reconnaître dans une promenade en voiture autour de Balbec, la vue des clochers de Martinville, la saveur d'une madeleine trempée dans une infusion, tant d'autres sensations dont j'ai parlé et que les dernières œuvres de Vinteuil m'avaient paru synthétiser. (…)

 

(…)  je m'efforçais de tâcher de voir clair le plus vite possible dans la nature des plaisirs identiques que je venais, par trois fois en quelques minutes, de ressentir, et ensuite de dégager l'enseignement que je devais en tirer. (..)

 

(..) Et, au passage, je remarquais qu'il y aurait dans l'oeuvre d'art que je me sentais prêt déjà, sans m'y être consciemment résolu, à entreprendre, de grandes difficultés. (..)

 

(…) au vrai, l'être qui alors goûtait en moi cette impression la goûtait en ce qu'elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu'elle avait d'extra-temporel, un être qui n'apparaissait que quand, par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l'essence des choses, c'est-à-dire en dehors du temps. Cela expliquait que mes inquiétudes au sujet de ma mort eussent cessé au moment où j'avais reconnu, inconsciemment, le goût de la petite madeleine, puisqu'à ce moment-là l'être que j'avais été était un être extra-temporel, par conséquent insoucieux des vicissitudes de l'avenir. 

 

A la recherche du temps perdu (Marcel Proust) - VII : Le Temps Retrouvé III : Matinée chez la princesse de Guermantes. L'Adoration perpétuelle...

Parsifal de Wagner - Bayreuth 1882

Dans Le Temps retrouvé, rien n'indique quel est le «morceau» de musique qui se joue dans le salon, au moment où le narrateur médite dans la bibliothèque; mais dans la Matinée chez la Princesse de Guermantes, le morceau était très précisément identifié: il s'agissait du deuxième acte de Parsifal, dont la princesse organisait la première audition parisienne. Or, 1' expression « illumination à la Parsifal » renvoie très évidemment à la révélation vécue par Parsifal dans ce deuxième acte, à travers le baiser de Kundry. Or, c'est précisément par un de ces court-circuits temporels que nous évoquions, que Parsifal est soudain capable de relier l'étreinte de Kundry et la blessure d'Amfortas, c'est-à-dire d'aller chercher très loin l'autre moitié de sa sensation présente pour créer cette conjonction hors du temps qu'évoque Proust.

(…)

Parsifal a intégré instinctivement, par la puissance d'une pure compassion, ce qu'aucun raisonnement intellectuel ne permet de saisir, et il est prêt à entreprendre le chemin qui lui permettra de revenir à Montsalvat, de guérir Amfortas et de rédimer le monde du Graal. C'est donc cela qui se joue dans le salon, au moment même où le narrateur, dans la bibliothèque, reçoit son« illumination à la Parsifal » ... Même si la mention de la pièce jouée dans le salon a disparu du Temps retrouvé, une étude génétique montre bien qu'il n'y a guère de doute à avoir quant à l'influence directe qu'exerce sur ce passage le Parsifal de Wagner.

(...)

Dans le Conte du Graal, c'est immédiatement après cet épisode du sang sur la neige que Perceval accède enfin à la cour d'Arthur, mais, surtout, qu'il s'en écarte aussitôt pour partir en quête du Graal - quête qui ne débute, précisément, qu'à ce moment là.

Sources de cette comparaison : Cristophe Imperiali

 

Lire la suite

Retour de Bayreuth – En France, le Graal et l'esthétisme

18 Novembre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Légende arthurienne, #XIXe, #Graal, #1900

Après un tel séjour dans l'Allemagne des passions... Anne-Laure craint de se sentir coupée de cette source artistique si exaltante... Mais, l'ambiance culturelle de la ''Belle Epoque '' lui permet de retrouver quelques-unes des ardeurs ressenties à Bayreuth...

Tous les habitués de ce pèlerinage wagnérien, gardent cette nostalgie du séjour... Déjà, en 1892, Henri de Régnier écrivait à André Gide, il s’inquiétait de leur ami commun Pierre Louÿs qui séjournait à Bayreuth et « en est à son septième Parsifal » ! et se demandait s'il parlait encore français …

Saint-Pol Roux, nomme Wagner : « celui qui dota de Parsifal le monde »

En France, dit-on, Wagner aurait influencé nombre d'écrivains, notamment ceux qui se nomment eux-mêmes décadents ou symbolistes...

 

Premier point :

Bien sûr, on pourrait rappeler que le Graal est français ( avec Chrétien de Troyes, mais personne alors ne l'a lu...) .. En 1922, Joseph Bédier se plaint que Perceval se dise en français Parsifal … !

Effectivement, en cette fin de siècle, le mythe littéraire du Graal, paraît en France oublié ; et Perceval induit la référence à l'Opéra de Wagner.

 

Joséphin Péladan, reprend le Parsifal de Wagner, pour imaginer une suite où Perceval sauve, après Kundry, son maître qu'est Klingsor...

Ainsi magnifié (par Wagner), le Graal apparaît alors comme trop pur, trop éthéré, trop sacré... Qui peut ensuite emprunter le symbole ? Jules Laforgue en 1886, lui manifeste une certaine défiance : « Le cygne du Saint-Graal, qui rame en avant/ Mais plus pâle qu'une banquise/ qu'Avril dépayse »... Le Graal n'est pas fait pour notre monde...

 

La Légende Arthurienne serait-elle oubliée... ?

Henri de Régnier, cependant, n'a pas oublié Viviane... Viviane est un mythe de la décadence : Apollinaire en 1909 écrit ''L'Enchanteur pourrissant'' … Au lieu du chevalier pur, on préfère la femme fatale ; au lieu du sauveur qui délivre, le charme qui emprisonne...

Princesses de Légende - J. Lorrain

En 1892, Henri de Régnier dans '' La Gardienne'' décrit le retour d'un vieux chevalier... Son histoire est celle de l'échec d'une Quête : échec, parce qu'il y manque le Graal... ? On part d'un adolescent, tel Perceval, et on finit avec un Anfortas , un roi blessé, vaincu, humilié...

Le ''Roi vierge'' de Catulle est aussi un roman sur l'absence du Graal : le héros vierge, n'aime personne, a horreur de la sexualité, et finalement se châtre... ! Il vit la passion du Christ, sans graal, sans mythe, sans rédemption...

''Oriane vaincue'' (1893) de Jean Lorrain, s'inspire à la fois de Morgane - à la recherche du parfait amant - qui enferme tous les chevaliers dans le val sans Retour ; et de Kundry qui attend celui qui ne tombera pas dans son pouvoir... Dans ''Viviane'', ou '' Sonyeuse'' ou ''Brocéliande'' ; Viviane est « courtisane », « lascive fée »...

« Et férocement rousse et férocement nue,
Les seins droits et pourprés, rouge tentation,
Le heaume de Myrdhinn sur l’or en fusion
De ses fauves cheveux bondissant sur ses hanches,
Viviane apparut, farouche, entre les branches. » ''Brocéliande''

Les écrivains ''fin de siècle '' s'ébattent dans les jardins de Klingsor ; mais point de Graal ...

Certains, imaginent même Wagner en magicien noir, qui a fait main basse sur le trésor du Graal .. !

( sources : Isabelle Cani '' Graal et décadence...'')

Deuxième point :

Fin de siècle, décadence et Esthétisme...

Robert de Montesquiou

Si le temps historique se présentait sous forme cyclique, nous pourrions distinguer des périodes d'essor( âge d'or) et de déclin ( de fin de siècle …?). Précisément Anne-Laure de Sallembier parcourt la vie mondaine à une époque , avant la Grande-Guerre, que l'on qualifie de fin de siècle ...

La chute du second Empire a initiée cette période promise aux changements, voire aux transgressions...

En réaction contre le Romantisme, et des idées comme, l'harmonie et l'équilibre dans la nature, la foi en le progrès ; - la mode est à présent à l'étrange, la décomposition, l’excès ; et à la désillusion, la dérision, la démystification …

Si l'humain est privé d'une transcendance ( Schopenhauer,...), la hiérarchie des valeurs n'en est-elle pas bousculée.. ?

Dans les années 1890, 1900 etc ; on lit Schopenhauer, on aime le plaisir, on fréquente les salons, on s'amuse avec tristesse, on cause avec mélancolie, on rit avec désespoir. ( cf Le Figaro 21 mars 1886. - Physiologies parisiennes d'Alfred Millaud) ...

A suivre ...

Lire la suite

Voyage en Allemagne – Ansbach et Eschenbach -

13 Novembre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Allemagne, #Contes Mythes Légendes, #Eschenbach, #Graal, #Mythe, #Tourisme, #Perceval

Il semble que ce soit, en 1906, à Bayreuth, précisément, qu'Anne-Laure rencontra Rudolf Steiner  (1861-1925), venu lui aussi pour le Parsifal... C'est lui, semble t-il, qui lui apprend que le village dont est originaire Wolfram von Eschenbach : Obereschenbach ( en 1917 son nom changera en ''Wolframs-Eschenbach'') est proche de Nürnberg ... Il lui annonce aussi le plus sérieusement du monde qu'il pense connaître le lieu où – pour Wolfram - se tenait Montsalvage; il suffirait de lire attentivement le Parzival d'Eschenbach … !

Comme Anne-Laure, je suis allé à 'Wolframs-Eschenbach' ; auparavant le trajet nous conduit à Ansbach : une ancienne résidence des Margraves de Brandenburg-Ansbach, une famille noble de Hohenzollern qui a essentiellement marqué la ville.

Charles-Alexandre (1736-1806) est le dernier margrave de Brandebourg-Ansbach (1757-1791), ainsi que le dernier margrave de Brandebourg-Bayreuth (1769-1791). Libertin, il vend son margraviat à la Prusse en 1791 contre une rente annuelle ; il se remarie avec la 'scandaleuse', voyageuse et féministe Elisabeth Craven (1750-1828)... A Ansbach, Elisabeth – écrivaine reconnue par ailleurs – forme une troupe de théâtre et accueille et soutient Maria Theresia Ahlefeldt, une compositrice …

Elizabeth Craven a été mariée à seize ans, a eu sept enfants, issue de la haute société, a parcouru une douzaine de pays et a souvent franchi les limites imposées alors au comportement féminin... Les familles Austen et Craven étaient très proches... Les spécialistes de Jane Austen, ont reconnu dans ses romans une influence de lady Craven …

Revenons à Ansbach, où on peut voir aujourd'hui l'imposant palais 'Residenz Ansbach', avec son orangerie et ses jardins... L'attention du visiteur est orientée vers  Kaspar Hauser qui le 14 décembre 1833, fut mortellement blessé dans ce jardin... Kaspar Hauser (1812 (?)-1833) était un jeune Allemand - à l'identité inconnue, apparu le 26 mai 1828, dans une rue de Nuremberg  - qui affirmait avoir grandi dans l'isolement total d'une sombre cellule.

Voyage en Allemagne – Ansbach et Eschenbach -
Voyage en Allemagne – Ansbach et Eschenbach -
Voyage en Allemagne – Ansbach et Eschenbach -
Voyage en Allemagne – Ansbach et Eschenbach -

A Ansbach, deux églises sont côte à côte... St. Johannis, et surtout St. Gumbertus à l’origine l’église d’un monastère fondé par Saint-Gumbert vers 750. La choeur fut transformée au XVIe siècle en une chapelle ''Schwanenritterkapelle'' (chapelle des Chevaliers du Cygne)... En effet, cette chapelle fut offerte par le margrave Albrecht Achilles à l'ordre des membres de l' ordre des cygnes . On y voit les épitaphes des chevaliers, avec leurs blasons, et certains sont représentés en armure...

 George, margrave de Brandebourg-Ansbach , a suivi la Réforme en 1528... La nef a été transformée en une salle de prédication dans une palette restreinte de gris et de crème, construite pour répondre à la concentration luthérienne sur la prédication, sans les ornements des autels latéraux...

 

L' Ordre des Chevaliers de Notre-Dame du cygne, ou Ordre du Cygne ( Schwanenritterorden), est le plus ancien ordre de chevaliers de la Prusse. Créé le 29 septembre 1440, par l'électeur Friedrich II de Brandebourg, il devait donner à la noblesse des objectifs politiques et sociaux communs sous la direction des Hohenzollern. 

Le siège de la branche franconienne était la chapelle George de la collégiale Saint-Gumbertus à Ansbach, qui n’est qu’à environ 20 kilomètres d’Eschenbach, du nom de son habitant le plus célèbre, Wolfram... La Réforme vit l'annulation de l'ordre... Le 24 décembre 1843, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse tente de rétablir l'Ordre du cygne en tant qu'organisation multiconfessionnelle et humanitaire, et ouvert aux hommes et aux femmes...

 

Anne-laure de Sallembier continue son pèlerinage, cet ordre du cygne, résonne en harmonie avec ses propres recherches... Je disais, ici même, qu'un ami de son grand-père Charles-Louis : Edgar Quinet ( l'historien …) et sa femme Minna, lui avaient parlé de cette région dont elle était originaire … C.-L. de Chateauneuf, eut également la chance de rencontrer – en visite à Paris - Friedrich de la Motte Fouqué (1777-1843), qui se passionne pour l'épopée du Graal, et en écrit une épopée qu'il nomme '' Der Parcival''... En 1841, Friedrich se rend à Berlin à la demande du roi de Prusse; qui est très interessé par sa version de l' ''épopée du Graal''... Cependant, la Motte Fouqué ne publie pas l'ouvrage... Il meurt le 23 janvier 1843... Après la mort de Fouqué, le roi fidèle à une promesse réhabilite en 1843 l'ordre des chevaliers du Cygne , en la ville d'Ansbach, dont le plus célèbre chevalier est Lohengrin ... En 1845, Wagner commence la conception de son opéra Lohengrin, créé en 1850. Et, en 1877, Richard Wagner entreprend enfin de composer son "Parsifal". C'est sa dernière oeuvre, il meurt en 1883.

Hommage à Eschenbach, dans son village
Hommage à Eschenbach, dans son village
Hommage à Eschenbach, dans son village

Hommage à Eschenbach, dans son village

Tout naturellement, Anne-Laure de Sallembier, n'a qu'à parcourir une dizaine de kilomètres, pour commémorer Wolfram von Eschenbach. Ce chevalier-poète franconien est né autour de 1170 dans le village d’Eschenbach, près d'Ansbach donc, en Bavière et mort autour de 1220.

Wolfram Eschenbach Ritter ( Armoiries)

Il séjourne dans une seigneurie, à Wildenberg,  dans l’Odenwald, petit massif montagneux à l`est du Rhin. Au début du XIIIè siècle, sa présence est signalée à la Wartburg, la Cour du Landgrave Hermann 1er ( 1190-1217), landgrave de Thuringe et conte palatin de saxe. C’est là que vraisemblablement il  écrit une grande partie de son Parzival. Il est également l’auteur d’un Titurel et d’un autre roman intitulé Wilhelm dont le héros est Guillaume d’Orange.

Poète, chevalier et féru d'astrologie et d'alchimie, mais peu fortuné . Comme Minnesänger (équivalent germanique de trouvère), il est considéré comme le ''champion'' de poésie lyrique, lors de la bataille de la Wartbourg (  Wagner a mis en scène cet épisode dans son opéra Tannhäuser. ) ....

Eschenbach connaît bien la légende de Lohengrin, le Chevalier du Cygne... A lire ICI

 

Wolfram von Eschenbach s'inspire assez précisément du Conte du Graal de Chrétien de Troyes ; il ajoute l'histoire des aventures orientales du père du héros, Gahmuret... Le Graal est une pierre, le  ''lapsît exillis'', gardé par des Templiers...

«  C'est une œuvre conquérente qui sort de la plume de Wolfram ; elle dépasse l'ambiguité de Chrétien de Troyes. En fait, Parzifal inaugure, en milieu germanique, un puissant courant ésotérique, politique et philosophique qui marquera durablement l'ensemble de la tradition européenne. En ce sens, il semble bien y avoir un graal français et un graal allemand qui n'appellent pas les mêmes enjeux culturels. Au terme d'une longue évolution, le pangermanisme du XIXe siècle explorera le mythe dans des recoins ignorés des auteurs français et lui donnera un retentissement exceptionnel. Le texte de Wolfram servira de support à bien des rêves hermétistes ou occultistes jusqu'au XXe siècle. » Philippe Walter

Aujourd'hui, la ville de Wolframs Eschenbach offre au visiteurs un musée ( Attention: il faut être germaniste, sinon c'est incompréhensible ...! et pas d'audio-guide en français ...) en 10 salles... Un jeu de piste littéraire, assez mystérieux; à l'aide de moyens picturaux, de couleurs et de formes inhabituelles, d'un éclairage sophistiqué et de textes sélectionnés... On passe de la légende arthurienne, à la généalogie de Parzival ( complexe mais nécessaire...). Une salle vous plonge dans le monde du Graal: sombre et mystérieux, il est le monde de la douleur, de la culpabilité et de la mort. En quoi Parzival est-il coupable? C'est aussi le monde du malheur amoureux. C'est le monde de sa mère.

Après la salle dédiée à Titurel; celle de la nuit et de l'amour, du jour et de la séparation: la salle du Secret qui ne peut se révéler... La salle des chevaliers avce leur boucliers, leurs armes ... est celle de la souffrance et de la mort. Jusqu'à la tombe de Wolfram...!

Fin du voyage.

Le musée: W. von Eschenbach
Le musée: W. von Eschenbach
Le musée: W. von Eschenbach
Le musée: W. von Eschenbach
Le musée: W. von Eschenbach
Le musée: W. von Eschenbach

Le musée: W. von Eschenbach

Lire la suite

Voyage en Allemagne – Bayreuth et Wagner - 2

24 Octobre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Allemagne, #Wagner, #Bayreuth, #Art, #Contes Mythes Légendes, #Expérience chrétienne, #Graal, #Mythe, #XIXe

* Pourquoi vient-on, ici, jusqu'à Bayreuth, pour écouter l’œuvre de Wagner ?

Ce qu'exprime la musique est immédiat, immatériel, et suscite, en nous, des émotions. Là : elle est gagne sur la poésie, par sa puissance ; et la poésie gagne en précision... L'opéra de Wagner, ajoute l'action mythique avec - par la musique - l'objectif de déplacer l'action extérieure... en action intérieure...

Wagner prend le Mythe, car son intérêt est la dimension symbolique.. Ce drame touche à ce qu'est l'humain. Il est universel ; même si Wagner traverse plusieurs périodes où il est lui-même anti-religieux à tendance optimiste, puis dès 1854 religieux à tendance pessimiste ( période schopenhauerienne...) ; enfin, en 1864, Wagner entre dans une quatrième période : une période religieuse, encore, mais optimiste cette fois-ci.

Wagner rompt ce que son époque a fait de l'Opéra : un divertissement comme un autre... Avec Parsifal ( écrit entre 1865 et 1882), l'Opéra est une représentation dramatique et sacrée ; comme s'il revenait à ses origines sacrées de la tragédie grecque.

De manière générale, on peut dire que pour Wagner, l'homme ne se situe pas au dessus de la nature ; mais au contraire, comme un être de la nature.

Wagner utilise, un moyen-âge mythique, un moyen-âge où le paganisme se mêle au christianisme qui se mêle, encore, au panthéisme.. Pour Wagner, le peuple a conservé une innocence quasi naturelle...

En ce début de XXe siècle, le wagnérisme prépare t-il le terrain au nazisme... ? Peut-être, même si wagnérisme ne signifie pas nazisme... !

C'est, par escroquerie intellectuelle, que le nazisme a annexé le wagnérisme... !

Wagner, en revanche, est le grand musicien de la philosophie de Schopenhauer (1788-1860) : La volonté naît du désir d'amour , un désir de vie aveugle et impossible à satisfaire … Ce principe à la fois doux et douloureux, régit le monde et perturbe l'équilibre insondable du néant ( dans le sens où Dieu n'existe pas …) …

L'Amour pour Wagner, s'exprime – avec passion – au travers de la pulsion érotique ; et même dans Parsifal, qui est une œuvre sur la Rédemption. Kundry, la rose de l'enfer, la pécheresse repentie... séduit le '' naïf imbécile'' qu'est encore le jeune Parsifal ; et réveille en lui le désir de sa mission...

Wagner écrit dans '' Ma vie '' que l’origine de son opéra remonte à ce qu'il a éprouvé en avril 1857, le jour du Vendredi saint, dans le jardin de la propriété des Wesendonck à Zurich. « Je m’éveillais pour la première fois avec le soleil le jour du Vendredi Saint : le jardin était verdoyant, les oiseaux chantaient ». Cet enchantement lui rappelle alors le Parzifal de Wolfram von Eschenbach dont il décide de tirer un opéra.

Pourtant, déjà dans le ''Lohengrin'' (1850) : Lohengrin révèle à Elsa qu’il vient d’un château nommé Montsalvat où se trouve le Saint Graal dont son père, le roi Parsifal, est le gardien.

Wagner aurait lu le Parzifal de Wolfram von Eschenbach (1170-1220), lors de son séjour de cinq semaines à Marienbad en 1845. Eschenbach est un des plus grands poètes épiques de son temps et c’est à ce titre qu’il apparaît déjà comme personnage dans Tannhäuser (1845) au moment du tournoi des chanteurs...

Parsifal est créé à Bayreuth le 26 juillet 1882. Wagner a réglé le moindre détail : décors, costumes, mise en scène. Franz Liszt, Anton Bruckner, Richard Strauss, sont dans la salle. Son opéra est conçu pour « son » théâtre... Wagner a interdit que Parsifal soit représenté ailleurs. Chaque représentation devait rester une expérience unique parce qu’inouïe au sens propre.

Le Thème de Parsifal, est donc l’héroïsme rédempteur seul susceptible d’apporter le salut. Pour soigner la blessure du roi Amfortas, blessé par le magicien Klingsor (son plus grand ennemi), il faut un être pur susceptible d’éprouver la plus grande compassion.

Parsifal est naïf ; mais ni chez Chrétien de Troyes, ni chez Eschenbach, il ne renonce aux joies de l'amour physique... Ce qui est alors attendu du parfait chevalier, c'est d'être à jamais fidèle à la dame à laquelle il a engagé sa foi. L'exigence de la pureté-chasteté n'intervient qu'ultérieurement dans les continuations cisterciennes de ''La queste du Saint-Graal '' où le Graal ne sera révélé qu'à Galaad chevalier vierge ; et ne pourra être accompagné dans le service du Graal que de Perceval, et Bohort, qui ne sont que chastes ….

Chez Chrétien et Wolfram, Kundry (Cundrie) est une femme au physique repoussant... Cependant, elle est fort savante... Elle reproche à Perceval de n'avoir pas poser la Question ; et de pas avoir pris les tourments du roi pêcheur en pitié …

Chez Wagner ; Kundry entre en scène sous l’apparence d’une « farouche amazone », messagère des chevaliers. Séductrice pleine de sensualité livrée à l’influence de Klingsor, elle est aussi déchirée par la malédiction qui la condamne à l’errance pour avoir raillé le Christ souffrant. C’est elle qui va éclairer Parsifal sur sa propre histoire, ce qui lui permettra d’accomplir  son destin.

« Cette œuvre de vieillesse, très sous-estimée, est pourtant à vrai dire absolument passionnante. On y trouve la plus extraordinaire musique (transformation du IIIe acte) et le personnage de Kundry est sans aucun doute sa conquête poétique la plus achevée. » Thomas Mann

Thomas Mann (1875-1955) a connu Parsifal en 1909 : « Délivrance, aboutissement, achèvement, cet oratorio de la Rédemption pousse à l’extrême l’exploration de mondes écartés, terribles et sacrés, et l’art de les faire parler » Thomas Mann

Lire la suite

Voyage en Allemagne – la Sainte-Lance -

14 Octobre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Allemagne, #Graal, #Nuremberg, #Contes Mythes Légendes, #Mythe

Anne-Laure de Sallembier, se rend compte qu'à Nuremberg, les habitants s'estiment dépositaires de l'âme allemande, aussi grâce à une série d'objets qui sont les objets symboles du pouvoir de l'Empereur, et qui étaient gardés autrefois ici à Nuremberg,..

l'Empereur Charles IV, avec épée et orbe

Nuremberg, était le conservatoire des insignes symboliques de l’Empire : le ''Reichsinsignien'' ou trésor impérial sont les insignes de l'empereur et roi du Saint Empire romain germanique . Ceux-ci sont composés dans sa partie la plus importante de: la couronne impériale , l'orbe, la lance sacrée et l' épée impériale .

La couronne n’est pas circulaire, mais octogonale. Elle date du début du XIe siècle ( Othon 1er ou Conrad II).. L’Orbe impérial est composé d’or, de perles et de diamants. Sa fabrication est évaluée au début du XIIe siècle. L’épée impériale fut réalisée au deuxième tiers du XIe siècle. Pendant le couronnement, elle est donnée à l’empereur avec le sceptre et l’orbe.

Insignes de l'Empire

Et puis... Et ce symbole attire fortement l'attention d'Anne-Laure : il y a ''la Sainte Lance''

Henri Ier de Germanie, l'aurait acquise et cédée à son fils Otton Ier(† 973), premier empereur germanique, puis elle passa ensuite aux divers empereurs et devint le symbole de leur investiture et du transfert de pouvoir. Elle fut intégrée au rituel de leur sacre.

La légende fera ensuite de cette relique, la possession de Charlemagne, qui l'aurait enchâssée dans le pommeau de son épée Joyeuse grâce à laquelle, il aurait remporté 47 victoires...

Anne-Laure ne s'attendait pas, à trouver ici, un rappel de la Quête de ses aïeux ... Cette ''Sainte Lance'' a une certaine place dans les légendes arthuriennes, et dès le cortège du Graal décrit par Chrétien de Troyes...

Lors de la crucifixion du Christ, les soldats romains cassèrent les jambes des deux voleurs qui l'accompagnaient... Un romain nommé Longinus s’aperçut que ce dernier était déjà mort; pour s'en assurer, le centurion transperça le flanc de Jésus avec sa lance. Et depuis des siècles, la Sainte Lance a attiré la convoitise de bien des rois, empereurs ou seigneurs de guerre...

Au Moyen-âge les insignes symboliques de l’Empire accompagnent les souverains dans leurs continuels déplacements.

Ce n’est qu’en 1423 que l’empereur Sigismond Ier ordonna que les emblèmes du Saint Empire romain germanique (hormis la bourse de Saint Étienne, l’évangéliaire du sacre et le sabre de Charlemagne qui étaient conservés à Aix-la-Chapelle) soient confiés à la ville de Nuremberg fortement fortifiée, où ils arrivèrent en 1424... Ils restèrent dans la ville pendant presque des siècles, suspendus dans un cercueil d'argent au-dessus de l'autel de l'église de l'hôpital du Saint-Esprit pour les protéger des voleurs. Ce coffre peut être vu aujourd'hui au Germanisches Nationalmuseum.

L'Entrée des Emblèmes de l'Empire (Reichskleinodien) le 22 mars 2014 à Nuremberg. de Paul Ritter 1883

Aujourd'hui, Nuremberg ne possède que des copies, des insignes symboliques de l’Empire … !

En 1796, lorsque les troupes françaises traversèrent le Rhin, les emblèmes gardés à Nuremberg furent déplacés, jusqu’à Vienne, où les emblèmes apportés d’Aix-la-Chapelle les rejoignirent en 1801. Lorsque le Saint Empire romain germanique fut dissout par son dernier empereur François II en 1806, les emblèmes du Saint Empire se trouvaient toujours à Vienne et y sont restées.

Toutes les tentatives légales et diplomatiques pour les faire revenir ont été infructueuses.

Cependant : après l’Anschluss, Adolf Hitler, fasciné par ces symboles du Saint Empire romain germanique, les fit rapporter à Nuremberg pour passer sous la propriété du Troisième Reich...

Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre

Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre

Quand les alliés bombardent la ville, Hitler ordonne que la lance soit cachée dans un coffre-fort et enterré... Le 30 avril 1945, les troupes américaines, réussissent à atteindre Nuremberg malgré une résistance farouche, ils récupèrent le coffre-fort et trouvent la lance. Hitler, est alors isolé dans son bunker de Berlin ; il se suicidera seulement quelques heures plus tard.

Le emblèmes de l'Empire seront restitués à l’État autrichien en janvier 1946 et conservés dans la « Schatzkammer » du palais de la Hofburg à Vienne. Nuremberg doit donc désormais se contenter de présenter des répliques de certains de ces joyaux dont la fameuse lance du centurion Longin.

Dans La légende arthurienne, le détenteur du Graal est également celui de la Sainte lance. Richard Wagner reprend la thématique dans '' Parsifal ''.

Dans son opéra, Richard Wagner identifie la lance sacrée avec deux éléments qui apparaissent dans le poème médiéval de Wolfram von Eschenbach , Parzival : une lance saignante dans le château du Graal et la lance qui a blessé le roi pêcheur .

Klingsor, devenu magicien faute d’avoir pu être chevalier du Graal s’est emparé de la Sainte lance avec laquelle il espère ravir le Graal aux Chevaliers. Un jeune homme au cœur pur, Parsifal, affrontera Klingsor et ses maléfices pour ravir la Sainte lance et la ramener auprès des Chevaliers du Graal…

Lire la suite

La rencontre avec E. Quinet – le Graal et le mythe.

7 Avril 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Allemagne, #Eschenbach, #Graal, #La Quête du Graal, #Mythe, #XIXe

Charles-Louis de Chateauneuf reçoit comme un immense privilège l'attachement du professeur Edgar Quinet (1803-1875) à son égard...

E. Quinet

Beaucoup de choses les rapprochent : le goût pour le Moyen-âge, pour les philosophes allemands et pour Madame de Staël... E. Quinet est franc-maçon. Loin d'être athée ; s'il est anti-clérical, il reste attaché à la foi chrétienne... On lui reproche d'ailleurs, à lui, et à beaucoup de maçons, un certain ''illuminisme'' ( nous sommes encore au milieu du XIXe siècle...)

Nous reviendrons plus tard sur ''la religion d'Edgar Quinet'' ...

 

Pour l'heure, Charles-Louis, parle à l'historien; pour lui faire état du parcours des ses aïeux : Roger Laron, J.- L.de la Bermondie... etc … et lui explique sa quête autour du Graal, et des templiers...

 

Edgar Quinet, connaît bien Heidelberg, c'est au cours d'un de ses séjours, qu'il a rencontré son épouse Minna... Minna qui tente de décrire à Charles-Louis, les paysages qui entourent Ansbach, et tout à côté Eschenbach... Malheureusement, elle ne peux rien dire du château de Montsalvage, cité par Wolfram von Eschenbach, dans son Parsival... Edgar et Minna sont beaucoup plus prolixes sur le beau château de Heildelberg...

Heidelberger Schloss von Carl Rottmann 1815 - Détail

Le couple Quinet, écoute avec beaucoup de plaisir, les explications sur la signification, pour Charles-Louis de ce que peut signifier cette Quête : « La recherche du 'Graal', c'est la recherche de la 'Présence' du Christ... » explique le jeune homme...

De même que le Graal peut se matérialiser par une Coupe, ou par une Pierre; la Présence se comprend et se représente selon diverses formes...

 

Parler de Présence de Jésus, alors que - personnage historique - il est mort ; c'est exprimer par la foi : qu'il est ''vivant''... Aussi, sa Présence est bien autant mystérieuse que cette du Graal ; à la différence près que la ''relique'' que représente la Coupe n'est qu'un objet ; on ne prie pas le Graal … !

Également, ''la Parole'', contenue dans la Bible, et en particulier les Quatre Evangiles, ne se modifient pas ; pourtant, la Quête du Graal, bien qu'utilisée sous les mêmes mots, est bien différente selon les époques ( comme nous l'observons ici sur ce site depuis l'époque médiévale, jusqu'à aujourd'hui), selon les cultures, et même selon les personnes....

 

Le Mythe est le seul mode adéquat de la connaissance religieuse.

En ce XIXe siècle, il faut rendre compte de la réflexion de nombreux théologiens allemands :

W. M. L. de Wette (1780-1849)

Wilheim Martin Leberecht de Wette (1780-1849), professeur à Berlin, puis à Bâle... Elève en sa jeunesse de Jakob Friedrich Fries (1773-1843), professeur à Heidelberg, libre philosophe kantien, de Wette avait beaucoup réfléchi au rôle de symbole dans la connaissance religieuse. Comme il n'est pas possible au croyant de parvenir à une connaissance de Dieu déterminée, en usant des concepts dogmatiques, inadéquats à la réalité de l 'Absolu, comme le pur sentiment l'abîme dans une sorte de vénération aveugle, seule l'organisation des symboles par le récit mythique lui permet une entrée en communication avec l'Infini.

(...)

Le mythe est  « le libre jeu de l'Esprit » et que, originairement ( le mot est important) il n'est objet ni de foi ni de vénération.

La foi crée et se nourrit de mythes et de récits qui expriment comment l'humain se tient devant son Dieu, mais qui n'ont ni visée historique ni prétention dogmatique.

(…)

Si le temps des mythes est par excellence celui d'une littérature collective et orale, quoi d'étonnant à ce que la Bible ait partagé le sort commun ?

 

David Strauss( 1808-1874) , élève à Tübingen de Ferdinand Christian Baur, devient répétiteur au séminaire protestant de la ville, mais doit abandonner son poste après la publication du Das Leben Jesu ( la Vie de Jésus) … (  traduit en français par Émile Littré entre 1839 (tome 1) et 1853 (tome 2). ) - Ce livre a scandalisé son époque en montrant un Jésus historique et non divin et par sa vision des évangiles comme récit inconscient des premières communautés chrétiennes.

L'histoire évangélique semble fondre sous la plume de Strauss. Après tous ces déblaiements, il n'est guère possible de voir dans la Bible un autre paysage qu'un « champ de ruines », selon l'expression de Quinet...

Purger tout récit des interventions divines, miracles... c'est monter qu'on ne prend pas ces textes au sérieux, avec leur poids de foi. Le Mythe souffre de dédain dans la pensée occidentale... Heyne, Schelling et leurs disciples allemands y virent au contraire la porte d'entrée dans les cultures du passé ; mieux, le chemin d’accès à une réalité que seuls les poètes et les ''croyants'' connaissent. En admettant la dimension mythique de la Bible, les théologiens allemands mirent en meilleur jour la dimension symbolique de toute connaissance religieuse.

 

Les bouillonnements culturels qui se produisent outre-Rhin intriguent les français. Victor Cousin (1792-1867) décide d'aller sur place, entreprend plusieurs voyages en Allemagne de 1817 à 1824, rencontre Schleiermacher, Goethe, Creuzer et surtout Hegel, avec qui il se lie durablement. Dans ce courant de sympathie pour la culture allemande, il entraîne bientôt Michelet, puis Edgar Quinet.

Minna Quinet en 1841

Ce denier surtout fait de très longs séjours en Allemagne où il réside de décembre 1826 à 1838. Il épouse Minna la fille d'une pasteur du Palatinat. En 1827, il fait paraître la traduction de l'ouvrage de Herder : Idées sur la philosophie de l'Histoire de l'humanité (1784-1791).

(...)

Cousin et le courant spiritualiste dont il est le chef de file sont soucieux à la fois de garder à la religion son rôle dans la société et de ne pas redonner au catholicisme la situation qu'il occupait sous l'Ancien Régime. Ils le souhaitent plus ouvert et déplorent l'inertie de la théologie française devant les innovations allemandes. Le grief devient public grâce aux articles publiés par Quinet dans la Revue des deux mondes en 1838 et 1842.

 

Sources : La Bible en France: Entre mythe et critique, XVIe-XIXe siècle, de François Laplanche (1928-2009) : historien français, spécialiste de la pensée religieuse en France.

Lire la suite

Lohengrin – le chevalier au Cygne:

22 Mars 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Lohengrin, #Allemagne, #Art, #Contes Mythes Légendes, #Eschenbach, #Graal, #Littérature, #XIXe, #chevalier, #Moyen-âge

Lohengrin et Elsa - Parzival et Condwiramurs - Gahmuret et Herzeloyde

Lohengrin et Elsa - Parzival et Condwiramurs - Gahmuret et Herzeloyde

À la fin du Moyen Âge, la légende du Chevalier au Cygne jouit d’un grand succès en langue française et connaît une extraordinaire diffusion dans la littérature germanique, qui, dès le XIIe siècle, l’associe à celle du Graal, avec l’établissement d’un lien de filiation direct entre Lohengrin et Perceval...

Pour Eschenbach, Lohengrin, en tant que fils de Parsifal, est prédestiné à la vie de chevalier du Graal.

On connait la légende du chevalier au cygne, avec Geoffroy d'Auxerre ( 1187)

«  Dans le diocèse de Cologne, se dresse au-dessus du Rhin un palais immense et fameux que l’on nomme Nimègue. C'est là que jadis, à ce que l'on dit, en présence de nombreux princes et de l'empereur, on vit aborder sur la rive une petite barque qu’un cygne tirait par une chaîne d’argent passée à son cou : tous les spectateurs se dressèrent, stupéfaits devant ce prodige. Alors un tout jeune chevalier, inconnu de tous, sauta de la barque ; et le cygne, comme il était venu, repartit en tirant la barque par sa chaîne.

Le chevalier se révéla preux au combat, de bon conseil, heureux en affaires, fidèle à ses maîtres, redoutable pour ses ennemis, plein d’amabilité pour ses compagnons et de charme pour ses amis ; il épousa une femme de noble naissance, dont la dot lui apporta la richesse et la parenté, la puissance. Enfin, après la naissance d’enfants, bien plus tard, alors qu’il se trouvait dans le même palais, il vit de loin son cygne qui revenait de la même manière, avec la barque et la chaîne. Sans attendre, il se leva précipitamment, monta dans le navire et ne reparut plus jamais. Mais de ses enfants sont nés bien des nobles et son lignage a survécu et s’est développé jusqu’à nos jours.  » ( Wiki)

 

Une autre version, qui se rattache aux miracles du Graal; raconte que celui-ci protège Elsa, fille du roi du Brabant: jeune et riche orpheline...

Lohengrin, alors qu'il vit au Château du Graal, entend qu'un tournoi se prépare en Flandres.. Le chevalier Telramund, tuteur de la princesse Elsa von Brabant, soutient ( à tort) que la jeune fille – par promesse devant le roi mourant - se devait de l'épouser, et exige qu'elle tienne sa promesse. La belle héritière nie cette version, et demande que justice lui soit rendue... L'empereur d'Allemagne, devant qui la question est posée, décrète que Telramund affronterait en duel le champion qu'Elsa voudrait bien choisir... Mais Telramund est craint, et nul chevalier n'ose se mesurer à lui...

Seul le ''Chevalier au cygne'', ainsi nommé, car il est apparu sur la rivière Scheldt assis dans une nacelle tirée par un cygne uniformément blanc, relève le défi du tuteur d'Elsa et le terrasse...

Elsa épouse son sauveur, qui lui fait jurer de ne jamais chercher à connaître ses origines ni lui demander son nom. Elsa promet, mais elle souffre de ce secret qui la sépare de son époux et fait de lui un étranger. Un soir, dans la tendresse des draps, elle ne peut s'empécher de l'interroger à ce sujet, arguant du fait de la vérité due à leurs deux enfants, elle ne pourrait pas refuser éternellement de leur réveler le nom et l'origine de leur père.

Alors, dans un grand soupir, le Chevalier au Cygne, l'emmene près de la rivière tout en lui disant:

- Mon nom est Lohengrin. Je suis l'un des chevaliers elfiques du château de Montsalvat, où est conservé le Saint-Graal.

A ce moment, le cygne à la nacelle fait à nouveau son apparition. Lohengrin grimpe dans la fragile embarcation et repart seul vers le château du Graal.

Cette version, est racontée, par des peintures murales dans le château de Neuschwanstein, construit selon les désirs de Louis II de Bavière, qui s'identifiait à Lohengrin...

 

La famille de Clèves, après l’extinction du lignage de Boulogne-Bouillon, s’est appropriée le Chevalier au Cygne comme ancêtre et rêvait de reprendre le flambeau de la croisade, pour donner à la chrétienté un nouveau Godefroy

Le duc de Clèves, le père de Marie de Clèves, s’était engagé à partir pour la croisade au fameux banquet du Faisan de Lille en 1454, avec Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Selon Olivier de la Marche, la journée avait commencé par une joute, et la promesse au vainqueur d'un riche cygne d’or...

 

Pour ce qui est du lien entre le chevalier au cygne, et le Graal; - en plus de celui d'Eschenbach - on peut noter un roman d'aventures en vers, écrit entre 1270 et 1280, nommé ''Sone de Nansay'' rédigé à l'instigation d'Adélaïde de Bourgogne. Le roman contient nombre d'allusions à des situations réelles et des personnages connus liés la cour du duché de Brabant. L'ouvrage servira à ce titre à l'éducation de Jean Ier, second fils d'Adélaïde. L'auteur, célèbre son héros, chevalier au cygne, comme le fils spirituel de Joseph d’Arimathie et en lui accordant le privilège d’une visite au château du Graal, qu’il imagine en Norvège.

Lire la suite

L'Histoire de Parzival de Wolfram von Eschenbach – 7/, - Rudolf Steiner

11 Mars 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Steiner, #Eschenbach, #Graal, #Wagner, #La Quête du Graal

En France, nous situons la légende du Graal, principalement sur l'autorité de Chrétien de Troyes, puis de Robert de Boron, et ses continuateurs... Les pays anglo-saxons, s'appuient davantage sur la version de Thomas Malory (vers 1470)... Peu - en France - semblent s'intéresser réellement au Parzival de Wolfram von Eschenbach... Il serait temps, je pense, de corriger ce point de vue...

Et, si nous privilégions cette dernière version … ?

Rudolf Steiner um 1905

Quelques suisses et allemands, bien sûr, ont préparé cette voie. Depuis Wagner, et je pense en particulier à Rudolf Steiner (1861-1925), et ses continuateurs …

Je tiens à exprimer, avant de continuer, ma répulsion devant certaines théories raciales - qui avaient cours parmi nos meilleurs scientifiques de la fin du XIXe siècle ! ( Je pense à Camille Flammarion, que je suis en train de lire …) - et qui aujourd'hui sont totalement rejetées... Steiner n'y a pas échappé ! A nous de trier, en totale connaissance et raison … Malheureusement, en Allemagne - précisément du fait de l'intérêt au XIXe siècle pour le Parzival - la légende du Graal a pu et peut encore supporter une idéologie effrayante … ! A nous d'être vigilant …

 

Rudolf Steiner est né en 1861, dans l'Empire d'Autriche , exactement aujourd'hui, en Croatie... Journaliste, conférencier, il fonde l'anthroposophie...

L’œuvre de Richard Wagner ( 1813-1883), l'interroge. Je cite R. Steiner « C'était le jour du Vendredi saint 1857, dans la villa Wesendonk au bord du lac de Zurich. Il regardait au dehors la nature qui germait, bourgeonnait, fleurissait. Et à cet instant, le lien entre la nature bourgeonnante et la mort du Christ sur la croix lui apparut avec évidence. C'est ce lien qui constitue le mystère du Saint Graal. À partir de ce moment-là, l'idée d'adresser au monde, sous une forme musicale, le message du mystère du Saint Graal, s'empara de lui. »

 

Rudolf Steiner, imagine – à la lecture du Parzival - une communauté d'hommes et de femmes, réceptrice de ce message : des Templiers, des ''Chevaliers du Graal '' ( Lohengrin..) ; et il la différencie d'une autre communauté légendaire ( anglo-saxonne) : les chevaliers de la Table Ronde...

Par exemple : Richard Wagner voyait entre le soleil et les fleurs des échanges d'énergie, des échanges entre règne divin et végétal... Le calice de la plante est le Graal ; le rayon solaire est la Lance ( sanglante)... Le sang, c'est la Connaissance ; et l'importance de la lignée ( les liens du sang)

Cette Connaissance, c'est ce qui peut être donné aux hommes sous forme de sang coulant du calice, qui s'ouvre d'en haut ...

Gauvain, parfait chevalier de la Table Ronde, neveu d'Arthur, représente l'homme face aux affaires de ce monde... Parzival, accède à l'autre communauté des chevaliers du Graal... La coupe sacrée portant le sang divin fut apportée en Europe, aux chevaliers du Graal de Montsalvage.

Wagner dit reconnaître dans le sang du Christ : « la quintessence de la souffrance consciemment désirée, qui se déverse en tant que compassion divine dans tout le genre humain, source originelle de ce dernier. » Steiner voit en Wagner quelqu'un qui « s'est approché plus qu'aucun autre du mystère originel. C'est précisément l'énergie qu'il mit dans cette démarche qui fait de lui un grand artiste. On ne doit pas le considérer comme un musicien ordinaire, mais comme un profond connaisseur des profonds secrets du Saint-Graal auxquels, pour l'humanité moderne il voulait rendre vie. »

 

Pour Steiner, les ''chevaliers du Graal'' sont les chevaliers du Verbe ; et les chevaliers du roi Arthur : les chevaliers du glaive.

« L’épée du Graal, se brise quand elle vieillit. Il faut alors la rapporter à la source ce dont il ne reste que des fragments transmis par la tradition. Le passé doit être rajeuni à la source de vie. C’est là, à la source de l’esprit que l’épée du Graal se reconstitue. » R Steiner

« Si les scènes du Parzival apparaissent toujours deux fois, c’est parce que d’abord, on y revit le passé. On s’aperçoit alors qu’il est stérile. Ensuite, se produit une rénovation, les faits sont rénovés à la source de l’Esprit et deviennent alors féconds. D’ailleurs, toutes les scènes du Graal ont un double sens, historique d’une part et universellement humain d’autre part. L’être humain, par exemple, doit toujours retourner à la source, comme Parzival, qui reste en liaison avec la source de l’esprit en envoyant constamment les chevaliers qu’il a vaincu à la femme qui veille sur la source. » R Steiner.

Willy Pogány, 'Kundry',

 

Klingsor représente les ''anciens mystères'' profanés... Kundry comme Hérodiade, est le symbole de la force de création de la nature, qui chaste ou impudique, est ''sans rênes'' … Le pur et l'impur ont en commun une réalité sous-jacente, le désir... Kundry est une magicienne noire, jusqu'à ce que Parzival la délivre : les deux possède une sagesse …

Steiner, pense que si au Moyen-âge, on pouvait comprendre le sens du texte d'Eschenbach ; aujourd'hui c'est la musique de Wagner, qui transmet le message : « Ses mélodies portent les vibrations nécessaires à la purification du corps éthérique de l'homme aspirant à recevoir le mystère du Saint Graal. »

 

Steiner - Goetheanum

Ensuite, ce qui est curieux, c'est l'intérêt géographique porté aux indications géographiques de Wolfram pour identifier les lieux de l'action ; et qui va permettre à Steiner de choisir le lieu de construction du ''Goetheanum''...

Le Goetheanum est  le siège de la Société anthroposophique universelle... Ont lieu des concerts et des spectacles d'eurythmie. En outre, plusieurs congrès s'y tiennent chaque année.

Ce lieu conçut par Steiner correspondrait à la localisation de l’ermitage de Sigune au pied de l’emplacement du ''château du Graal'' … !

Dans Willehalm et dans Parzifal, Wolfram von Eschenbach dit ne rien inventer...

Cependant, le style, le vocabulaire de Parzival, mettent en avant de nombreux artifices de langage et de style pour captiver son auditoire... On note de nombreux éléments merveilleux : heaume de diamant de Gamuret, château des reines dans lequel on retrouve vivante la mère d’Arthur, armure de Feirefils forgée par les salamandres, etc…

Tarot -21- Le Monde

Le personnage de Gauvain, prend son intérêt dans cette histoire, du fait qu'il est le double de Parzival... Sinon, historiquement, sa quête ne fait pas avancer le récit … le roi Arthur, lui-même est un personnage secondaire …

 

Il semble que Wolfram se soit basé sur des lieux réels qu’il connaît pour camper le décor de son histoire avec une grande cohérence spatiale... ( nous en reparlerons...)

Plus intéressant, c'est que déjà , dans Willehalm de Wolfram von Eschenbach, est établi le lien entre le Christianisme, les Mystères et la science Alchimique des Arabes. Ce lien s’effectue grâce à Arabel/Gybourc, la femme de Guillaume, une femme arabe d’une grande culture...

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 7 > >>