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Les légendes du Graal

1947

1947 - Louis Pauwels – Les apparitions de Marie.

13 Mai 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #Apparition, #Marie, #Pauwels

Lancelot s'est attaché aux déambulations du jeune Pauwels. Brillant, il vient de remporter un beau succès avec son premier roman, pour lequel on le compare déjà à Bernanos ; grâce auquel il a rencontré Mauriac, et avec qui il s'est confié sur son prochain livre ( et obtenu – peut-être – une préface!) : il s'agit d'une ''aventure'' dit-il, ou une méditation sur la Guerre, l'amour et la mort. Expérience pénible, avoue-t-il : « cette aventure, aggravée par l'obligation de l'exprimer, les mots sitôt lancés revenant sur moi pour m'interdire toute dérobade, m'a mis, en son milieu, corps, raison et cœur en grand péril.»

Julien Green 1947

Lancelot et Pauwels, partagent leur goût pour la lecture des romans de Julien Green. Certes, son style académique, et sa réserve fournit un surnaturel trouble, sans férocité... Pourtant, comme le dit Pauwels : « il y a chez Green cette volonté profonde d'échapper à l'apparente réalité de ce monde et d'en dénoncer l'emprise étouffante. de se refuser à la vraisemblance et de n'entreprendre le dialogue avec les êtres et les choses que dans la mesure où Il réussit à provoquer entre eux et lui cette secrète communication d'existence à existence qui, seule, justifie la création romanesque. Il s'agit pour Green, comme pour tout esprit vraiment méditatif, de résister à ce monde qui ne nous offre que des occasions de nous absenter de nous-mêmes, et de nous installer fermement dans notre dedans. Mais ainsi, pour le romancier, grâce à ce refus et à cette ascèse, s'établit peu à peu un chemin du dedans de lui-même vers le dedans des êtres et des choses. Alors, sans cesser d'être vivants et « possibles », ses personnages se meuvent dans un univers chargé de tous les mystères de la condition humaine. On voit que la démarche de Green est proprement mystique. »

Hélas, chacun regrette que sa veine romanesque se soit tarit, semble t-il, avec son dernier roman : ''Si j'étais vous...'' A moins que l'écrivain ait rejoint un certain catholicisme de la désespérance ? Plutôt que ''si j'étais vous'' , ne s'agit-il pas de dire :« si j'étais enfin moi-même ! »

 

Un jour, la discussion tourne autour des ''apparitions'' de la Vierge. Et au mois d'août 1947, Pauwels s'en va à Moissac, faire le reportage d'une nouvelle affaire :

Les apparitions ont commencé, il y a un an, pour une une enfant de 7 ans, Nadine Combalbert, qui gardait des oies à l'orée de ce bois. Elle revint chez elle, effrayée, et confia à sa mère qu'elle venait de voir la Vierge. '' Le bruit se répand rapidement et, bientôt, d'autres enfants déclarent avoir assisté à l'apparition d'une belle dame, vêtue d'une robe blanche, et ornée d'un diadème éclatant. Le mois suivant, quelques centaines de curieux font pèlerinage au bois d'Espis. Le bruit de ces merveilles ne fit que croître et, aujourd'hui, la célébrité de ce bosquet déborde les frontières.''

Le 12 août 1947, Pauwels est dans le bois d'Espis, à 4 kilomètres de Moissac.

Sa conclusion ? : - Vraiment, je ne sais à quoi m'en tenir. Rome a envoyé des enquêteurs en civil. Un ecclésiastique, qui touche de fort près l'archevêché de Tarbes, m'assure qu'il s'agit d'une psychose collective, bien entretenue par des Industriels du Centre, des royalistes angevins et un Belge très riche. Je sais encore que le prix des terrains voisins du bois a centuplé en six mois et j'apprends (mais ce renseignement est-il exact ?) que l'on a déjà collecté plus de quatre millions pour une future basilique.

En tout cas, on ne peut reprocher aux membres du clergé leur extrême prudence Ici, l'on dit que tant de mauvais vouloir s'explique par la crainte d'une concurrence faite à Lourdes par Espis. La voix des hôteliers de Moissac se joint, bien sûr, à celles des pèlerins.

Le père Douince, directeur de la grande revue jésuite de Paris Les Etudes, songeait, je crois, à faire faire une enquête sur les «Phénomènes d'Espis». Mais cette enquête s'avère maintenant impossible, car toutes les pistes ont été brouillées par les intrigues commerciales et les nombreux mystificateurs. « Au reste, nous sommes débordés », conclut le porte-parole de l'évêque. 

Ce qui est intéressant à observer, c'est que nous sommes à un moment d'apogée du culte marial, avec en 1950, l’affirmation par Pape Pie XII de la foi de l'Église en l'Assomption de la Vierge Marie . Certains parlent du retour de la Vierge en France, ainsi en 1938 dans le diocèse de Quimper à Plouvenez-Lochrist, puis à Ortoncourt dans les Vosges en 1940 ou encore à L'Île-Bouchard en Touraine en 1947.

A l’Île Bouchard, en Indre et Loire, le 8 Décembre 1947, trois petites filles ( 12, 10, et 7 ans ) passent prier à l’église pour la fête de l’Immaculée Conception. Elles voient la Sainte Vierge et l’ange Gabriel qui la contemple, un genou à terre. A l’école, leur récit leur attire les moqueries des religieuses et du curé. Elles retournent à l’Eglise où avec une quatrième voyante, elles reçoivent ce message :  « Dites aux petits enfants de prier pour la France qui en a grand besoin! »

En cette fin d'année 47, le climat social s'est alourdi, par les grandes grèves, les émeutes devant les boulangeries, la guerre froide. On est au bord de la guerre civile. Le gouvernement Schuman mobilise deux classes d’âges sous les drapeaux pour faire face aux troubles.

 

En mai 1945, Lancelot apprend que les curés des paroisses catholiques de Berlin ont l’idée de faire porter une statue de la Vierge de pays en pays pour consolider la paix toute récente. Ils pensent à une statue de Notre Dame de Fatima, qui avait dit : « Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix » (13 juillet 1917). Le projet du jeune père Demoutiez prend corps : le 13 mai 1947, une statue de Notre-Dame de Fatima part de la Cova da Iria ( Fatima) pour aller présider le congrès marial de Maastricht aux Pays-Bas, et commencer un voyage à travers les frontières d’Europe et du monde entier. Elle va voyager 10ans, parcourir le monde ; la France refusera la visite.

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1947 – L'Exodus

8 Mai 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Exodus, #1947, #Israël

Le 19 juillet 1947, paraît dans les journaux français, une information concernant un bateau transportant 4500 juifs attaqué par des navires anglais au large de Haïfa. Très peu de gens savent que ce navire nommé ''President Warfield'', affrété par l'organisation sioniste clandestine Haganah, a changé son nom, en cours de route, pour celui d'Yetzia Europa ou Exodus 47 ; et que ce bateau parti de Sète en France, a forcé le blocus et a réussi à atteindre la Palestine.

 

Lancelot est déjà informé de la difficulté de gérer pour les alliés, des milliers de réfugiés juifs ou non, refusant de retourner en Europe centrale et orientale, en raison principalement de l'antisémitisme toujours actif ( pogroms en Pologne ).

La France, pour ne parler que d'elle, a du mal à gérer et distinguer ( faux papiers ) les réfugiés juifs de l'Est. Elle n'offre pas une politique d'accueil, mais plutôt une politique de transit. Les sionistes organisent des convois clandestins et les français, les anglais et les américains se renvoient tous ces réfugiés ''illégaux'', avant de les envoyer ailleurs.

 

Pour ce qui est de l'Exodus, les anglais, sont en colère contre la France, qui a laissé partir ce navire. L'amirauté britannique a suivi l'embarquement, et mobilise une force inhabituelle pour intercepter le navire, une semaine après son départ de Sète. L’arraisonnement d’une extrême violence fait trois morts et des centaines de blessés chez les passagers.

Les anglais ont renoncé à dérouter le bateau sur Chypre, dont les camps d’internement sont maintenant surpeuplés. Les 4.500 Juifs qu’il transporte sont purement et simplement renvoyés, sur trois « bateaux-prisons» convoyés par un torpilleur britannique, à leur lieu d'embarquement, c’est-à-dire dans les eaux françaises.

 

L’unique passeport collectif de ces 4500 Juifs porte un visa colombien, mais ce visa est un faux. Le gouvernement colombien ne refuse pas de les accueillir pourvu qu’ils soient ou veuillent être agriculteurs. Mais eux ne veulent qu'aller en Terre Sainte et non ailleurs. La Grande-Bretagne s'obstine à leur refuser l’accès qui leur fut promis jadis par la déclaration Balfour, mais en contradiction avec les promesses faites aux nationaliste arabes.

Que va faire la France ?

La position de la France, déjà, lors de leur embarquement, est de faire passer les considérations d’humanité (il s’agit de Juifs échappés à l’antisémitisme toujours vivace en Hongrie, en Roumanie, en Pologne et en Allemagne) avant les obligations les plus formelles. La police française a fermé les yeux sur l'embarquement … prétextant que le Tour de France, qui passait alors dans la région, accaparait sa vigilance.

Ces 4.500 malheureux vont donc revenir, sur trois cargos anglais qui mouilleront en rade de Villefranche. Les autorités françaises sont disposées à accueillir et à traiter humainement ceux qui descendraient à terre. Les autres seront ravitaillés tant que le navire restera dans les eaux françaises. 

Le 31 juillet, Les émigrants refusent toujours de débarquer en France, ils sont décidés à rester sur les navires jusqu'à leur envoi en Palestine. Ils continuent à se plaindre des traitements qu'on leur inflige.

Une lettre, écrite en anglais, a été adressée à tous les représentants de la presse internationale, elle raconte le drame vécu par les passagers de L'Exodus.

Le 13 août, on pense que les émigrants de l'Exodus 47 resteront encore quelques Jours à Port- de-Bouc. Le destroyer « Welfare », qui fait partie de l’escorte des navires, quittera Sausset-les-Pins ce matin pour se rendra à Tunis. Il sera remplacé par un autre bâtiment venant de Malte. Quant aux émigrants de l'Exodus 47, on pense qu'ils seront dirigés sur Mombasa, au Kenya.

Le 21 août, ultimatum : si les passagers ne débarquent pas, la marine anglaise appareillera pour la zone britannique d’Allemagne.

Le 7 septembre, le premier navire transportant les errants de l'Exodus accoste aujourd'hui à Hambourg, en secteur britannique. Ce n’est que mardi que l’Exodus sera rassemblé au complet dans le port. Lors du débarquement ces personnes seront dirigées vers deux trains composés de wagons de première et seconde classes, et séparés par des plates-formes sur lesquelles prendront place des soldats. Toutes les fenêtres des wagons seront grillagées. Les trains transporteront les réfugiés juifs aux deux camps aménagés à 64 kilomètres de Hambourg.

Cette affaire a ému l'opinion publique, et accéléré la résolution de cette question de l'immigration juive vers la Palestine, par la reconnaissance de l'état d'Israël.

Il faut rappeler que - Après la guerre de 1914-18, les territoires arabophones de l'empire ottoman, ne sont pas rendus à la Turquie, mais sont mandatés au Royaume-Uni ( SDN – juillet 1922). On y prévoit un '' foyer national pour le peuple juif '' et le futur royaume de Transjordanie ( créé en mai 1946). La Palestine devient un lieu de conflit entre nationalistes juifs et arabes. En 1939, les britanniques s'engagent , auprès des arabes à diminuer fortement l'immigration juive, et écarte la perspective d'un état juif.

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies vote un plan de partage de la Palestine avec le soutien des grandes puissances, mais pas celui des Britanniques. Ce plan prévoit la partition de la Palestine en trois entités, avec la création d’un État juif et d’un État arabe, Jérusalem et sa proche banlieue étant placées sous un régime international spécial et administrée par les Nations Unies.

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L’Espèce humaine de Robert Antelme

3 Mai 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #Antelme, #déporté, #L'Espèce humaine

À sa sortie, l’ouvrage d’Antelme connaît une très mauvaise réception

Le public français peut également lire les témoignage de Jean Laffitte, ou de Paul Tillard communistes, résistants, déportés. David Rousset publie L'Univers concentrationnaire, un livre qui fait découvrir la particularité des camps nazis, par la description du phénomène concentrationnaire répressif ; il obtient le prix Renaudot en 1946.

Le témoignage de Robert Antelme, L’Espèce humaine, paraît en 1947, dans une édition plutôt confidentielle. Lancelot y prête une attention particulière parce que l'auteur tente de comprendre ce qui s'est passé ; ose t-on dire, même, de formuler un sens ?

Les années 1945-46 ont vu la publication de nombreux témoignages de la guerre, dont on a du mal à discerner le réel de la part romancée : on peut relever parmi les plus lus : Mon village à l’heure allemande (1945) de Jean-Louis Bory,  Le Bouquet ( 1945) de l’écrivain Henri Calet, Pierre Laval de Michel Letan. Des ouvrages comme Passage de la ligne de Paul Rassinier, ou L’Âge de Caïn, signé Jean-Pierre Abel, vont susciter l'indignation et sont dénoncés comme de faux témoignages.

Retour des déportés

Parmi cette littérature de témoins, bien peu de récits concernent les ''persécutés ou déportés raciaux'' , bien moins que les ''internés ou déportés politiques'' ( souvent communistes) ; au point de susciter dans le public un sentiment de ''trop plein mémoriel ''.

En 1949, Les Temps Modernes ( la revue de JP Sartre) écrit, à propos de la lecture de L’Espèce humaine de Robert Antelme : « Encore un livre sur les camps de concentration ! (…) Assez de résistance, de tortures, d’atrocités, place au sourire ! ».

Personne n'a encore accepté que l'antisémitisme a donné lieu à une extermination massive des juifs. Officiellement, n'est pas mise en avant la singularité de la tragédie juive ; l'état français ne tient pas à différencier les français déportés pour raison politique ou raciale.

 

« Il y a deux ans, durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous avons été, tous je pense, en proie à un véritable délire. Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre apparence physique était assez éloquente à elle seule. Mais nous revenions juste, nous ramenions avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante et nous éprouvions un désir frénétique de la dire telle [quelle]. Et dès les premiers jours cependant, il nous paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. Comment nous résigner à ne pas tenter d’expliquer comment nous en étions venus là ? Nous y étions encore. Et cependant c’était impossible. À peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable... » Robert Antelme.

 

Robert Antelme, nous raconte Dionys Mascolo, depuis son retour, «  parle continûment. Sans heurt, sans éclat, comme sous la pression d’une source constante, possédé du besoin véritablement inépuisable d’en avoir dit le plus possible avant de peut-être mourir, et la mort même n’avait manifestement plus d’importance pour lui qu’en raison de cette urgence de tout dire qu’elle imposait. Je crois que nous ne dormirons en tout pas plus de quatre ou cinq heures pendant les deux jours du retour. ». Sa difficulté ne vient pas de ce qu'il ne peut pas dire ; mais de ce qu'il ne peut pas être entendu. Antelme, craint de ne pas être cru, ou du moins compris.

« Les gens normaux ne savent pas que tout est possible » ( David Rousset, L’univers concentrationnaire )

Antelme montre ce qu'est vraiment un homme, à propos de son « copain » Jacques «  qui sait que s’il ne se démerde pas pour manger un peu plus, il va mourir avant la fin ; et qui marche déjà comme un fantôme d’os et qui effraie même les copains (parce qu’ils voient l’image de ce qu’on sera bientôt) et qui n’a jamais voulu et ne voudra jamais faire le moindre trafic avec un kapo pour bouffer  »

« Il était un saint, pour la seule et unique raison qu’il ne se battait plus pour ce petit supplément de nourriture, ce qui le condamnait à brève échéance. Le but est toujours d’obtenir plus que ce à quoi on a droit, la vie du prisonnier en dépend. » .

Dans un système totalitaire, l'individu est un élément interchangeable d'une communauté qui impose ses règles. Chacun est identique, et se confond au point de ne pas exister en lui-même.

Bien-sûr, l'humain en soi résiste. « Les SS qui nous confondent ne peuvent pas nous amener à nous confondre. (...) L'homme des camps n'est pas l'abolition des différences. Il est au contraire leur réalisation effective. »

Pour Antelme, le ''rêve SS'' était de distinguer dans l'espèce humaine des sous-espèces. Et réduire «  à l'état de rebut, tout ce qui pour le système nazi constituait une sous-humanité. ».

Les gardes du camp distribuent des coups, juste pour qu'ils n'oublient pas, qu'ils n'ont aucun droit.

Les bourreaux de Jacques, veulent en faire un ''non-humain'' ; et lui, leur dit « il y a des déchéances formelles qui n’entament aucune intégrité » ; lui leur prouve que ce qui fait l'homme c'est sa «  conscience irréductible »

Mais l'appartenance des bourreaux à la même espèce n'est pas davantage niable. Les pages les plus belles et les plus terribles du livre d'Antelme sont sans doute celles qui racontent ses derniers jours de captivité, les jours d'apocalypse où les gardiens, fuyant le camp dans une Allemagne en déroute, continuent à pousser devant eux, avec une férocité décuplée par la rage, leur troupeau d'esclaves, mais partagent avec eux la même misère, le même effroi, la même peur... Il sont des hommes eux aussi, malgré tout.

En 2004, Martin Crowley, va publier un essai sur Robert Antelme. La préface sera d'Edgar Morin, il écrira :

« ... Nos ennemis sont aussi humains. Nous pourrons traiter valablement les problèmes humains, ceux de l'oppression, de l'injustice, de l'inégalité, non pas en utilisant la violence destructrice et répressive, mais par des réformes en profondeur des relations entre les humains. Ces réformes comportent évidemment le développement de notre capacité de compréhension d'autrui, qui seule peut nous faire échapper à la barbarie du rejet, du mépris de la haine. Ici la référence à l'humanité est la référence à la complexité humaine. Hegel disait que si l'on désigne comme criminel une personne qui a commis un crime dans sa vie, on élimine injustement tous les autres traits de sa personnalité et de sa vie. Nous devons comprendre les bourreaux, les Staline, les Hitler, les Saddam, les terroristes des sectes ou d'Etat, les fanatiques hallucinés sont aussi humains, et que parmi leurs traits ignobles, ils ont aussi des caractères d'humanité. Sinon nous obéissons à la logique qui est la leur.. Il y a là une leçon capitale de complexité humaine, qui est celle de Robert Antelme.  (...) c'est une oeuvre dont la pure simplicité procède d'un sentiment profond de la complexité humaine. .. c'est un chef d'oeuvre de littérature débarrassé de toute littérature.  Effectivement, comme l'aurait dit Pascal, la vraie littérature se moque de la littérature. »  Edgar Morin.

En face de ce "rêve SS", affirme Martin Crowley, en appeler à l'humanisme classique ne suffit plus. Il faut un nouvel humanisme, qui fasse de ce ''rebut'', l'homme lui même.

Lancelot ses demande, si ce n'est pas là, une des propositions du Jésus des Evangiles ?

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1947 - Edgar Morin – Duras-Antelme-Mascolo

28 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #Duras, #Antelme, #Morin

Travailler pour une ''nouvelle Allemagne'' attire de la part des connaissances de Lancelot, un même type de questions, ou de réflexions. Comment se passe la convalescence d'un pays infecté par le virus nazi et dont l'abcès vient de crever ? Aura t-elle la volonté de se débarrasser de ses vieux démons ?

Certains ont du mal à voir la trace d'une volonté de pénitence quelconque. L'humiliation actuelle peut-elle lui permettre d'apprendre les règles de la démocratie ?

On craint également que l'Espagne franquiste puisse représenter une menace, en gardant en son sein les survivances d'un nazisme.

Le jeune Edgar Morin, soutenu par le parti communiste, dans son dernier livre '' L'Allemagne, notre souci.'', et après '' L'an zéro'', ne tient pas responsable le peuple allemand ; il ne s'en prend qu'à leurs dirigeants ; et même à l'administration actuelle.

Dionys Mascolo, Duras et R Antelme

Edgar Morin, explique à Lancelot comment il a rencontré Dionys Mascolo fin 1943, avenue Trudaine, le vélo à la main. Leurs deux mouvements de résistance fusionnaient. Il avait 22 ans, Dionys 27 ans. Edgar Morin, était persuadé que l'Union soviétique sauvait le monde du nazisme ; le communisme d'après-guerre serait celui du dégel et notre libération.

« Mascolo me parlait souvent d’une certaine Mme Leroy, le pseudonyme de Marguerite Duras, qui s’occupait alors des familles arrêtées et déportées et se consacrait à la recherche éperdue de Robert Antelme, son mari »

Dionys Mascolo, connaissait M. Duras, depuis 1942. Il travaillait chez Gallimard, elle était secrétaire de la commission qui attribuait du papier aux éditeurs. En 1943, elle publie son roman Les impudents. Mariée, depuis 1939, à Robert Antelme ; ils emménagent, au 5 rue Saint-Benoît, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés de Paris.

Le mouvement de résistance, peu gaulliste, est dirigé par François Mitterrand et se réunit dans l’appartement de Duras, rue Saint-Benoît.

Le groupe tombe dans un guet-apens, Marguerite Duras réussit à s’échapper avec l’aide de Mitterrand. Le 1er juin 1944, Robert Antelme (27 ans) et sa sœur Marie-Louise sont arrêtés et emprisonnés à la prison de Fresnes. En août 1944, alors que Robert Antelme est déporté dans un camp de travaux forcés à Buchenwald, Marie-Louise est envoyée à Auschwitz où elle périt.

Lors de la retraite nazie, le 4 avril 45, 450 détenus survivants commencent leur « marche de la mort » vers le camp de Dachau, atteint 3 semaines plus tard.

Le camp est libéré par les américains, Robert Antelme est mourant, malade du typhus.

Le 30 avril, François Mitterrand en mission officielle à Dachau, est interpellé par un homme qu’il ne reconnaît pas tout de suite. Il s’agit de Robert Antelme qui ne pèse alors guère plus de 30 kg et n’a pas l’autorisation administrative de sortir du camp (placé en quarantaine). Alertés, ses amis Dionys Mascolo et Georges Beauchamp, en voiture officielle et faux papiers réussissent à le faire sortir clandestinement, caché sous une capote militaire, et à le maintenir en vie jusqu’à son retour en France et sa prise en charge médicale.

Une année est nécessaire afin qu’il puisse se rétablir complètement.

Edgar Morin, continue son récit : « Lors de l'insurrection de Paris Violette et moi avons rejoint Dionys et Marguerite Duras au siège du Petit Journal, occupé par notre mouvement. »

M Duras et R Antelme

En 1945, M. Duras fonde avec Robert Antelme, les Éditions de La Cité universelle, qui publient, en 1946, « L’An zéro de l’Allemagne » d’Edgar Morin, les œuvres de Saint-Just présentées par Dyonis Mascolo et, en 1947, « L’Espèce humaine » de Robert Antelme qui raconte son expérience quotidienne des camps, en mettant en lumière ce que la déportation a révélé en lui : « ce sentiment ultime d’appartenance à l’espèce humaine ».

Le '' groupe de la rue Saint-Benoît '' - la rue St-Benoît est une petite rue qui coupe le boulevard Saint-Germain, une rue tranquille qui part du coin du café de Flore que Marguerite fréquente beaucoup - s’élargit au contact d’intellectuels tels que Maurice Blanchot, Jean Schuster, Maurice Merleau-Ponty, Claude Roy, et surtout Edgar Morin qui convainc Mascolo, Antelme et Duras d’adhérer au parti communiste. En effet, à la Libération, beaucoup adhèrent au PCF, « amoureux de l'idée communiste » plus que de l'appareil de plus en plus stalinien.

Le trio Marguerite Duras, Robert Antelme et Dionys Mascolo est le coeur de ce groupe, qui s'élargit au gré des amitiés, tous à la recherche de la juste philosophie. On y croise donc, Sartre, Camus, Georges Friedmann, Emmanuel Mounier, Lacan, Barthes, Alain Touraine, Claude Lefort...

Marguerite divorce de Robert en 1946, alors qu'elle est déjà en couple avec Dionys. Sans rivalité entre eux, une fraternité profonde unit les deux hommes. Mascolo épouse Duras, avec qui elle a un fils, Jean.

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1947 - Martin Heidegger

18 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #Pauwels, #Heidegger

Louis Pauwels 1955

Louis Pauwels (1920-1997), journaliste à Combat, voudrait rencontrer Heidegger. Lecteur au Seuil, il vient de publier un roman, '' Saint Quelqu'un '' qui retient l'attention des critiques. Lancelot a été séduit. Il s'agit , d'un homme ''ordinaire'' qui est amené suite aux circonstances, à '' s'évader '' de sa vie. C'est en effet, l'objet de la recherche de Pauwels. Un soir, il entretenait ses collègues à s'intéresser à Sri Aurobindo, du côté de l'Inde ; il voyait chez ce maître un dépassement de certaines limites dans lesquelles nous serions, nous chrétiens, enfermés. Son héros, a du mal lui-même à se situer « Je ne suis plus, pense t-il, je suis tout ce qui existe, je suis la lumière de ce qui existe. ». Ce détachement de soi, recherché dans le yoga, rejoint ici une extrême insensibilité qu'il va éprouver devant le cadavre de son petit garçon... C'est aller trop loin, pense Lancelot.

Pauwels s'enquiert auprès de Lancelot, de la difficulté à joindre Heidegger. D'autant que le conseil de l’Université de Fribourg a édicté à son encontre une interdiction définitive d’enseigner, en janvier 1946, en raison de son engagement nazi. Pourtant, depuis, que Sartre a fait, dans L'Etre et le Néant, référence au ''maître de Fribourg'', sa notoriété ne fait que grandir en France.

Précisément, en 1947, Martin Heidegger (1889-1976) s'adresse à ses disciples français, dans une '' Lettre sur l'humanisme'', et revient sur sa pensée depuis '' Etre et Temps'' (1927 - Sein und Zeit ). Lancelot et Pauwels se remémorent le concept qu'Heidegger a avancé avec le mot '' Dasein '', il peut se traduire par '' être-là'' '' être-présent'' et renvoie au mode d’existence de l’homme en tant que son être propre lui importe et en tant aussi que la possibilité de sa mort lui est constamment présente.

Heidegger

- En effet, cela va plus loin que le ''cogito'' de Descartes : ce n'est pas seulement le ''je'' qui pense, et qui en déduit qu'il ''est''.

- Comment Heidegger en arrive t-il à critiquer l'humanisme ?

- Aujourd'hui, l'humanisme affirme une volonté, vecteur d'une liberté capable de se façonner elle-même, sans essence qui précéderait son existence, propriétaire de la nature.

Heidegger montre que cette conception humaniste de l’homme tend à l’enfermer dans une seule vision de la réalité.

- Ah ? Pourtant, on peut être humaniste avec des visions différentes de la liberté, et de la ''nature '' de l'homme. Marxisme, existentialisme, christianisme, se réclament de l'humanisme ; ils sont différents … ! ?

- Oui, et - c'est essentiel - ils « tombent pourtant d’accord sur ce point que l’humanitas de l’homo humanus est déterminée à partir d’une interprétation déjà fixe de la nature, de l’histoire, du monde, du fondement du monde, c’est-à-dire de l’étant [ce qui est] dans sa totalité. ».

- Le problème, ce serait cette interprétation fixe ?

- Et son caractère universel.

- Heidegger s'écarte de l'existentialisme selon Sartre, non ?

- Pour Sartre, l'humanisme consiste à affirmer l'individu et à le poser comme fondement de la valeur. Pour Heidegger, l'humanisme est « souci de l’Être ».

- Nous ramenons souvent l'humain à sa pensée, une pensée technique ( penser avant de faire) pour maîtriser le monde. L'homme est ''humanitas'' avant d'être un animal rationnel.

- D'ailleurs Heidegger nous invite à « réapprendre à habiter le monde en poète »

- Je reprends là un petit extrait de son texte : « Ce n’est qu’à partir de la vérité de l’Être que se laisse penser l’essence du sacré. Ce n’est qu’à partir de l’essence du sacré qu’est à penser l’essence de la divinité. Ce n’est que dans la lumière de l’essence de la divinité que peut être pensé et dit ce que doit nommer le mot ''Dieu'' » ( Lettre sur l'humanisme ...)

Cela pourrait signifier que : - Ce n’est plus l’Être qui vient de Dieu, c’est Dieu qui vient de la vérité de l’Être…

- Si je reformule : L'être est ce qui fait advenir autant la divinité que l'humain. Dieu ne peut être sans l'être. Nous ne pouvons savoir ce qu'est Dieu, nous avons seulement accès à l'expérience que nous faisons de ce dieu.

Nous n'irons pas plus loin dans cet échange ; d'autant que chacun reconnaît la complexité de la pensée de Heidegger, et de plus, à partir d'une traduction.

Martin Heidegger

Lancelot, prévient Pauwels que '' l'ermite de la forêt noire '', redoute en effet la visite de français qui ne cessent de le solliciter. S'il n'est pas en son domicile de Fribourg, il sera dans sa retraite de Todtnau Bord ( la montagne de la mort...?). Son refuge est un petit chalet, avec une pièce dortoir et un bureau. L'occasion sera un article pour la revue Fontaine.

C'est finalement, Alexandre Astruc, qui remplit cette mission.

Heidegger, dans son refuge, est en pleine méditation sur la bombe atomique, qui a « une importance capitale dans le domaine de la métaphysique. Elle marque la fin de l'âge technique. C'est son aboutissement, vous comprenez... Il y a eu Descartes, Leibniz, le machinisme. Mais, ici, la technique se détruit elle-même. » (…) «  Ce qui est capital, ce n'est plus la découverte technique elle-même, mais la conscience que l'homme a de pouvoir détruire la création. J'insiste sur ce terme de ''conscience ''. »

Astruc l'interroge sur la liberté et la morale : « Il ne faut pas oublier que la réalité humaine (l'existence) est aussi vérité, c'est-à-dire valeur. Dans la vie banale, nous n'avons pas conscience de cette valeur. C'est le rôle de la métaphysique comme de l'art de la révéler à l'homme. Cette vérité existe indépendamment de l'homme, elle est avant lui. »

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1947 - Teilhard de Chardin.

13 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Teilhard de Chardin, #1947, #Lavelle, #Science

Lancelot a réussi à retrouver Dominique Dubarle (1907-1987), dominicain, théologien, philosophe et scientifique. Le père Dubarle, lui annonce aussitôt le retour en France de Teilhard de Chardin

Dubarle est convaincu que le progrès des sciences et des techniques provoque une rupture dans le cours de notre civilisation, c'est à dire a un impact sur l'humain et son devenir, sur notre culture. Il est donc nécessaire d'actualiser notre discours sur la foi. N'est-il pas important de reconnaître dans la philosophie de la science, un matérialisme et une œuvre spirituelle ?

Nous avons abandonné notre vision ancienne du cosmos, sous la pression d'une vision scientifique matérialiste du monde. La réalité du spirituel ne contredit pas l'explication matérialiste.

Teilhard de Chardin

C'est d'ailleurs un point important de la discussion qui s'est déroulée le 21 janvier 1947, organisée par l'équipe '' Science et conscience '' du CCIF, entre le P. Teilhard de Chardin et Gabriel Marcel.

Un débat fort intéressant qui a fait défendre par Teilhard l'idée que « l'effort collectif pour pénétrer les secrets de la matière est un acte spirituel », et « plus l'acte est spirituel, plus il peut être hautement christianisé si l'Esprit le complète »...

G. Marcel, est sceptique : il envisage par exemple, la conscience des médecins des camps de concentration, des savants nazis: « qu'il y a t-il là d'hominisant ? » N'est-ce pas plutôt une conception anti-chrétienne, qui nous ramène à l'homme prométhéen ?

Teilhard répond : «  ce qui fait l'homme prométhéen, c'est le refus de transcender son geste.. »

Tous les deux sont d'accord pour reconnaître la fêlure profonde que le mal a introduite dans la condition humaine... L'homme oscille de l'invocation au refus. G. Marcel voit dans le collectivisme et la technique , une nouvelle manifestation de l'esprit prométhéen.

Gabriel Marcel

Note : Prométhée « Le héros enchaîné [qui] maintient dans la foudre et le tonnerre divins sa foi tranquille en l’homme. C’est ainsi qu’il est plus dur que son rocher et plus patient que son vautour. Mieux que la révolte contre les Dieux, c’est cette longue obstination qui a du sens pour nous. » Camus. - Camus dirait, qu'un '' esprit prométhéen '', prône sa foi en l’homme, en l’action et la transformation de la nature.

Teilhard ne nie pas le mal, mais pour lui la technique est un effort pour spiritualiser la matière, pour assimiler le cosmos à l'homme, et donc pour enrichir le plérôme ; le «plérôme» : « la mystérieuse synthèse de l'Incréé et du Créé, la grande complétion de l'Univers en Dieu».

L'idée de collectivisation, ne le gêne pas, elle crée une complexité nouvelle , et permet la maturation de l'humain, dit-il : ce serait l'ultra-humain....

Dans le même cadre, Lancelot, au mois de mai, entendit Louis Lavelle ( ce philosophe donnait des cours privés à Elaine, c'était en 1938.) répondre devant un abondant public à la question : '' A quoi sert le monde ? '' - L'homme, tout en étant dépendant du monde, peut – par sa vie spirituelle – se dégager des réalités extérieures ; Il s'agit donc – au-delà de la société des corps – d'assurer des rapports plus étroits entre les esprits. Le monde et nos limites, sont une épreuve, mais une épreuve féconde.

Teilhard ne partage pas cette conception. Il regrette l'opposition Dieu-Monde. « Être c'est s'unifier », dit-il. Le Monde ( le cosmos...) n'est pas un obstacle, au contraire.

Le père reconnaît la crise actuelle de la conscience ; mais il a une confiance philosophique ( et chrétienne) sans faille dans l'avenir humain.

Le mal c'est le prix de l'être. La création ( le multiple ) permet l'apparition du mal. Le multiple évolue vers l'unification ( bien).

Le Père reconnaît que le mal devient de plus en plus grave ( la bombe atomique) : - « cela laisse en suspens le succès de l'univers. Mais par l'infaillibilité statistique des libertés, rien n'empêche une vérité de monter. »

Certains philosophes « se meuvent encore dans un Univers pré-galiléen » : «  une des dimensions les plus essentielles du '' Phénomène '' , qui n'est pas d'être perçu par une conscience individuelle, mais de signifier à cette conscience individuelle, qu'elle se trouve incluse dans un processus universel de '' noogénèse '' ( qui aboutit à une noosphère) ».

Lancelot est émerveillé par cette représentation du Monde. Hélas Teilhard ne publie pas, le père refuse les grands conférences, et préfère des rencontres dites ''privées'' ( et parfois peuplées).

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1947 – La science prolétarienne.

8 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #science prolétarienne, #Morin, #Desanti, #Lyssenko

Dominique Desanti 1949

Geneviève, impressionnée par l'engagement de Dominique Desanti au parti communiste, s'engage avec elle dans le ''Mouvement de la paix''. Il s'agit de préparer un congrès mondial des partisans de la Paix.

Au Parti Communiste français, Victor Leduc, directeur d'Action, professeur de philosophie, est chargé de passer les consignes aux différents cercles d'intellectuels; sous la responsabilité de Laurent Casanova et de Louis Aragon, Il s'agit de faire l'apologie du réalisme socialiste, et d’insister sur l'apport soviétique : « en ce qui concerne les philosophes ( au sens large), je les engage à exalter l'apport de Staline au marxisme-léninisme, la science prolétarienne. » ( Leduc)

Victor Leduc ne manque jamais de demander aux physiciens de dénoncer l'interprétation idéaliste du deuxième principe de la thermodynamique. Il tempête contre l'indéterminisme de la théorie des quanta. Il appartiendra aux chimistes de faire traduire et de diffuser la ''théorie soviétique de la structure chimique'' et de lutter contre celles de la ''résonance'' et de la ''mésomérie''.

Lyssenko

Louis Aragon et Pierre Daix, parlent de ''science prolétarienne'' et se réfèrent aux théories du biologiste et agronome Trofim Lyssenko (1898-1976) qui remettent en cause chromosomes et gènes.

« Grâce à Lyssenko, l'homme n'est pas un loup pour l'homme » (Pierre Daix)

Et, c'est en février 1949, que Laurent Casanova, évoque une « science prolétarienne » qui serait en opposition à une « science pure » et à une « science bourgeoise », et provoque la gène des scientifiques communistes...

Jean-Toussaint Desanti est chargé de donner une épaisseur épistémologique à la thèse des « deux sciences. » ( science bourgeoise et science prolétarienne ). Il soutient que la science, est une « idéologie historiquement relative ». La science serait-elle donc un discours sur le monde comme un autre, ni plus ni moins vrai... ?

Lancelot et Geneviève se disputent sur ce que Lancelot qualifie d'intransigeance de l'idéologie communiste. Comme Marguerite Duras, il estime que les Desanti se laissent entraîner par le vent inquisiteur de la stalinisation. Après une littérature au service du parti, ils défendent l'idée d'une science qui serait ''prolétarienne'' ! ? La science serait donc sous influence de la classe sociale ?

« Il y a, bien sûr, science bourgeoise et science prolétarienne, tant pis pour ceux qui rient; en biologie, le conservateur a tendance à être fixiste, le « front populaire » évolutionniste, les radicaux demeurant dans la pure tradition darwinienne, les socialistes réformistes séduits par le lamarkisme et le dialecticien communiste fatalement attiré par les Weismann, de Vries, Giard... » Vailland, Drôle de jeu, 1945

Dominique Desanti, avoue choisir le ''courant du parti'', au ''courant de l'amitié''. Elle accepte de brûler ses idoles, « comme les missionnaires l’exigeaient des païens convertis. Rester animiste, c’est-à-dire adepte des esthétiques considérées comme décadentes, et se déclarer marxiste ne convenait plus. Avant la création de La Nouvelle Critique, on louvoyait. Là, nous nous trouvions au pied du mur. Je jetais au bûcher les dieux de ma première jeunesse en persiflant Gide ».

Entre communistes, on hésite pas à dénoncer '' les coucheries de Marguerite et son obscénité''. Duras ne reprendra pas sa carte en 1949 ; et Antelme sera exclu.

Edgar Morin

 

Jusqu’en 1947, Edgar Morin partage un appartement rue Saint-Benoît avec Marguerite Duras, Robert Antelme, Dionys Mascolo, sortant le soir pour écouter Boris Vian trompetter au Tabou ou Juliette Gréco au Vieux-Colombier. « Marguerite cuisinait des déjeuners franco-vietnamiens et des dîners de fête réunissant les Queneau, les Merleau-Ponty, les René Clément, Georges Bataille ».

Edgar Morin, et Mascolo contestent l'accusation ''d’agents américains'', et d'autres plus grotesques, accolées à Sartre et Merleau-Ponty. Suite à un article (1951) qu'il écrit pour pour l'Observateur, il sera convoqué par Annie Kriegel ( Annie Besse) et exclu. « Ce fut comme un chagrin d'enfant, énorme et très court. » dira-t-il.

Morin ( 28 ans) travaille sur une réflexion de la manière dont les civilisations ont construit et vécu la question de la mort ( L'Homme et la Mort, paraîtra en 1951). C'est assez original ; puisqu'il ose une étude transdisciplinaire. Pour lui l'humain est à la fois rationnel et relié à l'imaginaire. Sa motivation est d'ordre matériel pour organiser sa survie, et sans se couper du mythe, de l'imagination.

Homo sapiens a conscience de la mort et peut en même temps admettre la disparition de sa chair, et croire en une vie au-delà de la mort. Homo sapiens, malgré sa peur, est capable de risquer sa vie pour une cause supérieure : la famille ou la patrie.

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1947 - Un monde bipolaire.

3 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #De Gaulle, #Marshall, #Communisme

1947 : Une année en France, dont on se souviendra : c'est l'année de la mise en place de la IVe République, qui doit immédiatement faire face à la menace du Parti communiste ( « ils ne sont pas à gauche, ils sont à l'Est. » comme dira V. Auriol ) et à celle du Général de Gaulle, tous deux s'estimant incarner le recours à la politique du passé.

L'hiver toujours froid oblige à gérer avec soin son attribution de charbon. Les repas chez soi, ou au restaurant, sont qualifiés de jours ''avec'' ou jour ''sans'' (viande) ; d'ailleurs les boucheries ou les boulangeries n'ouvrent que deux ou trois jours par semaine.

Le ministère de la Défense où travaille Lancelot, vit difficilement l'entrisme des communistes au sein de sa direction. En septembre 45, Charles Tillon, nommé ministre de l’Air, met ses services civils sous la tutelle du PC, son départ en fin novembre soulage le commandement militaire.

Le 16 janvier 1947, c'est l'élection de Vincent Auriol à Versailles, comme président. Il rejoint l'Elysée, ''vide'' depuis 7 années. Le gouvernement est socialiste, gouverné par Paul Ramadier.

Le communiste Pierre Billoux devient ministre de la défense, et va proposer un projet d'une « nation en armes ».

De Gaulle à Strasbourg 1947

Ainsi, s'installe un tripartisme : PCF, Socialistes, MRP. Le général de Gaulle propose le 7 avril 1947, devant une foule immense : un Rassemblement du peuple français (RPF) qui se veut '' au dessus des partis '' ou du moins au dessus des clivages politiques. Beaucoup s'interrogent : un militaire, qui se pose au-dessus des partis, ne deviendra t-il pas, un autocrate ?

Les ministres socialistes et démocrates-chrétiens se désolidarisent des ministres communistes, alors que les mouvements sociaux se multiplient, que la guerre continue en Indochine et à Madagascar ; et qu'enfin Ramadier, les congédie du gouvernement ( 5 mai 1947 ).

La situation internationale se tend, entre le plan américain Marshall de reconstruction économique et le rapport soviétique Jdanov qui fixe à tous les partis communistes une nouvelle ligne anti-impérialiste.

La pénurie en Europe inquiète les américains. Un risque de faillite peut amener des révolutions. Il s'agit de freiner l’expansion soviétique et d'ouvrir de nouveaux marchés à l'économie américaine.

Les USA proposent leur aide à tous : il s'agit d'aider ''les amis'' de l'Amérique, sans être accusé de couper le monde en deux. Staline refuse, et exerce des pressions contre les pays qu'elle occupe et qui montrent leur intérêt.

Le Plan Marshall a, de fait, l'objectif d'aider les pays à se réformer, s'enrichir, et à résister au communisme; ses adversaires y voient une colonisation américaine ; et ses partisans un des bastion du monde libre. C'est le début de la guerre froide, et peut-être de la reconstruction européenne...

 

Déjà, le 5 mars 1946 au Westminster College, de Fulton (Missouri), en présence du président Truman, Winston Churchill prévenait dans un discours :« De Stettin dans la Baltique jusqu'à Trieste dans l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. » . C'était la première fois que l'on employait l'expression de ''rideau de fer ''.

 

De début avril à la fin octobre 47, chaleur et sécheresse obligent la population à subir des restrictions d’eau ; et en même temps, la ration quotidienne de pain est ramenée, au 1er mai, de 300 à 250 grammes, en cause une récolte peu satisfaisante due aux gelées.

Au ministère, ce 1er juillet 1947, la parole se lâche avec l'annonce dans les journaux de la découverte dans la cheminée du château de Lamballe, d'un « plan bleu », un projet d'attaque armée contre les institutions actuelles. Nous avions connaissance, depuis l'année dernière, sans l'évoquer librement, de l'existence d'un ''maquis noir'' qui groupait des ''vichyssois'', des collaborateurs, des résistants d'extrême droite. M. de Vulpian ( château de Lamballe), le général Guillaudot, le commandant Loustaneau-Lacau et Max Jacquot, ont été arrêtés. On parle aussi de maquis rouge , avec des communistes, et de maquis blanc, avec des gaullistes, des catholiques.

Le ministre de l'Intérieur Edouard Depreux a tenu à dévoiler à la presse cette opération, et rallier autour du gouvernement toutes les forces démocratiques, au moment du départ des députés communistes.

 

A l'automne, aux élections municipales, le RPF obtient déjà 36% des voix, et s'empare des grandes villes de France.

En France, à présent le RPF mène l'opposition, et les communistes animent les grèves, aux côtés de la CGT. Une partie non-communiste du syndicat, va faire scission et former la CGT-FO.

Le gouvernement Ramadier quitte le pouvoir en novembre 47, pour être remplacé par un gouvernement MRP ( démocrate chrétien ), mené par Robert Schuman.

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