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Les légendes du Graal

science proletarienne

Une science prolétarienne

7 Octobre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Science, #science prolétarienne, #Joliot-Curie, #Communisme

Eugénie Cotton et M-C. Vaillant-Couturier

Geneviève par l'intermédiaire de son intérêt pour les sciences, se rapproche d'Eugénie Cotton, la présidente d’honneur de l'UFF qui vient de recevoir le prix Staline pour la Paix. Eugénie Cotton (1881-1967) est une scientifique française, physicienne et directrice de l’École normale supérieure de jeunes filles

Elle a publié plusieurs articles et contribué à la compréhension du paramagnétisme et à son application à la chimie analytique.

Geneviève est très fière de fréquenter quelques férus de science matérialiste ; certains lui auraient ''ouvert les yeux'', notamment, sur la Relativité et Einstein que personne n'ose critiquer.

Ainsi, Geneviève soutient à Lancelot que la Relativité avait été abordé avant Einstein, que c’est Lorentz qui l’a créée, et Poincaré qui l’a complétée et généralisée. Lancelot veut bien l'envisager ainsi, pour un début de réflexion ; mais - répond Lancelot - c'est quand même Einstein qui a éliminé l'hypothèse de l'éther, et affirmé que la vitesse de la lumière était constante, indépendamment de la vitesse de la source ou de l'observateur ! Et, surtout : c'est Einstein qui a généralisé sa théorie pour inclure une nouvelle proposition d'explication de la gravitation...

Geneviève répond que les deux hypothèses de la constance de la vitesse de la lumière, et aussi de l’équivalence entre la masse et l’énergie, sont arbitraires et sans fondement. Elles conduisent à des résultats absurdes et incompatibles avec les faits observés.

Lancelot s'étonne de ce genre de propos ; mais Geneviève insiste et prétend qu'Einstein n'a fait qu'obscurcir et déformer, ce que l'on avait découvert avant lui.

- L'Amérique veut nous faire croire qu'il s'agit là d'une révolution scientifique, « alors qu’il ne s’agit que d’une régression idéologique. Einstein a servi les intérêts de la bourgeoisie capitaliste, qui cherchait à discréditer la science classique et à imposer sa vision du monde. » 

Frederic Joliot-Curie

 

C'est ainsi, que la notion de ''science prolétarienne'' vient s'affronter à ce qu'elle nomme la ''science bourgeoise''

Étonnamment, Frédéric Joliot-Curie, lui-même, défend le concept dans la revue “Les Lettres françaises” en 1948.

  • « La science prolétarienne est une science qui se développe dans les pays socialistes, sous la direction du Parti communiste. Elle est fondée sur le matérialisme dialectique et historique, qui est la philosophie du marxisme-léninisme. Elle vise à découvrir les lois de la nature et à les utiliser pour transformer le monde en fonction des besoins du peuple et du progrès social. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se distingue de la science bourgeoise par son contenu, sa méthode et son but. La science bourgeoise est une science qui reflète les intérêts de la classe dominante, qui s’appuie sur des dogmes et des préjugés, qui s’isole de la réalité concrète et qui sert à justifier l’exploitation et la guerre. La science prolétarienne est une science qui reflète les intérêts de la classe ouvrière, qui s’appuie sur l’expérience et la pratique, qui s’intègre à la réalité concrète et qui sert à libérer l’humanité de l’oppression et de la misère. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se manifeste par des résultats concrets et révolutionnaires dans tous les domaines. Elle a permis à l’URSS de réaliser des exploits sans précédent dans l’industrie, l’agriculture, la médecine, la culture, la défense nationale et la conquête spatiale. Elle a permis aux pays socialistes de se développer rapidement et harmonieusement, en assurant le bien-être matériel et moral du peuple. Elle a permis aux pays coloniaux et semi-coloniaux de se libérer du joug impérialiste et de s’engager sur la voie du socialisme. »

 

Lancelot s’interroge : comment une vision politique peut-elle influer sur la science et ses découvertes, ou inversement ?

-La science communiste, qui s'affirme progressiste et matérialiste, s'enracine dans les enseignements de Mitchourine, qui soutenait lui-même : « C'est uniquement sur la base de la doctrine de Marx, d'Engels, de Lénine et de Staline qu'on peut réorganiser entièrement la science. »

La science bourgeoise, idéaliste et mystique, fondée par des biologistes réactionnaires , défendrait donc la « théorie de la mutation », et serait l’ennemie de toute la pensée rationnelle.

Lyssenko et Staline

 

Geneviève prend un exemple : la génétique. La science soviétique a bâti ses succès sur la théorie de Ivan Mitchourine, selon laquelle l’environnement peut modifier l’hérédité des organismes vivants. Aujourd'hui Trofim Lyssenko (1898-1976) enseigne, sur cette base l'idée selon laquelle les caractéristiques acquises par les plantes et les animaux peuvent être transmises à leur descendance.

La science bourgeoise, ne reconnaît toujours pas - appuyée sur Mendel, un religieux autrichien, et Morgan, un scientifique américain, opposée en cela aux '' lois de la dialectique '' - l'influence fondamentale du milieu extérieur... !

* Je note que Gregor Mendel (1822-1884), moine tchèque, découvre les prémices de la génétique et propose le concept de gène. Ces notions vont être reprises au début du XXe siècle, et Thomas Morgan (1866-1945), généticien américain, montre que les gènes sont localisés sur les chromosomes, structures présentes dans le noyau des cellules, mais dont on ne connaît pas encore nature chimique.

 

Lancelot ne connaît pas assez le sujet ; cependant, il s'est renseigné et fait part du scepticisme de la plupart des scientifiques et dénoncent même l'erreur de propositions comme, celle de dire qu'une espèce pouvait être transformée en une autre (par exemple, l’orge en seigle) ; et que l’obtention de caractères voulus pour un organisme provenait non pas de la sélection naturelle (une imposture bourgeoise), mais de la coopération entre individus. A croire que les plantes, pouvaient subir une '' rééducation socialiste '' et devaient être plantées en groupes pour que les éléments faibles puissent se sacrifier pour les forts... !

Bien-sûr, il n'est pas absurde de penser que l'environnement influence les informations héréditaires des organismes... Que la génétique n'est pas aussi déterministe qu'elle semble l'être...

 

En 1950, le manifeste du PCF affirme donc qu’il y a maintenant une science bourgeoise et une science prolétarienne, et que la science « est aussi affaire de lutte de classes, affaire du parti ».

Geneviève insiste encore et valorise la cohérence d'un intellectuel, un scientifique qui adhère au communisme et le fait, par la même rationalité qui le conduit dans ses recherches.

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1947 – La science prolétarienne.

8 Avril 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1947, #science prolétarienne, #Morin, #Desanti, #Lyssenko

Dominique Desanti 1949

Geneviève, impressionnée par l'engagement de Dominique Desanti au parti communiste, s'engage avec elle dans le ''Mouvement de la paix''. Il s'agit de préparer un congrès mondial des partisans de la Paix.

Au Parti Communiste français, Victor Leduc, directeur d'Action, professeur de philosophie, est chargé de passer les consignes aux différents cercles d'intellectuels; sous la responsabilité de Laurent Casanova et de Louis Aragon, Il s'agit de faire l'apologie du réalisme socialiste, et d’insister sur l'apport soviétique : « en ce qui concerne les philosophes ( au sens large), je les engage à exalter l'apport de Staline au marxisme-léninisme, la science prolétarienne. » ( Leduc)

Victor Leduc ne manque jamais de demander aux physiciens de dénoncer l'interprétation idéaliste du deuxième principe de la thermodynamique. Il tempête contre l'indéterminisme de la théorie des quanta. Il appartiendra aux chimistes de faire traduire et de diffuser la ''théorie soviétique de la structure chimique'' et de lutter contre celles de la ''résonance'' et de la ''mésomérie''.

Lyssenko

Louis Aragon et Pierre Daix, parlent de ''science prolétarienne'' et se réfèrent aux théories du biologiste et agronome Trofim Lyssenko (1898-1976) qui remettent en cause chromosomes et gènes.

« Grâce à Lyssenko, l'homme n'est pas un loup pour l'homme » (Pierre Daix)

Et, c'est en février 1949, que Laurent Casanova, évoque une « science prolétarienne » qui serait en opposition à une « science pure » et à une « science bourgeoise », et provoque la gène des scientifiques communistes...

Jean-Toussaint Desanti est chargé de donner une épaisseur épistémologique à la thèse des « deux sciences. » ( science bourgeoise et science prolétarienne ). Il soutient que la science, est une « idéologie historiquement relative ». La science serait-elle donc un discours sur le monde comme un autre, ni plus ni moins vrai... ?

Lancelot et Geneviève se disputent sur ce que Lancelot qualifie d'intransigeance de l'idéologie communiste. Comme Marguerite Duras, il estime que les Desanti se laissent entraîner par le vent inquisiteur de la stalinisation. Après une littérature au service du parti, ils défendent l'idée d'une science qui serait ''prolétarienne'' ! ? La science serait donc sous influence de la classe sociale ?

« Il y a, bien sûr, science bourgeoise et science prolétarienne, tant pis pour ceux qui rient; en biologie, le conservateur a tendance à être fixiste, le « front populaire » évolutionniste, les radicaux demeurant dans la pure tradition darwinienne, les socialistes réformistes séduits par le lamarkisme et le dialecticien communiste fatalement attiré par les Weismann, de Vries, Giard... » Vailland, Drôle de jeu, 1945

Dominique Desanti, avoue choisir le ''courant du parti'', au ''courant de l'amitié''. Elle accepte de brûler ses idoles, « comme les missionnaires l’exigeaient des païens convertis. Rester animiste, c’est-à-dire adepte des esthétiques considérées comme décadentes, et se déclarer marxiste ne convenait plus. Avant la création de La Nouvelle Critique, on louvoyait. Là, nous nous trouvions au pied du mur. Je jetais au bûcher les dieux de ma première jeunesse en persiflant Gide ».

Entre communistes, on hésite pas à dénoncer '' les coucheries de Marguerite et son obscénité''. Duras ne reprendra pas sa carte en 1949 ; et Antelme sera exclu.

Edgar Morin

 

Jusqu’en 1947, Edgar Morin partage un appartement rue Saint-Benoît avec Marguerite Duras, Robert Antelme, Dionys Mascolo, sortant le soir pour écouter Boris Vian trompetter au Tabou ou Juliette Gréco au Vieux-Colombier. « Marguerite cuisinait des déjeuners franco-vietnamiens et des dîners de fête réunissant les Queneau, les Merleau-Ponty, les René Clément, Georges Bataille ».

Edgar Morin, et Mascolo contestent l'accusation ''d’agents américains'', et d'autres plus grotesques, accolées à Sartre et Merleau-Ponty. Suite à un article (1951) qu'il écrit pour pour l'Observateur, il sera convoqué par Annie Kriegel ( Annie Besse) et exclu. « Ce fut comme un chagrin d'enfant, énorme et très court. » dira-t-il.

Morin ( 28 ans) travaille sur une réflexion de la manière dont les civilisations ont construit et vécu la question de la mort ( L'Homme et la Mort, paraîtra en 1951). C'est assez original ; puisqu'il ose une étude transdisciplinaire. Pour lui l'humain est à la fois rationnel et relié à l'imaginaire. Sa motivation est d'ordre matériel pour organiser sa survie, et sans se couper du mythe, de l'imagination.

Homo sapiens a conscience de la mort et peut en même temps admettre la disparition de sa chair, et croire en une vie au-delà de la mort. Homo sapiens, malgré sa peur, est capable de risquer sa vie pour une cause supérieure : la famille ou la patrie.

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