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Edgar Quinet - Le juif errant.

Les leçons d'Edgar Quinet (1803-1875) sur les jésuites, créent la polémique... Quinet pense qu'il est nécessaire de bousculer les idées reçues, ou pour le moins user de sa liberté philosophique...
Ses cours sont émaillés d'applaudissements ou d'incidents ; et Ch.-Louis de Chateauneuf est passionné par les débats suscités...
A la fin d'un cours, guettant l'instant où Monsieur Quinet serait enfin libre, Ch. Louis réussit à s'approcher et le questionner sur le texte médiéval Parzival de von Eschenbach : cela suffit à attirer son attention, et croiser le regard scrutateur du professeur. Ch-L de Chateauneuf explique sa quête, et son questionnement religieux à la lumière de la philosophie allemande. Quinet l'encourage, et lui donne des pistes d'investigations, comme Lessing ou Schelling.. ; enfin, ils se découvrent tous deux une passion pour Mme de Staël...
Monsieur le professeur Quinet, lui promet un entretien plus long et personnel ; mais il est attendu chez la duchesse d'Orléans … !
Puis, subitement ; il revient vers lui ; et lui confie : « il vous faut rencontrer Ahasvérus; lui, il devrait pouvoir vous dire bien des choses sur le Graal … Je suis très sérieux » … !

* Rencontrer Ahasvérus ! Le juif errant, rien de moins !
En 1602, un livret de colportage allemand : '' Histoire d'un juif nommé Ahasvérus'', décrit la vie d'un simple cordonnier juif qui prétend avoir assisté à la crucifixion du Christ.

Auparavant, déjà au XIIIe siècle, un moine bénédictin anglais Roger de Wendover raconte qu'un homme appelé Cartaphile, a frappé le Christ dans le dos pendant sa Passion, et Jésus lui aurait répondu: «Moi, je vais, et toi tu attendras jusqu'à ce que je revienne.». Puis, Cartaphile se fait baptiser et a prend le nom de Joseph.
Ensuite, ce personnage se rencontre dans des complaintes françaises, il est identifié comme juif, juif errant et se nomme Isaac Laquedem. Depuis l'homme marche, témoigne de la passion du Christ et appelle au repentir. Il est alors une figure édifiante, qui parle toutes les langues et prédit l'avenir, suscitant plus de sympathie que de méfiance.
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« Un jour, passe devant sa porte un lugubre cortège : un centurion à cheval, des soldats casqués, une foule insolente, tous ont l’injure à la bouche... Ils conduisent à son dernier supplice un galiléen, un juif – qui chemine sur les routes d'Israël – et qui - dit-on - veut devenir le roi d'Israël, un opposant aux romains et aux prêtres du Temple : Jésus portant sa croix d'infamie... Sous le poids de la poutre qui meurtrit son épaule, sanglant, épuisé, Jésus tombe, face contre terre. Isaac, comme les autres, ricane. Relevant son front couronné d’épines, le Sauveur, un instant, le regarde. Ce regard semble attendre de la compassion, un sursaut de pitié, un secours... Mais, lui, Isaac, dur et brutal, crie – en direction de ceux qui sont les plus forts - « Ôte-toi, criminel, de devant ma maison ! Avance et marche !... Il croit alors entendre, une voix, très douce, qui dit : « Tu marcheras toi-même - après moi - pendant plus de mille ans. Le dernier jugement, finira ton tourment. » ( adapt d'un conte d'Adjutor Rivard ) |
C’est, dans une même sentence, le châtiment infligé pour la faute et le pardon promis à l’expiation.
Une force irrésistible pousse soudain le misérable : il lui faut marcher, marcher sans relâche, jusqu’à la fin des temps ! Et, tandis que le cruel cortège reprend la montée du Calvaire, Isaac Laquedem, de son côté, part, en quête du pardon. »
Eugène Sue (1804-1857) , sous l'influence du romantisme allemand, écrit un roman intitulé Le Juif errant.

Il fait de celui-ci un champion du combat pour la justice sociale.dénonce la persécution des juifs... Il inverse le motif antisémite du complot : ceux qui incarnent le mal sont ici ceux qui accusent les juifs de la mort du Christ... A l'organisation malveillante et secrète des jésuites, s'oppose l'action du juif errant, qui comme le peuple a connu l'oppression et travaille à sa propre rédemption ..
Ce roman feuilleton d'Eugène Sue connaît un véritable succès populaire.... Nous sommes alors en 1845...
* Ahasvérus que connais-tu du Graal... ?
« Plus que tu ne penses... Comme lui, je suis le témoin de la mort de Jésus... Et comme lui, je suis toujours là ; puisque je l'ai remplacé... ! »
A présent le juif errant est le chrétien par excellence ; il est une preuve ''vivante'' de sa divinité...
Comme lui, il porte les anathèmes lancés contre ; il continue de subir les persécutions... Comme lui, il va, contre l'hypocrisie religieuse, mélange de piété et d'abus de pouvoir spirituel … Le juif errant, - au cours des siècles –- dénonce : la vente d'indulgences, les supplices de l'inquisition, le culte des saints, les processions de flagellants...
Le juif errant, comme le Graal, « mène une existence factice avec une personnalité d'emprunt » ( Willy Aeschimann – la Pensée d'E. Quinet) … Y sont attachés, dans un parcours semé d'obstacles et de mésaventures, les thèmes littéraires du chevalier et de l'alchimiste errant : « ce sentiment de l'errance est plus que la souffrance physique et morale d'une incessante marche en avant. Il est l'indice d'une obscure frustation : la route du monde reste étrangère à la ''maison de sin âme''. » ( W. Ae.)
Edgar Quinet (1803-1875) : historien français, professeur au Collège de France aux côtés de Michelet, d’où ils furent tous deux exclus par Guizot en 1846 pour anticléricalisme.
Un Républicain engagé, élu député de l’Ain en 1848, réélu en 1849, proscrit après le coup d’Etat, comme Victor Hugo, et comme lui ne rentrant en France qu’une fois la République retrouvée.
Lohengrin – le chevalier au Cygne:

À la fin du Moyen Âge, la légende du Chevalier au Cygne jouit d’un grand succès en langue française et connaît une extraordinaire diffusion dans la littérature germanique, qui, dès le XIIe siècle, l’associe à celle du Graal, avec l’établissement d’un lien de filiation direct entre Lohengrin et Perceval...
Pour Eschenbach, Lohengrin, en tant que fils de Parsifal, est prédestiné à la vie de chevalier du Graal.
On connait la légende du chevalier au cygne, avec Geoffroy d'Auxerre ( 1187)
« Dans le diocèse de Cologne, se dresse au-dessus du Rhin un palais immense et fameux que l’on nomme Nimègue. C'est là que jadis, à ce que l'on dit, en présence de nombreux princes et de l'empereur, on vit aborder sur la rive une petite barque qu’un cygne tirait par une chaîne d’argent passée à son cou : tous les spectateurs se dressèrent, stupéfaits devant ce prodige. Alors un tout jeune chevalier, inconnu de tous, sauta de la barque ; et le cygne, comme il était venu, repartit en tirant la barque par sa chaîne.

Le chevalier se révéla preux au combat, de bon conseil, heureux en affaires, fidèle à ses maîtres, redoutable pour ses ennemis, plein d’amabilité pour ses compagnons et de charme pour ses amis ; il épousa une femme de noble naissance, dont la dot lui apporta la richesse et la parenté, la puissance. Enfin, après la naissance d’enfants, bien plus tard, alors qu’il se trouvait dans le même palais, il vit de loin son cygne qui revenait de la même manière, avec la barque et la chaîne. Sans attendre, il se leva précipitamment, monta dans le navire et ne reparut plus jamais. Mais de ses enfants sont nés bien des nobles et son lignage a survécu et s’est développé jusqu’à nos jours. » ( Wiki)
Une autre version, qui se rattache aux miracles du Graal; raconte que celui-ci protège Elsa, fille du roi du Brabant: jeune et riche orpheline...
Lohengrin, alors qu'il vit au Château du Graal, entend qu'un tournoi se prépare en Flandres.. Le chevalier Telramund, tuteur de la princesse Elsa von Brabant, soutient ( à tort) que la jeune fille – par promesse devant le roi mourant - se devait de l'épouser, et exige qu'elle tienne sa promesse. La belle héritière nie cette version, et demande que justice lui soit rendue... L'empereur d'Allemagne, devant qui la question est posée, décrète que Telramund affronterait en duel le champion qu'Elsa voudrait bien choisir... Mais Telramund est craint, et nul chevalier n'ose se mesurer à lui...

Seul le ''Chevalier au cygne'', ainsi nommé, car il est apparu sur la rivière Scheldt assis dans une nacelle tirée par un cygne uniformément blanc, relève le défi du tuteur d'Elsa et le terrasse...
Elsa épouse son sauveur, qui lui fait jurer de ne jamais chercher à connaître ses origines ni lui demander son nom. Elsa promet, mais elle souffre de ce secret qui la sépare de son époux et fait de lui un étranger. Un soir, dans la tendresse des draps, elle ne peut s'empécher de l'interroger à ce sujet, arguant du fait de la vérité due à leurs deux enfants, elle ne pourrait pas refuser éternellement de leur réveler le nom et l'origine de leur père.

Alors, dans un grand soupir, le Chevalier au Cygne, l'emmene près de la rivière tout en lui disant:
- Mon nom est Lohengrin. Je suis l'un des chevaliers elfiques du château de Montsalvat, où est conservé le Saint-Graal.
A ce moment, le cygne à la nacelle fait à nouveau son apparition. Lohengrin grimpe dans la fragile embarcation et repart seul vers le château du Graal.
Cette version, est racontée, par des peintures murales dans le château de Neuschwanstein, construit selon les désirs de Louis II de Bavière, qui s'identifiait à Lohengrin...

La famille de Clèves, après l’extinction du lignage de Boulogne-Bouillon, s’est appropriée le Chevalier au Cygne comme ancêtre et rêvait de reprendre le flambeau de la croisade, pour donner à la chrétienté un nouveau Godefroy
Le duc de Clèves, le père de Marie de Clèves, s’était engagé à partir pour la croisade au fameux banquet du Faisan de Lille en 1454, avec Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Selon Olivier de la Marche, la journée avait commencé par une joute, et la promesse au vainqueur d'un riche cygne d’or...
Pour ce qui est du lien entre le chevalier au cygne, et le Graal; - en plus de celui d'Eschenbach - on peut noter un roman d'aventures en vers, écrit entre 1270 et 1280, nommé ''Sone de Nansay'' rédigé à l'instigation d'Adélaïde de Bourgogne. Le roman contient nombre d'allusions à des situations réelles et des personnages connus liés la cour du duché de Brabant. L'ouvrage servira à ce titre à l'éducation de Jean Ier, second fils d'Adélaïde. L'auteur, célèbre son héros, chevalier au cygne, comme le fils spirituel de Joseph d’Arimathie et en lui accordant le privilège d’une visite au château du Graal, qu’il imagine en Norvège.
Ondine - F. de La Motte-Fouqué - 2 - Commentaires

Nous avons découvert Ondine (Undine, en allemand), un conte de Friedrich de La Motte-Fouqué, paru en 1811, dans lequel ce génie féminin des eaux, cherche, en épousant le chevalier Huldebrand, à acquérir l'âme dont elle est dépourvue.
En 1803, La Motte-Fouqué épouse en secondes noces Caroline von Briest, avec laquelle il a une fille, Marie, dans l'année. Elle est une femme de lettres romantique allemande qui anime à Berlin, un salon littéraire. En 1812, elle publie un recueil de sagas et de légendes...

Il donne alors sa démission de l'armée, et le couple s'installe à Nennhausen, propriété installé près de Rathenow et appartenant à son épouse. L'un et l'autre se consacrent alors à la littérature... Le 21 août 1831, Caroline meurt à Nennhausen, et ses restes sont inhumés dans le parc du château
''Curieusement'' – je rapproche ce qui suit du ''couple à trois '' ( Huldbrand , Ondine, Bertalda) du conte - le 25 avril 1833, il se remarie avec la fille d'un officier suédois, la jeune Albertine Tode (1806-1876), de trente ans plus jeune... En effet, Charles Theodor Fournel (1817- 1869) qui est étudiant de Fouqué, et loge chez eux ( courant à l'époque); a une liaison avec Albertine; il est le véritable père des deux enfants d'Albertine...

Fournel fut précepteur des enfants royaux de Prusse à Berlin. Il a publié des ''Légendes dorées'' …
Friedrich de la Motte Fouqué meurt le 23 janvier 1843 ; six jours après, sa femme donne naissance à son second fils …
Fournel, à la fin de son séjour en juillet 1853, se marie avec Marie Pauline Eyrich, âgée de 23 ans, née à Schlawe en Poméranie. rentre en France, et devient professeur d'allemand à Orléans, puis à Tournon.
Je peux ajouter encore , dans la série des ''liens'' ..., que La Motte-Fouqué avait une amie, une muse ... La princesse Marianne de Prusse (1785-1846), qui est la grand-mère du roi Louis II de Bavière...

''Ondine'' de Friedrich de La Motte-Fouqué a eu un succès immédiat, louée par Goethe, Heine, Hoffmann...
Dans une série de contes comme La Légende de Henno ( avec une femme-dragon), la légende de Diego Lopez ( avec une femme d'origine inconnue qui ne supporte pas le signe de croix...) la légende de Peter von Stauffenberg ( belle femme inconnue qui ne peut se marier …), nous retrouvons comme dans Mélusine, le thème de la double apparence, et l'union rompue par un interdit, celui d'une certaine connaissance... On sent que l'on a voulu marquer du sceau infernal, des figures de séduction païenne liées à la nature, à l'éros, et au féminin …
On peut encore aller un peu plus loin ... Avec quelques commentaires que j'emprunte à Christine Planté - Professeure émérite de littérature française du XIXe siècle - Université Lumière - Lyon 2
Pour l'homme, la femme constitue l'Autre, au point qu'à leurs yeux il n'est pas de différenciation ... Ainsi Ondine, parmi les ondines ... «chaque Ondine est l'Ondine — chaque femme La Femme ? — ce qui suffit à la définir... « Une femme exclut l'autre par sa nature, car on exige de chacune d'elles ce qu'il incombe à son sexe tout entier de donner. Il n'en est pas ainsi des hommes » (Goethe, Les Affinités électives). La réécriture du mythe par Giraudoux va accentuer l'identification d'Ondine à l'éternel féminin...

Ondine, dans les eaux comme sur terre, est soumise aux vouloirs des hommes. Ondine attend tout de l'amour ...
Dans la recherche de l'union avec l'autre, l'individualité de la femme se trouve menacée, et non constituée — autre façon de se perdre. C'est le sens que Marina Tsvetaeva ( poétesse russe, 1892-1941) donne au destin d'Ondine lorsqu'elle parle, dans une lettre d'amour, de sa propre soif, « avant [elle] née, la soif la plus secrète de tout [son] être, scellée comme l'eau du puits par la pierre de Ringstetten pour qu'Ondine ne puisse pas retourner chez elle - se retrouver ».
Tsvetaeva refuse : « Devenir un être humain par le biais du mariage ou de l'amour -par le biais de l'autre - et nécessairement d'un homme - n'a aucune valeur pour moi... Autrement, si c'est ainsi que l'on devient un être humain, c'est que l'on est une espèce de demi-créature, une ombre léthéenne impatiente de prendre chair et sang. »

Bertalda, - éprise de sa propre beauté, pleine de vanité sociale et séductrice sans scrupules- est dès le commencement soucieuse de paraître et victime des apparences, attirée par les surfaces et par les images brillantes, cède à la fascination de l'eau-miroir.
Huldbrand meurt – dans la culpabilité - d'avoir trahi et renié, avec sa femme Ondine, la fidélité à sa parole et une part de lui-même...
Ce qui fait la vérité de la fable ďOndine et son pouvoir de fascination ; c'est l'amour malheureux, la distance, voire la rupture.
Ondine et sa fable sont nées du cerveau et du désir de l'homme. C'est lui qui pose que, pour la femme, il n'est d'individuation que par l'amour, d'accès à la pleine humanité que par sa propre médiation. Wagner, qui aimait le conte de Fouqué, proposait une formulation exemplaire de cette thèse dans un chapitre de Opéra et Drame intitulé : « La musique est femme » :

« La nature de la femme est l'amour […] La femme n'atteint sa pleine individualité qu'au moment de l'abandon. C'est l'Ondine du fleuve qui passe en murmurant à travers les vagues de son élément, sans âme, jusqu'à ce que l'amour d'un homme lui donne une âme. »
Si l'union fusionnelle signifie la paix, mais, au moins pour un des deux amants, elle signifie la mort, abolition la plus simple des différences. Dans la littérature du XIXe siècle, où l'homme demeure le sujet de référence, cet effacement est presque toujours celui de la femme, se cherchant, dit Vigny, « au miroir d'une autre âme ».
Cela ne peut plus s'entendre... « Qu'on m'aime moi, et non l'être idéal et faux, issu de l'imagination de ce poète.. » disait Marina Tsvetaeva

Jean Giraudoux exprime dans sa version une certaine balourdise masculine, qui prend la forme d'un désarroi et d'un ressentiment moins subtils, malgré la dérision affichée par l'auteur : « Cela va s'appeler Ondine, ce conte où j'apparais çà et là comme un grand niais, bête comme un homme. Il s'agit bien de moi dans cette histoire !... »
Chez Fouqué, Huldbrand meurt dans les bras d'Ondine, « tremblant d'amour et de la proximité de la mort ».
Dans son enlacement et ses baisers, Ondine apporte à la fois la conciliation et la fin. Nous savons que la mort d'Huldbrand est acceptée, désirée peut-être. Il renoue, dans cet embrassement, avec une part de lui-même et d'humanité sans laquelle la vie lui serait devenue insupportable aux côtés de Bertalda.

Il y a réparation et rédemption d'Huldbrand : c'est Ondine, cette fois, qui le rend à la pleine humanité, et lui rappelle qu'il a une âme et une conscience. La reconnaissance et l'acceptation de sa propre faiblesse apportent le soulagement et la délivrance au dominateur. » Christine Planté
Ondine, Mélusine, et leurs soeurs apparaissent comme des victimes; alors qu'elles auraient pu apporter bonheur, prospérité... elles sont rejetées dans le monde figé de l'éternité: qu'il s'appelle paradis ou Avalon... Et finalement '' Château du Graal '' ( après que soit achevée la Quête ...)

Ce qui nous amène à une figure similaire et masculine: Lohengrin , en son château du Graal...
Pour Lohengrin, l'animal ( monstre pour Mélusine ...) est le cygne, compagnon symbolique de l'homme-fée.... Mélusine et Lohengrin, sont aussi des figures historiques, témoins des relations – au Moyen-âge – entre la religion et le paganisme...
A suivre: ... Lohengrin – le chevalier au Cygne:

Ondine - Illustration de Benjamin Lacombe
Ondine - de F. de La Motte-Fouqué - 1

Comme je l'ai déjà dit: Le conte de l'X. et C.-L. de Chateauneuf, eurent la chance de rencontrer – en visite à Paris - Friedrich de la Motte Fouqué (1777-1843), qui se passionne pour l'épopée du Graal, et qui recherche les sources françaises... Descendant de huguenots réfugiés en Allemagne, l'écrivain n'a plus qu'un objectif : écrire une épopée qu'il nomme '' Der Parcival''...
Il a commencé à écrire son Parcival, après la mort (1831) de son épouse, Caroline...
Pendant huit mois, il pratique une écriture intensive – en même temps il fréquente une jeune femme de 30 ans plus jeune – jusqu'à se fiancer en avril 1832...

En 1841, le couple se rend à Berlin à la demande du roi de Prusse; qui est très intéressé par sa version de l' ''épopée du Graal''... Cependant, la Motte Fouqué ne publie pas l'ouvrage... Il meurt le 23 janvier 1843...
Il faudra attendre encore 154 ans avant la publication de "Der Parcival" ...
Pourtant, dans une lettre à son ami Carl Borromäus von Milititz en 1815; après la publication de son célèbre ''Undine''; Fouqué écrivait déjà de sa "prochaine épopée du Saint Graal": «Je pense que cela devrait être le point culminant de toute ma carrière poétique».
Après la mort de Fouqué, le roi fidèle à une promesse réhabilite en 1843 l'ordre des chevaliers du Cygne ( Schwanenritterorden), en la ville d'Ansbach, à 20km d'Eschenbach; dont le plus célèbre chevalier est Lohengrin ... En 1845, Wagner commence la conception de son opéra Lohengrin, créé en 1850. Et, en 1877, Richard Wagner entreprend enfin de composer son "Parsifal". C'est sa dernière oeuvre, il meurt en 1883.

Le ''Schwanenorden'' avait été fondé plus de 200 ans après la publication en allemand du "Parzival" de Wolfram von Eschenbach. Exactement, l'Ordre du Cygne est un ordre fondé en 1440 par l'électeur de Brandebourg ( proche de Berlin) Frédéric II.
On ne dit pas que les Chevaliers du Cygne du Brandebourg aient formé une Société du Graal basée sur le modèle littéraire. Cependant, leurs actions semblent indiquer qu'ils auraient bien pu vivre l'histoire de Munsalvesche à Marienberg oder Harlungerberg; au point où pour certains, c'est peut-être là que se situerait Montsalvage ....
- Ondine -

Avant de revenir sur ''Lohengrin – le chevalier au Cygne:''; je vais évoquer le succès littéraire de Friedrich de la Motte Fouqué, qui est '' Ondine ''
Le point de départ de cette transcription littéraire d'un motif populaire, est du à Paracelse (1493-1541) - médecin, alchimiste et philosophe mais aussi théologien laïque suisse, d'expression allemande - il croit aux 'génies ' des quatre éléments; et il compte sept races de créatures sans âme: dont les ondines, esprits des eaux... Dans son son ''Traité des esprits élémentaires'', il raconte cette légende ...
Le père d'Ondine, puissant prince des eaux, souhaite que sa fille puisse acquérir une âme... Pour cela, il lui faut conquérir le coeur d'un homme qui accepte de l'épouser et l'élève à l'humanité par son union avec elle.
Voici, Ondine tout enfant, recueillie par un couple de vieux pêcheurs qui viennent de perdre leur propre fillette dans d'étranges circonstances ; elle a disparu au bord d'un lac... Mais une petite fille aux cheveux ruisselants d'eau est alors miraculeusement apparue chez les vieilles gens...
Les pêcheurs bien sûr l'adoptent, se prennent d'affection pour elle malgré son caractère fantasque, et la font baptiser : Ondine, puisqu'elle n'accepte pas d'autre nom.

Des années plus tard, le chevalier Huldbrand de Ringstetten traverse une forêt enchantée pour mériter le gant de Bertalda, dame de ses pensées.
II y est victime de terrifiantes apparitions, mais parvient enfin, par une nuit d'orage, à la maison des vieux pêcheurs — c'est sur cette arrivée que s'ouvre le récit de Fouqué.
Le chevalier ne tarde pas à tomber amoureux d'Ondine, et à l'épouser, mariés par le père Heilmann, un prêtre emporté ensuite par la tempête. Ondine accompagne son époux en son château ancestral de Rigstetten.

Au lendemain de la nuit de noces, totalement métamorphosée, elle abandonne ses extravagances antérieures et révèle à son époux sa véritable nature : s'il vient à la repousser, elle devra retourner vers les siens, mais demeurera désormais, au fond des eaux, « une femme dotée d'âme, aimant et souffrant ». Huldbrand décide de conserver son étrange épouse et la ramène à la ville, où elle apprend ce qu'avoir une âme signifie: - la souffrance est indissociable de la conscience et de l'amour.
Ils ont en effet retrouvé Bertalda, qui n'est autre que la fillette jadis perdue par les pêcheurs, rencontrée au bord du lac par un puissant duc et adoptée. Lors d'un repas public, Ondine révèle à Bertalda sa véritable et roturière origine. Bertalda devient l'amie du couple, et cohabite avec eux … Huldbrand se rapproche de Bertalda peu à peu et, cédant à sa séduction, en vient à regretter son union avec un esprit élémentaire, et du fait des attaches surnaturelles de sa femme, et particulièrement des apparitions de son oncle Kühleborn, esprit des cascades forestières, qui effraie Bertalda …


Ondine fait poser une pierre sur la fontaine dans la cour; pour que Kühleborn ni aucun autre esprit d’eau ne puissent entrer dans le château.
Ondine, aimante, fidèle par-delà les trahisons de son mari parce qu'elle a appris « l'étroite parenté qui met entre les joies et les peines de l'amour une si douce ressemblance et les unit si intimement que rien ne saurait les séparer », Ondine pardonne et n'exige rien.
Mais elle n'a pas le pouvoir de s'opposer à la loi des ondines : au cours d'un voyage sur le Rhin voulu par Bertalda, en réponse à un geste innocent de sa fidèle épouse, Huldbrand prononce des paroles de colère, suffisantes pour qu'elle doive retourner aux eaux du fleuve, qui l'engloutissent.

D'abord désespéré, Huldbrand oublie bientôt son chagrin, et épouse Bertalda. Le soir de leurs noces, elle fait ôter la lourde pierre qui, sur les ordres d'Ondine, scellait le puits de Ringstetten...
La malédiction peut s'accomplir : Ondine, surgie du puits, revient et apporte - à celui qu'elle aime - la mort dans un baiser : enlaçant Huldbrand, qui ne résiste pas, elle « le fait mourir de ses larmes » qui pénètrent jusqu'au cœur.
Lorsqu'on l'enterre au cimetière du village aux côtés de ses ancêtres, une silhouette féminine voilée, blanche comme neige, apparaît dans le cortège funèbre, mais une prière la fait disparaître. On voit à sa place une petite source argentine, qui entoure en murmurant presque toute la tombe, et se jette dans un lac voisin.
Les villageois la montrent encore aujourd'hui, disant qu'Ondine et son Huldbrand sont ainsi unis dans la mort.
A suivre... les commentaires ...
Sur la piste du Graal : le comte de l'X. -5- Parzival.
Lorsque Théodore-Claude-Henri Hersart de La Villemarqué arrive à Paris, en 1833, pour étudier à l’École des Chartes, Paulin Paris travaille depuis cinq ans à la Bibliothèque du Roi...

Paulin Paris ( 1800-1881) est né en Champagne. Il est membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et professeur au Collège de France... Il aime citer Madame de Staël, sur le Romantisme : « Cette littérature est la seule qui soit susceptible d'être perfectionnée, parce qu'ayant ses racines dans notre propre sol, elle est la seule qui puisse croître et se vivifier de nouveau.. »
On dit que la France n'a pas d'épopée … Alors, Paulin Paris, recherche dans les romans du Moyen-âge, et décide de publier nos anciens textes.. M. Paulin Paris publie ainsi sept volumes, de 1836 à 1848.

Il y distingue deux catégories de romans, les uns chevaleresques, les autres mystiques, faisant un ensemble assez étrange. Selon l'ordre des événements, le premier est le Joseph d'Arimatie, ou plutôt le Saint-Graal, qui en est un remaniement; puis vient le roman de Merlin l'enchanteur et ses suites, c'est-à-dire Le roi Artus, Gauvain et Perceval, Lancelot du Lac, Tristan; enfin la Quête du Saint-Graal et la dernière partie du Lancelot ou Mort d'Artus. Le mysticisme tient le commencement et la fin, les aventures chevaleresques et galantes occupent le milieu...
L'allemand la Motte Fouqué, et l'académicien Paulin Paris, tentent de comparer Chrétien et Wolfram... Le système parental ( la lignées, la généalogie...) semble plus élaboré chez Wolfram, de plus la lignée s'élargit jusque chez les ''païens'' ( caractère non endogamique). Avec le ''Prêtre Jean '' qui fondera une communauté orientale... Le monde du Graal rejoint l'histoire universelle … !

Par sa mère - Herzeloyde, sœur d'Anfortas - Parzival est de la lignée des rois du Graal...
A noter que le demi-frère de Parzival ( Feirefiz) tombera amoureux de la porteuse du Graal ( Repanse de Schoye, également sœur d'Anfortas) qu’il épousera après s’être fait baptiser : de leur union naîtra un fils, Jean, le futur Prêtre Jean...
La faute de Parzival, est plus claire, dans le bouche de l'ermite et oncle, Trevrizent : « Tu es du même lignage qu’Ither ; tu as méprisé les liens du sang ! Dieu n’a pas oublié ton forfait, et il te demandera peut-être encore des comptes. […] C’est avec douleur que je dois te dire que tu as commis deux graves péchés : tu as tué Ither et tu dois également déplorer la mort de ta mère. ». Ither, est le chevalier à l'armure vermeille que Parzival revêtira... Il n'est pas responsable de la mort de sa mère, comme dans Perceval...
Wolfram rattache à son Parzival, en épilogue, la légende du Chevalier au Cygne qui était déjà liée à la famille de Godefroy de Bouillon, l’un des chefs de la Première croisade (en 1096) et premier roi de Jérusalem. Loherangrin, l’un des fils jumeaux de Parzival et de Condwiramurs, celui qui a été appelé à Munsalvaesche par Dieu, est envoyé par le Graal en Brabant où il doit venir au secours d’une princesse harcelée par des prétendants éconduits. Conduit à Anvers par un cygne, il restaure l’ordre et la justice et épouse la princesse, après lui avoir fait jurer que jamais elle ne demanderait qui il est, et il devient prince de Brabant.... ( encore une histoire à raconter, plus tard … !)

Charles-Louis de Chateauneuf est vivement impressionné par la prégnance de l'histoire de Parzival dans la mentalité allemande ( et, il ne connaît pas encore – bien sûr – les œuvres qui se préparent de Wagner … !)...
La Motte Fouqué, parle de l'écriture de son épopée sur Parzival qui est beaucoup plus qu'un travail : « c'est le résultat d'un pacte avec Wolfram .. !. ». C'est un manuscrit de 500 pages... qu'il écrit alors qu'il vient de se remarier avec une jeune femme de trente ans plus jeune …
La Motte Fouqué ajoute qu'il vient d'obtenir de l' ''Hohenzoller Friedrich-Wilhelm IV'' (*) , la réactivation de l'ordre du cygne, éteint après la Réforme...
Ci-dessous - Dame avec le collier de l'ordre des chevaliers du Cygne (1490)

(*) De la Dynastie des Hohenzollern, Frédéric-Guillaume IV de Prusse ( 1795-1861), que l'on surnomme le « Roi romantique », est passionné par le romantisme et affiche son goût du Moyen Âge.
L' Ordre des Chevaliers de Notre-Dame du cygne, ou Ordre du Cygne , est le plus ancien ordre de chevaliers de la Prusse. Créé le 29 septembre 1440, par l'électeur Friedrich II de Brandebourg, il devait donner à la noblesse des objectifs politiques et sociaux communs sous la direction des Hohenzollern.
Le siège de la branche franconienne était la chapelle George de la collégiale Saint-Gumbertus à Ansbach, qui n’est qu’à environ 20 kilomètres d’Eschenbach, du nom de son habitant le plus célèbre, Wolfram... La Réforme vit l'annulation de l'ordre... Le 24 décembre 1843, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse tente de rétablir l'Ordre du cygne en tant qu'organisation multiconfessionnelle et humanitaire, et ouvert aux hommes et aux femmes...
Richard Wagner, atteint lui aussi par le virus du Graal, en 1845, commence à concevoir son opéra Lohengrin, créé en 1850.
** Il serait temps d'entrer dans le vif de l'Histoire de Parzival, contée par Wolfram von Eschenbach.. ? Avec Heinrich, je vais tenter de vous la résumer ...
A suivre... L'Histoire de Parzival.
Sur la piste du Graal : le comte de l'X. -3 Le Graal -

Le Comte de l'X. et Charles-Louis de Chateauneuf, vont rencontrer un jeune homme qui - sorti de l’École Normale supérieure - est un germaniste passionné et passe de longs séjours en Allemagne : Guillaume-Alfred Heinrich, il enseignera plus tard la littérature allemande à la Faculté des Lettres de Lyon...
Voici son enseignement sur la légende du Saint-Graal ( édité ensuite en 1855) ...

Chez Wolfram, Parzival le héros, reste né dans le pays de Galles : son origine remonte aux vieux contes populaires de la race celtique, aux Mabinogion.
Le Mythe du Graal, vient tour à tour de la Bretagne, de la Provence ou de l'Orient.
Le Saint Graal, suivant les idées du moyen âge, n'était pas seulement un vase sacré, à jamais vénérable pour avoir reçu le sang du Christ; c'était aussi un vase mystérieux, source d'abondantes faveurs pour les chevaliers chargés de sa garde.
Ainsi le roi Pêcheur, Anfortas pour Wolfram, atteint d'une incurable blessure, ne prolonge ses jours que par la vue du Graal...
Heinrich, tient aussi à raconter – l'histoire du ''vase'' selon Les Mabinogion : rapportée par l'anglaise lady Charlotte Guest..

Un jour que Bran le Béni chassait en Irlande, il arriva sur le bord d'un lac nommé le ''lac du chaudron''. Comme il errait sur le rivage, il vit un homme noir, d'une taille gigantesque, au visage hideux, sortir tout à coup des eaux avec un chaudron dans ses bras. Une sorcière et un nain l'accompagnaient.
Le géant et la sorcière suivirent Bran le Béni dans la Cambrie son pays natal, et en retour de l'hospitalité qu'ils avaient reçue, lui firent présent de leur chaudron. Ce vase, comme le Graal, guérissait les blessures mortelles, il avait même le pouvoir de rendre la vie ; mais de peur que le ressuscité ne révélât le secret de sa guérison, il ne recouvrait point l'usage de la parole.
Nous retrouvons bien là le même mystère qui entoure le Graal...

Ce vase ne resta pas longtemps en la possession de Bran le Béni. Il avait eu quelques démêlés avec le prince d'Irlande Martolouc'h. Il se réconcilia avec lui et l'invita à un banquet. Il fit servir à manger dans le chaudron magique, où les mets ne s'épuisaient pas, et à la fin du repas il l'offrit au chef irlandais comme un gage de paix et d'amitié. Cette paix ne dura guère. De nouvelles injures forcent Bran le Béni à envahir l'Irlande.
Malheureusement le vase qu'il a donné devient le plus utile auxiliaire de ses ennemis; sa vertu ressuscite chaque soldat qui perd la vie, et Bran se consume en vains efforts pour vaincre une armée impérissable. Un jour enfin qu'on jette dans le chaudron la tête d'un chef pervers nommé l'Esprit-Mauvais, ce vase, qui, comme le Graal, ne saurait être touché par un méchant, se brise de lui-même au contact de cette tête coupable, et Bran le Béni recouvre ainsi l'avantage.

Le barde Taliésin parle déjà de son initiation aux mystères du chaudron, et une fois initié, s'écrie : « J'ai perdu la parole ; » allusion évidente à la discipline du secret destiné à dérober au vulgaire quelque enseignement religieux des bardes. Quant au vase lui-même, placé dans le sanctuaire d'une déesse, il communique le don de prophétie, l'inspiration poétique, et la connaissance des lois cachées qui régissent l'univers. L'introduction du christianisme chez les populations celtiques, en changeant les croyances, altéra cette vieille tradition dont le Mabinogi de Bran est peut-être un écho déjà bien affaibli. Mais un peuple est toujours porté à mêler ses vieilles superstitions à la doctrine nouvelle qu'il accepte. La légende du chaudron mystérieux se confond avec le dogme de la Résurrection, et sans doute avec celui de l'Eucharistie.
Guillaume-Alfred Heinrich, évoque ensuite Nicodème et la tradition chrétienne transcrite par Robert de Boron....
Heinrich nous dit encore, que l'abbé de la Rue ( 1751-1835. Historien et spécialiste de littérature anglo-normande), dans ses recherches sur les origines du cycle de la Table-Ronde, parle d'un vieux texte latin rédigé, dit-on , par les ordres du roi Arthur, et placé par lui dans les armoires de la cathédrale de Salisbury... ! ?
* Mais, le roi Arthur ; qui en parle … ?

Au XIIe siècle le moine Hélinand (Cistercien, chroniqueur de l'abbaye de Frémont dans le diocèse de Beauvais.) parle comme d'une chose universellement admise de la vision qu'un ermite breton eut en 720 « au sujet de Joseph d'Arimathie et du Gradal. »... Il n'a pu, dit-il, se procurer le récit original en latin déjà difficile à trouver de son temps ; mais il en existe des traductions françaises qu'il a consultées.

Un chroniqueur anglais du XIIe siècle, Guillaume de Malmesbury, écrit sur Arthur, un héros national gallois, contre les anglo-saxons, qui a livré maint combat avant de périr , en 542, à la bataille de Camlam... Sans autre fondement historique … !
Vers 850 dans le récit de Nennius ; la résistance des Gallois contre les Saxons se personnifie dans Arthur, et la victoire ne l'abandonne jamais... De plus, Arthur va à Jérusalem et en rapporte un modèle de la vraie Croix, destiné à rendre ses armées invincibles aux païens...
Enfin, la création épique du cycle d'Arthur s'achève dans la chronique de Geoffroy de Monmouth.
Sur la piste du Graal : le comte de l'X. -1-

Le comte de l'X. ramène de Palestine quantités d'antiquités et même quelques ''fausses'' reliques avec certificats. Ainsi : un fragment de la Sainte Eponge, un plâtre moulé dans l'Empreinte du pied du Christ laissées lors de l'Ascension et conservée sur le Mont des Oliviers. Plusieurs pierres, dont l'une proviendrait du Temple de Salomon, etc ...
Les Templiers, auraient mis en œuvre le plus grand trafic de reliques qui n'ait jamais existé... ! Ils se sont appropriés le Mont du Temple, et l'ont fouillé de toutes parts … Ils sont devenus les possesseurs et les convoyeurs des plus importantes reliques, comme des fragments de la Vraie Croix...


1119 : Fin de la restauration de la tombe du Christ par les Croisés et début des travaux de la nouvelle Basilique. Les futurs Templiers se sont emparés des reliques de la tombe du Christ pendant la restauration. Créé en 1120, par quelques chevaliers, l'Ordre du Temple s'est développé dans tout l'occident...
1146-1147 : Robert de Craon - le second maître de l'Ordre du Temple jusqu'en1149 - ramène en France une partie des reliques de la tombe du Christ. ...
En 1247, le patriarche de Jérusalem confie à un templier le soin d'apporter au Roi d'Angleterre Henri III, l'ampoule contenant le ''Saint Sang'' ...
Le 15 mai 1272, le maître du Temple Thomas Berard envoient en Occident « du bois de la vivifiante croix du Seigneur, des reliques de la Table du Seigneur, du sépulcre du Seigneur , etc.. Auparavant elles ont été authentifiées par Jean archevêque de Tyr, et par Humbert, frère du Temple et évêque de Banyas »

Une relique très particulière, aurait été mis au ''secret'' : la Coupe de la cène, lors du dernier repas … Une coupe mythique jusqu'en son matériau, et son origine …
Pour ce qui est de la ''Sainte Coupe'', ou du Saint-Calice.. ; c'est à dire du Graal … Voici ce que le Comte retient de ses nombreuses interrogations auprès des archéologues, du moins ceux qui prennent au sérieux la question …
Une tradition veut qu’après la dernière cène, l’Apôtre Pierre ait pris le Graal pour l’emmener jusqu’à Rome. Il y serait resté jusqu’à la persécution de l’empereur Valerian (257-260). Nous sommes alors en 258 après JC, le diacre Lawrence reçoit du pape Sixte II les trésors de l'Église, avec la tâche de les protéger et les cacher ....

On soutient que le légendaire Calice pourrait être encore à Rome. Mais où? Peut-être, selon certains indices, dans la basilique Saint-Laurent hors des murs. Sur la tombe de Saint-Laurent, est clairement représenté un calice avec quelques gouttes de sang stylisées.
Pourtant, là à Rome, il y aurait une fresque qui représente Henri II, le duc de Bavière recevant une coupe en or de Lawrence. La coupe serait donc passée en possession des souverains de l'empire germanique ...

Cependant, le Comte de l'X, évoque le ''calice de Gênes'', en lien d'ailleurs avec les templiers... Nous sommes alors à l'époque de la République de Gênes, une des républiques maritimes d'Italie. L'implantation des templiers ( Roger de Flor, y est connu..) s'est faite principalement dans les villes côtières et avait pour objectif de fournir des hommes pour les états latins d'Orient. A Gênes, donc, - commanderie templière ( Domus Templi de Sancta Fide , Sancte Fidei - la tradition dit que l'on conservait en sa cathédrale Le ''Sacro Catino'', transporté à Gênes par Guglielmo Embriaco dans le butin de la conquête de Césarée en 1101. Guillaume de Tyr le décrit comme un "vaisseau de la couleur la plus verte, en forme de plat de service" ( vas coloris viridissimi, in modum parapsidis formatum ) que les Génois disaient être en émeraude …

L'original aurait été caché ( dans ce cas, où?), et remplacé par une copie... En effet, lors la campagne d'Italie menée par Napoléon Bonaparte, la copie fut dérobée et emmenée à Paris en 1809... Et, une commission de l'Académie des sciences de l'Institut de France conclut que ce vase était fait en verre coloré, et non pas en émeraude... L'objet fut de plus rendu (en 1815) cassé ; et reste exposé à la cathédrale Saint-Laurent de Gênes.
Le Comte de l'X, fut ébranlé, par le récit de cette histoire... Ses recherches, lui ont permis de collecter diverses légendes autour de ce Graal … - Un Graal d'émeraude.

Le "Sacro Catino" aurait été rapporté, par les templiers croisés, résultat de leurs premières fouilles à Jérusalem... Dans les restes du temple construit par Hérode Ier le Grand en l'honneur d'Auguste à Jérusalem..
Non seulement, le Christ aurait bu dans le Sacro Catino, mais avant cela il aurait été offert par la reine de Saba (Yémen, Arabie) au roi Salomon pour garnir son temple construit pour abriter l'arche d'alliance, coffre contenant la table des Dix Commandements reçue par Moïse.
D'après Hérodote, cette coupe d'émeraude se trouvait dans le temple d'Héraclès à Agrigente.

Jacques de Voragine dans sa Chronique de Gênes (Chronicon januense, fin du XIIIe siècle) dit que Jésus et ses disciples mangèrent dans un plat d'or ou d'émeraude lors de la Cène, et que, selon certains livres anglais, Nicodème utilisa pour recueillir le sang du Christ, un vase d'émeraude appelé Sangraal.
Jean Danton, l'historiographe de Louis XII en fit une description en 1501 dans sa « Vie de Louis XII deuxième partie chapitre XXI » comme l'ayant vu :
« Ce très précieux vaisseau est une émeraude entaillée en manière d'un grand plat en largeur de deux palmes d'un si beau vert que toute émeraude mise auprès en est obscurcie et contient en rond au-dessus du plus large six palmes en quadrature au fond dudit plat est un autre petit rond fait au compas selon la proportion de sa grandeur et dès le bord de ce rond jusqu'au bout du plat sont six quarrures faites à la ligne et pour soutenir ce plat au-dessous sont deux anses de même pierre assez larges pour passer la main d'un homme et d'un travail merveilleux aussi dit-on que Jésus Christ au jour de sa cène le fit lui-même d'un peu d'argile. Ce trésor d'inestimable prix est soigneusement gardé dans le sacraire du grand dôme de Saint Laurent de Gènes. »
Voyage en Orient
Charles-Louis de Chateauneuf a la grande chance d'avoir rencontré le comte de l'X. conservateur à la bibliothèque de l'Arsenal, et membre de plusieurs sociétés savantes, en particulier président de la Société des antiquaires de France …

Ce savant est passionné par le Moyen-âge, et il va entreprendre un voyage en Terre Sainte, et au retour traverse - d'Italie où il débarque – l'empire d'Autriche-Hongrie, jusqu'en Bohème pour revenir à Paris par les états allemands...
Voyage dont il va rendre compte à Charles-Louis, d'autant que le comte a gardé avec lui ses questions sur les Templiers... Des questions que partagent fort le Comte de l'X. qui a pour objectif d'aller à Jérusalem pour se faire adouber chevalier de l'Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, ce qu'il obtenir le 21 juillet 1837, en effet, depuis le XVe siècle, la Custodie de Terre sainte a le privilège exclusif de créer des « chevaliers du Saint-Sépulcre ».. Et, autre objectif : acquérir des objets palestiniens les plus anciens possibles, pour ses propres collections; et pourquoi pas de ''saintes reliques '' … !

Le Voyage en Orient, est pour le riche voyageur romantique un incontournable … pour reprendre la formule de Gérard de Nerval, '' Orient '' signifie « la terre maternelle », la matrice originelle, le fantasme de son enfance.

A cette époque, le voyage vers Jérusalem était plus difficile et plus périlleux qu'aujourd'hui... Chateaubriand l'avait précédé en 1806.. La publication de son Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811 est devenu « la Bible » de tous les pèlerins qui se rendent aux Lieux Saints dans la première moitié du siècle...
Ce aventure, est réservée à une élite qui en a les moyens ; mais toujours soumise aux dangers qu’ont toujours connu les explorateurs : vents contraires, maladies, difficultés d’hébergement ou même hostilité déclarée des populations. On loge dans un caravansérail plein de cafards, de puces et de poux. Selon le guide Joanne du milieu du siècle « à l’intérieur de la Grèce, de l’Asie, de la Syrie on ne peut voyager qu’à cheval et loger sous la tente ». La situation paraît meilleure en Turquie et en Egypte.

Le voyage vers la Palestine depuis l’Europe se fait uniquement en bateau au départ de Marseille ou de Venise. Chateaubriand arrive en Terre Sainte après un périple à travers l’Italie, la Grèce, Constantinople pour arriver à Jaffa près de deux mois et demi après son départ de France.

Les environs de Jérusalem sont dévastés ; sur un sol stérile , blanchâtre et pierreux, croissent çà et là quelques oliviers au pâle feuillage, quelques vignes et quelques figuiers.
Pour les déplacements, le sentier reste la norme et le cheval ou le mulet les soutiens indispensables pour se rendre dans la Ville Sainte
« Tout est triste et désolé autour de Jérusalem, dans Jérusalem; et cependant la vue seule de cette mystérieuse ville prend tout votre être, et le tient comme suspendu entre Dieu et le monde. »
Chateaubiand séjourne une semaine à Jérusalem, dont il compare, « les maisons à des prisons ou des sépulcres » et dont il trouve les rues désertes. Sa vision est proprement « morbide » : « Pour tout bruit dans la cité déicide, on entend par intervalles le galop de la cavale du désert, c'est le janissaire qui apporte la tête du Bédouin ou qui va piller le fellah ». Il note aussi que les Juifs y vivent de la charité et que l'accès à l'Esplanade des Mosquées est défendu à tout chrétien sous peine de mort.

De 1831 à 1840, Jérusalem est occupée par les armées du vice-roi d'Égypte, Méhémet Ali, et a obtenu de nombreux droits pour les catholiques orientaux : celui de posséder des lieux de culte spécifiques et d’avoir un représentant direct auprès du Sultan.

« La ville sainte est située sur un terrain très inégal, ou plutôt sur trois montagnes de différentes grandeurs : le mont Moria, où s'élevait le temple de Salomon ; le mont Sion, dont le nom retentit si souvent dans les Écritures, et le mont Calvaire ou Golgotha, qui vit les derniers instants du Fils de l'homme. La cité est enfermée dans des remparts qui ont une lieue de circonférence et qui furent construits par Soliman Il vers le milieu du XIe siècle. Jérusalem a six portes qu'on ferme tous les soirs après le coucher du soleil : celles de Saint-Étienne à l'orient, de Damas au nord, de Bethléem et de David au midi, d'Hérode et Herquiline au sud-est. Du côté de l'orient la cité est naturellement défendue par la vallée de Josaphat et le torrent de Cédron. Les maisons sont construites en pierres ; elles ont, en général, deux étages et sont d'une mesquine apparence. »
Au XIXe siècle, la piste des Templiers -2/2-

La route de Ch.-L. De Chateauneuf, est bordée d'étonnants personnages qui vont le conduire dans sa Quête : des femmes ( et leurs salons …) d'abord qui lui ouvrent des espaces du possible : la sensibilité, avec ce que l'on nomme à l'époque par ''les sentiments'' et un chemin de connaissance avec toujours les mathématiques ( Wronski, Sarrazin de Montferrier, lui-même est un Maître de l'ordre moderne du Temple. ); et l'ésotérisme ( en opposition parfois à la doctrine catholique de ce XIXe siècle, comme on va le voir ici - avec la résurgence templière …

Le Chevalier de Fréminville, publie la charte Larménius de transmission de la Grande Maîtrise des Templiers depuis 1324, jusqu’à l’année 1804.
Ce serait Philippe, duc d'Orléans (le futur Régent), qui en 1705 fit promulguer les statuts de l'ordre moderne du Temple, qui se présentait comme le successeur de l'ordre du même nom, supprimé en 1312 à la demande de Philippe IV le Bel. Cet ordre maçonnique aristocratique se reforma sous le Directoire.
De tendance libérale, l'Ordre du Temple devient suspect sous la Restauration. Le 4 novembre 1804, le médecin Fabré-Palaprat (1773-1838) est proclamé grand maître de l'ordre, sous le nom de Bernard-Raymond...

Le père F.F. Chatel ( 1795-1857), curé de Lèves, dès 1829 est inquiété par sa hiérarchie pour ses positions libérales... Le dimanche 23 janvier 1831, Chatel annonce l’ouverture à Paris d’une '' nouvelle église française''. On y préconise le français dans la liturgie, et le retour aux doctrines primitives de l’Église (le célibat des prêtres remis en question); le refus de la confession obligatoire, l'élection populaire des prêtres et des évêques,et le refus de l’excommunication et de l’interdit… ... La Profession de foi annonce fièrement parmi les réformes, l’emploi de « la langue nationale », mais aussi la volonté d’être citoyen autant que prêtre, l’amour de la patrie et de la liberté, « travailler au bonheur de la classe indigente ».... Chatel prêche le retour à une religion naturelle fondée sur la raison, débouchant sur le socialisme, le recours au suffrage universel, l’égalité de l’homme et de la femme, l’abolition de la peine de mort, etc...

Alexandre Dumas, qui a assisté à un culte à Lèves (Eure-et-Loir), conclut dans ses Mémoires : « C’était un peu plus ennuyeux qu’en latin, en ce qu’on était à peu près forcé d’écouter. Voilà la seule différence que nous trouvâmes entre les deux cultes ».
Châtel reconnaît être ''Johannite''... Il a fait partie de l’Ordre du Temple de Fabré-Palaprat qui comptait dans ses rangs d’illustres ecclésiastiques, comme Mgr. Mauviel, évêque constitutionnel de Saint-Domingue et Mgr. Salamon évêque in partibus d’Orthose. Palaprat est le médecin du célèbre abbé Grégoire, qui a permis la rencontre entre Chatel et Palaprat...
Un mot sur l'abbé Grégoire : Jean-Baptiste Grégoire, est né le 4 décembre 1750 à Vého et mort le 28 mai 1831 à Paris... Prêtre catholique, il devient évêque constitutionnel et l'une des principales figures de la Révolution française.
La légende de la filiation Larmenius est propagée par l’abbé Grégoire ; je rappelle qu'elle raconte que Larménius, commandeur de Jérusalem, aurait été désigné par Jacques de Molay comme futur Grand-Maître. L’Ordre serait alors resté dans l’ombre jusqu’en 1804 avec la résurgence officielle orchestrée par Fabré-Palaprat, Chevillon et Ledru. Cette année là, l’ordre des « Chevaliers de l’Ordre du Temple », avec Fabré-Palaprat comme Grand Maitre est autorisé par l’Empereur Napoléon 1er. De nombreux maçons de la loge Sainte-Caroline rejoignent cette nouvelle association templière.

L'abbé Grégoire prêta serment à la Constitution civile du clergé, c'est - ainsi qu'il l'a précisé dans le discours qu'il prononça alors, « parce qu'après le plus mûr examen » - il « déclare ne rien y apercevoir qui puisse blesser les vérités saintes que nous devons croire et enseigner »
Franc-maçon l'abbé Grégoire, après avoir été le défenseur des juifs de Lorraine, se consacre à la cause des Noirs et fit voter le 4 février 1794 l'abolition de l'esclavage. Jusqu'à sa mort Grégoire mène la plus ardente campagne pour obtenir l'abolition définitive de l’esclavage et de la traite.
Bernard Lecache (1895-1968): journaliste, franc-maçon, membre du Grand Orient de France, fonde la loge « Abbé Grégoire ». il est le fondateur de la Ligue contre les pogroms en 1927, devenue la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) en 1979.
Il est curieux de constater également, qu'à cette époque, l'Eglise de Saint-Sulpice à Paris, aujourd'hui considéré par certains comme le temple de l'ésotérisme, avec : le gnomon initiatique, les peintures mystérieuses de Delacroix, les symboles maçonniques dispersés... Donc, que l'église sert de siège social à de nombreuses sociétés secrètes. Elle est déjà le lieu des alchimistes, rosicruciens et francs-maçons, le lieu est surnommé «Nouveau temple de Salomon».
Sanctuaire de saint Sulpicius le Pieux, la fondation est fort ancienne... la vaste crypte souterraine rend compte à quel point le Saint-Sulpice actuel est rehaussé par rapport à la vieille chapelle... La construction de l'Eglise actuelle ( première pierre en 1732) fut longue. Le Maître-autel était de marbre bleu turquin, il avait la forme d'un tombeau ; et le tabernacle représentait l'Arche d'Alliance... Et, les templiers, sont censés être les dépositaires de l'Arche d'Alliance...
Victor Hugo s’est marié à Saint-Sulpice, Baudelaire et Robespierre y ont été baptisé...
Même les surréalistes, avaient prévu de se réunir, à ses côtés : au café de la Mairie, 8, place Saint-Sulpice; sont venus là: Beckett, Perec, Hemingway, Fitzgerald...
Emile Signol (1804-1892), et Eugène Delacroix ( trois fresques dans la Chapelle des Anges...) ont semé divers indices dans leurs peintures, pour attiser notre curiosité …

Barrès - Dans un livre intitulé Le Mystère en pleine lumière, paru en 1926 - explique comment Delacroix a orienté le choix de ses tableaux: « Il va à la partie héroïque du drame angélique, et le 2 Octobre 1849, le jour même de la fête des Anges, dans un entretien avec le curé de Saint-Sulpice, il s'arrête à trois grands sujets: La lutte de Jacob avec l'ange, Héliodore chassé du Temple par les anges, et puis pour le plafond, l'archange Michel qui terrasse Lucifer. Durant douze ans il y va travailler de tout son instinct et de toute sa science. »
Le tableau '' La lutte avec l'ange '' va inspirer un roman à Anatole France (La révolte des anges): « J'ai pénétré les antiquités orientales, la Grèce et Rome, j'ai dévoré les théologiens, les philosophes, les physiciens, les géologues, les naturalistes. J'ai su, j'ai pensé, j'ai perdu la foi .»
Au XIXe siècle, la piste des Templiers -1/2-

Vous comprenez que les informations sur le XIXe s., que je vous résume, ne nous éloignent pas de notre histoire, celle de la quête de Charles-Louis de Chateauneuf, au contraire, c'est la partie objective, historique de l'aventure que vit le jeune limousin, sur la traces de ses prédécesseurs...
S'il poursuit Mme J, jusque dans ses escapades; c'est que - comme dans Ferragus de Balzac - Mme J. va conduire Charles-Louis aux portes d'une société secrète...

Les chevaliers du Nouveau Temple, est l'une d'entre ces sociétés, qui s'enracine dans un passé mythique et professe une espérance en rupture de la monarchie, et de l'Eglise : les deux pouvoirs qui ont pris l'énorme responsabilité de faire disparaître l'Ordre des Templiers...
Essayons de comprendre ce qu'il en est, en cette première moitié du XIXème siècle :
Le Mythe templier, reprend vigueur, même si le siècle a du mal à effacer cette ''légende noire'' savamment construite par la monarchie, Walter Scoot lui-même en reprend les stéréotypes … L'abbé Grégoire reconnaît qu'il émane de lui une force collective, qui le séduit ...
C'est d'abord au sein de la Franc-maçonnerie, et depuis les XVIIIe s. que l'ordre réapparaît.

En 1804 Bernard-Raymond Fabré-Palaprat devient grand maître de la loge maçonnique parisienne des Chevaliers de la Croix, affiliée au Grand Orient de France, en remplacement du docteur Jacques-Philippe Ledru, qui prétend avoir reçu les pouvoirs du dernier grand maître secret de l'Ordre du Temple...
C'est Fabré-Palaprat, qui produit un manuscrit latin daté de 1324, la Carta Transmissionis (ou charte Larménius du nom du premier successeur de Molay), qui porte les signatures des grands maîtres depuis la chute de l'Ordre, liste qui comprend entre autres, Bertrand Du Guesclin, Bernard VII d'Armagnac, le connétable Henri Ier de Montmorency, et le régent Philippe d'Orléans. En 1810, l'abbé Grégoire, dans son Histoire des sectes religieuses, se dit convaincu de l'authenticité de la Charte de Laménius
En Allemagne, Herder (1744-1803), poète, théologien et philosophe allemand. Ami et mentor du jeune Goethe, s'est attaché à réhabiliter les templiers. Ce disciple de Kant est considéré comme l'inspirateur du ''Sturm und Drang'' ( romantisme ..).. Adolf von Knigge, féru d'occultisme et d'alchimie est franc-maçon du rite de la Stricte Observance Templière. Ce rite revendique une filiation templière et domine la franc-maçonnerie allemande...
Au XIXe c'est l'histoire et la chute de l'Ordre du Temple, qui sont revues... La fameuse malédiction contre les rois de France proférée sur le bûcher en 1314 par Jacques de Molay -Grand Maître des Templiers – se manifeste à nouveau...
Notons, que la légende de cette malédiction existe dès la fin du XIVème, en pleine guerre de Cent Ans (1337–1453), certains soutiennent que Jeanne d'Arc l'évoque lors de son entrevue ( confidentielle ) de Chinon, avec le Dauphin, lui assurant qu'il n'en sera pas la victime …
Les Templiers sont bien là … !
Les sociétés secrètes également, et en particulier après 1848, les comités de solidarité de Ledru-Rollin, vont aussi s'organiser sur le même modèle : on parlera alors des sociétés des Mariannes ; particulièrement vivantes dans les milieux ruraux ( on va parler de franc-maçonnerie populaire …) … Dans la région de Clamecy, les Mariannes comptaient alors 300 "frères".
Comme curiosité, voici un '' Je vous salue Mari..'', alors que l'Eglise de France encense l'Empire après avoir accepter de saluer le coup d'état du 2 décembre 1851, par un Te-Deum dans les diocèses ..

« Je vous salue Marianne pleine de force, le peuple est avec toi, le fruit de tes entrailles, la République, est béni. Sainte Marianne mère du droit, aie pitié de nous ! Délivre-nous...
Vierge de la Liberté, délivre-nous des rois et des papes !
Vierge de l’Égalité, délivre-nous des aristocrates !
Vierge de la Fraternité, délivre-nous des soldats !
Vierge de la Justice, délivre-nous des juges !
Vive la République démocratique et sociale universelle !
Ainsi soit-il ! »

En février 1846, la revue littéraire La Revue des Deux Mondes publie un article de Théophile Gautier intitulé « Le Club des Haschischins ». Bien-sûr, l'article écrit dans un style ''gothique'', joue sur la parodie, même si le texte décrit un salon littéraire bien réel. Ce club fait référence à la première des sociétés secrètes, les Assassins, avec le système d’initiation de Hasan-i Sabbâh, il sous-tend leur lien avec les Templiers et l'échange de leurs connaissances … Dans ce club, où on explore également les propriétés du haschisch on peut rencontrer Alexandre Dumas, Victor Hugo, Eugène Delacroix, Gustave Flaubert, Gérard de Nerval, Baudelaire ...

On parle, également, d'adeptes du culte déiste et humanitaire "Théophilanthrope" inspiré du calvinisme et de la franc-maçonnerie qui exerce en l'église Saint-Sulpice de Paris, sous l'égide de Jean-Baptiste Chemin-Dupontés (1767-1850) - Loge " Isis-Montyon "…
Le lien, vers l'Eglise, peut se faire ici... Parmi les frères de la loge, on peut reconnaître la présence de l’Abbé Ferdinand Francis Chatel (1795-1857) qui y est entré en 1831 ; et fondateur de l’Eglise dite catholique française...
En effet, le grand maître de l'ordre du Temple se présente comme le successeur de Saint-Jean... Et, l'Eglise catholique Johannite ou Église Johannite des Chrétiens Primitifs, est dite Templière.
A suivre …