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Les études de Charles-Louis de Chateauneuf au Collège Royal de Limoges.

Je reviens sur les études de Charles-Louis de Chateauneuf, au Collège Royal de Limoges, qu'il voudrait terminer avec le baccalauréat; il a 16 ans ... Le proviseur est Monsieur Lary.
Sous napoléon, le 17 mars 1808 est créé le baccalauréat. Les candidats doivent être âgés d'au moins 16 ans et l'examen ne comporte que des épreuves orales portant sur des auteurs grecs et latins, sur la rhétorique, l'histoire, la géographie et la philosophie.
Si les collèges (ou lycée) préparent au bac, ce sont les facultés de lettres qui décernent le baccalauréat à des collégiens qui ont achevé leur rhétorique ou leur philosophie... Les facultés de sciences délivraient aussi un bac es-sciences, ou es-math.
Le Bac, est alors équivalent à un concours d'entrée: en 1815, on ne peut être admis au baccalauréat dans les facultés de droit et de médecine sans avoir au moins le grade de bachelier dans les celle des lettres.
Mais, il s'agit alors aussi de concurrence celui de l'entrée à l’Ecole polytechnique, aussi pour rendre l'épreuve plus difficile, on introduit la première épreuve écrite (composition française ou traduction d'un auteur classique).
La classe de première ou de rhétorique prépare à des épreuves orales d'explication de textes anciens, à des questions de Rhétorique, et de mathématiques ...
La deuxième année permet de préparer des épreuves au Concours général, et assure l'admission en licence à l'université ...

Intéressant aussi de se rappeler le « vécu » des collégiens, et celui des professeurs, à cette époque, à Limoges : ( Sources: Pierre Delage, Lycée Gay-Lussac : 5 siècles d'enseignement, Saint-Paul, Le Puy Fraud éd., 2010)

À cette époque, la journée d’un collégien est rythmée de la manière suivante :
5 h 30 : lever (au son du tambour) ; habillage ; prière
6 h 00 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
7 h 30 : déjeuner ; récréation
8 h 00 à 10 h 00 : enseignement des matières littéraires, dans lesquelles s'insèrent les cours de sciences et de mathématiques ...
10 h 00 à 12 h 00 : étude ou cours spéciaux (ex : dessin)
12 h 00 : dîner ; récréation
13 h 30 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
14 h 30 à 16 h 30 : enseignement des matières littéraires ( avec + ou – de sciences ...)
16 h 30 : goûter ; récréation
17 h 00 : étude ; vérification des devoirs ; récitation des leçons
19 h 30 : souper ; récréation
21 h 00 : coucher.

Les collégiens de cette époque sont habillés d’un costume civil, et non militaire, un « frac » en drap bleu foncé, avec col blanc; ils ont, pour se coiffer, un tricorne... Les enseignants portent la robe professorale; les professeurs donnent leurs cours de 8 h 00 à 10 h 00, et de 14 h 30 à 16 h 30, sauf le jeudi...
Charles-Louis de Chateauneuf est bon élève. Et, son professeur de mathématiques, Monsieur Gouré, qui se passionne à le faire progresser dans cette matière, tient à le présenter à l'entrée de l’École polytechnique... Nous avons vu précédemment que Charles-Louis préférerait des études de droit, bien plus attirantes et surtout, parce qu'elles sont un prétexte de vivre à Paris à la façon dont les jeunes gens de l'époque imagine une vie de bohème ...
Seulement... Sa famille ( peu présente ...) et surtout M. Gouré ont des arguments sérieux, financiers, et même spirituels et politiques ...!

Charles-Louis aime le langage virtuel des mathématiques. C'est une manière d'entrer dans les secrets de l'esprit, une logique pour se promener dans les arcanes alchimiques de l'esprit... Monsieur Gouré l'a même initié à ce qui pourrait être à la source d'immenses progrès, l'appréhension de l'infiniment petit, pour de grandioses calculs ...!!! M. Gouré nomme cela: les "Mathématiques transcendantes", c'est à dire le calcul différentiel et intégral... Nous en reparlerons ...

Ayant passé le bac. ès-lettres, Charles-Louis prépare ensuite le bac. ès-sciences jury qui l'admet au grade avec deux boules blanches pour les mathématiques et une boule rouge pour les sciences physiques... Il suit avec M. Gouré les classes de Mathématiques élémentaires, puis la classe de Mathématiques spéciales... Enfin, il se prépare au concours d'entrée au concours de l'École polytechnique, il a vingt ans, mais il est refusé pour la session de l'été 1836...
Le pivot de la formation mathématique est, durant presque tout le XIXe siècle, l’École Polytechnique, centre à peu près unique de la culture scientifique... Stendhal, qui lui aussi, remportait les prix en mathématique, s'était préparé à entrer à l’École polytechnique, alors installée rue de l’Université...

Une autre raison qui compose l'ensemble des raisons qui vont permettre à Charles-Louis de monter à Paris, est d'une part l'attachement de M. Gouré au passé jésuite du Collège, et aux jésuites en général; et d'autre part les convictions légitimistes du professeur ....
M. Gouré assurait au jeune homme que Paris lui ouvrirait les bras, et en particulier ceux de l'un des maîtres du professeur limougeaud : Augustin Cauchy (1789-1857); s'il était initié aux "Mathématiques transcendantes"...
C'est ainsi, que Charles-Louis de Chateauneuf, pourra rejoindre son ami Elie Berthet à Paris... Et, ce sera pour entrer dans un monde des arcanes scientifiques promis par son professeur.. Egalement, il fera connaissance de sociétés, certaines secrètes, qui lui permettront de commencer une Quête personnelle, et continuer celle de ses ancêtres: Roger de Laron et Louis-Léonard de la Bermondie...
Cette quête commence: - par les mathématiques, - la société jésuite nommée '' la Congrégation'' et - la fidélité au roi ''Bourbon'' ...
A suivre ...
Charles-Louis de Chateauneuf – Limoges au XIXe s.
Fils ou neveu : de M. Joseph Châteauneuf ( né en 1759) et de Marie-Catherine-Louise de la Bermondie d'Auberoche ( née en 1780) , mariés en 1803. Jean de Châteauneuf est mort en son château de La Villatte (cne de Saint-Junien-la Brégère, Cr.) vers 1820...

Marie Catherine de La Bermondie, née vers 1780, a pour parents: Jean Léonard de La Bermondie né le 16 avril 1739 et Jeanne de VILLOUTREYS née vers 1740 ou 1750...
Charles-Louis de Chateauneuf est né en 1816, sans doute enfant adultérin...
Il est placé en nourrice dans la campagne environnante, et grandit ainsi, avant d'intégrer le collège royal ( nom sous la restauration) de Limoges, en qualité d'interne...
De bonne heure, il se livre ainsi à la vie contemplative, à l'observation de la nature et l'écoute des contes et légendes qu'emplissent les veillées dont il est friand....

Puis, il parcourt les romans du dernier siècle, et autres miraculeux trésors qu'il peut arracher à sa famille, qu'il voit peu … Son goût pour la lecture va vite devenir impérieux... Ses loisirs en sortie du Collège se passe chez les bouquinistes de Limoges.
Le Collège Royal ( plus tard Lycée Gay-Lussac) a peu changé depuis ; si ce n'est en 1828, la chapelle ( abandonnée...) qui – réouverte au culte - est dotée à présent d'un plafond et d'une toiture ; et, la construction des quatre dortoirs des pensionnaires , dans une aile construite sous l'Empire...

On a repris la désignation des classes des ex collèges des Jésuites : classes élémentaires (8e, 7e) jusqu'à la classe de philosophie...: De la 6e à la 3e les élèves doivent rendre chaque jour un thème (une traduction du français en latin). En seconde on ajoute des pièces de vers latins et en rhétorique des exercices de thèmes et de versions latines et grecques, des exercices de prose. On cherche à développer l’élocution écrite.
On y enseigne aussi : le français, les premiers principes de géographie, d’histoire et de mathématiques, puis se renforcent les sciences : le cours de sciences physiques (zoologie, botanique, minéralogie, chimie, physique) est commun aux classes de 3e/2de/Rhétorique …
Un professeur de philosophie ( pour la première fois il n'est pas prêtre) va les marquer : Charles Mallet (1807-1875) nommé en 1832, au collège royal de Limoges, en remplacement de l'abbé Garrigou. Ch. Mallet élève de l'Ecole normale a passé le concours de l'agrégation de philosophie sous la présidence de Victor Cousin (1792-1867), autre personnage que rencontrera C.-L. de Chateauneuf....

Charles-Louis rencontre un camarade de son âge avec qui partager sa passion, il se nomme Elie Berthet. Le jeune Elie, a, de plus, le goût de l'écriture et lui fait noter sur un cahier les récits du jeune romancier qu'il devient …
A la suite d'Elie Berthet, Charles-Louis devient excellent en rhétorique et en mathématiques ; tous deux se partageant les prix ...
Le père d'Elie Berthet est un négociant de Limoges, honorable mais peu riche... Il s'inquiète de l'avenir de son fils qui semble plus attiré par la passion littéraire que par une profession bourgeoise... A douze ans, il était passionné de botanique ; et possédait déjà une riche collection de papillons et d'insectes qui peuplaient alors le Limousin... Avec l'aide de Charles-Louis, ils vont enrichir cette collection ; le but secret entre eux est de ne jamais être à charge et de subvenir eux-mêmes à leurs besoins... Ainsi, ils vendront à des amateurs les collections d'histoire naturelle ainsi composées...
Leur rêve serait de ''monter'' à Paris, faire leur droit, vivre de ''bohème'' etc ...

«L'étude la plus charmante pour une femme, et surtout pour une jeune fille, est celle de la botanique. Cette science s'apprend avec une extrême facilité par la pratique, et l'on se crée ainsi une source de jouissances intarissable, en même temps que l'on jette un peu de poésie dans l'existence, si dure et si brutale pour tous. J'aime beaucoup la botanique, et je m'efforce de communiquer ce goût à mes petits-enfants. Elie Bertet ». autographe
Limoges autour de 1830:

En 1827, Limoges est soumise à une triade autoritaire :
- le préfet : le rigide baron de Coster
- l'évêque, Prosper de Tournefort, enfermé dans ses positions réactionnaires,
- le maire : Athanase Martin de la Bastide qui règne sur la ville de son château en campagne limousine ...

Dès le 30 juillet 1830, après la fuite de Charles X, les républicains proposent au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume . Le 7 août 1830 après un vote favorable des Chambres il devient Louis-Philippe 1er. Il refuse le titre de roi de France qui l’aurait fait Philippe VII et se fait proclamer roi des Français. Ce nouveau titre, déjà porté par Louis XVI de 1789 à 1792, lie la monarchie au peuple et non plus au territoire. Comme autre symbole fort, la nouvelle monarchie adopte le drapeau tricolore pour remplacer le drapeau blanc de la Restauration.

A Limoges, la précarité de la condition des ouvriers, les a conduit à participer aux mouvements de révolte et de révolution. Pendant la révolution de 1830, de juillet à novembre, des grèves éclatent pour l'augmentation des salaires et la diminution de la journée de travail.
Tous les députés élus sont des libéraux... C'est la fin de trois décennies ''calmes''...
C'est véritablement alors l'heure de la bourgeoisie triomphante. Le nouveau Maire Fr. Alluaud entend insuffler modernité et progrès dans la gestion de la ville...
François II Alluaud s’attelle à poursuivre l'œuvre de son père et implante une usine de porcelaine aux Casseaux en 1816, en bord de Vienne, à une époque où celle-ci était une authentique route du bois. Il est également Maire de Limoges (1830-1833), et va participer à l'amélioration de la qualité de fabrication, de cuisson, et va franchir les barrières esthétiques en terme de création. Sous son influence, l'industrie porcelainière de Limoges va devenir une véritable industrie d'art.

Après les 3 glorieuses (1830) , les naveteaux armés de leur interminable lancis figurent dans les rangs de la garde nationale.
A noter en 1835, une très grave inondation des bords de Vienne...
Après six siècles de durée, le pont Saint-Martial et le pont Saint-Étienne servent encore aux communications de deux pauvres faubourgs, et heureusement ils ont tout juste assez d'utilité pour qu'on les entretienne...

Entre 1833 et 1839, le Pont-Neuf est construit puis livré à la circulation le 29 juillet 1839. La première pierre de ce pont a été posée le 17 juillet 1832. Cette pierre renferme une plaque en porcelaine portant les noms des officiels. Appelé pont ''Louis Philippe'' , il fut baptisé ''Pont Neuf'' après la révolution de 1848. Les emplacements prévus pour de grandes assiettes en porcelaine évoquant l'importance de la profession et sa vocation à réaliser des chefs d'oeuvre , sont hélas demeurés vides.

Le champ de juillet fut établi en 1830 pour permettre les charges d’entraînement des régiments de cavalerie, dont le XXème dragon. L'armée refuse le lieu qui devient un espace de promenade... L'oeuvre des frères Bühler, célèbres paysagistes du XIXe siècle, en 1858 a disparu, et est malheureusement oubliée. (Le jardin a été entièrement reconstruit dans sa partie basse vers 1928.)
1840, voit le Théâtre, place Royale ( de la République )
1846, le Palais de justice
1852, une halle sur la Place de la Motte

1856, la gare d'Orléans
1861, la Caserne de la Visitation...
La Porcelaine :
Vers 1830, la grande industrie de Limoges, reste la production de textiles. En 1837, la ville compte 25 manufactures de flanelles établies au bord de Vienne. Le déclin est du à la concurrence des tissus du nord de la France ; et il est contrebalancé par le développement de la porcelaine...

Sous la Restauration, l’augmentation de la production de porcelaine, sans doute liée à une augmentation de la consommation, est notable. Elle est due à deux facteurs : l’abondance des matières premières – kaolin et bois – dans la région et la présence d’une main-d’œuvre nombreuse et habile. En 1830, on inventorie seize fabriques, puis vingt-quatre en 1836-1837, soit quarante fours. Onze d’entre elles sont établies à Limoges et les autres en Haute-Vienne. Au niveau des effectifs, l’enquête industrielle de 1840-1844 recense 3198 personnes travaillant dans l’industrie porcelainière, qui est ainsi la première de la région. La production est alors majoritairement constituée de porcelaine blanche. Les décors sont principalement exécutés par des artistes qualifiés à Paris ou Toulouse, principaux centres de vente de cette porcelaine. Cependant, des ouvriers porcelainiers limousins décorent également la porcelaine. Quant aux exportations, elles se font en direction des marchés allemand, italien, espagnol et américain, mais encore modestement.
Charles-Louis de Chateauneuf – Un enfant du siècle : le XIXe

Jean-Léonard de la Bermondie, naît en 1739, en Limousin... Ancien page du Roi, officier dans les Gardes Françaises ; il y rencontre le marquis de Lusignan, avec qui il emprunte le chemin de la Franc-maçonnerie... Fort de l'héritage de son ancêtre Roger de Laron, templier...; il découvre diverses routes qui conduiraient au Graal; et comme émigré (pendant la révolution ), la pilosophie...

Avant de tourner cette page, il laisse à sa descendance les traces de ce chemin de vie. Le relais va être assuré par Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges...
Il y a tout juste 200 ans, naissait une génération qui s'est fait appeler ''enfant du siècle''...
L'une des meilleures illustration de ce type d'homme et de femme, est le roman d'Alfred de Musset (1810-1857): '' La Confession d'un Enfant du Siècle '', roman autobiographique publié en 1936...

Cette histoire est inspirée de la passion réelle vécue par Alfred de Musset et George Sand entre juillet 1833 et Mars 1835. Ces amours cohabitent avec la vie de débauche dont Musset ne parvient pas à se défaire et avec la liaison que Sand a avec le docteur Pietro Piagello à Venise. Dans le roman, tout y est romancé et rien ne s'est réellement passé comme le décrit Musset. Le procédé sera repris par George Sand (1804-1876) elle-même dans son texte '' Elle et Lui'' (en 1859), où tout et rien ne sont vrais … !
''Enfant du Siècle '': désigne les temps nouveaux, placés sous le signe du héros fondateur ( « Ce siècle avait deux ans. Rome remplaçait Sparte »), à présent déchu ; mais signifie encore : gloire, énergie, espoir, avenir, jeunesse.

« C'est à nous jeunes gens, enfants du siècle et de la Liberté, à favoriser l'aurore du bonheur des nations, à faire accorder la sûreté des trônes avec la liberté des peuple... » écrit le jeune Balzac (1799-1850) (Sténie : roman inachevé commencé en 1819) ).
Victor Hugo (1802-0885) , se reconnaît lui-même dans ''Feuilles d'automne '' : « Je suis fils de ce siècle !... »
E. P. de Senancour (1770 - 1846), écrivain du premier romantisme français. Dans ses Rêveries, il décrits les enfants du siècle, comme des « esprits légers et insouciants, enivrés d'esprit et privés d'âme, qui voient dans le monde comme il va, le monde comme il doit aller.»
Ce siècle est nourrit des nostalgies de la noblesse mais aussi des mécomptes de la liberté puis des humiliations de la défaite. On y retrouve mêlés : vocabulaire passéiste, et attitude aristocratique, avec une inquiétude métaphysique ou sa crispation en révolte.

Benjamin Constant dans son roman autobiographique paru en 1817 : ''Adolphe'', met en scène les relations amoureuses entre Adolphe, un jeune homme de bonne famille, et Ellénore ( inspirée de plusieurs femmes, mais surtout de Germaine de Staël )... cette œuvre exprime ce mal du siècle; l'auteur affirme en effet : « J'ai voulu peindre dans Adolphe une des principales maladies morales de notre siècle : cette fatigue, cette incertitude, cette absence de force, cette analyse perpétuelle, qui place une arrière-pensée de tous les sentiments, et qui les corrompt dès leur naissance ».
Je reviens à la Confession d'un enfant du siècle (1836), ; avec le film de Diane Kurys, on entend Musset prononcer ces paroles ( et qui est en fait un résumé du Chap II de la Confession.):

« Le monde était en ruines, et nous venions au monde. La guerre était finie, nous arrivions après la gloire, après l’idéal, il nous restait le désespoir pour seule religion et pour toutes passions et mépris. Les femmes s’habillaient de blanc comme les fiancées, et nous les enfants du siècle, vêtus de noir comme les orphelins, nous les regardions, blasphème à la bouche et le cœur vide. J’allais dans ce désert, serré dans le manteau des égoïstes… quand soudain, je la rencontrai… »
Voilà ce qui en est de cette génération : '' Enfant du Siècle''.
Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges, tentera lui, de se défaire de cet atavisme, en retrouvant des racines bien plus anciennes...
A suivre ...
L'émigration – le Romantisme et Germaine de Staël.
Weimar_1803 - Le peintre Otto Knille a réuni dans sa fresque Weimar 1803 les romantiques allemands des deux premières générations, le Sturm und Drang et le Cercle d'Iéna.
'' De L’Allemagne''
Les émigrés vont introduire le Romantisme dans la littérature française. Le rationalisme ( façon ''Lumières'' à la française) devient suspect...

''De l’Allemagne'' de Germaine de Staël grand succès après 1815 – au moment où les émigrés rentrent en France - est un livre qui va assurer la diffusion de ces idées...
En 1810, la police impériale avait saisi en France les 2000 exemplaires imprimés et seront pilonnés.
Napoléon lui fait rapporter :« Nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez.. Votre dernier ouvrage n’est point français. »
L’ouvrage paraîtra à Londres en 1813 et à Paris en 1814.
Qu’y a t-il donc de si terrible dans ce gros traité en deux volumes?

Madame de Staël dénonçait déjà la stérilité, ou plutôt l’épuisement, du classicisme français.
Elle attendait la régénération par les auteurs du Nord, qui ont rejeté ce carcan de règles. C'est Germaine de Staël - fille des Lumières, attirée par la rêverie poétique et sensible à la relativité de choses – qui popularise le mot '' romantisme '' : Déjà Delphine et Corinne ont fait souffler des ouragans sentimentaux.., assez proches de ceux rencontrés dans sa vie privée …

« Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme. » (…) « ... en considérant la poésie classique comme celle des anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques. Cette division se rapporte également aux deux ères du monde: celle qui a précédé l'établissement du christianisme, et celle qui l'a suivi. » G d St ( Chap XI De la poésie ...)
En 1803-1804, Germaine de Staël séjourne à Berlin, Francfort et surtout Weimar. Cette dernière ville lui semble une nouvelle Athènes, en moins classique. Schiller, et même Goethe, prennent peur devant cette femme qui raisonne tant et si vite...
Elle semble n'avoir peu de goût pour la philosophie idéaliste qui conduit – affirme t-elle – au mysticisme et à la superstition... Germaine de Staël, aura besoin d'être initiée au kantisme : un jeune anglais Henry Crabb Robinson (un puits de science..) va s'en charger... Puis, elle réussira à s'attacher Auguste Schlegel, avec le prétexte qu'il soit le précepteur de son fils Augustin.

En 1811, un second voyage en Allemagne va compléter ce panorama, une vision de l'Allemagne, contrastée avec un Sud presque latin et un Nord brumeux à souhait... Une Allemagne négligée : jusque-là, l’Europe attendait la lumière du Sud... Il existe, au-delà du Rhin, des écrivains, des philosophes, des peintres aussi, qui innovent, alors que la France impériale stagne. Paris doit cesser de se regarder le nombril...
Une Allemagne en pleine mutation. Politique aussi, puisque Napoléon a supprimé en 1806 le Saint Empire romain-germanique, mais aussi morale et intellectuelle. Les Français ont l’habitude d’une Allemagne faible et morcelée (elle compte environ 400 états !).. Par ses guerres, Napoléon accélère son unité comme sa «germanicité»...

Au contact des penseurs allemands, Mme de Staël, va accepter l'idée d'une double nature chez l’humain : d'une part l’empire des sens, auquel est abandonné le monde visible ; et le monde invisible de la pensée, du sentiment, de l’âme, donc immatériel.
« Le jour où l’on a dit qu’il n’existait pas de mystères dans ce monde, ou du moins qu’il ne fallait pas s’en occuper, que toutes les idées venaient par les yeux et par les oreilles, et qu’il n’y avait de vrai que le palpable, les individus qui jouissent en parfaite santé de tous leurs sens se sont crus les véritables philosophes. Faut-il donc appeler du nom de folie tout ce qui n’est pas soumis à l’évidence matérielle ? » ( G de St. De L'Allemagne )
Si Mme de Staël s’accorde à accepter, qu'il y a des phénomènes dont on ne peut pas saisir l’essence car l’individu ne perçoit que sa manifestation extérieure. Pour Friedrich Schlegel ( le frère d'August...), cependant, l’individu peut, à travers l’esprit poétique, percevoir dans la réalité des fragments de l’essence divine des choses...

Madame de Staël s’intéresse à la façon dont la religion se rattache, en Allemagne, à tout un système littéraire et philosophique basé sur un sentiment de l’infini, «positif et créateur», et sur une absence de limites, auxquels la plupart des écrivains allemands rapportent leurs idées religieuses.

Le sentiment religieux de l’infini, que la nature a revêtu de divers symboles, étant le véritable attribut de l’âme. Elle se rattache de nouveau aux théories des romantiques allemands sur la capacité de l’esprit poétique de percevoir des fragments de l’essence divine des choses par le biais des combinaisons - chimiques - des différents éléments qui composent la nature.
Ce sentiment religieux permet donc de lier les méditations philosophiques aux plaisirs de l’imagination et aide l’esprit poétique à souligner les contrastes dans la nature et dans l’âme. Ainsi, les poètes mystiques allemands se rattachent au sentiment d’une religion qui est loin du protestantisme ou du catholicisme.
Germaine de Staël se méfie de la tendance mystique de la religion... Elle va aussi évoluer sous l'influence de A. Schlegel, et de Charles de Villers, Elzéar de Sabran... N'oublions pas alors la tendance ''illuministe'' de mouvements religieux et théosophiques en Allemagne ...
Dans De l’Allemagne, Mme de Staël note aussi que les grands intellectuels allemands s’occupent d’occultisme et d’alchimie... mais, elle, ne peut pas tout accepter...
Germaine de Staël reste sceptique : « tout ce qui n’est pas susceptible de preuves peut être un amusement de l’esprit, mais ne conduit jamais à des progrès solides ». ( G de St. De L'Allemagne )
L'émigration – Charles de Villers, Dorothea Schlözer et Germaine de Staël

Avant de revenir à Madame de Staël et Villers, il faut parler de Dorothea von Rodde-Schlözer (1770-1825), elle est une des personnalités féminines allemandes étonnantes de cette époque. Fille d’August Ludwig Schlözer, professeur d’histoire et de politique à l’université de Göttingen, elle est la première femme allemande à être élevée au titre de docteur en Philosophie obtenu à l’âge de dix-sept ans en passant brillamment des épreuves aussi diverses que les mathématiques, le latin et l’architecture. Cette spécificité la rend célèbre dans l’Europe des Lumières... A quatre ans, elle lit. À l'âge de cinq ans, elle étudiait la géométrie. À 16 ans, elle maîtrisait dix langues..
Buste de Dorothea von Rodde-Schlözer, par Jean-Antoine Houdon, Paris, 1806
Elle se marie en 1792 avec Mattheus Rode, un marchand et sénateur beaucoup plus âgé qu’elle, mais après sa rencontre en 1794, elle entretient une relation amoureuse, et peu conventionnelle avec Charles Villers (1765-1815).
En 1801, Dorothea Schlözer se rend à Paris dans le cadre d'une mission diplomatique de son mari. Villers et ses enfants l'accompagnent. A Paris , ils cherchent à rencontrer des savants : elle fait la connaissance du naturaliste Lacépède , du géologue Dolomieu et du philologue Fauriel . Elle visite des galeries, rencontre Jacques-Louis David et Jean-Baptiste Isabey. Anicet Charles Gabriel Lemonnier fait son portrait et Jean-Antoine Houdon crée un buste d'elle.
Quelques années plus tard, son mari est ruiné (1810) et Villers et deux de ses enfants meurent... Affligée et affaiblie par une santé fragile, elle décide de s’installer dans le sud de la France et meurt à Avignon en 1825.

Revenons à Charles de Villers, et sa rencontre avec Madame de Staël :
« On trouve toujours M. de Villers à la tête de toutes les opinions nobles et généreuses; et il me semble appelé, par la grâce de son esprit et la profondeur de ses études, à représenter la France en Allemagne, et l’Allemagne en France. » Madame de Staël, De l’Allemagne
Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 ) « Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment ..."
Une active correspondance s'était engagée entre Villers et Mme de Staël : « Villers m'écrit des lettres où l'amour de Kant et de moi se manifestent » écrit-elle le 23 Octobre 1802 à Camille Jordan.
En Octobre 1803, elle fait la connaissance de Charles de Villers à Metz, alors qu'il se rend à Paris.

C'est alors l'occasion d'un marivaudage entre Villers et Mme de Staël, qui insiste pour qu'il l'accompagne en Allemagne... Mme de Rodde, l'égérie de Villers, s'en inquiète fortement... Au départ de Germaine, Villers, ensuite, se cache pour lui écrire...
« Deux journées se sont écoulées lentement, après d'autres si rapides, deux journées pleine de mélancolie, d'amertume, de rêveries, de regrets. Je restai avant-hier comme inanimé à la place d'où je vis disparaître la voiture qui vous emportait... Ils (ces jours) laisseront en moi à jamais le sentiment profond d'un bonheur plus qu'humain, une estime de moi-même que je n'ai due qu'à vous, le souvenir ravissant d'avoir été élevé par vous au premier rang entre les hommes, la certitude de ne pas mourir sans avoir connu toute la lassitude de l'existence et l'ivresse et l’énergie dont un être est susceptible. » ( cahiers staëliens N°7 mai 1968)

La conception idéalisée de l’érotique allemande présentée par Villers dans son essai de 1806, sur la manière essentiellement différente dont les poètes français et les allemands traitent l’amour, qu’il oppose à la tradition du roman galant français dans le but de donner une nouvelle orientation à la littérature française, prend sa source dans la haute estime qu’il a pour la philosophie et la religion allemandes, exprimée dès son Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther de 1804.
Villers interprète les violences de la Révolution française comme la conséquence d’un très ancien matérialisme mettant l’accent sur le plaisir et sur le corps, en contraste avec la culture allemande centrée sur l’âme et la vertu.
L'émigration – L’Allemagne, Kant : Charles de Villers et Germaine de Staël
Dans les années 80, J. L. de La Bermondie, le répète : « Tout semblait possible, sauf l’exécution du Roi, sauf cette révolution-là !»
Les '' Lumières'' qui enchantaient les intellectuels, les lettrés, espéraient et soutenaient une monarchie qui s'adapterait aux transformations économique, politique et sociales inévitables... D'ailleurs cela se vérifiait dans les états des Habsbourg, et surtout en Angleterre où le roi n'exerce pas par la grâce de Dieu, mais par le libre consentement de ses sujets par le biais du parlement …

Je ne sais rien de ces années d'émigration concernant J. L. de la Bermondie ; mais j'imagine qu'elles sont proches de celles qu'ont vécu des personnages qui à cette même époque se sont croisés avec les même intérêts. A la croisée de ces chemins, il y a Madame de Staël (1766-1817), et en lieu et place de J. L. de la Bermondie : je vois Charles de Villers ( 1765-1815), François de Pange (1764-1796), Benjamin Constant (1767-1830), des personnages du ''groupe de Coppet'' comme Auguste Schlegel, (1767-1845), Mathieu Jean Félicité, duc de Montmorency-Laval,(1766 -1826), Prosper de Barante (1782-1866), et aussi Juliette Récamier...

Charles de Villers (1765-1815) a consacré sa vie à faire connaître en France les richesses de la pensée et de la culture allemandes. Il fut dans ce domaine un précurseur de Madame de Staël.
Officier d'artillerie, Villers s’intéresse au ''magnétisme animal'' d'où, sa foi en la ''force vitale '' et dans la vertu thérapeutique de la nature..
Le marquis de Puységur, major du régiment et mentor de Villers ; est l'élève de Franz-Anton Mesmer. Villers est admis dans la Société de l'Harmonie... Il compose même un Manuel du magnétiseur qu'on s'arrache et qui attire à son auteur éloges et critiques. Le magnétisme prend pour lui un attrait supplémentaire lorsqu'il fait la connaissance (1783) d'un de ses partisans les plus célèbres, le comte de Cagliostro qui préside alors la loge maçonnique de Strasbourg, et de sa jeune et charmante compagne, Lorenza Feliciani, qui devient la maîtresse du jeune officier jusqu'au départ de celui-ci pour Besançon. Dès lors, dit-on, Villers partage ses loisirs entre le mesmérisme et l'amour...

En 1792, il émigre, et s'établit en Allemagne où il restera jusqu'à sa mort.
En 1796 il est inscrit comme étudiant à l'université de Göttingen où il est en contact avec les professeurs les plus illustres. Il y fait la connaissance de Dorothea Schlözer, fille de l'historien August Ludwig Schlözer, première femme docteur en philosophie de cette université et épouse d'un riche marchand lübeckois Matthäus von Rodde, plus âgé.
C'est dans la maison du couple à Lübeck qu'il séjourne ensuite de 1797 à 1811, formant un ''ménage à trois'' .Villers publie en 1801 son grand ouvrage Philosophie de Kant qui suscite des critiques diverses en France et est sollicité par Napoléon pour un exposé sur cette philosophie... Suit un ouvrage consacré à Luther.
En 1803, il se rend, avec Dorothea, à Paris pour y recevoir un prix. Puis, il rencontre Mme de Staël. Exilée par le Premier Consul, elle est en route pour l’Allemagne, où elle doit rencontrer tout ce qui compte de poètes et de savants. Ils passent douze jours ensemble, partageant la même fièvre et le même enthousiasme. En bien des points le “De l’Allemagne” de G. de Staël, paru dix ans plus tard, porte la marque de la pensée de Villers.
Villers fait donc découvrir la philosophie de Kant à Mme de Staël, qu'elle approfondit par la suite grâce à A. Schlegel, mais aussi grâce au jeune anglais Henry Crabb Robinson, qu'elle reçoit à Coppet ( Janv. 1804). Ce dernier présente en effet à Mme de Staël et Benjamin Constant l’esthétique kantienne, en se concentrant sur trois thèmes fondamentaux : l’autonomie de l’art, le problème de l’évaluation critique des objets esthétiques et de l’universalité du jugement de goût et, enfin, la question du sublime. Cela alimentera dans De l’Allemagne, plusieurs chapitres consacrés à la philosophie de Kant et son impact sur la littérature et les arts .

Kant (1724-1804)... La philosophie va nourrir la réflexion sur l'art.

En effet, la philosophie de Kant ouvre une brèche au discours romantique sur l’art … En Allemagne, certains se disent que tout miser sur la Raison ( avec ''les Lumières''), est trop austère : si on laissait faire l’imagination ; le sentiment … ? Un vraie question philosophique.. !
Kant avance que '' la chose en soi '' dont le monde est au-delà de toute connaissance sensible. est à distinguer du '' phénomène '' : '' la chose pour moi''. Si la « chose-en-soi » est inatteignable, le « moi » ne serait-il pas plus excitant.. ? L'art n'est-il pas aussi moyen de connaissance ? Et pourquoi pas une expérience subjective de « la chose-en-soi ».. ?
Les romantiques, défendent que l’imagination est une dimension spontanée et dynamique de la raison...
L’imagination humaine apparaît comme un pouvoir constitutif de la connaissance. Kant note dans la première Critique, que l’imagination est « un art caché dans les profondeurs de l’esprit humain ».

Jusqu'à présent, l'artiste était censé travailler ( et non créer) en l'honneur de Dieu et d'après des règles souvent assez strictes. Comme le disait Saint-Augustin, « creatura non potest creare » : la créature (l’homme) ne peut pas créer, l’homme peut seulement imiter ce que le créateur a crée, il est voué à se rapporter à un modèle extérieur.
Kant, lui, dit que l'imagination est un levier extraordinaire qui trouve sa source – non pas dans un modèle extérieur – mais dans l’esprit humain, dans la racine cachée de l’esprit humain.
Du coup, pour les romantiques précisément, l’artiste devient une sorte de démiurge, quasi-divin, qui peut créer grâce à son imagination. Il se met souvent en rivalité au sein du romantisme avec Dieu. C’est la thèse faustienne de la création.

On parlera aussi d'une esthétique du sublime, dont on peut trouver la source chez Kant, dans la Critique de la faculté de juger ; voici en effet comment Kant définit le sublime par opposition au beau : « Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, qui consiste dans la limitation ; en revanche, le sublime pourra être trouvé aussi en un objet informe, pour autant que l’illimité sera représenté en lui ou grâce à lui et que néanmoins s’y ajoutera par la pensée la notion de sa totalité ; ainsi le beau semble convenir à la présentation d’un concept indéterminé de l’entendement, et le sublime à celle d’un concept indéterminé de la raison » ( Kant : Critique de la faculté de juger ). Le sublime est ainsi lié aux notions d’illimité, d’infini, voire d’informe, alors que le beau est marqué par la limitation. ( le Rococo et le néo-classicisme sont à ranger dans le ''Beau'')...

Pour Kant le sublime artistique n’est pas grec, mais il peut être égyptien ( les pyramides) ou chrétien...
Kant va se situer dans une position délicate, car il reconnaît à l'imagination, source des Idées esthétiques, la capacité d’usurper la place de l'entendement dans un processus qui ne relève pas à proprement parler d'un processus de connaissance, mais qui permet d'entrevoir – sous une forme sensible – une réponse aux questions fondamentales qui se posent à l'homme... Hegel remettra de l'ordre … !
Le ''Romantisme'' voit dans ce qui paraît ''obscur'' une expérience de ce qui est caché... Il met en avant la nuit, les légendes, le Moyen-âge, le rêve …

L'esprit du monde se reconnaît dans la nature... Et d'ailleurs, y a t-il vraiment une distinction à faire entre esprit et matière ? Schelling voit en la nature : l'esprit du monde ; et il voit aussi cet esprit à l’œuvre dans la conscience de l'homme...
Friedrich Wilhelm Josef Schelling (1775-1854), a cinq ans de moins que Hölderlin ou Hegel ( trois camarades d'études au séminaire de Tübingen (Stift), tous trois destinés à devenir pasteur...) Cependant, Schelling semble par sa précocité les avoir dépassé... En 1794, il entend parler de Fichte (1762-1814) et le rencontre. Schelling se convertit alors à la philosophie.

Pour se faire une idée du climat intellectuel dans ces années, il faut se rendre à Iéna, qui vit sous sous le règne éclairé de Charles-Auguste (de 1775 à 1828) et de son ministre Goethe (1749-1832). La ville reçoit les Lumières de l'École de Weimar, ce qui suscite la renaissance de l'université. Goethe y consacre tout son zèle, pédagogique et administratif. C’est là qu'en 1794 il se lie d'amitié avec Friedrich Schiller, qui depuis 1789 était professeur et vit jusqu'en 1799 à Iéna.
L'université va recruter une pléiade de talents, avec notamment Johann Gottlieb Fichte (1794), Schelling (1798), Hegel (1801-07), faisant de la ville le centre de l'idéalisme allemand, mais aussi du premier mouvement romantique, avec August Wilhelm Schlegel, sa femme Caroline, Friedrich Schlegel, Ludwig Tieck, Clemens Brentano et Novalis.