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Les légendes du Graal

technique

1951 - Teilhard de Chardin - Une vision du Monde – 3

8 Août 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1951, #Teilhard de Chardin, #technique

Les notes de Lancelot, montrent que les paroles de Teilhard, ne cessent de résonner dans sa tête. Réflexion sur Teilhard et l'Entropie

Teilhard remarque que l'apparition de la vie, puis de la pensée, s'accompagne d'un progrès du degré d'organisation, de la complexité.

Ajoutons le fait que, par exemple : une cellule est plus qu'un simple agrégat de molécules. Dans le Tout (somme de ses constituants) émergent des propriétés nouvelles, absentes chez ses constituants.

Cependant, la vie contient un processus d'ordre et d'organisation, et un processus de désordre, la mort. Le vivant se réorganise de façon permanente. Ainsi, l'évolution du vivant s'accompagne d'une croissance d'entropie, et ( est-ce contradictoire ?) selon Teilhard, d'une convergence vers la victoire de l'esprit ( point Oméga).

XVIIe siècle. Robert Fludd, Utriusque cosmi maioris scilicet et minoris  , tomus II (1619)

 

Nous sommes nés d'une cellule ( fusion de deux cellules...) et nous nous transformons en un corps de 30.000 milliards cellules ! Qu'en est-il de la vie et de la mort de toutes ces cellules ? Certaines se renouvellent en permanence, d'autres atteignent quelques jours, ou plusieurs dizaines d'années.

La mort continue de nos cellules, nous métamorphose.

Nous sommes comme le fleuve dont parlait Héraclite : le même et sans cesse renouvelé. Être vivant, c'est en partie mourir et renaître.

Qu'est-ce qui en nous nous remémore le passé, nous crée des émotions ? Si ce ne sont pas les cellules, qui ''meurent avant nous'' ; ce sont, l'organisation, l'information ? L'âme, dirait peut-être Teilhard.

Je répète donc : d'un côté la thermodynamique nous explique que l'univers va vers sa fin comme un Tout, un et indifférencié, du fait de l'Entropie. De l'autre, l'Evolution semble générer des systèmes toujours plus complexes, à l'entropie négative....

 

En ce début des années cinquante, Lancelot remarque avec intérêt que la science - plus particulièrement par le biais de la technique - alimente la réflexion morale et même métaphysique. C'est bien-sûr causé par l'arrivée de la bombe atomique ; mais aussi par ce qui semble caractériser notre société, et que Jacques Ellul nomme la '' société technicienne '' caractérisée par « la soumission de l'homme aux nécessités rigides du milieu technique dans lequel il est désormais contraint d’évoluer. » ( La technique ou l'enjeu du siècle, écrit en 1950 et publié en 1954 )

Déjà, pour Bernanos,  '' la technique '' ne désigne pas la machine, mais le système qui s'y appuie, et ne voit plus qu'au travers de cette efficacité et son développement ; la Technique comme fin, prive l'homme de sens...

« Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles? Hélas, c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes – chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau… On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » ( Georges Bernanos, La France contre les robots, 1947 )

 

Mais, Lancelot, se souvient aussi d'une discussion aux Rencontres de Genève, avec le journaliste René Sudre qui expliquait qu'à son avis, « la technique ne peut pas être arrêtée, (...) En ce qui concerne les moyens de résoudre le problème de l’exagération de la technique, je trouve que nous sommes tout à fait désarmés. Nous ne pouvons pas empêcher le progrès de la technique qui ira jusqu’au bout de ses possibilités (…) Je ne sais pas si ce sera un bien pour l’humanité. En tout cas, je sais que nous y arriverons. On créera des hommes, qui seront peut-être des surhommes, mais qui courront le risque d’être des monstres. ».

Le philosophe Gabriel Marcel (1889-1973), publie '' Les Hommes contre l’humain '' (1951). L'expérience des fascismes, l'amène à craindre aujourd'hui la tyrannie technocratique et bureaucratique. La technique, à présent, il nous faut apprendre à en être maître, en devenant d'abord maître de soi.

Jacques Ellul, se demande si, précisément, l'enjeu du siècle n'est plus s'il faut défaire le capitalisme ; en effet, la question du « capitalisme est une réalité déjà historiquement dépassée. (…) Ce qui est nouveau, significatif et déterminant, c’est la technique ». La technique serait d’abord un imaginaire global, une nouvelle manière de percevoir le monde...

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Bernanos et les Machines

29 Mars 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Bernanos, #1946, #machines, #technique, #Fourastié

Bernanos

Bernanos bouscule, et Anne-laure de Sallembier ressent l'intime impression qu'il énonce ce qu'elle ne peut réussir à exprimer et qui lui paraît si juste ; à savoir que le totalitarisme prend racine à l'intérieur même de la démocratie avec la Technique. L'Etat totalitaire est un enfant de la Civilisation des Machines. En cause, une conception de l’homme radicalement nouvelle et imposée par « l’État technique qui n'aura demain qu’un seul ennemi: “ l'homme qui ne fait pas comme tout le monde” ou encore “l’homme qui a du temps à perdre” ou plus simplement “l’homme qui croit à autre chose qu’à la Technique”. »

Les deux mots magique du paradis de ''la civilisation des machines'' seront : « Obéissance et irresponsabilité ». Dans les salons Bernanos s'emporte : c'est lui le défenseur de la Démocratie.. ! Que faire si la démocratie nous trompe ? « Les totalitarismes sont les fils de la démocratie. J’emm… la démocratie. » !

Ce que tente d'expliquer Anne-Laure, qui défend Bernanos, c'est que le nazisme n'était pas une parenthèse. Il existe une complicité essentielle entre le libéralisme et le totalitarisme, et s'incarne aujourd'hui dans la technique ; et l'appui des intellectuels par une sorte d'hypertrophie de la rationalité.

« La machine s'est faite homme, par une espèce d'inversion démoniaque du mystère de l'Incarnation. » : c'est du Bernanos.

Plus précisément, Bernanos n'est pas l'ennemi de la technique, mais il se méfie terriblement des techniciens. « Non le danger n’est pas dans les machines, car il n’y a pas d’autre danger pour l’homme que l’homme même. Le danger est dans l’homme que cette civilisation s’efforce en ce moment de former »

Lancelot juge les positions de Bernanos exagérées ; et les propos, cette même année, de Malraux, en conférence à la Sorbonne semble lui répondre. Malraux s'interroge sur les valeurs de l’Occident européen, et juge que ce ne sont ni le rationalisme ni le progrès qui les fondent : « La première valeur européenne, c’est la volonté de conscience. La seconde, c’est la volonté de découverte. (…) La force occidentale, c’est l’acceptation de l’individu. Il y a un humanisme possible, mais il faut bien le dire, et clairement, que c’est un humanisme tragique. » ''L’homme et la culture '', conférence donnée à la Sorbonne le 4 novembre 1946, sous l’égide de l’UNESCO.

 

Il faut dire que Lancelot, lit à cette époque, les articles de Jean Fourastié (1907-1990) qui se veut délibérément optimiste ; au point que Jean Monnet lui demande de rejoindre son « club des optimistes », c'est à dire ses collaborateurs au Commissariat du plan.

Fourastié veut rassurer l’homme « quant au pouvoir qu’il peut exercer sur les esclaves mécaniques que sa science a créés »

Fourastié, examine la production industrielle américaine, la consommation et le niveau de vie, le rendement du travail humain, le genre de vie et la vie intellectuelle ; et cette évolution progressive du niveau de vie conduit de façon certaine « à une nouvelle forme de civilisation ». Il conclut également que le temps dégagé grâce aux bénéfices du progrès technique est investi dans des activités culturelles. Il prédit l’avènement d’une civilisation tertiaire, « civilisation intellectuelle de l’homme moyen. »

Fourastié dans son ouvrage ''La civilisation de 1960 '' paru en 1947, définit le progrès technique selon trois indices : - l'augmentation des rendements en nature, - l'augmentation du rendement du travail des producteurs directs , et - la baisse des prix salariaux. Ils semblent à Lancelot, assez discutables, et peuvent conduire à surestimer sur ces points l'importance du progrès et l'optimisme qui s'en déduit... ?

Emmanuel Mounier

Emmanuel Mounier, responsable de la revue Esprit, ne partage pas non plus le pessimisme de Bernanos, il le range sur ces propos, dans la catégorie des réactionnaires et des traditionalistes, réputés promoteurs d’un « esprit apocalyptique » et chantres d’un « prophétisme morose » . Mounier tient au christianisme, et le veut solidaire de la « notion de progrès ».

Mounier se représente l'antimachinisme comme « un mythe bourgeois ». il est convaincu que le développement du machinisme va connaître une « limite » : « Déjà on atteint des paliers, » exemple : le téléphone n'est plus perfectionnable ! Il veut éviter le catastrophisme. La pédagogie de ce moment charnière, est qu'il met à jour des thèmes qui nous habitent comme la nature et son viol par la technique, l'artificiel et notre suspicion. La technique ne serait-elle pas «  la nature totalement engagée par l’homme dans l’aventure de l’homme. » ? Il n'y aurait pas de mesure de l'homme,  « destiné à exercer la souveraineté sur toute la création terrestre, il est lui-même la mesure de la nature. ».

Depuis quand : « l’angoisse de la fin, à chaque seconde imminente, aurait plus de valeur que la promesse toujours offerte des jours » ?, nous demande Mounier.

 

7 février 1947 à 21h, Bernanos est à la Sorbonne, pour une conférence : '' Démocratie et Révolution'' ; alors que paraît son ouvrage ''La France contre les robots''.

Anne-Laure de Sallembier s'enthousiasme d'entendre Bernanos parler de la Révolution de 1789, comme celle de l’abolition des privilèges (nuit du 4-Août) et de la fête de la Fédération, c’est-à-dire de la nation unie autour de la notion de liberté, mais aussi du roi et de la religion chrétienne. 1789, dit-il a été rendu possible par l’homme du XVIIIe « tout hérissé de libertés ».

Fête de la fédération 1789

« Ce sens de la liberté propre au peuple français est tout ce qui permet de résister à l’ordre et à la réglementation des capitalistes américains, qui se préoccupent davantage de mécanique et de technique que de démocratie, et de ce point de vue ne valent guère mieux que les marxistes et les fascistes, lesquels ne font pas même semblant de croire à la liberté. »

 

Avant que Bernanos ne parte pour la Tunisie, nous lui demandons d'être positif et nous fournir quelques conseils pour résister à la ''Civilisation des machines''. ?

- Nous disposons du modèle antique de l’homme contemplatif : celui qui ne se soumet pas à l’impératif technicien de la production et lui préfère l’impératif proprement humain de la liberté.

L’homme contemplatif est précisément celui qui ne « rougit » pas d’avoir une âme, qui s’en soucie et qui estime que la vie intérieure – parce qu’elle a partie liée avec l’Esprit – vaut infiniment plus que celle que tente de lui substituer la civilisation des machines.

- Le peuple français, héritier de la civilisation grecque, demeure par excellence le peuple de la liberté. Il est donc capable de refuser l’obéissance et l’irresponsabilité qui sont les deux mots d’ordre de la civilisation des machines.

La liberté, entendue comme condition de possibilité de l’âme et, de son synonyme, la vie intérieure.

C’est par la vie intérieure que sont transmises des valeurs indispensables sans quoi la liberté ne serait qu’un vain mot.

La conscience n’est plus qu’une relique du passé ? « Les âmes ! On rougit presque d’écrire aujourd’hui ce mot sacré », s’indigne l’écrivain. « L’homme n’a de contact avec son âme que par la vie intérieure, et dans la Civilisation des machines la vie intérieure prend peu à peu un caractère anormal. »

« Il faut, d'abord et avant tout, re-spiritualiser l'homme. »

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