Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les légendes du Graal

femme

Alphonse-Louis Constant, et le Féminin. -2/2-

31 Décembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Art, #Graal, #Magie, #Mythe, #Perceval, #XIXe, #femme

Sur le plan personnel de la vie d'A.-L. Constant, il est intéressant d'imaginer – d'après ce que l'on sait - son rapport avec des femmes proches de lui...

 

Constant rencontre en 1843, Mle Eugénie Chenevier, sous-maîtresse à l’Institution Chandeau (à Choisy le roi) .

Charlotte Chenevier

Parmi les pensionnaires de l’Institution se trouve la jeune Marie-Noémi Cadiot, à laquelle Eugénie s’est liée d’amitié. Lorsque les deux jeunes filles sortent le dimanche, A. Constant les accompagne et ils passent tous trois de bons moments. Eugénie et Alphonse-Louis, envisagent de se marier; et déjà, Eugénie attend un enfant de lui … Mais Marie-Noémi est tombée amoureuse... Et, elle lui envoie des lettres enflammées, des poèmes...et finit même par fuguer de chez ses parents pour aller se réfugier dans la mansarde de celui-ci. Son père exige alors le mariage, sous la menace d'une accusation de détournement de mineure, car la jeune fille n'a même pas 18 ans. A. Constant doit se résigner. Le mariage a lieu le 13 juillet 1846.

Eugénie a un fils ( Alphonse), en 1846, que son ''père'' ne reconnaît pas … Plu tard, il tentera de se rapprocher de lui...

 

Marie-Noémi prend des cours de sculpture auprès de James Pradier (1790-1852) dont elle est aussi le modèle et la maîtresse...

DAPHNE - CADIOT - Noémie

Marie-Noémi va devenir une femme de lettres, romancière, une sculptrice, une critique d'art et une révolutionnaire qui aura un rôle actif dans le mouvement féministe issu de la Révolution de 1848.

- Vers 1851-52, A. Constant rencontre le mathématicien polonais Josef Hoëné-Wronski (1776-1853), dont l’œuvre fait sur lui une impression durable et l’oriente vers la pensée mathématique et le messianisme... Le 15 août 1803, il eut une révélation de ''l’Absolu'', et jusqu’à la fin de sa vie il ne cessa d’élaborer une théorie générale de « Messianisme », ou de « Paraclétisme », fondée sur cette découverte, et de l’exposer dans de nombreux ouvrages philosophiques et politiques. En avril 1810, Josef Wronski a épousé Henriette Victoire Sarrazin de Montferrier...

 

Marie-Noémi quitte A. Constant pour l'écrivain et mathématicien Alexandre, marquis de Montferrier (1792-1863) et beau-frère d' Hoëné-Wronski. En 1875, elle épousera le député de Marseille Maurice Rouvier (1842-1911) qui deviendra plus tard ministre du gouvernement de Jules Ferry.

 

Noémie_Constant par J.J._Pradier

Elle expose des sujets mythologiques au Salon de Paris à partir de 1852 d'abord sous le nom de Noémie Constant, puis, à partir de 1864, sous celui de Claude Vignon (personnage de "La Cousine Bette", roman de Balzac). Elle fréquente le club des Femmes d'Eugénie Niboyet, écrit dans Le Tintamarre et Le Moniteur du Soir des feuilletons littéraires sous le pseudonyme de « Claude Vignon »

 

A.-L. Constant a pris le pseudonyme d'Éliphas Lévi, ou Éliphas Lévi Zahed (traduction en hébreu de Alphonse-Louis Constant), et va devenir une grande figure de l'occultisme...

 

« La foi n'est qu'une superstition et une folie si elle n'a la raison pour base, et l'on ne peut supposer ce qu'on ignore que par analogie avec ce qu'on sait. Définir ce qu'on ne sait pas, c'est une ignorance présomptueuse; affirmer positivement ce qu'on ignore, c'est mentir. » Eliphas Lévi

 

Eliphas Lévi, se fait connaître par ses connaissances sur l'Esotérisme, en général … Il donne des leçons à l'évêque d'Évreux, Mgr Devoucoux, sur la Qabbale.

Judith Gautier dessinée par JS Sargent.

 

Comme grand admirateur de Balzac, je note qu'Eliphas Lévi connaît très bien la veuve d'Honoré de Balzac, Ewelina Rzewuska Comtesse Hanska ; elle le reçoit dans son château de Beauregard, à Villeneuve-Saint-Georges, il apprécie la magnifique bibliothèque... Il est très lié également avec Judith, fille de Théophile Gautier et première femme de Catulle Mendès. Quand il tombe malade d'une mauvaise grippe, il quitte Paris et s'installe chez Mme de Balzac... Avec le comte Alexandre Branicki, hermétiste, il aurait réussi quelques expériences probantes du Grand Œuvre dans un laboratoire installé au château... Malheureusement, un an plus tard, Mme de Balzac meurt.

Mlle. Judith Gautier à la Fourberie, JS Sargent.

 

 

Avec Mendès, Judith – elle a 24 ans - rencontre Wagner à Bayreuth. Il s'enflamme pour elle. Judith Gautier inspire à Wagner les « filles-fleurs » de Parsifal. Elle traduira en français le livret...

 

Le_Chevalier_aux_Fleurs_1894_Georges_Rochegrosse

Le tableau représente le moment où Parsifal, héros chaste dont le destin est de reconquérir le Saint-Graal, vient de terrasser les gardiens du château du magicien Klingsor. Il s'éloigne dans le jardin enchanté, sourd aux appels des filles-fleurs, femmes fatales aux corps à peine couverts de fleurs.

Les jeunes filles entourent le jeune homme pour se disputer ses faveurs, mais il se décide finalement à les repousser. Kundry, qui obéit aux ordres du magicien, renvoie les Filles Fleurs et use à son tour de son charme pour tenter de le faire succomber.

L'un des thèmes les plus importants de l'Opéra Parsifal de Wagner est la lutte entre la chair et l'esprit : le magicien Klingsor, incapable de résister à ses pulsions, s'est châtré, et son obsession est de conduire à leur perte les Chevaliers du Graal, par l'intermédiaire des filles-fleurs, les tentatrices.. ( Wiki)

 

Oui... Nous retrouvons Parsifal... Le mythe arthurien revient sur le devant de la scène mythologique du XIXe siècle … Nous en reparlerons ….

Pour le moment, nous faisons connaissance de l'entourage de A.-L. Constant ( E. Lévi) ; qui va impressionner Ch.-L. De Chateauneuf...

El. Lévi - Histoire de la Magie

 

Un climat spiritualiste règne à cette époque...

Gautier en 1866, fait paraître un récit '' Spirite '' ; Mendès en 1869, fait paraître un poème swedenborgien ' Hespérus ' qui évoque des noces spirituelles entre deux âmes complémentaires...

Romantisme et Symbolisme vont faire le lien ; comme dans le salon de Nina de Villard, elle-même passionnée de Kabbale et de spiritisme... Les poètes apparaissent être alors les prophètes chargés de dire l'ineffable, de retrouver la langue poétiques des origines et de hautre Tradition, des correspondances entre '' Ciel et Terre ''… Et, précisément pour E. Lévi, la ''magie'' tente de révéler ces correspondances, et de mettre de l'harmonie dans le monde ...

 

Lire la suite

L'abbé Alphonse-Louis Constant, et le Féminin -1/2-

28 Décembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Amour Courtois, #Expérience chrétienne, #Mythe, #XIXe, #femme

Alphonse-Louis Constant

Je voudrais, parce que c'est important pour la suite de la Quête de Ch.-L. De Chateauneuf, lire ce que dit '' l'abbé'' Alphonse-Louis Constant (1810-1875), du '' Féminin '', situé dans son époque évidemment …

L'avènement de la République, aurait pu signifié – à l'image de la Liberté personnifiée par Marianne – la libération de la femme … La piété mariale ne cesse de s'intensifier. On pourrait se demander si la mariologie sert la cause féministe ? A.-L. Constant, lui, l'affirme … pour lui, le Féminin, peut incarner l'avenir du citoyen, et de l'Eglise catholique ...

Quand le jeune abbé Alphonse-Louis s'éprend d’Adèle Allenbach, il compare son amour, à celui qu'il a pour la Sainte Vierge... Mais, de plus...Il quitte le séminaire huit jours avant son ordination, bouleversé par ses sentiments...

Il écrit ''La Bible de la liberté'', et cause le scandale parce qu'il soutient que Dieu habite d’abord le coeur de chacun avant de régner sur le monde ; et « l’humanité n’a qu’une grande âme qui passe de génération en génération...». Le livre est saisi, et lui est arrêté, jugé (!) , puis incarcéré à la prison de Sainte-Pélagie. Là, il étudie les écrits d’Emmanuel Swedenborg (1688-1772), très en vogue, qui confirme son mysticisme féminin et la sainteté de l’amour.

Il publie ''La Mère de Dieu'' (1844) et poussé hors de l'Eglise, on retrouvera l’abbé Constant dans la société secrète de l’Ordre hermétique de la Rose-Croix universelle de Lausanne, où il obtient vite le grade de Grand-Maître.

Vierge Marie 1850

Pour en revenir aux idées : Constant prévoit que l'ère de l'amour marial succède à celles de l’autorité patriarcale... « Le monde, jusqu’à présent, a connu en Dieu l’idée d’un Père et d’un Fils ; mais il n’est pas encore initié aux secrets d’amour de la mère, sur qui repose le Saint-Esprit. »

Une nouvelle ère marquée par la Liberté de la femme, l'Egalité entre les sexes, et la fraternité ( amour social...). L'humain a face à lui : la Mort ( séparation entre homme et femme) , et la Beauté ( union entre masculin et féminin). L'Amour est donc la voie de déification, car il vainc la mort... Symboliquement, l'homme est motivé par la beauté de la femme, et chacun peut en expérimenter la manifestation divine.

 

Dans le langage de l'époque : Constant écrit dans '' La Bible de la Liberté'' :

Louise Vernet

« L’homme est l’amour de l’intelligence, la femme est l’intelligence de l’amour.

La femme est le repos et la complaisance de Dieu, la fin de sa révélation et la couronne de ses œuvres.

La femme est avant l’homme, parce qu’elle est mère, et l’homme doit l’honorer, parce qu’elle enfante avec douleur.

Dans l’essence de Dieu, l’intelligence est avant l’amour ; mais dans la manifestation, l’amour précède l’intelligence.

C’est pourquoi la femme est plus que l’homme dans le monde.

Elle a aussi précédé l’homme dans le péché et dans la gloire ; elle a donné sa vie pour la liberté, et l’homme a donné sa vie pour elle.

Ainsi elle s’est fait Dieu en absorbant son être dans un rayon de la divinité, et l’homme l’a vue alors si belle, qu’il l’a adorée. »

 

L'âme soeur - A. Robida

Constant, ensuite choque ses contemporains, en considérant le ''péché originel'' comme nécessaire à la libération de l'humain, avec son pendant de ''souffrance''... ''L'intelligence créée a la liberté de nier Dieu... et paradoxalement continue ainsi à ''glorifier '' Dieu...

« L’amour ne connaît ni la loi ni la crainte ; il est fils de la liberté.

Il est créateur comme Dieu, et veut tout donner à ce qu’il aime... » Constant, La Bible de la liberté,

 

« La confiance de l’amour fait naître la foi. L’enfant croit à sa mère, parce qu’il se sent aimé d’elle, et ainsi la foi est raisonnable. Mais où il n’y a pas d’amour, la foi ne peut être que superstitieuse et servile, parce que sans amour il n’y a pas de liberté, comme sans liberté il n’y a pas d’amour. »

Abbé Constant, Le testament de la liberté

 

Le couple, par l’union amoureuse, reconstruit l’androgyne primordial du Banquet de Platon. Pour Constant, la femme est appelée à occuper a fortiori une place centrale dans la société et à y exercer son autorité empreinte de douceur et de tolérance, des qualités qui lui sont naturelles : « Car tout enfant obéit à sa mère, et la femme est mère de Dieu. Aussi je vous dis, en vérité, que la femme est reine du monde. » Constant, L’assomption de la femme.

Constant appelle de ses vœux un mariage libre, résultant de la liberté de l'amour … « La fille de famille riche est vendue et exploitée comme une terre... Les prostituées, ne sont que les fruits malheureux d’une société perverse et hypocrite... » etc …

Pour lui, la connaissance, à l’origine du péché (Genèse 3,6), est l’acte sacrilège nécessaire à la fondation de la civilisation qui n’a pas pu ne pas être prévu par Dieu. Et, la sexualité n’est pas la violation d’un interdit, mais un interdit désiré qui affranchit l’humanité...

La Vierge du Sacré Cœur, 1821 - Eugène Delacroix,

Constant pense que la piété mariale, peut rassembler le peuple... Marie, porte une réflexion mystique sur '' l’Éternel féminin''. Et, en ce milieu du XIXe siècle, Constant envisage sur ces bases une religion universelle, qui serait le socialisme … !

Il appelle l’État français à se féminiser et soutenir son peuple, à l'image de Marie qui accompagne son fils... !

 

En cette période romantique, Constant pense que le ''sentiment religieux '' - produit d’images, de légendes » et de miracles merveilleux et glorieux - est une voie intuitive conduisant à la connaissance.

 

Sources : Larangé, D. (2010). Théologie mariale et discours féministe. La foi romantique en l’avenir du pouvoir féminin selon l’abbé Alphonse-Louis Constant. Tangence,

Lire la suite

Rencontres dans le salon de Delphine de Girardin

19 Décembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #femme, #XIXe, #Salon, #Littérature

La princesse de Belgiojoso - 1832 par Francesco Hayez

Au cours de ces années 1830, c'est le salon de Christine de Belgioso (1808-1871) qui servit à C.-L. De Chateauneuf d’initiation à l'entrée dans le ''monde''.

La ''princesse'' merveilleusement belle, charmait tous ceux qui l'approchaient. Elle a de nombreux amants ; mais peu peuvent revendiquer son amour... Trois hommes cherchent à être ainsi reconnu d'elle : A. de Musset, H. Heine, et Mignet se disputent cette reconnaissance. Finalement, c'est François Mignet historien, le père de sa fille, qui s'impose …

Mais, Christine de Belgioso, n'aurait eu qu'une passion : sa patrie. Contre l'Autriche, elle défend l'unité italienne, et soutient Charles-Albert de Sardaigne ( dynastie des Savoie). De 1848 à 1860, elle deviendra en Italie une héroïne...

 

Son salon, outre ses ''artistes '' proches - le poète allemand Heinrich Heine, le compositeur hongrois Franz Liszt, l'historien François Mignet, le poète Alfred de Musset... - est fréquenté de très nombreuses personnalités...

Le comte d'Apponyi - attaché à l'ambassade d'Autriche à Paris - ironise : « Outre la prétention d'être une seconde Sapho ou Corinne, elle se plaît à prendre la physionomie d'un spectre : elle est blême et blafarde. » et à propos de Musset : Il « se roule sur les canapés, met ses jambes sur la table, se coiffe d'un bonnet dans le salon, fume des cigares. » Rodolphe d'Apponyi, Vingt-cinq ans à Paris (1826-1850).

 

Échappant à l'emprise de la princesse, mais infiniment reconnaissant... Ch.-L. De Chateauneuf réussit à entrer dans un autre salon en vue qui, avec le mariage d'Emile de Girardin avec Delphine Gay, va attirer toutes les gloires littéraires...

Portrait de Delphine de Girardin 1824

Delphine de Girardin (1804-1855) va exercer son influence par son salon régulièrement fréquenté, entre autres, par Théophile Gautier, Honoré de Balzac, Alfred de Musset, Victor Hugo, Laure Junot d'Abrantès, Marceline Desbordes-Valmore, Alphonse de Lamartine, Jules Janin, Jules Sandeau, Franz Liszt, Alexandre Dumas père, George Sand et Fortunée Hamelin...

Delphine Gay, est la fille de Sophie Gay, femme de lettres connue, dans les milieux parisiens de l’Empire, pour ses romans sentimentaux. En juin 1831, Delphine – reconnue pour ses poèmes - et que courtisait Vigny, épouse Emile de Girardin qui va transformer la presse: quotidien bon marché, roman-feuilleton etc …


 

Charles de L'Escalopier, conservateur de la Bibliothèque de l'Arsenal, va faire rencontrer Charles-Louis avec des passionnés de l'histoire médiévale. Ainsi, il va rencontrer l'historien Augustin Thierry, qui est d'ailleurs un fidèle ami de Christine de Belgioso...

L'histoire médiévale va conduire Charles-Louis sur la voie de l'occultisme, qui se fait alors reconnaître, avec la rencontre de Jules de Rovère (1797-1864), puis celle d' Alphonse-Louis Constant (1810-1875)...

Les Belles femmes de Paris

A l'époque où Charles-Louis rencontre Alphonse-Louis Constant, celui-ci quitte le séminaire...

Il n'est pas anodin, d'en expliquer la raison : il vient de rencontrer le féminin... Il a en charge l'éducation religieuse d'une jeune fille, Adèle Allenbach... Il va alors ressentir, selon ses propos, « un besoin impérieux d'aimer ». « Elle fut mon initiatrice à la vie », affirme t-il. Son attachement effraie la fille ; et s'écarte de lui … Il préfère quitter ce qu'il avait construit depuis des années, le sacerdoce...

Il vit alors la ''bohème'' : dans des '' hôtels borgnes ( sans restaurant) garnis ( meublé) '' pour les étudiants, ou les grisettes ; des chambres parfois sans feu, avec la faim pour tenaille … Deux femmes vont l'aider à sortir de là … La première c'est Flora Tristan ; elle vient de fuir son violent de mari, et se bat pour garder ses enfants... Elle va le soutenir et l'inciter à développer ses dons de dessinateur. Il participe aux côtés de Alphonse Esquiros ( rencontré au petit-séminaire) notamment, à une éphémère publication mensuelle, ''Les Belles Femmes de Paris''. Pour sa revue, il parcourt les salons et rencontre Delphine de Girardin... Il soupire alors auprès de son cœur, et c'est elle qui initie le jeune ''abbé'' à l'occultisme …

Lire la suite

Un jeune romantique en ces années 1830 - 2-

10 Décembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Galanterie, #Littérature, #XIXe, #femme

A partir de 1830, certains se désolent que les ''salons'' du type ''Staël'', '' Récamier'', disparaissent ou évoluent en devenant plus ''artiste''. Après les '' lectures '', les hommes '' noirs du haut en bas ''s’adonnent au jeu, « perdant impitoyablement la fortune de leurs femmes » ou de leurs filles qui dansent dans la pièce à côté....

Les artistes considèrent qu'ils forment un monde à part, et comme dit Jal, ont plaisir de montrer aux « heureux de la terre qu’on p[eut] très bien vivre et s’amuser sans eux ». Mieux encore, ce sont désormais les gens du grand monde qui quémandent « le plaisir de venir, au milieu d’un cercle d’artistes, chercher les joies dont leurs salons dorés n’ont plus le secret. »

Mademoiselle Mars - Aimée Perlet 1823

En 1827, la comédienne Mlle Mars a donné un bal masqué, l'élite des arts et de la littérature est présente... Des grands noms de l'aristocratie la sollicite pour y être reçus. Mlle Mars prouve à cette occasion qu’elle peut recevoir avec une grâce, une aisance, une délicatesse d’esprit et un savoir-vivre dignes des grandes hôtesses de salons, le piquant, l’originalité en plus, tout en restant dans le bon ton.

 

Sainte-Beuve confirme l’orientation poétique du salon du XIXe siècle.

Virginie Ancelot (1792–1875)

 

Le salon de Mme Ancelot ( Virginie Ancelot - Chardon (1792-1875)), devient l'un des plus réputés de Paris où succès et notoriété se font et se défont. Balzac, Chateaubriand, Lamartine, Mérimée, Musset, Stendhal, Pierre-Édouard Lémontey, Lacretelle, Alphonse Daudet, Baour-Lormian, Victor Hugo, Sophie Gay et sa fille Delphine de Girardin, Henri de Rochefort-Luçay, Mélanie Waldor, la comédienne Rachel, Jacques Babinet, Juliette Récamier, Anaïs Ségalas, François Guizot, Saint-Simon; Alfred de Musset, Alfred de Vigny, Prosper Mérimée, Eugène Delacroix, et bien d’autres s’y retrouvent régulièrement.

Virginie Ancelot, est écrivain, dramaturge, mémorialiste et peintre.

Cette renommée facilitera l’accession de son mari à l’Académie française, en 1841...

Terminons, dans l'intimité des messieurs en une fin de soirée :

J. Fr. Ancelot, sachant que son épouse lui était fort infidèle, lança à la sortie d’une soirée ; après que l'un dit : « Je vais chez les filles. » et l'autre : « Je vais coucher avec Suzanne, la comédienne. » Ancelot dit : « Moi, je vais faire trente cocus d'un seul coup, je vais coucher avec ma femme. » D'après une lettre de Mérimée à Stendhal ( du 1er décembre 1831)...

C'est vrai que Stendhal eut une ''aventure'' avec Virginie Ancelot... C'est peut-être chez elle, ou dans un autre salon, que Stendhal rencontre Alberthe de Rubempré (1804-1873) en 1828. Elle habite 11, rue Bleue et l'appelle ''azur''... Elle tient salon, vit séparée de son mari et goûte l'occultisme …

Quand Stendhal lui est présenté le 6 février 1829, elle a vingt-cinq ans et a pour amant Eugène Delacroix. Hélas, le peintre est de santé médiocre. Il fatigue vite …

Elle parle de son « joli con », et rit beaucoup de l'embarras de son auditoire. Le 21 juin elle couche avec Stendhal qui se révèle un amant exceptionnel, et le clame dans son salon où se pressent Mareste, Mérimée, Delacroix, Gonssolin, Lingay, Sutton Sharpe et les autres... Delacroix menace de se pendre...

Un mois plus tard elle ferme sa chambre à l'écrivain... Il le regrette amèrement... Il reprendra son caractère pour le personnage de Mathilde de la Mole.

 

Si le jeune Charles-Louis de Villeneuve, fréquente les salons, au risque d'en oublier ses mathématiques ; ses nouvelles relations vont lui permettre de retrouver sa quête.... Le graal pouvant prendre diverses formes; il est temps pour le jeune homme d'être initié à la rencontre physique du féminin...

Le discours romantique, fait de l'amour une expérience mystique... On est "éperdu d'amour", les coeurs "saignent".. La jeune fille est un ange de pureté et de virginité ; aussi entre la femme et l'homme, la parole pourrait devenir scandaleuse ; on parle d'aveu, de souffrance … On se frôle, on rougit, on se tait et on se regarde …

A, ce qui pour un homme est ressenti comme une frustration ; on va se réfugier vers l’accueil maternel d'une Mme de Rénal (Le Rouge et le Noir) ou d'une Mme de Mortsauf (Le Lys dans la vallée)... Le jeune homme délègue à cette femme son éducation sentimentale et sexuelle...

Pourtant, à lire Flaubert ( sa vie et son œuvre) on y voit la coexistence de postures angéliques du romantisme et des pratiques masculines qui se caractérisent par les exploits de bordel.

En même temps, le jeune homme identifie la jeune fille à la pureté et fait sa cour selon le rituel classique, et il connaît des expériences sexuelles multiples avec des prostituées, des cousettes (les ouvrières à l'aiguille dans les grandes villes) ou grisettes, jeune fille facile et fraîche qu'on abandonnera pour épouser l'héritière de bonne famille. ( Alain Corbin)

Ceci est le résultat d'une éducation virile : force, bravoure, pour dominer... On valorise le membre viril, et le droit d’accès aux femmes … !

 

Charles-Louis de Villeneuve rencontre dans un salon, son initiatrice...

Angélique-Félicité Bosio, marquise de la Carte

Anaïs Bosio (1808-1871) épouse à 14 ans, le comte de La Carte. Réputée pour être une jeune femme aux fantaisies nombreuses et variées, dotée d'un esprit de conversation aigu, elle tient salon dans son appartement parisien.

En 1828, elle devient la maîtresse d'Alfred de Musset. Infidèle et amour déçu de Musset, leur relation prenant fin en 1829, elle serait le personnage de la maîtresse dans son roman Confession d'un enfant du siècle.

Elle devient la maîtresse de Jules Janin, avec qui, à partir de 1833, elle vit maritalement durant plusieurs années au no 8 de la rue de Tournon et avec qui elle a une fille, Julie, que Janin reconnaît. Ils se séparent en 1838. ( Wiki)

Pour raconter cette expérience ; voici le témoignage d'Arsème Houssaye (1814-1896) - ( extrait de ses souvenirs de jeunesse) :

« La marquise de Lacarte était chez Janin un luxe qui le ruinait, mais il n'avait pas le courage de briser. Elle était si belle, d'ailleurs, cette fille du baron Bosio, que c'eût été chasser de la maison l'œuvre d'art la plus parfaite. La voir, c'était le plaisir des yeux, même pour Janin, dont ce n'était plus le plaisir du cœur. 

(...)

Cabinet de bain XIXe - Château de Chamerolles

« Quelques jours après, comme j'étais retourné chez Jules Janin, je me trompai de porte, et je tombai comme un aérolithe dans la chambre à coucher de madame de Lacarte. Elle descendait dans sa baignoire. Suzanne la chaste se fût jetée à l'eau jusqu'aux cheveux, mais la marquise me dit avec son beau sourire

- Ah c'est vous? Donnez-vous la peine d'entrer; vous allez me tenir compagnie pendant une demi-heure.

- Je suis bien heureux, madame,.de m'être trompé de porte.

Et nous voilà en gaie causerie. La marquise était couchée dans sa baignoire, non pas vêtue de l'air du temps, mais de l'eau qu'elle agitait de sa main blanche naturellement, je ne regardais pas de l'autre côté. Elle était charmante en naïade, avec ses cheveux opulents qui la voilaient à demi.

Tout à coup, la marquise me dit d'un air malin

- Je vous avertis que je vais sortir du bain.

Et, souriant d'un sourire attractif qui me retint, car je m'en allais comme un Champenois

- Donnez-moi la main.

Je vis alors la plus belle statue du baron Bosio. .. Honni soit qui mal y pense la marquise était vêtue de ses cheveux et de sa pudeur et de mon amour de l'art... »

A suivre ...

<- La Nymphe Salmacis 1826 de J.F. Bosio (1768-1845)

Lire la suite

Un jeune romantique en ces années 1830 - 1-

7 Décembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Romantisme, #Hugo, #Littérature, #XIXe, #femme

Charles-Louis de Chateauneuf (1816-...), après avoir échoué à l'entrée de l’École Polytechnique, profite de cette infortune pour affirmer son goût pour la littérature ( selon le sens général de l'époque …) et aborder enfin sa ''quête'' qui passe par la connaissance du Moyen-âge...

Rompant avec les projets de sa famille, et une partie de leur soutien financier; il va avoir l'opportunité de trouver une place de secrétaire chez l'historien Augustin Thierry (1795-1856)...

Je vais vous expliquer comment cela s'est passé...

  • Comment Ch.-L. De Villeneuve est devenu romantique et libéral...

  • Comment il fréquente les ''salons'' ...

Son intérêt pour l'histoire et Walter Scott, lui a fait suivre les articles du jeune Sainte-Beuve ( 1804-1869) chargé de la critique des ouvrages historiques, dans '' Le Globe''... C'est ainsi que Charles-Louis va devenir aussi un admirateur de Victor-Hugo (1802-1885)..

Sainte-Beuve, dans la revue, décrit un un groupe de personnes, qui depuis le salon de l'Arsenal, constitue ce que l'on va appeler '' le Cénacle '' et qui autour de Victor-Hugo constitue l'Ecole romantique …

Ces ''enfants du siècle '' ( Musset) – qui n'ont connu ni la Révolution, ni l'Empire - exprime un goût vers le lointain passé. Pour la plupart, leurs positions sont aristocratiques, et ils s'affichent en tant que royalistes... Je pense au '' Génie du Christianisme '' et Fr.-R de Chateaubriand : en 1814, Chateaubriand entra en politique en publiant, le 5 avril 1814, un pamphlet daté du 30 mars, intitulé De Bonaparte et des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de

l’Europe.).

 

Puis, Victor Hugo ce « véritable poète du parti ultra » (Stendhal) qui a publié une ode au sacre de Charles X; affirme an 1830 : « le romantisme, tant de fois mal défini, n’est, à tout prendre, et c’est là sa définition réelle, que le libéralisme en littérature ».

Comment en est-on arrivé là ? Ce fut une véritable guerre : les romantiques étaient royalistes, et les classiques libéraux ; ceux qui prêchaient la liberté dans l'art étaient absolutistes en politique, et par contre les libéraux ne voulaient pas souffrir la moindre émancipation dans le domaine littéraire.

Ainsi, la poésie est devenue royaliste et catholique en même temps que romantique.

Le théâtre, va devenir le lieu de l'unité entre les deux courants, contre les ''ultra''.

Dans la préface de « Cromwell » (1827), Victor Hugo écrit un manifeste qui sera le fondement de la théorie du romantisme.

Victor Hugo - 1836

 

En 1829, la censure refuse « Marion Delorme », drame romantique que le poète voulait mettre en scène. Hugo proteste, rencontre Charles X... En vain

A l’occasion des Trois Glorieuses de 1830, et du naufrage de Charles X, Victor Hugo abandonne le parti légitimiste et se rallie aux Orléans qu’incarne Louis-Philippe. 

 

Les ''enfants du siècle '' vivent leurs passions, à partir des salons... Au cœur de ces rencontres mondaines, l'activité fort appréciée de cette société des élites, est '' la lecture ''

« On s'occupe de psychologie, d'art et d'archéologie aussi bien que de littérature. On discute sur le gothique et les cathédrales, sur la peinture anglaise et les vitraux de Westminster, sur la femme et l’amour... On organise des lectures. » Chronologie du romantisme (1804-1830) / René Bray,...

Pas de soirée réussie sans la récitation de quelque poème par un auteur à la mode.

« Dans les salons, au milieu d’une assemblée non officiellement poétique, si deux ou trois poètes se rencontrent par hasard, oh ! la bonne fortune ! vite un échantillon de ces fameuses soirées ! le proverbe ne viendra que plus tard, la contredanse est suspendue, c’est la maîtresse de maison qui vous prie, et déjà tout un cercle de femmes élégantes vous écoute. » Sainte-Beuve, « Des soirées littéraires ou Les Poètes entre eux », 1832.

Tony Johannot (1803-1852). Soirée d'artiste 1831

Les ''grandes maisons'' proposent leur jour, où la maîtresse de maison reçoit... On y est expressément invité le premier soir, avant de devenir un habitué... Les soirs de « petit cercle », un dîner est servi à dix heures... Les soirées se terminent entre intimes …

Charles Nodier 1780-1844

Auguste Jal (1795-1873), écrivain, archiviste et historien français, présente l’Arsenal comme un lieu sans prétention : « le sans-façon est vrai », le « bon goût dépouillé de toute manière » ; on savoure « liberté et retenue » dans « ces soirées où se rencontrent toutes les nuances d’opinions politiques, littéraires et d’arts »

En pleine bataille romantique, Jal, nous raconte : « On rencontre des adversaires chez Nodier, jamais d’ennemis ; les partis y conservent leur force de raison, ils abdiquent, en y entrant, leur aigreur et la violence de leur logique ». Même au plus fort de la bataille entre romantiques et classiques, « les soirées de l’Arsenal ont été remarquables par l’union qui n’a pas cessé d’exister entre tous les visiteurs de cette maison ; et cependant se trouvaient en présence […] Victor Hugo et Ancelot, Alexandre Dumas et Alexandre Duval, Lamartine et Auger, Delacroix et Alaux le Romain » : ce témoignage insiste sur la disparité idéologique des membres de l’Arsenal qui, loin d’être un cénacle univoque, une école, est une tribune, mais une tribune pacifique. Le maître de maison, par ses talents de conciliateur, son humour qui désamorce l’agressivité, est le principal artisan de cette réussite.

A.Devéria – Marie Nodier - Vers 1829

 

A. Jal note que l’Arsenal doit aussi beaucoup aux hôtesses (l’épouse de Nodier, la sœur de celle-ci, Mme de Tercy, la fille de Nodier, Marie Ménessier) : « Ces trois femmes, pleines de naturel, d’esprit et d’amabilité » reçoivent les hôtes. Les activités sont régies par une division sexuée. Le salon de Nodier est de ceux où l’on joue et le maître de maison passionné de cartes, préside au jeu d’écarté et aux lectures poétiques, dans lesquelles Hugo et Lamartine prennent souvent la parole, lectures qui occupent « les quatre dernières heures de la journée de chaque dimanche », tandis que la danse est conduite par les gracieuses hôtesses. Mais leur rôle ne se limite pas à une fonction protocolaire et décorative : Jal témoigne du plaisir que les invités ont à voir éclore le talent de la jeune Marie Ménessier, poétesse et musicienne.

 

« La maison de Nodier était fort animée, et les réunions pleines de gaieté je n'ai vu nulle part autant d'entrain. Les peintres, les poètes, les musiciens, qui faisaient le fond de la société, étaient laissés à toutes leurs excentricités particulières, et remplissaient le salon de paroles vives et retentissantes. On chantait, on dansait, on jouait, on disait des vers. Tout cela était plein de vie; madame Nodier était aimable de bonté. Sa fille unique l'était avec son esprit, qui tenait de celui de son père, avec ses talents agréables et avec ses quinze ans. C'était une existence qui s'épanouissait parée de mille enchantements.

Marie Mennessier-Nodier 1811-1893

Peu de jeunes filles ont eu, autant que mademoiselle Marie Nodier, cette verve joyeuse qui semble dire : Je suis heureuse de vivre! On s'amusait donc beaucoup chez Nodier, car une réunion s'empreint naturellement des dispositions d'esprit de la femme qui la préside, et la toute charmante fille de Nodier remplissait de joie le salon de son père elle y avait ses amies, comme elle à la fleur de l'âge. Des poètes, des musiciens, des peintres aussi jeunes et joyeux, les faisaient danser, et tout cela était sous le charme de l'espérance la gloire leur apparaissait rayonnante, ils la voyaient de loin Et ce qui mettait le comble à l'insouciance, à l’enthousiasme et à l'exaltation, c'est que toute cette jeunesse, heureuse d'espérer, ne pensait pas le moins du monde à l'argent. C'était encore le temps où l'on n'y pensait guère chez les artistes et chez les écrivains. Il y en avait qui étaient arrivés à leur âge mur, d'autres à la vieillesse, sans y avoir jamais songé; on le leur reprochait et ils en riaient, car ils étaient heureux d'une vie modeste dont le luxe était le succès de leurs ouvrages et la joie le plaisir du travail. » de Mme Ancelot, Les Salons de Paris,

Dans les années 1830, l'Arsenal est un cénacle romantique en vue où se croisent poètes, peintres et musiciens. On reconnaît debout, à gauche, légèrement penché, Charles Nodier, homme de lettres et bibliothécaire à l'Arsenal depuis 1824. À la table de jeu sont représentés Alfred Johannot, Frédéric Soulié et Jules Janin, et dans l'angle de droite, près d'une jeune femme, Paul Foucher. Tony Johannot était un habitué du salon de l'Arsenal. Tous les dimanches soirs, la première génération des romantiques se réunissait chez Nodier : Hugo, Lamartine, Dumas, Musset, Vigny, Gautier, Balzac, Nerval, Delacroix, Devéria, Tony Johannot…

Dans les années 1830, l'Arsenal est un cénacle romantique en vue où se croisent poètes, peintres et musiciens. On reconnaît debout, à gauche, légèrement penché, Charles Nodier, homme de lettres et bibliothécaire à l'Arsenal depuis 1824. À la table de jeu sont représentés Alfred Johannot, Frédéric Soulié et Jules Janin, et dans l'angle de droite, près d'une jeune femme, Paul Foucher. Tony Johannot était un habitué du salon de l'Arsenal. Tous les dimanches soirs, la première génération des romantiques se réunissait chez Nodier : Hugo, Lamartine, Dumas, Musset, Vigny, Gautier, Balzac, Nerval, Delacroix, Devéria, Tony Johannot…

Soirée d'artiste - Tony Johannot (1803-1852), dessinateur, 1831. BnF, bibliothèque de l’Arsenal, 4-EST-SUPPL-22-© Bibliothèque nationale de France

Alexis-Félix Arvers ( 1806-1850), poète, fréquentait les soirées organisées par Charles Nodier, il est connu pour le sonnet ci-dessous : timide, il se serait consumé pour une femme mariée bien mystérieuse, que les critiques désignent en général comme Marie Mennessier...

Mes heures perdues

« Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.

À l’austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle
“Quelle est donc cette femme ?” et ne comprendra pas. »

A suivre ...

Lire la suite

4 - Les légitimistes … Félicie de Fauveau.

29 Octobre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Félicie de Fauveau, #Art, #femme, #chevalier, #XIXe

4 - Les légitimistes … Félicie de Fauveau.
Ary Scheffer, Portrait de Félicie de Fauveau (1829)

Félicie de Fauveau (sculptrice  française (1801-1886), s'est faite, les armes à la main, l’écuyer de la Comtesse de La Rochejacquelein, pour qui elle nourrit une passion folle et impossible... Artiste et mystique, elle brûle d’agir, elle monte à cheval et tire au pistolet.

Félicie met son art au service de la cause. Elle imagine des hausse-cols flamboyants (pièces métalliques décorées que portaient les officiers), se lance à corps perdu dans la fabrication d’étendards, de bannières, de poignards et de dagues de ralliement, toutes sortes de bracelets et de brassards.

Saint Michel, saint Georges et sainte Geneviève y participent....

Revendiquant l’héritage glorieux des chevaliers croisés, c'est un rêve de Moyen Âge qui se réalise pour elle...

A droite, de Félicie de Fauveau, Col de la duchesse de Berry 1831

 

Le soulèvement tourne au fiasco ; la duchesse de Berry est arrêtée. Condamnée à la déportation, Félicie de Fauveau gagne clandestinement Paris et se réfugie à Florence au printemps 1833, où elle demeurera. .

Echouée dans un ancien couvent de Clarisses, elle va contenir la folie qui la guette...

Celle qui a été l’élève de Louis Hersent, remarquée par Stendhal, Dumas et Balzac, s’adonnera désormais à ses premières amours artistiques. De la restauration des statues anciennes, elle passe à la sculpture proprement dite, discipline qui deviendra bientôt son langage de prédilection.

Si l’arme a changé, le combat éperdu ne flanche pas, le discours passionné reste le même, le personnage intransigeant s’accuse et s’accomplit.

Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)
Félicie de Fauveau (1801- 1886)

Félicie de Fauveau (1801- 1886)

Pour Charles-Louis de Chateauneuf, cette histoire fut une véritable épopée... Pour les ''chevaliers du Roi'', ce mouvement d'insurrection, avait le soutien du Tsar, du pape et nombre de nobles …

Ce 29 avril 1932, venant d'Italie Marie-Caroline – duchesse de Berry - débarquait dans la crique du Petit Palouton, cet endroit près de Marseille où débarquent les premiers chrétiens et où commence justement le chemin de Joseph d'Arimathie et du Graal... !

On dit que c'est elle, qui souhaitait poser le pied à l'endroit précis où les premiers chrétiens touchèrent, en venant de Palestine, la Provence...

 

On dit que la duchesse rêvait d'aventures ; elle dévorait les romans médiévaux de chevalerie, comme la légende des chevaliers de la Table Ronde, la tête farcie disait-on des œuvres de Walter Scott.

 

Le mari qu'elle s'est trouvé, en la personne du Comte Lucchesi-Palli, serait un descendant d'un compagnon du Roi Tancrède de Sicile, à qui Richard Cœur-de-Lion avait remis Excalibur, l'épée du Roi Arthur !

 

Félicie de Fauveau, bénitier de Saint Louis - 1840 ->

Lire la suite

Michel Cazenave est mort ! - Tristan et Iseut -

15 Septembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Légende arthurienne, #femme, #Amour Courtois, #Tristan et Iseut, #Cazenave

Cet été, ce 20 août 2018, est mort Michel Cazenave : Poète, philosophe, fin connaisseur de la psychanalyse et spécialiste de l'oeuvre de C.G. Jung , écrivain et producteur à France Culture, notamment de la célèbre émission '' Les Vivants et les Dieux '' (1997-2009).

 

Toutes les facettes du féminin, en particulier, la féminité divine, le passionnaient depuis toujours et forment une des veines centrale de son œuvre ( une cinquantaine d’ouvrages).

 

Chantre de la passion, il a déjà proposé une relecture de l'histoire de Tristan et Iseut.

 

'' Tristan et Yseult '' fait partie de ces fabuleuses légendes qui sont le reflet d'une spiritualité proprement occidentale et qui ont traversé les siècles...

Pour Michel Cazenave, Tristan incarne le meilleur des chevaliers, le plus grand des héros. Mais du jour où il rencontre Iseut, du jour surtout où il cède à la passion et fait l’amour avec elle, il renonce à tout exploit héroïque. Socialement, il est devenu l’antihéros. Tristan et Iseut ont une conscience féminine de l’univers dans une société qui, héritière de Rome, de la Grèce et du Judéo-christianisme, a banni les valeurs féminines.

La quête des deux amants est douloureuse, comme celle de la passion divine dont ils nous tracent la voie. Les épreuves ne manquent pas. Mais la flamme de l'espérance ne cesse de briller, fondée sur la certitude qu'il existe quelque part, dans la bulle d'air de Tristan ou les Iles de Fortune dont Iseut est l'emblème, un lieu de lumière dont nous avons tous la nostalgie profonde...

En 1998 Michel Cazenave avait eu la grande douleur de perdre sa femme et inspiratrice Chantal.

 

La mort, disait-il, « Il faut pourtant essayer de la penser, tout en sachant que nous ne pouvons pas la penser réellement car si nous sommes en vie, nous ne sommes pas morts, donc la mort n’existe pas. Je me demande si l’idée qu’introduit l’Orient en voyant la mort comme le contraire de la naissance - pas du tout le contraire de la vie - n’est pas plus intéressante, beaucoup plus riche et beaucoup plus féconde (…) Ce qui m’a marqué le plus est ce moment où, quelques minutes avant sa mort, ma femme me dit d’un ton très tranquille : « Voilà, c’est la fin, c’est fini ». Ça m’a énormément marqué. Je me suis dis que l’on était capable véritablement d’entrer dans la mort en l’acceptant totalement. C’est autre chose qui souffre. Elle m’avait dit : « Ne t’en fait pas, je m’en vais mais je veillerais toujours sur toi ». Il y avait quand même quelque chose de l’amour. L’amour qui n’est pas appropriation, au-delà du simple plaisir, de la pulsion… dans l’ouverture mystère. Une espèce d’amour — bon j’hésite devant le mot tellement il est galvaudé — de l’ordre de l’Universel. »

 

Michel Cazenave : Tristan et Iseult, le défi à la loi

Extraits de la Revue ''Question de''. N° 37 :

Tristan, l’homme, se définit comme le fils de la déesse, alors qu’Iseut en est d’abord l’incarnation. N’oublions pas que l’histoire se passe dans un monde celte (Irlande, Cornouailles et Bretagne) où, dans la conscience collective, le substrat des anciennes « religions » matriarcales est resté très prégnant : pensez au rôle de Macha, de la reine Maeve, de Brigitte en Irlande, de Don ou de Rhiannon au Pays de Galles.

(…)

Iseut est blonde et ce n’est pas un hasard : c’est qu’elle est aussi le soleil, et le soleil, en gaélique, est du genre féminin, alors que la lune est du genre masculin. Qu’est-ce que cela veut dire, sinon qu’Iseut porte en elle aussi une part symbolique masculine, et Tristan, féminine. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’il est orphelin de père et qu’il est né de Blanchefleur, l’incarnation de cette déesse blanche universelle que l’on retrouve aussi bien en Inde avec Gauri, qu’en Grèce avec Démeter-Alphito, et dans l’ensemble du monde celtique…

En face d’eux, il y a le roi Marc, qui symbolise l’ordre patriarcal. Ce n’est pas le père de Tristan mais il le choisit, car on doit avoir un père. Cet ordre patriarcal, il est dévalué dès le départ par les oreilles de cheval qui sont celles de Marc : tare congénitale et qui renvoie au cheval de la mort de toutes les mythologies.

Tout le balancement de l’histoire est donc entre ces deux pôles : choisir le royaume féminin d’Iseut, ou celui de Marc et du père. Choix qui est plus qu’à l’ordre du jour aujourd’hui ! Et ce choix implique toute une série d’épreuves, qui marquent les étapes d’un trajet initiatique.

La lutte hors d’Irlande d’abord, contre le Morholt, puis au cœur même de l’Irlande avec le Dragon, symbolise à la fois le combat contre la famille d’Iseut mais aussi et plus profondément contre les forces destructrices de la féminité qui n’est pas assumée. Le Morholt, au fond, c’est l’aspect masculin non intégré de la femme (et il renvoie par là à l’aspect menaçant des fameux « parents combinés » de Mélanie Klein), cependant que le Dragon serait plutôt la mère captatrice et dévorante, la « mère au vagin denté » dont parlait Freud. Une fois le Morholt tué, le Dragon vaincu, Tristan peut découvrir la femme en elle-même, dans son aspect d’initiatrice à la vie, et donc la femme en même temps qui vit au fond de lui. Il faudrait aussi parler du voyage de Tristan à travers la mort, du philtre, de la forêt de Marois...


 

Dans la mesure où l’homme, dans ce type de société, reconnaît la femme en lui, il est constamment menacé par les forces sociales. Il n’y a passion que parce que c’est antisocial ! Passion, vous savez ce que cela veut dire : c’est le fait d’endurer, de souffrir. Comme si l’amour était une maladie ! Voyez Racine à ce propos ; il fallait vraiment être un homme pour inventer un tel mot !

Mais, aujourd’hui, la reconnaissance de ces valeurs féminines est en train de s’opérer !

(…)

On a dit du philtre que c’était la cause de l’amour parce qu’au fond, c’était bien commode comme ça. Mais il n’en est pas la cause, il en est le symbole. C’est en fait l’eau magique de la déesse, l’eau spirituelle de la vie, celle que l’on trouve dans le chaudron de l’inspiration divine de la déesse galloise Kerridwen, ou dans le vase de l’irlandaise Brigitte : c’est le symbole de la deuxième naissance, la naissance dans la femme après la naissance dans la mère. Quand on parle des déesses, on parle toujours en effet de la Terre-Mère, comme si la déesse n’avait qu’une fonction génitrice. Mais elle est aussi l’eau, elle est aussi l’air que fendent ses oiseaux (Les Colombes d’Ishtar ou les oiseaux de Rhiannon), elle est aussi le soleil… Alors, le philtre c’est le symbole de tout cela à la fois. Ce n’est pas lui qui déclenche l’amour. Il symbolise simplement l’épanouissement de la femme divine qui est fondamentalement amour et circulation d’amour.

Marc représente la loi du père, l’étranger. Avoir bu le philtre, pour Tristan, signifie qu’il rentre dans le royaume de la déesse, de l’amour-même, de l’Eros. Marc est de l’autre côté, du côté de la puissance : il est le roi. Et il est la loi morale. Comme si on avait besoin de morale quand on vit son amour !

Mais, au cours du récit, intervient le doute… Ils ne sont plus si sûrs d’être « du bon côté »…


 

Ils s’enfuient de la société organisée et rentrent dans la forêt qui représente le retour à la vie sauvage, le contact avec les forces de la nature, le cours cosmique des choses. C’est une île dans le monde civilisé, l’abandon de l’état de culture pour revenir à la « vie primitive », dans Un ordre sans ordre qui est celui de la chair et de l’âme mêlées. C’est la réconciliation avec le règne animal, avec le rythme végétal, le cycle des saisons, et Tristan parle aux oiseaux, comme leur parlera François d’Assise…

Leur amour est alors fait d’évidence. Il n’y a pas besoin, comme vous dites, « d’entretenir » la passion. La passion « est ». Ils sont à eux-mêmes leur destin, dans l’ordre de l’île, de la forêt, de la nature, de l’amour, c’est-à-dire de la femme.

Le doute n’intervient que lorsque le roi Marc, les découvrant tous deux côte à côte dormant dans la forêt (mais ils étaient séparés par l’épée ! —  « heureusement » ajoute le narrateur) se montre magnanime et épargne leur vie. Ils reconnaissent alors la valeur patriarcale… et se mettent à douter de leur choix (aujourd’hui, si on la reconnaît… on doute de son amour. Ce sont deux régimes exclusifs !). Alors vous pouvez me dire : mais tout au long du récit, Tristan essaie de se réhabiliter aux yeux de Marc. C’est l’interprétation traditionnelle.

Mais regardons-y de plus près : il ne cherche pas la réhabilitation, il clame son innocence. Ce qui n’est pas la même chose. Il clame même cette innocence dans des situations impossibles : par exemple au moment où il sort du lit d’Iseut, et qu’on vient de l’en convaincre par la trace de sang qu’il a laissée, c’est-à-dire au moment où, selon la Loi et la Morale, il est le plus coupable. Ce qu’il nous indique en fait, c’est la différence de régime entre deux mondes étrangers, ceux du Père et de la Mère, ceux de la Loi et de l’Amour, ou il faudrait peut-être mieux dire : ceux de la loi extérieure, qui est force et contrainte, et de la loi intérieure, qui est intuition, évidence, illumination. Nous voilà revenus au philtre ! La meilleure preuve en négatif, si vous voulez, c’est que le jour où Tristan et Iseut voudront se justifier (c’est-à-dire proclamer leur innocence selon la règle des hommes et non point celle de la femme), ils n’auront d’autre solution que de tricher abominablement. C’est le fameux serment du fer rouge, qui nous indique assez que le domaine de l’amour, et de l’amour véritable, ne trouve sa vérité qu’en dehors d’un monde régi par des valeurs masculines érigées en absolu.

 

Illustrations de Denis Gordeev

Il ne s’agit pas d’une relation de pouvoir mais d’amour, où chacun existe en lui-même et s’assume totalement. Si la femme reste uniquement l’incarnation de la déesse, on ne va pas jusqu’au bout du mythe, on n’en a même pas passé le premier degré. En fait, on s’aperçoit assez vite que la femme se détache de la figure de la Mère, qu’elle doit être perçue comme une femme réelle, et que l’homme ne peut l’aimer que s’il l’aime telle qu’elle est, non pas telle qu’il la rêve.

Dans Tristan et Iseut, on a l’impression que chacun est homme et femme à la fois. Ils affrontent les obstacles ensemble, la faim, le combat, la mort, sans qu’il soit fait allusion, ou à la faiblesse d’Iseut, ou au côté « chevalier protecteur » de Tristan.

Iseut n’a en effet rien de commun avec l’héroïne courtoise de l’époque, blanche et évanescente, enfermée dans son château ! Elle partage tout, y compris la mise à mort d’un félon, puisque c’est elle-même qui dirige l’arc de Tristan et ajuste le tir. On pourrait citer d’autres scènes : Le châtiment de Frocin l’astrologue, le passage du mal-pas, la scène du roi Marc dans le pin. Ce qu’il faut comprendre avant tout, c’est que Tristan et Iseut forment un couple. Et un couple, c’est compliqué ! Ce n’est pas le fameux androgyne de Platon. ! Mais quelque chose d’encore plus profond et complexe.

(…) Etc …. Sources : la Revue ''Question de''. N° 37

Lire la suite

Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -2/.-

14 Juin 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #David Hume, #XVIIIe siècle, #femme, #Salon

Chez le prince de Conti, au Temple, Marie-Charlotte Hippolyte de Boufflers servant le thé à l'anglaise dans le salon au Quatre Glaces

Chez le prince de Conti, au Temple, Marie-Charlotte Hippolyte de Boufflers servant le thé à l'anglaise dans le salon au Quatre Glaces

Je reviens à David Hume, qui va marquer de sa pensée, notre trio : de la Bermondie, d'Oisemont et Sinclair, toujours en recherche de nos fameux templiers, et à l’affût de ''nouveautés'' qui pourraient faire réapparaître le lien perdu et faire advenir une résurgence de l'Ordre disparu …

 

Le temps est aux ''nouveautés'' et David Hume est devenu l'idole des salons, en particulier celui de la très anglomane Comtesse de Boufflers (il parlait bien le français l'ayant étudié pendant trois ans à La Flèche). Hume est célèbre en France par ses ''Political Discourses'' aussitôt traduits en 1752, à la fois comme historien et comme philosophe. Quand il reviendra à Londres en 1766, il emmènera avec lui J.-J. Rousseau...

M.-Ch. H. de Boufflers peinte par Carmontelle

 

La Contesse de Boufflers (1724-1800) est la maîtresse du Prince de Conti : Femme brillante, spirituelle et sensuelle, elle est célèbre pour sa beauté et son esprit ; célèbre salonnière et femme de lettres française, elle est adulée et courtisée. Le comte de Tressan écrira sur elle cette épigramme : 

«Quand Boufflers parut à la Cour 
On crut voir la reine d'amour 
Chacun s'empressait de lui plaire 
Et chacun l'avait à son tour.
»

Et, son épitaphe ( par elle-même) est éloquente :

« Ci-gît dans une paix profonde,

Une dame de volupté
Qui, pour plus de sécurité,
Fit son paradis en ce monde.
»

 

On peut dire que la Révolution sera la fin d'un certain ''âge d'or'': celui du '' doux commerce des sexes'' – comme l'on disait - magnifié dans les «salons» où s'épanouissaient les personnalités féminines les plus fortes.

 

Je parlais d'anglomanie ; en effet les Anglais, avec Locke et Newton, se sont affirmés comme les maîtres à penser de l'Europe en ce XVIIIe siècle... De plus, politiquement: la théorie de la séparation des pouvoirs, invite à une réflexion sur la démocratie. Dès 1694, La Fontaine, lui-même eut la tentation de l'Angleterre : le Renard anglais, note comme une vérité incontestable : « Les Anglais pensent profondément, / Leur esprit, en cela, suit leur tempérament... »

 

Les salons sont « les Etats Généraux de l'esprit humain » c'est la définition que donne Hume du salon de madame Helvétius... Le salon donne à la monarchie civilisée française une harmonie intellectuelle et morale qui est l’œuvre même des femmes, fédératrices des opinions et dignes en cela, comme le voulait Morellet, d'une célébration publique ...

Portrait d’Anne-Catherine de Ligniville, Mme Helvétius

Anne-Catherine Helvétius ( 1722-1800) réunit d'abord rue Sainte-Anne puis, à partir de 1772, en son hôtel du 59, rue d’Auteuil, un cénacle appelé « société d'Auteuil » ; tous les écrivains, artistes et scientifiques ont fréquenté ce salon … Benjamin Franklin, lui fait sa cour en vain... et elle tient Cabanis comme son fils adoptif … On la dit affiliée à la loges des neuf sœurs..

 

David Hume, encore : « Les femmes étaient les souveraines du monde, de la conversation et de l’érudition. » Dans le même sens, Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIe siècle, écrit : « Il y a quelque chose de fantastique, de surréel dans la représentation, soir après soir, et à heures fixes, en plusieurs hôtels parisiens, d’un spectacle centré sur l’art de la conversation. »

 

L'élite britannique se détourne à cette époque de l'université pour chercher son instruction dans '' la conversation ''qu'elle considère comme le ''grand livre du monde ''…

Jean-Jacques Rousseau fait la lecture devant Madame Dupin

Et la ''politesse '' : ingrédient nécessaire d'une culture civilisée est l’élément dans lequel se meut la pensée de David Hume ; en opposition à la manière scolastique... La ''politesse'' renvoie au raffinement des manières et au développement des arts, sciences et lettres … La politesse est essentiellement un art de la conversation qui inclut les règles de galanterie ( relation entre hommes et femmes)...

c'est ainsi qu'en 1798, Kant – lui-même écrit : « La nation française se caractérise entre toutes par son goût de la conversation ; elle est à ce point de vue un modèle pour les autres nations... »

Pour être validées, les productions de l'esprit ( sciences, arts et lettres) doivent passer par leur réception au sein de la société...

 

* Tout ça, pour arriver à la pensée de David Hume, que nous dévoilerons la prochaine fois …. - A suivre...

Benjamin Franklin à la cour de France

Benjamin Franklin à la cour de France

Lire la suite

Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -1/.-

11 Juin 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #XVIIIe siècle, #femme, #Galanterie, #Salon, #David Hume

Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -1/.-

Il ne sert à rien de philosopher sans les femmes ...

 

Selon Horace Walpole (1717-1797), trois choses sont à la mode « le whist, Clarisse Harlowe et David Hume »

 Horace Walpole, noble et homme politique anglais qui fut l'ami intime de Mme de Tencin, se fait ainsi construire un château de style médiéval sur la colline de Strawberry Hill. Le premier, Walpole va réunir les ingrédients du roman gothique historique dans ''le Château d'Otrante'' paru en 1764 : action située dans le passé mythique des croisades, décor médiéval, présence du surnaturel, personnages contemporains victimes des mystères du passé.

Clarisse Harlowe, est un roman épistolaire anglais de Samuel Richardson publié en 1748 ; l'héroïne fut une référence pour les écrivains du XVIIIe.. Lovelace, l’infâme séducteur précéda Valmont...

David Hume

David Hume (1711-1776), le grand philosophe écossais est francophile, ce qui ( pour un anglais) double sa faute d'être écossais …

De plus, il est ''sceptique''... et l'université bigote lui refusera un poste de professeur …

Auparavant, en conclusion d'une jeunesse studieuse, mais rétive, il part en France... A La Flèche, de 1735 à1737, il rédige le Traité de la nature humaine, dont les deux premiers livres sont publiés en 1739. C'est un échec. Il rentre à Ninewells. Portant, il vient d'écrire – très jeune - un chef-d’œuvre : il y a peu d’exemples d’une telle précocité en philosophie et, à ce degré de génie, peut-être aucun.

En 1745, il trouve un emploi d' "homme de compagnie" auprès du jeune marquis d'Annandale dont l'état mental se dégrade peu à peu.

De 1746 à 1749, il est secrétaire particulier du général Saint-Clair, qu'il accompagne dans ses voyages.

Le Général James Saint-Clair (1688-1762) ( de Sinclair, Fife et Balblair, Sutherland.) appartient bien-sûr au clan ''Sinclair'', et en 1735, St Clair achète le château de Rosslyn , qu'hériteront plus tard les héritiers masculins de ses sœurs. À la mort de son frère aîné John St Clair en 1750, il lui succède en tant que lord Sinclair , mais n'assumera jamais le titre, préférant conserver son siège à la Chambre des communes.

C'est sans-doute, lors de son passage à Paris que ''notre ''Sinclair et ami de J. L. de la Bremontie, rencontre le général Saint-Clair, et David Hume...

David Hume, rencontrera à nouveau, nos amis lors d'un séjour beaucoup plus long, alors qu'il est au ''sommet'' de sa renommée d’historien et d’essayiste, de 1763 à 1766. À l’époque, c’est en France qu’il est le mieux accueilli : « ici je ne bois que du nectar et marche sur des fleurs », confie t-il.

En effet, Hume accompagne alors en France Lord Hertford, nouvel ambassadeur dont il est le secrétaire.

« La France est le pays des femmes. » dit David Hume.

Les voyageurs étrangers, quand ils arrivent en France, sont frappés par la ''facilité'' des relations entre les deux sexes. Cet art de vie ensemble, est appelée alors la galanterie. On considère qu'en France hommes et femmes sont '' activement mêlés''...

En Italie, la présence de chevaliers servants, les fameux sigisbées, empêchent d'avoir accès aux Florentines de la bonne société, ce dont les voyageurs français se plaignent …

Parmi les règles de galanterie de ce XVIIIe siècle, et c'est Mme de Genlis qui le souligne: c'est celle de ne jamais placer les gens à dîner. Sauf chez quelques bourgeois cérémonieux ou dans les réceptions officielles de la Cour, on laisse, dans la société, celle des salons, les convives s'asseoir en toute liberté afin que les deux sexes puissent se fréquenter selon leur humeur.

 

Le célèbre salon bouton d'or de Madame du Deffand est un salon où seul l'esprit le plus raffiné a ses droits, et où se mêle harmonieusement le savoir-vivre aristocratique et le goût littéraire.

Des écrivains célèbres, Voltaire, Montesquieu, Marmontel, La Harpe, Marivaux, Sedaine et Condorcet peuvent y rencontrer les Anglais de passage à Paris comme Gibbon, Hume, Lord Shelburne et Horace Walpole. Une femme de lettres britannique, comme la vertueuse Hannah More, est choquée de savoir qu'en France une Mme Deffand, séparée de son mari, et affichant paisiblement ses liaisons, est cependant reçue dans la meilleure société parisienne...

Et, Hume regrette qu'à Londres, on claquemure les femmes, et dans cette société ''convenable'' on n'y trouve ni plaisir ni politesse, et pas davantage le sel de la raison … ( cf Les Mots des femmes: Essai sur la singularité française, Par Mona Ozouf )

A suivre ...

Lire la suite

de 1759, les '' Mémoires sur l'ancienne chevalerie '' Par amour pour sa Dame...

12 Mai 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Moyen-âge, #XVIIIe siècle, #Littérature, #chevalier, #femme, #Galanterie

Voilà comment, Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781), informe ses lecteurs « sur la foi de nos anciens auteurs, les avantages de la Chevalerie militaire, de laquelle il ne reste plus que des vestiges dans les divers ordres de la Chevalerie régulière ou religieuse... »

Je rappelle que les textes suivants sont extraits de : '' Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie'' publiées en 1759...

Se battre pour l'amour de sa Dame :

Combien de fois ne vit-on pas à la guerre des chevaliers prendre les noms de poursuivants d'amour, et d'autres titres pareils, se parer du portrait, de la devise et de la livrée de leurs maîtresses , aller sérieusement dans les sièges , dans les escarmouches et dans les batailles offrir le combat ( note 24) à l'ennemi , pour lui disputer l'avantage d'avoir une dame plus belle et plus vertueuse que la sienne , et de l'aimer avec plus de passion.

(24) Le sire de Languerant , en 1378, ayant mis en embuscade dans un bois quarante lances qu'il commandait, leur ordonna de l'attendre jusqu'à ce qu'il fût revenu de reconnoître la forteresse de Cardillac occupée par les Anglois. Il s'avança tout seul jusqu'aux barrières , et s'adressant à la garde : « Où est Bernard Courant vostre capitaine? demanda-t-il. Dites luy que le sire Languerant luy demande une jouste; il est bien si bon homme d'armes et si vaillant qu'il ne la refusera pas pour l'amour de sa dame ; et s'il la refuse ce luy tournera à grand blâme, et diray qu'il m'aura refusé par couardise une jouste de fer de lance. » Elle ne fut point refusée , et Languerant y perdit la vie. ( Froissart, liv. II , p. 43 et 44- )

 

Prouver la supériorité de sa valeur , c'étoit alors prouver l'excellence et la beauté de la dame qu'on servoit , et de qui l'on étoit aimé : on supposoit que la plus belle de toutes les dames ne pouvoit aimer que le plus brave de tous les chevaliers ; et le parti du vainqueur trouvoit toujours son avantage dans cette heureuse supposition.

Mais le pourroit-on croire , si l'on n'étoit appuyé sur le témoignage des historiens comme sur les romanciers, pourroit-on se persuader que des assiégeants et des assiégés, au fort de l'action, aient suspendu leurs hostilités pour laisser un champ libre à des écuyers qui vouloient immortaliser la beauté de leurs dames, en combattant pour elles ? C'est néanmoins ce qu'on vit arriver au siège du château de Touri en Beauce , suivant Froissart. S'imaginera-t-on aisément encore que dans le feu d'une guerre très-vive des escadrons de chevaliers et d'écuyers françois et anglois, qui s'étoient rencontrés près de Cherbourg en 1379 , ayant mis pied à terre pour combattre avec plus d'acharnement , arrêtèrent les transports de leur fureur pour donner à l'un d'entre eux, qui seul étoit resté à cheval, le loisir de défier celui des ennemis qui seroit le plus amoureux? Un pareil défi ne manquoit jamais d'être accepté. Les escadrons demeurèrent spectateurs immobiles des coups que se portaient les deux amants ; et l'on n'en vint aux mains qu'après avoir vu l'un d'eux payer de sa vie le titre de serviteur qu'il avoit peut-être obtenu de sa dame.

Les héros grecs sont-ils donc plus sages dans Homère, lorsqu'au milieu de la mêlée ils s'arrêtent tout-à-coup pour se raconter leur généalogie ou celle de leurs chevaux ? Ce combat singulier fut suivi d'une action des plus sanglantes ; et Froissart , pour donner plus de poids à son récit , ajoute : « Ainsi alla ceste besongne comme je fu à donc informé. »

L'esprit de galanterie , l’âme de ces combats, dont l'histoire nous fournit des exemples sans nombre , ne s'étoit point encore perdu dans les guerres d'Henri IV et de Louis XIV ; on y faisoit quelquefois le coup de pistolet pour l'amour et pour l'honneur de sa dame : au siège d'une place on vit un officier blessé à mort , écrire sur un gabion le nom de sa maîtresse en rendant le dernier soupir.

(…)

Brantôme nous apprend que de son temps plus que jamais , l'amour avoit encore ses héros : « Les gens de cour se sont fait remarquer très-braves et vaillants et certes plus que le temps passé. »

Puis reprenant ce qu'il avoit dit plus haut de M. de Randan : « Estant à Metz , continue-t-il , un cavalier de dom Louys d'Avila, colonel de la cavalerie de l'empereur, » se présenta et demanda à tirer un coup de lance pour l'amour de sa dame. Monsieur de Randan le prit aussistost au mot par le congé de son général , et s'estant - a mis sur les rangs, fust ou pour l'amour de sa maistresse qu'il espousa depuis , ou pour l'amour de quelqu'autre bien grande , car il n'en estoit point dépourvue , jousta si furieusement et dextrement qu'il en porta son ennemi par terre à demy mort, et retourna tout victorieux et glorieux dans la ville, ayant fait et apporté beaucoup d'honneur à luy et à sa patrie , et dont chacun le loua et en estima extrêmement et non sans cause. »

 

(…) un usage dont nos romanciers ont souvent fait mention, et qui convient tout-à-fait à des temps où le chef-lieu de chaque domaine étoit un poste , et presque une place de guerre, exposée aux insultes , aux attaques de voisins toujours ennemis et toujours armés. Une demoiselle riche héritière , suivant le récit de ces romanciers, une dame restée veuve avec de grandes terres à gouverner, avoit-elle besoin d'un secours extraordinaire, elle appeloit quelque chevalier d'une capacité reconnue , elle lui confioit , avec le titre de vicomte ou de châtelain, la garde de son château et de ses fiefs, le commandement des gens de guerre entretenus pour leur defense ; quelquefois même , dans la suite , elle acquittoit par le don de sa main ( note 47) les services importants qu'elle avoit reçus de lui. Ordinairement de telles alliances furent contractées par les avis et sous l'autorité des souverains. Protecteurs nés des pupilles et des veuves nobles de leurs États, les princes ,en conciliant les intérêts des deux parties , remplissoient les généreuses fonctions de la garde royale, et récompensoient en même temps la valeur des plus braves chevaliers de la cour. Ce fut vraisemblablement ainsi qu'un nombre assez considérable de nos plus grands seigneurs acquirent les terres immenses qu'ils ont possédées. Il seroit difficile de donner une origine plus glorieuse, soit à la puissance de leurs maisons, soit à l'étendue de leurs domaines.

 

(47) Je n'ai que des romans et des ouvrages aussi fabuleux à citer pour preuve de cet usage ; mais on peut croire aisément que cette idée romanesque fut adoptée par des seigneurs et des chevaliers qui auroient voulu s'assurer de l'adresse et de la valeur des époux qu'ils destinoient à leurs filles pour défendre les fiefs dont elles étoient héritières.

« Le puissant roy Odescalque , qui avoit une fille nommée Doralisce (Nuits de Straparole, t. I, p. 236), en la voulant marier honorablement, avoit fait publier un tournoy par tout royaume , ayant delibéré de ne la marier point , sinon à celui qui auront la victoire et le prix du tournoy, au moyen de quoi plusieurs, ducs , marquis et autres puissants seigneurs étojent venus de toutes parts pour conquester ce précieux prix. » On voit , dans Perceforest ( vol. V, fol. 22, 28), la description d'un célèbre tournoi dont le prix devoit être pareillement une jeune demoiselle à marier : le vainqueur devint son époux.

Une autre demoiselle, suivant le roman de Gérard de Roussillon (manuscr., fol. 99, recto), en provençal, choisit elle-même un brave chevalier pour être le châtelain de ses- terres et pour les défendre , et l'épousa dans la suite. On peut se rappeler ici ce que dit Froissart (1. 1, p. 222) des amours d'Eustache d'Auberticour avec madame Isabelle de Juliers , qui lui envoya souvent des chevaux en présent et qui couronna les exploits de ce brave chevalier par le mariage qu'elle contracta avec lui.

Excès de libertinage :

Dans ces temps-là le mérite le plus accompli d'un chevalier consistoit à se montrer brave , gai , joli et amoureux. Quand on avoit dit de lui qu'il savoit également parler d'oiseaux , de chiens , d'armes et d'amour ; quand on avoit fait cet éloge de son esprit et de ses talents , on ne pouvoit plus rien ajouter à son portrait.

On ne parloit point de l'amour sans définir l'essence et le caractère du parfait et véritable amour ; et l'on se perdoit bientôt dans un labyrinthe de questions spéculatives sur les situations ou les plus désespérantes, ou les plus délicieuses d'un coeur tendre et sincère; sur les qualités les plus aimables ou les plus odieuses d'une maîtresse. Les fausses subtilités que chacun employoit pour défendre sa thèse, étoient appuyées, tantôt de déclamations in décentes contre les dames , tantôt de phrases pompeuses cent fois rebattues qu'on débitoit à leur honneur. Un juge de la dispute qui répondoit à ce qu'on appeloit prince d'amour , ou prince du Puy dans les cours d'amour, juridictions établies dans quelques contrées, pour connoître de ces importantes matières , un juge,dis-je, prononçoit des sentences presque toujours équivoques, obscures et souvent énigmatiques , auxquelles les parties se soumettoient avec une respectueuse docilité.

(…)

Ces amants de l'âge d'or de la galanterie , qui semblent avoir moins puisé dans Platon que dans l'école des scotistes, les idées et les définitions de l'amour , ces espèces d'enthousiastes, se vantoient de n'aimer que les vertus, les talents et les grâces de leurs dames, d'y trouver l'unique source du bonheur de leur vie ; et de n'aspirer qu'à maintenir, qu'à exalter, et qu'à répandre en tous lieux la ré putation et la gloire qu'elles s'étoient acquises.

Prodigues de louanges exagérées , ils ne se seroient jamais permis d'avouer qu'il y eût une dame plus belle que celle qu'ils servoient ; quelques-uns même se vantoient de la plus violente passion pour celles qu'ils n'avoient jamais vues, sur le seul bruit de leur renommée. Une infinité de détails toujours puérils, étoient la seule expression des craintes , des espérances et de tous les sentiments dont leurs esprits étoient agités.

Cette métaphysique d'amour , ce vaste champ où s'exerçoient les plus beaux esprits qui brilloient parmi nos respectueux serviteurs des dames, n'avoit cependant point banni de leurs entretiens les images, les allusions, et les équivoques froides et obscènes , production ordinaire des esprits grossiers et licencieux. L'indécence fut portée aussi loin qu'elle pouvoit aller dans les écrits , et surtout dans les poésies de ce temps, où les hommes les plus qualifiés s'exerçoient dans la science gaie , c'est-à-dire dans l'art de rimer et de versifier.

Comme il n'y avoit qu'un pas de la superstition de nos dévots chevaliers à l'irréligion , ils n'eurent aussi qu'un pas à faire de leur fanatisme en amour aux plus grands excès du libertinage (17). Ils ne demandoient à la beauté dont ils étoient esclaves, ou plutôt idolâtres, ils ne demandoient que la bouche et les mains ( termes empruntés de la cérémonie des hommages), c'est-à-dire l'honneur de tenir d'elles leur existence comme en fief; mais on ne les jugera pas trop légèrement, si l'on dit que souvent ils furent peu fidèles aux chaînes qu'ils avoient prises.

Jamais on ne vit les moeurs plus corrompues que du temps de nos chevaliers , et jamais le règne de la débauche ne fut plus universel. Elle avoit des rues , des quartiers dans chaque ville; et saint Louis gémissoit de l'avoir trouvée établie jusqu'auprès de sa tente , pendant la plus sainte des croisades. C'est Joinville même, confident de ses plaintes, qui nous les a rapportées. L'ignominie que ce prince voulut faire subir à l'un de ses chevaliers surpris en faute , prouve combien il étoit nécessaire d'arrêter les suites de la corruption générale. Le châtiment dont ce pieux monarque avoit trouvé l'exemple dans les loix communes du royaume, n'étoit guère moins scandaleux que le crime.

Aux tendres conversations de nos chevaliers et de nos écuyers succédoient plusieurs jeux, qui souvent rouloient sur la galanterie , et dont quelques-uns qui nous sont demeurés , amusent à peine nos enfants. Un vain cérémonial de révérences, de génuflexions , de prosternations jusqu'à terre, consumoit le reste de leur temps dans un exercice continuel , aussi fatigant que ridicule.

Défions-nous des éloges que donne un siècle au siècle qui l'a précédé. L'amour antique (19), si tendre, si constant , si pur et si vanté, dont on fait toujours honneur à ses devanciers, fut le modèle que les censeurs, dans tous les ages , proposèrent à leurs contemporains : deux ou trois cents ans avant Marot on avoit comme lui , et presque dans les mêmes termes, regretté le train d'amour qui régnoit au bon vieux temps.

(17) Quelques traits empruntés de différents siècles me serviront à prouver que la corruption de nos ancêtres ne le cédoit point à celle qui, dans tous les temps , excita la colère des censeurs publics. Le moine du Vigeois , vers 1180 , parlant de la licence qui régnoit alors dans les troupes , comptoit, dans une de nos armées, jusqu'à quinze cents concubines , dont les patures se montoient à des sommes immenses : ''Quorum ornamenta inestimabili thesauro comparata sunt.'' Le même historien nous apprend que le respect public ne les renfermoit point dans la classe qui leur convenoit : parées comme les plus grandes dames , on les confondoit avec ce qu'il y avoit de plus respectable : la reine elle-même y fut trompée , en voyant à l'église une femme de cette espèce : comme elle alloit au baiser de la paix, elle l'embrassa de même que les autres femmes. Ayant été depuis mieux informée, elle en fit des plaintes au roi son mari , et le monarque défendit que les femmes publiques portassent dans Paris le manteau , qui devint la marque à laquelle on distingua les femmes mariées.

Le treizième siècle ne fut pas mieux réglé, même dans le temps où saint Louis donnoit l'exemple d'une vie toute chrétienne. (...)

Charles VI la cour même devint le théâtre du scandale. La plus ancienne et la plus édifiante de nos maisons religieuses en eut le triste spectacle , suivant le moine de Saint-Denis qui déplore en ces termes le malheur de son monastère.

Après le récit des tournois faits en 1380, à Saint-Denis (Hist. de Saint-Denys, ch. VI , p. 170 et 171) pour la Chevalerie du roi de Sicile et de son frère : « Jusques-là , dit l'historien , tout alloit assez bien , mais la dernière nuit gasta tout par la dangereuse licence de masquer et de permettre toutes sortes de postures plus propres à la farce qu'à la dignité de personnes si  considérables , et que j'estime à propos d'estre remarquées dans cette histoire pour servir d'exemple à l'advenir à cause du désordre qui en arriva. Cette mauvaise coûtume de faire le jour de la nuit, jointe à la liberté de boire et de manger avec excès , fit prendre des libertés à beaucoup de gens, aussi indignes de la présence du roi que de la sainteté du lieu où il tenoit sa cour. Chacun chercha à satisfaire ses passions ; et c'est tout dire qu'il y eut des marys qui patirent de la mauvaise conduite de leurs femmes, et qu'il y eut aussi des filles qui perdirent le soin de leur honneur. Voilà en peu de mots le récit de toute cette leste que le roi acheva de solemniser par mille sortes de présents , tant pour les chevaliers et les escuyers qui s'y signalèrent , que pour les dames et les damoiselles : il leur donna des pendants d'oreille de diamants , plusieurs sortes de joyaux et de riches étoffes, prit congé des principales qu'il baisa, et licencia toute la cour. » (...)

 

Si je rapporte encore les vers suivants d'un de nos poetes françois, qui ne peuvent point être pris à la lettre , c'est moins pour faire connoître la dépravation du siècle que pour donner une idée de l'esprit de nos écrivains qui repaissoient leurs lecteurs Une dame qui reçoit chez elle un chevalier ne veut point s'endormir qu'elle ne lui envoie une de ses femmes pou lui faire compagnie.

 

La comtesse qui fut courtoise ,

« De son oste pas ne li poise (N'est pas fâchée d'avoir un tel hôte,)

Ainz li fist fére à grant delit ( Une grande joie) ,

En une chambre un riche lit.

Là se dort à aise et repose ;

Et la comtesse à chief se pose ( Enfin va se coucher. ),

Apele une some (sienne) pucelle,

La plus courtoise et la plus bele.

A consoil ( En secret , à l'oreille.) li dist, belle amie,

Alez tost , ne vous ennuie ( Qu'il ne vous déplaise.)

Avec ce chevalier gesir ,

(...)

Si le servez, s'il est mestiers.

Je i alasse volentiers,

Que ia ne laissasse pour honte ;

Ne fust pour monseigneur le comte

Qui n'est pas encore endormiz. »

 

(Fabliaux mss. Du roi, n° 7615, fol. 210, verso, col. 1.)

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 7 > >>