david hume
Le Graal, ça n'existe pas ! 3
Précisément, sur la question qui nous occupe, nous pouvons rejoindre notre aïeul Jean-Léonard de la Bermondie, quand il fréquentait, avant la Révolution, les salons où l'on conversait. Nous sommes entre 1763 et 1766 ; trois choses y sont à la mode « le whist, Clarisse Harlowe ( un roman...) et David Hume ( le philosophe) »
David Hume (1711-1776), est écossais et francophile. Il est alors le secrétaire de Lord Hertford, ambassadeur. Les salons sont « les Etats Généraux de l'esprit humain » c'est la définition que donne Hume du salon de madame Helvétius...
David Hume désire construire une " science de la nature humaine ", sur le modèle de la philosophie naturelle de Newton.
Que nous dit Hume ?
A l'origine de nos connaissances, sont nos perceptions. Hume appelle perception « tout ce qui peut être présent à l’esprit, que nous utilisions nos sens, que nous soyons mus par la passion ou que nous exercions notre pensée et notre réflexion ». Cette perception par les sens, donne des impressions et des idées ...
Que valent ces connaissances ?
Nous avons tendance à qualifier de ''lois'' ce que nous observons... David Hume - ''le sceptique'' - questionne cette '' relation de cause à effet '' qui fonde notre vision du monde...
Il nous semble que la véritable cause est toujours contiguë à l'effet. Mais contiguïté n'est pas causalité.. ! Un fait peut précéder un autre sans que nous le tenions pour sa cause.
La poule, constate, chaque matin, quand elle voit le fermière venir vers elle, que c'est pour lui donner à manger … La poule pourrait ainsi en établir une loi, et même se faire un jugement de bienveillance envers la fermière... Et, un jour, le seul... La fermière vient, non pour la nourrir, mais pour lui tordre le cou ...
Pour Hume, la connaissance est équivalente à la croyance. Elle peut avoir une utilité pour l’action, mais ne dit rien du réel. La vérité nous échappe en tout.
En ce début du XXe siècle. Anne-Laure de Sallembier et Jean-Baptiste fréquentent de près le cercle très philosophique des amis et parents Poincaré.
En cette année 1908 se tient à Heidelberg le Congrès International de Philosophie, et Anne-Laure et Jean-Baptiste, vont accompagner le couple Boutroux, à ce qui sera un grand évènement mondain et intellectuel. Lancelot n'a que huit ans, mais il fait partie du voyage. ( cf: - Le Congrès de philosophie d'Heidelberg - 1908 – Tome 3)
Pour préparer ce voyage nous avons les notes d'Anne-Laure qui révisait quelques notions :
En ce temps, où un monde nouveau et scientifique semble avoir du mal à faire sa place, où le nouveau siècle tarde à s'établir, la philosophie ne craint plus de se remettre en cause, à tel point que c'est la notion même de Vérité qui est questionnée, et, sans tabou religieux...
- Pour Kant (1724-1804), sensible au scepticisme de Hume, la vérité scientifique ne porte que sur les phénomènes; elle ne reflète donc pas la réalité telle qu'elle est en elle-même, mais telle qu'elle est pour nous. Les concepts métaphysiques ( Dieu, la liberté, l'âme...) sont exclus de la connaissance scientifique ; et la croyance se substitue au savoir... Nous n’avons accès qu’aux phénomènes, pas aux '' choses en soi ''.
- Anne-Laure avait rencontré William James, frère d'Henry le romancier qui fréquentait alors son amie Edith Wharton... ( voir le Tome 3). Le philosophe William James (1842-1910), répondait ainsi aux questions d'Anne-Laure :
- Pour savoir si une chose est vraie, il faut - dit-il - ''poser une croyance, la tester et l'intégrer dans un corpus plus large..''. James doute que l'on puisse observer le Réel ''en soi'' ( ce qui supposerait sortir de ses croyances, dit-il...). Il rajoute : il est des croyances ou vérités auxquelles la seule « volonté de croire » suffit... ! Par exemple, sur la question du libre arbitre: W. James dit « Mon premier acte de libre arbitre est de croire au libre arbitre ».
« Les idées ne sont pas vraies ou fausses. Elles sont ou non utiles. » Telle est la thèse centrale ( le pragmatisme) que défend William James.
Il serait donc inutile de discuter sur l'essence d'un objet, il serait suffisant d'en discuter les caractéristiques, et son utilité …
Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -3/.-
David Hume désire construire une " science de la nature humaine ", sur le modèle de la philosophie naturelle de Newton, et ne peut se passer de prendre en compte la différence qui partage cette nature en deux, hommes et femmes.
Cette science nouvelle, est définie par une critique intégrale du doute et du dogmatisme, avant même d'établir les bases d'une vraie métaphysique sur la nature humaine.
Que nous dit Hume ?
A l'origine de nos connaissances, sont nos perceptions. Hume appelle perception « tout ce qui peut être présent à l’esprit, que nous utilisions nos sens, que nous soyons mus par la passion ou que nous exercions notre pensée et notre réflexion » .Cette perception par les sens, donne des impressions et des idées ...
Que valent ces connaissances ?
Nous avons tendance à qualifier de ''lois'' ce que nous observons, par exemple :
- Nous constatons par ''expérience'' certaines répétitions constantes. Et bien l'importante loi de causalité dérive de l'expérience de successions répétées. Est-ce légitime … ?
« une boule de billard touche une autre boule de billard, celle-ci se met en mouvement, et la première arrête son mouvement. » Une fois, dix fois, cent fois … Oui, mais … Pourquoi cela serait-il toujours ainsi … ?
Hume - ''le sceptique'' - questionne cette '' relation de cause à effet '' qui fonde notre vision du monde...
Il nous semble que la véritable cause est toujours contiguë à l'effet. Mais contiguïté n'est pas causalité.. ! Un fait peut précéder un autre sans que nous le tenions pour sa cause.
La poule, constate, chaque matin, quand elle voit le fermière venir vers elle, que c'est pour lui donner à manger … La poule pourrait ainsi en établir une loi, et même se faire un jugement de bienveillance envers la fermière... Et, un jour, le seul... La fermière vient, non pour la nourrir, mais pour lui tordre le cou ...
Notre raison, attribue une nécessité logique, à des phénomènes qui se reproduisent … Il en ainsi est de sa nature, (ou de son éducation?): nous pouvons seulement dire qu'il s'agit d'une croyance..
Un chat qui voit passer devant lui une balle aura tendance à lui courir après ; un humain aura tendance à chercher d'où et comment vient-elle … ?
La raison, ne nous délivre pas de la croyance...
L'imagination est aussi une opération de l'esprit sur les objets de l'expérience ; même si nous parlons alors de fiction...
Le sentiment religieux se fonde aussi sur l'expérience humaine. La crainte et l'espérance, la joie et la douleur, le sublime...etc
En ce siècle, où tant de nouvelles questions émergent ; certains trouveront les biais pour valoriser la raison, d'autres ne craindront plus d'imaginer et de poser de nouvelles règles pour penser … Bien sûr, nous savons que la Raison s'imposera... Que se serait-il passé si tel n'avait pas été le cas .. ?
C'est la lecture de David Hume, qui permet à Kant de sortir de « son sommeil dogmatique » et de poser les bases de la philosophie contemporaine. :
Les lois qui régissent les choses et leurs événements, les causes et leurs effets, d'une réalité qui semble s'imposer à nous : la nature de l’espace et du temps.
L'espace et le temps sont des formes à priori de notre sensibilité . L’espace et le temps n’existent pas réellement. Espace et temps ne relèvent pas des choses elles-mêmes, mais de l’esprit.
On ne peut connaître les choses en soi : on connaît seulement les phénomènes...
Quand nous nous demandons si le monde est fini ou infini, nous nous interrogeons sur un Tout dont nous ne formons qu'une infime partie.. Nous ne pouvons faire l'expérience de la totalité …
De même nous pouvons tout autant affirmer que ''l'univers'' a commencé un jour ou qu'il a toujours existé …
La foi est tout aussi légitime que la Raison ...
Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -2/.-
Chez le prince de Conti, au Temple, Marie-Charlotte Hippolyte de Boufflers servant le thé à l'anglaise dans le salon au Quatre Glaces
Je reviens à David Hume, qui va marquer de sa pensée, notre trio : de la Bermondie, d'Oisemont et Sinclair, toujours en recherche de nos fameux templiers, et à l’affût de ''nouveautés'' qui pourraient faire réapparaître le lien perdu et faire advenir une résurgence de l'Ordre disparu …
Le temps est aux ''nouveautés'' et David Hume est devenu l'idole des salons, en particulier celui de la très anglomane Comtesse de Boufflers (il parlait bien le français l'ayant étudié pendant trois ans à La Flèche). Hume est célèbre en France par ses ''Political Discourses'' aussitôt traduits en 1752, à la fois comme historien et comme philosophe. Quand il reviendra à Londres en 1766, il emmènera avec lui J.-J. Rousseau...
La Contesse de Boufflers (1724-1800) est la maîtresse du Prince de Conti : Femme brillante, spirituelle et sensuelle, elle est célèbre pour sa beauté et son esprit ; célèbre salonnière et femme de lettres française, elle est adulée et courtisée. Le comte de Tressan écrira sur elle cette épigramme :
«Quand Boufflers parut à la Cour
On crut voir la reine d'amour
Chacun s'empressait de lui plaire
Et chacun l'avait à son tour. »
Et, son épitaphe ( par elle-même) est éloquente :
« Ci-gît dans une paix profonde,
Une dame de volupté
Qui, pour plus de sécurité,
Fit son paradis en ce monde. »
On peut dire que la Révolution sera la fin d'un certain ''âge d'or'': celui du '' doux commerce des sexes'' – comme l'on disait - magnifié dans les «salons» où s'épanouissaient les personnalités féminines les plus fortes.
Je parlais d'anglomanie ; en effet les Anglais, avec Locke et Newton, se sont affirmés comme les maîtres à penser de l'Europe en ce XVIIIe siècle... De plus, politiquement: la théorie de la séparation des pouvoirs, invite à une réflexion sur la démocratie. Dès 1694, La Fontaine, lui-même eut la tentation de l'Angleterre : le Renard anglais, note comme une vérité incontestable : « Les Anglais pensent profondément, / Leur esprit, en cela, suit leur tempérament... »
Les salons sont « les Etats Généraux de l'esprit humain » c'est la définition que donne Hume du salon de madame Helvétius... Le salon donne à la monarchie civilisée française une harmonie intellectuelle et morale qui est l’œuvre même des femmes, fédératrices des opinions et dignes en cela, comme le voulait Morellet, d'une célébration publique ...
Anne-Catherine Helvétius ( 1722-1800) réunit d'abord rue Sainte-Anne puis, à partir de 1772, en son hôtel du 59, rue d’Auteuil, un cénacle appelé « société d'Auteuil » ; tous les écrivains, artistes et scientifiques ont fréquenté ce salon … Benjamin Franklin, lui fait sa cour en vain... et elle tient Cabanis comme son fils adoptif … On la dit affiliée à la loges des neuf sœurs..
David Hume, encore : « Les femmes étaient les souveraines du monde, de la conversation et de l’érudition. » Dans le même sens, Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIe siècle, écrit : « Il y a quelque chose de fantastique, de surréel dans la représentation, soir après soir, et à heures fixes, en plusieurs hôtels parisiens, d’un spectacle centré sur l’art de la conversation. »
L'élite britannique se détourne à cette époque de l'université pour chercher son instruction dans '' la conversation ''qu'elle considère comme le ''grand livre du monde ''…
Et la ''politesse '' : ingrédient nécessaire d'une culture civilisée est l’élément dans lequel se meut la pensée de David Hume ; en opposition à la manière scolastique... La ''politesse'' renvoie au raffinement des manières et au développement des arts, sciences et lettres … La politesse est essentiellement un art de la conversation qui inclut les règles de galanterie ( relation entre hommes et femmes)...
c'est ainsi qu'en 1798, Kant – lui-même écrit : « La nation française se caractérise entre toutes par son goût de la conversation ; elle est à ce point de vue un modèle pour les autres nations... »
Pour être validées, les productions de l'esprit ( sciences, arts et lettres) doivent passer par leur réception au sein de la société...
* Tout ça, pour arriver à la pensée de David Hume, que nous dévoilerons la prochaine fois …. - A suivre...
Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -1/.-
Il ne sert à rien de philosopher sans les femmes ...
Selon Horace Walpole (1717-1797), trois choses sont à la mode « le whist, Clarisse Harlowe et David Hume »
Horace Walpole, noble et homme politique anglais qui fut l'ami intime de Mme de Tencin, se fait ainsi construire un château de style médiéval sur la colline de Strawberry Hill. Le premier, Walpole va réunir les ingrédients du roman gothique historique dans ''le Château d'Otrante'' paru en 1764 : action située dans le passé mythique des croisades, décor médiéval, présence du surnaturel, personnages contemporains victimes des mystères du passé.
Clarisse Harlowe, est un roman épistolaire anglais de Samuel Richardson publié en 1748 ; l'héroïne fut une référence pour les écrivains du XVIIIe.. Lovelace, l’infâme séducteur précéda Valmont...
David Hume (1711-1776), le grand philosophe écossais est francophile, ce qui ( pour un anglais) double sa faute d'être écossais …
De plus, il est ''sceptique''... et l'université bigote lui refusera un poste de professeur …
Auparavant, en conclusion d'une jeunesse studieuse, mais rétive, il part en France... A La Flèche, de 1735 à1737, il rédige le Traité de la nature humaine, dont les deux premiers livres sont publiés en 1739. C'est un échec. Il rentre à Ninewells. Portant, il vient d'écrire – très jeune - un chef-d’œuvre : il y a peu d’exemples d’une telle précocité en philosophie et, à ce degré de génie, peut-être aucun.
En 1745, il trouve un emploi d' "homme de compagnie" auprès du jeune marquis d'Annandale dont l'état mental se dégrade peu à peu.
De 1746 à 1749, il est secrétaire particulier du général Saint-Clair, qu'il accompagne dans ses voyages.
Le Général James Saint-Clair (1688-1762) ( de Sinclair, Fife et Balblair, Sutherland.) appartient bien-sûr au clan ''Sinclair'', et en 1735, St Clair achète le château de Rosslyn , qu'hériteront plus tard les héritiers masculins de ses sœurs. À la mort de son frère aîné John St Clair en 1750, il lui succède en tant que lord Sinclair , mais n'assumera jamais le titre, préférant conserver son siège à la Chambre des communes.
C'est sans-doute, lors de son passage à Paris que ''notre ''Sinclair et ami de J. L. de la Bremontie, rencontre le général Saint-Clair, et David Hume...
David Hume, rencontrera à nouveau, nos amis lors d'un séjour beaucoup plus long, alors qu'il est au ''sommet'' de sa renommée d’historien et d’essayiste, de 1763 à 1766. À l’époque, c’est en France qu’il est le mieux accueilli : « ici je ne bois que du nectar et marche sur des fleurs », confie t-il.
En effet, Hume accompagne alors en France Lord Hertford, nouvel ambassadeur dont il est le secrétaire.
« La France est le pays des femmes. » dit David Hume.
Les voyageurs étrangers, quand ils arrivent en France, sont frappés par la ''facilité'' des relations entre les deux sexes. Cet art de vie ensemble, est appelée alors la galanterie. On considère qu'en France hommes et femmes sont '' activement mêlés''...
En Italie, la présence de chevaliers servants, les fameux sigisbées, empêchent d'avoir accès aux Florentines de la bonne société, ce dont les voyageurs français se plaignent …
Parmi les règles de galanterie de ce XVIIIe siècle, et c'est Mme de Genlis qui le souligne: c'est celle de ne jamais placer les gens à dîner. Sauf chez quelques bourgeois cérémonieux ou dans les réceptions officielles de la Cour, on laisse, dans la société, celle des salons, les convives s'asseoir en toute liberté afin que les deux sexes puissent se fréquenter selon leur humeur.
Le célèbre salon bouton d'or de Madame du Deffand est un salon où seul l'esprit le plus raffiné a ses droits, et où se mêle harmonieusement le savoir-vivre aristocratique et le goût littéraire.
Des écrivains célèbres, Voltaire, Montesquieu, Marmontel, La Harpe, Marivaux, Sedaine et Condorcet peuvent y rencontrer les Anglais de passage à Paris comme Gibbon, Hume, Lord Shelburne et Horace Walpole. Une femme de lettres britannique, comme la vertueuse Hannah More, est choquée de savoir qu'en France une Mme Deffand, séparée de son mari, et affichant paisiblement ses liaisons, est cependant reçue dans la meilleure société parisienne...
Et, Hume regrette qu'à Londres, on claquemure les femmes, et dans cette société ''convenable'' on n'y trouve ni plaisir ni politesse, et pas davantage le sel de la raison … ( cf Les Mots des femmes: Essai sur la singularité française, Par Mona Ozouf )
A suivre ...