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1942 – Bertrand de Jouvenel
Dans les années vingt, Lancelot croisait chez les époux Luchaire, Jouvenel et bien d'autres auteurs. C'était un même soir, qu'il avait rencontré Elaine de L.
Je rappelle que Bertrand de Jouvenel (1903-1987) , avait eu – avant guerre - comme beaucoup, la tentation de ''l'homme nouveau''. Il s'était – avec Drieu la Rochelle – engagé au sein du PPF de Jacques Doriot, avec qui il rompt dès 1938.
En 1941, il publie Après la défaite, qui fait de la victoire allemande celle de l’esprit qu'anime précisément, pense t-il, cet ''homme nouveau''.
Jouvenel dénonce les intellectuels qui se veulent être de purs artistes à l'image de Cocteau ou Guéhenno, qui se disent ''antifascistes'' mais qui, ont abandonné leur qualité de « vrai français ». Jouvenel ressent un vrai sentiment d'humiliation, nous aurions perdu le sens de la discipline, de l'ordre, de l'organisation, de la rigueur, dont fait preuve l'occupant... D'un côté, l'effondrement de la France, de l'autre l'émergence victorieuse de l'Allemagne !
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Dans ''Après la défaite'' Jouvenel ne s'en prend pas seulement aux élites françaises qu'ils considèrent plutôt comme médiocres ; mais regrette qu'ils ne soient pas menés par une pensée directrice, « une même philosophie de la nation. ». Il fait le procès d'une démocratie parlementaire et d'une politique à courte-vue ; qui avait mis « le pouvoir aux classes les plus ignorantes de la société. » ; il y regrette l'absence d'une aristocratie, qui voyage, cosmopolite, cultivée.
Bertrand de Jouvenel, souhaite articuler ses propositions en politique intérieure, par trois axes : la ''biopolitique'', la géopolitique et les « sciences neuves ».
Le premier axe, se centre sur une approche qualitative des questions de population, hygiéniste, aristocratique, souhaitant arracher les jeunes d'une certaine tiédeur familiale...
La géopolitique comprend que « l'histoire est écrite sur le sol. », un peu dans l'esprit de Richelieu.
Jouvenel reconnaît actuellement la supériorité de la nation germanique et sa maîtrise à façonner l'Europe à sa guise ; et il pense que Vichy lutte pied à pied contre l'occupant, et il s'oppose à une collaboration poussée avec l'Allemagne ( seulement pour atténuer les souffrances des français...); et reste anglophile.
Parmi les notes de Lancelot concernant Jouvenel ; il fait état d'échanges sur l'économie, un sujet qui le passionne. Si Lancelot peut comprendre ses conclusions à propos de la décomposition sociale de l'occident ; il commence à douter que la ''révolution nationale '' de Pétain puisse relever ce défi, en particulier en collaborant avec le nazisme. Jouvenel exprime d'autres doutes doutes; européen, pacifiste, il ne croit plus que la république, et même la démocratie puissent répondre aux enjeux de notre avenir... Parce que finalement, il y aura bien une issue...Pourra t-elle advenir sans les allemands ? Ne sont-ils pas les plus forts ?
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« Aux démocrates, je préfère les communistes. » ajoute Jouvenel. Il exprime par là que la morale démocratique n'est que mensonge ; la preuve en serait, dit-il que la plupart de ces ''démocrates'' ne sont pas ''libéraux''. La modernité nous a amené la guerre, les gaullistes nous ramèneraient la troisième république, et les américains sont trop loin...
La grande question du ''pouvoir'', est celle de la gestion des ressources ( humaines , matérielles, …). Pour commencer, il faudrait s'interroger sur ce pouvoir : ne peut-il être que le fruit d'une conquête ? Dans quel but ?
La nation a renversé le roi, et a pris sa place ; mais il reste que c'est une minorité qui se dit consciente et qui gouverne ( le parti...). La course au pouvoir, alimente la guerre. L'avènement de contre-pouvoirs s'imposent !
Jouvenel pour satisfaire son esprit rationnel, s'empare de statistiques économiques ; il tente d'en extraire une vérité. A l'observation de courbes, il se préoccupe des '' limites ''. « Il n'y a point de vérité qui n'ait des limites. »
Pour Jouvenel, très vite, les conséquences de l'armistice et de la collaboration s'avèrent désastreuses ; à un ami avec qui il prévoyait la création d'un hebdomadaire économique, il lui écrit que « Ce journal économique n'avait de raison d'être national que si les vainqueurs se montraient disposés à faciliter ou du moins à permettre la reprise de la vie économique chez le vaincu. Ils semblent au contraire s'appliquer à la paralyser. Comment veux-tu que nous expliquions les problèmes économiques en faisant abstraction des mesures allemandes qui les aggravent ? Ce ne serait plus "le Fait" mais "le demi Fait" [...]. Je ne crois pas que nous puissions, dans la conjoncture actuelle, faire œuvre utile, c'est à dire œuvre française. »
Lancelot, par Rivet, est au courant des activités de Jouvenel pour le compte du SR, en particulier autour de l'ambassade allemande à Paris, et d'Otto Abetz qu'il connaît de puis longtemps...
Jouvenel, dont la mère Claire Boas de Jouvenel est juive, voit pour la dernière fois Abetz, le 17 mai 1941, avant de se retirer en Corrèze un an plus tard, à Pebeyre, près de Tulle. Non loin, à Argentat, réside Emmanuel Berl.
Le 28 mai 1941, sont signés par Darlan et Abetz les ''Protocoles de Paris '' qui sont des accords pour une collaboration militaire avec l'Allemagne en mettant à disposition de l'armée allemande des bases de l'empire français... !
En réaction, le 5 juin 1941 ; Jouvenel prévoit un projet '' d'adresse '' à l'attention du maréchal Pétain, et recherche des écrivains signataires.
Fin de la lettre : « Vous, Monsieur le Maréchal, qui avez écrit une des pages les plus glorieuses de notre Histoire, vous savez mieux que personne que jamais la France n'a commencé une guerre dans un camp pour la finir dans le camp opposé, si fortes que puissent être les raisons.
Contre cette éventualité, quelques avantages immédiats qu'on puisse attendre, les intellectuels soussignés élèvent une solennelle protestation. Une telle politique serait le reniement de tout notre passé, un désastre moral pire que le désastre militaire. C'est dans l'honneur d'une nation que réside le principe de son relèvement. Vous êtes, Monsieur le Maréchal, le gardien de cet honneur. »
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Maurice Goudeket (1889-1977), marié à Colette depuis avril 1935, chroniqueur et directeur littéraire à '' Match '', et juif : ne peut plus travailler. Il est arrêté par la Gestapo au domicile de Colette, au 9 rue de Beaujolais, le 12 décembre 1941 : Colette l’aide à faire sa valise : « Elle m’accompagna jusqu’au départ de l’escalier. Nous nous regardâmes. Nous étions l’un et l’autre souriants, nous échangeâmes un baiser rapide. - Ne t’inquiète pas, dis-je. Tout ira bien. - Va, me dit-elle avec une tape amicale sur l’épaule ».
A une amie, Colette écrira : « Il est parti très calme vers je ne sais où, chargé du crime d’être juif, d’avoir fait l’ancienne guerre comme volontaire et d’être médaillé ».
Il est transféré avec 743 personnalités juives françaises, au Camp de Royallieu à Compiègne.
Colette tente tout ce qu'elle peut, elle fait intervenir : Sacha Guitry, Robert Brasillach, Paul Morand et même Suzanne Abetz, l’épouse française de l’ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz, admiratrice de Colette.
Finalement, il sera libéré le 6 février 1942.
Je rappelle, qu'en 1925, Colette et Bertrand de Jouvenel, mettaient fin à leur liaison. Et, commençait celle de Colette avec Maurice Goudeket.
Le 3 octobre 1941, Colette publie Julie de Carneilhan, chez Fayard.
Elle dresse le portrait d'une femme, la comtesse Julie de Cameilhan, qui lui ressemble : une femme qui ne plie devant rien, peut-être même pas devant l'âge.
Avec le comte d’Espivant , Colette évoque en particulier son deuxième mari, Henry de Jouvenel ( père de Bertrand) , homme politique éminent, qui n'est pas vraiment à son avantage …
Ce livre fait l'objet, à sa parution, d'un feuilleton dans Gringoire journal d'extrême droite, pendant l'occupation.
Craignant une nouvelle arrestation, fin de juin 1942, Maurice Goudeket gagne la zone libre et se cache chez un ami, à Saint-Tropez. Le 27 juillet 1942 : Misz Hertz, juive et Polonaise, amie de Colette depuis 1914 - mariée avec Léopold Marchand, l'adaptateur au théâtre de Chéri et La Vagabonde - se suicide quelques jours avant la rafle du Vel'd'Hiv.
Le Paris des Années 1920.. – Bertrand de Jouvenel
Si les sujets de discussions sont graves, l'ambiance - parmi les jeunes qui fréquentent les Conférences - est à la camaraderie et à la fête. Dans une chambre d'étudiants, dans un bureau ; certains amènent des jeunes filles qui admirent les débats, des liens se nouent...
Les parents de Bertrand de Jouvenel, se sont séparés tôt ; il vit avec sa mère Claire Boas, elle-même assez présente dans le monde politique et littéraire. Son père a épousé en 1912, la romancière Colette.
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Au printemps 1920, Bertrand rend visite à son père et découvre celle qu'on lui a désignée comme « redoutable ». Il est fasciné par elle : naturelle, imposante... Elle décide de « former » son beau-fils, et, l'année suivante, deviennent amants; elle a 47 ans.. Jusqu'en 1925, Bertrand vit dans l'ombre de Colette... Cette liaison est connue, et - vis à vis de ses camarades -pose Bertrand sur un piédestal de l'initiation érotique...
Colette, Henri de Jouvenel, et son fils Bertrand sur la lande près de Rozven, en Bretagne (1921) ->
Bertrand est un lecteur passionné d’histoire, de politique et d’économie. Colette l’initie à d'autres lectures, en particulier les romans de son ami Proust, qu’elle compare à Balzac. C'est elle, dit-il, qui l'ouvre aux joies du monde : « Colette m’enseigna que le pain avait du goût, les troènes du parfum, les pavots de la couleur …elle regardait, elle écoutait, elle sentait, et le plaisir qu’elle prenait continuellement à ce qui existe se communiquait à son entourage. Alors que j’avais toujours cherché à être laissé en paix avec mes livres, à présent je la suivais et les théières de faïence chez les antiquaires de Saint-Malo, les crevettes dans le basin des rochers, tout me paraissait merveilleux …il est impossible de dire ce que je lui dois, pour m’avoir ainsi nourri ».
Bertrand de J. suit son père à la SDN en 1923. Il part pour Prague comme collaborateur du ministre des affaires étrangères de la Tchécoslovaquie.
Sa mère ne supporte pas cette liaison, elle tente de le fiancer, mais il crée le scandale en ne venant pas au repas de présentation ; Colette venait de lui remettre un pli où était écrit : « Je t’aime. ».
Sa famille lui présente une nouvelle jeune fiancée. Il en discute avec Colette et décident de se séparer. Marcelle Noilly-Prat a déjà écrit un roman ( Vivre en 1922) « très intelligente et de très bonne compagnie » ; ils se marient en décembre 1925.
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Parmi les jeunes de l'Action Française, Lancelot est interpellé, en 1922-23, par Jean-Augustin Maydieu. Étudiant doué et fougueux, il est camelot du Roi et il fait partie de la garde personnelle de Maurras, très religieux il est torturé par une histoire d'amour... Il a rencontré Madeleine Delbrêl chez le docteur Armaingaud qui tient salon ; elle s’intéresse à l’art, la littérature et la philosophie. Elle écrit des poèmes. En 1922, alors qu'elle écrit « Dieu est mort, vive la mort […] Puisque c'est vrai, il faut avoir le courage de ne plus vivre comme s’il vivait » ; elle fait la connaissance de Jean profondément croyant, qui se questionne sur sa vocation religieuse... Ils se revoient et commencent une relation amoureuse (1923)... Il part pour son service militaire, puis sans explication entre au noviciat dominicain, le 22 septembre 1925. Cette ''rupture'' plonge Madeleine dans une phase dépressive, et déclenche une recherche intérieure et, finalement, une conversion « violente » dit-elle l’année de ses 20 ans dans un éblouissement qui ne la quittera plus..
1921 – La Littérature – Colette
Pour Jeanne, c'est le style qui fait l'écrivain ; ensuite il doit pouvoir tout dire. Le style est un peu comme le corps, et la pensée du texte comme l'âme... Le style se doit d'être charnel ; s'il n'est qu'idées, la pensée sera sèche et triste … Colette, comme Gide – quoique différents – en sont de beaux exemples...
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Colette recherche la Beauté, tant pis si la vérité en est travestie. Même un roman, cela doit être de la poésie : il faut peaufiner le son, l'image... Colette s'amuse à inventer des mots :
- Tiens, écoutes : « le los de la crépellaine, du bigarella, du poplaclan, du djirsirisa et de la gousellaine – j’en oublie ! – une griserie phonétique me saisit, et je me mets à penser en pur dialecte poplacote. (…) j’empoigne mon filavella, je chausse mes rubespadrillavellaines et je coiffe mon djissaturbanécla ; la marée baisse, voici l’heure d’aller pêcher, dans les anfractuosités du rockaskaïa, le congrépellina et la dorade zibelinée. »
A propos de ''Chéri'', Colette a écrit : « (…) Chéri est pour moi d’ordre symphonique. Son mutisme comporte le pouvoir désagrégateur de la musique, emprunte des désordres aux timbres instrumentaux et surtout vocaux. (…) Je ne fais à Chéri l’honneur de le rapprocher de la musique que parce que celle-ci est le délectable agent de toute mélancolie. »
- Pourquoi choque t-elle ?
Jeanne répond que cela choque les hommes, et seulement certains... Colette métamorphose ce qui pourrait être pervers... Willy était pervers, mais Colette sublime ce qu'il voulait la faire écrire...
- Son style, c'est le plaisir du corps à travers tous les sens. En fait, j'aime le grand style, classique... C'est pourquoi, je t'ai pris, toi … le monarchiste... !
- Menteuse ! C'est moi, qui t'ai approché, j'ai forcé ta garde de jeunes prétentieux... J'ai pris des risques...
- C'est vrai... T'annoncer ainsi comme monarchiste... Ça m'a plu... J'aurais aimé être une princesse à la cour de Versailles... J'y serais l'épouse d'un vieil homme que je mènerais par le bout du nez, et j'aurais plein d'amants, à la faveur de leur talent littéraire.... Et toi.. ? Tu pourrais être mon page … Tu me désirerais, mais je ne te concéderais qu'un amour courtois... Mais bon, c'est trop tard....
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Rencontrer Colette, semble affaire délicate. Les Jouvenel sont installés dans un petit hôtel particulier, au 69 boulevard Suchet, dans le 16ème, à la limite d’Auteuil et du Bois de Boulogne. Mais, Mme de Jouvenel ne reçoit pas …
Lancelot et Jeanne, finalement, la rencontre au quatrième étage de ''la maison rouge '', comme on l’appelle à cause de sa façade écarlate, du boulevard Poissonnière, le siège du Matin. C'est un vendredi après-midi, quand Colette, directrice littéraire, reçoit les auteurs. Elle se tient derrière son bureau américain, encombré de manuscrits et de boîtes de bonbons ; à ses côtés, un autre bureau avec Hélène Picard, sa secrétaire et amie...
Colette s'étonne qu'ils viennent à deux.... « comme c'est mignon... » ; qu'ils n'aient aucun texte à lui proposer, et donc.... ? Un conseil ? « Il ne faut pas faire de la littérature, et ça ira »... « Si vous voulez rencontrer un véritable écrivain, allez voir Proust. »
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- '' Chéri'' est mon premier vrai roman, différent des ''claudines'' ou ''vagabondes''... Je l'ai envoyé à Proust, à Gide ; ils l'ont apprécié.
« Le récit qui ne craignait naguère ni redites ni hors-d’œuvre, et semblait n’obéir qu’à une libre fantaisie de poète, apparaît dans Chéri discipliné, resserré, dompté. […] Tout dans ce livre pourrait se donner en modèle : la composition, et notamment l’exposition du sujet dans les vingt premières pages, l’étude des caractères, la vérité du dialogue, la qualité du style. Colette a pris pleine conscience de son art spontané, et domine ses dons au lieu de s’abandonner. Elle travaille désormais à la façon des classiques, sans plus rien demander au subconscient, et n’écrit plus un mot qu’elle ne l’ait prémédité. […] Elle est de nos grands écrivains le seul qui, depuis la guerre, se manifeste autre que nous la connaissions déjà, sans rien perdre de ses qualités d’antan.» Benjamin Crémieux, La Nouvelle Revue Française, 1er décembre 1920.
1921 – Lancelot– Jeanne L.
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Lancelot profite de certains aménagements des études pour les étudiants de la classe 1920 ; d'autant qu'il effectue son service auxiliaire dans un ministère... Sont inscrits près de 9500 étudiants, et sont organisés dit-on 14000 examens, lors de cette cession, afin d'octroyer aussi des équivalences dont profitent Lancelot,...
Plusieurs étudiants sont cornaqués par un avocat qui appartient à l'entourage de Paul Painlevé, dont comme je l'ai déjà évoqué, Lancelot ; et une jeune fille, Jeanne L. (1903-1996) qui commence également ses études de droit...
Jeanne L. aide son père à corriger les épreuves des ouvrages de droit qu’il édite aux '' Cours de droit '', place de la Sorbonne, où il tient aussi boutiques de livres. C'est lui également qui vend les polycopiés des cours de droit...
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Son père, affirme que les femmes ne réussissent guère dans cette voie, mais il espère que sa fille, jolie et intelligente, aura l'opportunité de dégoter un futur magistrat plein d'avenir, ou de reprendre son affaire d'éditions... En effet, dit-on, la femme serait toute intuition. Elle aurait du mal à suivre un raisonnement, à moins qu'il soit bien cadré par des règles, comme en sciences ; or en Droit, il s'agit d'assouplir des règles pour les conformer à la réalité …
En fait, dit Jeanne... Les juristes craignent que les femmes investissent un domaine où s’établissent les fondements de la société. En accédant à l’étude des lois, les femmes pourraient prendre conscience de leur servitude et souhaiter leur émancipation... Qui sait... ?
Aussi, dès l'arrivée de la jeune femme auprès des nouveaux étudiants en Droit, elle fut captée par les plus entreprenants... Lancelot abandonna la partie, et pendant plusieurs jours, il s'est contenté d'observer les groupes qui se formaient. Si, lui-même restait seul, il tentait de s'approcher du petit groupe qui commençait à se fidéliser atour de Jeanne. Et, c'est quand elle l'entendit dire qu'il était monarchiste, qu'il rencontra enfin son regard...
Lancelot est rapidement séduit par la désinvolture et l'intelligence de la jeune fille. Un chapeau en feutrine enfoncé jusqu'au yeux, le pull en laine au col large sur une jupe mi-longue à plis... Alerte dans sa tenue confortable, un peu plus jeune que lui, et de très beaux yeux émeraude; Jeanne est véritablement passionnée de littérature...
Lancelot va se laisser entraîner, fasciné, puis pris par sa passion littéraire et son exaltation à vouloir rencontrer ses écrivains préférés... Il va mettre tout en œuvre, et en particulier l'accroche que les relations de sa mère peuvent lui fournir.
Lancelot a ainsi l'autorisation de se rendre au 3, rue Georges-Ville, à 18h00 , où Mme Mühlfeld reçoit...
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Étendue sur ses fourrures, l’hôtesse lui tend la main, lui fait bon accueil, et le trouvant si jeune, lui propose de rester près d'elle pour lui présenter quelques personnalités qui semblent bien connaître la comtesse de Sallembier... Surtout, il réussit à se faire inviter avec son amie, le dimanche après-midi... Mme Mühlfeld ne reçoit les dames que le dimanche …
Jeanne est émerveillée... Elle y croise Gide, Paul Valéry, Cocteau... Elle s'empresse autour d'eux. Lancelot se sent délaissé, et un peu gêné de la voir si désinvolte et pratiquement tenter tous de les séduire...
Lancelot observe ; Claudel est en partance vers le Japon, comme ambassadeur de France ; il est impatient d'y être et fait admirer à chacun la montre de Rimbaud acheté à son beau-frère, Paterne Berrichon. André Gide attaque brusquement le vieux marquis de Castellane – guindé, la tête rejetée en arrière - à propos de la Paix de Versailles, de la vieille Europe qu'il ne reconnaît plus, et la jeune qui l'effraie... Paul Valéry est brillant, il use de calembours et de contrepèteries.
Jeanne est très reconnaissante à Lancelot de ces premiers contacts avec ces écrivains qu'elle vénère... En particulier, elle s'amuse et appelle le jeune homme ''mon Chéri'', en référence au livre de Colette qui vient de paraître, et qu'elle goûte fort... Colette dont elle admire l'écriture, et son implication dans le journalisme... Il lui fait remarquer qu'à la grande différence du personnage de Colette, il est, lui, un peu plus âgé qu'elle. Elle répond que cela ne se voit pas ; et que, de plus, elle a bien plus d’expérience que lui... Elle ne peut s'empêcher de lui raconter sa relation 'particulière' avec une camarde de classe, qui lui valut un renvoi de son collège... ! D'ailleurs, pour ce qui est des hommes, elle les préfère plus âgés... Elle aime répéter aussi, qu'elle n'épousera qu'un homme de lettres ; même si son père espère la voir convoler avec un magistrat...