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Les légendes du Graal

le journal d'un cure de campagne

1951 - Le Journal d'un curé de campagne – Film de R. Bresson – Louis Lavelle.

7 Septembre 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Le Journal d'un curé de campagne, #Bresson, #1951, #Lavelle

La foi est encore au cœur d'une œuvre - qui de plus nous renvoie à ces années d'avant guerre - transposition au cinéma d'un roman de Bernanos, le '' Journal d'un curé de campagne '', publié en 1936, et sorti en salle en février 1951. Un film de Robert Bresson.

Un très grand film, fidèle – je crois – à l'esprit de Bernanos ( mort en 48). un film sobre porté par la voix intérieure du jeune prêtre, et une suite de séquences en noir et blanc avec quelques dialogues et ce visage du prêtre, portrait des tourments de l'âme...

Bresson reste fidèle au livre, avec des dialogues courts, sans effet mélodramatique. Le film reprend sans effet, les paysages froids de l'Artois, la plaine picarde, des arbres immenses, le ciel chargé de nuages...

Au contraire du livre, Lancelot s'est senti porté beaucoup plus par les images, que par les textes ; au point même, où nous pourrions nous passer de certaines paroles redondantes.

Dans la narration, Bresson a choisi de suivre l'écriture du journal sur un cahier d'écolier, et l'oblige à une fin qui ne pouvait inclure la mort de celui qui écrit. C'est Louis Dufrety, qui sur fond d'une croix noire, raconte dans une lettre la mort de son jeune ami.

 

La foi nous est-elle donnée ?

Un film spirituel, peut-être éloigné des préoccupations de notre époque ?

 

Libération_22 fevrier 1951 le Journal d'un curé de campagne

Dans Le Figaro, Bresson parlait de ses projets, en particulier un film sur ''Lancelot du Lac'', centré sur son amour pour la reine Guenièvre et sa fidélité à son roi. Lancelot est persuadé que cette liaison est la cause de son échec dans sa Quête du Graal.

A propos du '' Journal …'' ; Bresson dit : « Les larmes du saint curé d’Ambricourt sont dues autant à un excès de pitié envers l’espèce humaine qu’à la nostalgie d’un monde révélé qui, continuellement, lui échappe. ». A propos du cinéma : «  l’action dans un film doit être et sera de plus en plus intérieure. ». Il regrette que la plus souvent le mouvement au cinéma, ne soit que de l'agitation... Il dit aussi : « Le silence est la grande découverte du cinéma sonore.»

Bresson confie qu'il a écrit un scénario sur Ignace de Loyola, en relation avec Julien Green, et tous deux souhaitaient mettre l'accent sur la complexité d'une telle figure « qui ne voyait pas seulement le mal dans les ennemis de l’Église, mais aussi tapi dans les plis de l’Église elle-même. »

 

Le philosophe Louis Lavelle est mort ce 1er septembre 1951 ( il avait 68ans). Il avait beaucoup nourri la spiritualité d'Elaine.

Il pensait que le problème majeur de l’humain, était le Mal, « le scandale du monde ». Nous cherchons « à l'expliquer et à l'abolir ». Au Mal répond le Bien : « Le bien ne donne un sens au monde que par le scandale même du mal qui me fait désirer le bien, m’oblige à me le représenter et impose à ma volonté le devoir d’agir pour le réaliser ». « 

De même : « la vie et la mort forment un couple : elles n'ont de sens qu'en s'opposant ; et le contraire de la vie n'est pas le néant, mais la mort. C'est l'idée de la mort, c'est-à-dire d'une vie qui se termine, qui donne au sentiment de la vie son extraordinaire acuité, son infinie puissance d'émotion. Dès que l'idée de la mort s'éloigne, la vie n'est plus pour nous qu'une habitude ou un divertissement : seule la présence de la mort nous oblige à la regarder face à face. Celui qui se détourne de la mort afin de mieux jouir de la vie se détourne aussi de la vie et, pour mieux oublier la mort, il oublie la mort et la vie. »

« (…) La méditation sur la mort, en nous obligeant à percevoir nos limites, nous oblige à les dépasser. Elle nous découvre l'universalité de l'Être et sa transcendance par rapport à notre être individuel. Ainsi, elle nous ouvre l'accès non pas d'une vie future, qui garderait un caractère toujours provisoire, mais d'une vie surnaturelle, qui pénètre et qui baigne notre vie manifestée : il ne s'agit pour nous ni de l'ajourner, ni même de la préparer, mais, dès aujourd'hui d'y entrer. »

Louis Lavelle, La conscience de soi, 1933,

 

Lavelle était bien plus un ''sage'' qu'un ''philosophe'' puisqu'il s'intéressait au sens de l'existence. Cette sagesse gravite autour de la notion d'esprit, qu'il puise dans des sources autant spirituelles que philosophiques.

Au cœur de nos questions sur l'univers, sur la vie, est celle de l'être : « Tout savoir vise à nous donner une représentation de l’être : mais dans la philosophie, c’est l’être même que nous cherchons à atteindre » ( De l’intimité spirituelle,)

Pour Lavelle, la recherche, sur « le chemin de l'être » n’ignore pas la nécessité de l’intellect, de l’analyse réflexive. Et, pour atteindre l'être dans sa présence spirituelle, la pensée rencontre la spiritualité par l'intermédiaire d'une religion.

Le temps ne se dissocie pas de l'éternité, dit-il. Il fait référence à diverses expériences, dont celles de l'art, mais aussi religieuses.

La mort n'est pas un drame. L’essentiel de l’existence appartient au domaine spirituel.

La figure du philosophe, s'apparenterait-elle à celle du moine ?

- « Je ne m’étonne pas, mais j’éprouve du contentement à vous entendre dire que ma pensée a de la parenté avec l’idéal de la vie monastique (...). Un philosophe est comme un moine dans le monde » 

La recherche de la sagesse passe par le recueillement et la solitude.

Louis Lavelle s'est nourri des ''Écritures'' et des Pères ( Augustin en particulier), des médiévaux, de Pascal. Pour les philosophes, il cite souvent : Platon, Leibniz, Descartes, Spinoza, Malebranche, Kant, Bergson ...

Pour Lavelle, l'Esprit ne se réduit pas au ''Dieu des philosophes'', s'il est la cause et la raison de tout, il est le Dieu intime, « Aussi ne faut-il pas s’étonner que nous considérions Dieu comme une personne. » ( Traité des valeurs, II )

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