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Les légendes du Graal

diable

L'homme qui a perdu son ombre... l’histoire de Peter Schlemihl - A. von Chamisso -2/.-

10 Janvier 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Diable, #Allemagne, #Littérature, #XIXe

On se rappelle : que Schlemihl poursuivi par le diable, se retient de signer ce fameux contrat … Et, finit par lancer la bourse de Fortunatus dans l’abîme... ! L’homme en gris disparaît, Schlemihl se retrouve seul, soulagé, s’endort et fait un rêve où apparaissent Mina ( épousée par le méchant Rascal...) , puis de nouveau Chamisso...

Peter Schlemihl, est toujours sans ombre et dorénavant sans argent, contraint de fuir à nouveau la compagnie des hommes, erre dans tout le pays, et use ses souliers sur les chemins. Il lui reste à peine de quoi s'acheter une paire de bottes usagées. Très vite il se rend compte que celles-ci ne sont autres que les bottes de sept lieues, qui lui permettent de franchir mers et continents en quelques enjambées... Schlemihl décide alors de s'établir comme anachorète dans la Thébaïde, et de consacrer le reste de ses jours à étudier la faune et la flore de tous les continents.

La vitesse de déplacement, mais aussi la diversité des coutumes, font que ces voyages relativisent la malheur de ne plus avoir d'ombre... Le récit, beaucoup plus rapide, change de ''sens'' …

 

Un jour qu'il est tombé malade après être tombé dans les eaux glacées qui bordent la Norvège, et après avoir erré quelque temps à travers le monde dans un état de semi-inconscience, Schlemihl s'évanouit.

Il se réveille dans un hôpital inconnu, dont il constate avec stupeur qu'il porte son nom. Il s'aperçoit que ses propriétaires ne sont autres que Bendel, qui l'a fait construire avec l'argent que lui avait légué son maître, et Mina, à présent veuve. Ceux-ci ne reconnaissent pas l'homme qu'ils ont aimé dans ce vieil homme hirsute à la longue barbe blanche, mais Schlemihl surprend une de leurs conversations au cours de laquelle ils se demandent si les prières qu'ils adressent quotidiennement pour le bonheur et le repos de ''l'homme sans ombre'' l'ont soulagé de son fardeau.

Schlemihl, une fois rétabli, quitte l'hôpital sans se faire connaître, pour retourner dans la Thébaïde, Il a laissé laissé sur son lit une lettre :

« Votre vieil ami est, ainsi que vous, plus heureux aujourd'hui qu'il ne l'était alors ; et s'il expie sa faute, c'est après s'être réconcilié. »

Adelbert_von_Chamisso

Cette histoire fut écrite par Adelbert von Chamisso, né Louis Charles Adélaïde de Chamisso (1781 – 1838), et qui n’est arrivé en Allemagne qu’à l’âge de 14 ans...

 

<-- Adelbert von Chamisso pendant son voyage autour du monde , par Louis_Choris

Il en est de lui, comme de cet homme, qui s'interroge sur son identité...

Avant ''la révolution'', la famille Chamisso s'ancrait au Château de Boncourt...

« … C’est ainsi, château de mes pères,
Que tu vis toujours en mon cœur
Alors que rien de toi ne reste
Qu’une terre où va la charrue. 
»

 

« Récemment j’ai peint dans ma mémoire le jardin, jusqu’à la plus petite courbe de l’allée la plus éloignée, jusqu’au moindre buisson, et ma force d’imagination était si vive qu’elle me représentait avec la plus grande précision tous ces détails intacts. J’étais hors de moi ! » Lettre à sa sœur,

Et en 1837, (un an avant sa mort) : « Je n’ai fait que rêver du château de Boncourt .. » lettre à son ami Louis de La Foye.

Adelbert von Chamisso (1781-1838)

 

Le père, Louis Marie de Chamisso, intègre l’armée dite « des Princes » aux côtés du maréchal de Broglie, dont il devient l’aide de camp. Le château de Boncourt est bientôt entièrement démoli...


 

''Schlemihl'' est un mot yiddish : « Dans le dialecte juif, on appelle de ce nom des gens malheureux ou maladroits auxquels rien ne réussit… » lettre du 27 mars 1821 à son frère Hyppolyte

Le choix de ce mot explique à lui seul « l’intention d’écriture » de l’auteur, qui dira plus tard à Madame de Staël : « Ma patrie : je suis français en Allemagne et allemand en France, catholique chez les protestants, protestant chez les catholiques, philosophe chez les gens religieux et cagot chez les gens sans préjugés ; homme du monde chez les savants, et pédant dans le monde, jacobin chez les aristocrates, et chez les démocrates un noble, un homme de l’Ancien Régime, etc. Je ne suis nulle part de mise, je suis partout étranger – je voudrais trop étreindre, tout m’échappe. Je suis malheureux… Puisque ce soir la place n’est pas encore prise, permettez-moi d’aller me jeter la tête la première dans la rivière…»

Berlin

 

Après un passage par les Flandres, la Hollande, ensuite l’Allemagne avec Düsseldorf, Wurtzbourg, Bayreuth,... Voici les Chamisso à Berlin. À partir de 1793, Louis Charles y vit modestement avec sa mère Marie-Anne, née Gargam, et ses six frères et sœur. Les revenus sont minces, aussi la plupart des enfants Chamisso sont-ils employés à la Fabrique royale de porcelaine comme miniaturistes, ce qui permet à la famille de subvenir à ses besoins. Contrairement à ses frères et sœur, Louis Charles croise la première grande opportunité de son existence : admis comme page auprès de la reine Frédérique Louise de Hesse Darmstadt, il entre à son service en 1796.

Schauspielhaus am Gendarmenmarkt in Berlin

Il entre au lycée français de Berlin, et en devenant un membre de la Cour, le jeune Chamisso intègre plusieurs cercles, dont d’aucuns lui ouvriront les portes des salons berlinois.

Puis, Chamisso n'a pas d'autre choix que d'entrer dans l’armée prussienne en 1798

Rahel (Levin) Varnhagen_von_Ense

L'allemand est pour lui la langue de l’écrit, alors que le français – qu’il écrit mal – reste la langue dans laquelle il pense, compte et rêve. Pendant qu’il est en garnison à Berlin, il commence aussi à fréquenter les salons littéraires juifs berlinois et notamment le plus célèbre, celui de Rahel Lewin, future femme de son ami August Varnhagen. La question de l’émancipation, de l’assimilation et de la conversion – qui concernent autant Chamisso, bien que non juif, pour d’autres raisons – tourmente au plus haut point Rahel Varnhagen...

 

Mauerstraße, où Rahel levin avait son salon

En décembre 1806, il est à Paris, d’où il écrit encore à Varnhagen : « Je hais la France, et l’Allemagne n’est plus et pas encore. »

 

Il retourne donc à Berlin, sous occupation française. Ses amis allemands sont tous devenus patriotes, animés par un esprit de revanche, le cosmopolitisme est suspect, on lui montre partout une certaine mauvaise humeur critique, on lui reproche son caractère abrupt et taciturne, sa tabagie. Les années 1808-1809 sont pour Chamisso des années difficiles. En octobre 1808, il écrit à Fouqué : « Au demeurant, le monde m’est de toutes parts fermé comme avec des planches clouées, et je ne sais ni d’où partir ni où aller. »

A suivre …

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L'homme qui a perdu son ombre... l’histoire de Peter Schlemihl -1/.-

7 Janvier 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Diable, #Littérature, #Mythe, #XIXe

Adelbert von Chamisso (1781-1838)

Peter Schlemihl, un jeune homme sans fortune – qui débarque d'on ne sait d'où – est à la recherche d'un emploi... Il se présente chez un riche, Monsieur John, avec une lettre de recommandation... Il est reçu, alors que son hôte reçoit des invités... Il est invité à se joindre à la compagnie...

Il s’aperçoit que chaque fois que quelqu’un exprime un désir, un étrange personnage vêtu de gris sort de sa poche et présente l’objet de ce désir. C’est d’abord un pansement, ensuite une longue vue, ensuite un tapis de plus de cent mètres carrés, puis une tente de même surface avec tous ses accessoires, enfin trois chevaux tout sellés pour la monte.

Pris d’inquiétude, Peter quitte discrètement la compagnie pour tomber, au détour d’une allée, sur ''l’homme en gris'', qui lui dit ceci : « Pendant le court moment que j’ai eu le bonheur de passer près de vous, j’ai plusieurs fois – permettez-moi de vous le dire, monsieur – réellement contemplé avec une indicible admiration l’ombre si belle, si belle que vous projetez au soleil, avec –une sorte de noble dédain, sans y faire attention – oui, cette ombre superbe que voilà à vos pieds. Pardonnez-moi une proposition téméraire sans doute. Répugneriez-vous à me céder cette ombre ?»

 

Parmi les huit merveilles qu’il lui propose en échange, l’homme en gris cite la bourse inépuisable que l'on appelle ''La bourse de Fortunatus '' … Elle permet à son propriétaire d'en tirer des pièces d'or à volonté... Il accepte. L'homme en gris s'éclipse ensuite, en indiquant qu'il retrouvera le jeune homme un an plus tard, jour pour jour....

 

La bourse de Fortunatus est aussi le nom donné à un objet mathématique, similaire au ruban de Möbius mais avec une dimension supplémentaire (ce qui le rend impossible à fabriquer dans notre monde à trois dimensions). Tout comme le ruban de Möbius n'a qu'une face, les faces externe et interne de la bourse de Fortunatus sont confondues (on peut passer de l'une à l'autre sans franchir de bord), ou selon une interprétation plus symbolique, le monde au-dehors de la bourse étant aussi au-dedans, celle-ci contient le monde entier.

 

 

C’est dans les yeux des autres qu’il va s’apercevoir très rapidement de ce qu’il a perdu.

 

Cette nuit- là, Peter Schlemihl en s’endormant sur l’or puisé dans sa bourse, fait un rêve où il voit Chamisso, assis à sa table de travail, mort... !

Je dois préciser que le narrateur est Peter, lui-même, qui écrit à son ami Chamiso ( l'auteur, donc …)

 

Schlemihl, devenu fabuleusement riche, s'aperçoit que le fait de ne plus avoir d'ombre l'isole irrémédiablement de la communauté des hommes, qui éprouvent un violent dégoût vis-à-vis de celui qui est affligé d'une telle infirmité.

Il finit par quitter la ville en compagnie de son domestique Bendel ( serviteur honnête et entièrement dévoué à son maître et qui va être le seul à connaître son secret) et quelques autres dont le coquin Rascal qui fera courir le bruit que Schlemihl est le roi lui-même voyageant incognito. « J’étais flatté, fût-ce dans ces conditions, d’avoir été pris pour le souverain révéré. »

 

Schlemihl va essayer d’organiser sa nouvelle vie. Les dispendieuses largesses de Schlemihl lui gagnent le cœur d'une population à qui il s'est bien gardé de révéler son secret : ne sortant qu'à la nuit tombée, il donne chez lui de somptueuses réceptions...

Il quitte une femme (Fanny) dans les yeux de laquelle il a lu l’horreur devant l’absence d’ombre... Cependant, il tombe amoureux de Mina, la fille d'un notable local.... Elle « éclipse les autres femmes comme le soleil éclipse les astres de la nuit », et grâce à elle « la majesté, l’innocence et la grâce, unies à la beauté », règnent. Il se propose de l'épouser, dès lors qu'il aura revu l'homme en gris et qu'il lui aura racheté son ombre.

 

Une journée avant la date fatidique ( un an s'est passé …).. Rascal quitte avec fracas le service de son maître, dont il fait mine d'avoir récemment découvert ''le secret'', qu'il se hâte de répandre dans toute la ville.

Le père de Mina refuse de donner la main de sa fille à un homme dépourvu d'ombre, et chasse le jeune homme.

Schlemihl retrouve, donc, l'homme en gris... Mais, celui-ci ne lui rendra son ombre qu'en échange de la signature d'un contrat au libellé lapidaire :

« Je soussigné lègue au porteur du présent mon âme après sa séparation naturelle de mon corps. » Comprenant alors à qui il a affaire, Schlemihl refuse.

Le Diable lui montre alors ce qui se passe au même moment chez les parents de Mina : ceux-ci sont en train de négocier la main de leur fille à Rascal, qui s'est considérablement enrichi en volant consciencieusement son maître durant le temps qu'il le servait. Schlemihl est au désespoir, mais il résiste et ne signe toujours pas : la jeune fille est donc mariée contre son gré avec l'ancien domestique de Schlemihl.

 

Rascal épouse Mina, Bendel emporté par le désir de venger son maître poursuit l’homme en gris...

 

Les habitants, peu reconnaissants envers leur bienfaiteur, refusent de compter parmi eux un homme sans ombre. Schlemihl part seul, après avoir donné, la mort dans l'âme, son congé et beaucoup d'or à son fidèle Bendel.

Le diable apparaît sous différentes formes sans jamais être reconnu d’emblée par Schlemihl qui poursuit une ombre sans maître sur la lande.

 

« Une sueur d’angoisse coulait de mon front, de sourds gémissements déchiraient ma poitrine, la démence grondait en moi », dit Schlemihl.

 

Le Diable suit toujours Schlemihl, et lui propose d'être son serviteur, il lui laissera tout le temps qu'il restera à son service la jouissance de son ombre, en attendant que Schlemihl signe enfin le fameux contrat qui lui ferait échanger son ombre contre son âme, ce qui lui permet de retrouver – un temps - la compagnie de ses semblables.

Pourtant, il résiste... D'autant, qu'il voit ce qu'est devenu Thomas John : un fantôme livide et épouvanté que le diable sort de sa poche... Saisi d'horreur, Schlemihl jette la bourse de Fortunatus ( qui le lie au diable) dans un gouffre. Le Diable disparaît alors..

Peter Schlemihl, a tout perdu, la fortune et son ombre …

A suivre ...

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Elie Berthet, à Paris : les Catacombes et les templiers

13 Novembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Diable, #Franc-Maçonnerie, #Lieux de légende, #Templier, #XIXe, #XVIIIe siècle, #Elie Berthet

Caricature Elie Berthet

Le narrateur du roman « Les Catacombes de Paris », par Elie Berthet (1815-1891), nous a fait part d'une catastrophe :

« Un jour du mois d'avril 1774, le quartier du Luxembourg était dans la consternation. Une maison de la rue d'Enfer venait de s'écrouler avec fracas, écrasant sous ses débris tous ses habitants. » A cette occasion « Les dames de la foire Saint-Germain soutenaient sérieusement qu'un esprit malfaisant, un antéchrist, peut-être le diable Vauvert, que les chartreux de la rue d'Enfer étaient parvenus à exorciser plusieurs siècles auparavant et qui s'était déchaîné de nouveau, jouait ces mauvais tours à la population parisienne. »

 

Cela fait référence à une légende populaire qui disait du château de Vauvert qu'il était habité par le diable. Les bruits provenaient en fait de brigands qui avaient élu domicile dans ces vieilles pierres. Mais les gens croyaient ferme au maléfice de ces souterrains.

Thérèse de Villeneuve a été enlevé par un habitué des carrières. Les galeries deviennent alors le théâtre de rencontres inattendues (faux monnayeurs, messes souterraines, bandits...) et d'événements multiples (éboulements, cloches de Fontis). L'accident de la rue d'Enfer du 17 décembre 1774 est présenté comme ayant été provoqué intentionnellement. La découverte par les protagonistes de traces de poudre dans les carrières est alors prétexte à un rebondissement de l'intrigue...

Elie Berthet nous conduit des faussaires des Catacombes, réfugiés dans une cave, où ils fondent leur monnaie à l'abri du regard de la police ; à un atelier de presse. Chavigny y voit le lieu idéal « pour y cacher notre presse, parbleu ! Pour y établir notre atelier, et pour y installer notre prote, nos ouvriers. Nous pourrons alors imprimer tous les pamphlets, tous les libelles, toutes les épigrammes qui nous passeront par la cervelle. ».

J'en viens particulièrement à une scène qui m'intéresse :

L’abbé Chavigny et Philippe de Lussan atteignent ce qui est le lieu de réunion de Templiers... !

« - Et cet Ordre, quel est-il? demanda Philippe.

- Quoi ! mon fils, ne le savez-vous pas? reprit l'abbé d'un air surpris; ce costume historique dont nous sommes revêtus, cette croix à huit pointes, ces symboles si connus ne vous l'ont-ils pas révélé?Vous voyez les descendants et héritiers de ces illustres chevaliers du Temple qui, après avoir versé leur sang pour la foi en guerroyant contre les infidèles, furent martyrisés et mis au ban des nations par un pape avide de leurs trésors et un roi sanguinaire.

Ces hommes vêtus de noir sont les écuyers ou servants qui aspirent au grade de chevalier ; ces personnages en manteau blanc sont les chevaliers-compagnons; les dignitaires qui siégeaient tout à l'heure au-dessous de moi, sous le dais, sont les précepteurs ou chefs des différentes loges que nous possédons chez toutes les nations de l'Europe; et moi, quoique serviteur indigne du saint Temple de Sion, je suis le chef de ce noble troupeau, je suis le grand maître de l'Ordre !

B.-R. Fabré-Palaprat en 1804 et l'Ordre du Temple

- Ah çà, il existe donc encore des templiers? Demanda Chavigny, qui s'était approché avec sa hardiesse ordinaire ; je l'avais entendu dire, mais je ne pouvais y croire. Je m'imaginais, comme le vulgaire, que Jacques de Molay, brûlé vif il y a cinq cents ans, au temps de Philippe le Bel, avait été le dernier grand maître du Temple, et que l'Ordre avait été aboli par une bulle du pape à la même époque.

- Monsieur l'abbé de Chavigny a dû longtemps étudier l'histoire et la théologie pour savoir cela, dit le grand maître avec ironie ; mais Jacques de Molay, avant de subir son martyre, avait transmis la grande maîtrise à Marc Larménius de Jérusalem, qui rallia les débris proscrits et dispersés de notre sainte compagnie. Depuis Larménius, le Temple compte une suite non interrompue de grands maîtres, parmi lesquels figurent des noms illustres en Europe, et notamment celui de Philippe d'Orléans, régent de France. (...) »

 

« Et se tournant vers un groupe de templiers qui se tenaient à quelque distance de l'estrade. « Qu'on dise à Salomon Hartmann de venir sur-le-champ, » commanda-t-il. Aussitôt ceux à qui il s'adressait se dispersèrent pour exécuter cet ordre. « Salomon Hartmann, dit le grand maître à Philippe, est un Allemand du cercle de Wesphalie. Il vint dans sa jeunesse s'établir en France, et exerça long temps la profession de carrier aux environs de Paris. Il paraît qu'il menait, à cette époque, une vie fort irrégulière, s'adonnant à l'intempérance... »

 

«  (...) Je vous demande si vous pouvez, oui ou non, nous servir de guide jusqu'au Val de- Grâce?

- Si notre révérend grand maître l'ordonne....

- Je vous l'ordonne, Salomon Hartmann ; mais cela ne suffit pas. Vous allez encore me promettre d'aider ces jeunes gens de tout votre pouvoir dans leur entreprise. » Et le chef des templiers apprit en deux mots à Hartmann de quoi il s'agissait. Cette fois l'Allemand manifesta une véritable terreur. « Ne me demandez pas cela, vénérable père, dit-il avec véhémence ; si cette jeune fille est tombée au pou voir de celui que j'imagine, je vous en conjure, ne vous mêlez pas de cette affaire. Vous ne savez pas com bien il est dangereux d'irriter cet « être, » combien il est implacable dans ses vengeances! Depuis plusieurs années il est venu sans doute bien des fois au seuil de ce temple, et il n'a jamais troublé nos saintes cérémonies; il ne s'est manifesté à nous par aucun acte d'agression. Si vous l'offensez, les plus grands malheurs nous menacent; je vous en supplie donc, sur la gloire de notre Ordre, sur votre précieuse vie, sur la vie de nos révérends frères du Temple, n'exigez pas que je mette en colère celui dont nous parlons ! »

« Pour un cheveu qui tomberait de cette noble tête, vous auriez à verser des larmes de sang, et s'il lui arrivait malheur par votre faute, vous seriez maudit et anathème septante fois sept fois.... A genoux, Salomon Hartmann ! »

Le vieillard se prosterna pieusement. Alors le grand maître abaissa vers lui son bâton de commandement, ce célèbre abacus, insigne de sa dignité ; il lui mit la boule d'or dans les mains, tandis qu'il tenait l'Abacus par l'autre extrémité. « Salomon Hartmann, reprit-il d'une voix vibrante, vous jurez par la loi du Dieu vivant, par votre salut éternel, par votre baptême, par notre Ordre auguste, de ramener ce jeune homme sain et sauf, fût-ce au péril de votre propre vie.

- Je le jure, répliqua le templier.

- Gloire à Dieu!... Allez en paix, Salomon Hartmann. » Le vieillard baisa la croix gravée sur l'abacus et sortit.

Notre vie est entre les mains des esprits.

- De quels esprits parlez-vous, l'ami ?

- Dans mon pays d'Allemagne, nous en connais sons de deux sortes : les esprits du bien ou de lumière, qui sont les anges ; les esprits du mal ou des ténèbres, qui sont les démons, les gnomes, les sylphes, les fardadets et les revenants.

Ici le grand maître de l'ordre du Temple s'arrêta pour juger de l'effet de ses paroles. Philippe l'avait écouté attentivement. «C'est là, dit-il d'un air de réflexion, de la politique un peu aventureuse. Mais ne vous exagérez -vous pas l'influence possible des sociétés secrètes, dans le cas où ces grands événements viendraient à se réaliser?

- Je n'exagère rien, mon fils. Vous ignorez sans doute quel accroissement considérable ont pris depuis quelques années les associations maçonniques sur le sol français. Pas de ville, grande ou petite, pas de modeste bourgade qui n'ait une loge, et souvent plusieurs, de francs-maçons, de rose -croix ou de templiers. Par tout existent des centres d'action qui communiquent entre eux, et vous verrez de quel poids pèsera, en temps et lieu, cette organisation redoutable. Le pouvoir ne s'en inquiète pas, car il croit nous tenir dans sa main. Il envoie ses espions dans nos assemblées, et il nous suppose uniquement occupés de cérémonies théâtrales et vides, bonnes tout au plus pour amuser les imaginations puériles. L'idée mère, le principe secret qui donne l'impulsion et la vie à ce grand corps, lui échappe, et il s'endort dans sa sécurité. Il y a pourtant un prince du sang royal qui voudrait bien jouer le rôle de ce roi de l'avenir dont je vous parlais tout à l'heure : c'est le duc d'Orléans qui vient de se faire nommer grand maître de toutes les loges maçonniques de France. Mais malgré ses caresses et ses protestations, il ne nous inspire aucune confiance, et bien peu parmi nous voudront appuyer ses projets ambitieux.

- Mais alors, mon père, demanda Philippe avec étonnement, où trouverez-vous un prince qui remplisse toutes les conditions bizarres que vous exigez?

- Il est trouvé! *> répliqua le grand maître d'une voix sourde. Il se leva pour aller s'assurer encore que personne ne pouvait écouter; puis, revenant à Philippe, il dit avec un accent de respect : » Et c'est vous, monseigneur ! » Philippe eut comme un éblouissement; puis un éclair de colère brilla dans ses yeux. « Monsieur, dit-il avec énergie, je croyais ce sujet de conversation assez sérieux pour rendre inexcusables de pareilles plaisanteries

- Regardez-moi, répliqua le grand maître avec douceur; voyez ces rides creusées sur mon front par les méditations et l'insomnie, voyez ces cheveux blancs, ce costume austère ; ai-je donc l'air d'un bouffon ? Je vous le répète, monseigneur, vous êtes de sang royal, car vous êtes authentiquement le fils du feu roi Louis XV.

- Louis XV ! mon » Tout à coup il s'élança vers l'abbé de la Croix et lui saisit le bras avec une force surhumaine. »

Pour résumer :

Arrivés en pleine réunion des templiers, les jeunes gens sont identifiés par le grand-maître, qui se porte garant de leur discrétion et leur fait prêter serment de soutenir l’ordre. Puis il fait venir un vieux templier allemand, carrier de son état, pour les conduire dans d’autres parties des catacombes, où est peut-être enfermée la jeune fille. Le vieux carrier nommé Salomon Hartmann, est réticent : un être méchant et dangereux réside dans ces lieux de ténèbres… Alors le grand-maître use de son autorité en lui faisant prêter le serment sur son bâton de commandement, l’abacus ...

 

Le diable, ce génie, habile possesseur de la connaissance universelle, à qui nuls secrets ne lui résistent, pas même les murs.... Ce diable est le jeune Médard, sauvage et nyctalope qui hante les Catacombes de Paris ; il a le don surnaturel de pouvoir se déplacer dans la nuit, celui d'apparaître et de disparaître tout aussi rapidement, et celui de ne jamais se perdre. Autant d'atouts qui ont quelque chose de diabolique. L'abbé de Chavigny ne peut réprimer cette exclamation : « Mais cette homme est possédé du démon ! »... Médard - nous dit E. Berthet - est un « loup affamé », « avec la légèreté d'un chat » et doué du « rugissement d'un lion ». Mais surtout, « ses yeux, fauves et ronds comme ceux d'un oiseau de nuit, paraissaient avoir aussi la faculté de voir dans les ténèbres, et la faible clarté de la lampe suffisait pour les offenser d'une manière sensible. ».

«  Le Val-de-Grâce allait sauter, et, selon toute apparence, la plupart des grands édifices publics construits sur les vides auraient prochainement le même sort que le magnifique couvent d'Anne d'Autriche. ». Le lecteur, après avoir suivi les déambulations du sauvage dans les souterrains minés « Les mines étaient multipliées en cet endroit d'une manière effrayante. « Le Luxembourg » murmura Médard », comprend clairement, si ce n'était déjà fait, ses intentions : « Quelques secondes plus tard et un immense désastre allait désoler Paris. ».

 

Philippe de Lussan, assisté de son ami l'abbé de Chavigny, tue Médard et, libère par la même occasion la belle Thérèse...

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Elie Berthet, à Paris : les Catacombes au XIXe s... -2/-

10 Novembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Diable, #Lieux de légende, #XVIIIe siècle, #XIXe, #Elie de Berthet, #Catacombes

Elie Berthet, à Paris : les Catacombes au XIXe s... -2/-

Le roman « Les Catacombes de Paris », par Elie Berthet (1815-1891), après sa parution, paraît également en feuilleton dans des hebdomadaires, comme « Le Voleur ».

Les souterrains de Paris sont à la mode …

Sous Louis XV, Philibert Aspairt, était carrier ( Payés à la pièce, les carriers sont des ouvriers spécialisés dans l'extraction de la pierre à bâtir.  ). A la Révolution il est portier du couvent du Val-de-Grâce. Le dimanche 3 novembre 1793, il décide de visiter les carrières, poussé dit-on par l’espoir de trouver du vin ou des liqueurs dans la cave du couvent des Chartreux.

Il accède aux soubassements du couvent par un escalier construit au dix-septième siècle dans l’intérieur du Val -de-Grâce. Il descend seul, sans prévenir personne et ne remonte jamais !

Onze ans plus tard le lundi trente avril 1804, des ouvriers découvrent un squelette décharné dans une galerie de la rue d’ Enfer,  près de l’actuelle rue de l’Abbé-de-l’Epée, à quelques mètres des souterrains des Chartreux.

Quelques débris de vêtements, une ceinture en cuir et un trousseau de clés trouvés près de lui, permettent d’identifier l’ancien portier du Val-de-Grâce. On fait inhumer ses restes à cet endroit même et on élève même une tombe, encore visible aujourd’hui. 


 

Cette histoire – dont la lecture a passionné Charles-Louis de Chateauneuf ( et qui lui rappelait bien de discussions...) nous ramène au Roman d'Elie Berthet :

L'histoire se passe sous Louis XV. Nous faisons connaissance de deux jeunes gens, l’abbé Chavigny, neveu de l'évêque de Bayeux et Philippe de Lussan avocat au Châtelet.

Le jeune abbé, s'est réfugié chez son ami à Paris. Chavigny fréquente de galantes jeunes femmes : « Abbé in minoribus! ( ordres mineurs) note bien ceci, in minoribus, ce qui change diablement la thèse et m'autorise à mener une vie fort indépendante.. » (…) « comme M. de Retz, « j'ai l'âme la moins ecclésiastique de l'univers. » ...

« Philippe avait plusieurs années de plus que Chavigny, mais celui-ci, malgré son étourderie et sa gaieté, se montrait si bon, si franc, si affectueux, son âme était si aimante,si généreuse, que Philippe avait peu à peu conçu pour lui une tendresse toute fraternelle. De son côté, le jeune Chavigny éprouvait pour Lussan une admiration sans bornes : à ses yeux rien n'était beau, sage, parfait en tous points comme son cher Philippe. »

 

Nous rencontrons Thérèse de Villeneuve « d'une beauté ravissante » , une jeune fille qu'aime Philippe de Lussan... Thérèse est obligée par ses parents d'épouser le duc de Beausset.

 

« Mais aujourd'hui des événements nouveaux se sont produits; on a reconnu que ce M. de Lussan était un ennemi du roi et de la cour, un abominable libelliste, un infâme gazetier, et on l'a enfermé à la Bastille, d'où, selon toute apparence, il ne sortira plus. Il n'épousera donc personne, et les engagements pris à son égard sont nuls de plein droit. D'un autre côté, ces faveurs royales dont M. de Lussan père, on ne sait par quels moyens, honteux peut-être, avait extorqué la promesse, peuvent encore se réaliser par le crédit de la famille de Beausset.

Tout à l'heure l'abbesse du Val-de-Grâce nous en donnait l'assurance. Vous n'avez plus aucune raison pour vous refuser à ce mariage qui doit élever votre famille au comble des honneurs, vous assurer à vous-même un haut rang dans le monde. Les deux jours que vous venez de passer dans une solitude absolue ont dû suffire à vos réflexions , aussi vous allez nous donner une réponse catégorique à l'instant même; et si vous vous obstiniez dans vos refus déraisonnables... »

Et alors qu'elle est couvent du Val-de-Grâce sous la surveillance de l'abbesse Mme de Mérignac; et alors que l'abbé de Chavigy a conçu un plan pour enlever Thérèse …

Thérèse de Villeneuve disparaît, dans les souterrains ......

« Ma soeur, courez bien vite annoncer à notre révérente mère qu'un grand scandale vient d'arriver... On ne peut trouver nulle pari le sacristain , et Mlle de Villeneuve a disparu de sa cellule. »

Chavigny et de Lussan partent - dans les souterrains de Paris - à la recherche de Mlle de Villeneuve.

Nous y sommes.. !

« A droite et à gauche s'alignaient, dans un bel ordre symétrique, des assises d'ossements humains dont la teinte noirâtre annonçait la vétusté. Cette lugubre décoration se laissait voir encore à l'extrême lueur de la lampe, par des carrefours infernaux, sous des voûtes de galeries, qui paraissaient devoir prolonger à l'infini le double soubassement de la mort. »

« Au fond de l'entonnoir, de grandes spirales prouvaient la violence des courants et des tourbillons ; les roches elles-mêmes témoignaient par leur désordre et leurs formes bizarres de la puissances du choc qu'elles avaient dû supporter dans ce cataclysme mystérieux, accompli loin du regard des hommes. »

Le souterrain apparaît comme un espace maudit, où dieu absent, est remplacé par le diable...  L'abbé de Chavigny récite les fleuves des enfers mythiques : « Je te suivrais à travers les sept fleuves de l'enfer, qui sont : Le Styx, le Léthé, le Ténare, l'Averne, le Cocyte, le Phlégéton  et... et... ma foi ! j'ai oublié le septième. »

Philippe de Lussan, affrontant les dangers des catacombes à la recherche de sa Thérèse fait penser à Orphée affrontant les enfers pour venir y chercher son Eurydice...

L'abbé se décide à suivre Philippe, et il dit : « Je n'oublie rien. Mais quand Thésée descendit aux enfers, Pirithoüs était inexcusable de ne pas l'y suivre pour l'aider à frotter Pluton et à enlever Proserpine. C'est décidé : si le diable nous tord le cou, il nous le tordra de compagnie... » 

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Le Limousin au XVIIIe s – Histoire et Légendes -3 Les Places

23 Juillet 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Limousin, #Lieux de légende, #XVIIIe siècle, #Diable, #Contes Mythes Légendes

Château des Places aujourd'hui ( Creuse, près de Crozant)

Le comte de la Marche, invite ses hôtes au Château des Places.

Il faut suivre le chemin de Saint-Sébastien, après être passé au pont du diable ( dont on va parler un peu plus tard...).

 

Une première construction date du XVe siècle, elle est transformée à la fin du 17e ou au début du 18e siècle par l’adjonction de deux tours circulaires coiffées d’un petit dôme à lanternon.

Après son père, Gabriel Foucault – capitaine des armées royales – s'y retira avec sa noble épouse Marie Desprez.

 

Quand Sylvain de la Marche, devient propriétaire de la seigneurie en 1786, il élabore un projet de château neuf : corps de bâtiment d’un étage carré et un demi-étage en attique, flanqué de deux avant-corps en pavillons. ( Les pierres préparées pour ces travaux seront dérobées au cours des années mouvementées de la Révolution : restituées, elles seront employées pour la construction de la petite habitation moderne.)

Ce serait peut-être Gabriel Foucault qui fit élever la chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié, en 1686, à la suite d'un vœu fait par lui en un jour de douloureuse mémoire...

Voici ce que Sylvain Attale de La Marche en dit, à ses invités :

 

Non loin du château, au hameau de Sainte-Foy, existait une chapelle à côté d'une '' bonne fontaine''. Au-dessus de l'autel de cet oratoire était placée une statue de l'Auguste Mère de Dieu, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son divin fils et connue sous le nom de Notre-Dame de pitié...

En 1573, une bande de huguenots dévastaient les églises. Au premier signal d'alarme, la statue fut enlevée et cachée au vieux château des Places... La Chapelle fut détruite …

Un siècle plus tard, on retrouve par miracle, la statue intacte, dans des décombres du vieux manoir... La nouvelle se répand, et c'est alors une explosion de piété... autour de la statue...

Vers la fin du XVIIe siècle, un jour, une jeune fille d'un des hameaux de la paroisse vient ici en pèlerinage... Blanche, c'est son nom, se hâte ensuite de reprendre le chemin de la maison paternelle...

Le châtelain ( donc, sans-doute, un Foucaud de Saint-Gerrnain-Beaupré), revient de la chasse, et aperçoit la jeune fille … Poussé par une passion brutale, il a le malheur, d'exposer, par son insistance, la vertueuse bergère à se noyer dans la Sedelle...

La mort tragique de cette pauvre enfant inspire un repentir salutaire au libertin qui, pour expier sa faute, fait bâtir en l’honneur de la Reine des vierges la chapelle des Places, tout près du manoir...

 

Le 8 septembre 1689, la Chapelle des Places est consacrée à Marie...

Depuis ce triste événement, racontent encore les anciens de la localité, appuyés sur les témoignages de leurs pères, Blanche apparaît régulièrement chaque année à la même fête du 8 septembre.

Dès que les premiers rayons du soleil...font étinceler de mille feux les vitraux de la chapelle, on la voit se dégager des nuages et se fixer sur la pierre de la fontaine.

Enveloppée dans les plis d'une manteline qui ressemble à un linceul, les cheveux en désordre, comme le jour où elle gisait sans vie sur la rive, elle agite dans les airs un voile d'une éblouissante blancheur...

Cet inconcevable miracle...ne se renouvellera plus après 1793, quand la chapelle fut interdite au public.

Cependant en 1862, l'abbé Paul Ratier, écrit que la chapelle existe encore, qu'elle est entretenue avec soin, et toujours fréquentée, à toutes les fêtes de la bonne Dame, par de fervents pèlerins.

On raconte alors, que pendant la Révolution, la statue de la Vierge a été menacée de profanation, et sauvée par le courage d'une femme.

« Déjà les émissaires de la Convention avaient pénétré dans la chapelle, les échelles étaient dressées et leurs mains sacrilèges allaient saisir la sainte image, lorsqu'une femme de service au château s'élance au-devant d'eux... une hache à la main : « Malheureux ! s'écrie-t-elle, que voulez-vous faire ? si vous touchez à la Bonne Dame, je vous coupe les jarrets. » A ces mots, ces fanatiques saisis d'un indicible et mystérieux effroi, furent comme frappés de vertige.

Le lendemain, la Vierge était portée en lieu sûr pour être soustraite à la fureur de quelques nouveaux vandales de la révolution... » ( Abbé Rouzier, 1897)

 

Il me reste encore à vous conter la légende qui entoure le Pont Charraud, surnommé le Pont du Diable ...

Pont-Charraud.

Tout le monde, ici, connaît la légende de ce pont, surnommé le Pont du Diable :

C'était en 1602,les seigneurs de Crozant et des Places, voulant entretenir des relations amicales et suivies, résolurent de faire jeter un pont sur la Sédelle.

On choisit l'endroit le plus favorable à ce projet, et l'entreprise fut donnée à un ouvrier d'un hameau voisin. Le marché conclu, le bonhomme ne tarda pas à se repentir de son engagement.

A l'inspection plus attentive des lieux et des accidents de terrain, il s'aperçoit qu'il y a pour lui des difficultés inattendues, et que pour exécuter ce travail il lui faudrait le double du prix convenu.

Trois jours durant, il vint promener ses ennuis sur les bords de la rivière, en proie à la plus vive anxiété....

Le dernier jour, comme il approchait de ces Thermopyles d'un nouveau genre, l'esprit assiégé de mille pensées confuses, il aperçoit un étranger, debout, au milieu de flammes qui semblent sortir de terre.

(Je note que les Thermopyles sont dans l'antiquité grecque associées à une bataille, ce sont un étroit défilé d’une dizaine de mètres de large et un piège … )

L'honnête homme s'arrête, tremblant, un frisson glacial lui parcourt tous les membres :

«Tu parais triste, lui dit la voix troublante de l'inconnu. Je sais la cause de ton ennui, en lui montrant la rivière : tu voudrais bâtir ici un pont sur ce torrent, et tu comprends la difficulté de ton entreprise.

Cette construction, aux conditions que tu as acceptées, c'est la ruine pour ta maison...

Écoute moi, je peux bâtir le pont en un seul jour, ou une seule nuit : veux-tu accepter mes conditions ? »

Stupéfait, ahuri devant une telle proposition, le brave villageois répond avec une sorte d'inconscience, provoquée par un étonnement qui n'était surpassé que par la crainte'. « Parlez, seigneur, je vous écoute.» «Eh bien,reprend l'étranger, tu me donneras le premier fagot que tu lieras demain. » « Je vous le promets, répondit-il en tremblant ».

Il avait à peine achevé sa réponse, que le mystérieux personnage disparaît au milieu d'un tourbillon de fumée épaisse et pénétrante. Un peu revenu de sa frayeur, le bonhomme regagne à pas pressés son humble chaumière, comme soulagé d'un poids énorme.

Il se hâte de raconter à sa femme cette singulière aventure et la promesse qu'il a faite.

Intelligente et rusée, la jeune paysanne s'écrie, levant les bras vers le ciel :

« Qu'est-ce donc que tu m'as dit ? Malheureux ! Mais c'est le diable que tu as vu et qui t'as parlé ; il n'y a que 1'esprit malin, pour faire de semblables propositions et arracher à un sot une telle promesse. Mais tu n'as donc pas compris que le fagot fatal que tu dois livrer, c'est toi. Oui, c'est toi !...N'es-tu pas le premier fagot que tu lies le matin, attachant tes vêtements à ta ceinture ? »

Ces paroles si sensées de sa femme sont pour lui toute une révélation : il a compris le piège de l'ennemi du genre humain, un éclair de raison lui a traversé l'esprit, il sait le moyen de déjouer la ruse de son adversaire.

Le lendemain, à l'aube, le voyageur qui se serait égaré dans ces parages, aurait aperçu, non sans surprise, un homme dans un costume un peu primitif, la cognée à la main, coupant d'énormes branches d'arbres.

Il fait un fagot, le plus fourni et le plus beau des fagots, et le chargeant sur ses épaules, prend le chemin de la rivière.

O surprise ! O merveille ! un pont superbe, baigne coquettement ses pieds dans le torrent rapide.

A l'extrémité, apparaît soudain l'étranger de la veille, qui semble attendre sa proie avec une vive impatience.

Lentement, le brave paysan s'approche :

« Tu m'as demandé le premier fagot que je lierais ce matin, le voilà, dit-il en jetant le bois sur le pont. »

« Misérable, s'écrie le diable en fureur, tu m'as trompé ! » et dans sa rage de damné, il emporte et jette au loin la clef de voûte du pont merveilleux, qui ne fut remplacée que longtemps après, en 1695.

Ce pont est le seul bâti en pierre sur la Sédelle. »

Extrait de l' Abbé L. Rouzier, ''Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places'', Limoges, 1897, pages 71, 72

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Cazotte et le Diable Amoureux - Des Secrets d'Initié... -1/,-

1 Mars 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Histoire, #Littérature, #XVIIIe siècle, #Mythe, #Diable, #Cazotte

A présent, sur 3 ou 4 article, je vais vous raconter une réalité du XVIIIe siècle, vécue au travers des expérience de Cazotte, écrivain. En effet, s'y mêlent, autobiographie, rêves, imaginaire... Le surnaturel traverse la vie de Cazotte, et de ceux dont il se rapproche... Il se trouve, que Jean-Léonard de la Bermondie, va croiser ces mêmes personnages et l'accompagner un temps dans sa Quête...

 

Jacques Cazotte ( 1719 -1792) fut entre autres fonctions: conseiller du roi en ses conseils, commissaire général de la marine (1760), membre de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Dijon (1763) et l'auteur du '' Diable Amoureux '' (1772).

Le Diable Amoureux est un conte allégorique.

La tentation diabolique est celle prônée par la philosophie des Lumières : elle consiste à vouloir atteindre la vérité, non par la foi, mais par la raison.

A l'innocence de l'homme ( Rousseau), Cazotte croit lui, au ''péché originel''. Qu'en est-il du progrès dans les sciences, peut-il s'appliquer à l'art, à la morale, au gouvernement des hommes...?

 

Biondetta incarne la philosophie; Dona Mencia représente la Tradition, et la famille ; alors que pour les Lumières l'Espagne est le pays du fanatisme religieux, et de l'Inquisition...

Magnetisme- Le baquet de Mesmer - Selon Mesmer ( 1734-1815) et sa théorie du magnétisme, un fluide physique subtil emplit l'univers, servant d'intermédiaire entre l'homme, la terre et les corps célestes, et entre les hommes eux-mêmes ; la maladie résulte d'une mauvaise répartition de ce fluide dans le corps humain et la guérison revient à restaurer cet équilibre perdu; grâce à des techniques, ce fluide est susceptible d'être canalisé, emmagasiné et transmis à d'autres personnes, provoquant des « crises » chez les malades pour les guérir... Il introduit un moyen de traitement collectif , dit du baquet : les patients, reliés entre eux par des cordes, sont assis autour du baquet d’où sortent des baguettes de fer. Au fond du baquet, du verre pilé ou de la limaille de fer et des bouteilles disposées, les unes vers le centre, les autres vers l’extérieur. Mesmer et ses aides touchent avec les baguettes de fer les parties malades des patients, déclenchant hystérie, convulsions et... guérisons ...

En parallèle du rationalisme qui nourrit les Lumières, la fascination de l'irrationnel prend aussi de l’ampleur ( Le Comte de Saint-Germain, Cagliostro, Mesmer..etc.). Le problème du Mal, n'est pas résolu par les philosophes.

 

Et si le Mal, c'était ''Quelqu'un'' ? Cette question rejoint bien sûr la question sur Dieu ; mais aussi celle du Réel.

Si chaque homme possède sa propre lumière et ses propres ténèbres. Il existerait une correspondance entre le monde matériel et le monde spirituel. Le monde spirituel serait le seul réel, et le monde matériel serait privé d'existence propre, ou aux mains du Mal... !

D'autres diraient que ce monde matériel est impermanent, voire illusoire ; ce qui serait la caractéristique de la réalité du Diable … !!

 

Heureusement, l'homme trouve en soi la source divine qui lui permet de parvenir à la connaissance... Et pour parvenir à cette vision spirituelle, il lui faut la Lumière ( non celle des ''Lumières'', mais celle de l'Esprit...

Au XVIIIe siècle, ce raisonnement est élaboré dans des cercles ''ésotériques'' qui s'intéressent à l'alchimie spirituelle, et même à l'occultisme... On les appelle ''Illuministes'' et certains demeurent fidèles à l'enseignement des Eglises, mais d'autres s'en détachent …

 

Sociétés secrètes, loges et confréries vont se multiplier dans toute l'Europe, et en France en particulier. Elles vont précipiter certains lettrés dans la Révolution française, et vont inspirer de grand écrivains ( Schiller, Goethe, Nerval, Baudelaire, Balzac...) qui illustreront l’irruption de l'irrationnel dans un monde apparemment bien ordonné.

 

A l'époque de Jean-Léonard de la Bermontie, c'est Cazotte qui joue et convoque le Diable.

Jacques Cazotte par Jean-baptiste Perronneau

Jacques Cazotte est né en 1719, en Bourgogne : élèves chez les jésuites, il retient le ''merveilleux'' de la Bible... Il découvre la liberté d'expression dans les salons parisiens... Sans naissance, sans fortune, il entre au Ministère de la Marine et commence à écrire … Il ira jusqu'en Martinique, découvre les rites du Vaudou cherchant à dominer les forces bénéfiques et maléfiques … On dit qu'une vieille sorcière antillaise l'a conduit à révéler son don de clairvoyance...

Il épouse Elisabeth Roignan, fille du premier juge de la Martinique; il a 40 ans, elle en a 30. Ils auront trois enfants.

A Paris, il fait du négoce, exploite du vin de Champagne, continue à écrire, et s'en prend aux philosophes des Lumières...

En 1772, la publication du Diable amoureux, fait de lui un auteur à la mode. Son aventure ne fait que commencer ...

A suivre ...

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Le Diable dans la Légende Arthurienne, XIIe et XIIIe s. -1/2-

1 Novembre 2017 , Rédigé par Perceval Publié dans #Diable, #Contes Mythes Légendes, #Légende arthurienne, #Moyen-âge

Le Diable dans la Légende Arthurienne, XIIe et XIIIe s. -1/2-

Nous sommes au XIIe et XIIIe siècle, et le diable n'est pas encore dotée d'une identité propre ; la figure du Diable recouvre le plus souvent d'anciennes divinités païennes combattues par le christianisme. Aujourd'hui, le Diable correspond à une expression ou réalité théologique... Au Moyen-âge, le diable est du niveau de l'humain il est présent dans le quotidien ; c'est une réalité que nous nommons aujourd’hui de ''folklorique'' ( sens étymologique)

Par exemple, le Diable peut prendre le masque chevalin … c'est l'épisode du cheval tout harnaché qui s'offre de lui-même. Il emporte ensuite à un rythme effréné le chevalier démuni, et tente de le noyer... Le diable trouve ses images dans la tradition populaire comme la ''Chasse infernale'' ( ou Mesnie Hellequin)...

Pour ce qui est du Merlin de Robert de Boron, les plans infernaux sont mis définitivement en échec : la vierge - de confession chrétienne - qui enfantera Merlin est trop sainte et trop sage pour que son fils hérite d'une nature mauvaise.

Conception de Merlin

La figure de Merlin permet de faire le lien entre le paganisme qui s'éteint et la foi chrétienne ; ensuite il ne sera plus question d'intervention diabolique ...

 

Chez Chrétien de Troyes, le diable n'intervient pas ( ou appartient au ''merveilleux'' )... L'accent est mis sur la liberté individuelle.( cf Abélard ou Hugues de Saint Victor) . Pour Saint-Anselme le Mal est un ''non-être'' ; il ne se définit que négativement. Après la chute ( effective ) d'Adam et Eve, il faut réparer l'offense à Dieu. Les anges déchus n'ont pas le plein pouvoir sur l'homme, pour se racheter il bénéficie de '' la grâce''

 

Le Diable n'est pas responsable du Mal dans la société car c'est toujours l'homme qui porte en lui une vulnérabilité et une faiblesse coupables.

Dans le Chevalier au Lion, Yvain doit affronter des ''netuns'' ( lutins ) pour libérer les captives du Château de Pesme Aventure, ces ''démons'' sont d'origine païenne ; ils ne participent du Diable qu'à demi, parce qu'ils sont les fils d'une mortelle et d'un incube.

Dans Perceval, quand Gauvain s'entretient avec Grinomalant de la ''male pucelle'' dont il dit qu'elle est ''plainne de deable''(v.8837) ; ''deable'' symbolise la perfidie.

The Temptation of Sir Percival by Arthur Hacker

Dans le Conte du Graal, ce n'est pas au terme d'une tentation que Perceval oublie Dieu, mais seulement parce qu'il s'est dispersé dans ces activités mondaines que sont les tournois et plus généralement la quête de la vaine gloire.

 

Dans les récits arthuriens, le diable n'est pas tout-puissant ; il reste généralement sous contrôle de héros : exemple : l'épisode de la ''Main Noire'', dont Perceval vient à bout à l'aide d'un simple signe de croix.

 

-'' La Main Noire ''-

Dans la Troisième continuation de Manessier, l'auteur revient sur la fameuse scène du repas chez le Roi Pêcheur : le Graal et la Lance repassent … Le Roi parle : la Lance est celle de Longin, le Graal a été rapporté par Joseph d'Arimathie …etc, et l'épée brisée était celle qui par un Coup Félon et Douloureux avait frappé Goon du Désert... Goon sera vengé quand l'Epée sera ressoudée et Perceval devra pour achever la guérison du Coup Douloureux, tuer Partinal sire de la Rouge Cour...

Perceval devra encore combattre '' La Main Noire'', pour ôter d'une chapelle ''souillée'' le corps d'une reine devenue nonne et décapitée par son propre fils... Exorciser l'autel, le corps et la chapelle ; et en particulier une fenêtre dans laquelle est lové le Diable …

Perceval combat cette mystérieuse Main Noire dans une tempête de feu, de foudre et d'éclairs ; le diable perd son lieu d'attache - avec l'aide de Dieu et du signe de croix …

En Irlande, Lug porte le le nom de '' à la main longue'' : il possède un long bras, ou une main avec lequel il accomplit des exploits ...

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Le Diable au Moyen-âge -2/2-

28 Octobre 2017 , Rédigé par Perceval Publié dans #Diable, #Contes Mythes Légendes, #Moyen-âge

Bien évidemment, quand Satan se présente devant des mortels, il prend grand soin de masquer sa véritable identité, dissimulant autant que possible sa démoniaque nature ( pieds fourchus …) sous des vêtements.

 

Le Diable peut également, au gré de ses caprices, prendre l'apparence de divers animaux : chats, lèvres, corbeaux..

Le Malin connaît toutes les ruses du déguisement et du masque et quand il veut séduire, il emprunte ( dit-on) à la femme tous ses artifices. Ainsi paré, il tente fréquemment d'inciter au péché prêtres et moines, qui sont pour lui des proies de choix.

 

Au Moyen-âge, Satan, toujours à l'affût d'une âme à pervertir, apparaît dès qu'il entend son nom aussi prend-on garde à ne jamais le nommer véritablement. Pour éviter une visite indésirable, on le surnomme de diverses manières: Le Malin, l'Ennemi, le grand Bouc, le Cornu, le Vilain, etc..

Le Diable aime à transgresser les règles établies et courir les fêtes. Parfois, quand les réjouissances se terminent après minuit, Satan s'invite et, sous la forme d'un bel homme, il charme les jeunes filles. Fort heureusement, les hommes, qui se méfient inévitablement d'un étranger aussi séduisant, remarquent vite ses pieds fourchus et préviennent ces demoiselles. Sitôt démasqué, Satan disparait dans un nuage de fumée, laissant derrière lui une odeur de souffre ou, s'il refuse de partir, il peut se faire exorciser.

 

Les personnes qui aiment les plaisirs faciles et y cèdent sans vergogne ont également ses faveurs car leurs âmes se trouvent tout naturellement propices à écouter ses paroles doucereuses. Au XIIIe siècle, Ranulphe de la Houblonnière dresse la liste des péchés réputés attirer le démon: l'orgueil, la colère, l'envie, l'avarice, la luxure et la gourmandise.

 

A la demande de ses sujets, Satan peut les transformer en loups-garous, déchaîner des orages, exciter des tempêtes ou faire tomber la grêle et la foudre. Il est également capable de causer un sommeil profond, plonger en extase, révéler des événements lointains ou à venir, rendre un homme invulnérable, lui donner la capacité de se rendre invisible, le transporter dans les airs, faire disparaître des objets, soit en condensant d'épaisses vapeurs, soit en les enlevant subtilement, rendre malade, tantôt en altérant l'organisme, tantôt en transportant des miasmes contagieux, et même guérir, ce qu'il fait très rarement, le bien n'étant pas son fort, sauf pour parvenir à ses fins ...

 

Le moyen le plus courant pour empêcher Satan de pénétrer dans une maison est de placer une croix de paille sur la porte d'entrée.. Brûler des branches de genévrier au nouvel an est également supposé la protéger.

Pour obliger le Diable à quitter un corps qu'il possède, il existe diverses méthodes dont certaines ne nécessitent pas l'intervention de l’Église.

L'une d'entre elles consiste à rouer de coups le possédé ou à lui infliger divers sévices cruels afin d'inciter le démon à partir. Les amulettes peuvent également constituer de véritables moyens d'exorcisme, agissant d'elles-mêmes par la seule vertu de leur consécration ou des formules qui s'y trouvent inscrites....

 

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Le Diable au Moyen-âge -1/2-

25 Octobre 2017 , Rédigé par Perceval Publié dans #Diable, #Moyen-âge

Il est temps de s'interroger sur ce que peut représenter '' Le Diable '' au Moyen-âge … ?

Le temps des premiers chrétiens – celui du Salut triomphant - est loin...

A notre époque médiévale, la notion de ''Salut'' individuel, prend de l'importance, et hante l'esprit de chacun..

La représentation du Diable ( chez les chrétiens) a évolué; il n'est plus un simple ennemi 'extérieur', condamné à être vaincu par les propagation d'une foi militante, jusqu'au jour où il sera enfin écrasé pour l'éternité...etc

 

Au cours du Moyen-âge, nous sommes autant chrétiens que païens ; et les démons sont une communauté d'êtres puissants et menaçants... Ils ne se contentent plus de provoquer des sécheresses, de mauvaises récoltes ou des épidémies.. Ils en sont venus à représenter des désirs que chaque ''chrétien'' peut nourrir au fond de son cœur... Et parfois, l'humain peut se sentir victime de forces qu'il est totalement incapable de maîtriser, et cela même parmi les plus religieux …

Le Diable gagne en autonomie... Par exemple, les Templiers sont accusés d'adorer une idole. Il s'avère que ceci est faux mais que dans le contexte des interrogatoires et des procès, il est nécessaire qu'il y en ait une , en tant qu'incarnation de la puissance satanique.

Un vrai croyant, ne peut abriter en soi le Mal, il est logique de rechercher la source du Mal au dehors de soi, parmi des êtres qui occupent les limites de la communauté, ils deviennent alors des proies faciles pour la projection ( telle ( en fin du moyen-âge seulement): la sorcière …).

Le Diable, dont l'existence est une vérité indiscutée au Moyen-âge, n'attend plus les égarés dans les Enfers. Il parcourt la Terre en compagnie de sa cohorte de démons et intervient activement dans les affaires des hommes.

 

Pour représenter le Démon, on utilise les images des dieux païens en cours et toujours honorés dans les campagnes reculées … Ainsi l'image du dieu Pan, avec ses pattes et ses cornes de bouc, le dieu paysan ( paysan en latin, va donner païen ) va être diabolisé au point de devenir l'image même de Satan...

le diable du Pont Valentré de Cahors

Ainsi, le Diable est représenté comme une immonde créature aux pattes poilues, aux sabots fourchus et aux griffes acérées. Sa queue et ses oreilles sont pointues, son nez crochu, son crâne s'orne de deux petites cornes et quelquefois, il possède des ailes noires, vague souvenir de ses origines angéliques. Sa voix est rauque et sauvage et il est connu pour dégager une odeur pestilentielle.

 

Raoul Glaber, moine et chroniqueur dans les années 1000, rapporta l'avoir rencontré à trois reprises et il en donne une curieuse description: « Je vis paraitre devant moi un petit monstre hideux qui avait à peine figure humaine. Il me semblait avoir, autant que je pus m’en assurer, une taille médiocre, un cou grêle, une figure maigre, les yeux très-noirs, le front étroit et ridé, le nez plat, la bouche grande, les lèvres gonflées, le menton court et effilé, une barbe de bouc, les oreilles droites et pointues, les cheveux sales et raides, les dents d’un chien, l’occiput aigu, la poitrine protubérante, une bosse sur le dos, les fesses pendantes, les vêtements malpropres; enfin tout son corps paraissait d’une activité convulsive et précipitée. »

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Satan, Lucifer... Le Diable. Qu'en penser ?

5 Mars 2017 , Rédigé par Perceval Publié dans #Satan, #Diable, #Contes Mythes Légendes, #Mythe

Le sujet est intéressant... Les jeunes adorent … !

Ici, ce que je recherche et qui m'interroge, c'est le mythe, avant les légendes, les contes... Donc, les images... et moins le sens spirituel et théologique … Même si un sens peut s'y faire jour... C'est le propre du symbole...

Nous pourrions commencer par le jardin d'Eden ; sauf qu'on ne parle pas alors de Satan, mais de serpent : « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs ... » etc …

Dans les cultes anciens, le serpent a un pouvoir guérisseur ( il rajeunit perpétuellement en muant …), il peut être en contact avec le monde divin ; dans la Genèse, il promet à Eve une connaissance supérieure … Pour lutter contre l'attirance des cultes magiques, on en fait une bête maudite ...

* Satan : on en parle dans Job 1 : « 6 : Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux. 7 : L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener. »

Dans Zacharie 3, 1 : « Puis, YHVH me fit voir Josué, le grand prêtre, debout devant le messager (ange) de YHVH. Satân se dresse à sa droite pour l’accuser. »

Satân, s'il est 'ange', est messager ...

 

 Satân est le terme hébreu, qui signifie : "l'adversaire, l'ennemi, l'accusateur". En grec, on obtient anti-keimenos : "celui qui est situé en face de, l'opposé". Et on peut y déduire tout l'implicite qui se cache derrière : l'arrogance de celui qui se tient en face de YHVH !

L'Adversaire ( Satân ) est supposé être à l'origine de l'arrestation de Jésus, puisqu'il serait "entré" en Judas l'Iscariote (Lc 22,3). Le prince des démons a-t-il pris possession d’un des proches de Jésus ? Jean n'exploite pas le filon de la possession, mais dit plutôt que l'Adversaire a jeté l'idée dans le coeur de Judas (Jn 13,2).

Judas n’est pas le seul disciple ainsi pointé. Jésus ne dit-il pas à Pierre : « Retire-toi ! Derrière-moi, Satân ! Tu es pour moi une occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles d’Elohîms, mais celles des hommes. » (Mt 16,23) Pierre était-il véritablement un « démon » ? Nous lisons simplement ici que Pierre s’opposait, à cet instant précis, aux ''desseins'' de Dieu…

* Le mot "diable" provient du grec ''diabolos'': "le calomniateur" et traduit souvent le terme hébreu Satân . Alors, la question à se poser est sans doute celle-ci : "peut-on dire que Satân est un calomniateur ?" Si on s'en tient à son passage dans Job, non. Il ne porte pas de fausses accusations. Cependant, il demande à YHVH de mettre Job à l'épreuve (comme Jésus a été mis à l'épreuve). Job supporta ses tourments sans perdre sa foi, clamant son innocence alors que ses amis le pressaient de se repentir, d'après la croyance traditionnelle selon laquelle tous les malheurs sont la punition des péchés.

Ensuite, l'Apocalypse de Jean, propose des images qui feront recette : « Il fut précipité, le grand dragon, l’antique serpent, celui qu’on nomme Diable et Satân, le séducteur du monde entier, il fut précipité sur la terre et ses anges aussi. » (Ap 12,9)

On ne parle pas de ''Lucifer''...

Ce seraient, Origène (185-254) et Augustin (354-430) qui développeraient l’idée que Satân a été créé bon, mais s’est détourné de Dieu. C'est donc selon, cette proposition, que Lucifer est décrit par certains, comme un ange brillant avant sa chute, et qui devient Satân lors de sa chute.

 

* Lucifer signifie en latin « porteur de lumière (lux) ». Ce nom a pour origine la traduction latine, dans la Vulgate, du Livre d'Isaïe 14;12 par Saint Jérôme, qui traduisit le nom Heylel (nom de la planète Vénus en hébreu) par Lucifer...

« Comment es-tu tombé des cieux, astre brillant ( Vénus, ou Lucifer) , fils de l’aurore ? Tu es abattu jusqu’à terre, toi qui subjuguais les nations ! »

Il est facile ensuite de faire un amalgame entre Satan et Lucifer. Il n’y a dans la bible aucun texte qui laisse à penser que Lucifer soit la diable, la tradition judaïque considère que Heylel est un démon (et pas un gentil), c’est ce démon que St-Jérôme traduit par Lucifer.

 

Lucifer est devenu par syncrétisme, la personnification de Kali, le Dieu du Mal ( gnostique), ou l'une des anciennes déités mésopotamienne, grecque ou celte... Tous ces parallèles ou analogies étant intéressants

La mythologie païenne et celtique, évoquent Cernunnos, le ''dieu cornu''... Il est à rapprocher de Diane, comme lui, déesse de la chasse. Il est un dieu de la fertilité... Les histoires de sorcières, évoquent souvent Lucifer, les sabbats ...etc. Le diable a des cornes dans l’imagerie traditionnelle... L'inquisition maintiendra le mythe...

 

** Sur le plan religieux... On peut s'interroger : le Bien absolu est-il capable d'engendrer le Mal ? Pourquoi ce dieu créateur de toutes choses, tout puissant et aimant, avait-il besoin de créer le mal ? Si non, quel est l'origine du mal ?

Sources: abrasax.chez.tiscali.fr

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