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Les légendes du Graal

1940

L'Ecole d'Uriage -3- Lithargoël

24 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Naurois, #Uriage, #Mounier, #Lithargoël

Viennent souvent, au château, des conférenciers de Grenoble, ou de Lyon ; et la parole est si libre que Lancelot semble être ici, hors du temps de Vichy.

Philippe Pétain et, à sa gauche, les cardinaux français Emmanuel Suhard et Pierre Gerlier, ainsi que Pierre Laval, en novembre 1942

L'un des derniers thème de discussion concerne l''' Explication chrétienne de notre temps ''. On évoque la défaite en remontant dans l'histoire, jusqu'à la fin du Moyen-âge pour y trouver les racines d'une ''crise de civilisation'', lorsque l’homme s’est « coupé de la vie supérieure » pour sombrer dans le matérialisme. La Renaissance ensuite, s'est centrée sur l'émancipation de la tutelle de l’Église ; jusqu'à s'imaginer fonder une société sans dieu, pourtant issue du christianisme...

La défaite de 40, semble donc justifier une pensée réactionnaire catholique. La '' Révolution nationale '' pouvant être le moyen d’effacer '' la République Parlementaire'' issue de 1789.

Le programme de formation intellectuelle comprend l’étude des trois auteurs désignés comme « les Maîtres de la politique française » : Maurras pour la monarchie, Péguy pour la critique du parlementarisme et Proudhon pour le traditionalisme

Le directeur de l'école, ne craint pas – sur ces bases – de provoquer un débat , en organisant un colloque avec Emmanuel Mounier et Jean Lacroix, les fondateurs de la revue Esprit ; Jean-Jacques Chevallier, professeur de droit à la faculté de Grenoble ; Michel Dupouey du Secrétariat général à la Jeunesse ; Henri Massis, de La Revue universelle et surtout principal conseiller du Maréchal pour les problèmes de jeunesse...

Emmanuel Mounier

 

Pour Mounier, la personne est une « liberté créatrice qui prend le monde comme problème et le construit comme destin » ; ce qui la constitue, c'est l’Être infini : « un Être personnel présent au plus intime de nous-mêmes ». La personne est '' vocation ''…

La pensée de Massis, même si – à la suite de Péguy - se rattache à une politique de l'incarnation ; elle semble à Mounier trop amère, angoissée. Au point d'en arrêter la recherche ; sa pensée est ''solution ''. Mounier en appelle plus à la ''proposition'', et même au mystère...

Le conflit idéologique éclate, et c'est finalement le contrôle même de l'Ecole qui est en jeu.

 

Lancelot voit passer des gens estimés de tous, même si, comme René Gosse, doyen de la faculté des sciences, un brillant scientifique, il est révoqué le 6 décembre 1940 de toutes ses fonctions. Au même moment, Mgr Caillot, évêque de Grenoble diffuse un message pour soutenir la politique du Maréchal Pétain, et s'en prend directement aux franc-maçons.

René de Naurois

 

René de Naurois, qui ne cache pas dans ses prédications son aversion pour le national-socialisme, supporte de plus en plus mal, l'idée que la France puisse devenir un satellite de l'Allemagne nazie. Il se rend souvent à Grenoble, et Lancelot sait qu'il soutient un mouvement de résistance qui vient de se créer autour d'une professeure de Lettres du lycée Stendhal, Marie Reynoard.

 

Début 1941, Dunoyer de Segonzac, prononce à la faculté des Lettres de Grenoble, une conférence, il exalte l'esprit de revanche et, dans un même élan, avoue que son plus cher désir est la victoire de l'Angleterre. Des applaudissements éclatent dans la salle.

 

Le 17 février 1941, Segonzac reçoit des instructions précises de Vichy: il est sommé de se séparer de Mounier et de l’abbé de Naurois. De ce jour, l’abbé entre dans la résistance active.

Le 20 août, la revue Esprit sera interdite.

 

Lancelot, dans son rapport au Secrétariat d'Etat à l'Instruction publique et à la Jeunesse, sut mettre en avant les aspects qui étaient attendus par le régime de Vichy ; exposé juste, donc mais réduit...

Lancelot fait l'éloge de ces jeunes stagiaires volontaires, énergiques qui chantent en cadence des chansons folkloriques ou d’actualité comme ''Maréchal, nous voilà ''.

A Uriage, sont régulièrement évoquées des figures comme Jeanne d'Arc, Péguy, Lyautey, et le vainqueur de Verdun. On y exalte les vertus dures et nobles comme, la pureté, l’abnégation, le don de soi, le goût du sacrifice, ou bien encore l'humilité des petites gens. On y évoque le passé, prenant volontiers ses références dans la chevalerie médiévale, prônant le retour aux traditions ancestrales...Etc.

 

Quelques jours avant le printemps, et le départ de Lancelot. Un événement va le marquer profondément...

Les habitants du village d'Uriage, ont récupéré un homme blessé, et l'amènent inconscient au château … Mutique, il semble incapable de parler... il ne comprend pas le français, mais l'allemand... Lancelot et René de Naurois parlant allemand, tentent de l'interroger...

Il porte sur lui quelques cartes du Tarot de Marseille, - le Fou – l'Empereur - qu'il présente pour expliquer sa présence, ici.

Quand on lui demande comment il s'appelle, il répond, quelque chose comme ''Litarguel'' : Naurois, pense au nom d'un ange ( comme Gabriel, ou Raphaël...) ?

La dernière nuit, il semble aller mieux et retrouver ses esprits. Il s'adresse à Lancelot qui le veille : il souhaite connaître son nom, et le nom du lieu, où il est : puis, il répète ''Lancelot... Lancelot - Vielen Dank ( Merci beaucoup ); comme s'il était soulagé.

- Et vous, que faites-vous, ici... ? - Wir müssen den Stein wiederfinden...( Nous devons retrouver la pierre ) ceci dit, avec beaucoup de difficulté. Enfin, il réclame ses deux cartes de tarot, pose le fou sur son cœur ; puis le tend à Lancelot ; et lui fait signe qu'elle est à lui, à présent.

Lancelot n'a pas bien compris :

- Quelle pierre... ? Pourquoi... ? - Wir müssen den Stein vor ihnen finden ( Il nous faut trouver la pierre avant eux).

L'homme retire une enveloppe de la poche intérieure de son blouson: - Vous la remettrez à une personne travaillant sur Tube Alloys, qui se présentera à vous. Il s'agit des ''Romances du Rosaire'' de Clemens Brentano.

Il ferme les yeux. - Nur die Rose kann... ( Seule la rose peut...) et s'endort.

Le lendemain, son lit, sa chambre sont vides. L'homme a disparu, aucune trace de lui, sinon les deux cartes de tarot, que Lancelot a gardé ; et surtout ce livre.

Lancelot est profondément bouleversé, par le mystère de cette rencontre. Comment cet homme est-il arrivé ici, et pourquoi... ?

Où est-il ?... ? Le médecin pense qu'il était seulement très fatigué; et sans-doute était-il poursuivi par des nazis...

 

L'abbé Paul Tresson, que j'ai évoqué plus avant, reconnaît dans le nom de l'homme, entendu par Lancelot et Naurois : le nom de '' Lithargoël ''. - De qui s'agit-il ? - D'un ange effectivement, un ange thérapeute. Il est mentionné dans un livre, qui appartient à la série des Actes apocryphes des apôtres. Ce livre a disparu ; mais on connaît une parabole qui devait y figurer, parce qu'elle est rapportée dans la littérature syriaque.

L'étymologie du nom Lithargoël est à chercher en grec du côté de ''pierre brillante '', ce qui correspond au sens de l'histoire ; et la terminaison 'el ' renvoie au nom divin, commune aux noms d'ange.

Cette histoire raconte qu'un marchand, Lithargoël, offre aux pauvres, une pierre, une perle, mais ils ne répondent pas à son invitation; ils l'accueillent, mais ne partent pas dans la cité que leur indique l'ange... Pierre et les apôtres, vont accepter de s'y rendre, ils y seront alors accueillis par Lithargoël, qu'il ne reconnaissent pas, habillé en médecin, et qui va se révéler être le Christ.

''Les Romances du Rosaire'' (1852) sont un long poème inachevé. Il se présente comme une suite de tableaux, qui expriment les embarras du cœur humain par différentes figures. Brentano a probablement pensé au Roman de la Rose.

L'abbé Tresson apprend à Lancelot, que Brentano, converti au christianisme, catholique, fervent du Rosaire, vint s'asseoir pendant six ans au chevet d'une religieuse, Anne Catherine Emmerich, pour retranscrire ses visions, jusqu'à sa mort en 1824.

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L'Ecole d'Uriage -2- Le poste à galène

19 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #TSF, #Radio, #galène

Les ateliers autour de la TSF ont du succès. Tout ce qui concerne la radiodiffusion est sensible : une réglementation spéciale, en zone non-occupée, concerne les émetteurs qui sont sous contrôle du gouvernement de Pétain ; et en zone occupée, tout poste émetteur doit être remis aux allemands, sous peine d'être accusé d'espionnage ou de trahison...

Avec la radio nationale de Vichy ; il y a Radio-Paris qui diffuse à nouveau, mais sous contrôle allemand. Et bien sûr, chacun connaît à présent, Radio-Londres qui émet à partir des studios de la BBC ; mais son écoute se doit d'être clandestine...

 

Les contacts avec l'appui de René Cosse, permettent à Lancelot, de récupérer et d'acheter des petits matériels électroniques pour les ateliers de radio, comme le cuivre, les bobinages, les vieilles lampes, condensateurs...

Il s'agit d'une initiation à la TSF, avec comme objectif, d'être à l'écoute de l'information ce qui en cette période, s'avère d'un intérêt essentiel à tous.

« Tourner le commutateur, allumer les lampes, faire ce geste qui après quelques secondes va me mettre en communication avec l’univers (…) C’est chaque fois la même émotion, le même frémissement, la même inquiétude, et la même surprise quand, venue de je ne sais où dans l’univers portée par l’air musical et vibrant, éclate tout à coup dans la chambre où je suis seul une voix inconnue et fraternelle ». Jean Guéhenno, en 1938

 

Je recopie les notes de Lancelot :

Fabriquer un récepteur nous permettra d'extraire le message sonore d’une onde porteuse ( on dit : en modulation d'amplitude AM ) émise par l’émetteur et propagée dans l’air jusqu’à nous.

- Il faut de la pierre de galène, un sulfure de plomb , qui existe à l'état naturel ; c'est un corps gris métallique, un cristal qui a une capacité semi-conductrice.

On enchâsse la pierre dans une coupole de laiton reliée à un fil, et on relie un autre fil à une petit pointe métallique qui viendra « explorer » la surface de la galène par l’intermédiaire d’un petit ressort qui facilitera le réglage.

- Nous avons besoin d'une bobine, et d'un condensateur variable ( CV) monté en parallèle ; pour s'adapter à la longueur d'onde que l'on veut recevoir. La bobine sera réalisée autour d'un petit tube en carton avec du fil fin en cuivre ; et le condensateur pourrait être composé d'une feuille de carton, taillée en secteur d'un quart de cercle, sur lequel est collé, sur les deux faces, une feuille d'étain revêtue d'une feuille de cellophane, le tout relié à la borne "terre", sachant qu'il doit pivoter dans l'entaille, elle même revêtue de deux feuilles d'étain collées sur deux secteurs de carton, et reliées à la borne "écouteur".

- Et, de quel courant avant-nous besoin, dites-vous ? - Aucun, aucune autre source d'énergie que celle reçue avec la très faible tension haute fréquence reçue par l’antenne.

- Il nous faut encore : une excellente antenne, des écouteurs sensibles aux faibles courants de l'antenne, et une bonne prise de terre pour évacuer le courant généré.

L’antenne sera constituée d’un fil de cuivre de 10 à 20 mètres tendu à l’extérieur ( camouflée par le fil à linge …!) , le plus haut possible et isolé à la fois des masses environnantes (murs, arbres, etc.) et électriquement par des isolateurs aux extrémités.

- A quoi sert la pierre de galène ? - Comme semi-conducteur, elle va permettre de démoduler le signal, et d'extraire le signal audio de l'onde porteuse...

Il paraît que l'on peut remplacer la galène par une patate coupée en deux, chaque 1/2 patate séparée de l'autre moitié par un film en cellophane ou une feuille de mica.

Revue - Toute la radio - fevr 1940

 

Le circuit composé d'une bobine et d'un condensateur est appelé circuit LC :

Le circuit LC combine les propriétés des deux composants permettant le phénomène de résonance électrique.

Au moment où le courant entre dans le circuit, le condensateur est donc rempli d’énergie, alors que la bobine en est vide. On peut donc supposer un transfert d’énergie entre les deux réservoirs :

Lorsque la bobine est vide, elle “aspire” l’énergie électrique. Et lorsque le condensateur est vide, la bobine déstocke donc son énergie et recharge le condensateur. On appelle ce phénomène “résonance électrique”, qui se produit à une “fréquence de résonance donnée” :

Excité par l'intermédiaire des ondes radio, le circuit LC entre en résonance. La résonance se traduit par de fortes oscillations du courant et l'apparition d'une  tension. Cette tension est utilisée par le poste à galène pour faire fonctionner les écouteurs.

 

- Le son est déjà une onde ; et pourquoi est-il nécessaire de la moduler ( au départ de l'émetteur) ? - Parce qu'il faut différencier chaque signal correspondant à une radio, et il faut la propulser sur une longue distance... Il faut donc passer en haute fréquence, ceci par modulation d'amplitude ( AM).

Notre récepteur, doit permettre au signal de revenir de “l’état modulé” à un “état audible” ; c'est le rôle d'une diode, ici la galène.

- Qu'est-ce qui permet de choisir la radio, que l'on veut écouter ? - C'est le condensateur ; en faisant varier la surface commune entre deux armatures ( on fait varier sa capacité), on sélectionne la tension maximale qui pourra passer, c'est à dire l'amplitude de l'onde et ainsi choisir la radio. Si le circuit LC ne sélectionne pas assez, on entendra deux émissions en même temps...

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1940 - L'Ecole d'Uriage -1-

14 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Uriage, #Dunoyer de Segonzac

A Vichy, Bergery s'était entretenu avec Lancelot au sujet d'un projet d'une école des cadres... Il lui avait proposé même de participer à une rencontre de responsables de mouvements de jeunesse, dans la forêt de Randan près de Vichy du 1er au 4 août 1940. Il pourrait retrouver Henry Dhavernas, rencontrer Jean Jousselin, pasteur protestant et responsable des Éclaireurs Unionistes de France, et le capitaine de cavalerie Pierre Dunoyer de Segonzac (1906-1968) . Bergery l'avait assuré que cela devrait l'intéresser....

Pierre Dunoyer de Segonzac et ses adjoints à l'école des cadres d'Uriage à Uriage-les-Bains, France en 1942

En septembre 1940, Dunoyer de Segonzac ( il a 34 ans) crée le Centre Supérieur de formation des chefs de la Jeunesse. Comme Pétain, qui a confiance en lui, il estime que les ''élites'' ont failli ; aussi faut-il assurer leur formation pour reprendre le combat le jour où le redressement annoncé par le Maréchal, nous le permettra...

A Vichy, Dunoyer de Segonzac recrute une équipe de jeunes gens. Elle va se constituer notamment avec le capitaine Eric d'Alençon ; Roger Vuillemin, un professeur d’éducation physique particulièrement dynamique; et, pour aumônier de l'école, une personne qu'apprécie particulièrement Lancelot : l'abbé René de Naurois ( 1906-2006).

René de Naurois, aumonier

Début août 1940, il s'agit de trouver un lieu pour installer l'école : Dunoyer de Segonzac, réussit à faire réquisitionner un château, libre, près de Gannat - La Faulconnière - et commence son service le 12 août. Cependant au bout de deux mois, le directeur décide de déménager pour se soustraire aux visites régulières de fonctionnaires de Vichy, et pour avoir les coudées franches. Il informe le secrétariat d'Etat, du déménagement de l'école pour Uriage, près de Grenoble.

 

Le 20 octobre, l'Ecole d'Uriage reçoit la visite de Pétain, qui conforte le projet d'une équipe d'origine sociale, de profession et d'engagement politique différents ; bien sûr engagée derrière le Maréchal.

 

En accord avec le SR et avec mission d'en rapporter de l'information, Lancelot part pour Uriage, peu avant Noël 1940.

Le Château d'Uriage

Lancelot va tout de suite être saisi et séduit par le lieu... L'école s'est installée dans un château d'aspect médiéval, impressionnant quand on y arrive en fin d'après-midi entre brume et crépuscule. Quelle émotion supplémentaire d'entendre que ces murs abritaient une branche de la famille maternelle du chevalier Bayard.

Dans le hall, un grand portrait de Pétain accueille le visiteur ; et sur un mur adjacent, le blason officiel de l'école fait une référence historique évidente aux moines-chevaliers de l’ordre du Temple. Tout ici, semble inviter Lancelot, à inscrire son projet, dans l'histoire du fil rouge qui relie ses ancêtres. Il trouve à Uriage, l'esprit de chevalerie qui l'accompagne depuis l'enfance et qui se présente sous la forme d'un ordre, d'une devise, d'un blason.

Blason d'Uriage

Il devait rester deux à trois semaines ; mais il restera plusieurs mois... Lancelot trouve sa place comme ''instructeur radio''.

 

Il occupe beaucoup de son temps à en connaître l'histoire, voire même, ses secrets... Le dernier propriétaire qui a vécu au château était un homme cultivé et fortuné. Ingénieur, il fit de nombreux voyages en particulier en Egypte, d'où il a ramené une pièce fameuse, qu'il découvrit le 8 mars 1842 : une Stèle royale de Ramsès II, dite « stèle de Kouban », troisième année du règne de Ramsès II (1287 avant J.C.). Cet homme s'appelle Louis de Saint-Ferriol (1814-1877) ; mécène de sa ville, il va y développer sa cure thermale.

A partir de 1920, le déclin s’amorce. Le fils de Louis : Gabriel de Saint-Ferriol, vieillissant, vend l’établissement thermal et décède en 1927, sans descendance. Le château est légué à sa nièce, Ghislaine Pellissier de Féligonde (1914-1994), qui vit à Paris, et se mariera , le 3 août 1949, à Hervé de Fleuriau (1909-1974).

Ghislaine Pellissier de Féligonde, est la fille de Charles Pellissier de Féligonde (1882 -1962) marié à Odette de Martel (1883-1969), le neveu de Gabriel de Saint-Ferriol... Il a classé, et répertorié, et gardé ou vendu , ce qu'il restait des collections du château ; après que Gabriel de Saint-Ferriol, en 1916, ait déjà fait don des collections égyptologiques au musée de Grenoble.

Lancelot rencontre l'abbé Paul Tresson ( 1876-1959), un très grand érudit, en particulier sur les apocryphes, qui a travaillé sur les collections du Château d'Uriage, Il a publié en 1927 dans la Revue biblique : Le voyage du comte Louis de Saint-Ferriol à travers le désert du Sinaï d’après son journal inédit.

Ecole d'Uriage, 1942

 

Pierre Dunoyer de Segonzac, pense que Pétain permettra de ressouder la communauté nationale, dans l'honneur national ; à l'image de Jeanne d'Arc, qui a exalté le sentiment national, contre l'envahisseur... Uriage se doit de travailler à cela en formant les nouveaux chefs, les cadres de l'Etat.

Des stages de trois semaines à trois mois sont organisés, pour de jeunes fonctionnaires, ou de jeunes officiers (le lieutenant Le Ray, futur chef des FFI de l’Isère, sera stagiaire).

Une équipe d'instruction encadre les stagiaires, une équipe d'études est chargée de la formation intellectuelle, avec des exposés, des débats, de la recherche avec un travail de documentation ; et une équipe d'administration est chargée de la vie matérielle de l'Ecole et d'encadrer les travaux collectifs.

Lorsque l'abbé de Naurois invite Emmanuel Mounier et Jean Lacroix ; il hésitent, Mounier tranche : « C’est bien simple. En arrivant nous demanderons la liberté complète de parole. Si on nous la refuse, nous partirons ; si on nous l’accorde, nous dirons tout ce que nous avons à dire. »

René de Naurois à Uriage en 1940-41

La revue de Mounier, ' Esprit ' qui a repris fin 1940, décrit ainsi, l’École :

« Ni l’intrigue personnelle, ni la passion politique n’ont été tentées d’y faire la moindre incursion. Plus précisément, la nécessité de faire vite, de répondre à des besoins immédiats, de dépasser une mentalité de défaite que tant de sous-produits psychologiques menaçaient d’empoisonner, n’ont pas dévié, – et c’est presque un miracle, – le souci de faire des hommes complets, où l’esprit, le cœur et le corps aient chacun sa juste part. Si bien qu’école d’entraînement physique et de formation de cadres, l’Ecole d’Uriage est déjà une école de culture et de caractère. »

Emmanuel Mounier

 

La discussion affleure souvent les ambiguïtés des valeurs annoncées de la '' révolution nationale'', au regard du Personnalisme de Maritain et de Mounier... Pour l'instant, répond Mounier : il s'agit pour nous de « faire de l'armement spirituel clandestin, c'est-à-dire profiter des similitudes de noms entre nos valeurs et les valeurs publiquement proclamées pour y introduire, à la faveur de cette coïncidence, le contenu désirable » ( Note du 4 août 1940, Entretiens X (Œuvres, t. IV, p. 668) ). Ce nouveau régime est peut-être l'occasion d'abattre '' l'ancien ordre individualiste et bourgeois''. La chute de Laval ( déc 1940) est un signe positif ; mais cela suffira t-il à étouffer ceux qui conduisent une politique xénophobe et antisémite ? Et s'il fallait finalement s'opposer à ce régime ; utilisons le mieux possible notre influence sur la formation des jeunes.

La pédagogie de l'Ecole d'Uriage, utilisent l'ambiance naturelle du lieu, un rythme et une alternance des activités diverses et complémentaires. Il s'agit de créer une atmosphère virile, empreinte de camaraderie, de solidarité, au cours d'une vie communautaire faite d'étude et d'exercices manuels. Le jeudi et le dimanche ( messe en plus) se partagent entre les travaux personnels en étude ou en bibliothèque et des sports de plein air. Le lundi est un jour de repos, et sortie libre entre 7h00 et 19h00. Le sport ponctue chaque journée, en particulier au réveil.

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1940 – Vichy. 5

9 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #antisémitisme, #Vichy, #Weygand

Weygand sort des réunions du Conseil de plus en plus énervé ; ses coups de gueule contre Laval, alimentent les discussions... Sa ligne de force est d’interdire aux allemands, l'utilisation de nos bases aériennes, navales, et matériels en Afrique du nord.

Il se méfie de l'Angleterre ; souhaite renforcer l'armée française d'Afrique et l'attaque de Mers-El-Kébir ( 3 au 6 juillet 1940 ), le conforte dans son idée que c'est l'Empire français qui sauvera la métropole... Il est persuadé que la revanche contre les ''boches'' se présentera ; il faut la rendre possible par un ''double jeu'' qu'il prête à Pétain. Lui-même soutient la dissimulation d'armements,

Maxime Weygand (1867-1965)

Weygand adore parler histoire et généalogie avec Lancelot ; mi-sérieux ne lui assure t-il pas qu'il est le fils de la princesse Charlotte de Belgique... Bref ! Lui qui était attentif aux ''signes'' ; qu'a t-il pu bien imaginé concernant ses deux accidents d'avion qui ont entouré son séjour à Vichy ? En effet, le 18 mai 1940, suite à un télégramme de Reynaud qui le nommait à la tête de l'armée française, à la place de Gamelin ; son bi-moteur un Glenn Martin, s'accidente à l’atterrissage à Etampes. Weygand s'extraie de la carlingue sans mal … Le 5 septembre 1940, alors qu'il vient d’être nommé délégué général du gouvernement en Afrique française, Weygand effectue à Limoges sa dernière inspection qu'il joint avec un Amiot 143. L'avion rate la piste et va buter contre le bois à proximité. Il est blessé mais le bilan est miraculeux...

 

Lancelot ne souhaite pas rester à Vichy, ni partir vers l'Afrique du nord... Son idée serait d'allier le travail dans les services de renseignements et la radio. Weygand lui propose une mission camouflée dans une branche clandestine des SR nommée Entreprise de Travaux Ruraux, bien que visible ( en faible partie, bien-sûr) en même temps par les allemands dans le Service des Menées Antinationales ( service MA). Cette double casquette lui permettrait de passer de la zone libre à la zone occupée ; et de promouvoir les liaisons radio pour une communication, clandestine, à visée anti-allemande... «  La guerre continue... » répète à l'envie Weygand.

Alors que Weygand est écarté officiellement de son poste de ministre de la Défense nationale ; ce même jour dans l'après-midi, commence le ''Blitz'' ( bombardement allemand massif sur Londres).

 

Raphaël Alibert - ministre de la Justice - proche de l'Action Française, se déclare catholique. Il prend à coeur de mettre en forme les bases du droit antisémite du nouveau régime.

L'époque est aux préjugés anti-juifs ; et l'Eglise, dit-on, les craint depuis le Golgotha. L'Eglise, également, s'inscrit dans la lutte contre la franc-maçonnerie. Les adhérents de la ligue france-catholique, sont disciples de Mrg Ernest Jouin, créateur du terme '' judéo-maçonnique''. C'est l'époque où on évoque la ''question juive '' ; et un bon catholique fait plus référence aux mesures prises par la papauté contre les juifs tout au long de son histoire, qu'aux théories racistes d'outre-Rhin. On craignait, que les allemands s'en prennent aux fortunes juives, avant les français eux-mêmes ! Alibert souhaite, dit-il, imposer une législation autochtone, avant celles des allemands. Il s'agit pour lui, de différencier les bons et les mauvais juifs ; les bons relevant de vieilles familles, dont les aïeux ont servi la France... Cependant, Maurras, ne croyait que l'on pût être juif et français...

Lancelot est presque étonné, et réconforté d'entendre une parole différente, en particulier sur les juifs... Un prêtre René de Naurois (1909-2006) ne craint pas de la porter ; passionné de culture allemande, aumônier lors d'un séjour en Allemagne, de la paroisse française de Berlin, il révèle - à qui veut - la nature réelle et profonde du nazisme ; l'organisation policière, le système de délation; et l'enfermement des juifs dans des camps de concentration.... ; mais... pour en faire quoi ?

L'abbé de Naurois, connaît bien Emmanuel Mounier, et la revue ''Esprit''. Alors qu'il étudiait et passait deux licences, en mathématique et en Lettres, il imaginait avec le groupe de Mounier, une hypothétique « troisième voie » entre capitalisme et marxisme.

 

Le 22 juillet 1940, une loi porte sur la révision des naturalisations obtenues depuis 1927.

Le 25 août 1940, est abrogé, le décret d'avril 39, qui prévoyait des poursuites « lorsque la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants »

Texte du statut des Juifs, annoté de la main de Pétain.

Le 3 octobre 1940, la loi porte sur ''le statut des juifs''. Elle exclut les Français identifiés comme Juifs de la plupart des fonctions publiques et de nombreuses autres professions. Le projet du texte ( daté du 2 octobre), de l’initiative de Vichy, est annoté personnellement par le Maréchal Pétain.

Le 4 octobre, la loi organise l'internement des juifs étrangers... qui fait suite d'ailleurs à des textes de 1938 et 39, de Daladier. Le IIIe Reich, réclamait le transfert des internés, dans la convention d’armistice.

Le 7 octobre 1940, le gouvernement de Vichy abroge le décret Crémieux : les Juifs d'Algérie redeviennent des indigènes ...

Lancelot note que les fonctionnaires qui commentent les nouveaux textes, n'adhèrent pas aux thèses nazies ; pourtant chacun s'empresse de servir, selon ces actes de l'exécutif, ou loi d'exception, puisque le parlement n'est plus en fonction... - Il ne nous incombe pas de nous prononcer sur le contenu de ces mesures, disent-ils...

Pierre G., ( colocataire de Lancelot), quant à lui, exprime nettement qu'il est de son devoir de s’opposer au bolchevisme et au judaïsme pour défendre son pays et sa civilisation. Il s'étonne, s'attriste même, que Lancelot ne semble pas aussi enthousiaste qu'il serait nécessaire.

à Montoire, le 24 octobre 1940

 

Laval avait réussi à imposer à Pétain l'entrevue de Montoire avec Hitler le 24 octobre 1940. Le 15 décembre, un siècle jour pour jour après le transfert des cendres de Napoléon 1er aux Invalides ; Hitler a souhaité faire un présent amical aux français, et Laval imaginait une belle cérémonie, symbole de la fraternisation avec l'Allemagne nazie, pour recevoir les cendres de l'Aiglon. Le Maréchal a refusé, il aurait déclaré à du Moulin de Labarthète : « Si les Allemands croient que je vais m'afficher à Paris, en prisonnier, auprès d'Hitler, ils me connaissent bien mal ! ».. C'est de nuit et par un froid glacial, qu'eut lieu la cérémonie.

 

Seulement, quelques jours avant la cérémonie - à Vichy - les rumeurs, les mouvements entre le Parc et le Pavillon Sévigné signifiaient que quelque chose se préparait. En effet, le 13 décembre 1940, Pierre Laval est congédié par le Maréchal Pétain, et arrêté à la sortie du conseil des ministres.

Le lendemain, discours du Maréchal ; avant que ne réapparaisse, le 17 décembre, Laval libre et reconnaissant envers Abetz et Achenbach, qu'il amène dîner au Chantecler.

 

Lancelot quitte Vichy avec soulagement, et sans-doute le regret de quitter Me Forge et son fils Michel. Il leur dit sa reconnaissance d'avoir pu partager cet enthousiasme scout pour l'aventure, et le souci de garder des valeurs dans une époque où règne la confusion.

C'est dans cet état d'esprit que Lancelot se rend près de Grenoble, à l'école des cadres d'Uriage.

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1940 – Vichy. 4

4 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Brillouin, #Luchaire, #Vichy, #Weygand

Le 18 juillet, Lancelot croise à l'hôtel du Parc, Jean Luchaire qui reçoit un ordre de mission de la part de Laval : sonder les intentions de l'occupant et renseigner le gouvernement français. Luchaire se voit faire le lien entre Laval et Abetz qu'il connaît bien et depuis longtemps. Son idée est de défendre l'intégrité du territoire français sur la base d'une collaboration franco-allemande ; et isoler la Grande-Bretagne.

Jean Luchaire (au milieu)

- Franchement, vous encouragez le gouvernement de Vichy à suivre la voie du national-socialisme ?

- Les Allemands attendent de notre part, « un "Esprit nouveau" » Ils ne se contenteront pas de « l'application d'une politique de coopération », ils voudraient voir la France « dans un état psychologique de national-socialisme »..

 

Pratiquement, à Paris, Luchaire va se mettre au service des exigences allemandes en matière de presse, jusqu'à s'il le faut, appliquer la politique antisémite hitlérienne en France.

Jean Luchaire, est nommé rédacteur en chef du Matin au retour du journal en zone occupée, le 17 juin 1940 ; et en novembre 40, Luchaire fonde le journal collaborationniste Les Nouveaux Temps. Entre temps il prend la tête le 25 septembre 1940, du Groupement corporatif de la presse parisienne … I

 

13 août : Interdiction légale de la franc-maçonnerie.

Léon Brillouin

Lancelot eut la chance d'être invité à un concert organisé par Léon Brilloin et sa femme Stepha ( juive polonaise). Léon Brillouin (1889-1969) est sous-secrétaire d'Etat à la Radiodiffusion nationale depuis sa nomination par Daladier en juillet 1939, et aussi un savant, physicien au Collège de France, spécialiste de la propagation des ondes et de mécanique quantique. Étaient présents de nombreux diplomates, pour écouter en particulier Henri Sczering au violon jouer une sonate de César Frank, puis des morceaux de Brahms et de Bartok. Lancelot revient en ville, dans la Vivaquatre officielle des Brilloin. Dans la conversation, on se félicite – au contraire de Paris - de ne voir à Vichy aucun drapeau nazi, et de ce que les allemands restent discrets.

Léon Brillouin invite à Lancelot, à venir le voir à l'hôtel du Parc pour parler radio...

Le lendemain Lancelot se rend devant le siège du nouveau régime. La personne à l'accueil après vérification de l'identité, lui indique l'ascenseur où l'attend un liftier, le N° de la chambre et de l'étage ( 4ème). Accueilli par Stepha, la femme de Léon, avec du ''vrai'' café, Brillouin rassure Lancelot, ils peuvent parler, ils sont en sécurité....

Brillouin a fait détruire plusieurs émetteurs lors de l'avancée des allemands. La Radiodiffusion nationale dut cesser provisoirement d'émettre sur le territoire le 25 juin 1940, suite à la convention d'armistice. Elle fonctionne à nouveau en zone libre  depuis le 6 juillet.

On a aménagé des studios de fortune, notamment au Grand Casino, et on travaille avec des radios privées ( soumise au contrôle de l'Etat). Il s'agit de promouvoir l'idéologie du régime de Vichy, et l'image du Maréchal Pétain. Il faut rivaliser avec Radio-Paris ( contrôlé par l'occupant allemand) , et surtout avec la BBC à partir de septembre; et sa ritournelle : « Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand ».

On dit qu'il y aurait 5 millions de postes de TSF en France. On y a pu suivre la bataille de France, jusqu'à la déclaration de Pétain : « C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat … ». Combien de français ont pleuré ?

A présent, il est difficile d'acheter un poste dans le commerce ; mais on peut le construire...

Brillouin prévoit l'importance que prendra l'écoute de Radio-Londres, pour faire connaître des informations censurées, soutenir les auditeurs dans la ''victoire finale'' ( on ne perd pas espoir...), et dénoncer la propagande allemande. Il serait nécessaire aussi d'équiper le plus possible les français d'appareils de réception clandestins ; peut-être même s'initier aux messages codés... Ces paroles exaltent chez Lancelot des idées de projets qu'il ne peut se permettre de partager.

Hôtel des Ambassadeurs

 

A Vichy, le spectacle se trouve dans les hôtels, les cafés. Rien de plus réjouissant que de se retrouver à quelques uns autour d'une table. A l'hôtel des Ambassadeurs dans un décor de serre , on est plongé au coeur du monde, chacun s'interpellant dans différentes langues, d'un coin territoire à un autre ; les hispanisants sont les plus bruyants, les monarchies hongroise et roumaine se toisent par l’intermédiaire du comte de Khuen Hedervary, ministre de Hongrie et pour la Roumanie, Dinn Hiott, ambassadeur ; soutenus par leur femme, la belle comtesse Edervary pour le premier et sa maîtresse, pour l'autre. Les diplomates sont les personnages les plus enviés, ici, ils ont le privilège de la ''valise diplomatique'' qui permet aux messages et marchandises de passer outre les règles drastiques imposées par la guerre et les frontières.

Wanda Vulliez

Lancelot a certainement remarqué Wanda Vulliez, correspondante d’une agence de presse suisse, jolie femme très entourée dans le milieu diplomatique qu'elle fréquentait.... Ou, peut-être aussi, une petite femme "mince", au visage "ovale" et au nez "légèrement retroussé". Elle tente – avec son amant le colonel Czerniawski - de mettre en place un réseau de renseignements polonais, bientôt baptisé Interallié, en liaison avec l'IS. En contact avec des responsables français du 2e bureau, elle apprend ses rudiments du métier d'espionne.

Le soir, vêtue d'un manteau de fourrure sombre et d'un chapeau rouge, elle a pour habitude de se lover dans un fauteuil du bar de l'hôtel des Ambassadeurs, où des journalistes, raconte-t-elle, la surnomment "le chat noir", puis ''La Chatte''.

Wanda Vulliez

Il y a aussi, l'élégant hôtel Majestic - où loge la Maréchale, et quelques hauts fonctionnaires - il reçoit autant les allemands de passage, que les invités de la presse américaine qui, un verre de whisky à la main, tranchent par leurs mœurs plus franches.

Les vichyssois ont leur souverain : ils assistent chaque dimanche matin à la relève de la garde devant l’hôtel du Parc, dans l’espoir d’apercevoir le « sauveur de la France ». Quand le Maréchal apparaît, de la rumeur monte des vivats, Pétain salue et embrasse les enfants qui lui tendent des bouquets de fleurs.

 

En cette fin d'après-midi de Juillet 1940, Lancelot profite de ces instants au Cintra, assis pour observer les personnages habituels, comme le ministre de Roumanie, Dinn Hiott, toujours entouré de jolies femmes ; et non loin de là le hongrois Kuhn Edervary, l'homme au monocle. Et, quelle surprise de voir entrer, et chercher du regard une place : Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl.

Les revoir tous les deux, après s'être fâchés et insultés par livres interposés, ramène Lancelot une dizaine d'années en arrière, quand avec Elaine, Drieu leur avait présenté Berl. C'était aussi l'époque où Elaine pilotait Victoria Ocampo dans certains cercles littéraires, et où Drieu avait rencontré cette femme argentine qui fut sans-doute la seule femme qu'il ait aimée et admirée...

Drieu la Rochelle - 1929

Lancelot leur fait signe, et indique près de lui deux fauteuils qui feront leur affaire. Ils viennent tous deux de marcher et discuter deux heures sur les bords de l'Allier. Une discussion cordiale, même s'ils reconnaissent leur désaccord quant à la suite des événements. Berl, compte sur les États-Unis avec la Grande-Bretagne pour résister, les aider, et à terme renvoyer les allemands chez eux. Drieu voit bientôt les nazis à Londres, puis dans deux mois à Moscou, et pourquoi pas à New-York... !

Emmanuel Berl veut rejoindre, à présent sa femme Mireille à Cannes. Il pense abandonner son projet d'une ''Histoire de l'Europe'', faute de documentation. Que faire alors ? - Jouer à la belote, en attendant les jours meilleurs.

Drieu, motivé par sa revanche à prendre, contre un milieu littéraire qui l'a ostracisé, dit-il, veut rencontrer l'occupant pour lui exprimer son admiration et mettre à son service, la culture française...

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1940 – Vichy. 3

27 Février 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #question juive, #antisémitisme, #Bergery, #Pétain, #Vichy

Dès le 20 juillet 1940, Paul Morand ( né en 1888) a choisi de rejoindre Pierre Laval et le cercle d'amis qu'entretient Josée de Chambrun ( fille de Laval) … Il raconte partout qu'il n'a pas apprécié, à Londres, ce général de Gaulle qui l'a ''convoqué'' ; puis sans le remercier lui a ''emprunté '' sa secrétaire Elisabeth de Mirbel, pour taper l'appel du 18 juin... Il n'a pas craint ''l'abandon de poste'' pour venir chercher ici, un poste de ministre ; mais le nouveau ministre des Affaires Etrangères, Paul Baudoin, le congédie...

Paul Morand

Paul Morand estime ''la ruse'' de Pétain avec l'armistice, comme la meilleure décision devant un Reich victorieux.

Morand s'en retourne à Paris, où l'attend une maîtresse qui vient de lui donner un enfant ; et sa femme la princesse Soutzo, d’origine roumaine, germanophile et antisémite convaincue, qui tient salon, dans le prestigieux appartement de l’avenue Charles-Floquet au coeur du 7ème arrondissement parisien.

 

Claude Roy, ancien de l'Action Française, rejoint '' Jeune France '' association chrétienne maréchaliste, pensée par Emmanuel Mounier et réalisée par Pierre Schaeffer, pour porter une politique de rénovation culturelle dans la jeunesse, avec une émission dédié à la Radiodiffusion nationale.

 

Lancelot a eut la surprise de rencontrer Simone Weil, qui a fui Paris avec ses parents le 14 juin, après un premier arrêt à Nevers, elle prévoit de descendre plus au sud, et peut-être même de quitter la métropole. Elle exprime que les français ne veulent pas se battre, et préfèrent dormir dans un semblant de sécurité...

Gaston Bergery à Vichy en 1940

 

Lancelot retrouve Gaston Bergery, au cœur de l'agitation atour du Maréchal. Il est l'auteur d'une déclaration signée par 69 parlementaires de droite, du centre et du parti socialiste, pour réclamer un ordre nouveau, autoritaire, national et social impliquant « un dosage de collaboration avec les puissances latines et l'Allemagne elle-même ».

- Ne doit-on pas craindre l'Allemagne ?

- Il n'est pas dans l'intérêt de l'Allemagne d'écraser la France - répond Bergery – elle souhaite une nouvelle Europe, et nous observe pour connaître nos intentions. Nous devons tenter l’œuvre de réconciliation et de collaboration...

- De quel régime, l'ordre nouveau doit-il se doter ?

- L'ordre nouveau, doit être un ordre autoritaire qui restaure la Nation avec ses provinces authentiques, et son génie propre. Défaite aujourd'hui, la France de demain, sera plus grande que la France d'hier... Nous aurions dû collaborer dès 1919... !

 

Bergery, avec Déat et Chateau ( franc-maçon, comme l'ancien communiste François Chasseigne) envisagent la création d'un parti unique. Il propose de commencer par un Rassemblement pour la Révolution nationale qui pourrait évoluer vers la structure d'un parti. L'Etat a besoin du consentement des français.

- C'est anti-parlementaire ?

- Non … C'est conforme à un socialisme vrai...

Xavier Vallat, autrefois monarchiste, puis rallié à la République par raison, explique à Lancelot, qu'il n'est pas favorable au parti unique :

- Ce serait imiter l'Italie et l'Allemagne, leur situation est différente ayant eu le temps d'élaborer des programmes complets, distincts d'ailleurs... Créer rapidement un parti de toute pièce, n'aurait pas le même dynamisme. En France, l'Etat est tenu, l'Etat c'est Pétain. Nous supprimons le régime des partis.

Finalement, Pétain et Laval s'opposent à ce projet de parti unique...

Vichy semble devenir une laboratoire d'idées ; non pas que la victoire de l'Allemagne soit oubliée ; mais il subsiste le désir d'utiliser ce qui nous reste, et sauvegardé par Pétain, pour se reconstruire et à terme..., se libérer.

La plupart des gens, ici, ne font pas confiance aux Anglais ; on leur reproche notamment l'évacuation de Dunkerque à la fin du mois de mai 1940 et l'attaque britannique, en juillet 1940, de la flotte française de Mers el-Kébir, en Algérie.

 

Le voisin et co-locataire de Lancelot, Pierre G. est tout fier de lui vanter les loi du 17 et 22 juillet 1940, sur la dénaturalisation. Un mois à peine après l'installation du nouveau régime ( il devait y avoir urgence !), celui-ci se presse de réviser les naturalisations obtenues depuis 1927.

Commission de révision des naturalisations

- Cela fait combien de personnes ?

- A peu près un million, quand même...

- Un million de ''mauvais français''... ?

- Des métèques, des juifs. Des étrangers. !

- En quoi sont-ils dangereux ?

- Parmi eux, il y a des communistes, et surtout des juifs... On va s'occuper aussi, des traîtres.

- La déchéance de nationalité du père entraîne automatiquement celle de son épouse et de leurs enfants, n'est-ce pas... ? Ils deviennent apatrides... Que vont-ils devenir... ?

- Il nous faut une fois pour toutes, résoudre la question juive !

 

Cette ''question juive '' dérangent souvent les pensées de Lancelot. Depuis Drumont, puis Céline , Drieu la Rochelle aussi, on agite cette haine jusqu'à l'antisémitisme... Lancelot a bien souvent entendu répéter cette accusation de peuple déicide - qui bien-sûr ne peut satisfaire l'esprit - de non-reconnaissance de la figure christique... Péguy lui-même lie le destin des juifs à celui des chrétiens ( Le Mystère des saints innocents ).

Bernanos dit que le problème juif, n'est pas un problème religieux. Il ajoute : « Il y a une race juive, cela se reconnaît à des signes physiques évidents. S'il y a une race juive, il y a une sensibilité juive, une pensée juive, un sens juif de la vie, de la mort, de la sagesse et du bonheur.» Si cela était ; pourquoi cette haine ?

Plus politique, certains interrogent la « haute banque israélite » ; nous entendons alors les échos d'un Maurras, et de ''tout ce qui se dit...''. Bernanos a rompu avec l'Action Française, Lancelot a suivi l'exemple.

La ''question juive'' est alimentée par les antisémites ; ils agitent « un monstre imaginaire, fantasmatique, dont l’ombre menaçante courait sur les murs, avec son nez crochu et ses mains de rapace, cette créature pourrie par tous les vices, responsable de tous les maux et coupable de tous les crimes. » ( Modiano '' Dora Bruder '' ). Cette image, comme le constate Lancelot, enduit toutes les conversations sur les responsables de la défaite ; s'y ajoutent naturellement, les francs-maçons, les élites, les politiciens au pouvoir...

Pierre G. a son idée : il va plus loin que la seule responsabilité des juifs dans les scandales politico-financiers, il ajoute le délitement d'une société qui préférerait s'étourdir dans les ''congés payés''. Le responsable de la décadence : c'est le Front Populaire : il faudra traduire en justice – et le plus tôt sera le mieux – les anciens ministres qui « ont trahi les devoirs de leur charge » !

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1940 – Vichy. 2

22 Février 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Vichy, #Giraudoux, #Pétain

Pétain devant l'hôtel du Parc

Les administrations ont réquisitionnés les grands hôtels. Lancelot doit fréquemment se rendre au Thermal-Palace ( rue du parc) ; et assez souvent au 4ème étage de l'hôtel du Parc.

Pierre. G. Fréquente également cet étage de l'hôtel du Parc, et surtout l'hôtel Les Célestins qui reçoit les bureaux du S.E. de L'intérieur.

A côté du Thermal-palace, qui abrite le ministère de la défense et de la guerre, se trouve l'hôtel des Ambassadeurs, autre lieu que Lancelot apprécie pour sa table, et pour son ambiance ; et pas seulement pour les trois '' jours avec '' ( avec alcool) qui provoquent de l’affluence.

En suivant les bords de l'Allier, par beau temps ; on peut retrouver une partie de la 'haute société' au bar ''Le Cintra'', où se traite toutes sortes d'affaires... Henry Vuitton, qui fréquente le lieu, va produire en série des objets artistiques à la gloire de Pétain dont les bustes officiels.

Pétain - l'hôtel Thermal

 

Il est frappant de voir partout beaucoup de militaires ; si nombreux, que c'est au point où ''les Ambassadeurs'' semble un mess d'officier. En général ils circulent d'un pas pressé ; on dit '' qu'ils n'ont plus une minute à perdre depuis cette honteuse défaite ''. Mais, et ils le reconnaissent, les militaires sont inexpérimentés en administration. En représailles Weygand fustige tous les parlementaires. Vichy est petit, et le lieu de toutes les rumeurs...

Très vite, chacun prend en compte l'importance que prend le directeur de cabinet de Pétain, un civil, Henry du Moulin de Labarthète. Il exprime son état d'esprit anti-allemand, son soutien à la Révolution Nationale et son rejet de la collaboration. Il va s'imposer jusqu'à contribuer directement au renvoi de Laval, ce sera le 13 décembre 1940.

Lancelot connaît, un peu et de longue date du Moulin de Labarthète, ils ont le même âge. Depuis la Faculté de droit, où il obtient sa licence en 1921. Depuis la Conférence Olivaint, où il apparaît comme un brillant débatteur, en particulier sur la question religieuse.

à droite, Henry du Moulin de Labarthète

 

Lancelot s'est permis, en toute camaraderie, de l'interroger sur la légalité du nouveau régime avec quelques questions sur le rôle du parlement, sur le principe de la séparation des pouvoirs...

Moulin de Labarthète répond sur la nécessité de ce temps de transition qui résulte de la démission de Reynaud, et d'un armistice qui a empêché que « la Wehrmacht dans les huit jours, ne traverse l’Espagne, prenne pied sur la côte du Maroc espagnol, détruise en un tournemain nos divisions d’Afrique du Nord, et donne en six semaines la razzia à nos troupes sénégalaises. »

- Oui, mais Pétain n'a t-il pas outrepassé le mandat qui lui avait été donné en s’attribuant la plénitude des pouvoirs législatif, exécutif, et même judiciaire ?

- Les actes du nouveau pouvoir sont constitutionnels. Nous sommes à présent au départ d'une révolution nationale... Elle se met en marche sous l'autorité seule et entière du Maréchal Pétain. Ensuite, pour ce qui est de l'administration, elle réagit au '' principe de délégation '' qui signifie que l'administration obéit mais ne juge pas du contenu des mesures imposées.

Lancelot prend acte que le nouveau régime est autoritaire, et remplace bel et bien la République.

Le directeur de cabinet de Pétain, estime que la place d'un gouvernement est sur le sol national ; que Pétain refusera d'en faire un ''gouvernement de subordination''... Quant à la voix solitaire de De Gaulle, elle est « sans résonance immédiate. plus aisément dans l’invective que dans la persuasion. »


 

Lancelot s'intéresse à reconnaître en ville, des personnalités connues. Ainsi,Vichy a permis à James Joyce d'être logé à l'hôtel de Beaujolais, 12, rue de Paris depuis avril ; l'établissement étant réquisitionné ; il s'en est allé. Il était accompagné de Samuel Bekett. Sans-doute était-il venu visiter son ancien ami Valéry Larbaud ? C'est en France, grâce à Sylvia Beach qu'il publie Ulysse, en 1922.

Valery Larbaud est né à Vichy en 1881, il occupe un appartement au rez-de-chaussée de l’immeuble d’angle de la rue Nicolas Larbaud ( son père) et de l’avenue Victoria.

Victime d'un a.v.c. en 1935, il souffre d'une aphasie de Broca ; ses facultés intellectuelles ne sont pas altérées ; mais il ne peut s'exprimer qu'avec grande difficulté... Ce dandy, vivait de sa fortune et partageait son temps entre la lecture et les voyages.

Jean Giraudoux

 

Jean Giraudoux a son bureau dans l’hôtel du Parc avec le gouvernement de Vichy en 1940 ; il avait été nommé Commissaire général à l’information par Édouard Daladier, président du Conseil; et le resta jusqu'au 20 mars 1940. Il était présent le 10 juillet, dans le Grand Casino de Vichy, pour assister au vote par l’Assemblée Nationale des pleins pouvoirs à Pétain. Depuis le 29 juin, il partage un bureau de l’Hôtel du Parc, mais il ne joue aucun rôle alors qu'il exprime sa confiance au Maréchal; il sera mis à la retraite le 21 janvier 1941.

Ses soucis sont partagés entre son fils qui a rejoint l’Angleterre et le général de Gaulle, et une ''liaison passionnée '' avec une jeune journaliste, Isabelle Montérou, qu'il a rencontré dans un studio de la radio, lors d'un entretien sur Ondine.

 

Ondine, est cette pièce que Lancelot et sa mère, ont vu au théâtre de l'Athénée le 4 mai. Giraudoux se demandait, de par l'actualité, si les les '' Portes de la Guerre '' allaient s'ouvrir... ( référence à sa pièce de 1935 : La guerre de Troie n'aura pas lieu, créée par Louis Jouvet.)...

Anne-Laure de Sallembier, tout comme Giraudoux le dit, a « l'âme franco-allemande ». Dans Siegfried, on retrouve le drame de ''l'homme sans ombre'' de Chamiso, que connaissent bien Lancelot et sa mère.

Les français ont vu, avec Giraudoux, s'ouvrir les ''portes de la guerre''. Il est étrange, qu'on lui offrit le contre-emploi de faire la propagande de la guerre... ! Il ne sut pas utiliser le langage simple et populaire nécessaire. Son vis à vis ennemi, n'était autre que le brutal Goebbels.

Lors de l'armistice, Giraudoux s'insurge contre la complainte pétainiste de '' nous l'avons bien mérité !'' Cependant Giraudoux hésite, Pétain du fait de son prestige peut être le bouclier attendu contre les conséquences de cette lourde défaite. Giraudoux va se réfugier dans la littérature, et exalter '' la France de l'esprit''.

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1940 – Vichy. 1

17 Février 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Scout, #Signe de Piste, #1940, #Pétain, #Vichy

Le gouvernement quitte Bordeaux le 29 juin, et laisse la place aux allemands. Avec lui, Lancelot arrive à Vichy, le 1er juillet 1940. L’armistice signée le 22 juin, laissait la possibilité de rétablir son siège à Paris, mais Pétain ne le souhaite pas, sans en négocier les conditions. Vichy et ses curistes, est investie - brusquement - par les autorités de l'Etat, ses hauts fonctionnaires, et très vite par par une nuée de journalistes, de quémandeurs, d’ambitieux et d’aventuriers.

Depuis Bordeaux, le désordre règne, mais l'optimisme est de rigueur. Cela va s'arranger... et tout est encore possible, parait-il.

Quel est l'état d'esprit de Lancelot en ce début juillet 1940 ? Il rejoint l'impression commune d'avoir échappé au pire... En ces premiers jours à Vichy, on ressent même une certaine euphorie. Cette défaite ( que l'on voyait venir...) permet d'en finir avec cette situation politique qui nous a mené au chaos. Pétain apparaît comme le chef et le bouclier qui manquaient. La seule crainte est qu'il ne soit pas assez rusé pour contourner ceux qui, déjà, voient dans l'hitlérisme, non pas un ennemi, mais un allié.

Lancelot pense qu'un régime d'exception avec Pétain, ne pourrait être que transitoire. Il est dans l'attente d'un retour à la souveraineté complète de la France après que l’Empire français se soit ressaisi avec l'aide ou pas de l'empire britannique, et peut-être même des Etats-Unis...

Lancelot perçoit - en particulier dans l'entourage de Laval - une autre perspective : celle d'une restructuration européenne sous l'égide d'une révolution nationale-socialiste, en collaboration avec les nazis. Cette possibilité ne peut pas être envisagée, selon Weygand ; ce serait, dit-il, de l’intelligence avec l'ennemi !

Vichy - théâtre du Grand Casino

 

Le gouvernement à peine installé, un communiqué diffusé le 2 juillet convoque pour le 9 les députés et les sénateurs à Vichy, en vue d’une réunion de l’Assemblée nationale.

Le 3 juillet, le désastre de Mers el-Kébir ; est au désavantage de l'idée que l'on se fait d'une possible entente avec la Grande-Bretagne. Dans quel camp sommes-nous ?

Très vite, chacun comprend qu'un homme - Pierre Laval – s'attache à tout prix d'achever un combat qu'il mène depuis Bordeaux : défaire la République. Il a une semaine pour convaincre les présents, à les aider d'imaginer favorablement leur prochaine carrière dans un nouveau régime. Promesse est faite du maintien de leur indemnité et du respect qui leur est du... Laval répète à l'envie : « Je vais avoir besoin de vous ... ». Laval est un bon avocat, les yeux rusés, l'esprit vif, la voix grave. Il vous assure de lui faire confiance, comme Pétain le fait.

L'objectif premier est de réunir '' l'Assemblée Nationale ''- c'est à dire les deux chambres - pour accorder au gouvernement les pleins pouvoirs constitutionnels...

10 juillet 1940

 

Le Grand Casino de Vichy ( style rococo 1901), accueille les séances ; la scène est occupé par le Président de l'assemblée et les secrétaires sur deux tables de brasserie ; devant la niche obstruée du souffleur, une table destinée aux orateurs ; et la salle sert d'hémicycle.

Il s'agit d'abord de présenter un projet et demander à l'Assemblée d'approuver le principe de la révision de la Constitution. Le 9 juillet, sur 666, seuls 3 députés (Biondi, Margaine et Roche) et 1 sénateur (le marquis Pierre de Chambrun) le refusent...

Lancelot assiste à la séance publique de l'après-midi du 10 juillet : l'Assemblée Nationale vote les « Pleins pouvoirs constitutionnels » au maréchal Pétain. Le texte est mis au vote et adopté par 569 voix contre 80 et 17 abstentions. Il est 17h30, on crie « Vive la France ! » ; on vient de déclarer la fin de la IIIe République.

Le 11 juillet, trois « actes constitutionnels » fondent l'État français ; et Pétain s'adresse aux français. Le 12, le quatrième acte désigne Laval comme successeur de Pétain.

Le « chef de l'État français » et le premier gouvernement du régime de Vichy, photo probablement prise en juillet 1940 sur la terrasse du pavillon Sévigné à Vichy. De gauche à droite : Pierre Caziot, François Darlan, Paul Baudouin, Raphaël Alibert, Pierre Laval, Adrien Marquet, Yves Bouthillier, Philippe Pétain, Émile Mireaux, Maxime Weygand, Jean Ybarnégaray, Henry Lémery, François Piétri, Louis Colson.

A Vichy, Lancelot fait le choix de louer un appartement dans un pavillon, au 10 rue du Maréchal Joffre. Une dame et son petit garçon, habitent le rez-de-chaussée, et louent les appartements des étages aux fonctionnaires nouvellement arrivés. Sur le même pallier, emménage également un personnage bien plus jeune, et très ambitieux, Pierre G. …

Le mari de la propriétaire, madame Forge, est retenu prisonnier en Allemagne. Capitaine, il a été envoyé à l'Oflag XB en Allemagne du Nord. Me Forge fait confiance au Maréchal qui assure chacun ici du souci qu'il a du sort des prisonniers.

Son fils Michel, 11 ans, est scout-louveteau, et sa mère est elle-même engagée dans ce mouvement. Lancelot se montre d'autant plus intéressé que le jeune garçon est attiré par l'univers de la chevalerie lié au scoutisme. La loi scoute, comme dit Me Forge, est « comme un rempart infranchissable contre les compromissions, la médiocrité, le mal. ».

Entrée du ministère de la jeunesse gardé par des scouts à Vichy, France en avril 1941.

Henry Dhavernas, commissaire national des Scouts de France est nommé au Secrétariat d’État à la Famille et à la Jeunesse. Le prêtre jésuite Paul Doncoeur devient aumônier national de la route SDF ; il est un correspondant de Mauriac et de Gide, en particulier ; mais sa référence littéraire c'est Péguy. Pour lui, la cause spirituelle de la défaite est à chercher dans l'incapacité à « tenir tout ensemble une religion, une culture et une '' mystique '' tenant lieu de politique. » ; et ce programme, le père Doncoeur en est persuadé, le Maréchal Pétain peut le réaliser.

 

Me Forge est une fervente littéraire et place François Mauriac en tête de ses écrivains préférés ; en effet il consacre plusieurs œuvres à la foi et il excelle dans l'expression des débats intérieurs à propos de l'amour, du mariage, de la jeunesse... Elle nomme ''l'Adieu à l'adolescence'' et également Génitrix, Destins et Le fleuve de feu... Elle lit, en ce moment ''Le nœud de vipères''.

François Mauriac, n'a pas craint de s'opposer à son milieu intellectuel et politique d'origine quand il s'est positionné en faveur des républicains espagnols et des chrétiens de gauche. Actuellement, à l'arrivée du gouvernement de Vichy, il est plutôt séduit par le nouveau régime... Cependant, en 1941, son roman ''La Pharisienne'' opérera une critique implicite de Vichy.

Une autre fois, Me Forge, confie que son livre de chevet, est ''L'Imitation de Jésus-Christ'' : il s'agit d'une œuvre anonyme écrite entre la fin du XIVe et le début du XVe siècles. Cet ouvrage de piété chrétienne, invite le lecteur à se conformer au modèle du Christ pour vivre en bon chrétien, et ne pas vivre « dans le monde », sous peine de s'y perdre. Cette lecture l'aide dans l'actualité présente : La souffrance et la douleur y sont abordées, pour signifier qu'elles sont inévitables, mais qu'elles ne peuvent être vécues de façon chrétienne que si elles sont « offertes » à Dieu.

 

Lancelot offre à Michel, le premier tome des aventures du Prince Eric : Le bracelet de Vermeil ; livre qu'il s'est empressé de lire avant de l'offrir. Michel est alors devenu un lecteur passionné de la suite romanesque écrite par Yves de Verdilhac ( alias Serge Dalens). Ce roman publié en 1937, va lancer la collection '' Signe de Piste ''. Le roman scout met en valeur le rôle du chef, et les valeurs du scoutisme : l’action juste, le comportement franc, la vivacité d’esprit, « par définition, un scout est débrouillard », « pour nous un blessé cesse d’être un adversaire ». ; il n'est pas étonnant que les comparaisons entre les scouts et les chevaliers soient courantes.

« L'époque médiévale offre un décorum fait de châteaux forts avec souterrains, oubliettes, fantômes, bannières, armures et blasons, de commanderie de Templiers et d’églises romanes, les jeunes héros traversent des aventures pleines de mystères, truffées de serments, pardons, sacrifices et initiations. Plusieurs hauts lieux du Moyen-âge, Montségur, l’Alsace des burgs germaniques, ponctuent les moments forts de ces aventures romanesques »

L'occupation allemande va interdire les mouvements de scoutisme en zone nord (ordonnance du 28 août 1940).

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1940 - Le Massilia et l'Armistice

12 Février 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Pétain, #Armistice, #Enigma, #Massilia

Le gouvernement de Paul Reynaud à Bordeaux en juin 1940

Le gouvernement de Paul Reynaud à Bordeaux en juin 1940

Laval, qui loge chez Adrien Marquet le maire de Bordeaux et soutenu par lui, agite le petit monde ministériel pour promouvoir la solution de l'armistice et des pleins pouvoirs à Pétain.

Weygand s'oppose au projet que fait Churchill d'un union franco-britannique. Le Conseil des ministres du 16 juin au soir décide unanimement qu’il faut demander l’armistice.

Le président du Conseil, Paul Reynaud, découragé remet sa démission au président de la République Albert Lebrun. Il lui conseille de faire appel au maréchal Philippe Pétain, le seul à garder le prestige nécessaire, pour lui succéder.

De Gaulle

Le soir, de Gaulle arrive de Londres et va voir Reynaud. Il lui fait part de son retour à Londres. Reynaud lui fait remettre une somme prélevés sur les fonds secrets

 

Reynaud conseille à Lancelot de partir en Afrique du nord. Lui-même, fortement influencé par sa maîtresse Hélène de Portes, se sent soulagé de sa démission; il ne peut assumer la honte de l'armistice, ni des conséquences de la poursuite de la guerre. Il craint que les conditions de l'armistice que vont nous imposer les allemands soient excessifs, même inacceptables... !

Pétain et Laval

Reynaud laisse entendre qu'ils se retrouveront ; les conditions allemandes seront telles, que le président Lebrun devra poursuivre la guerre dans l'Empire...

Le 17 juin, à 0h30, la France pria l’Espagne de bien vouloir transmettre à l’Allemagne sa demande d’armistice. Le Vatican fut contacté à 3 heures pour transmettre une demande identique à l’Italie.

Le 17 juin vers 9h15, de Mérignac, de Gaulle s'évade... Le consul du Portugal délivre des visas à la pelle.

17 juin Weygand est nommé ministre de la Défense et Lancelot se range à son service.

Les nouveaux ministères ont du mal à s'organiser... Il faut attendre que Reynaud passe ses pouvoirs... Enfin, Weygand s'adresse à Lancelot et lui demande où se trouve le sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale de Reynaud, Charles De Gaulle. On lui dit qu'il est reparti pour Londres. Weygand est furieux.

Vers 14h, ce 17 juin, Lancelot entend le message, radiodiffusé du lycée Longchamp (Montesquieu de nos jours), que Pétain prononce : « C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat. »

Chacun sait que la majorité des Français, épuisés et terrifiés, accueillent le discours du héros de 14-18 avec soulagement.

Le physicien Serge Gorodetsky chargé de mettre en lieu sûr les réserves d'uranium - faute d'embarquement possible vers l'Angleterre - est contraint de quitter Bordeaux pour le Maroc, ce jour.

Lancelot reste favorable à ce que le gouvernement, avec le président de la république qui le légitimise, quitte la métropole pour l'Afrique du Nord... Seul Pétain serait habilité à tenter le dialogue avec les allemands.

De fausses informations circulent. Georges Mandel, favorable pour rejoindre l’Afrique du Nord, est arrêté le 17 juin alors qu'il dîne au ''Chapon fin'', et accusé par le clan Laval d’avoir fomenté un coup d'état. L'intervention du président de la République, Albert Lebrun, permet sa libération.

 

Le 18 juin, De Gaulle lance un appel de la radio de Londres ; que peu de personnes entendent.

Lancelot, avec l'accord de Weygand, le nouveau ministre de la défense, remet l'ordre de mission à Halban et Kowarski. Le 18 juin 1940, ils quittent la France à bord d'un navire britannique, le Broompark, sur lequel a été chargée l'eau lourde. Le 20 juin, lorsque la division SS Adolf-Hitler entrera dans Clermont, il est trop tard. Elle ne mettra pas la main sur l'uranium ni sur l'eau lourde.

Lancelot est soulagé de participer à ce premier acte de résistance du nouveau gouvernement... Et d'entendre le nouveau ministre de la défense Weygand, répéter avec complicité à de nombreux interlocuteurs : «  la guerre continue... »

Weygand ordonne au général de Gaulle de revenir en France.

La Luftwaffe

Bordeaux est bombardée par la Luftwaffe dans la nuit du 19 au 20 juin. Le bilan est lourd : 63 morts et 185 blessés.

Edouard Herriot, président de l’Assemblée Nationale, prépare le départ pour l’Afrique du Nord du président de la République, du gouvernement et des députés et sénateurs présents à Bordeaux. En accord avec Pétain, la république dans sa légitimité pourra continuer les combats.

Darlan, annonce que l’embarquement aura lieu sur le Massilia ( 600 places de cabine), le 20 juin, au quai des chargeurs, entre 14h et 16h..

Lancelot inscrit sur la liste des passagers hésite à partir sans l'accord de Weygand. Celui-ci, se doit de rester comme ministre ''militaire'' auprès de Pétain. Lebrun, Chautemps, Herriot, Jeanneney quitteraient la métropole.

Laval et Marquet, demande à Pétain de refuser cette scission du pouvoir et convoquent les parlementaires à 18h, le but étant d'en retenir un maximum ; finalement à 21h, seule une poignée de députés et sénateurs embarquent à bord du transatlantique le Massilia.

Finalement, Darlan reste, il évoque même la lâcheté de ceux qui cherchent à partir ; et en emmenant avec lui la Marine, il rend impossible un armistice. Albert Lebrun, Édouard Herriot, ne partent pas. Blum non plus, empêché par un contretemps de rejoindre les parlementaires

Le 21 juin, Le Massilia lève l'ancre avec vingt-sept parlementaires, aux côtés de Pierre Mendes France ou de Jean Zay, Edgard Pisani, Édouard Daladier, Georges Mandel...

Le même jour, Weygand prend connaissance des conditions d'armistices décidées par les allemands : elles surprennent... Elles évitent ce que la France ne pourrait accepter : la livraison de la Flotte, l'occupation totale du territoire métropolitain, l'installation des Allemands dans l'Empire.

L’armistice est signé le 22 juin, à 18 heures 50 (heure d’été allemande).

Le 23 juin, Laval est nommé Ministre d'Etat et Vice-Président du Conseil.

Le Massilia arrive à Casablanca le 24 juin. Les passagers du Massilia, sont désignés comme fuyards et traîtres.

Le 24 juin, Lancelot est chargé, de transmettre au colonel Rivet, et au capitaine Paillole, l'accord de Weygand à ce que et les cadres du contre-espionnage organisent dans la clandestinité, la lutte contre les services spéciaux ennemis : « la guerre continue...» ! Le Service de Renseignement va se couvrir de structures comme le Bureau des Menées Antinationales, et l’entreprise des Travaux Ruraux (T.R.), et sa mission reste la lutte contre l'occupant. Ce jour réunis au séminaire de Bon Encontre, près d'Agen, Rivet et ses collègues font le serment de «Continuer la lutte contre l'envahisseur».

Enigma

Le bureau du chiffre, avec Gustave Bertrand ( et sa machine Enigma) , même si son unité ( le PC Bruno) est dissoute, se replie près d'Uzès. Des fonds secrets lui permettent d'acheter le château des Fouzes. Avec des cryptologues polonais, ils reconstituent un Service d'Interception radio et de décryptage, appelé le PC Cadix.

 

Le 28 juin, l'ancien président du Conseil Paul Reynaud est victime d'un accident de voiture dans lequel sa maîtresse, la comtesse Hélène de Portes, trouve la mort.

La ville de Bordeaux est déclarée ville ouverte par le maréchal Pétain. Des postes munis de drapeaux blancs sont installés aux entrées de la ville. Après que le commandant allemand de la place de Bordeaux, prenne possession de la ville ; Lancelot suit le gouvernement et quitte Bordeaux pour Vichy.

 

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1940 - La guerre et l'énergie nucléaire ( l'eau lourde)

6 Février 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1940, #Eau lourde, #Joliot-Curie, #Weygand

Je rappelle que Lancelot est chargé de la liaison entre les secteurs de la Défense et les ministres ou leur cabinet. Lancelot établit des rapports le plus souvent confidentiels, voire secrets sur des conclusions établies par nos Services de Renseignements et se doit de les annoter et les rendre abordables par des non-spécialistes.

Irene et Frederic Joliot-Curie vers 1935

C'est ainsi qu'il est devenu un temps l'interlocuteur administratif de Irène et Frédéric Joliot-Curie, physiciens ( Nobel 1935).

Et, je profite des documents et notes de Lancelot pour rappeler l'importance du travail de ce couple de physiciens.

Frédéric Joliot et sa femme, Irène Curie ont mis en évidence avec d'autres ( allemands en particulier) la fission de l'uranium, c'est-à-dire l'éclatement du noyau de l'atome sous l'impact d'un neutron, avec un dégagement d'énergie considérable. Ils sont allés jusqu'à constater un phénomène qui déclenche une réaction en chaîne et, par là, la production d'énergie atomique. Pour ralentir cette réaction en chaîne, Joliot opte pour l'eau lourde.

Le ministre de l'Armement Raoul Dautry soutient et approvisionne le laboratoire d'oxyde d'uranium ( UO2) et d'eau lourde.

En urgence, lors de l'invasion de la France, notre stock d'oxyde d'uranium, 8 tonnes dans les sous-sols du Collège de France, est envoyé en 130 caisses, à Clermont-Ferrand, villa Clair-Logis, 85 rue Etienne Dolet, où se sont repliés Irène et Fred. Joliot-Curie ; avec leur documentation et travaux de recherche. Le 18 juin minerai et papiers sont chargés à bord de trois camions Citroën P45 qui rejoignent, sur les routes de l'exode, Bordeaux. Le minerai est chargé le 20 juin sur le cargo Île de Brehat à destination de Casablanca. A noter que , l'uranium naturel est peu radioactif.

Précédemment, au mois de Février 1940, Joliot-Curie s'inquiète : L’eau lourde, élément indispensable à la recherche atomique, est produite exclusivement en Norvège. Impossible de la laisser aux mains des nazis.

Qu'est-ce que '' l'eau lourde '' ?

L'eau lourde ( D2O ou oxyde de deutérium) est une molécule d'eau composée d'oxygène et de deutérium (isotope de l'hydrogène, à la densité plus élevée.).

« Pour réduire la vitesse de tout ou partie des neutrons émis, on introduit au sein de la masse d’uranium, des éléments très légers tels que l’hydrogène ».

Pourquoi n'utilise t-on pas de l'eau ordinaire ?

Effectivement, l’eau légère nous offre de l’hydrogène et de l’oxygène facilement accessible, et à profusion.

« De plus, la masse du neutron étant (presque) égale à celle du proton, le ralentissement est idéal avec l’hydrogène (constitué seulement d’un proton). Ainsi, l’eau légère ralentit mieux les neutrons que l’eau lourde... Mais, si l’eau légère ralentit mieux les neutrons, elle les absorbe trop pour obtenir une réaction en chaîne avec de l’uranium naturel. »

Aussi, on remplace l'hydrogène par du deutérium.

Pour obtenir de l'eau lourde, un procédé d’électrolyse permet d’isoler l’eau lourde présente en quantité infinitésimale dans l’eau légère (une molécule D2O pour 41 millions de molécules H2O).

L’usine de Vemork ( à 120 kilomètres d'Oslo.) de la société Norsk Hydro en Norvège est la seule au Monde à en produire en quantité industrielle

Le danger, est que nous avons que l’Allemagne nazie mène un programme nucléaire depuis avril 1939 (Uranprojekt) et souhaite également mettre la main sur ce stock.

 

Lancelot contacte Jacques Allier fondé de pouvoirs à la Banque de Paris et des Pays-Bas (devenue Paribas) et chargé des relations avec la société Norsk Hydro dont la banque est actionnaire majoritaire

Le 20 février 1940, le ministre de l'armement Dautry – en présence de Lancelot - a convoqué Frédéric Joliot, et Jacques Allier, mobilisé à la direction des poudres . Il confie au Deuxième Bureau la très délicate mission de prendre les Allemands de vitesse et de rapatrier ce stock norvégien.

 

Le 4 mars, Allier rencontre le directeur de la Norsk Hydro favorable aux alliés, et conscient de la menace nazie ( et alors qu'il a refusé de le vendre à IG Farben une société allemande ) ; il accepte un ''prêt avec option d’achat'' de la totalité du stock d’eau lourde, soit environ 185 kg.

L’eau lourde est répartie en 26 petits bidons, et transportée à Oslo ( 10 mars) dans la légation française ; puis envoyée à Amsterdam - mais cela est une fausse information diffusée - en réalité elle voyage pour Perth en Ecosse le 12 mars; puis Edimbourg, Londres et arrive à Paris le 16 mars.

Daladier démissionne après un vote de défiance du parlement, considérant le soutien, de la France à la Finlande, insuffisant. Reynaud est nommé, le 22 mars 1940, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense.

Le 9 avril 1940, l'Allemagne envahit la Norvège puis le Danemark.

Le 10 mai, c'est autour de la Belgique, des Pays-Bas et de la France.

Le 15 mai, Reynaud est persuadé de la déroute, « nous sommes battus, nous avons perdu la bataille ! »

Joliot confie à son collaborateur Henri Moureu le soin de transporter l’eau lourde vers Clermont-Ferrand.

Le 16 mai, les bidons d'eau lourde sont à Clermont-Ferrand, et enfin à l'abri de la prison de Riom.

Maxime Weygand est nommé le 17 mai 1940, par le président du Conseil Paul Reynaud, commandant en chef de l'armée française en remplacement du général Gamelin.

A Paris, le 3 juin, la Luftwaffe bombarde les usines Renault et Citroën. Il y a près de 200 morts.

Le 6 juin, Reynaud cumule la présidence du Conseil, la Défense ( avec De Gaulle comme secrétaire d'état), les affaires étrangères. Le 10 juin, le gouvernement se replie sur Tours et les environs.

Des tonnes d'archives, ont déjà été déplacées. Lancelot et les responsables de cabinet de Reynaud ont rejoint à la porte d'Orléans le cortège de voitures officielles. Elle profitent de leur statut pour doubler le flux de gens ordinaires. Lancelot ressent une certaine honte de se dire que les ''responsables'' profitent de leur autorité pour rejoindre l'arrière, plus vite que ceux dont ils ont la charge...

Le 12 juin, Joliot rejoint Clermont-Ferrand avec le stock français de radium ☢ (1,5 grammes)

Pourquoi le radium ? : « Afin d’amorcer une réaction en chaîne, des sources de neutrons, appelées “source de démarrage”, sont parfois nécessaires. Des émetteurs α comme le radium peuvent être utilisés comme sources de neutrons. »

 

Weygand est à Briare, où se tient le 13 juin, un conseil de guerre Interallié, avec Winston Churchill. Weygand évoque la possibilité de l'armistice. Reynaud et le conseil s'y refusent : il faut continuer le combat, jusqu'au bout, éventuellement à partir de l'Afrique du Nord.

Le 14 juin, les troupes allemandes entrent à Paris.

Ce même jour le président du conseil et ses ministres prennent la route en direction de Bordeaux.

Lancelot est chargé de transmettre un ordre oral du ministre Dautry, qui propose à l’équipe Joliot la mission de se rendre à Londres avec les 26 bidons d’eau lourde, dans le but de poursuivre au Royaume-Uni les travaux menés jusque-là en France.

Joliot hésite, mais ne peut se résoudre à quitter la France. En France, il a le Collège, son matériel ; et surtout Irène ne veut pas partir, ses enfants sont en Bretagne. Langevin a rejoint Toulouse.

Weygand, Baudoin, Reynaud, et Pétain

A Bordeaux : Le 15 juin, Weygand rencontre Reynaud, Lancelot est présent, le président du conseil lui fait part de son choix, d'amener le gouvernement en Afrique du Nord pour y poursuivre la lutte; pendant que le commandant en chef capitulerait. Weygand exprime son opposition, au nom de l'honneur des drapeaux dont il est le garant. Il veut sauvegarder le prestige de l’armée française qui n'a pas démérité... Lancelot, rappelle la proposition de son ministre de ''couvrir'' la capitulation d’un ordre écrit ; Weygand maintient que la cessation des hostilités comme l'entrée en guerre sont l'affaire du gouvernement ; il laisse entendre que si les ministres pensent '' jouer les héros à bon compte en quittant la métropole'' ; ils risquent davantage d'être qualifiés de fuyards...

A Bordeaux règne une cohue indescriptible. Sa population a triplé, et plus de mille fonctionnaires cherchent à s'organiser. Lancelot, profite des locaux qui hébergent l'entourage de Reynaud, rue Vital-carles.

Devant l'avancée allemande, Bichelonne directeur de cabinet du ministre Dautry, signe le 16 juin, l'ordre de mission qui permet  à Hans von Halban et Lew Kowarski de gagner la Grande-Bretagne avec le stock d'eau lourde français ; et le remet à Lancelot. L'eau lourde est chargée dans des camions à destination de Bordeaux.

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