La "conversion" d'Ignace de Loyola -3-
« Inigo », de François Sureau ( 2010 ) est le récit d'une conversion, d'une aventure intérieure qui a lieu de 1521 à 1523, d’une tourmente spirituelle à une époque charnière où l’ère chrétienne, médiévale et féodale, bascule dans la Renaissance, autrement dit dans la modernité.
C'est dans sa chambre de convalescent qu'« Un matin, il s’aperçut que le Roi d’Espagne ne lui suffisait plus. Ni le roi ni sa cour, ni ses généraux ni ses prêtres : ils n’étaient que des hommes arrêtés à mi-chemin et qui se satisfaisaient de peu de chose. Ils portaient de l’or et de la pourpre, mais vivaient d’arrangements, comme le moindre des fermiers du Guipúzcoa. Il passa tout le jour à chasser cette pensée, qui revenait sans cesse. » (p. 74)
Jacopo TINTORET 1518-1594 Conversion Saint-Paul
Quel est l'objet de sa conversion, sachant qu'Ignace n'était pas un païen, mais un chrétien du passé, d'une foi reçue mais non choisie … Sa « conversion » n'est que l'amorce d'un long et douloureux cheminement où vont alterner illuminations, visions, pleurs, doute, désespoir, lassitude..etc
« Une nuit qu’il ne pouvait plus prier en silence tant sa confusion était grande, il se mit à hurler en appelant Dieu au secours. Il lui disait n’avoir trouvé aucun remède chez les hommes ou en lui-même. Il suppliait que Dieu lui montrât ce qu’il devait faire pour être délivré. Il se dressait éperdu devant le Créateur, et d’une voix inhumaine lui promettait de suivre même un chien, si c’était ce qu’il devait faire. Réveillés par le bruit, deux frères dominicains, alarmés, vinrent frapper à sa porte. Il ne leur ouvrit pas. Il était au-delà de la charité des autres. Il n’avait plus confiance que dans ce Dieu invisible qui s’était pourtant retiré de sa vie. » (p. 130)
« L'appel de Dieu n'a pas contredit cette nature, mais l'a poussée, en la purifiant, à son point d'aboutissement »
Jacopo Robusti, dit Tintoretto, en français Le Tintoret, (1518 - 1594) |
«Dieu vient chercher les hommes là où ils sont nés et tels qu’ils sont» (p. 15). Il prendra Inigo avec sa violence, son désir de gloire et des femmes, son goût du bonheur aussi. Nul saint n’a choisi de devenir saint. Inigo cherche la joie, «avec le pressentiment d’une vie plus grande cachée sous l’autre» (p. 63)
« Il comparait ce qu’il avait lu et ce qu’il avait vécu », indique François Sureau, soulignant par là l’originalité de ce qui deviendra la méthode ignacienne : un regard libre sur une expérience éprouvée. Il lit saint Augustin et saint Benoît. « Il ne s’agissait pas de se conformer aux traditions pour trouver sa place dans un monde qui n’était chrétien qu’en apparence »
Ignace devient pauvre avant de devenir saint, Inigo vit d’errances et de mortifications. « D’où tenait-il que Dieu lui avait demandé de pareils sacrifices ?» se demande l’auteur. L’orgueil prévaut dans les macérations. Et la prière, Inigo l’apprend : « On se tait en présence du roi. Il voulait se taire en présence de Dieu. La plupart des mots que prononçaient les hommes étaient inutiles, et les autres étaient impurs.»
Le Tintoret, La Cène (Ultima cena), 1594, Basilique San Giorgio Maggiore de Venise |
Plus qu'une conversion, Inigo vit une libération de ce qu'il croit être, à la lumière de l'expérience … La liberté est indissociable de l'appel de Dieu. Il s'agirait, dans l'idéal, de confirmer le projet que Dieu a sur nous. Se libérer de ce qui n'est pas moi, pour que j'existe enfin !
Ce qu’a appris Inigo, on le retrouve dans l’œuvre de Simone Weil : on ne se rend pas libre par un effort de volonté mais au contraire par la passivité, l’abandon à l’amour de Dieu.
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François Sureau est un écrivain français né en 1957 à Paris, avocat, énarque, anciennement maître des requêtes au Conseil d'État. Il est également le cofondateur et codirecteur de la Revue française d'économie. il est également président fondateur de l'association Pierre Claver, aidant les personnes déplacées par force de leur pays d'origine et trouvant refuge en France.
L’auteur qui avoue en fin de livre « Les mitres et les chasubles ne m’ont jamais plu et tout cet appareil processionnaire où l’orgueil des hommes se complaît, dans lequel ils me paraissent prostituer Dieu à leur désir de gloire, et par lequel ils maintiennent les peuples dans une crainte révérencielle qui justifie à mes yeux l’athéisme le plus incommode ».
J'ai retrouvé [chez Ignace] un écho du Rimbaud de l'errance, qui était mû, écrit Bonnefoy, par le
« double désir d'un corps et d'une âme, d'un salut et d'une liberté dans le salut ». C'est par là, je crois, qu'Ignace m'a touché d'abord, avant même que je le
connaisse mieux. Que l'humiliation fût un moyen d'y parvenir, cette idée si étrangère à nos contemporains ne m'a pas rebuté. Quiconque a tenté de garder les yeux ouverts après
la trentaine sait sur quoi se fonde l'estime de soi et l'estime des autres et ce qu'elles valent. Que l'on pût vouloir s'en priver, comme Ignace l'avait fait, ne m'a pas
étonné. La conversion, entendue au sens non seulement d'une illumination mais aussi d'un exercice, lui avait rendu visible cette espèce de fluide du mal, qui s'insinue partout, et dont nous
pouvons freiner, ou au contraire accélérer, la circulation. Il avait compris qu'il dépend de chacun que l'empire du mal s'étende ou se réduise; je parle ici du mal
concret autant que du mal moral, de la guerre comme du mensonge, de la faute secrète et des spectacles auxquels j'ai assisté en Bosnie ou en Afghanistan et qui m'ont rendu Ignace très
proche, parce qu'il donnait du mal, non pas une explication - ce serait, dit Augustin, voir les ténèbres ou écouter le silence - mais une description utile et réaliste. Et cette description
était encourageante. Que l'homme se montre oublieux de sa filiation divine, qu'il laisse le désordre des illusions l'emporter, alors il cesse d'être libre et créateur, et le
mal conquiert de nouveaux espaces, de nouvelles âmes.C'est la victoire de la mort, une sorte de dé-création. Qu'il se souvienne, se discipline et réponde à l'appel qui
lui est adressé, il devient - fût-ce au prix d'une rude ascèse - celui en qui Dieu lui-même peut se reconnaître, parce qu'il collabore aux mille aventures d'une Création qui préfigure le
Royaume. Serviteur inutile, sans doute, mais serviteur conquérant et, d'une certaine manière, joyeux.
p. 146-147 François Sureau, Inigo |
L'attente de Qui ?
« L'Avent » : nous attendons le Seigneur... Dans quelques jours, nous n'attendrons plus : il sera là … ! Il y de la logique, du bon sens … et quelque chose qui me gène pour avancer... ? J'attendrais Dieu ? Non.. ! Il est là, présent …
Il s'agit en fait d'une erreur de perspective...
Un message posté sur le blog d'Orfée45 , trouve les mots...
Bien sûr ! L'attente de Dieu : c'est Dieu qui attend !
" L’attente de notre venue à nous, vers Lui. Mouvement qu’il attend, en retour, qu’il attend tellement, aussi patient dans l’attente qu’il est lent à la colère.
Et si le Temps n’était que … l’Attente de Dieu ? L'une de ses expressions... " |
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L'avent, c'est peut-être aussi, une pédagogie divine : Dieu qui se fait attendre, pour en éprouver le « manque »...
Il y a aussi l'attente – façon Simone Weil - « elle y voyait la vigilance du serviteur tendu vers le retour du maître. Ce titre exprime aussi le caractère inachevé qui, à cause même des nouvelles découvertes spirituelles qu'elle fit alors, tourmentait Simone. » ( cf Préface de JM Perrin )
De l'épée au savoir, avec Ignace de Loyola ( 1491-1556) -2-
La quête d'Ignace de Loyola commence par une expérience de conversion, au double sens du terme.
D'une part une
découverte nouvelle de Dieu et d'autre part un changement dans sa manière d'appréhender l'existence. Bref, un changement de direction au cours de sa marche.
Dans sa poitrine bat un nouveau cœur: non plus celui d'un soldat, mais celui d'un moine-chevalier. Avant de quitter sa chambre de malade, il fait le vœu d'être l'esclave, le champion, le
chevalier errant de Marie. Elle est la Dame de son cœur: en bon chevalier, il se rend au sanctuaire de la Vierge à Montserrat, où il dépose ses armes devant sa statue et veille toute la
nuit.
Sa référence reste la chevalerie, et celui qu'il sert est - le Christ ... Il décide de ne pas manger d'autre nourriture, de ne pas porter d'autres vêtements que ceux de son Roi, et de supporter les mêmes épreuves et les mêmes veilles. Abandonnant son panache et son armure, son épée et son bouclier, il revêt une cape de mendiant. Il se retire dans la montagne à Manresa, où il vit quelque temps dans une grotte obscure. Là il se livre à toutes les pénitences et à toutes les mortifications pratiquées par les premiers anachorètes dont il veut imiter la sainteté. Un jour on le trouve gisant à l'entrée de la grotte, à moitié mort.
Si l'habit du pèlerin a remplacé celui de l'hidalgo, les conflits sous-jacents sont loin d'être réglés. .. Les Exercices spirituels, mis au point à ce moment-là, en portent la marque : le narcissisme du soldat entièrement donné au service de son roi fait place au narcissisme du saint, enrôlé sous l'étendard du roi céleste. A l'époque, le monde était au pèlerinage et plus particulièrement vers Jérusalem. Pour inaugurer cette vie nouvelle, Ignace se fait pèlerin.
Grotte d'Ignace de Loyola, à Manresa
Après le pèlerinage en Terre Sainte, émaillé de quelques éclats passionnés dus à son caractère... Ignace désapprend enfin ses rêves. Avec la certitude que Dieu est présent et travaille ce monde, il va chercher ses traces vivantes au cœur des hommes de son temps.
Il sera désormais habité par la question " Quid agendum " Que faire ?
Il décide, pour mieux conduire les âmes et accomplir sa nouvelle mission, de reprendre et de poursuivre ses études. En effet, partager l'audace de son temps, c'est prendre l'outil de son époque ( non plus l'épée... ) mais le savoir. Il sait que le Seigneur Dieu lui donne rendez-vous là où s'instruisent les hommes qui préparent le monde de demain. Ignace passe du Moyen-Age à son temps, et sa manière de faire ce passage donne naissance à une spiritualité, une manière d'aller à Dieu et d'être du monde, et à une pédagogie.
Pour Ignace de Loyola, rien ne se vit hors du monde. Le monde est le lieu où l'homme puise ses richesses, où l'homme est appelé à poursuivre l'œuvre de création. Ignace à une vision du monde qui le lui fait aimer.
De la chevalerie, à Ignace de Loyola ( 1491- 1556). -1-
Perceval, rêve de devenir chevalier. Le chevalier est un être fait de chair et de désir, son idéal prend racine dans la défense du droit et de la paix, dans la défense du faible et du pauvre … Le chevalier exalte les valeurs masculines mise en œuvre dans les « épreuves » auxquelles il lui tarde d'être confrontées :
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Le voyage et ses dangers. L'errance et la rencontre
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Le combat : la fureur et la paix. La force et la peur. La beauté et la mort.
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L'énigme et le savoir. La naïveté et la sagesse.
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La solitude et le désir. L'amour et la liberté...
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L'honneur, et le mystère. Le coeur et l'épée.
Cette Quête, le chevalier- même solitaire - ne peut l'accomplir sans la rencontre du féminin.
Ce chemin est profane et sacré, mythique et mystique … Dans la figure d'Ignace de Loyola, la mission du chevalier rejoint les missions de l'Eglise. Ses armes, sont celles de Jésus-Christ, et son épée est la Parole.
La Rendición de Granada (dos de enero de 1492) por Francisco Pradilla y Ortiz, 1882
Le parcours que je décris, bien qu'ancré dans la chair d'une époque, est mythique en ce qu'il s'attache à un idéal. Le chevalier est mu par l'idéal. Malheureusement l'histoire est aussi marquée par les dérives des passions humaines...
Iñigo López de Loyola est né en 1491, presque en même temps que Luther ( 1483-1546) , un an avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. C'est l'aube de nouvelles découvertes et de nouveaux défis...
Ses parents lui ont appris la foi, mais ce monde en déclin ne le retient pas... Il préfère profiter de ses dons, chérit son épée et les « donzelles ». Inigo (il choisira plus tard de s'appeler Ignace ) est basque, tout pétri de bravoure et de sensualité, il rêve de devenir un héros d'un roman de chevalerie... Il a deux passions, la guerre et les femmes. Sa passion de la guerre le mène à Pampelune. Le 20 Mai 1521, il est frappé par un boulet français projeté dans la place assiégée tenue par Ignace, il lui brise la jambe. Ignace doit alors se rendre aux Français. Fier et courageux, il doit cependant se soumettre. C’est là le début de sa quête et celui de de sa conversion.
C'est l'apprentissage de la douleur... Trois fois on va rouvrir ses blessures dans d'atroces souffrances. Ignace de Loyola va-t-il rester boiteux? Est-ce possible? Ce serait alors fini ce ton altier et sa prétention d’être quelqu’un. Et, les femmes ; se détourneront-elles en l’apercevant?. Peut-il accepter ainsi de souffrir, de continuer une vie inutile, à commencer par longue période de convalescence ?
Au château familial il n'existe qu'une seule sorte de livres, des vies de saints et la vie de Jésus... . Son père et sa mère sont morts, mais il y a la présence attentive et affectueuse de sa belle et pieuse belle-sœur Magdalena. Il aurait bien préféré un roman de chevalerie. Qu'importe ! Il en commence un dans sa tête. Il sculpte les nuages du rêve. Il bâtit des châteaux en Espagne. Il monte des coups, surtout le coup qui lui vaudra de devenir le mari fascinant d'une certaine princesse.
Mais fatigué de rocambolesque, il ouvre des vies de saints: des moines et des ermites du désert thébain et du massif du Sinaï. Son imagination s'enflamme en les voyant braver la faim et le froid avec une si parfaite maîtrise d'eux-mêmes. Il s'émerveille d'apprendre comment ils arrivent à se dominer et à lutter contre des esprits méchants. Il admire les visions glorieuses et les récompenses insignes dont ils sont gratifiés: n'ont-ils pas gagné pour toujours le respect des hommes, en même temps que la félicité et la dignité céleste? ... La citadelle qui résiste maintenant c'est son propre cœur, encore confisqué par la gloire du monde. Il découvre l'histoire de Jésus; surpris, il apprend aussi que c'est une histoire d'amour. Cette histoire d'amour le conduira vers le service d'un « autre » toi : Dieu.
Dieu serait-il inutile ?
Dieu est incompétent pour résoudre nos problèmes quotidiens... Peut-on, d'ailleurs, lui reprocher les dérèglements
de l'univers ?
Et l'inutilité d'une chose, peut induire une certaine indifférence … ( D'une chose oui, mais de l'être … ? )
Dans nos sociétés sécularisées, il est incontestable que Dieu a perdu un certains nombre de fonctions :
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La science légitimement peut rejeter l'hypothèse de la « cause première » …
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L'homme (seul) peut progresser en « humanité » ; à tel point que croyant ou incroyant, nous avons à assumer notre condition humaine, comme si Dieu n'existait pas : Dietrich Bonhoeffer du fond de sa prison de la Gestapo disait qu'à l'époque moderne, il s'agit de vivre devant Dieu l'absence de Dieu dans le monde...
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Sur le plan social, malheureusement une certaine théologie a légitimé un certain ordre social... Et depuis l'époque moderne, l'institution ecclésiale n'est plus une force de progrès social .. !
L'avantage d'un tel constat, est de pouvoir facilement rejeter toute image d'un Dieu-explication de toutes les énigmes, un Dieu recours et manipulé … ! Il est trop facile de définir Dieu comme la réponse à toutes nos attentes.
Aujourd'hui, nous préférons parler de « gratuité », plutôt que d’utilité de Dieu... Gratuit vient de « grâce »... La grâce ne se quantifie pas, la grâce est de l'ordre de la « beauté », du « plus » que le nécessaire ...Plus que le nécessaire, parce que l'on peut découvrir alors l'au-delà de la contingence éphémère, l'au delà du non-être ...
Dieu ne répond pas aux besoins contingents … !
Illustrations de Igor Morski
Éloges de la multiculturalité...
« Une mobilité humaine accrue brouille les anciennes frontières – culturelles, linguistiques, religieuses ou autres – et compose un nouveau paysage aux lignes mouvantes et aux formes contrastées. Ce phénomène, tout en permettant une meilleure prise de conscience de la richesse de la diversité culturelle, a en même temps accru les malentendus et les crispations identitaires, ainsi que les amalgames nés des ignorances, des préjugés, des humiliations, des frustrations, des ressentiments et des peurs. En découle la spirale des tensions, de l’insécurité, d’une vulnérabilité partagée, de la violence, des conflits et parfois des guerres."
Katérina STENOU, directrice de la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel, Unesco
"Ce que nous devons absolument rejeter, c’est cette idée que l’universel s’identifie à un type particulier de société. Il n’y a pas de société bonne, encore moins de société parfaite, et il faut arracher toutes les racines,
même les plus profondes, d’une pensée qu’on pourrait qualifier de
coloniale."
Alain TOURAINE,
sociologue
"À mon sens, le mot
communautarisme, lorsqu’on l’emploie de manière négative, ne peut que se rapporter à une communauté qui s’enferme tellement sur elle-même qu’elle finit par se faire du mal, tout en étant
tellement sure de sa vérité qu’elle veut l’imposer partout à l’extérieur, parfois violemment. Mais tant qu’elle ne fait pas ça, je ne vois pas en quoi une communauté serait
dangereuse."
Raphaël LIOGIER,
sociologue, directeur de l’Observatoire du religieux - IEP d'Aix
"L’expression « culture minoritaire » est un problème en soi, parce que il n’y a pas de culture minoritaire. Toute
culture, pour celui qui la détient, est une culture égale à la culture dominante. Le terme minoritaire identifie la culture de l’autre à une culture minorée."
Esther BENBASSA, historienne, sénatrice du Val-de-Marne
"Ce n’est pas la diversité cultuelle qui mène au multiculturalisme, au communautarisme, mais la
mauvaise gestion de la diversité religieuse, convictionnelle. On a pourtant un très bel outil en France, pour gérer cette diversité convictionnelle, qui est le système juridique de la laïcité. En
effet, la laïcité n’est pas une idéologie, mais bien un système juridique, permettant à chacun de dépasser sa conviction pour construire un projet commun et avancer ensemble. « On peut croire, ne
pas croire, croire en ce qu’on veut, changer de croyance » tant que la manifestation de cette conviction n’entrave pas la liberté de conscience de l’autre. Je parle de consciences et non de
religions, pour bien inclure les athées et les agnostiques. "
Dounia BOUZAR, anthropologue du fait religieux, directrice du cabinet Cultes et cultures
"Car il n’y a, pour moi, de vrai interreligieux que si cet interreligieux est au service de l’interculturel. L’interreligieux en vase clos est très dangereux. Mais l’interreligieux au service de l’interculturel, pour construire ce monde mondialisé et interdépendant, est un défi indispensable à relever. Il ne s’agit pas de faire de l’interreligieux comme un bricolage folklorique où chacun étale ses excentricités, ses rituels ou autres. Il ne s’agit pas seulement, même si c’est nécessaire, de faire un effort de connaissance envers l’autre ou d’entamer des discussions d’ordre théologique. Il s’agit de créer et d’entretenir entre nous un appétit véritable pour la religion de l’autre, pour l’approche que l’autre fait de Dieu. Et cela afin de construire ensemble, interreligieux, une espérance pour tous, interculturelle." GuyAURENCHE, président du CCFD-Terre solidaire
"La religion, comme disait Wittgenstein, est comme une langue. Et il n’y a pas plus de religion universelle que de
langue universelle. Une religion universelle en soi, ça n’existe pas. Une religion s’inscrit toujours dans un contexte historique. Elle peut prétendre à l’universel, mais c’est une prétention. La
langue n’est jamais l’objet. Ce qui fait que Dieu, dans les traditions religieuses, échappe toujours aux religions, au langage. Toutes les religions reposent sur une révélation, mais aucune
religion n’est révélée. Si elles reposent sur une révélation, qui est un postulat de foi, toutes les religions dans leur construction théologique, exégétique reposent sur une culture, sur de la
contingence. Dieu est donc finalement l’absent de toute langue."
Rachid BENZINE, politologue, Observatoire du religieux - IEP
d'Aix
Attente... un avent de quoi ..?
Edward Hopper: Une attente qui semble sans espérance |
« Une idée d'orage hésite au bord du ciel clair. Le matin s'arrête en route il a oublié sa faux.
Le chemin s'arrête, il doute. » Jean Grosjean. ( Aube. ) |
Quand la beauté s'absente, ce n'est pas la laideur qui prend sa place, mais son absence: ce qui reste de la beauté lorsqu'elle s'est retirée, ou la trace de Dieu, après que la foudre se soit abattu sur notre âme...
- Les tableaux sont de Bernard Fichera -
Poète, traducteur de la Bible, Jean Grosjean est né le 21 décembre 1912 et a travaillé comme ouvrier avant de reprendre ses études secondaires, notamment latin et grec et d'entrer au séminaire. En effet dès 1920, il découvre la Bible qui restera tout au long de sa vie un pôle très important, Bible qu'il traduira et qui sera une source d'inspiration majeure pour son œuvre poétique. Il est ordonné prêtre en 1939, mobilisé. Il est fait prisonnier et rencontre André Malraux au camp de Sens. En 1950, il quitte la prêtrise et se marie. Il est mort le lundi 10 avril 2006.
Foi, espérance et Amour.
La foi, l'espérance et l'amour ; me semblent trop puissantes pour mes possibilités d'action ; et trop fragiles face aux passions de ce monde …
Pour ma part : je sais qu'elles sont là... mais je m'en débrouille si mal … !
La Foi, la Charité et l'espérance de Fra Filippo Lippi, Ghirlandaio
Les trois vertus théologales sont la foi, l’espérance et la charité. Elles tirent leur origine de la fameuse trilogie paulinienne en 1 Co 13, 13 : « Maintenant donc, ces trois-là demeurent, la foi (pistis), l’espérance (elpis) et l’amour (agapè) mais l’amour est le plus grand. » Elles sont nommées théologales pour la raison qu’elles qualifient la relation de l’homme à Dieu.
Maurice Denis: les 3 vertus à l'issue de la guerre. |
Les « vertus théologales » sont des dispositions que Dieu met en notre âme, elles sont trois et se réfèrent à la Trinité :
- la Foi : don de Dieu, qui appelle une réponse de l'homme
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l'Espérance :
- le mal ( la souffrance, la mort …) n'aura pas le dernier mot..
- Et, .. "Un Dieu qui aurait une réponse immédiate à toutes nos soifs ne serait pas un Dieu de liberté". Antoine Nouis
- L’espoir s’estime à l’aide de la raison. L’espérance se vit sous le regard de la foi !
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la charité ( l'amour) :
Hannah Arendt, dans ses vies politiques raconte l’histoire suivante à propos de Jean XXIII : « Le Vatican payait ses ouvriers un salaire de misère malgré la doctrine de Rerum Novarum de Léon XIII. Jean XXIII se promenant demande à l’un d’eux comment cela allait, et l’autre lui répondit que ça allait mal vu le peu qu’il était payé et le nombre de bouches qu’il avait à nourrir. Le Pape qui pensait avoir le pouvoir de changer les choses alla voir ses cardinaux pour améliorer le sort des ouvriers se vit répondre qu’on ne pouvait faire face à de nouvelles dépenses sous peine de rogner dans les oeuvres de charité. Le Pape répliqua alors imperturbable qu’il fallait rogner car la justice passe avant la charité »
Au-delà des collines, un film de Christian Mungiu
Deux jeunes filles qui s’aiment et se protègent de l’hostilité du monde dans le nid si peu douillet d’un orphelinat roumain. Adultes, Voichita (Cosmina Stratan) rentrera dans un humble monastère orthodoxe, Alina (Cristina Flutur) tentera sa chance en Allemagne. L’une a trouvé sa liberté auprès de Dieu et une famille auprès des nonnes, l’autre a gagné son indépendance, mais s’avère incapable de se détacher des liens qui l’unissent à jamais à celle qu’elle aime et désire toujours. Alors, elle se rend au couvent pour visiter et ramener avec elle cette religieuse qui est plus qu’une sœur pour elle. Cette irruption passionnée va semer le désordre dans ces ordres, au point qu’Avina sera considérée comme possédée par le Malin…
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Inspirés de faits réels, Au-delà des collines relate une tragique histoire "d’exorcisme" qui va mal tourner.
Mungiu montre, mais ne dénonce pas un obscurantisme religieux. En partageant – au travers d'un film dépouillé - , un peu de leur vie ascétique, on se surprend à comprendre chacun des protagonistes : - ces pauvres bougres de religieuses qui, tentent de protéger la communauté monacale, ces deux jeunes filles habitées de leurs pulsions de survie d’orphelines roumaines, ce pope habité de sa dénonciation rétrograde de l’emprise de Satan sur le monde moderne… Aucune musique ne vient enjoliver le récit, et c'est donc tout le génie du cinéaste de conter en images sombres dans un décor fruste, sans que l'on s'ennuie un seul instant ...
Du vrai cinéma, du moins une certaine forme de cinéma : -. la puissance de la mise en scène de Mungiu, sa capacité à observer, à laisser vibrer ce qui habite les corps, à attendre l’instant où davantage de sens, et surtout davantage de présence, émane de l’écran.
Au-delà des collines n’est pas un film sur la religion, il pose la question de l'action, du libre arbitre, dans un contexte particulier ...et curieusement : à la toute fin du film, la femme médecin qui croit pouvoir juger la situation, nous paraît à côté d'une certaine « vérité » .. !.
Peut-être, aussi, s'agit-il au-delà de cet étrange triangle amoureux, un film sur la Roumanie actuelle, sa misère morale héritée de l'époque communiste..
Prix de l'interprétation féminine: Cannes 2012
L'année de la Foi
« Avoir la foi, c'est croire dans quelque chose que je ne peux pas maîtriser, seulement espérer, qui me vient d'ailleurs. » P Alain-Christian Leraître,
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La foi n'est pas qu'une conviction transmise par l'expérience familiale, sociale …
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La foi n'est pas seulement une expérience ...
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La foi n'est pas une certitude, une évidence … un savoir.
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La foi … n'est pas de l'ordre de l'avoir... « on l'a, on ne l'a pas... on la perd » …
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La foi, ne se réduit pas à un condensé dogmatique comme le Credo... « la foi est Quelqu'un » Madeleine Delbrêl
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La foi ne s'apprend pas, mais elle s'enseigne... Elle n'est pas une somme de connaissance, mais elle est connaissance … ! ( un peu comme l'Amour … ? )
La foi, pourrait être :
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une démarche, une dynamique … une « force intérieure » qui porte.
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« Croire, c'est s'appuyer solidement sur ... » le P. Bezançon
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On peut croire au progrès, à l'amour de sa femme, à l'efficacité de la politique, ou de son génie … Pour un chrétien : la foi, est : « la réponse libre de l'homme à l'initiative de Dieu qui se révèle » ( catéchisme de l'église catholique)
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Acte d’adhésion individuelle, avec une dimension collective, parce qu'elle rejoint la réponse des générations qui nous ont précédés et des croyants d'aujourd'hui.
Sources : « La Croix » du 1er décembre.