Créer « des passerelles entre les chrétiens et la société »
Je reviens de Strasbourg ( Etats généraux du christianisme ), et je me suis régalé !
Et je ne parle pas de la beauté de la ville: diverse ( la petite France, les quartiers « allemands » ...etc) et cosmopolite... Bien sûr, nous n'avons pu participer qu'à une infime partie de tout ce qui s'est passé... Les ateliers que j'ai fréquenté étaient bondés, et passionnés :
-
D'abord le grand forum : « Y a-t-il une seule vérité ? »... J'ai beaucoup apprécié Marie-Jo Thiel, qui insiste sur le fait que personne ne peut posséder la Vérité … Ouf ! Elle se rencontre, tout au mieux …
« Le discours chrétien n’est pas exhaustif et suffisant, il a besoin du discours et du témoignage des autres. Un seul chemin ne suffit pas à accéder au grand mystère de la vérité ». L’accueil de la différence est pour Enzo Bianchi un des défis pour les chrétiens dans les temps à venir.
-
« Le goût de vivre : grâce ou décision », le philosophe Yann Martin y a été particulièrement humain. J'ai noté la même racine pour les mots - saveur - savoir et sagesse … Ces trois mots se tiennent.
-
« Évangélisation et interreligieux sont-ils incompatibles ? » ; avec Samuel Grzybowski ( cofondateur de Coexister) et Raphaël Cornu-Thenard ( président Anuncio), qui ont extraordinairement témoigné de leur foi, et de leur ardent désir de rencontrer et dialoguer leur concitoyen. Très beaux témoignages … !
-
« Jusqu'où peut-on débattre dans l’Église catholique ? » : Très bon débat, sans concessions … ! entre le dominicain Thierry-Dominique Humbrecht, et le sociologue Olivier Bobineau... Bien sûr, ce dernier a emporté mon adhésion, et celle de la majorité de l'assemblée semble t-il …
-
Le samedi soir, un grand forum a regroupé « trois pointures » autour de l'image ( artistique) du visage du Christ... : Elisabeth Parmentier ( théologienne réformée), Fabrice Hadjadj ( écrivain, et philosophe, catholique ) et Bertrand Vergely ( philosophe, orthodoxe ). Très, très riche … ! Je retiens ( entre autres …) sur l'icône : L'icône n'est pas une peinture, c'est une « écriture »... Il y a le monde , et celui qui le regarde. Le plus fantastique, c'est la Présence du troisième point de vue : le Regard qui voit mon regard sur le monde, et par qui j'existe en train de regarder le monde … ( hum …. difficile !)
-
Et puis, il y a la rencontre des « Amis de La Vie », avec qui nous avons mangé...
-
Et tout ce que nous avons manqué : « Méditer est-ce bien chrétien ? » ; transmettre la foi, mission impossible ? » ; « Changer l'homme et le monde, une illusion ? » ; « Doit-on encore se battre pour la croissance ? » ; « Les femmes sont-elles condamnées à seconder les hommes ? » : ...etc et quantités d'autres thèmes de société, ou de spiritualité, avec de nombreux débats « insolents » … du cinéma, de la « grande musique » ...etc
Vraiment Bravo, et merci aux organisateurs …
*****
Les années « trente » : Simone Weil, de Beauvoir, et Colette Peignot -2-
Bataille et sans doute Dora Maar, eux, étaient bien présents, dans ces manifestations antifascistes de février 34. A cette époque, Bataille a sans-doute beaucoup rencontré Simone Weil. Il la connut assez pour en faire le personnage de Lazare dans son roman Le Bleu du ciel, il aurait dit de Simone Weil qu'elle était « plus fêlée qu'elle ne le croyait elle-même ». Ce propos est rapporté par Laure Adler, dans la conclusion de son récit biographique...
Bataille
et Colette Peignot deviennent amants en 1934, alors que Colette est avec Souvarine.
Simone Weil est très liée au couple Boris Souvarine-Colette Peignot ; et ensuite mêlée de très près à la dramatique rupture entre Boris et Colette. Après sa fugue de l'été 34, Colette se réfugie chez Simone Weil. Le docteur Weil ( le père de Simone ) fait hospitaliser Colette dans une clinique. Les deux femmes se connaissent bien ( voir correspondance ).
![]() |
Simone Weil ( 1909-1943 ) |
![]() |
Colette Peignot ( 1903-1938 ) |
![]() |
Souvarine ( 1895-1984 ) |
Grâce à Souvarine, Simone Weil obtient sa première embauche comme ouvrière dans une usine du 15ème ar. Boris et Simone se virent souvent et entretinrent une correspondance régulière.
Colette Peignot et Simone Weil semblent si … opposées, enfin ...apparemment. Colette place sa révolte dans l'absolu d'un amour consumé, humilié, traversé. « Je veux boire votre sang à votre bouche », disait-elle à son premier amant, Jean Bernier, un ami de Drieu et des surréalistes. Dès 1927, c'est une suite d’errances et de sanatorium... Elle est à Berlin, avec Edouard Trautner, un médecin et poète expressionniste, ami de Brecht... Ensuite, elle partage la vie de Boris Souvarine, l'ancien compagnon de Lénine, qui représente la pureté communiste face aux dévoiements staliniens. Il l'envoie à Moscou recueillir des preuves à charge contre le régime ...
Peut-être est-il osé de rapprocher celle qui provoque anonymement les hommes dans les trains de nuit, avec son amie « la vierge rouge ». Leur point commun serait l'ascèse. Ne partagent-elles pas une même conception de la souffrance ( comme valeur cognitive) et, au fond, cette volonté d'être des « parfaits » face aux « pharisiens ». Il leur arrivera, à l'une comme à l'autre, d'écraser dans leur paume une cigarette allumée.. !
En 1938, la tuberculose se réveille. Colette Peignot ( la "Laure" de G. Bataille ) meurt à 35 ans.
« Laure, la sainte de l'abîme », d'Elisabeth Barillé
|
Lycée Molière 1937: Bianca Bienenfeld et Simone de Beauvoir à côté. © Famille Segal |
Simone de Beauvoir enseigne au lycée Molière ( Paris ) de 1936 à 1939 ; elle en est renvoyée suite à sa liaison avec Bianca Bienenfeld. Beauvoir voit son premier roman Primauté du spirituel, écrit entre 1935 et 1937, refusé par Gallimard et Grasset (il paraîtra en 1979 sous le titre Anne ou quand prime le spirituel). Dans le récit : Chantal, jeune professeure, voit sa vie comme un roman dont elle serait l'héroïne, se berçant de spiritualité et d'illusions, totalement déconnectée du réel.Simone de Beauvoir constate l'influence néfaste du spiritualisme sur les jeunes filles engoncées dans une société sclérosée, elle dénonce des vies gâchées; on y sent la fin d'une époque où la femme n'est qu'un objet obéissant, qui se sacrifie pour les autres.
Du rêve sur du papier: Rodney Smith
Rodney Smith se définit comme un “photographe de paysages. Qui place des gens au milieu des paysages. Un réaliste qui distille du rêve sur le papier.”
« Les cultures américaines et occidentales sont enracinées dans l'indifférence, le détachement et la misère. Moi, je veux que les gens voient plutôt les choses belles, agréables et amusantes que nous offre la vie. »
Une touche de Magritte, et ses compositions se basent sur le monde classique de la symétrie et de l'équilibre.
Son père était le fondateur de la maison de mode « Anne Klein » et sa vie familiale tournait surtout autour de la mode.
Il rechercha une signification plus profonde à la vie et passa son temps à philosopher sur des questions
existentielles. À force de chercher, il commença des études de théologie à l'université de Virginie. Il continua ensuite à la Yale Divinity School où il passa une licence de théologie. C'est
pendant les années qu'il passa à Yale qu'il commença à s'intéresser à la photographie. « J'ai souvent été voir les grandes expositions au Museum of Modern Art de New York où j'ai compris que la
photographie pourrait devenir la manière que j'utiliserais pour exprimer les sentiments qui m'habitaient. »
Le célèbre photographe Walker Evans, qui était également professeur à Yale, fut la personne qui jeta les fondations de l'éducation photographique de Rodney Smith. « La formation était purement classique. Nous ne photographions qu'en noir et blanc et toujours avec la lumière disponible. Je travaille toujours comme ça aujourd'hui. J'utilise même le même type de pellicule et le même appareil. »
« Mon ambition est de faire un bon travail sensé et c'est ce dont je suis particulièrement fier. Je développe et je tire manuellement en respectant une procédure élaborée avec soin afin de produire un résultat parfait. La qualité du tirage final a une grande importance à mes yeux. C'est le résultat de tout ce que j'ai fait et vu comme œuvre d'art. »
«Ça peut paraître un peu vieux jeu, » dit-il, « mais je dois uniquement mon succès à mon dur travail et ma persévérance continue. Je suis quelqu'un de très méticuleux et je recherche la beauté dans les détails. On peut appeler ça une obsession mais je pense que ça devrait plutôt être considéré comme une chose normale. »
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
les États généraux du christianisme 2012, à Strasbourg
Aujourd'hui, commencent les "États généraux du christianisme 2012". Je suis à Strasbourg pour y participer.
Réunir
intellectuels, décideurs économiques et politiques, hommes d' Église, personnes de la société civile, artistes, autour de questions volontairement provocatrices, c'est l'ambition de ces États
généraux du christianisme qui souhaitent affirmer avec audace que le christianisme peut répondre aux interrogations et aux aspirations des chrétiens, mais aussi de tous nos contemporains.
Une trentaine de débats pluralistes
Le désir est-il fidèle ? La sécurité au prix de notre liberté ? Peut-on réussir sa vie ? L’entreprise a-t-elle une âme ? Faut-il défendre l'Église à tout prix
?
Psy ou philosophe, homme d'affaires ou femme de lettres, prêtre ou pasteur, dominicain ou jésuite, avocat ou artiste, scientifique ou cinéaste, économiste ou
bibliste, croyant ou athée... En deux éditions, nous avons reçu plus de 200 intervenants d'envergure locale et nationale venant de tous horizons. Ci-contre : Christine Pedotti, Conférence des
baptisés de France et Vincent Ribeton, supérieur de la Fraternité St-Pierre, édition 2010, débat : "Changer l'Eglise oui, mais dans quel sens ?"
3 grands forums, qui rassemblent près de mille participants
Faut-il avoir peur ? Qu'avons-nous fait de l'amour ? Chrétiens, réveillez-vous ! (2011) Quelle présence chrétienne dans le débat public ?
Notre vie a-t-elle un sens ? Évangéliser, annoncer la foi,
est-ce provoquer ? (2010)
Sur les grandes questions de société, de vie humaine et d'Église, ces grandes plénières donnent le ton de chaque édition.
Des ateliers corps et prière, pour s'initier à une pratique en petits groupes
Danse, méditation, sophrologie, gestuelle... La découverte de la prière corps et âme, en puisant aux différentes traditions.
La Nuit du christianisme, dans une église en ville et en lien avec les mouvements
Une grande traversée de la prière chrétienne de 20 h à 8 h du matin : gospel, offices monastiques, prière de Taizé, adoration, office orthodoxe, témoignages, « moment vocation ». Une véritable odyssée de l'âme !
Les années « trente » : Simone Weil, de Beauvoir, et Dora Maar -1-
Début des années 30, la crise économique est suivie – en France –
d'une crise politique avec une défiance pour la classe politique impliquée dans les scandales financiers
![]() |
Le 6 février 1934: les camelots marchent sur l'Assemblée Nationale |
( et qui ne se renouvelle pas, malgré l’instabilité de la 3ème république) et d'une crise sociale... Devant la montée des extrémismes, de la xénophobie et de l'antisémitisme ; comment se situent les intellectuels, ou les élites artistiques … ?
M'interrogeant ainsi, à un siècle de distance ; j'observe, dans ce décor, en plus gros plan, les biographies de trois femmes d'exception : Simone Weil, Simone de Beauvoir et Dora Maar , cette dernière regroupant plusieurs destinées à l'intérieur du surréalisme …
Les trois jeunes femmes se sont peut-être rencontrées, au cours de manifestations en février 1934, après la marche contre la Chambre des Députés, des ligues de droite du 6 février 1934. Et, c'est par l'intermédiaire de l'association d'extrême-gauche, Masses, soutenue par Simone Weil, que Dora Maar rencontre Georges Bataille membre de cette association depuis octobre 1933. André Breton, dans cette association rédige un tract « Appel à la lutte » pour réagir au coup de force des camelots …
Même si, Simone de Beauvoir ( et Sartre ) - et de son propre aveu - a été aveugle à toute politique pendant les années trente...
![]() |
![]() |
Simone de Beauvoir et Sartre 1929 | Bataille est un homme hanté par la mort et la souillure, dont la vie est faite d’un mouvement « de va-et-vient de l’ordure à l’idéal et de l’idéal à l’ordure » |
A l'opposé, Simone Weil et dès l'Ecole Normale Supérieure, est surnommée « la vierge rouge » par le directeur Célestin Bouglé , qui la décrit comme un mélange d'anarchisme et de calotine. Elle ne fait pas l'unanimité, ni auprès du corps enseignant, ni auprès des autres élèves... Dans son dossier d'inscription à l'école, le philosophe Alain avait écrit : « Excellente élève ; force d'esprit peu commune ; ample culture ; réussira brillamment si elle ne s'engage pas dans des chemins obscurs ; dans tous les cas sera remarquée »
![]() |
![]() |
Simone Weil | Dora Maar |
Simone de Beauvoir se dit intriguée par sa condisciple, " à cause de sa réputation d'intelligence et de son accoutrement bizarre... Une grande famine venait de dévaster la Chine, et l'on m'avait raconté qu'en apprenant cette nouvelle, elle avait sangloté : ces larmes forcèrent mon respect plus encore que ses dons philosophiques."
Elle écrit encore dans ses « mémoires d'une jeune fille rangée » : «Tout en préparant normale, elle passait à la Sorbonne les mêmes certificats que moi. Elle déambulait dans la cour de la Sorbonne escortée par une bande d'anciens élèves d'Alain. Je réussis un jour à l'approcher. Je ne sais plus comment la conversation s'engagea : elle déclara d'un ton tranchant qu'une seule chose comptait aujourd'hui sur terre, la révolution qui donnerai à manger à tout le monde. Je rétorquai, de façon non moins péremptoire que le problème n'était pas de faire le bonheur des hommes, mais de trouver un sens à leur existence. Elle me toisa : on voit bien que vous n'avez jamais eu faim, dit-elle ! Nos relations s'arrêtèrent là ».
Voir aussi:
L’attention selon s. weil - «Quand on fait vraiment attention à quelque chose, de toute son âme, cette chose se donne à vous».
S. Weil… Loin d'une religion « consolatrice »…
S. weil… Loin d'une religion « consolatrice »… - Comment avec le Christ, est-on passé d'une religion au service des besoins de l'homme ( consolatrice ), à une religion qui élève…
Respecter, tolérer... n'est pas dialoguer !
Si parmi les ennemis du dialogue, beaucoup nichent parmi les fidèles des diverses religions (1)... Certains
apparaissent là où, nous ne les attendrions pas ….
(1) Je pense en particulier au « piège de la prétention à l'universalité » ( D. Gira ), qui induit le trouble du mépris … Ainsi, sur les « Droits de l'homme » faut-il entendre qu'une certaine réalité ( que nous ne connaissons pas ) nous demande de prendre en compte une série différente des droits de l'homme, de la femme … et des peuples ( que nous oublions …)
Bien sûr, il s'agit ici de « dialogue »... Nous ne sommes pas dans une configuration de « négociation » ! Laissons-nous interroger par les valeurs de l'autre, et questionnons-le sur nos valeurs …
Dennis Gira se sert de la chanson « Imagine » ( 1971) de John Lennon, pour débusquer un « ennemi » au dialogue, et qui pourtant part de bons sentiments ...
L'idéal évoqué dans la chanson consisterait à vivre dans un monde, sans pays, sans religion... et donc semble t-il, plus aucune
cause au nom de laquelle les hommes pourraient tuer ou mourir. Nous connaissons les responsabilités des états et des religions... Et pourtant, ceux qui se sentent riches de leurs convictions, de
leur héritage culturel et intellectuel, peuvent ainsi se sentir méprisés...
Ainsi Gira, prend l'exemple d'Auroville ( près de Pondichéry ): expérience qui m'a d'ailleurs fasciné dans les
années 70, puisqu'elle consistait à mettre en pratique les enseignements de Sri Aurobindo ( 1872-1950)...
Sur la charte d'Auroville, apparaît cette mise en garde : « Quiconque est fortement attaché à une religion spécifique, dans le sens d'une volonté d'engagement et de pratique, s'apercevra qu'il n'est pas à sa place à Auroville....
Les religions divisent les peuples du monde, alors qu'Auroville vise à bâtir l'unité ».
Intéressant... pour débattre !
Si mon expérience chrétienne n'est d'aucune utilité, si elle « dérange » … Je ne me considère pas « respecté ».
Aussi, La formule « tolérante » d'une laïcité « dure » est à mon avis, un obstacle au dialogue.
Dialoguer, ne consiste pas -seulement- à « respecter » ou « tolérer » l'autre ; mais à être convaincu que l'autre a quelque chose d'important à nous dire ; et que nous tenons à le découvrir.
Le « mystère » de la pluralité des religions
Le père Coffy ( L'Église, signe de salut au milieu des hommes, Lourdes 1971, Éditions du Centurion, 1971. ) nous indique que l'on aura besoin, pour saisir la portée théologique du dialogue interreligieux, d'envisager la pluralité des religions non pas seulement comme un fait, mais bien comme un mystère, un sacrement.
Le cardinal Etchegaray, lors de la rencontre interreligieuse de Rome, à l'automne 1999, décrivait cet événement comme étant
"bien plus qu'un simple lever de rideau, [
] mais comme le premier acte [du Jubilé], entraînant l'Église à approfondir le sens
de sa mission au sein de la caravane humaine où la pluralité des religions s'impose comme un fait et encore plus
comme un mystère."(La Documentation Catholique 2250, p. 572)
A noter : « Le mystère a ceci de particulier qu'on ne peut le cerner, en faire le tour ; et que par conséquent il est inépuisable. » ( Croire.com) . On n'a jamais fini d'en faire le tour .. ! Un mystère, en théologie, ce n'est pas fait pour être résolu, mais pour être habité.
« Dire que la pluralité des religions est un mystère, c'est aussi reconnaître qu'aucune théologie ne pourra maîtriser par des formules ce qui est
vraiment en jeu dans le dialogue parce que ce dialogue est d'abord le lieu où Dieu lui-même nous fixe un rendez-vous. ... »
- « Paul VI le disait dans Ecclesiam suam : "Le climat du dialogue, c'est l'amitié ; bien mieux, c'est le service." En effet qu'est-ce que l'amitié, sinon l'acceptation profonde et joyeuse des différences, dans l'infini respect d'une irréductible altérité et l'audacieux engagement à une réciproque et fraternelle interpellation, toujours tournée vers l'avenir ? »
- « Cela signifie aussi qu'un vrai dialogue laisse à la vérité de Dieu le soin de convertir de l'intérieur les fausses images que chacun se fait de la vérité. C'est en cela qu'il est aussi service. Alors résonne avec plus de netteté cette phrase du concile Vatican II que le père Coffy aimait citer : "La vérité ne s'impose que par la force de la vérité elle-même, qui pénètre l'esprit avec autant de douceur que de puissance." (Dignitatis humanæ, 1 )
Source: Jean-Marc Aveline, directeur de l'Institut catholique de la Méditerranée ; avril 2004
Le « dialogue », un chemin pour l'Eglise.
Depuis Vatican II, l’Église reconnaît ( il était temps … ! ) ne plus être l'unique dépositaire de la totalité de la vérité révélée.
La connaissance de la Parole - par la Bible et la Tradition - n'épuise pas ses richesses, et la Foi implique sans cesse une recherche de la vérité...
Si « la religion » exprime le plus souvent l'effort que fait l'homme pour tendre vers une connaissance du
divin... Le message de Jésus, ( Christ et divin... pour moi : catholique ), exprime la primauté de l'inverse : c'est le divin, lui-même, qui vient ( et de quelle manière.. !
) vers l'humain : non pour juger, mais dans la simplicité d'une vie partagée ...etc
Ceci est essentiel, car il signifie que le dialogue est affirmé à la naissance même du christianisme. Revenir à cette source, c'est fonder une spiritualité sur la notion même du dialogue interreligieux, du dialogue inter-culturel et même philosophique .
Dieu "en quête de l'homme", pour reprendre la belle expression du philosophe juif Abraham Heschel.
Aujourd'hui, si Dieu est vivant dans mon « prochain », c'est qu'il a à me dire quelque chose de Lui-même.
Ainsi, si le « deuxième testament », témoigne que les chemins de Dieu vers les hommes sont toujours adaptés à la situation culturelle, sociale, religieuse, areligieuse, athée, de chacun ; c'est à nous aujourd'hui de permettre encore une fois, que ce dialogue continue...
C'est le pape Paul VI qui affirme que c'est bien parce que Dieu, pour se révéler, ne s'y est pas pris
autrement qu'en engageant avec l'humanité un dialogue, que l'Église, pour correspondre à ce geste de Dieu, est tenue d'engager avec l'humanité un dialogue. ( Ecclesiam suam 72-79)
Nous savons, par expérience, qu'une religion courre le risque de devenir plus un écran qu'une voie vers le témoignage et le message divin...
Le dialogue interreligieux est - particulièrement aujourd'hui - une aide dans cette ouverture à Dieu, qui vient à nous, cette recherche de Dieu qui est à notre recherche... C'est le reconnaître au travers de voies différentes.
Art et vision avec: Bernardien Sternheim
Le baiser:
Bernardien Sternheim est née en 1948 à Amsterdam. Au centre de son œuvre : l'humain, dans toute
sa vulnérabilité, dans des situations de confrontation …
Elle s'exprime avec réalisme, au travers de peintures narratives et des portraits...
Elle donne au spectateur des indices, mais c'est à nous de rechercher dans un espace qu'elle laisse à notre imagination. Un thème revient : l'histoire d'amour, et ce qu'elle devient … Ses portraits relèvent des émotions plutôt universelles, comme la tristesse, la solitude, l'éphémère de la beauté, la relation avec son propre corps et les relations avec les autres.
Sternheim a été formée à l'AKI à Enschede. Elle peint depuis l'enfance. La peinture est une obsession pour elle, mais elle le fait avec plaisir.
La structure d'un tableau se fait de manière intuitive. C'est un travail direct et passionné. Elle n'a aucune idée préétablie dans la tête de ce qu'elle va faire. Cela se pose naturellement.
Après la conception schématique, elle peint avec des pinceaux de plus en plus fins. Cela nécessite beaucoup de concentration, ensuite l'effort se transforme en méditation.
Escalator
*****
Faust - ou, la Beauté ne sauve pas le monde ...
Je viens de « subir » une présentation du mythe de Faust en visionnant le film d’Alexandre
Sokourov, librement adapté de Goethe.
Raconter une histoire, n'est pas ici le but du cinéaste ; et s'en tenir au scénario ne rendra pas compte de ce film … Des images, parfois splendides - mais j'ai souffert du choix du format - dans lequel elles s'entremêlent dans un carré d'écran, format pas très cinématographique ( à mon avis …) et étouffant … (dominante de marrons, de verts et de bleus, avec une furie de nuances qui donne le tournis) et l’anamorphose qui l’accompagne … pesant! ).
Nous sommes dans un monde, un village de damnés, où personne ne semble croire en Dieu … Le mondes des hommes est décrit dès le début par quelques plans "sublimes" ( certes ...) … Ça pue, c'est laid, c'est « mortel » …
Le décor, l'image … sont à mon avis ce qui sert le mieux le personnage principal : Satan, lui-même, en pleine et hideuse chair... Le diable est usurier prêteur sur gage. Après sa rencontre avec Faust ( savant, mais affamé, perdu et sans un sou …), nous les suivons inséparables, dans un monde en chute libre, où règne le chaos, ennui et confusion... dans ce monde à la Bruegel ou Altdorfer; l'enfance, la vie, l'amour n'ont pas droit de cité ...
![]() |
![]() |
Le dessein de Sokourov, est-il de remonter aux sources du mal ?
Méphistophélès submerge de paroles Faust, et le renvoie sans cesse à son impuissance première. Le « beau » visage rond de Marguerite, fait oublier quelque peu l'absurdité du non-sens d'une telle vie.. Mais, le meurtre - téléguidé par le diable - du frère ( non aimé) de la jeune fille; rend ce désir encore plus honteux ... Même si Faust, lui, perd au fur et à mesure toute culpabilité..
![]() |
![]() |
Au début du film, Faust est avide de savoir : - réflexion autour du verset de Jean « Au commencement est le Verbe », avec la correction : non, au commencement était l'action … ! Puis, ce désir de connaissance est ravalée au rang de la libido – sous forme de concupiscence coupable - Serait-ce là l’origine de tous les maux des hommes.. ?
En ouverture, nous subissons ce plan d'un sexe masculin d'un cadavre … auquel répond ( peut-être ? ) ensuite le plan du mont de vénus de Marguerite bien vivante … Dans la scène du lavoir, les images - emplies de la beauté de ces femmes - sont balayées par le corps monstrueux de Mauricius ( le diable ).
![]() |
![]() |
|
|
Dans ce film, l'amour a perdu toute force « rédemptrice ». Dans une scène
du film, Faust – qui a monnayé contre son âme, une nuit avec la belle - enlace Marguerite, prête à se noyer, pour finalement sombrer avec elle dans les eaux.
Quel cauchemar !
Etrange que la naissance d'un mythe... Celle de Faust, serait assez récente... On parle d'un Johanne Faust (1480~ 1540~) dont on sait peu de choses : charlatan de foire, astrologue aux mœurs suspectes: c’est un fanfaron… L'imagination populaire (Historia von Dr. Johann Fausten, 1587) donne très vite au personnage une dimension mythique : Faust vend son âme au diable en échange du savoir et des biens terrestres. On lui accorde des pouvoirs magiques qu’il détiendrait d’un pacte avec le démon « Méphistophélès ». L'histoire est fixée pour les théâtre forain par Christopher Marlowe (composée entre 1588 et 1593).
On peut voir ici, une tentative de l’establishment de condamner l'alchimie, et les nouvelles sciences naturelles... Les écrivains s'en emparent pour en faire le symbole de la connaissance dévoyée, le héros ambitieux de la conquête du savoir contre les puissances obscures (Lessing, Klinger) ou le porte-parole de leurs angoisses et de leurs fantasmes (Chamisso, Lenau).
Dans la version de Goethe le pacte avec le diable prend la forme d’un simple pari ( inspiré du livre de Job) : le diable parviendra-t-il à détourner les nobles aspirations de Faust vers la bestialité des plaisirs sensuels, les satisfactions matérielles et le plaisir de détruire ?
Dans la version finale du Faust de Goethe, Faust est sauvé : un cortège d’anges escorte son âme vers la lumière « celui qui s’efforce toujours et cherche dans la peine, nous pouvons le sauver ».