moyen-age
Le Roi Arthur, l'un des neuf Preux.
* Vers 1310-1312 dans les Vœux du Paon ( Jacques de Longuyon ), la notoriété du roi Arthur, lui vaut d'être compté parmi les Neuf Preux aux côtés de Josué, David, Judas, Macchabée, Hector, Jules César, Alexandre, Charlemagne et Godefroy de Bouillon.
C'est dire surtout, l’extraordinaire diffusion et faveur dont jouissent les textes relatifs à la matière de Bretagne tout au long du Moyen Âge …
Le succès du motif est immédiat, vraisemblablement du fait de sa structure fixe et stable, les neuf héros permettant d’embrasser toute l’histoire humaine. Il est ainsi diffusé à travers toute l’Europe. Les neuf Preux - au Moyen-âge - représentent une sorte de « panthéon » de la chevalerie, il s’agit de figures historiques ou du moins considérées comme telles, il n’en demeure pas moins qu’une large part de leur prestige est due à leur faveur littéraire...
Les neuf Preux, relèvent principalement du mythe ou de la légende. Même les héros les plus historiques prennent une coloration légendaire.
Le Triomphe des Neuf Preux (extrait) - manuscrit BNF-Arsenal (1487) |
Pour ce qui est, du Roi Arthur : Le texte de Jacques de Longuyon ( Voeux du Paon), raconte les combats du Preux Arthur contre deux géants, le géant du Mont Saint-Michel et Ruiston. Il met donc en évidence ses compétences de chevalier. La seconde suite des Preux, ajoute les circonstances de la mort d’Arthur aux mains de Mordret et la mention qu’Arthur a vu le Graal.
* A la fin du XVe s. Trois vastes compilations sont organisées autour de ces neuf vies qui retracent les hauts faits des Preux, dont :
Bnf: Le Chevalier errant a été écrit par le marquis Thomas III de Saluces, probablement en 1394. L'auteur, sous la forme du chevalier errant, y narre de manière allégorique sa quête de la sagesse à travers ses aventures aux royaumes du "Dieu d'Amours", de "Dame Fortune" et de "Dame Congnoissance". Au cours de ses pérégrinations, il entre dans le "palais des Esleus", où il rencontre les Neuf Preux et les Neuf Preuses. |
L’Histoire des Neuf Preux et des Neuf Preuses nous est parvenue dans un manuscrit unique conservé à Vienne . Elle a été composée par Sébastien Mamerot à la demande de son seigneur Louis de Laval entre 1460 et 1468. La partie arthurienne de Sébastien Mamerot s’étend sur 97 feuillets, il s’agit de la plus longue vita. Il suit Geoffroy de Monmouth fidèlement et le traduit dans son intégralité, sans presque abréger, dépassant largement en amont et en aval la vie d’Arthur. En fait, manque une traduction des prophéties de Merlin... Ce choix correspond à l’un des objectifs qui se dégagent du prologue de la compilation, à savoir faire œuvre d’historien en donnant une version véridique des hauts faits des Preux.
Arthur: Armorial Sammelband (Bavière) |
Les douze années de paix suivant la victoire d’Arthur sur les Saxons constituent le cadre dans lequel se déroulent les aventures des chevaliers de la Table Ronde . Dans le manuscrit de l’Histoire des Neuf Preux, on trouve à cet endroit là une nouvelle rubrique suivie d’un chapitre tout à fait particulier : avant de revenir à Geoffroy, Sébastien Mamerot se sent contraint de parler de la Table Ronde. Pour ce faire, il revient en arrière à la mort d’Uther Pandragon, mais pour donner la version des faits romanesques. Cette fois, conformément aux romans, Arthur a été emmené par Merlin à sa naissance et confié à Anthor qui l’a élevé avec son propre fils Keu ; le cœur du passage consiste en un résumé de l’histoire de l’épée dans le perron qui aboutit au couronnement d’Arthur. Sébastien Mamerot signale ensuite en une phrase la guerre des barons rebelles et la victoire obtenue par Arthur avec l’aide de Merlin. Il enchaîne alors sur la fondation de la Table Ronde, selon ce qui se trouve chez Wace. Sébastien Mamerot ne suit pas le Merlin dans lequel c’est sous Uther qu’est fondée la Table Ronde, mais il en tire la description des trois tables (la table de la Cène, la table du Graal de Joseph d’Arimathie et enfin la Table Ronde) et l’explication du siège périlleux. Cependant les chevaliers à s’y asseoir ne sont pas cinquante, mais cent cinquante, ce qui correspond au nombre de chevaliers qui jurent d’entreprendre la quête du Graal dans la Queste del Saint Graal et dans le Tristan, et qui était devenu un chiffre canonique. Sébastien Mamerot insère alors les « lois de la Table Ronde », qui se trouvent dans le De casibus, sorte de code de conduite que doivent suivre les chevaliers et qui semble inspiré des romans arthuriens.
Arthur: Armeiro_Mor |
Avant de retourner à Geoffroy, il termine cette parenthèse par l’évocation des meilleurs chevaliers de la Table Ronde, dans cet ordre: Galaad, Perceval, Bohort, Lancelot, Gauvain et Tristan. Chaque personnage est accompagné de quelques qualificatifs ou faits importants, de manière extrêmement condensée. C’est à cette occasion qu’apparaît d’ailleurs la seule mention du Graal.
Armorial de Gilles le Bouvier - Arthur, Charlemagne et Godefroy de Bouillon 1440
L’intérêt majeur de ces vastes textes sur les Neuf Preux réside dans le fait qu’elles sont pour nous les traces et les résultats d’une lecture à la fin du Moyen Âge des textes arthuriens et nous renseignent sur l’imaginaire et d’une certaine manière sur la conscience générique de cette époque. En effet, elles nous renseignent sur les éléments perçus comme constitutifs de l’histoire arthurienne. Merlin, l’épée dans le perron, la Table Ronde, les combats contre les Géants, Arthur et Mordret s’entre-tuant, Avalon : autant de passages obligés, savoir véhiculé depuis plusieurs siècles par les textes et l’iconographie. Sans Lancelot et sans le Graal, Arthur manque de profondeur, les complexités, les faiblesses sont gommées du personnage. L’image donnée est celle d’un grand roi, un grand guerrier, et plus qu’une existence individuelle, les compilations sur les Neuf Preux nous donnent à voir l’exaltation d’un idéal, voire d’une idéologie, Sources : Anne Salamon ( Paris IV Sorbonne) HTTP://WWW.UHB.FR/ALC/IAS/ACTES/INDEX.HTM
La Quête du Graal : Le Prêtre Jean – 9/21 -
* Quelle est votre Question ? ( en conclusion de l'étape précédente..) : La commanderie...
- « Quelle est ma protection, ( ma commanderie...) à ma disposition? »
Entrez !
Il n'est pas étonnant, qu'en ce précieux Moyen-âge, les grandes légendes se rencontrent. Ainsi dans le Parzifal de de Wolfram von Eschenbach, la Quête du Graal conduit au Royaume utopique du '' Prêtre Jean ''. Ce mystérieux royaume, décrit comme une réalité, figure l'Eden, le jardin des délices, le Royaume béni où croit l’Arbre de la Connaissance et où jaillit la Fontaine de Vie. C'est Hughes de Jabala, évêque, en 1145, qui mentionne pour la première fois aux autorités romaines l’existence du Prêtre Jean.
L'histoire du '' Prêtre Jean '' va être amplifié par les récits de Marco Polo, et les légats du Pape...
Précédemment, le Roi du Graal, ou le Roi Pêcheur, quel que soit le titre que l’on veuille lui donner, est aussi prêtre : c’est lui qui célèbre la messe où le Graal sert de calice, il est identifié au Christ, Vrai Roi du vase sacré.
Gamuret (le Père de Parzifal) , a eu deux fils : Parzifal ( avec Herzeloyde, la mère de Parzival, '' aussi claire que la lumière du soleil '', et de Belcan, une musulmane '' noire comme la nuit '', il engendre Feirefiz. Gamuret réconcilie incidemment les ténèbres et la lumière et, par extension, l’Orient et l’Occident.
Donc, Parzifal et des templiers s'embarquent à Marseille et se rend en Inde auprès de son demi-frère Feirefiz, l'Orient étant jugé digne de recevoir la Vase Sacré... Après la mort de Parzifal, le fils de Feirefiz et de Reanse de Joye ( la porteuse du Graal) , né en Inde, devient le Prêtre Jean ; tous les rois de ce pays depuis lors ont porté son nom. Marco Polo : « le roi de cette province est de la lignée de Prêtre Jean et lui aussi est Prêtre Jean. Il est prêtre chrétien [...] » - le devisement du monde, LXXIV
C’est ainsi qu’à la fin de son roman, Wolfram rattache la lignée du Graal à l’une des plus grande figure mythique du moyen-âge : celle du Prêtre Jean
En tant que prêtre et roi, Jean, combine la royauté temporelle au pouvoir spirituel ; les Templiers devaient sans-doute porter cette utopie...
Le Prêtre Jean représente l'idéal d'un roi sacré chrétien - un idéal que très partiellement réalisé dans l'histoire...
'Le Prêtre Jean' par Lima de Freitas ->
Au cours de la Quête, il est nécessaire de se retirer dans un lieu de tranquillité pour contempler le parcours déjà effectué ( une relecture …), faire le point de l'avancée, s'interroger …
L'arcane N°9, est celle de l'Ermite. La relecture, accompagnée, peut faire apparaître des doutes ; on peut aussi s'illusionner et vouloir rester dans le magnifique jardin du ''prêtre Jean''...
Cependant, il nous faut continuer le chemin... !
Pour continuer le Chemin : n'oubliez-pas : - Quelle est votre question ?
Sources : Le Tarot du Graal de John Matthews
La Quête du Graal : La nef de Salomon – 7/21 -
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Galaad, Bohort, Perceval et sa sœur trouvent la nef de Salomon Tiré du ''Lancelot du Lac et la quête du Graal'', Bnf ms fçs 343 - 1375-1400 |
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Ecuries du Roi Salomon à Jérusalem - Sources Abbé Fillion 1860 |
* Pourquoi les Templiers ?
Sources : Le Tarot du Graal de John Matthews
L'Aventure au temps de la Quête du Graal -2/2-
Contemporaine de Chrétien de Troyes, Marie de France fait du mot '' aventure '' le terme technique par excellence de sa poétique...
« Les contes que je sais vrais,
dont les Bretons ont fait des lais,
je vous les conterai brièvement.
Au début, pour commencer,
selon la lettre et l'écriture
je vous montrerai une aventure. »
(Guigemar,v. 19-24)
L’aventure est le cristal intemporel qui tient ensemble la chaîne de la mémoire où Marie insère ses lais : et, dans la remembrance, événement et récit coïncident. En ce sens, I'aventure est toujours l'aventure d'un lai...
Marie de France fait allusion plusieurs fois à la vérité de ce qu'elle raconte, mais le fait d'une manière telle que vérité et aventure semblent se confondre.
« Telle qu'elle arrive, je vous la conterai, je vous en dirai la vérité » - Éliduc, v. 27-28).
Dans la conclusion du Chèvrefeuille, la poétesse affirme qu'elle a conté « la vérité du lai » tout comme ailleurs elle disait qu'elle en contait l'aventure : « Je vous ai dit la vérité / du lai que j'ai ici conté »
La vérité dont il est ici question n'est ni la vérité apophantique de la logique ni la vérité historique. C'est une vérité poétique.
Cela veut dire qu'il ne s'agit pas de la correspondance entre les événements et le récit, entre les faits et les mots, mais de leur coïncidence dans l'aventure. On n'est pas en présence de deux éléments : l'aventure-événement et l'aventure-récit, vraie si elle reproduit fidèlement la première, et fausse dans le cas contraire. Aventure et vérité sont indiscernables parce que la vérité advient et que l'aventure n'est que l'advenir de la vérité.
Dans le Parzifal de Wolfram von Eschenbach, L'aventure est personnifiée par une femme. Elle apparaît brusquement au poète et lui demande de la faire entrer dans son cœur :
« Ouvre ! » « À qui ? Qui êtes-vous ? »
« Je veux entrer dans ton cœur. »
« C'est un espace étroit. »
« Qu’importe, n'y eût-il point d'espace,
tu n'auras pas à le regretter.
Je vais te dire des choses merveilleuses. »
« C'est donc vous, dame Aventure ? »
(Parzival, 433, l-7)
Frau Âventiure est, l'histoire même qui est contée Âventiure frappe à la porte du poète non avec son poing, mais avec des mots : « Ouvre ! Je frappe avec des mots, laisse-moi entrer »
Ce qui est personnifié en dame Aventure est l'acte même d'écrire et de conter : mais, en tant qu'il coïncide avec les événements racontés, il n'est pas un livre, mais le corps vivant d'une femme.
Un épisode du Parzival a toujours paru obscur aux interprètes. Le jeune héros, inconscient et inexpérimenté, arrive un jour dans un champ tout proche de la forêt de Brizljan et voit une dame endormie sous une tente.
« La dame était endormie
et portait l'arme de l'amour:
une bouche d'un rouge étincelant,
vrai tourment pour le chevalier.
La dame dormait
avec les lèvres décloses,
ardentes pour le feu d'amour. »
(Parzival, 130 , 3-9)
Ce qui est remarquable, c'est que le terme aventure qui apparaît alors ne se réfère pas à l'expérience qu’est en train de vivre Parzival, mais à la dame même qui est endormie : « Ainsi reposait la merveilleuse aventure », ( ibid. 130, 10). Si Wolfram peut appeler ici la dame « aventure », c'est parce que son corps symbolise autant l'aventure vécue par Parzival que le récit qu'en donne le poète. En rencontrant Jeschûte - tel est le nom de la dame - Parzival a rencontré sa propre histoire.
Sources : Textes extraits de '' L'aventure – de Giorgio Agamben '' Rivages Poche
L'Aventure au temps de la Quête du Graal -1/2-
Que faut-il comprendre quand on dit que la Quête est une ''aventure'' … ?
Le mot « aventure » est un terme technique essentiel du vocabulaire poétique médiéval.
Le terme '' aventure '', par lequel le chevalier définit l'objet de sa quête - et ce faisant, il se définit lui-même :
« .. Je suis, dit-il, un chevalier en quête
de ce qu'il ne peut trouver;
car je cherche et rien ne trouve.
- Et que voudrais-tu trouver ?
- Aventurer pour éprouver ma prouesse et ma hardiesse.
Donc je te prie, te demande et t'implore,
si tu le sais,
de me conseiller une aventure ou une merveille.
- De cela, dit-il, tu te passeras : je ne sais rien de l'aventure et jamais je n'en ai entendu parler. »
Le chevalier au Lion - (Yvain, v. 358-369)
Le terme ' aventure ' a à faire avec ''la merveille'' ( ou d’aventure ou de mervoille ) et qu'il devra servir de preuve pour le courage d'Yvain.
Cependant on ne saurait comprendre la subtilité sémantique de ce passage si l'on ne se rappelle pas qu'en ancien français le verbe ''trover'' ne signifie pas simplement '' trouver '' ..( …) à l'origine c'était un terme technique du vocabulaire poétologique roman, qui voulait dire " composer de la poésie " et les poètes s'appelaient eux-mêmes trobadors en langue d'oc, trouvères en langue d'oil ou ou trovatori en italien.
Yvain, qui cherche ce qu'il ne peut trouver, pourrait être alors une évocation voilée de Chrétien de Troyes qui '' trouve '' l'argument de son poème: l'aventure du chevalier est l'aventure même du poète.
L'aventure est pour le chevalier autant rencontre avec le monde que rencontre avec lui-même et, de ce fait, source de désir et d'effroi.
Dans un lai de Marie de France, le protagoniste, après avoir rencontré la femme aimée, rentre chez lui en proie à un si grand trouble qu'il doute de lui et de ce qu'il a vu:
« Il pensait à son aventure
et doutant en son cœur
il est saisi d'effroi, ne sait que croire
et il ne lui paraît pas qu'elle soit vraie. »
(Lai de Lanval, v. 197 -2O0)
Toutefois, plus étrange et risquée est l’aventure, plus elle est désirable :
« Mais plus grande est la merveille
et plus risquée l'aventure,
plus il la désire et plus elle l'attire. »
(Érec et Enide, v. 5 644-5 646)
L'Aventure dans les romans de chevalerie désigne autant le hasard que le destin, autant l'événement inattendu qui met le chevalier à l'épreuve qu'un enchaînement de faits qui se vérifieront nécessairement.
« L'aventure qui doit être
il ne peut se faire qu'elle ne soit,
et ce qui doit arriver
pour rien au monde ne peut manquer. »
(Roman de Rou, v. 5609-5612)
Sources : Textes extraits de '' L'aventure – de Giorgio Agamben '' Rivages Poche
Sagesse et Magie au Moyen-âge
La réputation du Roi Salomon, au Moyen-âge, est au plus haut ; en sagesse, mais aussi pour avoir été un roi exorciste et magicien... Ce modèle ambivalent a clairement inspiré le roi Alphonse X de Castille (1252-1284) et sa politique de traduction d’ouvrages d’astronomie, d’astrologie et de magie, destinée à percer les secrets de Dieu, de la nature et de son peuple.
Ce modèle, a peut-être aussi inspiré le roi de France Charles V (1364-1380), dit ' le sage '
Après la peste ( depuis 1347..), le froid polaire de l'hiver 1364, et les famines, après les défaites militaires de ses prédécesseurs ( Crécy, Poitiers …) ; Charles V diminue la domination anglaise grâce Du Guesclin. Il établit enfin officiellement des règles de succession à la couronne claires et précises. Le trône revient à l’héritier mâle le plus proche, et le domaine royal devient indivisible. Le Roi de France devient le seul habilité à battre monnaie : la monnaie devient enfin stable et Charles V en profite pour renforcer et rationaliser la fiscalité...
<- Du-Guesclin-fait-connetable-par-charles V - 1370
Charles V est aussi reconnu pour son immense savoir ... Dès 1367, il transforme le Louvre en Palais Royal et y crée une bibliothèque immense, forte de milliers de manuscrits. Aristote, Saint-Augustin, Traités d’Histoire, d’astrologie,…
« On ne peut trop honorer les clercs qui ont sapience, tant que sapience sera honorée en ce royaume, il continuera à prospérité, mais quand déboutée y sera, il décherra. » Charles V. Quelques années plus tard, le royaume sera dirigé par son fils, Charles VI, dont les crises de démence dévastatrices mèneront le royaume de France au bord du chaos… !
* Pour ce qui est de l'art de la ''magie'', les consciences évoluent lentement...
Je retiens, ces citations:
Le ''Policraticus'' de Jean de Salisbury, au milieu du XIIe siècle: si « les magiciens […] sont ceux qui, avec la permission du Seigneur (Domino permittente), troublent les éléments, enlèvent aux choses leur aspect normal, […] bouleversent les esprits des hommes en leur envoyant des songes et les tuent par la seule violence de leur enchantement » ils sont également, et c’est nouveau, ceux qui « prédisent ordinairement l’avenir ». Joannis Saresberiensis Policraticus I-IV,
A cette époque, les hommes ont du mal « à tracer la limite entre le savoir scientifique et les arts défendus, entre l'astronomie et l'astrologie, la psychologie et la divination, certaines expériences mystiques et les invocations du diable »
Françoise Autrand, Charles VI. La folie du roi.
Cependant, l'astrologie, les sortilèges et en général toutes les pratiques qui touchent à la sorcellerie et à la magie étaient très en vogue au XIVe siècle
''Démonstrations contre sortilèges'' est un traité en prose qu'Eustache Deschamps, poète de cour sous les règnes de Charles V et Charles VI, rédigea dans le dernier quart du XIVe siècle. Par son titre, cet ouvrage met en relation deux modes de pensée, l'une rationnelle, et destinée à établir une vérité, l'autre irrationnelle, relevant de pratiques obscures et gouvernée par le hasard.
Extrait par J. Véronèse, « Le Contra astrologos imperitos atque nigromanticos (1395-1396) de Nicolas Eymerich ( inquisiteur catalan) : « par l’art de nigromancie nous ne pouvons pas juger de manière certaine et infaillible, ni même de façon conjecturale des choses cachées présentes, passées ou futures. Cette conclusion se justifie ainsi. Le diable, invoqué dans les sacrifices et attiré par les honneurs divins, qui parle et répond dans les cadavres des morts, est notre ennemi capital, notre hostile séducteur, le menteur, et même le pire des menteurs, et par conséquent par les réponses qu’il donne dans les cadavres susdits nous ne pouvons ni ne devons juger des événements occultes susdits de manière certaine, infaillible, voire même conjecturale »
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Ce livre – Le Liber Razielis – Raziel de l'hébreu, signifie ''secret de Dieu'', secret délivré à Adam après l'expulsion du paradis, en un livre de magie révélant les mystères de la Création. Dans ce livre, le fameux ''Semiphoras'' : la connaissance de ce nom caché et omnipotant de Dieu, retrouvé par Salomon, est susceptible de donner au roi magicien, nouveau Moïse, un pouvoir quasi divin sur les éléments et sur les hommes.
« Salomon dit : J'ai trouvé le Semiphoras, par lequel Moïse a fait les plaies en Egypte, a asséché la Mer Rouge, produit de l'eau à partir de la pierre et traversé le désert, par lequel il savait tous les secrets de son peuple,a vaincu rois, princes et puissants, a parfait tout ce qu'il a voulu faire et accomplir, a détruit tout ce qu'il voulait détruire, et par lequel ila accompli tout ce qu'il a voulu en bien et en mal. » Liber Semiphoras ( Le Liber Semiphoras en annexe au Liber Raziel dans l'exemplaire de Halle, est consacré à un exposé sur le nom de Dieu formé de 72 noms de trois lettres …)
La littérature médiévale sur le Graal en suivant la chronologie...
1009 : Destruction du Saint-Sépulcre par le calife fatimide al-Hakim.
1031 : Disparition du califat de Cordoue. La prise de Tolède en 1085 et celle de Huesca en 1096 ; annoncent la ''Reconquista '' en Espagne... Depuis le début du IXe siècle, les musulmans occupent la péninsule ibérique..
1095 : L’empereur byzantin Alexis Ier Comnène demande de l’aide au pape Urbain II ; celui-ci prêche au concile de Clermont la première croisade. 1099 : Prise de Jérusalem par les croisés.
1120 : Fondation de l’ordre militaire des Templiers.1122 Suger, abbé de Saint-Denis ; et 1137 règne de Louis VII.
1135 :Historia Regum Britanniae de Goeffroy de Monmouth
Geoffroy de Monmouth (vers 1100 - 1155), est un évêque et historien anglo-normand au service du roi Henri 1er d'Angleterre, écrivant en langue latine et familier du monastère de Glastonbury.
« Histoire des rois de Bretagne ») est une œuvre rédigée en latin entre 1135 et 1138
On y trouve la première apparition de personnages marquants tels que Merlin ou Uther Pendragon.
L’œuvre eut un grand succès au Moyen Âge. Elle marque la naissance littéraire de la matière de Bretagne et a une influence déterminante sur la légende arthurienne. Une adaptation en français est faite par le trouvère normand Wace en 1155 titrée Le roman de Brut.
Il n’est pas encore question du Graal, mais les fondements de la légende arthurienne prennent forme. Les légendes celtiques, le merveilleux et l’idéal chevaleresque permettent de donner à Arthur une grandeur comparable à celle de Charlemagne et donne à la dynastie des Plantagenêt une ascendance glorieuse.
1148-1149 : Deuxième croisade.
1155 : Mécénat d’Aliénor d’Aquitaine et de ses filles – André le Chapelain, De amore ; essor de la fin’amor – Troubadours de la 2e génération, Bernard de Ventadour
1155 :Roman de Brut de Wace
Wace (1100-1180) est un poète normand.
Le Roman de Brut, ou Brut, est une histoire légendaire de l’Angleterre de 14 866 vers rédigée en anglo-normand par Wace. Probablement commencé vers 1150, le Roman de Brut est achevé en 1155.
Wace traduit et adapte librement en anglo-normand l’oeuvre de Geoffroy de Monmouth. Il invente notamment la Table Ronde. Ce roman dédié à la reine d’Angleterre Aliénor d'Aquitaine relate l’histoire de l’ancêtre supposé du roi Henri II Plantagenêt, Brut, qui aurait lui-même eu pour aïeux Brutus, premier roi d’Angleterre, et Énée.
1180 : règne de Philippe Auguste.
1180 :Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes
Dans ses cinq romans de chevalerie, Chrétien de Troyes développe la légende arthurienne et la « matière de Bretagne ». Il donne notamment une unité au cadre arthurien en fixant un ensemble de personnages clés dans lesquels puiseront ses continuateurs.
1187 : prise de Jérusalem, par Saladin.
1189-1192 : Troisième croisade.
1192 : Victoire de Richard Cœur de Lion contre les troupes de Saladin à Jaffa. Trêve …
1190-1200... : Première Continuation de Perceval ou Continuation Gauvain : Œuvre du pseudo-Wauchier de Denain
Ecrivain français de langue d'oïl et traducteur actif au début du XIIIe siècle.
Cette Première Continuation suit les aventures de Gauvain en oubliant à peu près totalement (du moins pour la plus ancienne version) le personnage de Perceval. C’est au tour de Gauvain de se rendre, et d’échouer, au Château du Roi Pêcheur. Cependant, les modifications du texte de Chrétien sont nombreuses. On ne peut plus à proprement parler de cortège, le Roi Pêcheur n’est plus mehaigné, et le Graal se déplace tout seul. Il se rapproche d’ailleurs dans cette version des chaudrons d’abondance du folklore celtique. Si la Lance qui saigne est christianisée par son assimilation à la lance de Longin, il n’en va pas de même pour tous les motifs de cette scène qui reste très largement mystérieuse, voire angoissante.
la Première Continuation ne clôt pas l’histoire du Graal. Gauvain échoue devant une épreuve préalable qui consiste à ressouder l’épée brisée et il s’endort alors que le roi allait lui révéler les ravages occasionnés par le « coup douloureux » portés par cette épée.
1204 : Parzifal de Wolfram von Eschenbach.
Un roman du Graal allemand qui s’inspire assez précisément du Conte du Graal de Chrétien de Troyes et également de sources indo-européennes...
1205-1210 :Deuxième Continuation ou Continuation Perceval ; Oeuvre de, ou rédigée sous l’autorité de Wauchier de Denain.
Wauchier de Denain, un clerc, traducteur par ailleurs d’ouvrages religieux en prose, a pour mécène le comte et la comtesse de Flandre, de la famille de Philippe de Flandre, le commanditaire du Conte du Graal.
Cette continuation se clôt après la tentative de Perceval de ressouder l’épée brisée. Tentative presque réussie, mais pas tout à fait puisqu’il reste une petite fêlure sur la lame. Or Perceval a posé les questions du Graal et de la Lance et rien ne s’est produit : la prouesse attendue de la part du héros du Graal est donc renouvelée. L’histoire n’est pas menée à son terme.
Cette oeuvre par contre, se recentre sur Perceval et se rapproche, en ce qui concerne le Graal, du texte de Chrétien : il y a à nouveau une procession, le Roi Pêcheur ne se déplace plus. La voie est ouverte vers une christianisation du Graal, et ce par divers épisodes, comme l’enfant dans l’arbre. Christianisation que l’oeuvre de Robert de Boron fixera...
1200-1210 : Le Roman de l’Histoire du Graal de Robert de Boron. ( il a eu connaissance des deux premières continuations)
L’oeuvre de Robert de Boron est conçue comme un roman en vers en trois parties : l’Histoire du Graal, le Merlin et le Perceval. Mais si nous avons conservé le Roman de l’histoire du Graal, il ne reste du Merlin en vers qu’un fragment et son Perceval en vers est perdu.
Cette oeuvre marque une étape décisive dans l’évolution médiévale du mythe du Graal. Son oeuvre, qui s’appuie sur Chrétien de Troyes et Wace (pour le personnage de Merlin notamment) se veut une christianisation : Merlin devient un « sergent » de Dieu et le Graal est relié aux Evangiles Apocryphes grâce auxquelles il devient une relique : le plat de la dernière Cène et le récipient dans lequel Joseph d’Arimathie a recueilli le sang du Christ.
1210 : Mises en proses des romans en vers de Robert de Boron : Merlin et Perceval, dont il nous reste deux manuscrits : le Didot-Perceval et le Perceval de Modène.
Le Graal est christianisé, conformément à l’Histoire du Saint Graal en vers de Robert de Boron. Le héros est Perceval, conformément au Conte du Graal de Chrétien, auquel il est d’ailleurs fait plusieurs fois référence, de façon explicite ou implicite, lorsque certaines aventures évoquent précisément celles du Perceval de Chrétien. On retrouve également un certain nombre de motifs issus des deux premières Continuations.
Le motif de la question à poser demeure, de même que l’échec de Perceval lors de sa première visite au Château du Roi Pêcheur. Le personnage de Gauvain par contre, disparaît totalement, et certaines de ses aventures sont désormais attribuées à Perceval, comme le tournoi contre Mélian de Lis.
Ces mises en prose sont importantes dans le devenir de la littérature arthurienne et du Graal. La prose en effet servait auparavant pour la traduction et le commentaire des textes sacrés. Désormais, le Graal est valorisé et en quelque sorte authentifié. Le lien entre le Graal et la prose est si étroit que, hormis les deux dernières Continuations du Conte du Graal, toujours en vers, les autres oeuvres traitant du Graal sont désormais en prose.
1204 : Les croisés saccagent Constantinople et fondent l’Empire latin.
1209-1229 : Croisade contre les Albigeois dans le sud de la France.
1215 : Quatrième concile de Latran. ( Lutte contre les hérésies : canon 21 relatif à la confession ...) et définit le concept de la transsubstantiation : « il identifie le sang et le corps du Christ réellement contenus dans le vin et le pain lors de la communion chrétienne. ». Le Graal est identifié au calice pendant la 'consécration' lors de la messe.
1190-1250 : Perlesvaus, Li Haut Livre du Graal. Anonyme, en ancien français
On ignore l’auteur et la date de cette oeuvre. Il est certain qu’elle a été écrite après le Conte du Graal et le Perceval de Robert de Boron auxquelles elle emprunte des éléments, mais on ne sait pas si elle se situe avant ou après le cycle du Lancelot-Graal.
Un roman qui fait suite au Conte du Graal. En effet, il s’ouvre alors que Perceval (qui se nomme dans l’oeuvre Perlesvaus, puis Par-lui-fait, puis Perceval) vient d’échouer au château du Roi Pêcheur. Nous suivons d’abord l’itinéraire de Gauvain, à la recherche du « bon chevalier » Perlesvaus, puis nous retrouvons ce dernier. La structure est donc inverse par rapport à celle de Chrétien. Un points intéressant : la violence du récit. A la différence de la Quête du Graal, l’oeuvre ne renie pas la chevalerie terrestre, mais est au contraire, un appel à la croisade, dans son opposition systématique entre l’Ancienne Loi, la Nouvelle, et la religion des sarrazins.
1217-1229 : Cinquième croisade.
1219 (Août) : Saint François d’Assise prêche auprès des croisés et du sultan.
1215-1235: Le cycle du Lancelot-Graal, avec notamment la Quête du Saint Graal
Le cycle du Lancelot-Graal est un grand ensemble élaboré en cinq parties, dont l’ordre de composition est le suivant : Lancelot, la Quête du Saint Graal, la Mort le roi Artu, auxquelles viennent s’ajouter une Histoire du Saint Graal et une Histoire de Merlin qui ne sont pas celles de Robert de Boron.
Ces récits ayant été composés par des auteurs différents, la variété d'esprit, d'inspiration et de mode d'écriture prévaut sur l'unité.
La Quête du Saint Graal se consacre exclusivement à l’objet mythique. Son apparition lors de la Pentecôte dès les premières pages du roman lance l’ensemble des chevaliers de la Table Ronde sur sa quête. On y retrouve Gauvain, mais ce dernier, symbole même d’une chevalerie trop terrienne, échoue. Lancelot, marqué par le péché et la faute que représente son amour pour Guenièvre ne peut que très rapidement apercevoir le Graal, après sa conversion, tandis que Perceval, Bohort et Galaad seuls parviennent au Graal dont Galaad découvre les ultimes secrets.
Tout en conservant le héros initial de la quête, Perceval, c’est désormais Galaad, fils de Lancelot et de la fille du Roi Pêcheur, chevalier vraiment pur à la « semblance » du Christ qui devient le héros du Graal.
Ce cycle a été l'une des plus importantes sources du Morte d'Arthur de Thomas Malory.
1230: Troisième Continuation, œuvre de Manessier. La Commanditaire est Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut († 1244). Elle est la fille aînée de l'empereur Baudouin de Constantinople et de Marie de Champagne( fille d'Aliénor d'Aquitaine)
La rédaction du cycle du Conte du Graal est fortement liée à la famille comtale de Flandre. Chrétien de Troyes écrivait sous la protection de l'oncle de Jeanne, Philippe de Flandre. Manessier, auteur de la Troisième continuation, a dédié son œuvre à la comtesse Jeanne. Il est vraisemblable que son prédécesseur Wauchier de Denain, auteur de la Seconde continuation ait également fait partie de son entourage, sans qu'on puisse démontrer de manière certaine que l'ouvrage fut écrit pour elle.
Cette continuation s’enchaîne à la Deuxième Continuation, restée inachevée...
Manessier trouve un achèvement aux aventures du Graal. L’épée est ressoudée par Perceval puis de nouveau brisée. Elle ne sera ressoudée que lorsque Perceval aura tué Partinal de la Rouge Tour. Le Roi Pêcheur retrouvera alors l’usage de ses jambes. Perceval apprenant du Roi qu’il est son neveu, il fait le vœu de lui succéder. Perceval succède au Roi Pêcheur mais après sept ans de règne il se retirera dans un ermitage pour y finir pieusement ses jours, nourri par le Graal qui sera emporté avec lui dans les cieux...
« Au fur et à mesure qu’elle est retouchée, l’histoire du Graal ne cesse de se cléricaliser. Certes, la Troisième Continuation garde l’arrière-fond des luttes entre partis aristocratiques et leur lot de violences gratuites et de vengeances incessantes, propres au Conte de Chrétien de Troyes. Mais Manessier met, pour la première fois, explicitement en scène la lutte du héros contre le diable. De plus, Perceval devient prêtre à la fin de ses jours. La spiritualité est omniprésente dans un roman où foisonnent les symboles religieux. » Aurell Martin (2007). op. cit., p. 381
1225-1230: Continuation du Conte du Graal, œuvre de Gerbert de Montreuil.
Gerbert de Montreuil est un poète picard. Il dédie à Marie, comtesse de Ponthieu, un roman d'aventures : le Roman de la violette.
Gerbert de Montreuil, qui écrit que les descendants de Perceval conquerront Jérusalem (évidente allusion à Godefroy de Bouillon et à ses frères), pourrait avoir composé sa continuation pour les comtes de Boulogne.
Cette continuation, contemporaine de l’œuvre de Manessier, mais rédigée de façon indépendante, s’enchaîne également à la Deuxième Continuation.
Une voix divine explique à Perceval qu’il doit subir de terribles épreuves s’il veut entendre les secrets du Graal. Perceval se heurte aux portes du paradis, sur lesquelles il brise son épée. Il remporte de rudes épreuves avant son retour au château du Roi Pêcheur. Là, il réussit à ressouder l’épée de façon parfaite. Lors de sa présence au passage du cortège, son hôte lui révèle les mystères du Graal et de la lance brisée. Pour autant, Gerbert de Montreuil ne parvient pas à terminer l’histoire.
L’œuvre de Gerbert de Montreuil, bien qu’elle soit inachevée, à la différence de la Troisième Continuation, oriente, comme l’œuvre de Manessier, le motif du Graal dans un sens nettement religieux. La christianisation du mythe est désormais acquise, et ce depuis l’œuvre de Robert de Boron.
Un changement s’opère au 13e siècle dans l’approche du merveilleux celtique dont s’inspirait Chrétien de Troyes. Martin Aurell ( médiéviste) souligne cette différence :
« Les romans arthuriens adoptent un ton pédagogique, aux antipodes du mystère et de l’intrigue que Chrétien de Troyes avait su préserver dans son Conte. Des explications allégoriques sur les épisodes et objets des romans pullulent désormais dans la matière de Bretagne. Elles relèvent de la culture cléricale et savante, qui fait intervenir le diable dans des merveilles que les récits du XIIe siècle auraient présentées comme de simples exceptions aux lois de la nature. » Aurell Martin (2007). op. cit., p. 384
1236 : Ferdinand III de Castille prend Cordoue.
Les Croisades, les Templiers et le Graal. -2/.-
Au XIIe siècle peu de personnalités font part de leur réprobation face à '' la Croisade '' : ce pèlerinage en arme, la presque totalité de la Chrétienté se range derrière la bannière lyrique et envoûtante de Bernard de Clairvaux.
Les critiques augmentent au cours du siècle, et deviennent plus importantes à la fin du XIIIe ; celles-ci accompagnant la déroute de l’aventure. La noyade de Frédéric Barberousse en 1190, la mort de Saint-Louis devant Tunis en 1270, amènent ces auteurs à réfléchir à la légitimité d’un tel phénomène. Si la croisade est juste, pourquoi Dieu permet-il de si grandes déroutes ? Le rejet de la croisade est porté aussi par les nouveaux ordres monastiques, comme les franciscains et les dominicains, qui privilégient le prêche à la guerre, le glaive de la parole à celui du fourreau.
Les croisades, se muent en conflit idéologique, en plus de délivrer les Lieux Saints, il s'agit de convertir les peuples sarrasins et juifs par la force. Les croisés revivent l'Exode et la conquête de la terre promise...
Ce motif, nous le retrouvons dans les injonctions de Dieu faites aux élus de l'Estoire del Saint-Graal d'évangéliser la Grande Bretagne... C'est aux ordres mendiants que l'on doit la substitution de l'idée de mission à celle de croisade...
De fait, L'Eglise de Rome, s'inquiète de cette Légende du Graal, qui fait le ''buzz'' et qui circule et s'étend, par trop empreinte de celtisme, ou d'ésotérisme ( avec le Parzifal). Il s'agit de christianiser l'histoire de chrétien de Troyes, de gommer les ''révélations '' de Wolfram ; en effet plutôt que ses références au tombeau du Christ ( fruit des croisades et des templiers) ; le Graal se recentre uniquement sur le récipient ayant recueilli le sang du Christ, facilement assimilable au calice de la messe.
Robert de Boron, vers 1212-1214, s’attelle à cette sainte tache. Il rédige L'Estoire dou Graal, faisant largement appel à l’Évangile de Nicodème, certes apocryphe, mais très populaire à l'époque et cité par St-Thomas d'Aquin lui-même... Vers 1215-1220, il rédige Merlin.
On fait appel également à Gautier Map (1140-1210), proche d'Henri II Plantagenêt, qui rédige l'Estoire del Saint-Graal, et la Queste... , dont le médiéviste Albert Pauphilet ( en 1921) a montré l'origine cistercienne.
Cette fois, donc, les précieux objets qui constituent le cortège du Graal sont assimilés à ceux dans lesquels le Christ a pris son dernier repas. Le service du Graal est alors associé à l'image de la Cène. Ce rituel eucharistique établit en outre une distinction entre les hommes justes, purs, élus de Dieu qui sont autorisés à approcher la sainte relique, et les hommes ordinaires, simples pécheurs, pour qui ce mystère reste inaccessible.
Désormais, le monde sera dominé par la raison, la foi et les vertus religieuses, les anciennes croyances reléguées au rang de contes pour enfants. Les chevaliers se battront pour défendre la foi (la croisade), et non plus pour vaincre des créatures diaboliques, ces dernières ayant été balayées par la lumière divine du Graal.
D’ailleurs, une fois le Graal retrouvé, une fois que Galaad, à l’image du christ, a donné à cette société chevaleresque la dimension sacrée et spirituelle à laquelle elle aspirait, la société arthurienne, qui a rempli sa mission n’a plus aucune raison d’être. Il n’y a plus de monstres à pourchasser, plus de terres sauvages à conquérir et à christianiser, sa disparition est donc inéluctable. Avec la mort du roi Arthur, l’univers de la Table Ronde se disloque et disparaît, le temps des héros et des aventures extraordinaires est terminé.
Les Croisades, les Templiers et le Graal. -1/.-
- Les croisades :
La Quête du Graal, est une conséquence des croisades, le fruit de la défaite : la perte de Jérusalem ( reprise par les musulmans en 1187, lancement en 1189 de la 3ème croisade).
« La perte de Jérusalem ébranle toute la Chrétienté et l'oblige à faire une sorte de retour sur soi, à modifier radicalement sa conception de la croisade.
A la conception externe, si l'on peut dire, guerrière et conquérante, va se substituer une conception interne, allégorique et mystique ; Jérusalem ne sera plus un but de pèlerinage lointain et périlleux : la Jérusalem céleste prévaut dorénavant, qui ne se conquiert pas au terme d'une expédition terrestre, mais se trouve au terme d'un cheminement spirituel.
Il va de soi que la notion de « Jérusalem céleste » est bien antérieure à 1187, mais depuis un siècle l'Occident semblait l'avoir quelque peu oubliée, axé comme il était sur la conquête et la défense purement guerrières des Lieux saints. »
Helen Adolf (1895 – 1998) was an Austrian–American linguist and literature scholar.
- La légende arthurienne ( ou Matière de Bretagne) :
Avec 'Joseph d'Arimathie' de Robert de Boron, nous revenons sur nos terres ; le Graal, en effet, part de ''Terre sainte'' pour l'Occident sans espoir de retour.
Nous pouvons ainsi rapprocher de chaque actualité de croisade, une œuvre :
Le ''Perceval'' à la croisade de 1177/78 de Philippe d'Alsace, le '' Joseph d'Arimathie '' à la défaite de 1187, et le '' Parzival '' au traité de paix de 1192 ( fin de la 3ème croisade – Jérusalem reconquise, paix entre Richard 1er et Saladin.)...
En 1185 environ : Chrétien de Troyes entreprend son Conte du Graal ou Perceval que sa mort laisse interrompu. II écrit ce poème pour Philippe d’Alsace, comte de Flandre, prince dévot qui s’est croisé plusieurs fois ( en 1177, et 1190) et qui détient à Bruges la relique du Saint Sang, ramenée d’Orient peu avant 1150 par son père Thierry d’Alsace.
Gautier de Montbéliard (mort en 1212, est un fils d'Amédée II de Montfaucon, comte de Montbéliard), s’engage dans la quatrième croisade, en 1199 il est régent de Chypre de 1205 à 1210, connétable du royaume de Jérusalem de 1210 à 1212. Gautier est le commanditaire attesté de la trilogie de Robert de Boron (qui comporte le Joseph d’Arimathie, un Merlin et un Perceval) rédigée autour de 1200. Robert de Boron, à Chypre, découvre la littérature byzantine et syriaque. La famille de Boron pourrait être alliée à celle ''des Barres'', qui comptait des membres ayant commandé en Orient et même un Grand Maître du Temple.
Enfin, Wolfram d’Eschenbach (v. 1210) écrit Parzival (source de Richard Wagner). C’est en gros, la même trame narrative que le Conte du Graal, avec peut-être des apports occitans (Wolfram prétend corriger Chrétien grâce au texte – perdu – d’un certain Kyot le Provençal) et orientaux (présence du Sarrasin Feirefiz, éléments doctrinaux peut-être empruntés au philosophe islamique Al Farrabi). Ici, le Graal est devenu une pierre précieuse sur laquelle, chaque jour, une colombe dépose une hostie. Perceval se marie, fonde une lignée (il sera l’ancêtre de Godefroi de Bouillon) et confie le Graal à la garde de l’ordre du Temple.
Wolfram d’Eschenbach, chevalier franconien, tient secrète l’identité du commanditaire. Le roman de Wolfram est chargé de mysticisme, de référence au Moyen-Orient des croisades... Sa version de la quête du Graal, Parzival, puis son Titurel donnent au mythe une sonorité ésotérique beaucoup plus prononcée que chez Chrétien de Troyes : le Graal est gardé par des Templiers, et il est réservé à quelques « élus » de s'en approcher, élus liés par une lignée commune.
La rencontre du mythe et de l'histoire des hommes... -4/4-
Au cours des Xe et XIe siècles se fait sentir une évolution qui préfigure la grande renaissance du merveilleux au XIIe siècle. La légende d'Alexandre le Grand se répand comme une traînée de poudre. La légende du Prêtre Jean connaît une large diffusion ...
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Yvain combat le dragon |
Le merveilleux de la Matière de Bretagne, déjà présent chez les écrivains de langue latine (Geoffroy de Monmouth, Giraud de Barri), envahit la littérature vernaculaire, alimentant les œuvres de Marie de France et de Chrétien de Troyes. L'Antiquité et sa mythologie revivent … !
Les VIIIe et IX e siècles marquent la fin d'une période de répression ; les Xe et XI e siècles forment une période transitoire : là se mettent en place des structures, des thèmes et des motifs, là se forme un patrimoine de merveilleux, qui, dès le XIIe siècle imprime fortement sa marque à la littérature de divertissement.
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Le cerf blanc était the symbol of England's King Richard II as shown in this picture of his heraldry painted in 1396 |
A partir du XIIe s l'Eglise cesse de régir le domaine des lettres, parce que les traditions populaires et orales prennent une place de plus en plus importante, et que l'imaginaire s'affranchit des entraves qui bridaient ses mouvements, s'alliant avec bonheur aux éléments venus de l'Antiquité par le canal de la littérature savante. De nouveaux éléments de merveilleux apparaissent par le travail des école de traduction...
Voilà ce que dit Jacques Le Goff, sur cette perception de la ''religion populaire''
« Les grands ennemis ou concurrents du catholicisme n’ont été ni le paganisme officiel antique qui s’est effondré rapidement, ni le christianisme grec cantonné dans l’ancienne partie orientale de l’empire romain, ni l’Islam contenu puis refoulé, ni même les hérésies ou les religions comme le catharisme qui, avant d’être vaincues par le catholicisme, n’avaient en définitive pu se définir que négativement, par rapport à lui. Le véritable ennemi du catholicisme, ce fut bien l’antique serpent qu’il conjura sans l’anéantir, le vieux fond de croyances traditionnelles, ressurgies sur les ruines du paganisme romain qui tantôt s’enfoncèrent sans disparaître dans le sous-sol du psychisme collectif, tantôt survécurent en s’incorporant au christianisme et en le déformant, en le folklorisant » (1972 : Histoire des religions, II, Paris, Gallimard, coll. « Encyclopédie de la Pléiade », pp. 749-868 ).