Le caractère « mythique » de Genèse 2 et 3, par Jean-Paul II
Très interessant cet enseignement de Jean-Paul II, lors de l'Audience du 19 Septembre 1979 ( C'est ICI )
« .. nous devons constater que tout le texte, lorsqu’il exprime la vérité sur l’homme, nous étonne par sa profondeur caractéristique, différente de celle du premier chapitre de la Genèse. On peut dire que cette profondeur est de nature avant tout subjective et donc, en un certain sens, psychologique."
"On peut dire, suivant la philosophie contemporaine de la religion et celle du langage, qu’il s’agit d’un langage mythique. Dans ce cas, en fait, le terme ‘mythe’ ne désigne pas un contenu fabuleux, mais simplement une façon archaïque d’exprimer un contenu plus profond." Jean Paul II
" Le chapitre 2 (de Genèse) constitue en quelque sorte la plus
ancienne description, le plus ancien enregistrement de la manière dont l’homme se comprend et, avec le chapitre 3, il forme le premier témoignage de la conscience humaine. Une réflexion
approfondi sur ce texte—à travers toute la forme archaïque du récit qui rend évident son caractère mythique primitif (Note 1) —permet d’y trouver ‘en germe’ à peu près tous les
éléments de l’analyse de l’homme auxquels est sensible l’anthropologie philosophique moderne et principalement, contemporaine."
Note 1 : Si dans le langage du rationalisme du XIXe siècle le terme mythe indiquait ce qui n’entrait pas dans la réalité, le produit de l’imagination (Wundt) ou ce qui est irrationnel (Lévy-Bruhl), le XXe siècle a modifié la manière de concevoir le mythe.
L. Walk voit dans le mythe la philosophie naturelle, primitive et a-religieuse ;
R. Otto le considère comme un instrument de connaissance religieuse ;
pour C. G. Jung, par contre, le mythe est une manifestation des archétypes et l’expression de l’inconscient collectif’, symbole des processus intérieurs.
M. Eliade découvre dans le mythe la structure de la réalité qui est inaccessible à l’enquête rationnelle, empirique : le mythe transforme, en effet, l’événement en catégorie et rend capable de percevoir la réalité transcendante ; il n’est pas seulement un symbole des processus intérieurs, comme l’affirme Jung, mais un acte autonome de l’esprit humain au moyen duquel se réalise la révélation (cf. Traite d’histoire des religions, Paris 1949, p. 363 ; Images et symboles, Paris 1952, pp. 199-235).
Selon P. Tillich le mythe est un symbole, constitué par les éléments de la réalité, qui sert à représenter l’absolu et la transcendance de l’être auxquels tend l’acte religieux.
H. Schlier souligne que le mythe ne connaît pas les facteurs historiques et n’en a pas besoin en ce sens qu’il décrit ce qui est destin cosmique de l’homme qui est toujours tel quel. Le mythe, en fin, tend à connaître ce qui est inconnaissable.
Selon P.
Ricœur : « Le mythe est autre chose qu’une explication du monde, de l’histoire et de la destinée ; il exprime, en terme de monde, voire d’outre monde ou de second monde,
la compréhension que l’homme prend de lui-même par rapport au fondement et à la limite de son existence. (. . .) Il exprime dans un langage objectif le sens que l’homme prend de sa dépendance à
l’égard de cela qui se tient à la limite et à l’origine de son monde » (P. Ricœur, Le conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 383).
« Le mythe adamique est par excellence le mythe anthropologique. Adam veut dire Homme ; mais tout mythe de l’ ‘homme primordial’ n’est pas ‘mythe adamique’, qui . . . est seul proprement anthropologique ; par là trois traits sont désignés :
« Le mythe étiologique rapporte l’origine du mal à un ancêtre de l’humanité actuelle dont la condition est homogène à la notre (. . .) ;
« Le mythe étiologique est la tentative la plus extrême pour dédoubler l’origine du mal et du bien. L’intention de ce mythe est de donner consistance à une origine radicale du mal distincte de l’origine plus « originaire de l’être-bon des choses (. . .). Cette distinction du radical et de l’originaire est essentielle au caractère anthropologique du mythe adamique, c’est elle qui fait de l’homme un commencement du mal au sein d’une création qui à déjà son commencement absolu dans l’acte créateur de Dieu ;
« Le mythe adamique subordonne à la figure central de l’homme primordial d’autres figures qui tendent à décentrer le récit, sans pourtant supprimer le primat de la figure adamique. (. . .) Le mythe en nommant Adam, l’home, explicite l’universalité concrète du mal humain ; l’esprit de pénitence se donne dans le mythe adamique le symbole de cette universalité. Nous retrouvons ainsi (. . .) la fonction universalisant du mythe. Mais en même temps nous retrouvons les deux autres fonctions, également suscitées par l’expérience pénitentielle (. . .). Le mythe protohistorique servit ainsi non seulement à généraliser l’expérience d’Israël à l’humanité de tous les temps et de tous les lieux, mais à étendre à celle-ci la grande tension de la condamnation et de la miséricorde que les prophètes avaient enseigné à discerner dans le propre destin d’Israël. Enfin, dernière fonction du mythe, motivée dans la foi d’Israël : le mythe prépare la spéculation en explorant le point de rupture de l’ontologique et e l’historique »
(Paul Ricœur, Finitude et culpabilité : II. Symbolique du mal Paris, Aubier, 1960, pp. 218-227).
Jean Paul II, Audience du 19 septembre 1979
Jean Bottéro: en toute conscience ...
Je ne connaissais que très peu Jean Bottéro, et ma curiosité de ce qui est écrit sur le mythe, m'a conduit à découvrir cet universitaire et chercheur... Outre son oeuvre, sa biographie témoigne encore une fois de l'aveuglement que la religion peut produire chez ceux qui sont censés la représenter. Quand il s’agit de ma religion, j’en suis d’autant plus blessé !
Combien de savants (
Theilhard de chardin … ), de maitres ( Zundel … ) ont souffert de cette obstruction à l’Esprit … ? Voici : cette fois, il s’agit de Jean Bottéro ( 1914-2007).
Jean Bottéro nait à Vallauris (06) le 30 aout 1914. Enfant précoce, il entre, à 11 ans au séminaire de Nice, où il s'initie au latin, puis au grec. Après le
noviciat en 1931, il prend l’habit de dominicain, au prieuré de Saint-Maximin, à la Noël 1932.
Distingué par le père Lagrange, fondateur de l'Ecole biblique de Jérusalem, il est choisi pour reprendre le flambeau et interroger in situ le texte testamentaire.
Pendant le conflit mondial, il est bloqué à Saint-Maximin : il y enseigne la philosophie grecque, puis l'exégèse biblique, qu'il inaugure par l'étude de Job et de l'Ecclésiaste pour interroger la question du mal.
Cependant, lorsqu`il aborde avec la Genèse le récit du péché originel, son refus de le créditer d`un certificat d`historicité conduit à la rupture. Il est alors suspendu. À ce moment-là, il s`installe dans un couvent dominicain à Paris. Ne pouvant renoncer à l`étude, il reprend le projet du père Garrigou-Lagrange d`établissement au Proche-Orient. Apprenant seul l`akkadien (langue sémitique ancienne parlée en Mésopotamie), il traduit, avec l`appui de René Labat, professeur de philologie et d`histoire à l`École pratique des hautes études, le « Code de Hammurabi »
Poussé par Labat, Bottéro intègre le CNRS en 1947.
En 1950, il est contraint à demander sa « réduction à l`état laïque ». En effet, ses supérieurs religieux lui interdisent tout retour à Saint-Maximin car sa présence y étant tenue comme « un danger pour les jeunes ». Il quitte donc l`ordre des prêcheurs et le sacerdoce. (1 )
L’Eglise a perdu un “ bibliste ”, la science gagne un « assyriologue ».
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Le mythe sumérien de l’Atrahasis ou Supersage Texte sumérien (XVIIIème s. avant JC). à comparer avec le ' déluge biblique ' ..! Travaux de Jean Bottéro. |
Dans son livre ' Babylone et la Bible ' Jean Bottéro évoque l’influence décisive du maître Père Lagrange:
« C’est en effet au cours de ma dernière année de philosophie que j’ai fait la connaissance du P. Lagrange, qui avait quatre-vingts ans. Un des deux seuls hommes vraiment et totalement grands que j’ai rencontrés dans ma vie, pourtant longue, et qui en a vu défiler beaucoup – l’autre, c’est le P. Chenu. ( …)
Je n’étais pas tellement tourné vers l’exégèse – mais tout le monde avait un grand respect et une vive admiration pour cet homme. Il aimait qu’on lui pose des questions. Comme je redécouvrais Platon, à l’époque – je le lisais dans la collection Firmin-Didot –, je lui ai demandé si, selon lui, il fallait lire Platon. Il m’a répondu d’abord que la question avait quelque chose d’insidieux dans une maison où régnait Aristote ! Puis il a ajouté : “ Ce que je peux vous dire, c’est que Platon est le premier à avoir enseigné qu’il faut aller à la vérité de toute son âme. ” […] Le Père Lagrange m’a dit : “Apprenez d’abord l’allemand –c’est la première des langues sémitiques. »
(1)
De charactere historico trium priorum capitum Geneseos, sur le caractère historique des trois premiers chapitres de la Genèse (30 juin 1909) [AAS 1 (1909) 567-569]
Il est interdit de dire que les premiers chapitres de Genèse sont un mythe de la Création. Pour l'avoir dit, en 1954, dans un cours de formation biblique au séminaire dominicain d'Aix-en Provence, Jean Bottero sera interdit d'enseignement. Il quittera l'ordre et rejoindra une chaire d'assyriologie au CNRS. (Commission biblique pontificale)
Comment perçoit-on la beauté ?
Le grand violoniste français Renaud Capuçon a joué ( incognito..) sur la ligne 6 du métro parisien.
Dans le cadre d’un film intitulé 7:57 AM-PM. Il y interprète La Mélodie d’Orphée de Gluck.
“Dans un environnement ordinaire, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté?”
L'anarchisme chrétien
C’est la chronique de Jean-Claude Guillebaud, enchanté par le livre :
« L’anarchisme chrétien », qui a attiré mon attention vers ce courant que l’on imagine
minoritaire :
"... l’anarchisme me paraît la conviction la plus proche, dans son domaine, de la pensée biblique." - Jacques Ellul.
Jacques Ellul a écrit un livre « Anarchie et christianisme ».
Ce courant social et politique est décrit dans ce livre au travers de la radicalité mise en avant par des têtes d'affiche que l'on connaît, superbement abordées
dans le livre, comme Charles Péguy, Georges Bernanos ou Jacques Ellul, et cent autres avec Simone Weil, Dorothy Day, Pierre Kropotkine, Hugo Ball, Novalis, Peter Maurin, Tolstoï, Félix Ortt, ce
contemporain de Péguy qui publia en 1903 un Manifeste anarchiste chrétien ou Joseph Proudhon dont – à tort – on n’interroge plus la pensée. Mentionnons encore Ernest Hello, ce sublime
Breton amoureux de Dieu et qu’admirait tant Barbey d’Aurevilly. Ces anarchistes chrétiens, si méconnus, ont une « indélogeable conviction » : « Le message évangélique est
dangereux, dérangeant, subversif, décisif ».
En 2012, ce qui nous menace de mort spirituelle, c’est le règne médiocre de la marchandise et tous les affairements de la technologie. Les auteurs citent en conclusion une phrase de saint Paul : « Ne vous conformez pas à ce monde présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l’esprit ». (Romains 12, 2).
Quel serait l'équivalent chrétien de "Ni Dieu, ni maître"? Matthieu 23, verset 8 dit: "ne vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères." On pourrait donc dire que le slogan équivalent serait "Dieu est mon seul maître"
Extraits d’un entretien avec Jacques de Guillebon et Falk van Gaver (Source :La Nef N°237 DE MAI 2012 )
L’anarchisme n’est-il pas l’attitude de celui qui refuse de « rendre à César ce qui est à César » ?
« C’est tout à fait le contraire : l’anarchiste rend à César ce qui est à lui, c’est-à-dire pas grand chose. Quand le Christ règle la question de
l’impôt, il la règle avec sa sprezzatura habituelle : c’est-à-dire que pour lui, ce n’est presque pas une question. César ne sait pas faire beaucoup plus que graver son visage sur une
pièce : qu’on lui rende sa pièce. Il faut de plus mettre ce
passage fameux de l’Evangile en parallèle avec un autre, moins étudié, où les Juifs pressent le Christ de payer son impôt au Temple : « Ce ne sont pas les hommes libres comme nous qui
doivent payer, apprend-il à ses apôtres, mais pour éviter de scandaliser ces bons Sadducéens et Pharisiens nous le paierons ». Et comment s’y prend-il ? Il envoie Pierre pêcher un poisson
dans le lac : « Dans sa bouche, tu trouveras une pièce de bronze, tu la porteras au Temple ». C’est dire en quelle estime le Christ tient le « sale argent » qui est à César,
cet argent qu’on trouve dans la bouche du premier poisson venu. Qui donc est César, s’il ne possède rien de plus ? Il n’y a pas à avoir peur de César, ni à lui prêter plus d’importance qu’il
n’en a.
L’anarchie permet justement de
tempérer les liens temporels. »
( …) le Christ oppose formellement le mode d’administration chrétienne et celui des rois païens : « Eux ont des esclaves à qui ils commandent en maîtres, parmi vous que le premier soit le dernier ».
( …) l’anarchie, la chrétienne particulièrement – qui est la seule logique, la seule qui tienne – repose sur une vision complète de l’homme qui ne le tronque pas et reconnaît sa double fin, temporelle et surnaturelle. Elle invite, notamment à travers la question de la non-violence qui lui est congénitale, à une révolution intérieure, et à une révolte contre ses propres égoïsmes pour commencer. Naturellement, elle déborde ce cadre et inonde le monde temporel : en ce sens, elle n’est nullement contradictoire avec la vision du politique de l’Eglise, qui s’exprime particulièrement dans la doctrine sociale de nos jours, au contraire elle l’accompagne parfaitement : subsidiarité, c’est-à-dire organisation naturelle à la base ; option préférentielle pour les pauvres ; destination universelle des biens, tout cela sont ses maîtres-mots. »
La souffrance, éclairée par le bouddhisme et le christianisme...
«Si nous pouvons atteindre la compréhension de ce que nous sommes vraiment, il n’y a pas de meilleur remède pour éliminer toute souffrance …
Ceci est le cœur de toutes les pratiques
spirituelles » nous enseigne le Lama Kalou Rinpoché (1904-1989).
« Lors du tsunami – parce que les pays bouddhistes aussi ont été frappés – les journalistes occidentaux m’ont demandé comment les bouddhistes gèrent
le problème du mal engendré par cette catastrophe ? J’essayais de leur expliquer que le problème (métaphysique et théologique) du mal n’existe pas pour les bouddhistes tout
simplement parce que tout s’explique sans Dieu dans cette tradition. Ce problème n’existe que pour ceux qui croient que Dieu est à la fois tout-puissant et aimant amour, que Dieu
veut le bien-être de tous. Pourtant on constate la souffrance de tant de personnes partout dans le monde. Là il y a un type de contradiction. Certes, les bouddhistes qui ont perdu leurs biens et
leur famille souffrent comme moi je souffrirais si je me trouvais dans les mêmes circonstances. Mais pour eux, du point de vue de la « doctrine bouddhiste », il n’y pas de contradiction.
Au contraire, un tsunami, avec tout la misère qu’il engendre, est une
illustration de plus de cette réalité fondamentale que tout est éphémère. Pour nous, c’est beaucoup plus délicat, cette souffrance, avec la question de l’existence de Dieu. »
Dennis Gira ( Conférence Novembre 2007 à Altkirch ).
* La première Vérité du Bouddhisme repose sur une simple constatation froide et implacable : le monde est souffrance (dukkha). ( souffrance ressentie par un « égo » ). Dukkha, est bien entendu beaucoup plus qu'une simple souffrance physique ou morale. Dukkha signifie aussi inachevé, imparfait, interrompu, impermanent. Sous cet aspect d'impermanence, dukkha s'applique à toutes les manifestations du monde physique, psychologique et mental.
« Souvent on dit que pour les bouddhistes tout est souffrance parce que tout est éphémère, ce qui n’est pas très exact. Tout est éphémère et celui qui ne peut pas accepter que tout est éphémère, celui-là il va souffrir. » Dennis Gira
** « La souffrance semble être, et elle est, quasi inséparable de l’existence terrestre de l’homme. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris) Mais en même temps qu’elle renvoie l’homme à sa finitude, la souffrance « manifeste à sa manière la profondeur propre à l’homme », elle « semble appartenir à la transcendance de l’homme » :
Le
récit de la Genèse révèle que ce n’est pas Dieu qui est la cause du mal dans le monde : « Le christianisme proclame que l’existence est fondamentalement un
bien, que ce qui existe est bon ; il professe la bonté du Créateur et proclame que les créatures sont bonnes. [...] L’homme souffre, pourrait-on dire, en raison d’un bien auquel il ne
participe pas, dont il est, en un sens, dépossédé, ou dont il s’est privé lui-même. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris).
* Le bouddha nous a appris que le fait d'accepter nos difficultés ne veut pas dire rester amorphes et résignés à souffrir. Mais ce dont nous faisons l'expérience à un instant donné, quoi qu'il en soit, est la réalité de cet instant. Quand nous refusons de l'accepter, nous nous trouvons en conflit avec la réalité… Si nous acceptons la nature transitoire de notre monde, nous cesserons d'essayer de contrôler ces choses qui, par nature, échappent à notre contrôle. Nous serons en paix avec tout ce qui peut se présenter à nous dans la vie et, apaisés, nous pourrons en même temps, travailler à faire du bien aux autres à partir d'une inspiration altruiste qui apprécie, en chacun des êtres, son potentiel de transcender la souffrance et de devenir éveillé.
** L’Évangile veux aller plus loin que la simple constatation du mystère du mal et de la souffrance. Jean-Paul II introduit l’idée de « l’Évangile de la souffrance ».
La souffrance n’est plus synonyme d’absurdité ; elle devient le lieu où Dieu a aimé l’homme . Il peut être choquant à première vue, de découvrir une « qualité » à la souffrance… ( Il nous faut condamer évidemment le dolorisme …).
Jean Paul II explique que « la joie vient de la découverte du sens de la souffrance », une découverte qui est une plongée dans le mystère du Christ qui rejoint dans la souffrance le mystère de l’homme.
« Le « péché originel » est le résultat d’une relation brisée. Nous sommes tous comme saint Paul, faisant le mal que nous ne voulons pas et ne faisant pas le bien que nous voulons. C’est ça le constat. L’origine pour les bouddhistes, c’est l’ignorance. Côté chrétien, ce n’est pas forcément l’ignorance, c’est l’incapacité d’entrer dans cette relation interpersonnelle qui nous est offerte par Dieu. »
Origine et contexte ... du "Conte du Graal" de Chrétien de Troyes
On peut s’étonner du destin d’une œuvre littéraire, comme le « Le Conte du Graal » de Chrétien de Troyes. La question étant de se demander comment le « roman» (conte) devient-il un « mythe » ? Sans doute l’histoire de l’œuvre recèle une partie de la réponse…
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Nous identifions facilement les personnages comme faisant partie de la « matière de Bretagne » attachée à la légende du Roi Arthur …
- Historiquement, plusieurs rois bretons , devant l’'importante menace d'invasion des Saxons, se rangent tous sous la bannière d'un dénommé Artorius.
Ce guerrier, probablement né vers 470-475 en Cornouailles, est le chef d'une bande très mobile de cavaliers mercenaires. Tous voient en lui la seule personne capable de tenir tête à l'envahisseur. Artorius est nommé commandant en chef de la nouvelle armée et, tous unis, les rois Bretons et Gallois remportent, quelque part dans le sud-ouest de l'Angleterre vers 500-518, une grande victoire qui stoppe l'envahisseur pendant une quarantaine d'années. C'est la bataille de Mont Badon (ou Bath, ou Badbury). Quand Artorius trouve la mort dans une grande bataille, près de Camelford en Cornouailles, aux alentours de 540-542, c'est la fin de l'indépendance bretonne : à la fin du siècle, les Saxons occupent les trois quarts de l'île.
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C'est Robert Wace, dans son Roman de Brut ( Brutus ), en 1155, qui donne la coloration courtoise et légendaire à l’ « Historia regum Britanniae »du Gallois Geoffroy de Monmouth ( 1136). Arthur devient le monarque idéal, un modèle d'humanité, de vaillance, de générosité et de délicatesse. C'est lui aussi qui, le premier, mentionne la Table Ronde, symbole politique de la société courtoise.
La légende arthurienne est, dès la fin du onzième siècle, diffusée à travers toute l'Europe, et même au-delà, par les conteurs professionnels qui accompagnent les armées partant pour la Terre Sainte à l'occasion des deux premières croisades.
Chrétien de Troyes (1135-1183) , est un copiste, adaptateur de textes, et écrit sur commande, ainsi pour Marie de Champagne ( 1145-1198), fille d'Aliénor d'Aquitaine et de Louis VII ; et épouse de Henri, comte de Champagne...
Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes est dédié à Philippe d’Alsace, comte de Flandre. Chrétien de Troyes affirme avoir composé son texte à partir d’un manuscrit fourni par le comte Philippe. Ce roman, écrit vers 1180-1190, introduit pour la première fois le motif du Graal, il est resté inachevé après la mort de Chrétien.
Philippe d’Alsace (1143-1191) fut un puissant seigneur médiéval, comte de Flandre et de Vermandois. Héritier de la maison d’Alsace, il joua un rôle politique majeur en Europe, notamment en arbitrant des conflits entre les rois de France et d’Angleterre. Son règne fut marqué par une administration efficace et une politique d’expansion territoriale.
Philippe participa à la Troisième Croisade, où il trouva la mort à Saint-Jean-d’Acre en 1191. Son soutien à la littérature arthurienne a contribué à l’essor du mythe du Graal, influençant profondément la culture médiévale et les récits chevaleresques. Son mécénat demeure un témoignage de l’importance des seigneurs dans la préservation et la diffusion du savoir au Moyen Âge.
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Marie de France, également connue sous le nom de Marie de Champagne, est une figure marquante du XIIe siècle. Elle est célèbre pour son soutien aux écrivains et poètes de son époque, notamment Chrétien de Troyes. C’est sous sa protection que Chrétien écrit des œuvres majeures comme Lancelot ou le Chevalier de la Charrette, où il explore les thèmes de l’amour courtois et de la chevalerie. Marie de Champagne est née en 1145, elle est la fille du roi Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine, ce qui fait d’elle la demi-sœur de Richard Cœur de Lion et de Philippe Auguste.
Mariée en 1164 à Henri Ier le Libéral, comte de Champagne, Marie joue un rôle politique important en assumant à plusieurs reprises la régence du comté. Mais son influence ne se limite pas à la politique : elle est aussi une mécène des arts et des lettres.
Sa cour à Troyes devient un centre intellectuel et artistique, attirant des poètes et des troubadours. Elle encourage également des auteurs comme Gace Brulé, Gautier d’Arras et Geoffroi de Villehardouin.
Marie de Champagne meurt en 1198, laissant derrière elle un héritage culturel durable. Son soutien aux écrivains a contribué à l’essor de la littérature médiévale et à la diffusion des idéaux chevaleresques.
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« Perceval, ou le conte du Graal » est le seul roman de Chrétien de Troyes qui suscitera un grand nombre de continuations et de reprises, donnant naissance à un mythe durable : le mythe du Graal.
Le Parzival de Wolfram von Eschenbach (1201-5) est le texte le plus ancien après le Conte du Graal.
Voilà, ce qui en est du contexte de l’écriture de ce « roman-conte », et finalement ces explications semblent bien insuffisantes, pour comprendre, analyser et s’enrichir d’un tel texte. Pourquoi… ?
Sans doute, le plus délicat à saisir c'est le passage du niveau conscient de la lecture au niveau inconscient de la suggestion mythique. Peut-on s’autoriser à passer de l’un à l’autre.. ? S’agit de la part de l’auteur, qui parle par images, jeux de mots … de simples allégories.. ? Par exemple :
- Le « gaste pays » ou pays dévasté a t-il un rapport avec la blessure à la hanche du souverain ? Ce rapport peut désigner le concept de « stérilité ». Il se trouve que ce rapprochement avait déjà été pratiqué ( selon Plutarque, Isis rendit sa fécondité à Jupiter en lui séparant les jambes qui se trouvaient soudées et bloquées…)
Certains auteurs ont montré que le conte du Graal, était le passage d’un mythe à un autre : il y a un mythe venu de la mémoire, ancien qui évoque le souvenir d'un monde païen, disparu ...(notamment à travers les textes littéraires que l'auteur a pu connaître), et un mythe en création ( le Graal ) ; plus précisément la christianisation d'un mythe. Nous en reparlerons...
Benoit XVI: Prier est un art qui s’apprend.
« j’ai mis un accent particulier sur la forme spécifique de la lectio divina.
Ecouter, méditer, observer le silence devant le Seigneur
qui parle est un art, qui s’apprend en le pratiquant avec constance. »
« La prière est assurément un don, qui demande toutefois d’être accueilli; c’est l’œuvre de Dieu, mais elle exige engagement et continuité de notre part; surtout, la continuité et la constance sont importantes »
" ... pour la prière chrétienne aussi il est vrai que c’est en cheminant que s’ouvrent des chemins. »
« Dans le récit évangélique, les contextes de la prière de Jésus se situent toujours au croisement entre l’enracinement dans la tradition de son peuple et la nouveauté d’une relation personnelle unique avec Dieu ».
Prier est un art qui s’apprend. ( Catéchèse Benoit XVI 30 nov 2011 )
Jésus, la Bible et ... Le Mythe.
A mon avis, de même que les archétypes, sont en chacun, humainement universels et s’expriment au
travers des mythes et des contes ( et pas seulement )… De même, l’humain est archaiquement religieux, croyant …etc .
La conversion à laquelle Jésus appelle est de passer du religieux, de la croyance ...à, La Foi.
La Bible, est en elle-même une bibliothèque de livres au genre littéraire différent ; elle est également une reprise ( inculturation ) de mythes fondateurs et l’occasion d’un dévoilement divin de notre véritable nature : la Bible intègre et dépasse le Mythe …
Simone Weil : « Avant d’être une théorie de Dieu, une théologie, les Evangiles sont une théorie de l’homme, une anthropologie »
Je reviens à René Girard…
Le «phénomène victimaire», est le résultat de cette religiosité archaïque. « l'acte fondamental de la société primitive, à l'origine de la nôtre, c'est de désigner
une victime, un bouc émissaire, et de cultiver l'illusion de sa culpabilité afin de permettre d'évacuer toutes sortes de tensions collectives. » R.G. « Cette illusion est ensuite
fondatrice de rites, lesquels la perpétuent dans le temps et entretiennent des formes culturelles qui aboutissent à des institutions. »
Bien sûr, des anthropologues - et même un théologien comme Rudolf Bultmann - ont insisté sur la ressemblance entre les Evangiles et d'autres récits, et ce caractère démontrerait que la mort et la résurrection de Jésus ne sont que des mythes parmi d'autres. Et « mythe » renverrait bien sûr ici, à « sornette », égarement …etc Et, si cela est entendu, c’est que le seul type de savoir que notre monde respecte encore est, la science.
« Tout cela est-il vraiment certain? Eh bien! je pense que non seulement cela n'est pas certain, mais qu'il est certain que cela ne l'est pas. L'assimilation des textes bibliques et chrétiens à des mythes est une erreur facile à réfuter.
Dans les mythes, les victimes sont toujours coupables, car le récit est toujours écrit du point de vue de la tromperie, de l'illusion créée par le phénomène victimaire.
Le christianisme contredit d'emblée les mythes. » René Girard.
- Pierre représente le modèle de l'individu qui, dès lors qu'il est plongé dans une foule hostile à la
victime, devient hostile lui-même... comme tout le monde. Et puis, tout change, la logique archaïque est inversée et les disciples finissent par se retrouver non pas contre la victime, mais en sa
faveur. A l'opposé de ce que dit Nietzsche -
«Le christianisme, c'est la foule» - la foi chrétienne exalte l'individu qui résiste à la contagion victimaire.
- Jésus arrête net la lapidation de la femme adultère en disant: «Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre.» Mais, selon moi, la leçon principale est ailleurs: l'entraînement mimétique, voilà ce que Jésus veut combattre.
- Les Évangiles se présentent apparemment comme n’importe quel récit mythique, avec une victime-dieu lynchée par une foule unanime, événement remémoré ensuite par les sectateurs de ce culte par le sacrifice rituel – symbolique celui-là – eucharistique. Le parallèle est parfait sauf sur un point : la victime est innocente.
Entre Dionysos et Jésus, il n'y a « pas de différence quant au martyr », autrement dit les récits de la Passion racontent le même type de drame que les
mythes, c'est le « sens » qui est différent.
Tandis que Dionysos approuve le lynchage de la victime unique, Jésus et les Évangiles le désapprouvent. C'est bien là ce que
je dis et redis : les mythes reposent sur une persécution unanime.
Déjà l’Ancien Testament montre ce retournement des récits mythiques dans le sens de l’innocence des victimes (Abel, Joseph, Job, Suzanne...) et les Hébreux ont pris conscience de la singularité de leur tradition religieuse. Avec les Evangiles, c’est en toute clarté que sont dévoilées ces « choses cachées depuis la fondation du monde » (Mathieu 13, 35), la fondation de l’ordre du monde sur le meurtre, décrit dans toute sa laideur repoussante dans le récit de la Passion.
A partir d’une interview de René Girard : "La vraie mondialisation, c'est le christianisme" publié le 14/10/1999 dans l’Express