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Les légendes du Graal

xviie

Voyage en Allemagne – Heidelberg, L' Hortus Palatinus

21 Septembre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Heidelberg, #Allemagne, #XVIIe, #Alchimie, #Quête, #Tourisme

Hortus Palatinus - Heidelberg

Hortus Palatinus - Heidelberg

Le père de Frédéric avait contribué à faire de l'Université de Heidelberg l'un des centres d'apprentissage de l'Europe... Et, après que la ligue catholique ait chassé les protestants d'Heidelberg, en 1622... Le trésor inestimable – des milliers de manuscrits et d'imprimés patiemment réunis au siècle précédent par le prince Ottheinrich von der Pfalz : la Palatine, va être pillée sous les ordres du pape Grégoire XV... ! Une partie seulement des ouvrages de la Palatine regagnera Heidelberg, après un accord signé au congrès de Vienne, en 1815.

 

Amoureux de sa femme, plus conscient que jamais de la fragilité de la vie, Frédéric chercha des moyens de plaire à Élisabeth ; tout en tentant de répondre à ses questions existentielles  Malgré son luxe, le château de Heidelberg, en raison de son emplacement sur une falaise rocheuse, n’avait pas de jardin. Élisabeth était nostalgique des jardins anglais, déjà célèbres...

Frédéric V fait construire l'un des plus important jardin baroque au nord des Alpes et est considéré comme l'un des plus célèbre d'Allemagne... Le jardin est construit en terrasses par l'ingénieur et paysagiste français Salomon de Caus (1576-1626) , venu spécialement d'Angleterre pour l'occasion. 

Il aménagé le jardin en 4 terrasses thématiques, ponctuées de bassins, de jeux d'eau et de pavillons. Il construit notamment de nombreuses grottes qui contiennent des décors étonnants agrémentés d'une musique provenant de fontaines mécaniques représentant des personnages mythologiques...

Chacun des parterres a son propre motif. Au fond se trouve la ''Grande Grotte'' ; devant elle se trouve des bassins d'eau, dont l'une d'entre elle comporte une statue du Rhenus (dieu du Rhin) allongé. La noblesse peut s'y reposer durant les heures chaudes de l'été et admirer les jeux d'eau actionnés par des mécanismes secrets.  

Inspiré du jardin botanique de Padoue, la roseraie (Rosenrondell ou Monatsblumengarten) se situe à l'extrémité nord de la terrasse.

L' Hortus Palatinus , ou jardin du Palatinat a été interprété de différentes manières Il pourrait s'agir d’un jardin «magique» ou «hermétique». Dans ce modèle, les jardins complexes deviennent une allégorie de la pensée rosicrucienne, une « botanique du cosmos », contenant un profond ''secret'' , codé selon leur conception. Dans cette interprétation, les jardins sont destinés à capturer "une vision universelle, basée sur une union des arts, de la science et de la religion", combinée à "une ancienne tradition de sagesse secrète transmise à travers les âges". 

Le jardin d’Heidelberg est devenu la huitième merveille du monde, même si les propagandistes catholiques le décrivent comme une porte d'accès à l'enfer. Elisabeth, contemplant la rivière tranquille du Nekar couler au-dessous, écoutant les théories astro-théologiques d'Abraham Scultet, l'aumônier de Frédéric, projetant d'écrire l'histoire des cent premières années de la Réforme, écoutant peut-être les mystérieux oracles de Jetha Behel, qui vécut là, dans la vieille tour … Elisabeth aimait s'entourer de savants... Ce qui ne l’empêchait pas de s'adonner à la chasse dans les collines environnantes où ses compétences en a fait, dit-on aussi, la plus célèbre chasseuse de son temps.

Mais les réalités politiques sous-jacentes à ce paradis terrestre étaient aussi laides que le jardin était magnifique.

Le jardin n'a jamais été fini. Au lieu de cela, il a été détruit par l'artillerie catholique qui l'a ensuite utilisé comme base pour la destruction de la ville. Lorsque le fils de Frédéric a été restauré à la seigneurie du Bas-Palatinat, la région était en ruine. Le jardin n'a jamais été reconstruit. Il reste une ruine pittoresque à ce jour.

Les catholiques allemands, bien qu’ils aient échoué pendant cent ans à réprimer la réforme de Luther, ont continué à planifier et à faire la guerre à cette fin. Chez les protestants, un mouvement est né qui espérait couronner un dirigeant des États calvinistes et luthériens unis pour s'opposer à l'empereur du Saint-Empire...

 

Voyage en Allemagne – Heidelberg, L' Hortus Palatinus
Voyage en Allemagne – Heidelberg, L' Hortus Palatinus
Voyage en Allemagne – Heidelberg, L' Hortus Palatinus
Voyage en Allemagne – Heidelberg, L' Hortus Palatinus

Les ''Rose-Croix''

France Yates (1899-1981) a mis en évidence la relation entre la mythique confrérie de la Rose-Croix, et le monde politique calviniste qui gravite autour du jeune couple Frédéric et Elisabeth... Les ''manifestes Rose-Croix'' qui vont suivre reflètent ces projets politiques et religieux, influencés par l'anglais John Dee (1527-1608)...

Michael Maier (1568- 1622) est un médecin et alchimiste allemand, Luthérien, il est l'un des principaux commentateurs des manifestes Rose-Croix, publiés en Allemagne de 1614 à 1616.

La connaissance du mouvement ''Rose-Croix'' a commencé avec ces ''manifestes'', trois petits livres: La Fama Fraternitatis (1614) , La Confessio Fraternitatis (1615)  et Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz (1616) . 

Johann Valentin Andreae

Johann Valentin Andreæ (1586-1654) pourrait être l'auteur des Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz paru en 1616 à Strasbourg ; et peu-être l'inspirateur des autres manifestes...

Andreæ étudia au séminaire de Tubingen. Il acquit une rare culture dans les langues anciennes et modernes, les mathématiques, les sciences naturelles, l'histoire, la géographie, la généalogie et la théologie. Il laissa une œuvre considérable.

Un cénacle s'est constitué à Tübingen, ils furent les inspirateurs du rosicrucianisme, prêchant, contre le dogmatisme et le ritualisme de l'Église...

Le titre complet de la Fama commence par: «Réforme universelle et générale du monde entier…». 

Lors de l'arrivée de la princesse Elizabeth, Andreae utilise la bibliothèque de Heidelberg, il s'est lié d'amitié avec l'un des bibliothécaires de Frederick... Il semble avoir été touché par la qualité du mariage royal qui semblait préfigurer la réalité d'un futur empereur romain germanique protestant...

L'apothicairerie qui se trouve à côté du château d’Heidelberg fut tenue par la mère de Johann Valentin Andreae pendant sept années. Elle nous donne de précieuses indications sur les préparations spagyriques voire alchimiques de l’époque. Aujourd'hui, le musée se visite …

 

Mais, Frédéric fut vaincu à la bataille de la montagne blanche et le rêve alchimique mourut !

Ce rêve alchimique pourrait se rapprocher aujourd'hui avec la tentative écologique de décrire la terre comme le lieu du ''vivant'', ou de dire que le monde est vivant... C'est ce que les alchimistes ou les occultistes de la Renaissance tentaient de décrire … Avant que la science moderne considère tout cela comme anathème ( « la nature est muette... »)

Pour Anne-Laure de Sallembier, le couple Frédéric-Elisabeth, décrit un mythe : le mythe du mariage alchimique, un mythe qui exige de l'innocence, de la naïveté et de la conviction du pouvoir des idées, de créer un monde nouveau.

Elisabeth est morte à Londres à 65 ans. Elle est inhumée à l'abbaye de Westminster, à côté de son frère Henry.

René Descartes (1596-1650), en 1617 s'engage dans l'armée. Sa carrière militaire va le conduire en Hollande et en Allemagne. Il rencontre des savants, comme Johann Faulhabert ( mathématicien, alchimiste..), Isaac Beeckmann ( médecin, philosophe...).. Il prend alors connaissance d'une confrérie de savants établie en Allemagne sous le nom de Frères de la Rose-Croix... Intrigué, il part pour la Bohème, et arrive en août 1619... Il passe par Heidelberg, et admire les automates aquatiques construits par Salomon de Caus dans les jardins du château...

La fille aînée d'Elisabeth et Frédéric - également nommée Elisabeth - fut une étudiante assidue en philosophie. Descartes l'a honorée de son amitié. Pendant de nombreuses années, elle a correspondu avec le grand philosophe. Ses critiques du dualisme métaphysique de Descartes sont précurseuses.

 

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Voyage en Allemagne – Heidelberg, Elisabeth Stuart

17 Septembre 2019 , Rédigé par Perceval Publié dans #Allemagne, #Histoire, #XVIIe, #femme

*** Et finalement , grâce à ce fameux manuscrit, Anne-Laure de Sallembier, va faire une autre rencontre : celle d'un couple peu ordinaire : Elisabeth Stuart (1596-1662) nommée aussi Elisabeth de Bohème et Frédéric V (1596-1632), prince-électeur et comte palatin du Rhin, puis Roi de Bohème (1619-1620), « Roi d'un hiver »...

En voici l'histoire qu'elle a retranscrite, et dont je recopie ici, quelques extraits:

Élisabeth d'Angleterre, v. 1642

L'histoire d’Elizabeth Stuart, est une histoire d'amour et de royaume perdu...

Fin XVe siècle : Les passionnés d'astronomie, voient dans la constellation de Cassiopeia, une supernova briller pendant seize mois ; la Grande Comète visible dans toute l'Europe ; ils prédisent la fin d'un monde, et le début d'une nouvelle ère..

Les jésuites prévoient de reprendre le contrôle de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Angleterre, des protestants rêvent d'un monde sans pape...

Elizabeth Stuart est née lors d'une tempête inhabituelle au cours de l'été 1596. Sa mère, Anne du Danemark, était réputée pour sa frivolité , une belle femme blonde et vive qui aimait rire et danser. Elle aimait le théâtre n'a pas manqué de cause quelques scandales … Mécène en arts, elle sut agrandir la collection royale.

Il peut arriver que l’amour se glisse dans un mariage de raison et d’État, comme au cours de l’union de Elizabeth Stuart d'Angleterre avec Frédéric, prince du Palatinat, mieux connu dans l'histoire sous le nom du " Roi d'un Hiver", roi de Bohême.

Elizabeth Stuart et son frère aîné Henry, le prince de Galles ; étaient très proches. Des nombreux prétendants à la main de sa sœur ( on pensait à Louis XIII...); c'est Frédéric, prince du Palatin, qui a été le choix du prince Henry. Les deux jeunes hommes s’aimaient et se respectaient. Ensemble ils montaient à cheval, chassaient, jouaient à divers jeux sportifs, Elizabeth étant souvent une spectatrice intéressée de leurs rencontres amicales. Les dernières paroles du prince mourant ont concerné le mariage de sa sœur avec le Prince Frédéric...

Par ailleurs, les exigences politiques étaient pressantes, la guerre menaçait ; et la mort du prince Henry ne retarda le mariage que de quelques jours....

Le 13 février 1613, Frédéric V épouse Élisabeth d'Angleterre avec laquelle il aura treize enfants :

À la sœur blessée, pleurant la perte de son frère idolâtré, la tendresse de Prince Frédéric fut un baume ; sa mémoire était bien plus précieuse que la couronne de roses en diamant que son amant lui avait apportée du Palatinat. Pourtant, la couronne scintillante que l'on peut voir aujourd'hui à Munich est magnifique ; elle semble faite de glace projetée dans la lumière du soleil, elle semble l'ornement nécessaire à une jeune "reine d’un hiver".

Bien qu’elle ne soit pas allemande de naissance, Elizabeth s’est bien identifiée avec les intérêts de son mari et de son peuple. Elle est devenue l'ancêtre de dirigeants célèbres, parmi lesquels Frédéric le Grand, la reine Victoria et l’empereur Guillaume Ier...

Elisabeth possédait la grâce, la beauté et le charme – dit-on - des manières habituelles aux Stuarts.

Le titre qu'elle a gagné en Allemagne : "La reine de cœur" semble avoir été un hommage spontané et bien mérité.

La Guerre de Trente ans.

En 1617, l’empereur Matthias Ier du Saint-Empire est sans descendance. Afin de conserver le titre impérial aux Habsbourg, Matthias Ier souhaite que celui-ci revienne à son cousin germain Ferdinand de Styrie, pour cela il lui abandonne le titre de roi de Bohême en 1617, avec la perspective de le voir ainsi accéder à la dignité impériale à sa mort.

Ferdinand, catholique zélé qui a été éduqué chez les jésuites, veut voir revenir la Bohême dans le giron de l’Église catholique...

Frédéric prend la tête de l'Union protestante, créée par son père pour sauvegarder les intérêts protestants au sein du Saint-Empire romain germanique.

L'Union protestante souhaite vivement empêcher l'élection du catholique Ferdinand, roi de Bohême, comme empereur. Les États de Bohême, à majorité protestants déposent Ferdinand et proposent le titre à Frédéric V qui est le premier prince-électeur de l'Empire. D'abord réticent, celui-ci accepte finalement leur proposition.

Cet acte sera un des facteurs déclenchant de la guerre de Trente Ans. Il est couronné à Prague, le 4 novembre 1619, et Elisabeth trois jours plus tard. Peu de temps après, Ferdinand II prend l'offensive pour reconquérir la couronne de Bohême.

C'est ainsi que l'on va vivre l’histoire de ce bref et brillant règne hivernal de Frédéric et Elisabeth en Bohême...

Le roi et la reine sont trop peu conventionnels pour plaire à la noblesse de Bohême. Frederic et Elisabeth ne parlent pas le tchèque. Les nobles de Bohême sont d'une race différente. Ils n'aiment ni la comédie française ni le théâtre anglais.... Bien que la Bohême sous Rodolphe II ait été une ville d’art et de science, d’alchimistes et d’astrologues, le goût de la connaissance ésotérique et de la littérature en général a décliné sous des années de règne catholique. Les femmes ont moins de droits qu'ailleurs en Europe...

Image satirique à propos de Frédéric V, roi de Bohême, et du Palatinat

En 1620, les forces protestantes de Bohême sont défaites à la bataille de la Montagne-Blanche le 8 novembre 1620, soit un an et quatre jours après le couronnement de Frédéric. Il en héritera du sobriquet de « roi d'un hiver » (Winterkönig).

Chagrin, humiliation, pauvreté les attendait. Ferdinand II. est triomphalement élu Empereur... L'un des premiers actes du nouvel empereur est de confisquer la principauté du Palatinat, de Frédéric et le faire passer à un prince bavarois.

Elisabeth, reine veuve de Bohème

Mis au ban de l'Empire, démis de tous ses titres et dépouillé de ses possessions par décret impérial, il est contraint à l'exil, à Sedan, auprès de son oncle Henri de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, entre 1620 et 1623.

Sa femme et lui, depuis leur exil de La Haye (Provinces-Unies), ne peuvent qu'assister, impuissants, à l'occupation du Palatinat par les troupes de Maximilien Ier de Bavière, chef de la branche catholique de la maison de Wittelsbach, qui a reçu ses terres ainsi que sa dignité électorale en remerciement des services rendus aux Habsbourg (1623).

Le Roi James 1er d'Angleterre offre à sa fille un asile, mais elle répond fièrement que sa place est aux côtés de son mari, qu'elle n'abandonnera jamais.

Frédéric V mis au ban de l'Empire, meurt en exil. Il est surnommé « der Winterkönig » (le roi d'un hiver).

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Le Voyage de La Fontaine, en 1663, en Limousin...

11 Juillet 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #La Fontaine, #XVIIe, #Voyage, #Histoire, #Littérature, #Limousin

La vie de La Fontaine (1621-1695) ne fut marquée que par deux voyages. En 1678 il se rend à Lyon chez un banquier de ses amis. Et, auparavant en 1663, il part vers Limoges.

 

Nous pouvons lire un recueil des lettres adressées à sa femme lors de ce voyage, passant par Etampes, Orléans, Richelieu, Châtellerault, Poitiers, Chauvigny et Bellac. Écrites dans un style agréable où la prose et les vers s’entre-mêlent, elles permettent de découvrir l’itinéraire de La Fontaine, jalonné des rencontres qu’il fait et d’anecdotes. Il décrit les villes et les campagnes, et s’émerveille devant une statue ou un château…. Ce voyage s’achève à Limoges, dont il ne dit pas beaucoup de bien et où il séjournera de septembre 1663 à janvier 1664.

 

La Fontaine semble avoir été contraint à l'exil, avec son oncle Jannart, tous deux victimes de la disgrâce de Fouquet. C'est Jacques Jannart, conseiller du roi et substitut du procureur général au Parlement de Paris, qui avait épousé Marie Héricart, une tante de sa femme, qui – en 1654 - avait présenté la Fontaine à Fouquet. Il plaida, ensuite, en vers la cause de ce protecteur...

 

Fouquet est Arrêté le 5 septembre 1661 puis condamné le 4 décembre 1664 à Paris. Il est emprisonné au château d'Angers, et son épouse est '' limogée '' ! Avant même, en 1914, le maréchal Joffre qui place, ici, en résidence une centaine d'officiers qu'il juge incapables de faire face aux exigences de l'heure.

Madame Fouquet est connue pour sa vanité... Elle prend la route de l'exil à contrecœur. Tout au long du parcours, elle fera en sorte que les chevaux de son équipage freinent des quatre fers, comme l'explique l'Intendant du Limousin, Claude Pellot, venu lui présenter ses hommages à Fontenay : « Elle fait fort petites journées et va lentement, dans quelque espérance où elle est que l'on pourra changer son ordre pour aller à Limoges ». De fait, il lui faudra un mois pour rallier Limoges.

Madame l'ex-Surintendante loge dans l'abbaye de la Règle. Cette très puissante abbaye, toute proche de la cathédrale, est brillamment réformée par l'abbesse Jeanne de Verthamon au XVIIe siècle après une période de décadence. C'est elle qui accueille Madame Fouquet …  

 

Le départ de La Fontaine a lieu le 23 août 1663.
Marie Héricart
La Fontaine écrit à sa femme, restée à Château-Thierry. En 1647, il est marié avec Marie Héricart (elle a alors 14 ans), un mariage de complaisance... Dès la première lettre, il la raille avec une grâce taquine et un malicieux bon sens où se marque suffisamment leur incompatibilité. 
« Vous n’avez jamais voulu lire d’autres voyages que ceux des Chevaliers de la Table Ronde ; mais le nôtre mérite bien que vous le lisiez. Il s’y rencontrera pourtant des matières peu convenable à votre goût ; c’est à moi de les assaisonner, si je puis, en telle sortes qu’elles vous plaisent ; et c’est à vous de louer en cela mon intention, quand elle ne seroit pas suivie du succès. Il pourra même arrivé, si vous goûtez ce récit que vous en gouterez après de plus sérieux. Vous ne joüez, ni ne travaillez, ni ne vous souciez du ménage ; et hors le temps que vos bonnes amies vous donnent par charité, il n’y a que les romans qui vous divertissent. C’est un fonds bientôt épuisé : vous avez lu tant de fois les vieux que vous les savez ; il s’en fait peu de nouveaux, et parmi ce peu, tous ne sont pas bons : ainsi vous demeurez souvent à sec. Considérez, je vous prie, l’utilité que vous seroit, si en badinant je vous avois accoutumée à l’Histoire, soit des lieux, soit des personnes : vous auriez de quoi vous desennuyer toute votre vie, pourvû que ce soit dans l’intention de ne rien retenir, moins encore de ne rien citer : ce n’est pas une bonne qualité pour une femme d’être savante, et s’en est une très mauvaise d’affecter de paroître telle. »
Dans ses lettres plusieurs passages tendent à confirmer que La Fontaine n'a plus à craindre ou qu’il s’amuse à exciter la jalousie de sa femme. Mais, la relation du couple n’a jamais été bonne, les infidélités réciproques faisant le reste....

 

A Bourg-la-Reine, La Fontaine et son ami, prennent un carrosse de Poitiers :
« (...) en récompense trois femmes, un Marchand qui ne disoit mot, et un Notaire qui chantoit très-mal ; il reportoit en son pays quatre volumes de chansons. Parmi les trois femmes, il y avoit une Poitevine qui se qualifioit contesse ; elle paroissait assez jeune et de taille raisonnable, témoignioit avoir de l’esprit, déguisoit son nom, et venoit de plaider en séparation contre son mari ; toutes qualitez de bonnes augures, et j’y eusse trouvé matière de cajolerie si la beauté ne s’y fut rencontrée, mais sans elle rien ne me touche, c’est à mon avis le principale point. Je vous défie de m’y faire trouver un grain de sel dans une personne à qui elle manque. »
La Fontaine, semble, malgré lui, contraint de se presser :
« Je remets la description du château à une autre fois, afin d’avoir plus souvent l’occasion de vous demander de vos nouvelles, et pour ménager un amusement qui vous doit faire passer notre exil avec moins d’ennui. » (lettre de La Fontaine, 5 septembre 1663)

M. de Châteauneuf, est chargé de s'assurer que le déplacement est rapide...

« Je n’eus pas assez de temps pour voir le rempart […]. (30 août 1663 ( …) Nous n’eûmes pas le loisir de voir le dedans [château de Blois] »
« De Cléry à Saint-Dié, qui est le gîte ordinaire, il n’y a que quatre lieues, chemin agréable et bordé de haies ... »

A suivre ....

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''Rose-Croix'' et ''théorie du complot'' au XVII et XVIIIe siècles

26 Février 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Contes Mythes Légendes, #Rose-Croix, #Templier, #XVIIIe siècle, #XVIIe, #Littérature

Les Effroyables Pactions Faictes entre le Diable et les pretendus invisibles...

 

Comment Jean-Léonard de la Bermondie s'est passionné pour une Connaissance qui lui était suggérée au travers de documents anciens, qui remontaient semble -t-il d'un ancêtre qui aurait été alchimiste et peut-être même Templier...

Cette histoire médiévale a été racontée ici-même, et fournissait à Jean-Léonard le désir d'aller plus avant …( voir aussi article précédent)

Comment à son époque, était-on préparé à s’intéresser, et à se frayer un chemin spirituel, avec une société comme '' La Rose-Croix'', puisque c'est d’elle que nous allons parler … ?

 

En préambule, il est nécessaire de prévenir le lecteur que ce n'est pas l'origine historique, objective d'un mouvement comme celui des Rose-Croix qui nous intéresse ici ; mais bien les effets prodigieux engendrés par le phénomène qui amène à ce qu'au début du XVIIIe siècle, le mouvement a déjà échappé à ceux qui l'avaient initié, et s'est trouvé être un véhicule fascinant pour tous ceux qui tentaient la Quête ...

Pour cette raison, et très tôt, les Rose-Croix, comme l'écrit le Le P. Jacques Gaultier en 1633, de la Compagnie de Jésus , sont perçus comme une hérésie « rejeton du Luthéranisme, mélangé par Satan d’empirisme et de magie. ». Le lien est également fait avec l'alchimie : Jean Roberti, jésuite et auteur d’un violent pamphlet contre l’alchimiste Goclenius (1618), assimile ceux qu’il appelle « les frerots de la Croix de Roses » à « une très pernicieuse compagnie de Sorciers & Magiciens » et à une « meschante conjuration de faquins prejudiciable à la Religion, aux Estats seculiers et à la doctrine des bonnes moeurs… ».

 

L'auteur inconnu de '' l'Examen sur l’inconnue et nouvelle caballe des frères de la Rozée-Croix '' (1624 ) fait une liste de transgressions commises contre les valeurs chrétiennes :

« [Leur] ABC et premier document – dit-il de cet « abominable collége » – c’est de renier Dieu createur de toutes choses, blasphemer contre la très simple et individuë Trinité, fouler aux pieds tous les mistères de la redemption, cracher au visage de la mère de Dieu et de tous les saints.

Le second, abhorrer le nom chretien, renoncer au baptesme, aux suffrages de l’Eglise et aux sacrements.

Tiercement, sacrifier au diable, faire pacte avec luy, l’adorer, lui rendre hommage de fidelité, adulterer avec luy, luy vouer ses enfants innocens et le recognoistre pour son bien faicteur.

Quartement, aller aux sabbats, garder les crapaux, faire des poudres venefiques, poisons, pastes de milet noir, gresles sorcières, dancer avec les demons, battre la gresle, exciter les orages, ravager les champs, perdre les fruits, meurtrir et martirer, son prochain de mil maladies. »

De même pour ''Les Effroyables Pactions Faictes entre le Diable et les pretendus invisibles'' qui reprennent maints faits diaboliques repris par les colporteurs et conteurs dans les campagnes jusque limousines ...

 

Voilà des attaques religieuses, qui laissent penser que le mouvement ''Rose-Croix'' délivre des propos qui ne devraient pas être anodins... et aussi résonnent avec des lectures romanesques ( '' romans de chevalerie'' ou ''romances'' en Angleterre...) prisées à l'époque. Par exemple :

L’Histoire prodigieuse et lamentable du Docteur Fauste traduite par Victor Palma-Cayet (1525-1610) : le pacte qui le lie au malin forme un thème structurant dans l’Examen.

On pense aussi à une autre légende allemande à propos du don d’ubiquité des ''Invisibles'' et de leur bourse merveilleuse, source d’une richesse inépuisable, qui plus est, capable de franchir les frontières, puisqu’elle jaillit en monnaie locale. Il s’agit évidemment de deux motifs empruntés aux Aventures de Fortunatus dont Vion d’Alibray avait donné au public une version française en 1615.

Fortunatus, héros cosmopolite, voyage à travers le monde grâce à un chapeau le conduisant instantanément au lieu désiré... il rencontra un jour la déesse de la Fortune dans une forêt qui lui remet une bourse qui a le pouvoir de se remplir à chaque fois que le besoin s’en faisait sentir - mêmes propriétés que celle dont sont gratifiés les Rose-Croix.... Une pièce de Thomas Dekker, contemporain de Shakespeare s’intitulait Old Fortunatus.

 

Également le Roman d’Anacrine en 1613 ou sont représentées plusieurs Combats, Histoires véritables & Amoureuses. Roman de chevalerie de François du Souhait (1570 – 1617)

Pour conter les exploits des vaillants chevaliers d'Anacrine, l'auteur utilise des grottes et forêts magiques, des temples ensorcelés et maints autres lieux féériques...

Dans cet univers aux dimensions immenses, au carrefour du rêve et de la réalité, évolue une foule de personnages. Dans la multitude des divers héros, retenons les principaux: Anacrine, fille du duc de Moravie, éprise d'Amédée, Richard d'Angleterre, Emmanuel d'Ecosse, six chevaliers Esclavons: Amaris le prudent, Aigolant l'accomply, Lintamar le constant, Mélidor sans repos, Apulin le jovial et surtout Amédée le courtois.

Plusieurs intrigues sont enchevêtrées les unes dans les autres : C'est d'abord l'histoire d'un tournoi proposé par le duc de Moravie. Cette histoire sous-tend l'ensemble du récit.

Le tournoi se déroule sur sept jours et s'achève sur la décision du duc de Moravie de donner sa fille à Floridor de Saxe. Mais le roman est aussi l'histoire des quêtes menées par le monde par divers chevaliers car "la coustume de Moravie estoit que ceux qui désiraient l'accolée du Prince, devaient amener avec eux une dame pour en prendre l'espée, ou du moins avoir le portrait de celle qui devait un jour authoriser leurs armes" . La quête de Richard d'Angleterre recherchant l'amour de Filinde, infante de Numidie, est l'un de ces fils conducteurs à côté de la quête d'Emmanuel d'Ecosse, "chevalier du Léopart", qui défend les couleurs de Luciane, sœur du duc de Moravie. Emmanuel d'Ecosse sera battu par un autre chevalier: Agrimante et se fera ermite, mais il finit par retrouver Luciane et l'un devient Sacrificateur, l'autre Prêtresse dans un temple enchanté . Aladin poursuit, lui aussi, sa propre quête.

Le "chevalier aux croix" est amoureux de Flavie, "chevalier aux cercueils", princesse de Braban. Aladin est un inconstant, l'issue de sa quête est malheureuse, Flavie devient une sorte de chevalier amazone. Nous pouvons lire également le déroulement de la quête d'Agrimante, cousin d'Aladin, "chevalier de la déesse" et épris d'Isidore, sœur d'Aladin. Econduit, il devient le "chevalier du désespoir". Ces quêtes constituent des fils d'intrigue dans Le roman d'Anacrine mais il en est d'autres:

 

Chacun des principaux protagonistes énumérés rencontre dans sa quête personnelle divers autres personnages qui, tous, font le récit de leurs propres aventures.

Ainsi, l'histoire du comte d'Aite, homme déjà instruit qui se laisse pourtant tenter pas le senor Aria. Celui ci l'initie à la pratique de la magie pour lui permettre d'obtenir la connaissance, sans devoir se plier aux efforts de l'étude. Le comte d'Aite choisit la damnation, pactise avec le diable et obtient, en échange de son âme, le don de rajeunir et celui de bâtir par magie des édifices, au gré de sa fantaisie....

Le Temple de la Rose-Croix, gravure du Speculum Sophicum Rhodostauroticum (Miroir de la sagesse des Rose-Croix) de Teophilus Schweighardt Constantiens (pseudonyme de Daniel Mögling), 1618

 

Ainsi, les prétendues enquêtes faites sur les ''Invisibles'' ( les Rose-Croix), sont puisées dans différentes fictions romanesques publiées en français quelques années ou décennies plus tôt.

Jean-Léonard de la Bermondie a la culture de ces lectures ; et il cherche à en faire le lien avec ce qu'il sait de la vie de Roger de Laron ( alchimiste et templier, je le rappelle ...)

C'est même un sujet de longues discussions avec un camarade d'école des pages, plus jeune que lui : le marquis de Lusignan...

Hugues-Thibault de Lusignan est lui-même porteur d'une légende et de l'histoire d'une lignée qui le dispose à s'interesser à cette Connaissance qui s'établit au cours des siècles ...

Ce qui a frappé Hugues-Thibault, c'est l'anneau que Jean-Léonard garde précieusement et qui remonte aux croisades ( ci-contre …).

 

Parmi les pièces du ''trésor'' légué par les seigneurs de Laron, dont le jeune noble limousin est dépositaire, se trouve également une croix métallique à branches égales du type de celle que présente le prophète Jérémie sur la statue du portail nord de la Cathédrale de Chartres ; et beaucoup d'autres documents qui relatent l'histoire de Roger de Laron...

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