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uriage

1942 - Rencontre avec Fernand de Brinon – Ecole des cadres

Publié le par Régis Vétillard

Fernand de Brinon

Fernand de Brinon ( 1885, fusillé en 1947) est le représentant « du gouvernement français dans les territoires occupés » ( une sorte d'ambassadeur de Vichy en France ! ). Son siège est l'hôtel de Breteuil de Paris, 12 avenue Foch.

Lancelot est reçu selon des apparences toutes cordiales avec des, « cher ami.... », « votre chère maman... », « parlez-moi de vos soirées vichyssoises... » et avec une allusion aux rumeurs sur les nombreux espions qui s'y trouveraient. Enfin, sur le ton de la confidence, de Brinon trouve regrettable que des services secrets français s'en soient pris à de nombreux agents français de l'Abwehr.. ! - Savez-vous que ces activités renforcent l'hostilité des allemands à notre égard. Lancelot se montre très prudent : il ne réagit pas aux propos sur le colonel d'Alès ; et répond que son souci se porte sur la mission que lui a confié le Secrétariat général à la Jeunesse ( SGJ) ...

Il s'agit, donc, de faire un état des associations de jeunesse en zone occupée; le gouvernement souhaite en étudier les possibilité de développement.

Fernand de Brinon vante la collaboration, et la place de la France dans la nouvelle Europe, avec '' ses pâturages, ses troupeaux, ses vergers ; l'attrait du tourisme et le prestige du luxe, l’œuvre du paysan et celle de l'ouvrier...'' etc..

Certes, reconnaît-il, la jeunesse doit, à Vichy comme à Paris, se pénétrer d’un certain nombre de valeurs morales, se pétrir de la culture du chef, obéir à une rigoureuse formation physique, s’accommoder d’une hygiène de vie et de canons de virilité extrêmement stricts, bref, donner naissance à l’homme nouveau que nous appelons de nos vœux....

L'Allemagne nous en donne l'exemple, mais, pour être franc, elle se méfie de la multiplicité des mouvements que promeut Vichy ; une jeunesse européenne, unique serait idéale...

Le SGJ s’est installé dans un vieil hôtel du faubourg Saint-Honoré.

Lancelot comprend bien vite, que si Vichy, considère les mouvements de jeunesse, comme « les véritables animateurs de la Révolution nationale » ; les ''collaborationnistes '' ont une vision plus idéologique et stratégique ; à l'image des Jeunesses Populaires Françaises de Doriot qui proclame que « la jeunesse doit être une » pour être forte. Unir les mouvements de jeunesse, contre l'avis de Vichy, est l'idée défendue par Georges Pelorson.

JPF - Jeunesse avec Doriot -1943

Lancelot reçoit diverses accréditations pour aller visiter et questionner des associations à orientation autoritaire comme les ''Jeunes du Maréchal '' , ou l' '' Union générale des étudiants de Paris.'' Il pourra rencontrer Roland Goguillot ( un ancien militant trotskyste), pour les JNP, les jeunes du RNP de Marcel Déat. Tous ces gens tiennent en peu d'estime l'entourage du Maréchal, qu'ils considèrent comme bourgeois, conservateur et clérical.

Jacques Bousquet, professeur de lettres au lycée Voltaire, fondateur du mouvement "Les jeunes du Maréchal" a été détaché le 25 octobre 1941 comme directeur de des écoles nationale des cadres supérieurs pour la zone occupée.

 

En juin 1941, 4569 stagiaires sont passés par les Ecoles nationales ou régionales de la zone occupée ; leur fonctionnement n'est pas favorisé par l'occupant.

L’école du Château de Madrid est transférée à celui de la Chapelle-en-Serval ( confisqué à des juifs) , près de Senlis. Elle est inaugurée par Georges Lamirand le 4 janvier 1942. Lancelot a souligné dans ses notes la remarque suivante : - Cette propriété confisquée à une famille juive, recevait déjà les cadres du mouvement scout israélite, promotions que l'on nommait '' Montserval'' .

Lancelot prépare la tournée que doit faire Dunoyer de Segonzac ( Uriage) dans la zone Nord. Ce dernier, ne se reconnaît pas dans la nouvelle école nationale transférée à la Chapelle-en-Serval et ouverte par Bousquet, il retrouve en revanche dans les autres écoles (Montry, Saint-Germain-en-Laye…) des anciens élèves de Jean Jousselin ( pasteur protestant et responsable scout) avec qui il continue à partager un même esprit. Jousselin avait ouvert la première école de cadres de l'île de France au château de Sillery ; puis il perdit son poste du fait de son soutien aux juifs.

L'école de la Chapelle-en-Serval, devient un haut-lieu de propagande nazie. Il ne s'agit plus de la ''Révolution Nationale'', mais comme l'écrit '' Je suis partout '' d'une « révolution nationale et sociale Européenne.''

L’École des cadres d’Uriage demeure la plus réputée, elle fut un laboratoire de ce qu'aurait pu être ''la Révolution nationale'', elle expérimente un mode de vie original, fondée sur le lien nécessaire entre savoir théorique et pratique, sur la critique du libéralisme et de l’individualisme, au profit de valeurs communautaires, de la mise à l’épreuve physique et sportive et surtout d’une formation spirituelle pétrie de catholicisme social, qui emprunte largement au personnalisme chrétien et à Emmanuel Mounier, lui-même.

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L'Ecole d'Uriage -3- Lithargoël

Publié le par Régis Vétillard

Viennent souvent, au château, des conférenciers de Grenoble, ou de Lyon ; et la parole est si libre que Lancelot semble être ici, hors du temps de Vichy.

Philippe Pétain et, à sa gauche, les cardinaux français Emmanuel Suhard et Pierre Gerlier, ainsi que Pierre Laval, en novembre 1942

L'un des derniers thème de discussion concerne l''' Explication chrétienne de notre temps ''. On évoque la défaite en remontant dans l'histoire, jusqu'à la fin du Moyen-âge pour y trouver les racines d'une ''crise de civilisation'', lorsque l’homme s’est « coupé de la vie supérieure » pour sombrer dans le matérialisme. La Renaissance ensuite, s'est centrée sur l'émancipation de la tutelle de l’Église ; jusqu'à s'imaginer fonder une société sans dieu, pourtant issue du christianisme...

La défaite de 40, semble donc justifier une pensée réactionnaire catholique. La '' Révolution nationale '' pouvant être le moyen d’effacer '' la République Parlementaire'' issue de 1789.

Le programme de formation intellectuelle comprend l’étude des trois auteurs désignés comme « les Maîtres de la politique française » : Maurras pour la monarchie, Péguy pour la critique du parlementarisme et Proudhon pour le traditionalisme

Le directeur de l'école, ne craint pas – sur ces bases – de provoquer un débat , en organisant un colloque avec Emmanuel Mounier et Jean Lacroix, les fondateurs de la revue Esprit ; Jean-Jacques Chevallier, professeur de droit à la faculté de Grenoble ; Michel Dupouey du Secrétariat général à la Jeunesse ; Henri Massis, de La Revue universelle et surtout principal conseiller du Maréchal pour les problèmes de jeunesse...

Emmanuel Mounier

 

Pour Mounier, la personne est une « liberté créatrice qui prend le monde comme problème et le construit comme destin » ; ce qui la constitue, c'est l’Être infini : « un Être personnel présent au plus intime de nous-mêmes ». La personne est '' vocation ''…

La pensée de Massis, même si – à la suite de Péguy - se rattache à une politique de l'incarnation ; elle semble à Mounier trop amère, angoissée. Au point d'en arrêter la recherche ; sa pensée est ''solution ''. Mounier en appelle plus à la ''proposition'', et même au mystère...

Le conflit idéologique éclate, et c'est finalement le contrôle même de l'Ecole qui est en jeu.

 

Lancelot voit passer des gens estimés de tous, même si, comme René Gosse, doyen de la faculté des sciences, un brillant scientifique, il est révoqué le 6 décembre 1940 de toutes ses fonctions. Au même moment, Mgr Caillot, évêque de Grenoble diffuse un message pour soutenir la politique du Maréchal Pétain, et s'en prend directement aux franc-maçons.

René de Naurois

 

René de Naurois, qui ne cache pas dans ses prédications son aversion pour le national-socialisme, supporte de plus en plus mal, l'idée que la France puisse devenir un satellite de l'Allemagne nazie. Il se rend souvent à Grenoble, et Lancelot sait qu'il soutient un mouvement de résistance qui vient de se créer autour d'une professeure de Lettres du lycée Stendhal, Marie Reynoard.

 

Début 1941, Dunoyer de Segonzac, prononce à la faculté des Lettres de Grenoble, une conférence, il exalte l'esprit de revanche et, dans un même élan, avoue que son plus cher désir est la victoire de l'Angleterre. Des applaudissements éclatent dans la salle.

 

Le 17 février 1941, Segonzac reçoit des instructions précises de Vichy: il est sommé de se séparer de Mounier et de l’abbé de Naurois. De ce jour, l’abbé entre dans la résistance active.

Le 20 août, la revue Esprit sera interdite.

 

Lancelot, dans son rapport au Secrétariat d'Etat à l'Instruction publique et à la Jeunesse, sut mettre en avant les aspects qui étaient attendus par le régime de Vichy ; exposé juste, donc mais réduit...

Lancelot fait l'éloge de ces jeunes stagiaires volontaires, énergiques qui chantent en cadence des chansons folkloriques ou d’actualité comme ''Maréchal, nous voilà ''.

A Uriage, sont régulièrement évoquées des figures comme Jeanne d'Arc, Péguy, Lyautey, et le vainqueur de Verdun. On y exalte les vertus dures et nobles comme, la pureté, l’abnégation, le don de soi, le goût du sacrifice, ou bien encore l'humilité des petites gens. On y évoque le passé, prenant volontiers ses références dans la chevalerie médiévale, prônant le retour aux traditions ancestrales...Etc.

 

Quelques jours avant le printemps, et le départ de Lancelot. Un événement va le marquer profondément...

Les habitants du village d'Uriage, ont récupéré un homme blessé, et l'amènent inconscient au château … Mutique, il semble incapable de parler... il ne comprend pas le français, mais l'allemand... Lancelot et René de Naurois parlant allemand, tentent de l'interroger...

Il porte sur lui quelques cartes du Tarot de Marseille, - le Fou – l'Empereur - qu'il présente pour expliquer sa présence, ici.

Quand on lui demande comment il s'appelle, il répond, quelque chose comme ''Litarguel'' : Naurois, pense au nom d'un ange ( comme Gabriel, ou Raphaël...) ?

La dernière nuit, il semble aller mieux et retrouver ses esprits. Il s'adresse à Lancelot qui le veille : il souhaite connaître son nom, et le nom du lieu, où il est : puis, il répète ''Lancelot... Lancelot - Vielen Dank ( Merci beaucoup ); comme s'il était soulagé.

- Et vous, que faites-vous, ici... ? - Wir müssen den Stein wiederfinden...( Nous devons retrouver la pierre ) ceci dit, avec beaucoup de difficulté. Enfin, il réclame ses deux cartes de tarot, pose le fou sur son cœur ; puis le tend à Lancelot ; et lui fait signe qu'elle est à lui, à présent.

Lancelot n'a pas bien compris :

- Quelle pierre... ? Pourquoi... ? - Wir müssen den Stein vor ihnen finden ( Il nous faut trouver la pierre avant eux).

L'homme retire une enveloppe de la poche intérieure de son blouson: - Vous la remettrez à une personne travaillant sur Tube Alloys, qui se présentera à vous. Il s'agit des ''Romances du Rosaire'' de Clemens Brentano.

Il ferme les yeux. - Nur die Rose kann... ( Seule la rose peut...) et s'endort.

Le lendemain, son lit, sa chambre sont vides. L'homme a disparu, aucune trace de lui, sinon les deux cartes de tarot, que Lancelot a gardé ; et surtout ce livre.

Lancelot est profondément bouleversé, par le mystère de cette rencontre. Comment cet homme est-il arrivé ici, et pourquoi... ?

Où est-il ?... ? Le médecin pense qu'il était seulement très fatigué; et sans-doute était-il poursuivi par des nazis...

 

L'abbé Paul Tresson, que j'ai évoqué plus avant, reconnaît dans le nom de l'homme, entendu par Lancelot et Naurois : le nom de '' Lithargoël ''. - De qui s'agit-il ? - D'un ange effectivement, un ange thérapeute. Il est mentionné dans un livre, qui appartient à la série des Actes apocryphes des apôtres. Ce livre a disparu ; mais on connaît une parabole qui devait y figurer, parce qu'elle est rapportée dans la littérature syriaque.

L'étymologie du nom Lithargoël est à chercher en grec du côté de ''pierre brillante '', ce qui correspond au sens de l'histoire ; et la terminaison 'el ' renvoie au nom divin, commune aux noms d'ange.

Cette histoire raconte qu'un marchand, Lithargoël, offre aux pauvres, une pierre, une perle, mais ils ne répondent pas à son invitation; ils l'accueillent, mais ne partent pas dans la cité que leur indique l'ange... Pierre et les apôtres, vont accepter de s'y rendre, ils y seront alors accueillis par Lithargoël, qu'il ne reconnaissent pas, habillé en médecin, et qui va se révéler être le Christ.

''Les Romances du Rosaire'' (1852) sont un long poème inachevé. Il se présente comme une suite de tableaux, qui expriment les embarras du cœur humain par différentes figures. Brentano a probablement pensé au Roman de la Rose.

L'abbé Tresson apprend à Lancelot, que Brentano, converti au christianisme, catholique, fervent du Rosaire, vint s'asseoir pendant six ans au chevet d'une religieuse, Anne Catherine Emmerich, pour retranscrire ses visions, jusqu'à sa mort en 1824.

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1940 - L'Ecole d'Uriage -1-

Publié le par Régis Vétillard

A Vichy, Bergery s'était entretenu avec Lancelot au sujet d'un projet d'une école des cadres... Il lui avait proposé même de participer à une rencontre de responsables de mouvements de jeunesse, dans la forêt de Randan près de Vichy du 1er au 4 août 1940. Il pourrait retrouver Henry Dhavernas, rencontrer Jean Jousselin, pasteur protestant et responsable des Éclaireurs Unionistes de France, et le capitaine de cavalerie Pierre Dunoyer de Segonzac (1906-1968) . Bergery l'avait assuré que cela devrait l'intéresser....

Pierre Dunoyer de Segonzac et ses adjoints à l'école des cadres d'Uriage à Uriage-les-Bains, France en 1942

En septembre 1940, Dunoyer de Segonzac ( il a 34 ans) crée le Centre Supérieur de formation des chefs de la Jeunesse. Comme Pétain, qui a confiance en lui, il estime que les ''élites'' ont failli ; aussi faut-il assurer leur formation pour reprendre le combat le jour où le redressement annoncé par le Maréchal, nous le permettra...

A Vichy, Dunoyer de Segonzac recrute une équipe de jeunes gens. Elle va se constituer notamment avec le capitaine Eric d'Alençon ; Roger Vuillemin, un professeur d’éducation physique particulièrement dynamique; et, pour aumônier de l'école, une personne qu'apprécie particulièrement Lancelot : l'abbé René de Naurois ( 1906-2006).

René de Naurois, aumonier

Début août 1940, il s'agit de trouver un lieu pour installer l'école : Dunoyer de Segonzac, réussit à faire réquisitionner un château, libre, près de Gannat - La Faulconnière - et commence son service le 12 août. Cependant au bout de deux mois, le directeur décide de déménager pour se soustraire aux visites régulières de fonctionnaires de Vichy, et pour avoir les coudées franches. Il informe le secrétariat d'Etat, du déménagement de l'école pour Uriage, près de Grenoble.

 

Le 20 octobre, l'Ecole d'Uriage reçoit la visite de Pétain, qui conforte le projet d'une équipe d'origine sociale, de profession et d'engagement politique différents ; bien sûr engagée derrière le Maréchal.

 

En accord avec le SR et avec mission d'en rapporter de l'information, Lancelot part pour Uriage, peu avant Noël 1940.

Le Château d'Uriage

Lancelot va tout de suite être saisi et séduit par le lieu... L'école s'est installée dans un château d'aspect médiéval, impressionnant quand on y arrive en fin d'après-midi entre brume et crépuscule. Quelle émotion supplémentaire d'entendre que ces murs abritaient une branche de la famille maternelle du chevalier Bayard.

Dans le hall, un grand portrait de Pétain accueille le visiteur ; et sur un mur adjacent, le blason officiel de l'école fait une référence historique évidente aux moines-chevaliers de l’ordre du Temple. Tout ici, semble inviter Lancelot, à inscrire son projet, dans l'histoire du fil rouge qui relie ses ancêtres. Il trouve à Uriage, l'esprit de chevalerie qui l'accompagne depuis l'enfance et qui se présente sous la forme d'un ordre, d'une devise, d'un blason.

Blason d'Uriage

Il devait rester deux à trois semaines ; mais il restera plusieurs mois... Lancelot trouve sa place comme ''instructeur radio''.

 

Il occupe beaucoup de son temps à en connaître l'histoire, voire même, ses secrets... Le dernier propriétaire qui a vécu au château était un homme cultivé et fortuné. Ingénieur, il fit de nombreux voyages en particulier en Egypte, d'où il a ramené une pièce fameuse, qu'il découvrit le 8 mars 1842 : une Stèle royale de Ramsès II, dite « stèle de Kouban », troisième année du règne de Ramsès II (1287 avant J.C.). Cet homme s'appelle Louis de Saint-Ferriol (1814-1877) ; mécène de sa ville, il va y développer sa cure thermale.

A partir de 1920, le déclin s’amorce. Le fils de Louis : Gabriel de Saint-Ferriol, vieillissant, vend l’établissement thermal et décède en 1927, sans descendance. Le château est légué à sa nièce, Ghislaine Pellissier de Féligonde (1914-1994), qui vit à Paris, et se mariera , le 3 août 1949, à Hervé de Fleuriau (1909-1974).

Ghislaine Pellissier de Féligonde, est la fille de Charles Pellissier de Féligonde (1882 -1962) marié à Odette de Martel (1883-1969), le neveu de Gabriel de Saint-Ferriol... Il a classé, et répertorié, et gardé ou vendu , ce qu'il restait des collections du château ; après que Gabriel de Saint-Ferriol, en 1916, ait déjà fait don des collections égyptologiques au musée de Grenoble.

Lancelot rencontre l'abbé Paul Tresson ( 1876-1959), un très grand érudit, en particulier sur les apocryphes, qui a travaillé sur les collections du Château d'Uriage, Il a publié en 1927 dans la Revue biblique : Le voyage du comte Louis de Saint-Ferriol à travers le désert du Sinaï d’après son journal inédit.

Ecole d'Uriage, 1942

 

Pierre Dunoyer de Segonzac, pense que Pétain permettra de ressouder la communauté nationale, dans l'honneur national ; à l'image de Jeanne d'Arc, qui a exalté le sentiment national, contre l'envahisseur... Uriage se doit de travailler à cela en formant les nouveaux chefs, les cadres de l'Etat.

Des stages de trois semaines à trois mois sont organisés, pour de jeunes fonctionnaires, ou de jeunes officiers (le lieutenant Le Ray, futur chef des FFI de l’Isère, sera stagiaire).

Une équipe d'instruction encadre les stagiaires, une équipe d'études est chargée de la formation intellectuelle, avec des exposés, des débats, de la recherche avec un travail de documentation ; et une équipe d'administration est chargée de la vie matérielle de l'Ecole et d'encadrer les travaux collectifs.

Lorsque l'abbé de Naurois invite Emmanuel Mounier et Jean Lacroix ; il hésitent, Mounier tranche : « C’est bien simple. En arrivant nous demanderons la liberté complète de parole. Si on nous la refuse, nous partirons ; si on nous l’accorde, nous dirons tout ce que nous avons à dire. »

René de Naurois à Uriage en 1940-41

La revue de Mounier, ' Esprit ' qui a repris fin 1940, décrit ainsi, l’École :

« Ni l’intrigue personnelle, ni la passion politique n’ont été tentées d’y faire la moindre incursion. Plus précisément, la nécessité de faire vite, de répondre à des besoins immédiats, de dépasser une mentalité de défaite que tant de sous-produits psychologiques menaçaient d’empoisonner, n’ont pas dévié, – et c’est presque un miracle, – le souci de faire des hommes complets, où l’esprit, le cœur et le corps aient chacun sa juste part. Si bien qu’école d’entraînement physique et de formation de cadres, l’Ecole d’Uriage est déjà une école de culture et de caractère. »

Emmanuel Mounier

 

La discussion affleure souvent les ambiguïtés des valeurs annoncées de la '' révolution nationale'', au regard du Personnalisme de Maritain et de Mounier... Pour l'instant, répond Mounier : il s'agit pour nous de « faire de l'armement spirituel clandestin, c'est-à-dire profiter des similitudes de noms entre nos valeurs et les valeurs publiquement proclamées pour y introduire, à la faveur de cette coïncidence, le contenu désirable » ( Note du 4 août 1940, Entretiens X (Œuvres, t. IV, p. 668) ). Ce nouveau régime est peut-être l'occasion d'abattre '' l'ancien ordre individualiste et bourgeois''. La chute de Laval ( déc 1940) est un signe positif ; mais cela suffira t-il à étouffer ceux qui conduisent une politique xénophobe et antisémite ? Et s'il fallait finalement s'opposer à ce régime ; utilisons le mieux possible notre influence sur la formation des jeunes.

La pédagogie de l'Ecole d'Uriage, utilisent l'ambiance naturelle du lieu, un rythme et une alternance des activités diverses et complémentaires. Il s'agit de créer une atmosphère virile, empreinte de camaraderie, de solidarité, au cours d'une vie communautaire faite d'étude et d'exercices manuels. Le jeudi et le dimanche ( messe en plus) se partagent entre les travaux personnels en étude ou en bibliothèque et des sports de plein air. Le lundi est un jour de repos, et sortie libre entre 7h00 et 19h00. Le sport ponctue chaque journée, en particulier au réveil.

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