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Les légendes du Graal

paris

1942 - La vie parisienne

31 Août 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1942, #Paris, #Rafle, #Juifs, #Zelman, #Jausion

Le couvre-feu, les difficultés de déplacement n'ont pas empêché la reprise - sitôt l'occupant installé - des courses, des concerts, des expositions, des salons.

Les réceptions, sont généralement de l'initiative des occupants... Pour des dîners entre français, chaque invité est inviter à faire déposer sa carte d'alimentation afin d'organiser les achats ; l'hôte se charge d'offrir le café et le sucre.

Anne-Laure retrouve ainsi régulièrement Marie-Laure de Noailles, la comtesse Marthe de Fels, la comtesse de Mun, la comtesse Murat, la comtesse Pierre de Segonzac, la duchesse d'Harcourt, la comtesse d'Oncieux, la baronne de Dietrich...

Pour la comtesse Anne-Laure de Sallembier, la vie mondaine continue et s'accompagne d'une mission particulière dévolue à ceux et celles de la haute société qui sont restés à Paris, la plupart s'étant réfugiés en zone libre. Cette mission est de garder le lien avec l'occupant pour intervenir au mieux de leurs relations... Anne-Laure a l'avantage de parler très bien l'allemand, et de connaître assez bien la culture allemande pour montrer qu'elle sait l'apprécier.

Anne-Laure considère devoir se déplacer pour retrouver des amis au Drouant, ou au Prunier de la rue Duphot ; elle peut également se rendre au Ritz - Gabrielle Chanel y vit - ou au George V, pour y rencontrer des officiers allemands en vue d'y négocier quelques arrangement, ou libération.

Florence Gould

Florence Gould (1895-1983), est installée depuis peu au 2e étage du 129 avenue Malakoff et invite en journée ; on peut y croiser des allemands comme : Otto Abetz, Karl Epting, Friedrich Sieburg, Gerhard Heller ; qui ne se considèrent pas comme des étrangers à Paris, ils ont leurs anciennes relations d'avant guerre.

Elle reçoit des écrivains et des artistes : Léautaud, Pierre Benoît, Cocteau, Marcel Arland, Céline, Giraudoux, Morand, Jean Paulhan; son préféré est Marcel Jouhandeau avec qui elle partage certaines faveurs comme avec Jünger, et quelques autres.

Florence Gould dispense à quelques uns de ses invités, comme Léautaud, une aide matérielle précieuse en ces temps de restriction.

 

Anne-Laure, s'imaginant échapper à la barbarie, recherchent les lieux, les salons placés sous le signe de la culture, comme celui de Mme Boudot-Lamotte, rue de Verneuil, dont la fille est la secrétaire de Gallimard. Elle y a entendu Jean Cocteau faire la lecture de son Renaud et Armide, devant Jünger, Heller et Jean Marais.

Marie-Laure de Noailles en son hôtel de la place des États-Unis reçoit des artistes, musiciens et poètes. Marie-Louise Bousquet (rédactrice parisienne de Harper's Bazaar ) reçoit dans son salon de la Place du Palais-Bourbon. des écrivains comme Giraudoux, Sacha Guitry, Paul Valery, les frères Tharaud, Pierre Benoît...

Anne-Laure de Sallembier rencontre aussi le docteur Hubert Jausion (1890-1959); qu'elle avait autrefois croisé chez Anna de Noailles et qui était un de ses fervents admirateurs. Cet homme, professeur agrégé, directeur de recherches et chef du service de dermatologie à l'Hôpital franco-musulman de paris ( aujourd'hui Avicenne) était une relation des plus agréables, « gai, jovial, enjoué, d'une verve incroyable, humaniste, passionné d'art, très lié au milieu littéraire, et proche de Cocteau. »

On ne parle pas de la guerre. La guerre est lointaine, elle se passe à l'Est...

On ne parle pas des arrestations de juifs. Déjà, il est si dérangeant de croiser '' l'étoile jaune '' ; sur des personnes que rien d'autre ne distingue de soi.

Inégaux devant les restrictions, le froid rétablit un semblant d'égalité entre les parisiens.

Colette conseille de ne pas quitter son lit, et de se blottir contre ses chats.

On écoute la radio. On lit les journaux. A Paris, les quotidiens à disposition sont  : Un faux ''Paris-Soir'' ( le vrai est replié à Lyon), Le Petit Parisien contrôlé par les allemands. Marcel Déat est le nouveau directeur de '' L'Oeuvre '', '' Les Nouveaux temps '' de Jean Luchaire, '' Au Pilori '' spécialisé dans l'antisémitisme populaire.

 

Lancelot préfère sortir du côté du Café de Flore , et des petits prix de restaurants comme le Petit Saint-Benoît.

Au Flore, on s’enorgueillit de dire que « jamais aucun occupant n'y mettra les pieds ». Lancelot aime observer la liberté des jeunes gens, et particulièrement ces étudiants, férus de jazz. Lancelot connaît un peu Jean Jausion, le fils du docteur, étudiant en philosophie, poète et adepte de la révolution surréaliste. Il a publié deux plaquettes : Dégradé (1938) et Polyphème ou l'Escadron bleu (1939).

Un jour de 1942, Jean Jausion annonce son mariage avec Annette Zelman. Simone de Beauvoir écrit avoir déjà remarqué le couple : « les amoureux blonds », Jausion et son amie « Tchèque [sic] et Israélite ».

Annette Zelman

Annette Zelman est une jeune fille juive, née à Nancy en 1921. Elle rencontre Jean en 1939, alors qu'elle vient à Paris pour commencer des études aux Beaux-Arts. Elle fréquente les artistes du Quartier latin. Un de ces groupes, a pour vedette Jean Rouch (1917-2004), séducteur, il sort avec l'une, puis choisit une autre. Ainsi pour Annette Zelman, au cœur des intrigues amoureuses typiques du café de Flore.

Le Docteur Hubert Jausion apprend qu'une demande de mariage à la mairie du 10 arrondissement de Paris est déposée entre son fils Jean et la juive Annette. Opposé à ce mariage, le père de Jean dénonce Annette Zelman aux autorités :

«  (…) Les parents de Jean Jausion désireraient de toute manière empêcher cette union, mais ils n’en ont pas le moyen. J’ai en conséquence ordonné comme mesure préventive l’arrestation de la juive Zelman et son internement dans le camp de la caserne des Tourelles. » note du chef du service des Affaires juives de la Gestapo à Paris, Theodor Dannecker.

Annette est arrêtée le 23 mai 1942, la fiche de police  indique  : « Écrouée au dépôt de la préfecture de police du 23 mai au 10 juin. »

La vie de Jean bascule avec celle de sa fiancée. Son père se rend compte trop tard des conséquences... Jean contacte une avocate, amie de son père, qui lui conseille de ne pas chercher a voir Annette et de s’engager par écrit a ne pas l’épouser.

«  Les deux futurs ont déclaré par écrit renoncer a tout projet d’union conformément au désir du Dr H. Jausion qui avait souhaité qu’ils en fussent dissuadés et que la jeune Zelman fut simplement remise a sa famille sans être aucunement inquiétée. ».

La comtesse de Sallembier va tout tenter pour faire libérer la jeune fille; la réponse négative et définitive qui lui est faite évoque le grave motif d'un projet de mariage entre non-juif et juif.

Anne-Laure rencontre Hubert Jausion ; qui évoque les ''inconvénients des mariages mixtes'', la mère de Jean parle de cette ''chiksa'' comme d'une fréquentation déplorable, une ''dévergondée''. Pour les parents du jeune homme, ce mariage est une déchéance sociale et raciale. Ils ne souhaitent pas que l'on fasse de mal à la demoiselle.... sauf que, le nazi Theodor Dannecker, suit avec fébrilité tous les cas de '' mariages mixtes '' et de conversions, en progression constante depuis 1940, qui parviennent a sa connaissance et qu’il interprète comme le fruit d’une '' stratégie juive ''.

 

Fâché avec son père, Jean rejoint la famille d’Annette qui s'est réfugiée à Limoges. Il écrit un roman. Un homme marche dans la ville, qui va paraître en 1945 chez Gallimard

Annette Zelman est envoyée au camp des Tourelles du 10 au 21 juin ; transférée en Allemagne, elle embarque le 22 juin dans le convoi n° 3 avec elle, 934 hommes et 65 autres femmes . Direction Auschwitz. Deux jours plus tard, le train arrive à destination. 80 % seront immédiatement gazés ou tués dans les trois semaines suivantes. Annette, elle, décédera trois jours après son arrivée.

Jean Jausion va s’engager dans la Résistance, il participera à la Libération de Paris, puis sera tué en Allemagne, le 6 septembre 1944, alors qu’il s'y trouvait comme correspondant de guerre du journal Franc Tireur.; à la découverte des camps de concentration ; dont celui d'Auschwitz, où il espérait pouvoir retrouver sa fiancée.

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1941 – Paris -4- Avenue Victor-Hugo.

13 Avril 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1941, #Paris, #La Collaboration, #Juifs, #Rafle, #Déportation

Paris-Soir - Drieu_la_Rochelle, Robert_Brasillach, Abel_Bonnard

Alors que les anciens ministres Édouard Daladier, Léon Blum, Paul Reynaud et Georges Mandel sont inculpés à la détention à vie dans une enceinte fortifiée par le maréchal Pétain pour avoir « trahi les devoirs de leur charge » ; au même moment Goebbels, ministre de la propagande, organise à Weimar un congrès international des écrivains pour discuter de la littérature dans l'Europe à venir : la délégation française est la plus importante : Drieu la Rochelle, Ramon Fernandez, André Fraigneau, Marcel Jouhandeau, Abel Bonnard, Robert Brasillach, et Jacques Chardonne. Ce train pour Weimar, symbolise ce que l'on appelle '' la collaboration''. Drieu le reconnaît : l'intellectuel ne peut être qu'aveugle aux dessous de l'action à laquelle le politique veut le mêler. Bergery en conclue: « Drieu ne comprend rien à la politique. Il croit toujours que les politiques vont faire des choses merveilleuses, accomplir des miracles... » Et, Drieu d'en rajouter : « Oui, je suis d'intelligence avec l'ennemi. J'apporte l'intelligence française à l'ennemi. » ( cf Exordre )

 

Le long de l'avenue Victor-Hugo, et dès que Lancelot est sorti de son appartement, à partir même de l'escalier qui le conduit dans le grand hall du rez-de chaussée, devant la porte de la concierge, la collaboration, la politique, sont là: celle de Vichy ou des allemands. Il y a cet appartement qui appartient à un homme politique qui s'est embarqué pour Londres avec ses enfants, et qui fait l’objet d’une réquisition officielle par les autorités d’Occupation.

Il y a cet étranger, peut-être un homme d'affaire russe, aux manières de prince qui vient d'acheter, à côté, un hôtel particulier. Il mange souvent au Traktir, au N°16, ce restaurant très fréquenté par les officiers allemands comme par leurs amis. Pourtant, y travaille comme maître d'hôtel, Maurice Rossi, très bon observateur qui renseigne efficacement Gilbert Ranault dit ''Raymond'' puis, ''colonel Rémy''. C'est de là, que Louis de La Bardonnie (1902- ) et sa femme Denise organise des points de passage à la ligne de démarcation; et peut abriter éventuellement ensuite en son château de la Roque. C'est du château, d'ailleurs, le 17 mars 1941, qu'eut lieu d'un poste émetteur, la première liaison radio avec Londres.

 

Le deuxième bureau de l'armée de l'armistice signale à Lancelot, l'organisation de résistance appelée OCM, chez Jacques Arthuys (1894-1943), en son domicile, 72 avenue Victor Hugo. Avocat, puis industriel, il est un ancien militant de l'Action Française. Il travaille, là , avec une princesse russe Véra Obolensky, à créer des filières de passage en zone libre, à monter un service de renseignements; c'est à ce propos qu'il rencontre le frère Roger Souchère, par ailleurs, quelqu'un de profondément attaché à la maçonnerie traditionnelle. Lancelot n'aura pas longtemps les moyens de le connaître davantage, Souchère va être arrêté et déporté par les allemands.

Au domicile de Georges Mandel - 67 avenue Victor-Hugo - arrêté donc le 8 août 1940 au Maroc, le commando Künsberg s'empare de sa collection d'oeuvres d'art.

 

Dans un hôtel du 6 avenue Victor-Hugo, vit Walter Schubert ( né le 18 août 1923) à Vienne, avec sa mère. Il est arrivé en France fin 1933, accompagnés de ses parents ; sa profession : mécanicien sur machine à écrire. Il parle, lit et écrit parfaitement le français. Il est de confession juive, son père a été déporté vers l'est par les autorités allemandes.

14 mai 1941 - La « rafle du billet vert »

Le 13 mai 1941, apporté par un agent de police français, Walter reçoit une ''invitation'' verte pour le lendemain, pour un ''examen de situation ''. Il décide de ne pas s'y rendre. Lancelot fait sa connaissance le lendemain, chez sa concierge ; il l'invite chez lui, et lui propose de le cacher.

Le 14 mai à Paris, 3700 juifs se rendent à la convocation. Ils ne savent pas qu'ils vont être arrêtés, déportés, supprimés.

Walter Schubert franchira la ligne de démarcation près de Chalons sur Saône, dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942. Il sera arrêté à Claix par la gendarmerie française, lors de la rafle du 26 août 1942 ( zone libre), et déporté. Il va décéder le 7 septembre 1942 à Auschwitz (Pologne).

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1941 – Paris -2- Drieu la Rochelle

3 Avril 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1941, #Drieu la Rochelle, #Paris, #Occupation

Le 13 novembre 1941, Drieu la Rochelle fait paraître ses ''Notes pour comprendre le siècle''. Ce livre a intéressé Lancelot pour sa manière intelligente et courageuse de comprendre les raisons qui ont conduit les français à ce désastre actuel. Il est courant de mettre en avant des responsabilités superficielles et institutionnelles ; Drieu préfère ici étudier la question culturelle du déclin et la renvoie à chacun : ne s'agit-il pas d'un déséquilibre du corps et de l’esprit ? Il en fait une lecture historique.

 

A la Renaissance :  « Dans les villes commence à se former la conception bourgeoise de la vie, la conception intellectuelle et rationaliste de l’homme sans corps, de l’homme assis » (p. 43). Il présente la Réforme comme une déviation du christianisme dans un humanisme rationaliste.

Un premier romantisme détache l'esprit de l'homme de son corps, dans une mystique matérialiste exaltant une vision dégradée du corps. Cependant Drieu analyse, dans le mouvement symboliste, une reprise du romantisme vers cette fois une mystique de la force par un retour au corps. Drieu apprécie – dans ce sens – Claudel ; « le cercle est bouclé, l’homme s’est reconstruit, l’âme et le corps après une si longue séparation se sont rejoints » (p. 87).

Le prophète Nietzsche, « jette un anathème écrasant et bientôt définitif sur tout le rationalisme » (p. 105).

Drieu pense que le national-socialisme peut retrouver l'harmonie médiévale : « L’homme nouveau a réuni les vertus qui étaient depuis longtemps dissociées et souvent opposées les unes aux autres : les propriétés de l’athlète et du moine, du soldat et du militant » (p. 120).

- Cette notion de force, n'est-elle pas pour le fascisme un moyen d'embrigader... ? Après tout les universités anglaises utilisent, avec plus de naturel, le culte de l'esprit dans un corps sain ; répond Lancelot.

- Et Nietzche, lui-même, n'est-il pas éloigné de cette folie raciste du nazisme ? Il fait l'éloge du cosmopolitisme européen et de ses différentes cultures grecque, romaine, chrétienne et juive. Le surhomme n’appartient pas à une race : il est un esprit libre, dégagé de la morale religieuse.

- Le fascisme au contraire du symbolisme qui vous va bien, s’absorbe totalement dans l'action. Le symbolisme s'oppose à l'idée de collectivisme... Non ?

Vous voyez le fascisme en esthète, en décadent... Vous êtes paradoxal.

A Paris, la population se sent abandonnée par Vichy... En zone occupée, Vichy semble loin, décalé, soumis.

Jusqu’en fin 1940, les parisiens pensaient voir le Maréchal revenir dans la capitale. De plus en plus de gens pensent que Pétain décide sous l'influence de son entourage ou de l'occupant. Personne ne connaît le nom des ministres, seul celui de Laval est cité, en mal.

A Paris, le préfet gère, sous les ordres des autorités d'occupation ; et l'occupant se sert, abondamment, sans restriction... Des tracts, des affichettes circulent, et imaginent toutes sortes de petites résistances. La manifestation du 11 novembre 1940, initiée par des jeunes a marqué les esprits.

Chaque parisien passe de nombreuses heures à faire la queue. Aussi, ceux qui ont les moyens, paient des coursiers pour effectuer certains achats ; ceux-ci utilisent éventuellement leur carte de priorité ( de blessé de guerre, par exemple).

Lancelot a la chance de profiter des soins d'une bonne, qui s'occupe avec beaucoup de succès de fournir l'essentiel, avec l'aide de la concierge également - personne clé où sa loge sert de lieu d'information, d'échange et de solidarité - le tout grâce aux moyens financiers de la comtesse de Sallembier et de son fils ; et des ressources alimentaires que procurent Fléchigné. Une chose est très difficile à dompter, c'est le froid.

 

Par ce froid février 1941, la proposition faite à la France occupée, est la ''nouvelle Europe'' et à l'appui une Exposition : « La France européenne » inaugurée le 6 juin 1941 à Paris au Grand Palais ; avec réception pour le grand monde. Anne-Laure de Sallembier est invitée avec les personnalités féminines que sont la princesse de Polignac, la comtesse de Chambure ou la duchesse de Noailles qui se pressent également aux galas organisés par Otto Abetz. Fernand de Brinon qui représente le gouvernement français auprès des allemands mène la grande vie, et retrouve régulièrement Josée de Chambrun, la fille de Pierre Laval. Que ce soit lors de premières au théâtre et à l'opéra, ou de grands dîners, les habitués peuvent croiser Otto Abetz et sa femme, Gerard Heller, Ernst Jünger, de nombreux militaires allemands avec les Cossé-Brissac, la duchesse d'Harcourt, le prince de Beauvau-Craon, les Dubonnet, les Morand, le couple Brinon, Jean Luchaire et sa fille Corinne, Arletty, Cocteau, Sacha Guitry...

 

Par exemple, Lancelot put retrouver Jean Luchaire au faite de sa gloire, lors d'une grande soirée en l'honneur du 100ème numéro de son journal ''Les Nouveaux Temps'' et où fut conviée la haute société parisienne ainsi que des personnalités allemandes comme son ami Otto Abetz, ou Ernst Achenbach, le Dr Schleier et le Dr Michel.

 

Lancelot s'est entretenu avec Gerhard Krüger (1908-1994), personnage assez antipathique qui ne tient à parler qu'allemand. Il se présente comme historien, adhérent du NSDAP, et qui défend une spiritualité païenne face à un christianisme qui pour '' l'être allemand'' serait une aliénation. Plus intéressant, il relate comment Hitler a ordonné - après l’Anschluss de l’Autriche au Reich nazi en 1938 – que les insignes impériaux (Regalia) soient rendus au Reich à Nuremberg. Ces '' Reichskleinodien'' sont composés en particulier de la couronne impériale qui a peut-être été portée par Otton Ier ( Xe s.), et de la Sainte-Lance ( de Longinus) obtenue par Henri Ier de Germanie ( père d'Otton, et grand-père d'Hugues Capet...!). "Ce sont les reliques du Reich..."

Hitler devant les Regalia - 1938

Himmler avec la lance de Longin

 

Il est possible également de se retrouver lors de la réouverture de la saison hippique de Longchamps ; vous y croiserez certainement Geneviève Fath, la comtesse d'Oncieu de Chaffardon, la baronne de Beaufort, ou la comtesse de Monjout... Enfin, vous serez peut-être sur la liste des invités de la réception organisée par la Comtesse de Beaumont dans son magnifique jardin parisien.

Si on accepte de se tenir éveillé, de partager un tant soit peu le quotidien des français ; on sent que l'hiver 1940-1941 est dur. Il fait très froid et il n'y a plus le chauffage central, Lancelot a la chance que Louise puisse lui préparer de l'eau chaude dans un pichet de faïence. Chacun vit la difficulté pour se chauffer, mais aussi pour se nourrir... Avec de la chance, sans ticket, on peut avoir des sardines salées de Tunisie, des légumes au vinaigre, des abricots sucrés... On dit que les poils du lupin peuvent remplacer le café...

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1941 – Paris –1– Drieu la Rochelle

29 Mars 2022 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1941, #Drieu la Rochelle, #Occupation, #Paris

Lancelot remonte vers Paris, en passant par Royat, à l’Hôtel Saint Mart où il rencontre le colonel Bonotaux du SMA, puis par Vichy. Il utilise le train spécial Paris-Vichy qui, deux fois par semaine, fait la liaison pour les ministres et les fonctionnaires qui s'arrête à la gare de Moulins-sur-Allier, point de passage de la ligne de démarcation en train.

Passer la frontière, à Moulins, ce n'est pas ordinaire, surtout pour Lancelot qui n'est pas encore retourné à Paris, depuis la défaite... Des soldats allemands, surgissent dans les wagons, vident les couloirs et réclament poliment dans chaque compartiment, les ''ausweis'' ( laisser-passer).

Selon la couleur, on reconnaît des ausweis, pour un voyage, ou plusieurs. Certaines catégories de personnes, bénéficient d'un ausweis permanent, comme Lancelot.

Les habitants de Moulins, peuvent présenter au poste de passage, un Ausweis für den kleinen Grenzverkehr (laissez-passer pour la petite circulation frontalière) provisoire... En règle générale, l'ausweis est très difficile à obtenir...

 

A la gare, la mère de Lancelot l'attend, seule, sans voiture ; et lui fait la surprise d'une promenade en vélo-taxi.

Qu'il semble étrange d'arriver à Paris, pour quelqu'un comme lui qui l'avait quittée avant l'armistice, et d'y reconnaître sa ville, vide, dans les mains d'allemands qui se sentent chez eux. Des drapeaux nazis ont remplacé les couleurs françaises. Les horloges, même, sont à l'heure allemande, plus matinales d'une heure.

Par crainte que l'automobile soit repérée et réquisitionnée, elle ne sert plus qu'aux alentours de Fléchigné.

Lancelot occupe avec sa mère un appartement rue Victor-Hugo ; avec eux également, une ''bonne'' - Louise M. - qui s'était déjà occupée de Lancelot quand il allait au petit-lycée Janson de Sailly.

 

La nuit, Paris est plongée dans l'obscurité et le silence, humiliée.

Abetz offre à Drieu le rôle culturel qu'il envisage pour lui, afin de servir les vainqueurs. C'est à la tête de la prestigieuse NRF, que Drieu revient ; après s'en être écarté reprochant à Paulhan de soutenir des écrivains communistes. Gallimard accepte, pour sauver la « maison » ; et un premier numéro est paru en décembre 1940.

Une ''liste Otto'' juge subversifs 850 auteurs et 2000 titres, et appelle à les faire disparaître des rayons de librairie.

Drieu la Rochelle

 

Lancelot retrouve Drieu, non pas, comme il l'imaginait, en homme satisfait, à la tête de la Nouvelle Revue Française, mais en homme frustré de se retrouver, déjà, dans une voie sans issue... Faute de pouvoir faire l’œuvre littéraire qu'il imaginait, il aimerait, dit-il, être l'éminence grise d'un fascisme français ; qu'il ne voit pas dans ce Vichy pauvre et triste, et qui présente les mêmes tares que la France de gauche, qu'il a remplacé. « Peu de fascisme, peu de vie ! ».

 

Par l'intermédiaire de Drieu, Lancelot croise Otto Abetz, il l'avait rencontré en 1930, chez Jean Luchaire, quand se montait le projet de Sohlberg. Puis, ce professeur de dessin au lycée de Karlsruhe, a rejoint le NSDAP (1935) et animé le Comité France-Allemagne grâce auquel il a travaillé et sympathisé avec Drieu la Rochelle. Marié avec une française, Abetz s'est senti humilié quand il fut expulsé en début d'été 1939 par le gouvernement Daladier. A présent, il revient à Paris avec le titre d'ambassadeur du Reich à Paris.

Pétain - Abetz - Laval

Drieu a senti qu'Abetz n'avait pas vraiment confiance en Lancelot, qu'il rattache ( après Daladier...) à Vichy et à ses services de renseignements... Drieu, dit-il, tente de persuader les ''occupants'', de ne pas pratiquer ce qui fut une erreur de la France envers l’Allemagne. Il tente de convaincre Abetz, qui fait semblant de le comprendre, que le redressement de la France dans le cadre d'une nouvelle Europe pourrait être un modèle pour les autres nations. Drieu envisage un parti unique, avec Doriot à sa tête. Les allemands se méfient d'un parti unique, et préfèrent plutôt jouer des divisions internes du pays.

Drieu raconte à Lancelot son invitation à l’ambassade d'Allemagne le 15 août 1940, seul au milieu de dignitaires allemands ; sa gêne, son angoisse même, d'être en pareille compagnie...

Lors du retour des cendres de l'Aiglon, Drieu était aux premières loges, savourant la rencontre d'un Napoléon et d'un Hitler.

Mais Drieu semble déjà désabusé : il méprise '' le vieux '' conservateur de Vichy ( Pétain); et se rend compte que les allemands n'envisagent pas de ''relever'' la France...

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1832- Charles-Louis de Chateauneuf à Paris

19 Novembre 2018 , Rédigé par Perceval Publié dans #Paris, #XIXe, #Sciences

Charles-Louis de Chateauneuf, bien que reconnu par son père ''adoptif'' qu'il a peu connu, a grandi sans la protection de parents aimants ... Cependant, il va être reçu dans une famille, qui a des liens avec ses propres aïeux : Charles de la Pomélie, propriétaire d'un château en Limousin et d'un hôtel particulier à Paris, va accepter d'héberger le jeune bachelier quand il décide de suivre son ami Elie Berthet, déjà établi dans la capitale et sensé faire son droit...

Charles-Louis, lui, a accepté le contrat proposé par le conseil de famille à Limoges : études à Paris pour préparer le concours d'entrée à l'école polytechnique, selon les conseils de son professeur du Collège Royal…

Nous sommes fin de l'année 1832...

Charles-Louis de Chateauneuf vient de vivre - cet été 1832 - une série d’aventures à la suite des partisans de la Duchesse de Berry; et il est bien décidé à réussir '' quelque-chose '' en montant à Paris...

 

Ce ''quelque-chose'' n'est pas défini dans le désir de Charles-Louis... Une fidélité aux ''trois blancheurs'' : ''l'Hostie, le Pape et Marie'' et un contact avec un 'recruteur ' pour le juvénat jésuite, le questionnaient sur une vocation ecclésiastique …

La découverte de la Poésie, et sa manifestation romantique, son attrait pour la présence des belles femmes l’incitaient à se donner corps et âme à la Beauté ;

À l’âge de 15 ans, Victor Hugo est nommé chevalier du Lys grâce à l’intervention de sa mère. Ce titre honorifique lui est décerné par Louis XVIII. 

En 1820, Victor Hugo rédige deux odes très remarquées : la Mort du duc de Berry, assassiné par un homme qui voue une haine aux Bourbons, et la Naissance du duc de Bordeaux, héritier du précédent, celui que l’on appelle l’« enfant du miracle », le futur comte de Chambord. 

 

Et enfin la raison de ses proches lui proposait de réfléchir à une situation stable et bourgeoise, tout en se consacrant à son goût des mathématiques … Cette raison là, pour des raisons très pratiques alliée à la joie de vivre à Paris et sous la protection de la famille si joviale des La Pomélie, a rejoint la sienne.

Hôtel de Melle Mars

Charles de la Pomélie, sa femme et ses deux enfants, viennent précisément de faire rénover un hôtel particulier dans le quartier de la Nouvelle-Athènes, non loin de la rue de la Tour-des-Dames à Paris... En effet, la famille de la Pomélie, s'amuse à citer leurs voisins, les plus proches serait la comédienne mademoiselle Mars (1779-1847) qui a joué dans le fameux Hernani ( de V. Hugo) en 1830, tout près se trouve l'atelier du peintre Ary Scheffer (1795-1858) – n'oubliez pas - quand même - pas qu'il est le professeur de dessin de la princesse Marie d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe, elle-même artiste et sculptrice de talent... ! Et encore, l'atelier de Félicie de Fauveau - à présent contrainte à l'exil - était voisin de celui du peintre Ary Scheffer… Également, la mère de Félicie tient un salon influent rue de La Rochefoucauld au cœur, donc de ce foyer artistique de la Nouvelle Athènes...

Paris 1830

Autre actrice, Marie Dorval (1798-1849) qui loge rue Saint-Lazare, est la maîtresse d'Alfred de Vigny ; et aussi une amie passionnée de George Sand... La grande poétesse Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) vit rue La Bruyère, avec son amant Henri de Latouche (1785-1851)... ? Vous savez bien … c'est lui qui a embauché George Sand au Figaro.

Nous sommes en 1832... Quelles sont les ''nouvelles'' … ?:

Louis-Philippe a fait mater un insurrection républicaine : 800 morts ou blessés entre émeutiers et police. Une épidémie par le choléra débute le 18 août1832 et se termine le 2 octobre de la même année. En 1832, la population de Paris est de 785 862 habitants, le choléra coûte à la capitale de la France, en tout 18 402 victimes, et plus de 100.000 en France

Chopin est à Paris, il joue aux salons Pleyel, et Aurore Dudevant publie, sous le pseudonyme de George Sand, le roman "Indiana" ; elle s'installe au 19, quai Malaquais à Paris, dans la "mansarde bleue"...

Le 31 mai, l'étudiant et génie en mathématiques Evariste Galois meurt, suite à un duel.

Le 21 sept 1832, Walter Scott meurt, à Abbotsford ( Ecosse)

Le 7 novembre, la duchesse du Berry, est arrêtée à Nantes.

En 1833 :

Liszt donne un concert chez la marquise Le Vayer à Paris. Adèle Hugo entame en 1830 une relation amoureuse avec Sainte-Beuve, ami de Victor, et Juliette Drouet devient la maîtresse de Victor Hugo. George Sand rompt avec Sandeau ; puis rencontre Alfred Musset...

Ecole Polytechnique

Charles-Louis de Chateauneuf, n'était pas sur Paris, pour fréquenter la jeunesse dissipée et artiste. Il avait pris l'engagement - tenu au moins deux ans … - de préparer le concours d'entrée à l'école polytechnique... Ses proches, lui ont donné les moyens de faire cette préparation au mieux :

Charles-Louis est externe à l'institution Mayer - près du Val-de-Grâce - qui travaille en collaboration avec des professeurs des classes préparatoires de lycée. Elle envoie ses élèves au collège Louis-le-Grand. L’enseignement dans l'institution complète celui de la classe de lycée. Son travail consiste à répéter et à approfondir le cours magistral, sous forme de conférences et de classes intérieures régulières. Cette préparation peut durer trois ans ...

Charles-Louis peut ainsi répéter et approfondir le cours magistral donné au lycée et subir très régulièrement des interrogations orales, véritables répétitions de l'épreuve d'admission...

Le programme porte, presque exclusivement, sur les mathématiques.

L’épreuve dédoublée est essentiellement orale : il faut savoir répondre au tableau, tenir face à l’examinateur, ne pas s’affoler, connaître les questions de cours, plus encore, mener un calcul et traiter un problème.

A Louis-le-Grand, c'est Louis Richard (1795-1849) qui tient la classe de mathématiques spéciales... Louis Richard est connu aujourd’hui pour avoir éveillé et soutenu un autre jeune homme de cette époque : Evariste Galois (1811-1832)...

La classe de Richard, réputée, peut avoir jusqu'à une centaine d'élèves ; disons alors entre 80 et 90 élèves pour un enseignement magistral … S’il y a un bruit... c’est que le professeur a commis une légère erreur de calcul...

Les classes, ont lieu tous les matins de huit heures à dix heures, sauf le jeudi et le dimanche.

A suivre...

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