C’est Guenièvre qui parle à Lancelot des maléfices du château de la « douloureuse garde ».
Il s’agit d’un château, d’où s’élève derrière les murailles, des hurlements, cris d’agonie et des sanglots raisonnant tel un concert funèbre. Autour de ce château sont dressées deux gigantesques murailles, ouvertes par une seule et unique porte chacune. De tous les hommes qui ont voulu délivrer les malheureux criants de ce château, personne n’est jamais revenu. Le seigneur de la « douloureuse garde » est Brandus des Iles, qui garde prisonnier son peuple et le torture à son bon plaisir. Ce sont les cris de son peuple que l’on peut entendre.
Lancelot prenant la Douloureuse Garde
Sachez que Lancelot part dans cette aventure avec un écu à trois bordures rouges, donné par la fée Viviane, et qui décuple sa force au combat. Grâce à l’écu de Viviane, il arrive à venir à bout de ses adversaires et le château devient le sien, il le rebaptise du même coup château de la Joyeuse Garde.
Le château a un cimetière avec une tombe, surplombée d’une épée en or, portant l’inscription : « Ici reposera Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Benoïc et vainqueur de la Douloureuse Garde« . Il apprend donc en même temps le secret de sa naissance et celui de sa mort.
Au fil des tournois et des combats, sa réputation ne cesse de grandir, tout comme son amour pour Guenièvre.
Dans la forêt de Brocéliande, au Pont du secret, les deux amants se sont déclarés leur amour.
La Chambre aux images (La Mort du roi Arthur)
Leur liaison perdure jusqu’au jour où la fée Morgane attire Arthur jusqu’à la « Chambre des images ».
Morgane révèle au roi son infortune en lui dévoilant les images de Guenièvre et Lancelot étroitement enlacés.
Dénoncé par Morgane, Lancelot tombe fou et erre dans la forêt. La Dame du Lac vient à son secours et le soigne. C’est alors qu’on apprend l’enlèvement de Guenièvre par Méléagan.
Méléagant, fils du roi de Gorre, et amoureux de la reine Guenièvre, vient défier les chevaliers.
Méléagant se bat alors contre Keu et le blesse. Puis, Il prend la fuite en s’emparant de Keu et de Guenièvre, poursuivit par Lancelot.
Lancelot, après un instant d’hésitation… accepte de devenir " le chevalier à la charrette" , c’est à dire qu’il endosse l’habit des voleurs et des manants et s’installe auprès d’eux dans la charrette de l’infamie…. ( épisode à lire …)
Après avoir chevauché nuit et jour, Lancelot parvient aux abords du château de Baudegamu, ou sont détenus Keu et Guenièvre.
Il réussi à franchir le terrible Pont de l’Épée, une immense épée tranchante comme un rasoir posée entre deux rives.
Devant cet exploit, Lancelot est acclamé et le roi Baudegamu propose alors de libérer tous les prisonniers, mais Méléagant refuse et défie Lancelot.
Dès le lendemain, Lancelot et Méléagant s’affrontent. Lancelot a rapidement le dessus.
Baudegamu ordonne alors l’arrêt du combat, et Lancelot peut ainsi repartir pour Camelot avec « sa dame ».
Lire Aussi:
La Légende des chevaliers de la Table Ronde – 5/9 – Lancelot 1 : Le roi et la reine de la Petite Bretagne, Ban de Bénoic et Élaine, vivent heureux dans leur château proche...
Le roi et la reine de la Petite Bretagne, Ban de Bénoic et Élaine, vivent heureux dans leur château proche de Brocéliande. Ban de Bénoic est le descendant direct de Joseph d’Arimathie ( Joseph d’Arimathie est le disciple qui a emporté le corps du Christ après sa crucifixion et aurait également recueilli son sang dans le saint calice, également appelé Saint Graal…)
Le château est situé au milieu d’un marais réputé imprenable, mais le seigneur voisin, le roi Claudas, – ennemi juré de la famille Pendragon, qui cherche constamment à agrandir son territoire – réussit à l’incendier.
Le couple parvient à s’échapper du château en flammes, Élaine serre bien fort son nouveau né dans ses bras. Après avoir réussi à traverser le marais, ils s’arrêtent près du lac de Comper. Ban de Bénoic est accablé par la perte de son château et de son royaume. Il meurt de chagrin, et laisse sa femme et son enfant Lancelot, au bord du lac.
La reine, restée seule avec l’enfant, vient de perdre sa demeure, son royaume et par-dessous tout l’amour de sa vie.
Le lac près duquel ils s’étaient réfugiés n’était pas un simple lac. En la forêt de Brocéliande, ce lac était connu non pour la beauté de son rivage, mais plutôt pour ce qu’il abritait : un château de cristal que seuls des personnes invités par la maîtresse des lieux pouvaient rejoindre. Il était habité par Viviane, que les habitants de Brocéliande avaient surnommé la Dame du Lac.
Prise de pitié devant l’égarement de la reine éplorée, la fée Viviane, se saisit de l’enfant ( Lancelot) et plongea dans le lac, le mettant en sécurité dans son mythique palais de cristal. Élaine voit son enfant disparaître dans les flots, porté par une femme inconnue avant même qu’elle ne puisse réagir.
Elle cherche désespérément autant qu’elle le peut… Elle nage d’un bout à l’autre du lac… Puis le souffle lui manque, elle ne peut remonter à la surface. Le lac de Comper, où elle s’était réfugiée avec son mari et son enfant, devient finalement, pour elle aussi, sa dernière demeure.
Durant toute son enfance, Lancelot ignore quelles sont réellement ses origines. Viviane veut en faire un chevalier parfait. Pour cela, elle lui enseigne toutes les techniques de combats, lui apprend également à chasser et même à jouer d’un instrument de musique. Pour parfaire son éducation, elle lui inculque toutes les règles de noblesse d’esprit et de courtoisie qui font les qualités essentielles d’un chevalier en dehors du combat.
Puis vient le temps, où Viviane envoie le jeune chevalier à la cour du Roi Arthur ; là, il fera partie des meilleurs chevaliers de tous les royaumes environnants. Il quitte alors le domaine de la Dame du Lac, chevauchant un beau cheval blanc que sa mère adoptive lui a offert quelques années plus tôt.
Il prend la direction de la Carmélide et commence, sa longue chevauchée vers le château du roi Arthur, à Camelot. Lorsqu’il y arrive enfin, le roi a déjà entendu parler de Lancelot par Merlin, il sait qu’il est le protégé de la Dame du Lac, mais il ne connait pas plus ses origines que Lancelot lui-même. À la demande de Viviane, et grâce à l’aide du chevalier Gauvain ( fils légitime du roi Lot d’Orcanie et de la reine d’Orcanie et neveu du roi) , Arthur accepte de l’adouber.
Lors d’un beau matin, après une nuit de prière, Lancelot est introduit durant la grand-messe en l’église de Camelot. C’est ce moment qui est choisi par Arthur pour le faire chevalier. Lorsque Lancelot s’agenouilla devant le roi, il découvre à côté du roi une femme magnifique dont il tombe éperdument amoureux au premier regard.
Arthur, Guenièvre et Lancelot by Annette Marnat
C’est la reine Guenièvre, qui elle non plus, n’arrive pas à détourner son regard du jeune homme sur le point de devenir un des chevaliers de son époux, le roi de Logres.
Devenu chevalier par la simple suggestion d’une femme, fut-elle ensorceleuse et maîtresse d’un château sous marin, Lancelot ne s’est pas vraiment attiré la sympathie de ses frères chevaliers. Il se met alors en tête d’accomplir des quêtes pour gagner le respect de ses pairs.
Pendant cette période estivale, nous allons reprendre les personnages les plus emblématiques de la Légende Arthurienne, dans un résumé de la Légende...
Les deux grandes figures du mythe sont le preux roi Arthur et Merlin le magicien…
Le roi Arthur
Les premiers textes gallois qui citent son nom évoquent un personnage valeureux et parfois tyrannique. Geoffroy de Monmouth, dans son Histoire des rois de Bretagne (vers 1135 ), impose l’image d’un souverain fastueux, défenseur de la foi chrétienne, assez intelligent pour s’entourer des meilleurs chevaliers, dont les exploits augmentent sa gloire.
Même s’il reste au second plan dans la plupart des romans de la Table ronde, il figure dès les années 1310 parmi les Preux, ces neuf héros les plus valeureux du passé. Jusqu’au XVIe siècle, on retrouvera Arthur parmi les nombreuses représentations figurées des Neuf Preux et dans les textes qui leur sont consacrés.
Le Roi Arthur est dit ‘ Roi des deux Bretagnes ‘, il est le fils adultérin d’Uter Pendragon et d’Ygerne. C’est sous son règne que se déroulent les aventures de la Table Ronde.
Il est l’époux de la reine Guenièvre.
Merlin le prophète
Quand Geoffroy de Monmouth écrit son Histoire des rois de Bretagne, vers 1135 , il existe sans doute une tradition orale relative à un barde dénommé Myrddin, qui aurait vécu en Écosse à la fin du VIe siècle et serait l’auteur de poèmes prophétiques. Chez Geoffroy, qui écrit aussi une Vie de Merlin, c’est à la fois un magicien – parfois facétieux -, un prophète et un enchanteur fou, qui hante les bois du Northumberland.
Vers 1200, Robert de Boron reprend l’histoire de Merlin dans un poème dont il reste aujourd’hui moins de 600 vers, mais dont nous conservons l’adaptation en prose.
Merlin, fils d’un démon et d'une vierge, est conçu pour s’opposer à l’emprise du Christ sur les hommes. Mais Dieu choisit de l’utiliser comme instrument du bien, en le dotant du pouvoir de prédire l’avenir. Merlin devient alors le conseiller des rois de Bretagne : il programme la naissance et l’avènement d’Arthur. Mais son amour pour Viviane, la Dame du Lac, le conduit à sa perte.
Enchanteur et devin, il révèle au roi Arthur l’existence du Graal et le conseille dans sa quête
VIVIANE (La Dame du lac)
Merlin et Viviane ( Nimue)
est la fille d’un petit seigneur de la forêt de Brocéliande, nommé Dyonas. La fée Diane, la protège, et lui transmet ses dons d'esprit et de beauté... Elle devient la disciple, puis l'amante de Merlin ( transformé en beau jouvenceau). Merlin lui livre tous ses secrets ce qui lui permet de garder son amant prisonnier, sans chaîne, ni muraille... Elle élève Lancelot (du Lac) après l’avoir ravi à sa mère.
Le Conte la fait aussi apparaître, émergeant des brumes d'Avalon, terre des fées de l'Autre Monde, avec pour mission sacrée de remettre à Arthur, l'épée Excalibur qui lui est destinée; puis, de la reprendre à la fin des aventures des chevaliers de la Table Ronde...
UTER PENDRAGON
Uther and Ygraine. by Frank Godwin
est le Roi de Logres. Il devient – par ruse, et avec l'aide de Merlin – l’amant d’Ygerne (femme du duc de Tintagell) de laquelle il aura un fils adultérin Arthur (le roi Arthur), bébé qu'il doit remettre à Merlin... A la mort du duc de Tintagell, Uter Pendragon épouse Ygerne.
YGERNE
est la femme du duc de Tintagell, elle épouse, en secondes noces, Uter Pendragon ( père d’Arthur ). Ygerne, de son premier mariage est la mère de trois filles la reine d’Orcanie, la reine de Garlot et Morgane.
GUENIEVRE
est la fille du roi de Carmélîde: Léodagan. Elle devient femme du roi Arthur, et l’amante de Lancelot… Elle est convoitée par Méléagant, fils du roi de Gorre, qui l’enleve. Elle sera secourue par Gauvain et Lancelot du lac. Sa beauté, son éloquence ainsi que le prestige de sa cour font de la reine une figure à la fois prisée par les chevaliers, haïe par ses semblables. Elle est célèbre pour sa relation adultérine avec Lancelot, qui en devient asocial au nom de l’amour absolu qu’il voue à la reine. La romance entre Lancelot et la reine Guenièvre devient la cause principale de la chute du monde arthurien...
LANCELOT ( du lac)
Sir Lancelot and Guinevere, par James Archer
est le fils du roi Ban de Bénoïc et de la reine Élaine. Il est né en Petite Bretagne, sur les bords du lac de Diane, peu après la Pentecôte où il fut enlevé à ses parents par la fée Viviane (la Dame du Lac) et élevé par la fée jusqu’à ses dix-huit ans à l’abri du Lac.
Il est donc l’héritier d’un royaume de l’Armorique, mais il est aussi et surtout le descendant d’une lignée prestigieuse, remontant notamment à Joseph d’Arimathie, le personnage biblique ayant recueilli le sang du Christ dans le Saint Graal et ayant apporté celui-ci en terre bretonne. Son nom de baptême était Galaad, qui deviendra par suite le nom de son fils. Il est l’un des chevaliers de la Table Ronde, peut-être le plus grand...
MORDRED
Mordred et Morgause by marjorie carmona
est le fils illégitime d’Arthur et de sa demi-sœur, Morgane ( ou Morgause, sœur de Morgane).
Il fut envoyé, alors qu’il n’était qu’un bébé, avec tous les enfants nés le même jour que lui, dans un bateau. Mais le bateau coula et seul Mordred survécut. Il fut ensuite élevé par un brave homme nommé Nabur jusqu’à l’âge de 14 ans, puis fut amené à la cour du roi Arthur où ses véritables origines lui furent révélées.
Il devient un temps chevalier de la Table Ronde, mais sa réputation de chevalier traître se fait très vite, d’autant qu’il est détesté par les autres chevaliers pour son caractère fourbe et sournois. Il trahit le roi Arthur en profitant que ce dernier est parti à la poursuite de Lancelot pour le punir de son adultère avec Dame Guenièvre. Mordred s’empare du trône de Camelot, forçant Arthur à revenir précipitamment. La bataille de Camlann s’ensuit dans laquelle tous les chevaliers d’Arthur périssent. Le roi Arthur se bat en duel contre Mordred et bien qu’il réussisse à le tuer, Mordred l’a mortellement blessé...
MORGANE
Morgane par Will Worthington
est la sœur d’Arthur, fille d’Ygraine et épouse du roi Lot d’Orcanie. Un enfant de l’inceste entre Arthur et sa demi-sœur Morgane est conçu: Mordred, grâce à certain secrets de Merlin que Morgane aurait dérobés.
Elle est considérée tantôt comme une fée bienveillante et guérisseuse, tantôt comme une magicienne obscure et maléfique. Son seul but a été de détrôner Arthur afin qu’elle devienne la reine de la Bretagne. Pendant toutes ces années, elle essaie de tuer son demi-frère, qui finalement se fait tuer par son propre fils Mordred.
* Attention: Selon les continuateurs de la Légende, nous pourrons avoir Morgause, ou Morgane, cette dernière étant la plus connue. Les relations amoureuses d’Arthur et Morgane sont quasiment absentes des romans français. Elles se lisent surtout dans la compilation anglaise de Malory.
A suivre: Les Chevaliers de la Table Ronde: Personnages et Résumé...
Je rappelle que les textes suivants sont extraits de : '' Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie'' 1759 - par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781)
Le Tournoi...: et les Dames ...
Tandis qu'on préparoit les lieux destinés aux tournois, on étalait le long des cloîtres de quelques monastères voisins, les écus armoiries de ceux qui prétendaient entrer dans les lices; et ils y restaient plusieurs jours exposés à la curiosité et à l'examen des seigneurs , des dames et demoiselles. Un héraut ou poursuivant d'armes nommait aux dames ceux à qui ils appartenaient ; et si parmi les prétendants il s'en trouvait quelqu'un dont une dame eût sujet de se plaindre, soit parce qu'il avait mal parlé d'elle, soit pour quelqu’autre offense ou injure , elle touchait le timbre ou écu de ses armes pour le recommander aux juges du tournoi, c'est-à-dire, pour leur en demander justice. Ceux-ci , après avoir fait les informations nécessaires, devaient prononcer; et si le crime avait été prouvé juridiquement , la punition suivoit de près. Le chevalier se pré- sentoit-il au tournoi malgré les ordonnances qui l'en excluoient, une grêle de coups que tous les autres chevaliers, et peut-être les dames elles-mêmes, faisoient tomber sur lui , le punissoit de sa témérité , et lui apprenoit à respecter l'honneur des dames et les loix de la Chevalerie. La merci des dames qu'il devoit réclamer à haute voix , étoit seule capable de mettre des bornes au ressentiment des cheva liers et au châtiment du coupable.
Le Tournoi Eglinton en 1839
(...)
Le bruit des fanfares annonçait l'arrivée des chevaliers superbement armés, et équipés suivis de leurs écuyers, tous à cheval ils s’avançaient à pas lents, avec une contenance grave et majestueuse. Des dames et des demoiselles amenaient quelquefois sur les rangs ces fiers esclaves attachés avec des chaînes, qu'elles leur ôtoient seulement lorsqu'entrés dans l'enceinte des lices ou barrières ils étaient prêts à s'élancer. Le titre d'esclave ou de serviteur de la dame que chacun nommoit hautement en entrant au tournoi étoit un titre d'honneur qui ne pouvait être acheté par de trop nobles exploits il étoit regardé, par celui qui le portait, comme un gage assuré de la victoire, comme un engagement à ne rien faire qui ne fût digne d'une qualité si distinguée : ''Servants d'amour'', leur dit un de nos poetes, dans une ballade qu'il composa pour le tournoi fait à Saint-Denys sous Charles VI, au commencement de mai 1389,
Ludovico Marchetti (1853-1909)
( …) A ce titre les dames daignoient joindre ordinairement ce qu'on appeloit faveur, joyau, noblesse, nobloy ou enseigne : c’était une écharpe, un voile, une coiffe, une manche, une mantille, un bracelet, un nœud ou une boucle ; en un mot quelque pièce détachée de leur habillement ou de leur pa rure; quelquefois un ouvrage tissu de leurs mains , dont le chevalier favorisé ornoit le haut de son heaume ou de sa lance, son écu, sa cotte d'armes, quelqu'autre partie de son ar mure et de son vêtement. Souvent dans la chaleur de l'action , le sort des armes faisoit passer ces gages précieux au pouvoir d'un ennemi vainqueur; ou divers accidents en occasionoient la perte. En ce cas, la dame en renvoyait d'autres à son chevalier, pour le consoler et pour relever son courage : ainsi elle l'animoit à se venger, et à conquerir à son tour les faveurs dont ses adversaires e'toient parés, et dont il devoit ensuite lui faire une offrande
L'usage de ces enseignes, appelées d'autres fois connaissances, c'est-à-dire signes pour se reconnoître, a produit dans notre langue ces façons de parler , « à telles enseignes , à bonnes enseignes ».
Henri IV qui conserva toujours le caractère de l'ancienne Chevalerie , portoit encore dans sa parure des enseignes gagnées dans des combats plus sérieux et plus importants. Comme il étoit devant Dreux , et qu'il reçut la visite de sa bonne cousine , la duchesse de Guise à qui il avoit envoyé un passeport, il alla au-devant d'elle, et l'ayant conduite en son logis et en sa chambre, il lui dit : « Ma cousine, vous voyez comme je vous ayme, car je me suis paré pour l'amour de vous.
- Sire ou Monsieur, lui répondit-elle en riant , je ne vous en remercie point, car je ne vois pas que vous ayez si grande parure sur vous que vous en deviez vanter si paré comme dites.
- Si ay,dit le roi, mais vous ne vous en avisez pas ; voilà une enseigne ( qu'il montra à son chapeau) que j'ai gagnée à la bataille de Coutras pour ma part du butin et victoire ; cette qui est attachée, je l'ay gagnée à la bataille d'Ivry : voulez-vous donc, ma cousine, voir sur moi deux plus belles marques et parures pour me montrer bien paré?
Maclame de Guise le lui avoua en lui repliquant : - Vous ne sçauriez, sire , pourtant m'en montrer une seule de monsieur mon mary.
- Non, dit-il, d'autant que nous ne nous sommes jamais rencontrez ni attaçquez ; mais si nous en fussions par cas venus là, je ne sçay ce que s'en fust esté.
A quoi repliqua madame de Guise : - Sire , s'il, ne vous a point attaqué , Dieu vous en a gardé; mais il s'est bien attaqué à vos lieutenants et les a fort bien frottez , témoin le baron Doué duquel il en a remporté de fort bonnes enseignes et belles marques ; sans s'en estre paré que d'un beau chapeau de triomphe qui lui durera pour jamais. »
Philip Hermogenes Calderon (1833-1898)
(…)
De même que le vassal à la guerre prenoit le cri du seigneur dont il relevoit , de même aussi les chevaliers demandoient aux dames dont ils étoient serviteurs, quels cris elles vouloient qu'ils fissent retentir en combattant pour elles dans les tournois.
Il y a quantité de demi-mots énigmatiques et de sens couvert, parce qu'ils ne sont entendus que de celui qui les porte ; c'est ce qu'on a affecté en la pluspart des tournois où les chevaliers prenant des devises d'amour, se contentoient d'être entendus des personnes qu'ils aimoient, sans que les autres pénétrassent dans le seus de leur passion.
L'usage de ces devises a donné lieu à cette fiction des arrêts d'amour. Un amant ayant entrepris de jouter, « fit faire harnois et habillements qu'il divisa à la plaisance (de sa dame) et où il fit mettre la livrée de sa dite dame, et avec ce eut chevaulx et lance et housse de même. Quand vint au departir qu'il cuidoit trouver sadite dame pour avoir sa bénédiction , elle feignit d'estre malade en se faisant excuser, et dire qu'elle ne pouvoit parler à lui.... La court d'amour condamna la damoiselle à habiller, vestir et armer ledit amoureux demandeur la première fois qu'il voudra jouster, et conduire son cheval par la bride tout du long des lices ung tour seulement, luy bailler sa lance en disant : Adieu , mon amy , ayez bon cœur , ne vous souciez de rien , car on prie pour vous. » ( Arresta amorum, p. 366 ad 368.)
Les chevaliers étoient souvent invités à se rendre aux tournois avec leurs femmes, leurs sœurs ou autres parentes, mais surtout avec leurs maîtresses ( Perceforest, vol. III, fol. i25, verso, col. i).
Jane_Georgina,_Lady_Seymour, lors du Tournoi d'Eglinton 1839
Les chevaliers vainqueurs faisoient des offrandes aux dames ; ils leur présentoient quelquefois aussi les champions qu'ils avoient renversés et les chevaux dont ils leur avoient fait vider les arçons. Dans le roman de Floire et de Blancheflor ( fol. 4i , intitulé le Jugement d'amors , dans un manuscrit du roi ), la demoiselle qui aime un chevalier, reproche à celle qui a pris un clerc pour son ami , d'avoir fait un mauvais choix.
J'en ai fait un bien meilleur , dit-elle : « Mais mon ami est bel et gent : Quand il vait à tournoiement Et il abat un chevalier, Il me présente son destrier. »
Don Quichotte conduit par la Folie et Embrase de l'amour...
Le vainqueur, conduit dans le palais, y étoit désarmé par les dames qui le revêtoient d'habits précieux : lorsqu'il avoit pris quelque repos elles le menoient à la salle où il étoit attendu par le prince , qui le faisoit asseoir au festin dans la place la plus honorable. (…)
Lancelot du Lac nous peint, dans un endroit de son roman, l'air timide, embarrassé et même honteux , d'un jeune héros assis à table entre le roi et la reine , après s'être couvert de gloire dans un tournoi.
Les mêmes principes de modestie inspiroient aux chevaliers vainqueurs des attentions particulières pour consoler les vaincus et pour adoucir leurs peines … (…)
...Alain Chartier , dans le poëme où cet auteur fait parler quatre dames dont les amants ont chacun éprouvé un sort différent à la funeste bataille d'Azincourt. L'un d'eux a été tué; l'autre a été fait prisonnier; le troisième est perdu et ne se retrouve point ; le quatrième est sain et sauf, mais il ne doit son salut qu'aune fuite honteuse. On représente la dame de celui-ci comme infiniment plus à plaindre que ses compagnes , d'avoir placé son affection dans un lâche chevalier: Selon la loi d'amour, dit-elle, je l'eusse mieux aimé mort que vif. Le poëte ne blessoit point la vraisemblance ; les sentiments qu'il prêtoit aux dames étoient alors gravés dans tous les cœurs.
Le Tournoi Eglinton 1839
Le désir de plaire aux dames fut toujours l'ame des tournois. On lira avec plaisir, dans le roman de Perceforest (vol. IV ,ch. VI, fol. 19, verso , et 20, recto), les plaintes que fait ce prince à l'un de ses confidents , de l'inaction et de la langueur de ses chevaliers qui, dans le sein de leur bonheur, ont abandonné les joutes, les tournois, les quêtes merveilleuses , et tous les bons exercices de la Chevalerie ; il compare leur engourdissement au silence du rossignol qui ne cesse de mener joyeuseté en servant sa dame de mélodieux chant , jusqu'à ce qu'elle se soit rendue à ses prières. Les chevaliers pareillement , à la vue des clairs visages , des yeux vairs et riants et des doux regards attrayants des pucelles , ayant commencé à faire joutes et tournois , remplirent l'univers du bruit de leur vaillance : ils firent des exploits incroyables, jusqu'à ce qu'enfin ils eussent désarmé la rigueur des beautés qu'ils servoient.
Le Tournoi Eglinton 1839
La fidélité à tenir sa parole, cette vertu héréditaire des François , étoit regardée comme le plus beau titre des Gaulois , au jugement des Romains leurs ennemis. ...(..)
Le roi Artus ayant donné sa parole à un chevalier de lui laisser emmener la reine sa femme , n'écouta ni les plaintes de cette princesse , ni les représentations qu'on put lui faire; il ne répondit autre chose, sinon qu'il l'avoit promis , et que roi ne se doit dédire de sa promesse. Lyonnel , qui veut l'en détourner, lui réplique : Donc est le roy plus serf (esclave de sa parole) que autre, et qui vouldroit estre roy honny soit-il. (En ce cas maudit soit qui voudroit être roi.) La reine est emmenée pour acquitter la parole de son mari. (Lancelot du Lac, t. II, fol. 2 , recto, col. 1 .) La foi donnée au nom de la Chevalerie étoit de tous les serments le plus inviolable.
Frank William Warwick Topham (British, 1838 - 1924), The Queen of the Tournament
(..)
En effet, si l'honneur de toutes les daines, en général, étoit extrêmement recommandé aux chevaliers , il l'étoit bien davantage à ceux qui étoient particulièrement attaches à la maison ou à la personne d'une dame. Attenter à l'honneur de la femme de son seigneur, étoit un crime capital de lèze-féodalité , et le plus irrémissible de tous ceux qui emportoient la confiscation du fief que l'on tenoit sous son hommage ; lui enlever le cœur de sa femme, c'étoit lui arracher la vie. Si l'on en croit l'auteur du roman de Lancelot du Lac (t. III, fol. 34, recto, col. 2), le vassal ou le chevalier informé de la mauvaise conduite que tenoit la femme de son seigneur, ne pouvoit le lui dissimuler sans se rendre criminel ; il ne devoit avoir rien de caché pour lui. Aggravain découvre au roi Artus l'affront fait à ce prince dans la personne de sa femme , par Lancelot qu'elle aimoit, et Mordrec ajoute: « Nous la vous avons tant celé que nous avons peu , mais au dernier convient-il que la vérité soit descouverte , et de tant que nous l'avons celé nous sommes parjurez, si nous en acquitons et disons plainement qu'il est ainsi. » (Lancelot du Lac, t. III , p. 134, recto , col. 2.)
(...)
La somme des biens qu'un chevalier peut posséder, suivant Lancelot du Lac (t. II, fol. 160, recto), sont : Force, hardiesse, beauté, gentillesse, débonaireté, courtoisie, largesse et force d'avoir (richesses) et d'amis.
(…)
Les dames ont aussi diverses manières de se mettre en honneur ; la beauté , la vertu , l'éloquence, la bonne grâce, le don de plaire et celui de la sagesse. C'est un grand mérite que celui de la beauté dans une dame; mais rien ne l'embellit tant que l'esprit et la sagesse. C'est là ce qui lui attire de tout le monde l'hommage qui lui est dû. ...
Au XVIIIe siècle, lisait-on les romans médiévaux ?
Précisément, Jean Chapelain ( 1595 - 1674) de l'Académie française nous en parle, au siècle précédent ; mais son ouvrage '' De la lecture des vieux romans '' a en fait été publié pour la première fois à titre posthume en 1728.
Chapelain raconte qu’il a été surpris par deux lettrés Gilles Ménage ( érudit) et Jean-François Sarasin (historien et poète) alors qu’il était plongé dans la lecture d’un roman médiéval : Lancelot.
Sarasin observe que '' Lancelot '' est « la source de tous les romans qui, depuis quatre ou cinq siècles, ont fait le plus noble divertissement des cours de l’Europe ».
Ménage, défenseur des Anciens, déclare sa stupeur quand il a vu qu’un homme de goût comme Chapelain peut louer un livre que même les partisans de Modernes « nomment avec mépris ».
Pourtant, Chapelain réplique que, même s'il a commencé à lire l'ouvrage pour montrer comment la langue française est passé de sa grossièreté initiale au raffinement d'aujourd'hui ; il reconnaît apprécier sa lecture ….
Ménage ne peut retenir son indignation : « Je verrais volontiers quel autre profit on pourrait tirer de cette misérable carcasse. L’horreur même des ignorants et des grossiers. Ne me voudrez-vous point faire trouver en ce barbare quelque Homère ou quelque Tite-Live ? »
Comment Chapelain réagit-il ?
Chapelain défend l'idée que d’un point de vue littéraire, Homère et l’auteur de Lancelot sont complètement différents : le premier est noble et sublime, le second « rustique et rampant ». Mais la matière de leurs œuvres est semblable : l’un et l’autre ont composé des « fables ».Aristote aurait jugé favorablement Lancelot, comme il l’avait fait avec les poèmes d’Homère : le recours à la magie dans le premier n’est pas si différent de l’intervention des dieux dans les seconds.
L’auteur de Lancelot, affirme Chapelain, était un « barbare qui a plu à des barbares mais qui ne l’est pourtant point en tout ».
Ménage demande ironiquement s’il va falloir aussi supporter une comparaison entre l’auteur de Lancelot et Tite-Live... ? Chapelain réplique :
Celle […] qu’on prétendrait faire entre Lancelot et Tite-Live serait aussi folle que si l’on voulait en faire une entre Virgile et Tite-Live, entre la fausseté et la vérité. […] Si toutefois il ne lui est pas comparable par la vérité de l’histoire, n’étant composé que d’événements fabuleux, j’oserai dire qu’il lui pourrait être comparé par la vérité des mœurs et des coutumes dont l’un et l’autre fournissent des images parfaites : l’un [Tite-Live] des temps dont il a écrit, l’autre [Lancelot] de ceux où il a été écrit.
Un écrivain qui invente une histoire, un récit imaginaire qui a pour protagonistes des êtres humains, doit représenter des personnages fondés sur les us et coutumes de l’âge où ils ont vécu : dans le cas contraire, ils ne seraient pas crédibles. Chapelain fait une allusion implicite au célèbre passage de la Poétique où Aristote soutient que « l’affaire du poète, ce n’est pas de parler de ce qui est arrivé, mais bien de ce qui aurait pu arriver et des choses possibles, selon la vraisemblance ou la nécessité. »
Sa conclusion : Lancelot nous offre « une représentation naïve, et s’il faut ainsi dire, une histoire certaine et exacte des mœurs qui régnaient dans les cours d’alors.».
Le val sans retour est le domaine magique de la fée Morgane, demi-soeur du roi Arthur et détentrice de pouvoirs magiques.
Auparavant, je peux reprendre cette histoire plus avant ; au moment où Morgane rencontre le chevalier Guyomard.
Nous sommes alors – après Chrétien de Troyes, dans le « Lancelot en prose » – où, après que Morgane ( Morgue) ait pu être considérée comme une fée, elle devient un être immoral et maléfique …
Très occupée à ne rien faire à la cour de son demi-frère Arthur, Morgane passait de troubadours en ménestrels au gré de ses caprices sans la moindre retenue, jusqu’au jour où son regard croisa celui du beau Guyomard, chevalier de petite Bretagne. C’est peu de temps après le mariage de Guenièvre avec le roi Arthur que ce chevalier plein de vaillance, neveu de la reine, arrive au palais royal. Dès lors, ce fut l’amour fou et exclusif.
Morgane, alors suivante de Guenièvre, s’éprend follement de Guyomard . Morgane a très mauvaise réputation : « si chaude et luxoriose que plus chaude feme ne convint a querre. »
Les deux amants finissent par coucher ensemble et la reine est aussitôt avertie de leur relation. Guenièvre, qui souhaite avant tout protéger la renommée de son mari et de Guyomard, fait prendre les amants sur le fait. Elle met en garde Guyomard de ne pas poursuivre cette liaison…
Morgane surprenant les amants...
Cependant l’amour de Guyomard à l’égard de Morgane, n’est pas exclusif. Morgane s’aperçoit très tôt qu’il lui préfère une autre demoiselle. La fée, qui s’en doutait, réussit à les surprendre alors qu’ils s’unissaient dans le Val.
Le val sans retour.
La fée surprend un jour dans un vallon son amant Guyomard dans les bras d’une rivale. Elle décide d’enfermer l’infidèle dans une prison d’air qu’elle plaça en cette vallée. Morgane ne ne s’arrête pas là :
Morgane au Château du Val sans retour
Elle lance un enchantement : tout chevalier qui pénétrera dans le vallon ne pourra en ressortir que s’il a toujours été fidèle à son amie. Le vallon rapidement surpeuplé, prend le nom de Val sans retour.
« Ce val, dit tout d’abord le conte, était appelé à la fois le Val sans Retour et le Val aux Faux Amants : le Val sans Retour parce qu’aucun chevalier n’en revenait, et aussi le Val aux Faux Amants parce qu’y étaient retenus tous les chevaliers qui avaient été infidèles à leurs amies, cette faute n’eût-elle été commise qu’en pensée […] » Lancelot Anonyme (1215-1225).
« La prison était plus douce qu’on ne l’eût cru, car ils avaient à boire et à manger tout leur saoul et se distrayaient toute la journée en jouant aux échecs et aux dames, en dansant, en écoutant vielles et harpes et tous autres instruments. » ( Lancelot)
Deux cent cinquante-trois chevaliers sont déjà retenus prisonniers de l’enchantement du Val depuis dix-sept ans. Morgue a toutefois donné la possibilité de mettre fin au sortilège s’il venait à se présenter un chevalier à la conduite irréprochable. Bien sûr, elle est convaincue que ce chevalier n’existe pas.
C’est alors qu’un jour, Lancelot rencontre une jeune fille en pleurs qui a perdu son amant. Voulant savoir s’il lui était infidèle, elle l’avait fait entrer dans le vallon de Morgane. Hélas, le jeune homme n’était point ressorti et la jeune fille, inconsolée de son absence, est prête à lui pardonner son infidélité. Lancelot compatit et promet de porter secours au jeune homme afin de le délivrer de l’emprise de Morgane.
Ainsi, un jour, arrive dans le val, un chevalier fidèle à ses serments d’amours et que la vue des belles fées n’émeut pas, car ses pensées sont pleines du souvenir de sa bien aimée. En effet, Lancelot du lac est déjà prisonnier de l’amour absolu qu’il voue à la reine Guenièvre et rien ne peut l’en détourner.
Après avoir su résister aux charmes des fées sur le sentier du diable, il doit bousculer les dragons de feu et les gardiens géants du val maudit pour abattre les murailles d’air qui s’écroulent devant son coeur pur.
Mais Lancelot n’a qu’à paraître pour détruire l’enchantement. Les chevaliers quittent leur prison d’air et fêtent leur libérateur. Morgue tire la leçon de l’aventure en montrant que ce parfait amant est en fait l’ennemi des femmes, qui s’accommodaient fort bien d’une situation qui interdisait à leurs amants de les quitter. Lancelot rend les chevaliers à leur vie d’aventures et les enlève à leurs amies.
« Lancelot, dit Morgane, tu as fait à la fois beaucoup de mal et beaucoup de bien ; tu as fait du mal à bien des belles dames te des belles demoiselles, que tu as privées de leur bonheur et de leur amour, car jamais plus elles ne seront aussi heureuses ; mais tu as fait du bien aux chevaliers, car ils sont libres et pourront rejoindre leur parenté, qui les croyait perdus à tout jamais. »
Après cet affrontement, la victoire de Lancelot rétablit l’ordre un moment menacé : la morale masculine, temporairement transgressée, l’emporte définitivement, et les femmes retrouvent la place subalterne qu’elles n’auraient jamais dû quitter...
Aliénor et Henri II écoutent l'histoire de Lancelot du Lac. Manuscrit fr. 123 fol. 229 2
« Composé en prose française dans les années 1220-1230, un immense cycle du Graal – appelé "Lancelot-Graal", "Lancelot en prose", ou "Grand Saint-Graal" – compile toutes les légendes arthuriennes dans une perspective chrétienne.
Cette Vulgate constitue la forme la plus répandue de la légende arthurienne, comme l'atteste sa riche transmission manuscrite. Elle est constituée de cinq romans : l'Histoire du Saint Graal, le Merlin en prose, le Lancelot en prose, la Quête du Saint Graal et la Mort du roi Arthur, qui jouent un rôle décisif dans la diffusion de la légende du Graal et sa mise en forme.
Le Roman de Lancelot du lac
L'ensemble donne ainsi un tableau extensif et chronologique de l'histoire du Graal et de sa translation d'Orient en Occident, depuis les temps christiques jusqu'à la fin du royaume arthurien, en particulier dans l'Histoire, qui raconte les origines du Graal, et dans la Quête qui raconte les aventures des chevaliers arthuriens partis à la recherche de cet objet saint. » Bnf : Irène Fabry
Le cycle du « Lancelot-Graal », reprend les textes de la Vulgate ( début XIIIe s.) et de la Post-Vulgate (mi-XIIIe s.). Ce sont ces textes qui ont influencé Thomas Malory ( mi XVe s.) pour écrire le Morte d'Arthur
Lancelot tue le chevalier félon Sir Tarquin (Sir Tericam)
par John Cadogan Cowper
Il y a aussi de nouveaux personnages qui ne figurent pas dans les légendes anciennes, tandis que des personnages comme Arthur et Gauvain sont modifiés de façon importante pour permettre à des héros tels que Lancelot, Galahad et Tristan de venir au centre de la scène.
Les aventures de Lancelot du Lac, sont détaillées jusque dans les histoires d’amour successives, principalement celle avec la reine Guenièvre (l'épouse du roi Arthur), mais aussi: celle avec la Dame de Malehaut, celle avec la fille du roi Pellès (qui lui donnera son fils unique, Galaad), etc., et aussi, en parallèle, celle avec le roi Galehaut, seigneur des Îles lointaines, avec lequel Lancelot choisira d'aller reposer pour l'éternité, dans la tombe de la Joyeuse-Garde.
Mais le cycle raconte aussi des aventures d'ordre plus spirituel, voire religieux : celles du Saint Graal, la coupe ayant reçu le sang du Christ, en quête duquel tous les chevaliers de la Table ronde partiront à un moment ou à un autre, le vainqueur de cette compétition sacrée n'étant autre que le fils de Lancelot : Galaad.
La Quête du Saint-Graal: manuscrit -
Lancelot endormi à la chapelle du Graal.
Après les cinq livres de la Vulgate, nommés plus haut, on reconnaît quatre récits : Histoire du Saint-Graal, Merlin, et la Queste del Saint-Graal et La Mort Artu ; écrits entre 1230 et 1240 ( post-Vulgate ). Ici, c'est la question spirituelle qui est privilégiée, au détriment des histoires sentimentales. Des éléments du Tristan en prose, y sont intégrés.
Lancelot passant le pont de l'Épée, enluminure d'un manuscrit, vers 1475
Dans le texte de Chrétien de Troyes ( Le Chevalier de la Charrette, vers 710 à 771) ; Lancelot est victime d'un coup de foudre, d'une « cristallisation » au sens stendhalien de l’amour fou.
C'est Guenièvre, qui donne à Lancelot des ailes, allant jusqu’à lui faire subir des épreuves terrifiantes comme le passage du pont de l’épée.
Résumé : Lancelot et Guenièvre
Lancelot prenant la Douloureuse Garde
Le jour de l'Ascension, un chevalier, Méléagant, annonce à Arthur qu'il détient en ses terres (le royaume de Gorre) un grand nombre de ses sujets. Il les libérera si un chevalier d'Arthur le vainc en combat singulier. Le sénéchal Keu relève le défi, mais il est grièvement blessé par Méléagant, qui enlève alors la reine Guenièvre, l'épouse d'Arthur.
Gauvain part immédiatement sur leurs traces. Il rencontre en route un mystérieux chevalier qui, pour avoir des nouvelles de la reine, accepte de se déshonorer en montant sur une charrette d'infamie. L'amour fou que le chevalier sans nom voue à Guenièvre éclate peu après : il manque de se laisser tomber d'une haute fenêtre pour ne pas perdre la reine du regard, et tombe en extase devant un peigne lui ayant appartenu. Le chevalier parvient à soulever la dalle d'une tombe, aventure qui le désigne comme le libérateur des sujets d'Arthur, puis réussit peu après à passer en Gorre en traversant le pont de l'Epée, au prix d'un effort surhumain.
Ce n'est qu'alors qu'on apprend (de la bouche de Guenièvre) le nom du chevalier : il s'agit de Lancelot du Lac. La reine réserve d'abord un accueil glacial à Lancelot : on apprendra plus tard qu'elle veut ainsi le punir pour avoir hésité, l'espace d'un pas, à monter sur la charrette d'infamie. Après avoir chacun craint la mort de l'autre, Lancelot et Guenièvre finissent par se retrouver, et passent la nuit ensemble.
Tous — y compris Gauvain, qui a échoué à passer en Gorre — regagnent alors la cour d'Arthur, sauf Lancelot, retenu prisonnier par Méléagant. Le récit est alors pris en charge par Godefroy de Lagny, qui déclare poursuivre l'œuvre inachevée de Chrétien de Troyes. Aidé par la sœur de Méléagant, Lancelot parvient à temps à la cour d'Arthur pour vaincre Méléagant, auquel il tranche la tête.
John Maler Collier (27 janvier 1850 à Londres – 11 avril 1934) était un écrivain et artiste-peintre britannique préraphaélite
***
La défense de Guenièvre, William Morris, Emma Florence Harrison
Dans ce texte, nous retrouvons la fin'amor, amour parfait ou courtois, célébré dans les poésies des troubadours. Les thèmes de l'abdication totale de la volonté de l'amant devant le désir de la femme aimée, de l'extase amoureuse allant jusqu'à l'oubli de soi, du don réciproque — mais toujours révocable — des corps et des cœurs, sont au centre de l'œuvre.
Rigaut de Barbezieux compare l’extase religieuse à l’extase amoureuse :
« Tout comme Perceval en son temps si ahuri de les voir, qu’il en oublie de demander à quoi servent Lance et Graal, moi j’en suis là, Dame sublime devant votre corps précieux, car alors, j’oublie tout quand je vous regarde. je crois prier ; je suis en fait anéanti » (J.-C. Marol, op. cit., p.67-68).
Lancelot, en tant que parfait amant, ne se plaint pas. Il subit avec patience tout caprice de celle qui aime... Pour lui la reine est sublimée. Il prend la place du fidèle qui adore un être suprême. À la seule vue de la reine, il tombe en extase : « Il ne cesse un instant de la suivre des yeux, dans la contemplation et dans l'extase, aussi longtemps qu'il peut. Quand elle eut disparu, il voulut se laisser basculer dans le vide » (Le Chevalier de la charrette, p. 39).
Guenièvre hante tout son être. À sa pensée, tout le reste du monde s'efface. Le chevalier perd tout contact avec la réalité qui l'entoure. Voilà l'exemple le plus caractéristique d'extase amoureuse dans Le Chevalier de la charrette :
« Le chevalier de la charrette est abîmé dans sa méditation comme un sujet livré sans force et sans défense à la souveraineté d'Amour. Sous l'empire de son penser son moi s'anéantit. Il ne sait s'il existe ou s'il n'existe pas. De son nom il n'a plus souvenance. Est-il armé ? Ne l'est-il pas ? Il n'en sait rien. Il ne sait où il va, il ne sait d'où il vient. De son esprit chaque être est effacé, hormis un seul, pour lequel il oublie tout le reste du monde. À cet unique objet s'attachent ses pensées. C'est pourquoi il n'entend, ne voit, ne comprend rien » (Le Chevalier de la charrette, p. 43).
Puisque donc il tombe en extase lorsqu'il voit ou pense à sa dame, il n'est pas difficile à deviner sa réaction lorsqu'il prend entre ses mains un peigne qui lui appartient... En effet, Lancelot trouve près d’une fontaine, lieu traditionnel de la rencontre des fées, un peigne avec les blonds cheveux de Guenièvre, comparables à ceux d’Iseut déposés par une hirondelle sur l’appui de la fenêtre du Roi Marc et, ces cheveux pressés contre son cœur lui font plus d’effet que tous les électuaires, les catholicons et les prières conjuguées....
« Il prend soin d'en retirer les cheveux avec des doigts si doux qu'il n'en rompt pas un seul. On ne verra jamais à rien accorder tant d'honneur. L'adoration commence : à ses yeux, à sa bouche, à son front, à tout son visage, il les porte et cent et mille fois. Il n'est point de joie qu'il n'en fasse : en eux son bonheur, en eux sa richesse ! Il les enferme dans son sein, près du cœur, entre sa chemise et sa chair. [...] Tant il a foi en ces cheveux » (Le Chevalier de la charrette).
Les cheveux blonds de Guenièvre sont comparés à des reliques que le fidèle conserve avec une ferveur religieuse. C'est la même ferveur qu'il montre quand il entre dans sa chambre et « devant elle il s'incline et lui rend une adoration, car il ne croit autant aux reliques des saints » . En plus, le matin suivant, « se tournant vers la chambre avant de s'en aller, il fléchit les genoux, comme s'il se trouvait en face d'un autel » (Le Chevalier de la charrette).
On peut penser que Chrétien de Troyes, ne partage pas toutes les idées de Marie de Champagne sur la Fin'Amor... En effet, il ironise sur les débordements de l’amour courtois et le ridicule des situations qui abaisse l’aura du chevalier, tantôt vautré dans l’eau d’un gué (V. 762-763) la tête et le corps à moitié sortis et coincés dans une fenêtre du château de Baudemagu roi de Gorre (V. 568)... Cependant, ces situations ne font que reconnaître le côté humain de Lancelot … Et, l'humour n'empêche pas le réalisme des blessures du héros abîmé par le tranchant du Pont de l’Epée et plus tard les stigmates et blessures, doigts coupés sur les barreaux de fer etc.."]
Alienor d'Aquitaine
Et, peut-être finalement, nous entendons l'auteur... Chrétien de Troyes - chevalier-poète au service de sa Domina - aurait connu secrètement un amour fou pour Aliénor d’Aquitaine ou pour Marie de Champagne, qu’il aurait maquillé par un masque littéraire de pure rhétorique ..
Chrétien de Troyes ne serait autre que Lancelot: un amoureux transi, impétrant et sémillant qu’une femme accomplie a su transformer et subjuguer. Cet amour impossible ne serait-il pas en fait celui de l’auteur distancié par sa fonction de serviteur de la Domina, que traduit l’écart géographique entre Lancelot et Guenièvre après son enlèvement par Méléagant. C’est dans cette séparation provisoire que le creuset de l’amour fou prend sa place, Marie de Champagne, Aliénor sa mère ne se fondent-t-elles pas dans la même emblématique féminine ? Ce texte inachevé aurait-il été terminé par Godefroi de Leigni où Lancelot devenu un homme épousera la sœur du chevalier félon Méléagant. Ainsi se trouvent réunis les royaumes de Gorre et de Logres.
Elle donne l'épée Excalibur au roi Arthur, guide le roi mourant vers Avalon après la bataille de Camlann, enchante Merlin et éduque Lancelot du Lac après la mort de son père.
Le même personnage peut se nommer Viviane, Niniane, Nyneve ou Nimue. * Viviane, vit dans la forêt, en compagnie de nombreux animaux féeriques, comme les dragons.
Elle enlève le tout jeune Lancelot, après la mort de son père le roi Ban de Bénoïc. Elle l'emmène au plus profond d'un grand lac duquel il crut ne jamais pouvoir ressortir, ignorant qu'il s'agissait là du « passage » obligé pour rejoindre le royaume merveilleux et caché d'Avalon, l'île sacrée, ultime refuge de la tradition celtique. Viviane enseigne les arts et les lettres à Lancelot, lui insufflant sagesse et courage. Elle fait de lui un chevalier accompli. Elle le mène alors à la cour d'Arthur, à Camelot, pour y être adoubé.
* Selon de nombreuses variantes de la légende, Merlin succombe aux charmes de Viviane et elle lui demande de lui enseigner ses secrets. Merlin apprend à Viviane pratiquement tout ce qu'il sait. Finalement, Viviane, voulant en faire son « amant éternel », enferme Merlin dans une grotte, ou dans une tour...
Dans d'autres versions, c'est pour préserver sa virginité des assauts répétés du vieil enchanteur, que Viviane lui demande de l'initier à la magie. Dans le seul but de la conquérir, Merlin accepte, tout en sachant (grâce à son don prophétique) qu'elle causera sa perte. Viviane l'enterre vivant dans une tombe grâce à un enchantement (cf. le Lancelot en prose ou le Merlin Huth, romans du XIIIe siècle par exemple). La tombesera figurée par un cercle de pierres magiques dans d'autres versions.
Parfois, Viviane et Morgane s'affrontent, à l'aide de leur magie... Viviane protège Arthur, sa cour et l'idéal courtois et chevaleresque qu'il incarne, tandis que Morgane veut la perte de son frère et de sa belle-sœur, la reine Guenièvre (cf. le Lancelot en prose, le Merlin Huth et La Mort le roi Arthur par exemple).
Se mettre à l’aventure, se préparer à passer outre... Une lecture de « Lancelot, le chevalier à la charette »
Illustration de Thomas Mackenzie's pour la 1ère Edition of "Arthur and His Knights" (1920)
Lancelot, est le serviteur de Dieu et de sa Dame. Ses aventures sont contées par Chrétien de Troyes, à la demande de Marie de Champagne, digne fille d’Aliénor d'Aquitaine en matière d'éthique courtoise. Le chevalier est en Quête, ce qui quotidiennement se traduit par sa recherche d'aventure. Ce mot à lire dans le contexte arthurien, a une saveur particulière... Chevaucher, se battre, pour prouver valeur et honneur, mais aussi cheminer sans qu'il ne se passe rien … Patienter, jusqu'à la rencontre – à la croisée de chemins, ou au plus profond d'une forêt ( selon son humeur ) - l'un de ses pairs, ami ou rival, un animal emblématique ou l'une de ces demoiselles ( parfois une dame ), dont nul ne sait comment elle a pu se trouver là ; sinon pour relancer à point nommé la quête chevaleresque.
L'épreuve du pont de l'épée surgit tout aussi soudainement devant le chevalier impatient d'éprouver son ardeur contre l’adversité. C'est dans un monde enchanté ( non profane ) que l'on entre ici...
Sur l'autre rive, seulement, une fois l'épreuve passée, lui sera donnée de comprendre que les lions - monstrueux gardiens du pont – n'étaient que des mirages destinés à mesurer sa détermination.. Mais au seuil du passage risqué, « l'onde félonesse » , les lions et le pont tranchant terrible forment une trilogie de l'horreur et, pour tout autre que lui, de la peur. Et l'on sent bien – à la manière dont ils sont décrits – qu'en eux résident la force même du Mal et de l'illusion contre quoi tout chevalier se doit de guerroyer. Aussi ne serait-on guère surpris de les entendre par avance ricaner, tandis que « pleurent et soupirent » les compagnons de Lancelot. Car en ce monde de rudesse guerrière, l'homme de cœur n'a point de honte à exprimer tristesse et pitié. C'est à son cœur de pierre qu'on reconnaît par contre le « mauvais » : Méléagant, le traître, ou le fils du roi Baudemagus qui assiste aux côté de son père, à l'héroïque traversée.
Sir Lancelot, par Howard Pyle
A la crainte des compagnons d'armes, Lancelot ne répond que par le rire ; un rire qu'on imagine aussi cristallin que sa foi en la miséricorde divine. Dieu saurait-il laisser choir l'un de ses preux chevaliers ? Au déchaînement des forces du Mal peuvent seules répondre intégrité et simplicité : c'est pieds et mains dénudés qu'il passera le pont, retrouvant en la circonstance l'humilité du pénitent qui fut sienne le jour où on l'adouba chevalier. Un autre miracle ne pouvait dès lors qu'éclore sous les pas du chevalier sans peur mais néanmoins ensanglanté : « L'apaise et le guérit Amour qui le conduit et le mène. » La leçon est ici bien proche de celle dispensée à Perceval – autre héros de Chrétien de Troyes - découvrant, impuissant, les souffrances intolérables du Roi-pêcheur, gardien du Graal : seule guérit la plaie l'arme qui la fit. Transpercé d'amour pour sa reine plus encore que par le tranchant de l'épée, Lancelot le serviteur épris reçoit simplement de Dieu le juste salaire de sa foi inaltérable et de sa fidélité. Bienheureux cet univers chevaleresque où il suffisait d'un acte de vrai courage – celui d'un homme de cœur – pour restituer au monde sa pureté !
Texte de Françoise Bonardel
Extrait du texte de Chrétien de Troyes:
Ils allèrent cheminant sur la route la plus directe jusqu’à la chute du jour, et ils arrivèrent au Pont de l’Épée vers le soir, passé la neuvième heure.À l’entrée de ce pont, qui était si terrible, ils descendirent de leur cheval et regardèrent l’eau traîtresse, noire, bruyante, rapide et chargée, si laide et épouvantable que l’on aurait dit le fleuve du diable ; elle était si périlleuse et profonde que toute créature de ce monde, si elle y était tombée, aurait été aussi perdue que dans la mer salée. Et le pont qui la traversait était bien différent de tous les autres ponts ; on n’en a jamais vu, on n’en verra jamais de tel.
Si vous voulez savoir la vérité à ce sujet, il n’y a jamais eu d’aussi mauvais pont, fait d’une aussi mauvaise planche : c’était une épée aiguisée et étincelante qui formait ce pont jeté au-dessus de l’eau froide ; l’épée, solide et rigide, avait la longueur de deux lances. De part et d’autre il y avait un grand pilier de bois où l’épée était clouée. Personne n’avait à craindre qu’elle se brise ou qu’elle plie, car elle avait été si bien faite qu’elle pouvait supporter un lourd fardeau.
Mais ce qui achevait de démoraliser les deux compagnons qui étaient venus avec le chevalier, c’était l’apparition de deux lions, ou deux léopards, à la tête du pont de l’autre côté de l’eau, attachés à une borne en pierre. L’eau, le pont et les lions leur inspiraient une telle frayeur qu’ils tremblaient de peur et disaient : « Seigneur, écoutez un bon conseil sur ce que vous voyez, car vous en avez grand besoin. Voilà un pont mal fait, mal assemblé, et bien mal charpenté. Si vous ne vous repentez pas tant qu’il en est encore temps, après il sera trop tard pour le faire. Il faut montrer de la circonspection en plus d’une circonstance. Admettons que vous soyez passé – hypothèse aussi invraisemblable que de retenir les vents ou de les empêcher de souffler, que d’empêcher les oiseaux de chanter, ou même d’oser chanter ou que de voir entrer un être humain dans le ventre de sa mère pour renaître ensuite ; une chose donc aussi impossible que de vider la mer. Comment pouvez-vous en toute certitude penser que ces deux lions enragés, enchaînés de l’autre côté, ne vont pas vous tuer, vous boire le sang des veines, manger votre chair puis ronger vos os ? Il me faut déjà beaucoup de courage pour oser jeter les yeux sur eux et les regarder. Si vous ne vous méfiez pas, ils vous tueront, sachez-le bien. Ils auront vite fait de vous briser et de vous arracher les membres, et il seront sans merci. Mais allons, ayez pitié de vous-même, et restez avec nous ! Vous seriez coupable envers vous-même si vous vous mettiez si certainement en péril de mort, de propos délibéré. »
Alors il leur répondit en riant : « Seigneurs, je vous sais gré de vous émouvoir ainsi pour moi ; c’est l’affection et la générosité qui vous inspirent. Je sais bien que vous ne souhaiteriez en aucune façon mon malheur ; mais ma foi en Dieu me fait croire qu’Il me protégera partout : je n’ai pas plus peur de ce pont ni de cette eau que de cette terre dure, et je vais risquer la traversée et m’y préparer. Plutôt mourir que faire demi-tour ! »
Ils ne savent plus que dire, mais la pitié les fait pleurer et soupirer tous deux très durement. Quant à lui, il fait de son mieux pour se préparer à traverser le gouffre. Pour cela, il prend d’étranges dispositions, car il dégarnit ses pieds et ses mains de leur armure : il n’arrivera pas indemne ni en bon état de l’autre côté ! Mais ainsi, il se tiendra bien sur l’épée plus tranchante qu’une faux, de ses mains nues, et débarrassé de ce qui aurait pu gêner ses pieds : souliers, chausses et avant-pieds. Il ne se laissait guère émouvoir par les blessures qu’il pourrait se faire aux mains et aux pieds ; il préférait se mutiler que de tomber du pont et prendre un bain forcé dans cette eau dont il ne pourrait jamais sortir.
Au prix de cette terrible douleur qu’il doit subir, et d’une grande peine, il commence la traversée ; il se blesse aux mains, aux genoux, aux pieds, mais il trouve soulagement et guérison en Amour qui le conduit et le mène, lui faisant trouver douce cette souffrance.S’aidant de ses mains, de ses pieds et de ses genoux, il fait tant et si bien qu’il arrive sur l’autre rive. Alors lui revient le souvenir des deux lions qu’il pensait avoir vus quand il était encore de l’autre côté ; il cherche du regard, mais il n’y avait pas même un lézard, ni aucune créature susceptible de lui faire du mal. Il met sa main devant son visage pour regarder son anneau et il a la preuve, comme il n’y apparaît aucun des deux lions qu’il pensait avoir vus, qu’il a été victime d’un enchantement, car il n’y a là âme qui vive. Quant à ceux qui sont restés sur l’autre rive, voyant qu’il a ainsi traversé, ils se réjouissent comme il est bien normal ; toutefois, ils ne savent rien de ses blessures. Mais lui considère s’en être tiré à bon compte pour n’avoir pas subi là plus de dommage. Il étanche sur tout son corps le sang de ses blessures avec sa chemise.
La Légende arthurienne est le ''véhicule'' d'une quête personnelle ... à travers une lignée et les siècles...
Chronologie
Louis VII de France, (1120-1180), roi des Francs de 1137 à 1180.
Henri II d'Angleterre (5 Mars 1133 au 6 Juillet 1189)
Aliénor d'Aquitaine (1122 ou 1124 à 1 Avril 1204)
Marie , comtesse de Champagne (1145 - 1198) est la fille aînée de Louis VII de France et de sa première épouse, Aliénor d'Aquitaine .
Geoffrey de Monmouth, Historia regum Britannie 1136 (latine)
Wace (1100- 1174) Roman de Brut , c. 1155 (anglo-normande)
Chrétien de Troyes (1135-1185)
Wolfram d'Eschenbach ( 1170-1220)
- La cathédrale d'Otrante, c. 1163 Mosaique : Rex Artirus
- ''Découverte'' de la tombe d'Arthur : 1190 (latin ) rapportée par Gerald of Wales
Le cycle de la Vulgate : la Queste del Saint Graal , la Mort (le roi) Artu , le Lancelot , le Estoire del Saint Graal , et la Vulgate Merlin c. 1215-1235 (Français)