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la quete du graal

La littérature médiévale sur le Graal en suivant la chronologie...

Publié le par Perceval

1009 : Destruction du Saint-Sépulcre par le calife fatimide al-Hakim.

1031 : Disparition du califat de Cordoue. La prise de Tolède en 1085 et celle de Huesca en 1096 ; annoncent la ''Reconquista '' en Espagne... Depuis le début du IXe siècle, les musulmans occupent la péninsule ibérique..

1095 : L’empereur byzantin Alexis Ier Comnène demande de l’aide au pape Urbain II ; celui-ci prêche au concile de Clermont la première croisade. 1099 : Prise de Jérusalem par les croisés.

1120 : Fondation de l’ordre militaire des Templiers.1122 Suger, abbé de Saint-Denis ; et 1137 règne de Louis VII.

1135 :Historia Regum Britanniae de Goeffroy de Monmouth

Premier portrait d’Arthur, Historia Regnum Britanniae, Geoffroy de Monmouth, milieu du XIIème siècle, copié à l’abbaye du Mont Saint-Michel, BnF (MS latin 8501, f.108v)Geoffroy de Monmouth (vers 1100 - 1155), est un évêque et historien anglo-normand au service du roi Henri 1er d'Angleterre, écrivant en langue latine et familier du monastère de Glastonbury.

« Histoire des rois de Bretagne ») est une œuvre rédigée en latin entre 1135 et 1138

On y trouve la première apparition de personnages marquants tels que Merlin ou Uther Pendragon. 

L’œuvre eut un grand succès au Moyen Âge. Elle marque la naissance littéraire de la matière de Bretagne et a une influence déterminante sur la légende arthurienne. Une adaptation en français est faite par le trouvère normand Wace en 1155 titrée Le roman de Brut.

Il n’est pas encore question du Graal, mais les fondements de la légende arthurienne prennent forme. Les légendes celtiques, le merveilleux et l’idéal chevaleresque permettent de donner à Arthur une grandeur comparable à celle de Charlemagne et donne à la dynastie des Plantagenêt une ascendance glorieuse.

1148-1149 : Deuxième croisade.

1155 : Mécénat d’Aliénor d’Aquitaine et de ses filles – André le Chapelain, De amore ; essor de la fin’amor – Troubadours de la 2e génération, Bernard de Ventadour

1155 :Roman de Brut de Wace

Wace (1100-1180) est un poète normand.

Le Roman de Brut, ou Brut, est une histoire légendaire de l’Angleterre de 14 866 vers rédigée en anglo-normand par Wace. Probablement commencé vers 1150, le Roman de Brut est achevé en 1155.

Wace traduit et adapte librement en anglo-normand l’oeuvre de Geoffroy de Monmouth. Il invente notamment la Table Ronde. Ce roman dédié à la reine d’Angleterre Aliénor d'Aquitaine relate l’histoire de l’ancêtre supposé du roi Henri II Plantagenêt, Brut, qui aurait lui-même eu pour aïeux Brutus, premier roi d’Angleterre, et Énée.

1180 : règne de Philippe Auguste.

1180 :Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes

Dans ses cinq romans de chevalerie, Chrétien de Troyes développe la légende arthurienne et la « matière de Bretagne ». Il donne notamment une unité au cadre arthurien en fixant un ensemble de personnages clés dans lesquels puiseront ses continuateurs.

1187 : prise de Jérusalem, par Saladin.

1189-1192 : Troisième croisade.

1192 : Victoire de Richard Cœur de Lion contre les troupes de Saladin à Jaffa. Trêve …

1190-1200... : Première Continuation de Perceval ou Continuation Gauvain : Œuvre du pseudo-Wauchier de Denain

Ecrivain français de langue d'oïl et traducteur actif au début du XIIIe siècle.

Cette Première Continuation suit les aventures de Gauvain en oubliant à peu près totalement (du moins pour la plus ancienne version) le personnage de Perceval. C’est au tour de Gauvain de se rendre, et d’échouer, au Château du Roi Pêcheur. Cependant, les modifications du texte de Chrétien sont nombreuses. On ne peut plus à proprement parler de cortège, le Roi Pêcheur n’est plus mehaigné, et le Graal se déplace tout seul. Il se rapproche d’ailleurs dans cette version des chaudrons d’abondance du folklore celtique. Si la Lance qui saigne est christianisée par son assimilation à la lance de Longin, il n’en va pas de même pour tous les motifs de cette scène qui reste très largement mystérieuse, voire angoissante.

 la Première Continuation ne clôt pas l’histoire du Graal. Gauvain échoue devant une épreuve préalable qui consiste à ressouder l’épée brisée et il s’endort alors que le roi allait lui révéler les ravages occasionnés par le « coup douloureux » portés par cette épée.

1204 : Parzifal de Wolfram von Eschenbach.

Un roman du Graal allemand qui s’inspire assez précisément du Conte du Graal de Chrétien de Troyes et également de sources indo-européennes...

1205-1210 :Deuxième Continuation ou Continuation Perceval ; Oeuvre de, ou rédigée sous l’autorité de Wauchier de Denain.

Wauchier de Denain, un clerc, traducteur par ailleurs d’ouvrages religieux en prose, a pour mécène le comte et la comtesse de Flandre, de la famille de Philippe de Flandre, le commanditaire du Conte du Graal.

Cette continuation se clôt après la tentative de Perceval de ressouder l’épée brisée. Tentative presque réussie, mais pas tout à fait puisqu’il reste une petite fêlure sur la lame. Or Perceval a posé les questions du Graal et de la Lance et rien ne s’est produit : la prouesse attendue de la part du héros du Graal est donc renouvelée. L’histoire n’est pas menée à son terme.

Cette oeuvre par contre, se recentre sur Perceval et se rapproche, en ce qui concerne le Graal, du texte de Chrétien : il y a à nouveau une procession, le Roi Pêcheur ne se déplace plus. La voie est ouverte vers une christianisation du Graal, et ce par divers épisodes, comme l’enfant dans l’arbre. Christianisation que l’oeuvre de Robert de Boron fixera...

1200-1210 : Le Roman de l’Histoire du Graal de Robert de Boron. ( il a eu connaissance des deux premières continuations)

L’oeuvre de Robert de Boron est conçue comme un roman en vers en trois parties : l’Histoire du Graal, le Merlin et le Perceval. Mais si nous avons conservé le Roman de l’histoire du Graal, il ne reste du Merlin en vers qu’un fragment et son Perceval en vers est perdu.

Cette oeuvre marque une étape décisive dans l’évolution médiévale du mythe du Graal. Son oeuvre, qui s’appuie sur Chrétien de Troyes et Wace (pour le personnage de Merlin notamment) se veut une christianisation : Merlin devient un « sergent » de Dieu et le Graal est relié aux Evangiles Apocryphes grâce auxquelles il devient une relique : le plat de la dernière Cène et le récipient dans lequel Joseph d’Arimathie a recueilli le sang du Christ.

1210 : Mises en proses des romans en vers de Robert de Boron : Merlin et Perceval, dont il nous reste deux manuscrits : le Didot-Perceval et le Perceval de Modène.

Le Graal est christianisé, conformément à l’Histoire du Saint Graal en vers de Robert de Boron. Le héros est Perceval, conformément au Conte du Graal de Chrétien, auquel il est d’ailleurs fait plusieurs fois référence, de façon explicite ou implicite, lorsque certaines aventures évoquent précisément celles du Perceval de Chrétien. On retrouve également un certain nombre de motifs issus des deux premières Continuations.

Le motif de la question à poser demeure, de même que l’échec de Perceval lors de sa première visite au Château du Roi Pêcheur. Le personnage de Gauvain par contre, disparaît totalement, et certaines de ses aventures sont désormais attribuées à Perceval, comme le tournoi contre Mélian de Lis.

Ces mises en prose sont importantes dans le devenir de la littérature arthurienne et du Graal. La prose en effet servait auparavant pour la traduction et le commentaire des textes sacrés. Désormais, le Graal est valorisé et en quelque sorte authentifié. Le lien entre le Graal et la prose est si étroit que, hormis les deux dernières Continuations du Conte du Graal, toujours en vers, les autres oeuvres traitant du Graal sont désormais en prose.

1204 : Les croisés saccagent Constantinople et fondent l’Empire latin.

1209-1229 : Croisade contre les Albigeois dans le sud de la France.

1215 : Quatrième concile de Latran. ( Lutte contre les hérésies : canon 21 relatif à la confession ...) et définit le concept de la transsubstantiation : «  il identifie le sang et le corps du Christ réellement contenus dans le vin et le pain lors de la communion chrétienne. ». Le Graal est identifié au calice pendant la 'consécration' lors de la messe.

1190-1250 : Perlesvaus, Li Haut Livre du Graal. Anonyme, en ancien français

On ignore l’auteur et la date de cette oeuvre. Il est certain qu’elle a été écrite après le Conte du Graal et le Perceval de Robert de Boron auxquelles elle emprunte des éléments, mais on ne sait pas si elle se situe avant ou après le cycle du Lancelot-Graal.

Un roman qui fait suite au Conte du Graal. En effet, il s’ouvre alors que Perceval (qui se nomme dans l’oeuvre Perlesvaus, puis Par-lui-fait, puis Perceval) vient d’échouer au château du Roi Pêcheur. Nous suivons d’abord l’itinéraire de Gauvain, à la recherche du « bon chevalier » Perlesvaus, puis nous retrouvons ce dernier. La structure est donc inverse par rapport à celle de Chrétien. Un points intéressant : la violence du récit. A la différence de la Quête du Graal, l’oeuvre ne renie pas la chevalerie terrestre, mais est au contraire, un appel à la croisade, dans son opposition systématique entre l’Ancienne Loi, la Nouvelle, et la religion des sarrazins.

1217-1229 : Cinquième croisade.

1219 (Août) : Saint François d’Assise prêche auprès des croisés et du sultan.

1215-1235: Le cycle du Lancelot-Graal, avec notamment la Quête du Saint Graal

Le cycle du Lancelot-Graal est un grand ensemble élaboré en cinq parties, dont l’ordre de composition est le suivant : Lancelot, la Quête du Saint Graal, la Mort le roi Artu, auxquelles viennent s’ajouter une Histoire du Saint Graal et une Histoire de Merlin qui ne sont pas celles de Robert de Boron.

Ces récits ayant été composés par des auteurs différents, la variété d'esprit, d'inspiration et de mode d'écriture prévaut sur l'unité.

La Quête du Saint Graal se consacre exclusivement à l’objet mythique. Son apparition lors de la Pentecôte dès les premières pages du roman lance l’ensemble des chevaliers de la Table Ronde sur sa quête. On y retrouve Gauvain, mais ce dernier, symbole même d’une chevalerie trop terrienne, échoue. Lancelot, marqué par le péché et la faute que représente son amour pour Guenièvre ne peut que très rapidement apercevoir le Graal, après sa conversion, tandis que Perceval, Bohort et Galaad seuls parviennent au Graal dont Galaad découvre les ultimes secrets.

Tout en conservant le héros initial de la quête, Perceval, c’est désormais Galaad, fils de Lancelot et de la fille du Roi Pêcheur, chevalier vraiment pur à la « semblance » du Christ qui devient le héros du Graal.

Ce cycle a été l'une des plus importantes sources du Morte d'Arthur de Thomas Malory.

1230: Troisième Continuation, œuvre de Manessier. La Commanditaire est Jeanne, comtesse de Flandre et de Hainaut († 1244). Elle est la fille aînée de l'empereur Baudouin de Constantinople et de Marie de Champagne( fille d'Aliénor d'Aquitaine)

La rédaction du cycle du Conte du Graal est fortement liée à la famille comtale de Flandre. Chrétien de Troyes écrivait sous la protection de l'oncle de Jeanne, Philippe de Flandre. Manessier, auteur de la Troisième continuation, a dédié son œuvre à la comtesse Jeanne. Il est vraisemblable que son prédécesseur Wauchier de Denain, auteur de la Seconde continuation ait également fait partie de son entourage, sans qu'on puisse démontrer de manière certaine que l'ouvrage fut écrit pour elle.

Cette continuation s’enchaîne à la Deuxième Continuation, restée inachevée...

Manessier trouve un achèvement aux aventures du Graal. L’épée est ressoudée par Perceval puis de nouveau brisée. Elle ne sera ressoudée que lorsque Perceval aura tué Partinal de la Rouge Tour. Le Roi Pêcheur retrouvera alors l’usage de ses jambes. Perceval apprenant du Roi qu’il est son neveu, il fait le vœu de lui succéder. Perceval succède au Roi Pêcheur mais après sept ans de règne il se retirera dans un ermitage pour y finir pieusement ses jours, nourri par le Graal qui sera emporté avec lui dans les cieux...

« Au fur et à mesure qu’elle est retouchée, l’histoire du Graal ne cesse de se cléricaliser. Certes, la Troisième Continuation garde l’arrière-fond des luttes entre partis aristocratiques et leur lot de violences gratuites et de vengeances incessantes, propres au Conte de Chrétien de Troyes. Mais Manessier met, pour la première fois, explicitement en scène la lutte du héros contre le diable. De plus, Perceval devient prêtre à la fin de ses jours. La spiritualité est omniprésente dans un roman où foisonnent les symboles religieux. » Aurell Martin (2007). op. cit., p. 381

1225-1230: Continuation du Conte du Graal, œuvre de Gerbert de Montreuil.

Gerbert de Montreuil est un poète picard. Il dédie à Marie, comtesse de Ponthieu, un roman d'aventures : le Roman de la violette.

Gerbert de Montreuil, qui écrit que les descendants de Perceval conquerront Jérusalem (évidente allusion à Godefroy de Bouillon et à ses frères), pourrait avoir composé sa continuation pour les comtes de Boulogne.

Cette continuation, contemporaine de l’œuvre de Manessier, mais rédigée de façon indépendante, s’enchaîne également à la Deuxième Continuation.

Une voix divine explique à Perceval qu’il doit subir de terribles épreuves s’il veut entendre les secrets du Graal. Perceval se heurte aux portes du paradis, sur lesquelles il brise son épée. Il remporte de rudes épreuves avant son retour au château du Roi Pêcheur. Là, il réussit à ressouder l’épée de façon parfaite. Lors de sa présence au passage du cortège, son hôte lui révèle les mystères du Graal et de la lance brisée. Pour autant, Gerbert de Montreuil ne parvient pas à terminer l’histoire.

L’œuvre de Gerbert de Montreuil, bien qu’elle soit inachevée, à la différence de la Troisième Continuation, oriente, comme l’œuvre de Manessier, le motif du Graal dans un sens nettement religieux. La christianisation du mythe est désormais acquise, et ce depuis l’œuvre de Robert de Boron.

Un changement s’opère au 13e siècle dans l’approche du merveilleux celtique dont s’inspirait Chrétien de Troyes. Martin Aurell ( médiéviste) souligne cette différence :

« Les romans arthuriens adoptent un ton pédagogique, aux antipodes du mystère et de l’intrigue que Chrétien de Troyes avait su préserver dans son Conte. Des explications allégoriques sur les épisodes et objets des romans pullulent désormais dans la matière de Bretagne. Elles relèvent de la culture cléricale et savante, qui fait intervenir le diable dans des merveilles que les récits du XIIe siècle auraient présentées comme de simples exceptions aux lois de la nature. » Aurell Martin (2007). op. cit., p. 384

1236 : Ferdinand III de Castille prend Cordoue.

 

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Les Croisades, les Templiers et le Graal. -2/.-

Publié le par Perceval

Au XIIe siècle peu de personnalités font part de leur réprobation face à '' la Croisade '' : ce pèlerinage en arme, la presque totalité de la Chrétienté se range derrière la bannière lyrique et envoûtante de Bernard de Clairvaux.

Les critiques augmentent au cours du siècle, et deviennent plus importantes à la fin du XIIIe ; celles-ci accompagnant la déroute de l’aventure. La noyade de Frédéric Barberousse en 1190, la mort de Saint-Louis devant Tunis en 1270, amènent ces auteurs à réfléchir à la légitimité d’un tel phénomène. Si la croisade est juste, pourquoi Dieu permet-il de si grandes déroutes ? Le rejet de la croisade est porté aussi par les nouveaux ordres monastiques, comme les franciscains et les dominicains, qui privilégient le prêche à la guerre, le glaive de la parole à celui du fourreau.

Les croisades, se muent en conflit idéologique, en plus de délivrer les Lieux Saints, il s'agit de convertir les peuples sarrasins et juifs par la force. Les croisés revivent l'Exode et la conquête de la terre promise...

Ce motif, nous le retrouvons dans les injonctions de Dieu faites aux élus de l'Estoire del Saint-Graal d'évangéliser la Grande Bretagne... C'est aux ordres mendiants que l'on doit la substitution de l'idée de mission à celle de croisade...

De fait, L'Eglise de Rome, s'inquiète de cette Légende du Graal, qui fait le ''buzz'' et qui circule et s'étend, par trop empreinte de celtisme, ou d'ésotérisme ( avec le Parzifal). Il s'agit de christianiser l'histoire de chrétien de Troyes, de gommer les ''révélations '' de Wolfram ; en effet plutôt que ses références au tombeau du Christ ( fruit des croisades et des templiers) ; le Graal se recentre uniquement sur le récipient ayant recueilli le sang du Christ, facilement assimilable au calice de la messe.

Robert de Boron, vers 1212-1214, s’attelle à cette sainte tache. Il rédige L'Estoire dou Graal, faisant largement appel à l’Évangile de Nicodème, certes apocryphe, mais très populaire à l'époque et cité par St-Thomas d'Aquin lui-même... Vers 1215-1220, il rédige Merlin.

On fait appel également à Gautier Map (1140-1210), proche d'Henri II Plantagenêt, qui rédige l'Estoire del Saint-Graal, et la Queste... , dont le médiéviste Albert Pauphilet ( en 1921) a montré l'origine cistercienne.

Cette fois, donc, les précieux objets qui constituent le cortège du Graal sont assimilés à ceux dans lesquels le Christ a pris son dernier repas. Le service du Graal est alors associé à l'image de la Cène. Ce rituel eucharistique établit en outre une distinction entre les hommes justes, purs, élus de Dieu qui sont autorisés à approcher la sainte relique, et les hommes ordinaires, simples pécheurs, pour qui ce mystère reste inaccessible.

Désormais, le monde sera dominé par la raison, la foi et les vertus religieuses, les anciennes croyances reléguées au rang de contes pour enfants. Les chevaliers se battront pour défendre la foi (la croisade), et non plus pour vaincre des créatures diaboliques, ces dernières ayant été balayées par la lumière divine du Graal.

D’ailleurs, une fois le Graal retrouvé, une fois que Galaad, à l’image du christ, a donné à cette société chevaleresque la dimension sacrée et spirituelle à laquelle elle aspirait, la société arthurienne, qui a rempli sa mission n’a plus aucune raison d’être. Il n’y a plus de monstres à pourchasser, plus de terres sauvages à conquérir et à christianiser, sa disparition est donc inéluctable. Avec la mort du roi Arthur, l’univers de la Table Ronde se disloque et disparaît, le temps des héros et des aventures extraordinaires est terminé.  

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Les Croisades, les Templiers et le Graal. -1/.-

Publié le par Perceval

- Les croisades :

La Quête du Graal, est une conséquence des croisades, le fruit de la défaite : la perte de Jérusalem ( reprise par les musulmans en 1187, lancement en 1189 de la 3ème croisade).

« La perte de Jérusalem ébranle toute la Chrétienté et l'oblige à faire une sorte de retour sur soi, à modifier radicalement sa conception de la croisade.

A la conception externe, si l'on peut dire, guerrière et conquérante, va se substituer une conception interne, allégorique et mystique ; Jérusalem ne sera plus un but de pèlerinage lointain et périlleux : la Jérusalem céleste prévaut dorénavant, qui ne se conquiert pas au terme d'une expédition terrestre, mais se trouve au terme d'un cheminement spirituel.

Il va de soi que la notion de « Jérusalem céleste » est bien antérieure à 1187, mais depuis un siècle l'Occident semblait l'avoir quelque peu oubliée, axé comme il était sur la conquête et la défense purement guerrières des Lieux saints. »

Helen Adolf (1895 – 1998) was an Austrian–American linguist and literature scholar.

- La légende arthurienne ( ou Matière de Bretagne) :

Avec 'Joseph d'Arimathie' de Robert de Boron, nous revenons sur nos terres ; le Graal, en effet, part de ''Terre sainte'' pour l'Occident sans espoir de retour.

Nous pouvons ainsi rapprocher de chaque actualité de croisade, une œuvre :

Le ''Perceval'' à la croisade de 1177/78 de Philippe d'Alsace, le '' Joseph d'Arimathie '' à la défaite de 1187, et le '' Parzival '' au traité de paix de 1192 ( fin de la 3ème croisade – Jérusalem reconquise, paix entre Richard 1er et Saladin.)...

    En 1185 environ : Chrétien de Troyes entreprend son Conte du Graal ou Perceval que sa mort laisse interrompu. II écrit ce poème pour Philippe d’Alsace, comte de Flandre, prince dévot qui s’est croisé plusieurs fois ( en 1177, et 1190) et qui détient à Bruges la relique du Saint Sang, ramenée d’Orient peu avant 1150 par son père Thierry d’Alsace.

    Gautier de Montbéliard (mort en 1212, est un fils d'Amédée II de Montfaucon, comte de Montbéliard), s’engage dans la quatrième croisade, en 1199 il est régent de Chypre de 1205 à 1210, connétable du royaume de Jérusalem de 1210 à 1212. Gautier est le commanditaire attesté de la trilogie de Robert de Boron (qui comporte le Joseph d’Arimathie, un Merlin et un Perceval) rédigée autour de 1200. Robert de Boron, à Chypre, découvre la littérature byzantine et syriaque. La famille de Boron pourrait être alliée à celle ''des Barres'', qui comptait des membres ayant commandé en Orient et même un Grand Maître du Temple.

    Enfin, Wolfram d’Eschenbach (v. 1210) écrit  Parzival (source de Richard Wagner). C’est en gros, la même trame narrative que le Conte du Graal, avec peut-être des apports occitans (Wolfram prétend corriger Chrétien grâce au texte – perdu – d’un certain Kyot le Provençal) et orientaux (présence du Sarrasin Feirefiz, éléments doctrinaux peut-être empruntés au philosophe islamique Al Farrabi). Ici, le Graal est devenu une pierre précieuse sur laquelle, chaque jour, une colombe dépose une hostie. Perceval se marie, fonde une lignée (il sera l’ancêtre de Godefroi de Bouillon) et confie le Graal à la garde de l’ordre du Temple.

    Wolfram d’Eschenbach, chevalier franconien, tient secrète l’identité du commanditaire. Le roman de Wolfram est chargé de mysticisme, de référence au Moyen-Orient des croisades... Sa version de la quête du Graal, Parzival, puis son Titurel donnent au mythe une sonorité ésotérique beaucoup plus prononcée que chez Chrétien de Troyes :  le Graal est gardé par des Templiers, et il est réservé à quelques « élus » de s'en approcher, élus liés par une lignée commune.

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    De la chevalerie, à Ignace de Loyola ( 1491- 1556). -1-

    Publié le par Perceval

    Perceval, rêve de devenir chevalier. Le chevalier est un être fait de chair et de désir, son idéal prend racine dans la défense du droit et de la paix, dans la défense du faible et du pauvre … Le chevalier exalte les valeurs masculines mise en œuvre dans les « épreuves » auxquelles il lui tarde d'être confrontées :

    • Le voyage et ses dangers. L'errance et la rencontre

    • Le combat : la fureur et la paix. La force et la peur. La beauté et la mort.

    • L'énigme et le savoir. La naïveté et la sagesse.

    • La solitude et le désir. L'amour et la liberté...

    • L'honneur, et le mystère. Le coeur et l'épée.

     

    Cette Quête, le chevalier- même solitaire - ne peut l'accomplir sans la rencontre du féminin.

     

    Ce chemin est profane et sacré, mythique et mystique … Dans la figure d'Ignace de Loyola, la mission du chevalier rejoint les missions de l'Eglise. Ses armes, sont celles de Jésus-Christ, et son épée est la Parole.

     La_Rendicion_de_Granada_-_Pradilla.jpg

          La Rendición de Granada (dos de enero de 1492) por Francisco Pradilla y Ortiz, 1882

    Le parcours que je décris, bien qu'ancré dans la chair d'une époque, est mythique en ce qu'il s'attache à un idéal. Le chevalier est mu par l'idéal. Malheureusement l'histoire est aussi marquée par les dérives des passions humaines...

    Ignace-de-loyola-2.jpg

    Iñigo López de Loyola  est né en 1491, presque en même temps que Luther ( 1483-1546) , un an avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. C'est l'aube de nouvelles découvertes et de nouveaux défis...

    La-Reconquista-center.jpgSes parents lui ont appris la foi, mais ce monde en déclin ne le retient pas... Il préfère profiter de ses dons, chérit son épée et les « donzelles ». Inigo (il choisira plus tard de s'appeler Ignace ) est basque, tout pétri de bravoure et de sensualité, il rêve de devenir un héros d'un roman de chevalerie... Il a deux passions, la guerre et les femmes. Sa passion de la guerre le mène à Pampelune. Le 20 Mai 1521, il est frappé par un boulet français projeté dans la place assiégée tenue par Ignace, il lui brise la jambe. Ignace doit alors se rendre aux Français. Fier et courageux, il doit cependant se soumettre. C’est là le début de sa quête et celui de de sa conversion.

    C'est l'apprentissage de la douleur... Trois fois on va rouvrir ses blessures dans d'atroces souffrances. Ignace de Loyola va-t-il rester boiteux? Est-ce possible? Ce serait alors fini ce ton altier et sa prétention d’être quelqu’un. Et, les femmes ; se détourneront-elles en l’apercevant?. Peut-il accepter ainsi de souffrir, de continuer une vie inutile, à commencer par longue période de convalescence ?

     

    Au château familial il n'existe qu'une seule sorte de livres, des vies de saints et la vie de Jésus... . Son père et sa mère sont morts, mais il y a la présence attentive et affectueuse de sa belle et pieuse belle-sœur Magdalena.Ignace-de-loyola-conversion.jpg  Il aurait bien préféré un roman de chevalerie. Qu'importe ! Il en commence un dans sa tête. Il sculpte les nuages du rêve. Il bâtit des châteaux en Espagne. Il monte des coups, surtout le coup qui lui vaudra de devenir le mari fascinant d'une certaine princesse.

    Mais fatigué de rocambolesque, il ouvre des vies de saints: des moines et des ermites du désert thébain et du massif du Sinaï. Son imagination s'enflamme en les voyant braver la faim et le froid avec une si parfaite maîtrise d'eux-mêmes. Il s'émerveille d'apprendre comment ils arrivent à se dominer et à lutter contre des esprits méchants. Il admire les visions glorieuses et les récompenses insignes dont ils sont gratifiés: n'ont-ils pas gagné pour toujours le respect des hommes, en même temps que la félicité et la dignité céleste? ... La citadelle qui résiste maintenant c'est son propre cœur, encore confisqué par la gloire du monde. Il découvre l'histoire de Jésus; surpris, il apprend aussi que c'est une histoire d'amour. Cette histoire d'amour le conduira vers le service d'un « autre » toi : Dieu. 

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    Lecture de l'épisode du Graal

    Publié le par Perceval

    L’épisode du Graal est une scène « unique », énigmatique et mystérieuse. Elle fera ensuite l’objet de trois commentaires : Graal-porte-demoiselle.jpgcelui de la cousine, celui de la demoiselle à la mule fauve et enfin celui de l’ermite. Ils font appel au « péché » de Perceval, il est chassé du château …

     

    Cette scène a un caractère merveilleux, un peu comme s’il s’agissait d’un rêve… Elle n’a pas d’emblée un caractère chrétien. Même si elle se présente comme « liturgique » …Il s’agit de guérir le roi blessé ( entre les hanches ) et de redonner fécondité à sa terre. Perceval ne saura pas y prendre part.

     

    S’il y a une procession avec des cierges, un calice… La lance saigne, ce ceux sont des jeunes filles qui portent deux des objets sacrés, et l’assistance  est celle d’un repas fastueux. L’explication de l’ermite invite à voir dans le Graal un ciboire dans lequel est portée l’hostie destinée au père du Roi pêcheur. Aussi, sommes-nous invité à donner une signification religieuse à la lance. Elle saigne, et accuse Perceval de son impiété ( Le christ est mort pour racheter les hommes ). Une partie du mystère du Graal, lui est révélée après sa conversion du vendredi saint.

     

    Graal-culte-eucharistie.jpg

     

    Le conte du Graal, offre dans cette scène un matériaux qui a subi d’autres influences que le christianisme.Graal-demoiselle.jpg Ce n’est que plus tard, vers l'an 1200, en particulier avec Robert de Boron, que le Graal est la coupe qui ramassa le sang de Jésus Christ sur la croix et la coupe qui se trouva à la Cène.

    Un graal entre ses .2. meins

    Une damoisele tenoit, (Perceval, 3158-3159)

     

    - Dans la tradition médiévale, Il était absolument interdit aux femmes de prendre un tel rôle dans une procession de l’Eucharistie selon l’église catholique.

     

    - La règle du silence, était de bonne éducation… Le récit, cependant en fait la critique, et Perceval ne peut s’empêcher de vouloir comprendre : Il cherche à savoir pourquoi « Tant sainte chose est li Graals » ou « Le Graal est chose si sainte » (Perceval, 6351), et à qui l’on fait son service. Mais, il se tait ! Le modèle religieux consistait, alors, à exiger la foi sans questionner…


    Par ailleurs, on lit que les aventures de Perceval, vont consister en une exploration de soi :

    Au début de sa quête : il savait peu à propos de sa famille jusqu’au moment où sa mère lui explique que son père et ses frères étaient des chevaliers : Perceval rencontre sa cousine à son départ du château du Graal qui lui donne son nom (nous découvrons le nom du Perceval pour la première fois (*)  ). Et, il apprend encore plus de sa famille chez l’ermite, qui lui explique qu’il est son neveu… Le Roi Pêcheur et celui qui est servi par le Graal sont des membres de sa famille.

     

    La quête de Perceval est provoquée par son silence qui lui a fait perdre les mystères du Graal, et c’est alors que commence réellement la quête du Graal…

     

    (*) Il faut trouver, pour le chevalier, la brèche qui conduit d'un monde à un autre. Perceval l'a trouvée et son nom révèle cette découverte. N'est-il pas celui qui a percé le secret du Val ? En fait, il a su obéir au conseil du mystérieux Roi Pêcheur, à qui il rend visite dans le château du Graal :      « Grimpez le long de cette brèche, lui dit-il, qui est taillée dans le rocher, et, quand vous serez arrivé là-haut, vous verrez devant vous, dans une vallée, une maison où j'habite. Dans le roc, symbole de la densité, une brèche s'ouvre et monte : telle est la voie. »

     

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    Pour le lecteur du Conte du Graal, il s’agit aussi d’une quête, et l’interprétation de l’histoire pourrait être celle-ci : ( à suivre ) :

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    La procession du Graal au château du Roi Pêcheur

    Publié le par Perceval

    Episode du GRAAL, dans le château du Roi Pêcheur: Texte de Chrétien de Troyes

     

    Parsifal quête

    Et il s'en va, la lance haute, armé comme il était venu.

    Il tient chemin toute la journée, sans faire rencontre de nulle créature terrienne qui lui sache indiquer sa voie. Sans cesse il fait prière à Dieu, le Père Souverain, Lui demandant, s'Il le veut bien, de trouver sa mère en bonne vie et en santé.

    Il priait toujours quand, descendant d'une colline, il parvient à une rivière. L'eau en est rapide et profonde. Il n'ose s'y aventurer. "Seigneur, s'écrie-t-il, si je pouvais passer cette eau, je crois que je retrouverais ma mère si elle est encore en ce monde!"

    Il a longé la rive. Approche d'un rocher entouré d'eau qui lui interdit le passage. À ce moment, il voit une barque qui descend au fil du courant. Deux hommes y sont assis. Sans bouger il les attend, espérant les voir au plus près. Mais ils s'arrêtent au milieu de l'eau, ancrent leur barque fortement. L'homme à l'avant de la barque pêche à la ligne, piquant à l'hameçon le leurre d'un petit poisson pas plus gros que menu vairon.

    Le chevalier qui les regarde, ne sait comment il peut passer cette rivière. Il salue les gens. Il leur dit: "Seigneurs, me direz-vous où il est un pont ou un gué?"

    Le pêcheur lui répond:

    "Non, frère, vingt lieues en aval ou amont il n'est ni gué, ni pont, ni barque plus grande que celle-ci qui ne porterait pas cinq hommes. On ne peut passer un cheval. Il n'est ni bac, ni pont, ni gué.

    -Par le nom de Dieu, dites-moi où je trouverai un logis pour cette nuit.

    -Vous en aurez besoin, c'est vrai. De logis comme d'autre chose. C'est moi qui vous hébergerai pour cette nuit. Montez par cette brèche que vous voyez là dans la roche. Quand vous serez dessus le haut, vous apercevrez un vallon et une maison où j'habite près de la rivière et des bois."

    Pousse son cheval par la brèche jusqu'au sommet de la colline. Il regarde au loin devant lui mais ne voit rien que ciel et terre. "Que suis-je ici venu chercher sinon niaiserie et sottise? Que Dieu couvre de male honte qui m'a enseigné mon chemin! Vraiment, je vois une maison à découvrir ici en haut! Pêcheur, tu m'as dit un beau conte! Tu as été trop déloyal si tu me l'as dit pour me suivre!"

    À peine a-t-il ainsi parlé qu'il aperçoit en un vallon la pointe d'une tour. De ce lieu-ci jusqu'à Beyrouth on n'eût point trouvé une tour si bien plantée! Oui, c'était une tour carrée de pierre bise et deux tourelles. L'était en avant une salle et, devant la salle, des loges.

    Le cavalier descend par là. "Celui qui m'enseigna la voie, il m'a bien conduit à bon port!" Maintenant se loue du pêcheur et, comme il sait où héberger, ne le traite plus de tricheur ou de félon ou de menteur. Joyeux il s'en va devers la porte. Trouve baissé le pont-levis.

    Tout juste est-il dessus le pont qu'il rencontre quatre valets. Deux valets ôtent son armure, un autre emmène son cheval, lui donner avoine et fourrage; le dernier vient au cavalier et lui recouvre les épaules d'un manteau de fin écarlate neuf et brillant. Les valets le mènent aux loges. D'ici au moins jusqu'à Limoges on n'en eût trouvé de si belles. Le cavalier s'y attarde jusqu'au temps où viennent le quérir deux serviteurs. Il les suit. Au milieu d'une vaste salle carrée se trouve assis un prudhomme de belle mine, aux cheveux déjà presque blancs. Il est coiffé d'un chaperon de zibeline aussi noire que mûre. S'enroule autour du chaperon une étoffe de pourpre. De mêmes matières et couleurs est faite la robe du prudhomme. Penché, il s'appuie sur son coude. Au milieu de quatre colonnes, devant lui brûle un clair grand feu. Si grand que quatre cents hommes au moins auraient pu se chauffer autour sans que la place leur manquât. Les hautes et solides colonnes qui soutenaient la cheminée étaient oeuvres d'airain massif. le roi pêcheurAccompagné des deux valets, devant ledit seigneur paraît l'hôte qui s'entend saluer: "Ami, vous ne m'en voudrez point si pour vous faire honneur je ne puis me lever: mes mouvements sont malaisés."

    L'hôte répond: "Au nom de Dieu n'ayez souci! Toutes choses sont bien ainsi."

    Le prudhomme s'en soucie si fort qu'il fait effort pour se soulever de son lit. Il dit: "Ami, ne craignez point! Approchez-vous! Asseyez-vous tout près de moi. Je vous l'ordonne."

    L'hôte s'assoit. Et le prudhomme lui demande:

    "Ami, d'où venez-vous aujourd'hui?

    -Sire, ce matin j'ai quitté un château nommé Beaurepaire.

    -Dieu me garde! Vous avez eu longue journée! Ce matin vous étiez en route avant que le guetteur ait corné l'aube!

    -Non sire. C'était déjà prime sonnée, je vous assure."

    perceval-recoit-l-epee-du-roi.jpg

    Pendant qu'ils parlent entre un valet, une épée pendue à son cou. Il l'offre au seigneur qui la sort un peu du fourreau et voit clair où l'épée fut faite car c'est écrit dessus l'épée. Il la voit d'un acier si dur qu'en aucun cas elle ne se brise sauf un seul. Et seul le savait qui l'avait forgée et trempée.

    Le valet, qui l'avait portée, dit: "Sire, la blonde pucelle, votre nièce la belle, vous fait présent de cette épée. Jamais n'avez tenu arme plus légère pour sa taille. La donnerez à qui vous plaira, mais ma dame en serait contente si cette épée était remise aux mains de qui serait habile au jeu des armes. Qui la forgea n'en fit que trois. Comme il mourra, n'en pourra jamais forger d'autre."

    Sitôt le seigneur la remet au jeune hôte, la présentant par les attaches valeureuses telle un trésor. Car le pommeau était en or, de l'or le plus fin d'Arabie ou bien de Grèce, le fourreau d'orfroi de Venise. Si précieuse, il lui en fait don: "Beau sire, cette épée fut faite pour vous. Et je veux qu'elle soit à vous. Ceignez-la et dégainez-la."

    Ainsi fait le jeune homme en remerciant. Et, la ceignant, laisse un peu libre le baudrier. Tire l'épée hors du fourreau et, quand il l'a un peu tenue, il la remet. Elle lui convient à merveille, au baudrier comme au poing. Et il paraît bien être l'homme à en jouer en vrai baron.

    Il confie l'épée au valet gardant ses armes, qui se tient debout près des autres autour du grand feu vif et clair. Puis volontiers vient se rasseoir auprès du généreux seigneur. Telle clarté font dans la salle les flambeaux qu'on ne pourrait trouver au monde un hôtel plus illuminé!

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    Comme ils parlaient de choses et d'autres, un valet d'une chambre vint, qui lance brillante tenait, empoignée par le milieu. Il passa à côté du feu et de ceux qui étaient assis. Coulait une goutte de sang de la pointe du fer de lance et jusqu'à la main du valet coulait cette goutte vermeille. Le jeune hôte voit la merveille et se roidit pour n'en point demander le sens. C'est qu'il se souvient des paroles de son maître en chevalerie. Ne lui a-t-il pas enseigné que jamais ne faut trop parler? Poser question c'est vilenie. Il ne dit mot.

    Deux valets s'en viennent alors, tenant en main des chandeliers d'or fin oeuvré en nielle. Très beaux hommes étaient ces valets qui portaient les chandeliers. En chaque chandelier brûlaient dix chandelles à tout le moins. Une demoiselle très belle, et élancée et bien parée qui avec les valets venait, tenait un graal entre ses mains. Quand en la salle elle fut entrée avec le Graal qu'elle tenait, une si grande lumière en vint que les chandelles en perdirent leur clarté comme les étoiles quand se lève soleil ou lune. Derrière elle une autre pucelle qui apportait un plat d'argent. SangrealLe Graal qui allait devant était fait de l'or le plus pur. Des pierres y étaient serties, pierres de maintes espèces, des plus riches et des plus précieuses qui soient en la mer ou sur terre. Nulle autre ne pourrait se comparer aux pierres sertissant le Graal. Ainsi qu'avait passé la lance, devant lui les pierres passèrent. D'une chambre en une autre allèrent. Le jeune homme les vit passer, mais à nul n'osa demander à qui l'on présentait ce Graal dans l'autre chambre, car toujours il avait au coeur les paroles de l'homme sage, son maître en chevalerie.

    Je crains que les choses ne se gâtent car il m'est arrivé d'entendre que trop se taire ne vaut parfois guère mieux que trop parler. Donc, qu'il en sorte heur ou malheur, l'hôte ne pose nulle question.

    Le seigneur commande alors d'apporter l'eau, mettre les nappes. Et font ainsi les serviteurs. Lors le seigneur comme son hôte lave ses mains, dans une eau chauffée tout à point. Deux valets apportent une large tour d'ivoire faite d'une pièce, la tiennent devant le seigneur et son hôte. D'autres valets mettent en place deux tréteaux doublement précieux: de par leur bois d'ébène ils dureront un très long temps; nul danger qu'ils brûlent ou pourrissent. Rien de tel ne saurait leur advenir. Sur ces tréteaux les valets ont posé la table; sur la table étendu la nappe. Que dirai-je de cette nappe? Jamais légat ni cardinal ni pape ne mangera sur nappe plus blanche! Le premier plat est une hanche de cerf, bien poivrée et cuite dans sa graisse. Boivent vin clair et vin râpé servi dedans des coupes d'or. C'est sur un tailloir en argent que le valet tranche la hanche et en dispose chaque pièce sur un large gâteau.

    Alors, devant les deux convives une autre fois passe le Graal, mais le jeune homme ne demande à qui l'on en sert. Toujours se souvient du prudhomme l'engageant à ne trop parler. Mais il se tait plus qu'il ne faudrait.

    À chaque mets que l'on servait, il voit repasser le Graal par-devant lui tout découvert. Mais ne sait à qui l'on en sert. Point n'a désir de le savoir. Il sera temps de demander à l'un des valets de la cour le lendemain dès le matin quand il quittera le seigneur et tous ses gens.

    On lui sert à profusion viandes et vins les plus choisis, les plus plaisants qui sont d'ordinaire sur la table des rois, des comtes, des empereurs.

    Quand le repas fut terminé, le prudhomme retint son hôte à veiller pendant que les valets apprêtaient les lits et les fruits. On leur offrit dates, figues et noix-muscades, grenades, girofles, électuaire pour terminer et encore pâte au gingembre d'Alexandrie et gelée d'aromates.

    Ils burent ensuite de plusieurs breuvages: vin au piment sans miel ni poivre, bon vin de mûre et clair sirop.

    Le Gallois s'émerveille de tant de bonnes choses qu'il n'avait jamais goûtées.

    Enfin le prudhomme lui dit: "Ami, c'est l'heure du coucher. Si vous me permettez je vais retrouver mon lit dedans ma chambre. Hélas, je n'ai nul pouvoir sur mon corps! Il faut que l'on m'emporte."

    Entrent alors quatre serviteurs très robustes qui saisissent la courtepointe où le seigneur demeure couché et l'emportent dedans sa chambre.

    Le jeune homme reste là, seul avec valets pour le servir et prendre bien soin de lui. Puis quand le sommeil le gagne, ils le déchaussent, le dévêtent et le couchent dans un lit garni de draps de lin très fins. Jusqu'au matin il y dormit.

    Dès le point du jour s'éveilla. Toute la maison était déjà levée mais personne ne se trouvait auprès de lui. Il lui faudra donc s'habiller seul, qu'il le veuille ou non. N'attend une aide de quiconque, se lève et se chausse, va prendre ses armes posées là sur la table proche. Dès qu'il est prêt, il va de porte en porte qui étaient ouvertes la veille. Mais c'est en vain: portes fermées et bien fermées! Il appelle, il frappe très fort et encore plus, mais personne ne lui répond.

    Il en est là, va à la porte de la salle. Elle est ouverte. Il en descend tous les degrés jusqu'en bas. Il trouve son cheval sellé, sa lance auprès de là et son écu contre le mur. Il monte et va partout cherchant mais il ne rencontre personne: sergent, écuyer ni valet. Le pont-levis est abaissé vers la campagne. Nul n'a donc voulu le retenir, quelle que soit l'heure, quand il voudrait quitter ce lieu! Mais il pense bien autrement: ce sont les valets, se dit-il, qui sont partis sur le chemin de la forêt relever des pièges et des cordes. Va donc aller de ce côté pour en trouver quelqu'un, peut-être, qui dise où l'on porte ce Graal et pourquoi cette lance saigne. Passe le pont pensant ainsi, mais quand il est dessus la planche il sent bien que les pattes de son cheval bondissent d'un coup. Par bonheur elles sautent à merveille, sinon cheval et cavalier auraient pu s'en tirer très mal! Il tourne la tête en arrière et voit qu'on a levé le pont sans que nul se soit montré. Il appelle, mais point de réponse.

    Il crie: "Dis-moi, toi qui as levé le pont: Réponds-moi! Où te caches-tu? Montre-toi, car j'ai quelque chose à te dire!"

    Vaines paroles! Nul ne lui répondra.

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    "Perceval ou le Conte du Graal ", est-il un mythe ?

    Publié le par Perceval

    Citer «  Perceval » ( et la quête du Graal ), comme un mythe, est peut-être un raccourci, que des spécialistes pourraient contester… ? Cette histoire étant rattachée à une œuvre littéraire, peut-être est-il plus exact de parler de «  mythe littéraire » .. ? L’histoire est de plus relativement récente …

      Parsifal-Odilon-Redon.jpg

    Revenons donc à la définition du Mythe et, j’en retiens de la part de spécialiste, quelques unes qui vont dans le sens de ce que j’entrevois…, comme :

    - Mircéa Eliade :  « Le mythe raconte une histoire sacrée : il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements »

    - Gilbert Durand « Nous entendons par mythe un système dynamique de symboles, d’archétypes et de schèmes, système dynamique qui, sous l’impulsion d’un schème, tend à se constituer en récit ».

    - Marc Eigeldinger « Le mythe n’est pas uniquement récit, mais aussi discours du désir et de l’affectivité. Il ne s’exprime pas à l’aide d’idées ou de concepts et se développe en marge de la rationalité ; il se consacre à dire la vérité psychique […], à suggérer l’affleurement de l’irrationnel et de l’inconscient, à traduire le contenu du désir et ses relations avec le sentiment »

    - Jean-Pierre Vernant : le mythe ne se réfère pas à un genre particulier… Il serait « l’envers, l’autre du discours vrai, du logos »

    Le mythe, serait ou aurait été retenu pour « vrai », je préfèrerai dire avec

    - Campbell : "Non, le mythe n'est pas un mensonge. Une mythologie complète est constituée d'une organisation d'images symboliques et narratives, métaphoriques des potentialités de l'expérience humaine, et de l'accomplissement d'une culture donnée à un moment donné."

    parsifal_Odilon-Redon.jpgEt forcément, je dirai que le mythe littéraire, contrairement peut-être au mythe ethno-religieux, ne fonde ni n’instaure plus rien. Les oeuvres qui l’illustrent sont d’abord écrites, signées par une (ou quelques) personnalité singulière. Évidemment, le mythe littéraire n’est pas tenu pour vrai.

    - Jean Pouillon ajoute, que « ni l’opposition du vrai et du faux, ni celle du croire et du ne pas croire ne sont pertinentes pour situer le mythe ».. !

     

    Sans doute, pouvons nous admettre que la littérature, si elle ne le crée pas, et un « conservatoire des mythes ». De plus, comme le dit Véronique Gély, « la littérature n’est pas seulement le conservatoire des mythes, elle est leur laboratoire, et le lieu de leur épiphanie »

     

    Pour ce qui est du « mythe de Perceval », il nous est donc parvenu tout enrobé de littérature », il ne nous est accessible qu’en tant que « mythe littéraire ». Il a cette particularité que sa première rédaction est caractérisée, par l’absence de clôture. Le « Conte du graal » de Chrétien de Troyes est inachevé… !

     

    Odilon-Redon-17.jpgEnsuite, ce corpus est à l’image d’un arbre dont le tronc serait constitué de la tradition médiévale, à partir de laquelle les multiples ramifications modernes s’élanceraient vers le ciel, toujours plus éloignées de la souche première, mais puisant leur sève dans un réseau de canaux toujours plus vaste et plus complexe….

     

    Effectivement, si le mythe de Perceval est extrêmement présent dans le demi-siècle qui suit son entrée en littérature, c’est le silence presque total du début de la Renaissance à la fin du siècle des Lumières. Après un timide renouveau au tournant des XVIIIème et XIXème siècles, c’est le drame wagnérien qui le ramène sur le devant de la scène artistico-littéraire. Au cours du XXème siècle également, la fortune de ce mythe varie considérablement : après avoir connu une certaine vogue jusqu’à la seconde guerre mondiale, il se fait beaucoup plus discret pendant les années qui suivent, pour resurgir avec une vigueur inattendue dans les années 1980.

    Odilon-redon-2.jpeg

     

    Sources: en partie Thèse de doctorat présentée par Christophe Imperiali " En quête de Perceval - Étude sur un mythe littéraire ", et le peintures sont d'Odilon Redon.

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    Origine et destin ... du "Conte du Graal"

    Publié le par Perceval

    On peut s’étonner du destin d’une œuvre littéraire, comme le « Le Conte du Graal » de Chrétien de Troyes. La question étant de se demander comment le « roman» (conte) devient-il un « mythe » ? Sans doute l’histoire de l’œuvre recèle une partie de la réponse…

      bayeux-tapiss3-Hastings.jpg

    Nous identifions facilement les personnages comme faisant partie de la « matière de Bretagne » attachée à la légende du Roi Arthur …

    - Historiquement, plusieurs rois bretons , devant l’'importante menace d'invasion des Saxons, se rangent tous sous la bannière d'un dénommé Artorius.
    roi-arthus.jpgCe guerrier, probablement né vers 470-475 en Cornouailles, est le chef d'une bande très mobile de cavaliers mercenaires. Tous voient en lui la seule personne capable de tenir tête à l'envahisseur. Artorius est nommé commandant en chef de la nouvelle armée et, tous unis, les rois Bretons et Gallois remportent, quelque part dans le sud-ouest de l'Angleterre vers 500-518, une grande victoire qui stoppe l'envahisseur pendant une quarantaine d'années. C'est la bataille de Mont Badon (ou Bath, ou Badbury). Quand Artorius trouve la mort dans une grande bataille, près de Camelford en Cornouailles, aux alentours de 540-542, c'est la fin de l'indépendance bretonne : à la fin du siècle, les Saxons occupent les trois quarts de l'île.

     

    Ph-d-Alsace.gifC'est Robert Wace, dans son Roman de Brut ( Brutus ), en 1155, qui donne la coloration courtoise et légendaire à l’ « Historia regum Britanniae »du Gallois Geoffroy de Monmouth ( 1136). Arthur devient le monarque idéal, un modèle d'humanité, de vaillance, de générosité et de délicatesse. C'est lui aussi qui, le premier, mentionne la Table Ronde, symbole politique de la société courtoise.

    La légende arthurienne est, dès la fin du onzième siècle, diffusée à travers toute l'Europe, et même au-delà, par les conteurs professionnels qui accompagnent les armées partant pour la Terre Sainte à l'occasion des deux premières croisades.

    Chrétien de Troyes (1135-1183) , est un copiste, adaptateur de textes, et écrit sur commande, ainsi pour Marie de Champagne ( 1145-1198), fille d'Aliénor d'Aquitaine et de Louis VII ; et épouse de Henri, comte de Champagne...

    Le Conte du Graal est dédié à Philippe d’Alsace ( 1143-1191)  ( prétendant éconduit de Marie de Champagne.. ). Chrétien écrit ce roman entre 1182 et 1190, et meurt avant de l’avoir terminé.

    Amour-courtois.jpgMarie de Champagne abandonne la courtoisie, à la mort de son mari, pour la dévotion. Philippe d’Alsace est fort pieux… Aussi la tonalité mystique de ce dernier roman est peut-être plus conforme aux goûts des commanditaires..

    « Perceval, ou le conte du Graal » est le seul roman de Chrétien de Troyes qui suscitera un grand nombre de continuations et de reprises, donnant naissance à un mythe durable : le mythe du Graal. Le Parzival de Wolfram von Eschenbach (1201-5) est le texte le plus ancien après le Conte du Graal.

     

    Marie de Blois ou Marie de Champagne (1128 † 1190), duchesse de Bourgogne, fille de Thibaut IV de Blois, dit le Grand, et de Mathilde de Carinthie. Veuve en 1162 d'Eudes II de Bourgogne. Abbesse de Fontevraud en 1174. ( Wiki..)

     

    Voilà, ce qui en est du contexte de l’écriture de ce « roman-conte », et finalement ces explications semblent bien insuffisantes, pour comprendre, analyser et s’enrichir d’un tel texte. Pourquoi… ?

    Sans doute, le plus délicat à saisir c'est le passage du niveau conscient de la lecture au niveau inconscient de la suggestion mythique. Peut-on s’autoriser à passer de l’un à l’autre.. ? S’agit de la part de l’auteur, qui parle par images, jeux de mots … de simples allégories.. ? Par exemple :

    -       Le « gaste pays » ou pays dévasté a t-il un rapport avec la blessure à la hanche du souverain ? Ce rapport peut désigner le concept de « stérilité ». Il se trouve que ce rapprochement avait déjà été pratiqué ( selon Plutarque, Isis rendit sa fécondité à Jupiter en lui séparant les jambes qui se trouvaient soudées et bloquées…)

     

    Certains auteurs ont montré que le conte du Graal, était le passage d’un mythe à un autre : il y a un mythe venu de la mémoire, ancien qui évoque le souvenir d'un monde païen, disparu ...(notamment à travers les textes littéraires que l'auteur a pu connaître), et un mythe en création ( le Graal ) ; plus précisément la christianisation d'un mythe. Nous en reparlerons...

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    Perceval: Le chevalier Vermeil et la chevalerie. 2

    Publié le par Perceval

    - Notes de lecture de l'étude " LA LEGENDE DU GRAAL " de Emma Jung et Marie Louise von Frans.

    ( suite de l'artcle: Le chevalier vermeil, et Perceval 1 )

     

    Perceval-et-le-chevalier-rouge.jpgLes contes, de toute part,  nous fournissent des « chevaliers rouges », en général en relation avec l’autre monde… Le chevalier vermeil renvoie à sa composante d’ombre dangereuse (la virilité arrogante pour Perceval) … Mais …méfions nous de trop simplifier : « La mythologie associe souvent la couleur rouge, d’une part, au sang, au feu, à l’amour et à la vie, et d’autre part, à la guerre et à la mort. Cette double signification montre que la figure d’ombre n’est pas seulement destructrice, mais également capable de promouvoir les forces de vie si elle est intégrée par le conscient. »

    Voilà pourquoi le Chevalier Rouge est, dans une certaine mesure, une expression de la future totalité intérieure de Perceval… Malheureusement, Perceval l’abat avec une brutalité inconsidérée que rien ne justifie. … D’un point de vue psychologique, le meurtre du Chevalier Rouge (l’ombre) traduit une répression brutale des émotions et des affects et correspond à la première étape de la construction d’une personnalité consciente. Tout jeune être qui grandit en société et qui aspire à devenir un individu responsable, doit traverser cette phase de lutte impitoyable contre ses pulsions primitives avant de s’épanouir plus pleinement. Dans notre histoire, le processus se déroule sans aucune réflexion et résulte du désir que nourrit Perceval de devenir chevalier et d’être reçu à la cour d’Arthur.


    Après avoir retiré l’armure à son adversaire et l’avoir revêtue, Perceval est appelé, à son tour, le « Chevalier Rouge ». En réussissant à maîtriser les émotions intérieures qui l’assaillaient, il permet à la vitalité et à l’énergie qu’elles contenaient de se mettre au service de la conscience qui gagne ainsi en force et en signification.

    Remarquons à la lecture que :

    - Perceval, tue le chevalier pour prendre son armure, plus que pour lui reprendre la coupegraal d’or… II la renvoie à Arthur en la confiant à l’un de ses valets, sans se donner la peine de se placer lui-même, et sans se douter qu’il y a là, par hasard, une première allusion à l’objet qui sera plus tard au centre de la quête – le vase, le Graal….

    - A ce stade de son développement, Perceval n’est pas conscient de la signification de la coupe.

    - L’armure subtilisée à son adversaire et qu’il porte désormais constitue un autre élément important … Le mode d’appropriation est loin d’être chevaleresque, de telle sorte qu’une certaine culpabilité y est attachée. Il y a lieu de souligner que Perceval revêt l’armure par-dessus son habit gallois dont il ne veut pas se séparer. Si l’armure représente une part essentielle de lui-même, cela signifie qu’il n’est pas encore le chevalier qu’il souhaiterait être, mais qu’il n’en possède que l’apparence extérieure. Celle-ci correspond à ce que la psychologie analytique nomme la perceval chevalierpersona (masque). Le terme « masque » indique qu’il ne s’agit pas de la véritable nature d’un individu, mais d’une enveloppe destinée à produire un effet sur autrui. La persona forme en quelque sorte une façade et elle est généralement construite pour faciliter l’adaptation sociale de l’individu ; c’est pourquoi Jung la considère comme un élément constitutif de la psyché collective.


    Il est significatif que Perceval ignore son nom et se reconnaît uniquement comme « cher fils », « beau fils » et « beau sire », les mots que la mère utilisait pour s’adresser à lui.

    Ne simplifions pas… , la « persona » ne doit pas être considérée uniquement comme un masque destiné à tromper les autres, mais aussi comme un moyen d’adaptation essentiel et indispensable. La vie en société est impossible sans le respect de certaines formes

    Parallèlement, la persona offre, tout comme les vêtements, une protection contre le monde, sans laquelle l’homme serait trop vulnérable. Il arrive aussi qu’elle constitue une sorte de modèle ou d’idéal que l’on espère réaliser. Dans ce cas, elle sert de ligne directrice de grande valeur pour l’individu, mais si l’idéal est mal choisi, s’il est trop ambitieux ou mal adapté, il peut conduire à des impasses.
    La chevalerie représente pour Perceval un idéal de cette nature. Cependant, il n’est pas encore chevalier, il n’en possède que l’armure, c’est-à-dire l’apparence extérieure, dont il lui faudra prendre la mesure. …

    Gregoire-envoie-St-augustin-de-cantorbery.jpg
    Saint Grégoire le Grand envoyant saint Augustin évangéliser les Angles et les Saxons. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
    R. de Montbaston. XIVe.

    Grégoire le Grand lorsqu’il chargea Augustin d’une mission auprès des Anglo-Saxons. Il lui recommanda de ne pas agir avec brutalité et de ne pas détruire les anciens sanctuaires, mais, au contraire, de les bénir afin que le peuple se réunisse en des lieux familiers, désormais au service du vrai Dieu. « Car, disait-il, il est clair qu’il n’est pas possible qu’un esprit fruste et inculte fasse brusquement table rase du passé, tout comme celui qui se prépare à gravir le sommet le plus élevé doit le faire pas à pas, ou étape par étape, et non en quelques sauts. » De ce point de vue, la chevalerie chrétienne eut pour mission de participer à la réalisation de l’idéal chrétien.

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    L'histoire résumée du Chevalier Vermeil

    Publié le par Perceval

    Rappel de ce qui s'est passé précédemment :

    Dans la Gaste Forêt, Perceval a rencontré des chevaliers pour la première fois : il est très intrigué et les somme de questions toutes plus naïves les unes que les autres ( exemple : " Êtes-vous Dieu ? / - Non, certes / Alors, qui êtes-vous donc / Un chevalier / Chevalier ? Je ne connais personne ainsi nommé / ) Il décide de tout quitter et de se rendre chez le roi Arthur pour être fait chevalier, malgré les objections et la douleur de sa mère. Avant son départ, sa mère lui donne trois recommandations : 

        1) Servir et secourir les dames et les demoiselles
        2) Fréquenter des prudhommes
        3) Prier Dieu
    Il aperçoit sa mère qui est "tombée comme morte", mais ne s'en soucie pas et poursuit son chemin.
    La première rencontre de Perceval, est celle d'une jeune fille sous une tente. Il met en pratique de manière très exagérée et inopportune ( la jeune fille n'est pas en danger) le premier conseil donné par sa mère : il lui vole un baiser, lui prend son anneau, signe d'appartenance à un jeune homme, il se "goinfre" des victuailles qu'il trouve et tout ceci malgré les protestations, les cris et les pleurs de la jeune fille qui redoute la jalousie de son ami.

     

    Perceval ( à l’allure de « paysan » ) arrive à la cour du roi Arthurarthur2-copie-1.jpg. Il croise un chevalier à l'armure vermeille qui lui demande de transmettre un message au roi : il veut que le roi lui rende ses terres qu'il revendique comme sienne ou qu'il envoie un homme pour les défendre. Il est celui qui vient de voler une coupe, défier, humilier le roi, et bafouer la reine .. !

     

    perceval-et-chevaliers.jpgLe jeune homme entre à la rencontre du Roi Arthur, qu’il recherche pour qu’il le fasse chevalier.

    Perceval, contre tous les usages, sur son cheval, interroge le roi qui est plongé dans la mélancolie. Le jeune homme lui demande de le faire chevalier …

    Le sénéchal lui dit que s'il désire les armes du chevalier vermeil, il n'a qu'à aller les chercher lui-même, et que le roi le fera aussitôt chevalier. Une jeune fille se met à rire. Keu, en colère, la frappe au visage et pousse dans une cheminée un fou qui avait coutume de dire que la jeune fille (qui n'avait pas rit depuis dix ans) rirait le jour où elle verrait un chevalier supérieur aux autres.

    Le jeune homme, parti à la rencontre du Chevalier Vermeil, lui demande de retirer ses armes, mais celui-ci veut livrer combat. Le Chevalier vermeil blesse le jeune homme à l'épaule, et Perceval ( qui ne connaît pas encore son nom .. ! ) lui lance son javelot à l'œil et atteint le cerveau du chevalier.

    Avec l'aide d'Yvonnet, Perceval s'empare des vêtements du chevalier Vermeil. Dés lors, le but de Perceval est de retourner auprès de sa mère et sans plus tarder il se met en route. Le roi regrette qu'il soit parti.  

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