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jeune france

Lyon - 1941 – Mounier – Fabrègues

Publié le par Régis Vétillard

Emmanuel Mounier

Il semble que le ministère de l'intérieur de Vichy, s'inquiète de l'influence de Mounier, sur ''Jeune France''. En effet, Fabrègues, se plaint que Mounier attaque régulièrement '' le Maréchal'' ; il sous-tend que le directeur d'Esprit avec sa bande y fait régner une " tendance démocrassouillarde chrétienne ''. Fabrègues relève, que ''Jeune France'' célèbre le 14 juillet, mais refuse de célébrer la fête de la Légion, invite Aragon aux journées de Lourmarin, et souligne l'accueil qu'y reçoivent les juifs...

Déjà en juillet, Emmanuel Mounier ne pouvait plus faire de conférences à Uriage ; le 25 août Esprit est interdit et en septembre Schaeffer reçoit l'ordre de mettre fin à la collaboration de Mounier à ''Jeune France''

On reproche même à Mounier de soutenir le mouvement communiste.

 

Lancelot, un samedi de septembre 1941, rejoint en bicyclette le petit appartement de la Croix-Rousse qu'occupe Mounier et sa famille. Lancelot a noté certains propos du directeur d'Esprit sur l'offensive allemande contre la Russie soviétique, ainsi dit-il: Chacun saluera la chute du stalinisme comme une délivrance pour l'Europe, en espérant que les conséquences ne soient pas équivalentes au mal. Cependant Mounier rappelle que le communisme avait soulevé une grande espérance ; et puisque on parle de croisade ( anticommuniste) et de chevalerie, pour lui « il n'est de croisade que de la vérité et de la charité. » …

Mounier rencontre à ce moment là, des personnes qui se déclarent en ''résistance'' . Ainsi, Alban Vistel à qui Mounier fait rencontrer André Philip et le mouvement ''Libération ''. Pour Vistel, la Résistance, signifie - en plus de l'action immédiate - de se projeter dans le futur ; ce n'est pas un repli nostalgique sur le passé, mais c'est une fidélité à ses valeurs spirituelles. La Résistance, dit-il, c'est la recherche d'un humanisme, et c'est en témoigner. « La résistance va au-delà de la guerre, parce qu'elle est le refus des compromis qui abaissent l'homme. »

 

Lancelot entend Fabrègues et tente de comprendre ce qu'il dénonce chez les amis de Mounier : « ces démocrates-chrétiens disent défendre la personne humaine, l'autonomie de pensée... Parler de liberté, n'est envisageable que dans le cadre d'une nation unie et organisée. Dans les circonstances où se trouve le pays, la communauté personnaliste de Mounier s'oppose à la communauté nationale, disciplinée et soucieuse du Bien commun. » Fabrègues reproche aussi à Mounier le fossé qu'il établit entre l'esprit et la vie...

On retrouve là, peut-être, un reproche portée par la thèse de l'incarnation développée par Gustave Thibon : « La valeur d’un idéal se mesure à sa capacité d’incarnation. ».

 

L'année 1941 est restée sur la rupture avec la ''ligne Laval'' ; et les mots de Pétain : « Vous n'avez plus ma confiance... ». Chacun ici, rejette la collaboration avec les allemands ; et chacun, encore, imagine la période propice à rêver la société de demain, pour l'instant limitée à la zone libre... c'est vrai... Les idées fusent, parfois contradictoires, sur une politique plus locale, plus technicienne, plus efficace ; et une économie plus dirigée, opposée au « laisser faire du capitalisme ». Le syndicalisme pourrait laisser la place à organisations mixtes travailleurs-employeurs. Mounier, dans Esprit, déclare « la guerre au monde de l'argent », et en appelle à « une révolution contre l'individualisme ».

Le 25 août 1941, Paul Marion, sur ordre de Darlan, interdit Esprit.

La ''Révolution Nationale'' regroupe des personnes, qui s'attaquent à l'économie du laisser-faire, au système parlementaire, à la société de masse. La plupart également considère que l'ordre social ne saurait être mieux maintenu que par l'autorité et la hiérarchie.

Cependant, très vite, la réalité de l'occupant qui étrangle économiquement la France, qui s'oppose au relèvement moral et social du pays, semble ne permettre qu'une politique fasciste, au service de l'Allemagne.

Le 8 décembre 1941, l'aviation japonaise a attaqué les bases américaines des îles Hawaï. Le congrès américain a voté la déclaration de guerre au Japon. La guerre est devenu mondiale. Wladimir d’Ormesson dans le Figaro, dit que «  le 3 octobre 1935, était tiré le premier coup de feu sur un rivage lointain et a mis le branle à un bouleversement qui maintenant a atteint son plein développement. » Il ajoute que nous, français, « nous ne pouvons qu'assister silencieux au déroulement d'un drame qui nous dépasse. Nous sommes hors de combat. ». Le 3 octobre 1935, l'Italie fasciste de Mussolini attaquait l'Ethiopie, à la suite, disait-on, d'un incident de frontière...

 

L'actualité est aussi, aux attentas contre des soldats de l'armée d'occupation. Des mesures de répression dont des milliers d'arrestation, sont décidées par le gouvernement, contre les étrangers, les juifs et les communistes.

Dans la journée du 10 décembre, et dans la nuit du 10 au 11, des descentes de police s'intensifient dans les garnis, hôtels, restaurants. Les Juifs étrangers entrés en France depuis 1936, sont arrêtés, groupés selon les cas, dans des Compagnies de Travailleurs ou dans des Camps de Concentration !!!

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1941 – Vichy – Jeune-France

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot retrouve à Vichy un climat accentué de rumeurs et d'intrigues, avec un sentiment de découragement des uns et des autres. L'un évoque un front qui se détourne de l'Angleterre pour se tourner vers l'URSS : et donc, la guerre promet d'être longue... L'autre, dénonce ici un jeu vain, digne d'une cour de l'ancien régime, alors que tout se décide à Paris, par les occupants.

Depuis le 11 août 1941, et le discours ''autoritaire'' de Pétain: «  … je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais », avec Pucheu au ministère de l'intérieur, on assiste à un durcissement politique: à la suspension des partis dont le PPF, l'élimination des francs-maçons de la Fonction publique, la mise en jugement des responsables présumés de la défaite et l'institution du serment de fidélité envers le Chef de l’État.

Déjà Lancelot regrettait que, l’état français se soit à tel point compromis, avec le statut des juifs ; d'autant qu'il n'est pas clair de discerner ce qui est libre et ce qui est imposé. « On me dira : il a été contraint de le promulguer. Soit. C’est donc qu’il n’est pas souverain. » ajoute Gabriel Marcel.

 

Lancelot retrouve Gustave Bertrand pour établir son rapport destiné à Vichy avec des demi-vérités. Bertrand est contrarié, il vient d'apprendre que Vichy lui ordonne de couper ses liens avec les britanniques.

 

Lancelot devait être reçu par la général Huntziger, mais il est absent, le ministre serait à Alger. Lancelot ne souhaitant pas s'attarder à Vichy, le secrétaire d’État à la jeunesse, Jérôme Carcopino, qui le connaît lui propose de partir pour Lyon, …

Le secrétariat d'État à l'Éducation nationale et à la Jeunesse de Jérôme Carcopino dépend du ministère de la Guerre. Carcopino, agrégé d'histoire, est un universitaire, romaniste, pétri de culture classique et favorable à une pédagogie élitiste sur le modèle de l'école des Roches.

 

Dans la continuité de ce qui peut se faire à Uriage, où on garde en mémoire la réussite de ses ateliers radio, Lancelot est invité à se rendre à Lyon pour participer à '' Jeune France'' et accompagner Jean de Fabrègues. Il rencontre Pierre Schaeffer, le secrétaire général de l'association et se réjouit de travailler avec Emmanuel Mounier.

 

Pour le dépôt de son rapport, Carcopino lui conseille d'éviter le secrétaire général du chef de l'état, et lui obtient une entrevue avec le Vice-Amiral Jean Fernet : anti-allemand, il est très lié avec Maxime Weygand. Lors de cette entrevue, Lancelot comprend qu'il a tout intérêt à faire oublier cette parenthèse britannique, et retourne vers le chantier ''capital'' de la jeunesse...

Vichy a créé le Secrétariat général à la Jeunesse ( SGJ) avec l'idée de constituer une jeunesse ''relais'', relais entre le gouvernement et l'opinion. Les ''Compagnons de France '' sont fondés en août 40, ils reçoivent 50% des subventions du SGJ et sont organisés dans un style scout, en '' provinces, pays, commanderies, bailliages et cités''. Sous la figure du Maréchal, l'idéologie oscille entre '' personnalisme communautaire, rejet du capitalisme, humanisme laïc et pratiques autoritaires''. La SGJ encourage également la création culturelle de '' Jeune France''

Lyon est la principale ville de la zone libre, mais n'a pas été choisie par le nouveau régime pour s'y réfugier, ne lui étant pas favorable. En juillet 1941, Georges Villiers vient d'être désigné maire de la ville par François Darlan, le chef du gouvernement de Vichy.

L'état-major national des '' Compagnons '' se trouve à Lyon, rue Garibaldi, avec à sa tête le commandant de Tournemire. Le chef de la province lyonnaise est alors Pierre de Chevigny. Ils endossent un peu le rôle de chefs de la jeunesse française ; et la conviction de Pierre de Chevigny est d'échapper à une tentative d'unification des mouvements de jeunesse en Europe, sous influence allemande.

Dans tous les centres Compagnon, on abrite de jeunes évadés du nord, des juifs. On abrite du matériel militaire et on aide à franchir la ligne de démarcation...

André NOEL, chef de commanderie, est arrêté par les allemands, et fusillé le 28 novembre 1941.

Par ailleurs, tous les compagnons ne répondent pas aux attentes de leurs chefs ; le recrutement insuffisant, la moralité et l'attitude scandaleuses de certains jeunes vont décrédibiliser le mouvement.

 

L'association ''Jeune-France'' reprend une idée ancienne et s'inscrit dans la continuité de l’émission « Radio-Jeunesse » diffusée en zone libre ...Elle assure, dans le domaine artistique, une mission comparable à celle que jouent les Compagnons de France en matière pré-professionnelle ou les Chantiers de Jeunesse en matière de loisirs. Elle veut être un lieu de recherche artistique et un soutien à des créateurs.

''Jeune France'' connaît un certain succès, naviguant entre les manifestations officielles et des initiatives populaires, musicales et théâtrales.

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