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grandmont

La ''malédiction'' de l'Ordre de Grandmont -2/2 -

Publié le par Perceval

« L’an du Seigneur 1536, au mois d’août, maître Charles Cadumpnat, chantre de ce monastère, étant assis dans le cloître avec frère Jean Massias, maître des novices, et plusieurs autres composa la petite prose ci après en disant: «Je vous assure, mes frères, que si je me tais, les pierres parleront. Nos ruines ne parlent-elles pas à la postérité ? » Puis, voyant enlever quelque chose du trésor de l’église, il dit en soupirant et en sanglotant :

« O illustre confesseur du roi des rois Jésus-Christ, grand saint Etienne, gloire du pays d’Auvergne, que votre prière nous recommande à la Trinité souveraine ! Regardez d’un œil pieux vos serviteurs qui soupirent vers vous ! Si vous n’étendez vers nous vos mains secourables, votre Ordre de Grandmont - va rester dans la désolation; car vos brebis sont dévorées par des loups ravisseurs, et elles souffrent chaque jour, les plus graves dommages.

Des maîtres étrangers ne cessent de dévorer tous nos biens sous nos propres yeux....

Malheur ! et encore malheur ! Quand le grand arbre SERA RENVERSÉ, SA CHUTE SERA SUIVIE DE BEAUCOUP DE RUINES, DE TRIBULATION ET DE DÉSOLATION ! ».

Comme il n’est question dans cette prose que de l’abbaye de Grandmont on ne peut entendre cette figure symbolique le Grand arbre , que de cet Ordre célèbre qui couvrait plusieurs provinces de ses vastes rameaux. Cette prophétie annonçait que le Grand arbre (l’Ordre de Grandmont) serait un jour renversé, et que sa chute serait suivie de beaucoup de ruines, de tribulation et de désolation. C’est ce qui est arrivé sur la fin du XVIII e siècle. »

Sources : HISTOIRE DE PAROISSE DE SAINT-SYLVESTRE (HAUTE-VIENNE) par le Chanoine A. LECLER - 1909

Une réforme de ''sticte observance'' est proposée, et le refus des autres religieux et la convoitise de l’évêque entraînent la suppression de l’ordre par la commission des réguliers en 1772.

 

Par les lettres patentes de 1769, Louis XV a autorisé la suppression de l’ordre de Grandmont. L'extinction de l'Ordre fut prononcée par le pape Clément XVI cédant aux instances de la Cour de France le 6 août 1772, mais ne fut confirmée par Louis XVI qu'en Mai 1784, le parlement de Paris ayant mis obstacle .

 

Le dernier abbé de Grandmont, François-Xavier Mondain de la Maison Rouge va résister le plus longtemps possible. Homme de grande foi, celui-ci va tenter vainement une réforme pour satisfaire la Commission avant de découvrir la réalité de la machination ourdie contre son abbaye et de combattre courageusement aussi bien la décision du pape que celle du roi lui-même.

Malgré la résistance du dernier abbé de Grandmont, l'Ordre disparait à sa mort le 11 avril 1787 ; en dépit des protestations des habitants, en particulier ceux de la paroisse de Saint-Sylvestre.

Les derniers grandmontains quittent l'abbaye en Juillet 1788.

 

Sa dernière rénovation datait du XVIIIe siècle; et l'abbaye est détruite en 1789. Les matériaux qui la composaient ont été utilisés en majeure partie pour la construction de la prison de Limoges puis pour les maisons du village. Une chapelle a été construite avec des matériaux de l'ancienne abbaye en 1825 par le dernier moine de Grandmont.

 

La destruction de l'Ordre de Grandmont fut conduite par Mgr Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, et rapporteur devant la Commission des Réguliers instituée par Louis XV en 1765 (1), et Mgr. Plessis d Argentré, évêque de Limoges, grand bénéficiaire de l'opération .

 

(1) ( cette commission devait permettre de refréner les abus du clergé et examiner la situation financière des établissements ecclésiastiques aux ressources insuffisantes..)

Le Cardinal Loménie de Brienne

Étienne-Charles de Loménie de Brienne (1727-1794) est aussi incroyant que manipulateur.. En utilisant trahison et duplicité, il s'acharne sur l'ordre. Avec l'appui de la reine Marie-Antoinette, il deviendra ministre. En 1788, il doit se retirer, laissant un trésor vide. En 1791, il deviendra évêque constitutionnel...

Louis Charles du Plessis d'Argentré (1723-1808) est évêque de Limoges ; il est épris de luxe et endetté par son projet fastueux de palais épiscopal qu'il se fait édifier ( actuel musée de l'évêché) et construit principalement par Joseph Brousseau ( né à Solignac, près de Limoges, vers 1733), de 1766 à 1773.

 

Description du site par Honoré de Balzac dans Le curé de village (1838-1841): « Le palais épiscopal de Limoges est assis sur une colline qui borde la Vienne, et ses jardins que soutiennent de fortes murailles couronnées de balustrades, descendent par étages, en obéissant aux chutes naturelles du terrain. L’élévation de cette colline est telle que, sur la rive opposée, le faubourg (…) semble couché au pied de la dernière terrasse. De là, selon la direction que prennent les promeneurs, la rivière se découvre, soit en enfilade, soit en travers au milieu d’un riche panorama. (…) La magie du site et la riche simplicité du bâtiment font de ce palais le monument le plus remarquable de cette ville où les constructions ne brillent ni par le choix des matériaux ni par l’architecture. »

Limoges - Evêché-Musée aujourd'hui

On peut se reporter au livre de M Gilles BRESSON : "La Malédiction des Grandmontains"

et au site : https://www.limousin-medieval.com/grandmont

 

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La ''malédiction'' de l'Ordre de Grandmont -1/2 -

Publié le par Perceval

J.L. De la Bermondie, quittant la Marche pour rejoindre Limoges, passe par le bourg d'Ambazac.

Dans les années 1780, la grande affaire des paroissiens des alentours serait la fermeture ( voire la disparition...) de l'abbaye de Grandmont à Saint-Sylvestre; abbaye "chef d'ordre", c'est-à-dire qu'elle fonde un ordre monastique dont les préceptes vont ensuite être repris par d'autres moines, qui vont ainsi fonder plus d'une centaine d'abbayes sur toute la France... On parle donc de la destruction – même – de l'ordre de Grandmont... !

Pour certains, ici, ce serait inimaginable … ! Pensez-donc : Le roi d'Angleterre, lui-même, Henri II Plantagenêt y séjourne, et fait reconstruire le monastère.

Grâce aux dons d'Henri II Plantagenêt, duc d'Aquitaine, la première église fut construite et consacrée en 1166 à Grandmont.

Pourquoi ici, ce monastère ? - L'Ordre de Grandmont, fut fondé ( vers 1076) par Saint Etienne de Muret, qui s'était retiré de la vie publique dans les Monts d'Ambazac pour vivre avec ses disciples. Les rois d'Angleterre Henri I, Henri II puis Richard Cœur de Lion, se déclarent protecteurs de l'Ordre de Grandmont, et auraient construit des palais aux abords de l'Église.

 

Une date marquante est la canonisation d’Etienne de Muret en 1189 : évêque, abbés et barons se pressent à Grandmont. Les fils du Roi d'Angleterre : Henri le Jeune, Richard Cœur de Lion, et leurs sénéchaux s’y rendent. Parallèlement Grandmont fonde près de 160 dépendances (de la Champagne à la Navarre, de la Normandie, à l’Aquitaine et l’Angleterre) et en 1317 devient abbaye.

Plaque de l'autel majeur de l'abbaye de Grandmont Œuvre originale  Vers 1189-1190 - Saint Etienne de Muret apparait à son disciple Hugues de Lacerta

 

Puis vers le XVe siècle, le monastère est placé sous le régime de '' la commende''. Ses abbés commendataires profitent alors d'une bonne part de ses revenus ; même si pour certains, ils n'y viennent jamais, et préfèrent le séjour à la Cour... Les frères ne disposent plus alors que du tiers des revenus du domaine.

Eté 1306, la troupe nombreuse qui s'avance vers Grandmont, a à sa tête le pape Clément V. Il y reste une semaine avec messes solennelles et grandes dépenses de toutes sortes...

Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, est devenu Clément V par la grâce de Philippe le Bel.

Tous deux mettent en place l'abolition de l'Ordre du Temple. Cela commence le 13 Octobre 1307, avec l'arrestation des Templiers dans tout le Royaume, et la condamnation à mort le 18 mars 1314... Avec cette fameuse et incertaine malédiction lancée par Jacques de Molay, au Pape et au Roi de France ...

Prieuré grandmontain Saint-Michel de Grandmont

Ici, il en est une autre malédiction que l'on se répète, historiquement avérée : celle de Maître Charles Cadumpnat, chante du monastère en l'an 1576... sa prédiction n'est-elle pas à la veille de se réaliser... ?

 

J.L. De la Bermondie et ses compagnons s'approchent de l'abbaye ; plus qu'une lieue et demie à parcourir par un mauvais chemin tracé dans les monts d'Ambazac.

Au bas du village de Grandmont, il font connaître leur arrivée ; et c'est avec des religieux venus à leur rencontre qu'ils traversent le village et pénètrent dans la cour de l'abbaye. Avant de rencontrer l'abbé général de l'Ordre, il leur est proposé un temps de prière dans l'église abbatiale.

 

Les visiteurs rencontrent ensuite l'abbé de Grandmont, François-Xavier Mondain de la Maison Rouge (1706- ), dans son appartement privé...

A cette époque, l'affaire est près de se terminer... Il ne reste plus que quelques religieux avec l'abbé, et l'évêque de Limoges, n'attend plus que la mort de l'abbé de Grandmont, pour dépouiller l'abbaye... Et, l'abbé souffre de plus en plus d'infirmité diverses, qui l'empêche de se déplacer...

 

J.L. De La Bermondie va alors comprendre ce qui se passe …

 

A suivre :

 

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