Avec l'espoir de pouvoir, un jour, raconter l'histoire du jardin d'Eden ( Conter la Bible …), j'ai lu et ' travaillé '
les deux livres de Paul Nothomb
: Ça ou l'histoire de la pomme, éd. Phébus, Paris, 2003, et Ève dans le jardin, éd. Phébus, Paris,
2004...
La question qui occupe mon esprit à présent est : Est-il possible de revenir et retraduire un texte aussi
fondamental que la Genèse ? Est-il possible de revoir cette fameuse histoire d'Adam et Eve avec une autre traduction et une autre interprétation … ?
Paul Nothomb, mais aussi Annick de Souzenelle, nous y incite fortement ; au moins par justice envers un texte
hébreu.
Je n'ai pas les compétences, pour affirmer ma conviction que Paul Nothomb puisse enfin nous permettre de lire le texte de
la Genèse dans un interprétation « vraie » ; et d'ailleurs que pourrait signifier que cette interprétation soit vraie et les précédentes fausses ? La vérité d'un mythe, n'est-ce
pas plutôt la version qui hante nos inconscients qui porte la vérité d'un mythe, en ce qu'elle porte en elle une construction mentale élaborée dans les temps anciens jusqu'à nos jours
… ?
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George Frederic Watts(1817-1904)
«Chaos» est l'état sans forme avant la création de l'univers dans de nombreuses croyances, y compris la
mythologie classique et le judaïsme. Watts trace ici la voie de l'évolution. La confusion primitive est représentée par des géants qui luttent pour se libérer du feu et de la
vapeur. La mise en place du temps mesurable et de l'espace est signalée par la chaîne de figures féminines à droite.
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Par contre, le renversement de perspectives que nous offre la traduction, et l'interprétation de Paul Nothomb, nous
permet d'en finir avec une anthropologie qui ne fait plus sens aujourd'hui...
Dieu n’est plus un monarque sourcilleux et jaloux, qui rejette violemment et voue aux gémonies
ses créatures après qu’elles l’ont "trahi". Adam, pas plus que Ève ne sont uniques : tous deux incarnent le "un multiple", c’est-à-dire l’humanité dans son ensemble. De même le serpent perd son
rôle de sournois tentateur, pour celui de catalyseur. Et le fruit ( la pomme) cesse d’être cause de la déchéance.
La chute se situerait plutôt dans le comportement d'Adam vis-à-vis d’Ève. En la nommant « Ève » comme
étant objet de sa connaissance à lui, "celle-là" … La chute procéderait de la façon dont Adam a perçu Ève au tout début de leur rapport, et de la perception que tous deux ont du divin … leur
propre vision des choses les chasse de ce jardin d’Éden.
La « chute » n'est plus ce que l'on nous faisait croire ; l'homme y a gagné liberté et responsabilité, et
sa nouvelle nature de « mortel » a le sens d'un retour à l'infini des origines...
La main de Dieu ou la création d'Auguste Rodin: 1896
« L’Adam Un et multiple de l’origine « conçu » par Dieu entièrement libre et doué de pouvoirs
démiurgiques décide de se séparer de sa part féminine qui lui est consubstantielle, mais pas assez soumise à son gré. Il invente la Femme pour la dominer. Ce faisant il se vide de sa substance et
s’effondre. C’est la « Chute », la vraie, dans la « adama » contre laquelle Dieu l’a mis en garde. »
La Femme, (…) Bravant l’interdit divin concernant l’Arbre de l’Omniscience, elle en mange et associe
son compagnon expirant à sa transgression délibérée mais mineure au regard de celle de l’Adam désormais déchu à commise. Dans un dernier sursaut il l’appelle la « vivante ». La vivante intégrale.
« Car elle sera la mère de tous les vivants » mortels que nous sommes dans la condition humaine, lui passant ainsi le flambeau de l’avenir de l’humanité qui grâce à elle et par le détour des
générations, retrouvera peut-être l’intégrité et l’immortalité de son origine, comme Dieu le lui laisse espérer, en condamnant l’Adam seul à l’exclusion de la Femme, qui n’est pas chassée de
l’Éden, où l’attend l’Arbre de Vie.
Ainsi, le récit biblique du mythe de l’Éden, loin de stigmatiser la Femme comme pécheresse et
responsable de la perte de l’Humanité, la glorifie comme son recours possible contre la mort définitive, où l’a précipitée la « chute » catastrophique de l’Adam dans la « adama » Paul
Nothomb, Eve dans le Jardin,
Lucas Cranach, Adam
et Eve, 1624
De manière méthodique, Paul Nothomb épluche les phrases. Il reprend, précise, traduit semble-t-il les
expressions au plus juste, confronte les interprétations, souligne les erreurs, pointe les imprécisions qui ont généralement affecté les commentaires traditionnels.
« Je suis entré à la Sorbonne à 58 ans pour passer, sept ans plus tard, un doctorat d’hébreu.
J’ai peut-être vécu là les plus belles années de ma vie. Je suis amoureux de cette langue. L’hébreu me passionne plus encore que la Bible. C’est une langue ouverte, en ce sens que celui qui la
lit doit décider lui-même du sens du texte, dans les limites qu’elle impose. Elle renvoie donc l’homme à sa liberté. » Paul Nothomb
"Je m’intéresse aux neuf premiers chapitres de la Genèse, ceux de la Bible existentielle. Je suis
comme un braconnier sur la chasse gardée de la Tradition, sans nul besoin de commentaires. A la limite, toutes les intuitions sont déjà dans la langue hébraïque." Paul Nothomb