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femme

Le Mythe de la '' La Belle dame sans merci ''

Publié le par Perceval

La belle dame sans merci de Dicksee

La belle dame sans merci de Dicksee

La Belle Dame Sans Merci est devenue un mythe depuis le Moyen Âge, en particulier depuis le poème d'Alain Chartier écrit en 1424, qui a été notamment repris par le poète John Keats. Les peintres, en particulier les Préraphaélites, se sont emparés de ce sujet avec délice, puisque les figures féminines fortes sont les sujets de presque toutes leurs oeuvres.

La Belle Dame Sans Merci ,Thomas Rhymer

« I saw pale kings and princes too,
Pale warriors, death-pale were they all;
They cried—‘La Belle Dame sans Merci
Thee hat
h in thrall » de John Keats

(Les rois, les princes, les guerriers, tous pâles comme la mort lui crient : la belle dame sans merci te tient en esclavage.)

La Belle Dame Sans Merci, by John William Waterhouse

Ici la Belle Dame est située dans le contexte de l'amour courtois médiéval... Dans l'idéal, l'amour courtois fait l'apologie d'un amour chaste que le chevalier doit gagner auprès de la dame de son cœur. Pour cela, il est prêt à affronter maintes épreuves, jusqu'à ce que la belle... cède.

La Belle Dame Sans Merci by Walter Crane

On retrouve évidemment ce thème dans la légende arthurienne, et les romans de chevalerie qui mette l'accent sur la conquête de la Dame, d'autres s'orientant plutôt vers un certain mysticisme (la quête du Graal et de la pureté). D'autres textes sont plus emprunts de folklorisme (les fées, lutins etc), ou de magie (fée Morgane, Merlin); au fur et à mesure la Belle Dame, celle pour qui se meurent d'amour les chevaliers, se transforme en une sorte de fée, qui vient toujours à la rencontre du cavalier errant, comme le ferait une Viviane ou Morgane.

Ainsi, cet homme plein de bravoure, découvre cette étrange femme dans des endroits toujours inappropriés - dans les bois, près de ruines, dans un château - et toujours au début ou à la fin d'une aventure...

Arthur Hugues (1901)

Le chevalier rencontre toujours la fée dans les bois, passage d'ombre et des désirs refoulés par excellence.

Robert Anning Bell (1855)

 

Mais cette fée est "sans merci", repoussant sans cesse les avances du prétendant. On peut donc comprendre, au sens figuré, que lorsqu'il arrive dans les bois, atteignant alors presque son but, la Dame le repousse une dernière fois, l'assassinant par le même coup.

 

L'amour peut être meurtrier, et l'espoir, une fois vaincu, vient à bout de tous les héros. Il s'agit d'un retournement total de la matière courtoise. L'homme ne triomphe plus, il courbe l'échine devant le pouvoir féminin. 

Il s'agit d'un grand fantasme masculin. Les Salomé, Judith, Lilith et autres femmes castratrices ont toujours été à la fois attirantes et monstrueuses pour nombres d'artistes.

 

La Belle Dame Sans Merci by Frank Cadogan Cowper

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Madame Solario - 1-

Publié le par Perceval

J'avais lu une première fois ce roman, alors qu'il était considéré d'un auteur anonyme ( collection 10/18) , avec de fortes présomptions que ce soit Winston Churchill...

Je viens de le relire, sachant que l'auteure en est Gladys Huntington, née Parrish, américaine née en 1887 et décédée en 1959.

Ce livre fut publié, anonymement, en 1956. Gladys Huntington se suicide trois ans plus tard. Sur la stèle posée sur sa pierre tombale est inscrite la mention : « Epouse de Constant Huntington et fille d’Alfred Parrish ».

Gladys Parrish Huntington

Je vais tenter de raconter le sujet de ce livre qui m'a impressionné... A noter, tout de suite, que j'ai aimé ce livre pour ce qu'il se retient de dire, plutôt que par son intrigue qui pourrait se résumer, ou se décrire à la manière du film de René Féret (2012) , que je ne recommande précisément pas, du fait de l'absence du mystère qui irradie le livre ( ajouté au fait, sans-doute, de l'anonymat de l'auteur …).

Ce livre, va bien au-delà d'une réflexion sur les structures sociales et familiales : conditionnement social, inceste ..etc..). Le film est trop conventionnel, pas assez mystérieux... ; et trop loin des images que mentalement le lecteur se construit en tournant les pages … Marie Féret ( Natalia Solario) est trop jeune pour le rôle... Restent, l'esthétique des décors et des costumes, la beauté du lac de Côme...

Ce livre de 500 pages, est organisé en trois parties et trente chapitres.

L'héroïne de ce roman est Nelly-Natalia-Ellen Solario, et l'histoire est située en 1906, dans un palace de Cadenabbia, l’Hôtel Bellevue ( qui existe toujours), au bord du lac de Côme, en Italie. Lieu de villégiature, nous sommes au coeur d'une société mondaine cosmopolite (avec des américains, italiens, français, russes et anglais). Le décor, et le mystère qui entoure l'héroïne pourraient nous renvoyer à quelques écrits de Henry James...

Silvana Mangano

Madame Solario distille quelques renseignements sur ses origines : anglaise, américaine et plus encore avec son nom ''exotique''… La réticence de Natalia à donner des informations sur elle-même ne fait qu'ajouter à son énorme charme, ce qui fascine – avec sa beauté - en particulier les hommes.. Citoyenne du monde, déracinée et familiarisée avec la haute société, elle incarne une question que chacun tente de résoudre...

 

Gladys Huntington, nous décrit un tableau, où s'offrent particulièrement à nos yeux les toilettes féminines :

« En l'année 1906, les femmes portaient de longues jupes qui leur moulaient les hanches et rasaient le sol ; les tailles fines étaient serrées dans d'étroites ceintures, les bustes pleins et les corsages très ornementés. La mode d'été exigeait aussi le port de volumineux voiles de mousseline jetés sur les chapeaux à larges bords et flottant de là sur les épaules jusqu'à la taille ou même au-dessous.

Une telle profusion de parures faisait de chaque femme une sorte de divinité, et une divinité suppose toujours un culte. L'atmosphère sociale de cette époque était particulièrement imprégnée de féminité»

La première partie est racontées du point de vue de Bernard Middelton, jeune Anglais qui vient de finir ses études et qui bénéficie de quelques vacances avant de rentrer en Grande-Bretagne prendre un poste dans la banque familiale. Il est ici, seul, de façon inattendue, du fait de la maladie de son compagnon de voyage... Il semble naïf, mais observateur, et rapide à tirer des conclusions...

'Middleton '- comme les jeunes filles l'appellent - est dès son arrivée, rapidement entraînée dans un tourbillon d'excursions en bateau et de bals. Il se sent attiré vers une jeune fille aristocrate hongroise, Ilona Zapponyi ; il remarque sa pâleur et son air malheureux. Mais la jeune fille, n'a d’yeux que pour le comte Kovanski.... Bernard « sut tout de suite qu'il n'aimait ni l'homme ni le regard»; en effet, ce personnage apparaît bien antipathique, hautain...

film de René Féret

Nous aurions pu imaginer une intrigue d'amour entre Middleton, et Llona...

« Sa position à l'égard d'Ilona changea. Il se sentait toujours attiré vers elle, mais leurs routes étaient parallèles, elles ne se rencontraient pas comme il l'avait cru pendant la demi-heure qui venait de s'écouler. »

 

A l’hôtel Bellevue, les jours coulent doucement entre excursions sur le lac, balades, pique-niques, bals et potins en tout genre. Quand le bateau à vapeur du soir arrive, tout le monde observe les éventuels nouveaux arrivants... C'est l'un des événements de la journée, un événement social...

« Le vapeur du soir accostait au même moment et tout le monde était sur la terrasse pour assister à l'arrivée éventuelle de nouveaux pensionnaires. C'était l'un des événements de la journée, et même un événement mondain, une « réunion ». C'est par ce même vapeur que Bernard était arrivé lui aussi et il se rappelait l'impression à la fois chatoyante et mystérieuse que lui avaient faite de prime abord ces gens alors totalement inconnus. Maintenant il les connaissait, tout au moins de vue et de nom, et il était là, parmi eux, regardant un paysage tout différent de celui qui s'offrait aux yeux des arrivants. La roue à aubes de l’archaïque petit vapeur blanc brassait l'eau à grand bruit. On lança des cordages, les noeuds coulants s'accrochèrent aux poteaux du débarcadère et les passagers descendirent la minuscule passerelle. Du rivage, quelqu'un aperçut une figure de connaissance et l'on échangea des paroles d'accueil. Chacun semblait parler et sourire, il régnait une gaieté générale, on aurait presque dit une scène d'opérette. »

L'hôtel devient une scène où vont se fréquenter et s'observer une foule de personnages, qui dans le cadre d''un confortable désœuvrement vont graviter de plus ou moins prêt, autour d'une belle femme mystérieuse puis du couple qu'elle forme avec son frère qui la rejoint... Certains vont être entraînés dans les ''combines'' conçues par le frère et soeur.... En particulier le couple du marquis et de la marquise Lastacori, avec leur fille Missy : « cheveux noirs, et un teint naturellement coloré, des hanches étroites, une poitrine pleine, et ses mouvements nerveux faisaient tinter ses bracelets ». cette jeune fille exubérante, capricieuse va tomber amoureuse du frère de Madame Solario...

 

Alors que Bernard a l'espoir de retrouver Ilona, il entend une conversation entre sa mère et le colonel: « Madame Solario revient demain ». «Ah, vraiment?» répondit la comtesse Zapponyi un peu sèchement. Il est clair que le colonel et la comtesse connaissent Madame Solario, mais le nom entendu derrière une colonne, pour le moment, ne signifie rien pour Bernard.

Puis, il constate le départ de Llona...

(1895)

 

Ensuite, Bernard va être sous le charme de madame Solario, de près de dix ans son aînée, et devient secrètement amoureux d'elle.

Madame Solario apparaît, puis passe comme une enchanteresse qui capte l'attention des hommes; elle pourrait, alors, être comparée à une «Belle dame sans merci», à la fois vulnérable et inatteignable. Nous n'apprenons que fort peu de choses d'elle, celles que peut glaner le jeune Bernard Middelton : n'aurait-elle pas un accent français, d'où vient-elle, n'est-elle pas américaine, pourquoi est-elle ainsi seule... ? Peut-être peut-on capter une certaine froideur, du fait de la distance que met l'énigmatique Me Solario avec les autres résidents ; alors que le jeune anglais, lui, nous devient plus familier …

Il semble que Me Solario apprécie la présence du jeune homme; ils sont de connivence ; elle insiste pour qu'il l'accompagne dans une promenade en barque sur le lac.. Et tout cela semble t-il, sous le regard dissimulé du comte Kovanski...

Ils marchent le long des sentiers sinueux qui longent le lac, Bernard devient un compagnon fréquent, et impressionné par cette beauté insaisissable.

Ils deviennent assez proche, au point qu'elle demande à Middleton de ne rien lui cacher et de la prévenir s'il se passait quelque chose de désagréable … A son tour, il lui demande de ne pas partir sans lui avoir fait savoir.... Elle lui promet.

Mata-Hari

 

Par son charme sa réserve, sa beauté, Natalia Solario, devient le centre d'intérêt de tous ; et en particulier de quelques hommes, comme le comte russe Kovanski, rarement visible... Bernard constate - pendant les repas - que Kovanski couve d'un regard amoureux Me Solario ; et que Ilona, ​​avec qui Bernard a sympathisé, n'a aucune chance de gagner l'intérêt de Kovanski...

Le bal est l'occasion de montrer la grâce naturelle de madame Solario, elle danse de façon exquise ; elle est très demandée, et les hommes se font concurrence et attendent pour danser avec elle …

 

Une certitude est la beauté de Madame Solario : blonde, grande... Elle agit en douceur, mange avec grâce... Et personne n'a idée de ce qu'elle pense...

Elle possède un chapeau pour chaque occasion, mauve, ou blanc ; un chapeau de paille naturelle pour faire du bateau... Il existe même un ''chapeau de restaurant'' avec le bord transparent et une énorme rose rose devant, et le même genre de rose est attaché à la ceinture de sa robe en dentelle blanche.

Enfin, c'est l'arrivée surprise à l'hôtel, d’Eugène Harden, le frère de Madame Solario, qu'elle n'a pas vu depuis douze ans, et qui l'appelle Nelly.

A suivre...

Auparavant... Incursion dans la Légende arthurienne avec la '' Dame sans Merci ''

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Edith Wharton et Morton Fullerton

Publié le par Perceval

Edith Wharton

Aujourd'hui, nous savons bien qu'il a existé un tel personnage ''haut en couleur'' : Morton Fullerton serait diplômé de Harvard et correspondant du Times à Paris ; et également un escroc, sans principes et sans morale... Un beau garçon, libertin et bisexuel, qui a su éblouir Henry James. Il est régulièrement endetté parce qu’il serait soumis au chantage d’une ancienne maîtresse... !

C'est à Paris, qu'Edith Wharton va vivre sa seule histoire d'amour sensuelle... Elle dit ne pouvoir vivre ce genre d'aventure, clandestine et de plaisir, que dans l'atmosphère de la capitale française... Cette expérience, dit-elle, va « couler dans son sang » ; elle ajoute : «  Je suis submergée par le bonheur... »

Paris, en effet, est devenu un lieu de libération, pour des femmes intellectuelles comme elle. Ce qui arrive là - un adultère discret - n'aurait jamais pu avoir lieu en Amérique … De plus, la messagerie postale de l'époque permet un échange rapide de lettres livrées plusieurs fois par jour par la poste parisienne et permet de planifier rapidement une rencontre :

- «Au Louvre à une heure dans l'ombre de Diane », écrit-elle dans une note ; la sculpture en marbre blanc de Diane, la déesse de la chasse, nue et allongée, son bras droit enroulé autour du cou d'un cerf, repose dans une pièce peu visitée... C'est un excellent lieu de rendez-vous pour une entrevue privée. Ensuite, ils se rendent dans les anciennes arènes romaines de Lutèce près du jardin des plantes, puis font le tour du jardin du Luxembourg.

Ils se retrouvent au Théâtre, à la Comédie-Française ou au Marigny. Ils dînent dans des restaurants situés dans les coins obscurs de la Rive Gauche, qu’elle décrit comme « le bout du monde… où la nourriture est mauvaise et où il n’y a aucune chance de rencontrer des connaissances».

 

Une autre fois, Edith et Morton vont prendre le train pour Senlis... A son retour Edith confie : « J'ai vécu, ma très chère amie, tout ce que je n'avais jamais connu auparavant, l'interférence de l'esprit et du sens, la double attirance, la communion mêlée du toucher et de la pensée. »

Ce qui est intéressant, c'est ce témoignage de femme sur la sensualité, et plus précisément sur le plaisir sexuel en 1908, qu'elle découvre à quarante-six ans, pour avoir fait fi des contraintes sociales entravant une femme mûre, et qui vante à présent les émotions de tous ceux qui, un jour, se sont « aimés une heure sur le rebord du monde ».

W. M. Fullerton (1865-1952), ici en 1887

Mais, que sait-on encore de ce '' Morton Fullerton ''.. ?

Fullerton a décidé de s’installer à Paris, peut-être pour fuir un passé ''complexe ''...

A Paris, il fréquente la société édouardienne de la classe supérieure, celle de Henry James. De son charme irrésistible, il attire hommes et femmes....

Au moment où il aurait rencontré Edith Wharton, il était divorcé de la chanteuse d'opéra Camille Chabert (mariés en 1903) qui ne pouvait tolérer ses liaisons... Il est encore empêtré par des aventures simultanées avec au moins deux autres Françaises - Adèle Moutot, une actrice mineure qui s'appelait Madame Mirecourt, et Hélène Pouget, un modèle d'artiste de Nîmes. Fullerton entretient également une «relation quasi incestueuse» avec Katherine Fullerton, sa cousine et sœur adoptive...

 

photographié par Annie Leibovitz - magazine- Edith Wharton

Le 15 février 1908, selon H. James, Edith et Morton se sont rendus à Herblay, pour visiter la maison d'Hortense Allart (1801-1879), dernière maîtresse de Chateaubriand ( 1768-1848)... Sa beauté et son charme - elle a 28 ans - ont ébloui l’ambassadeur sexagénaire....

Tous deux sont admirateurs de l'écrivaine, en particulier de sa correspondance … Edith écrit à son propos, qu'elle admire « son intrépide manière de regarder la vie dans les yeux ». Ce jour même, Edith relate des moments d'intimité avec Morton... ou avec Henry ( se demande Anne-Laure..) ou plutôt avec … Walter Berry le seul homme qu'elle ait vraiment aimé... . Diplomate et expert en droit international, il vit aussi à Paris... ? Edith va brûler toutes ses lettres écrites pendant quarante-cinq ans ...

Aujourd'hui, nous savons par des lettres, qu' Edith Wharton après un retour en Amérique, a retrouvé Morton à Londres.

William Morton Fullerton 1909

Le 1er juin 1909, Edith, Morton et Henry James se sont rencontrés pour un dîner... Il y avait beaucoup de champagne et une conversation foisonnante où, selon le biographe F Kaplan , les trois amis étaient assis ensemble « dans l'antichambre de la passion amoureuse ».

Elle passa la nuit avec Morton à l'hôtel Charing Cross, à Londres.

 

Après cette nouvelle nuit de passion au Charing Cross Hotel de Londres, Edith écrivit à Morton des lettres qui ensuite seront laissées sans réponse :

« Ce que vous souhaitez, apparemment, c'est prendre de ma vie, ce que j'ai de plus intime et ce qu'une femme - une femme comme moi - peut donner, pendant une heure, de temps en temps, quand cela vous convient. »

Ce qui reste de cette histoire d’amour est un recueil de poèmes écrits pour son amant et qu'elle a accepté de publier en 1909 : Artemis to Actaeon. Des poèmes, et d'autres textes étonnent par leur érotisme...

Au numéro 53 de la rue de Varennes, une plaque commémore le temps passé par Edith Wharton en France

Anne-Laure a retenu de cette amitié, la passion d'Edith pour la beauté, l'esthétique et sa répulsion pour ce qui lui paraît laid. Edith note sa culpabilité que son éducation lui a léguée, avec l'impérieuse nécessité de se taire en particulier sur ce qui concerne le corps, le sexe et le plaisir...

Edith souffre, qu'une communication intime avec un homme, puisse être si difficile..

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1900 - Les salons artistes et mondains -4- le Mercure de France

Publié le par Perceval

La revue s'inscrit dans la lignée du couple improbable que forment Marguerite Eymery dite, Rachilde (1860-1953) et Alfred Valette (1858-1935). Le rayonnement de Rachilde avec ses réceptions du mardi, contribue à la réussite de l’entreprise de presse puis de publication...

Femme et ''homme de lettres'', on la nomme la '' reine des décadents'' ou ''Madame Baudelaire''...

Elle tient salon, selon le mot de Paul Valéry, sur un « pandémonium de fumeurs » dans un lieu « rouge sombre » - au 26 rue de Condé… Elle y reçoit es écrivains et poètes comme Jules Renard, Maurice Barrès, Pierre Louÿs, Émile Verhaeren, Paul Verlaine, Jean Moréas, Paul et Victor Margueritte, Francis Carco, André Gide, Catulle Mendès, Léo d'Orfer (Marius Pouget), Natalie Clifford Barney, Henry Bataille, Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry, Léon Bloy, Remy de Gourmont, Joris-Karl Huysmans, l'astronome Camille Flammarion, Stéphane Mallarmé, Henry Gauthier-Villars dit « Willy », Jean Lorrain, Laurent Tailhade, Louis Dumur et Oscar Wilde....

Léon Paul Fargue « Ces réunions célestes avaient lieu à la fin de la journée. Au bout d’une heure, le petit salon était devenu une tabagie. L’air y était épais comme une miche. On se voyait à peine. Les grands personnages y semblaient peints sur un fond de brouillard, comme les génies du Titien ou de Rubens, au point que Vallette fut un jour tout à fait obligé d’acheter un appareil à absorber la fumée. Il nous fut alors possible de voir nos grandes personnes, autrement que dans les formes de fantômes : Remy de Gourmont […], Henri de Régnier […], Valéry, tout en traits vigoureux et en nerfs, la moustache en pointe, déjà maître d’une conversation qui cloquait d’idées ; Marcel Schwob, plein de lettres et de grimoires […], Pierre Louÿs, qui avait un des plus jolis visages de l’époque […], Alfred Jarry, […], Paul Fort […], Jean Lorrain, […] aux yeux poilus et liquides […], les mains baguées des carcans, des ganglions et des cabochons de l’époque […], Jean de Tinan, Philippe Berthelot, Édouard Julia et tant d’autres, ceinturés dès la porte d’un coup de lasso par le grand rire de Rachilde! »

Rachilde 1860 - 1953.

 

En 1878, alors qu'elle travaille comme journaliste pour '' L'école des Femmes '', et qu'elle pratique l'occultisme ; elle prend le nom d'un gentilhomme dont elle rapporte la parole comme médium : un gentilhomme suédois du seizième siècle, Rachilde....

En 1884, elle publie '' Monsieur Vénus '' qui lui vaut une condamnation en Belgique pour pornographie …

Un an après elle devient une des rares femmes à obtenir un permis de la préfecture de la police pour s'habiller comme un « homme », compte-tenu de sa profession de journaliste...

Rachilde rencontre Vallette au bal Bullier en 1885... Elle fréquente les cafés à la mode, le Chat Noir et le Café du Soleil d’or, où elle gifle Moréas qui a osé déclarer : « Victor Hugo est un con ». Tailhade, Victor et Paul Margueritte, Jules Renard et Verlaine, sont déjà ses amis... Elle sort d'une passion malheureuse pour le poète Catulle Mendès...

Vallette confie à Jules Renard, qui retranscrit ses paroles dans son Journal : « Rachilde et moi, nous nous emboîtons bien cérébralement. Nous sommes égaux […], c’est une femme d’un esprit vraiment hors ligne... »

 

Le 12 juin 1889, Laurent Tailhade, est le témoin du mariage de Rachilde avec Alfred Vallette. Nous connaissons déjà M. Tailhade.... En 1897, il a une liaison avec Anne Osmont (1872-1953), traductrice, poète et romancière française qui publie au Mercure. Elle est une des plus grandes occultistes du début du vingtième siècle. Etrange liaison, entre une ésotériste et un polémiste anarchiste de droite... 

 

Je reviens au salon de Vallette et de sa femme Rachilde, qui reçoit aussi beaucoup les femmes ; comme épouses, Mme Berthelot ou Mme Jane Catulle Mendès (1867-1965)..., ou comme femmes du monde telle Anne-Laure..., et surtout comme femmes de lettres : la poétesse Lucie Delarue-Mardrus, également Liane de Pougy (1869-1950), et même la journaliste militante Séverine (1855-1929). Oui, ici, se mêlent dreyfusards et anti-dreyfusard, plutôt patriotes, plutôt conservateurs jusqu'à anarchistes de droite...

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Anne-Laure de Sallembier – La Quête et la vie mondaine

Publié le par Perceval

Une fête littéraire à Versailles - Le Gaulois 31 Mai 1894 Proust - (Gallica)

Une fête littéraire à Versailles - Le Gaulois 31 Mai 1894 Proust - (Gallica)

Longchamp (Paris), en 1908

En quoi la vie mondaine, contribue t-elle à la Quête … ? La comtesse Anne-Laure de Sallembier en est persuadée : par exemple, quand elle interroge ses amis sur la place de l'art dans leur vie... Anne-Laure appartient à une société où la place de l'esthétique est prépondérante...

Si l'esthétique s'offre à la sensibilité, elle est destinée à l'esprit : un esprit ouvert à l'Absolu...

L'Art passe par l'humain, et lui offre une prise de conscience de soi … Et, à cette époque, ce qui est flagrant c'est la tension constante entre le masculin et le féminin...

Exemple mondain: la femme y est sujet et objet de beauté... La sensibilité provoque les cœur et le corps ; mais finalement ce sont l'âme et l'esprit qui s'enrichissent de l'expérience esthétique ...

 

« Je tiens l’art pour la tâche suprême et l’activité proprement métaphysique de cette vie » Nietzsche (1844-1900) (La Naissance de la tragédie)

 

 

Comme nous venons de le voir, la place du vêtement est essentiel dans une soirée mondaine. La femme, alors s'y sent investit d'une mission : la toilette féminine est une œuvre d’art.

« Mme la comtesse Greffuhle, délicieusement habillée : la robe est de soie lilas rosé, semée d’orchidées et recouverte de mousseline de soie de même nuance, le chapeau fleuri d’orchidées et tout entouré de gaze lilas » Proust - dans la revue Le Gaulois et intitulé ''Une fête littéraire à Versailles''

Ce qui gène Anne-Laure, favorisée alors par sa jeunesse et ses traits ; c'est d'être ''objet '', et non ''sujet''...

Cependant ce n'est pas le cas. Marcel Proust fait de l'élégante, une artiste. Il assigne à la femme qui porte le vêtement un rôle de créateur.

« Je me disais que la femme que je voyais de loin marcher, ouvrir son ombrelle, traverser la rue, était, de l’avis des connaisseurs, la plus grande artiste actuelle dans l’art d’accomplir ces mouvements et d’en faire quelque chose de délicieux » Proust À la recherche du temps perdu, La Pléiade, 1987 t. II – Ici la duchesse est une artiste dans l'art d'accomplir des gestes, dans le mouvement du corps...

 

Mme Swann au bois déploie « le pavillon de soie d’une large ombrelle de la même nuance que l’effeuillaison des pétales de sa robe […] ayant l’air d’assurance et de calme du créateur qui a accompli son œuvre et ne se soucie plus du reste » Proust À la Recherche du Temps Perdu, La Pléiade, 1987 t. I.

Mariano Fortuny

 

La femme artiste, finit d'âtre assimilée elle-même comme oeuvre d'art. Elle est ''contaminée'' par sa toilette ; cette impression est valorisée par la comparaison d'un tableau : Oriane et son manteau avec un « magnifique rouge Tiepolo » RTP, tome III ; ou Albertine et son manteau de Fortuny qui évoque un tableau de Carpaccio...

« Quand il avait regardé longtemps ce Botticelli, il pensait à son Botticelli à lui qu’il trouvait plus beau encore et, approchant de lui la photographie de Zéphora, il croyait serrer Odette contre son cœur. »

 

Oui, tout ceci est ''beau'' ; mais ce n'est pas la vie... ! ?

Cette question est fondamentale pour Proust : l'Art réside t-il dans la femme peinte ou dans la femme réelle … ?

 

«  (…) tout mon argent passait à avoir des chevaux, une automobile, des toilettes pour Albertine. Mais ma chambre ne contenait-elle pas une œuvre d'art plus précieuse que toutes celles-là ? C'était Albertine elle-même. » La Prisonnière, RTP, t. III

La femme comme œuvre d'art... ?... Non... En conclusion :

« Mais non, Albertine n'était nullement pour moi une œuvre d'art. Je savais ce que c'était qu'admirer une femme d'une façon artistique, j'avais connu Swann. »

La-Gandara- Portrait de femme en rose, 1905

 

En 1907, une femme peut s'affirmer comme ''artiste de l'élégance'' et contrer cette tentation (perverse) de l’idolâtrie... Ce qu'il faut admirer, c'est l'artiste en œuvre...

L'art pour Proust éclaircit la vie, la révèle à elle-même :

 

« La grandeur de l'art véritable, au contraire, de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c'était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d'épaisseur et d'imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est tout simplement notre vie. » Le temps Retrouvé, RTP, t. IV

M. de Norpois est un diplomate, et son art fait de tact et d'usages, se rapproche de celui de l'écrivain : trouver les bons mots, la bonne formule...

Expo Albert Besnard

Pour Anne-Laure, la question essentielle de l'Art, trouve une réponse avec la proposition de Marcel Proust :

«  (…) le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun. » Proust, Le Temps Retrouvé.

Ainsi l'art permet d'accéder au vrai ; à la vraie vie , qui n'est pas la vie sociale avec ses conventions ; mais la vie intérieure.

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Proust – Série sur les Salons parisiens - extraits

Publié le par Perceval

Marcel Proust publie au Figaro, en 1903-1904, une série de 6 chroniques intitulées “Salons parisiens” : salons artistiques, bourgeois et aristocratiques de Paris. 

Ces chroniques de mondanités lui valurent une réputation de journaliste snob plutôt que d’écrivain et lui fut nuisible dans sa quête d’un éditeur ( Gide ne prit pas la peine de lire le manuscrit...) pour le premier volume de son roman, Du côté chez Swann. 

Ces écrits dépassent largement la chronique mondaine ; Proust s'y livre sans retenue, sous les pseudonymes d'Horatio ou de Dominique ; son œil de journaliste observe les mœurs de la société avec beaucoup d'attention, en particulier à l'esthétique médiatique de la mondanité, à ses règles formelles, et à son inscription dans l'histoire … Ces écrits sont bien préparatoires à ''La Recherche'' et apparaissent ses goûts pour Saint-Simon et les mémorialistes...

Le salon de la princesse Mathilde - Giraud
LE SALON DE S. A. I. LA PRINCESSE MATHILDE

Mais aujourd’hui encore c’est une des seules maisons de Paris où l’on soit invité à venir dîner à sept heures et demie.

Après le dîner, la princesse vint s’asseoir au petit salon, dans un grand fauteuil qu’on aperçoit à droite en venant du dehors, mais au fond de la pièce. En venant du grand hall, ce fauteuil serait au contraire à gauche, et fait face à la porte de la petite pièce, où, tout à l’heure, seront servis les rafraîchissements.

En ce moment, les invités du soir ne sont pas encore arrivés. Seules, les personnes qui ont dîné sont là. À côté de la princesse, une ou deux des habituées de ses dîners de la rue de Berri : la comtesse Benedetti, si spirituellement jolie et si joliment spirituelle ; Mlle Rasponi ; Mme Espinasse, dame d’honneur de la princesse ; Mme Ganderax, femme universellement aimée et appréciée de l’éminent directeur de la Revue de Paris.

(…)

Déjà la porte du salon de la princesse s’entr’ouvre, elle reste entrebâillée, pendant que la dame qui va entrer – personne ne sait encore qui c’est – ajuste une dernière fois sa toilette ; les messieurs ont quitté la table où ils feuilletaient les revues. La porte s’ouvre : c’est la princesse Jeanne Bonaparte suivie de son mari, le marquis de Villeneuve. Tout le monde se lève.

Quand la princesse Jeanne est à mi-chemin de la princesse, celle-ci se lève et accueille à la fois la princesse Jeanne et la duchesse de Trévise qui vient d’entrer avec la duchesse d’Albuféra.

Chaque dame qui entre fait la révérence, baise la main de la princesse, qui la relève et l’embrasse, ou lui rend sa révérence, si elle la connaît moins.

Voici M. Straus, l’avocat bien connu, et Mme Straus née Halévy, à qui son esprit et sa beauté donnent une puissance de séduction unique ; M. Louis Ganderax, le comte de Turenne, M. Pichot s’empressent autour d’elle, tandis que M. Straus regarde autour de lui d’un air malicieux.

La porte s’ouvre encore, c’est le duc et la duchesse de Gramont, puis la famille bonapartiste par excellence, la famille de tous les beaux titres d’empire, la famille Rivoli, c’est-à-dire : le prince et la princesse d’Essling, avec leurs enfants ; le prince et la princesse Eugène et Joachim Murat, le duc et la duchesse d’Elchingen, le prince et la princesse de la Moskowa.

Voici M. Gustave Schlumberger, M. Bapst, M. et Mme du Bos, le comte et la comtesse Paul de Pourtalès, le prince Giovanni Borghèse, un érudit, un philosophe, qui est aussi un brillant causeur ; M. Bourdeau, le marquis de La Borde, M. et Mme Georges de Porto-Riche.

Le petit salon est déjà si plein de monde que les plus anciens habitués montrent le chemin du hall où les moins intimes vont admirer avec une certaine timidité, comme écoliers sous l’œil du maître, les trésors d’art qui y sont rassemblés.

On s’arrête devant le portrait du prince impérial par Madeleine Lemaire, le portrait de la princesse par Doucet, le portrait de la princesse par Hébert, où elle a de si beaux yeux, de si douces perles. Bonnat le regarde de cet œil bon qui brille devant la belle peinture et échange des réflexions de technicien avec Charles Éphrussi, le directeur de la Gazette des Beaux-Arts, l’auteur du beau livre sur Albert Dürer, mais à voix si basse qu’on les entend mal.

La princesse ne s’assied plus. Elle va de l’un à l’autre, accueillant les nouveaux arrivés, se mêlant à chaque groupe, ayant pour chacun le mot particulier, personnel, qui tout à l’heure, quand il sera rentré chez lui, lui fera croire qu’il était le centre de la soirée.

Quand on pense que ce salon (nous prenons ici le mot de « salon » dans son sens abstrait, car matériellement le salon de la princesse était rue de Courcelles avant d’être rue de Berri) a été un des foyers littéraires de la seconde moitié du XIXe siècle ; que Mérimée, Flaubert, Goncourt, Sainte-Beuve sont venus là chaque jour dans une intimité vraie, ...(...)

DOMINIQUE. Le Figaro, 25 février 1903.

Madeleine Lemaire
LE SALON DE Mme MADELEINE LEMAIRE

(…) dès qu’une soirée était sur le point d’avoir lieu, chaque ami de la maîtresse de maison venant en ambassade afin d’obtenir une invitation pour un de ses amis, Mme Lemaire en est arrivée à ce que tous les mardis de mai, la circulation des voitures est à peu près impossible dans les rues Monceau, Rembrandt, Courcelles, et qu’un certain nombre de ses invités restent inévitablement dans le jardin, sous les lilas fleurissants, dans l’impossibilité où ils sont de tenir tous dans l’atelier si vaste pourtant, où la soirée vient de commencer. La soirée vient de commencer au milieu du travail interrompu de l’aquarelliste, travail qui sera repris demain matin de bonne heure et dont la mise en scène délicieuse et simple, reste là, visible, les grandes roses vivantes « posant » encore dans les vases pleins d’eau, en face des roses peintes, et vivantes aussi, leurs copies, et déjà leurs rivales. À côté d’elles, un portrait commencé, déjà magnifique de jolie ressemblance, d’après Mme Kinen, et un autre qu’à la prière de Mme d’Haussonville Mme Lemaire peint d’après le fils de Mme de La Chevrelière née Séguier, attirent tous les regards. La soirée commence à peine et déjà Mme Lemaire jette à sa fille un regard inquiet en voyant qu’il ne reste plus une chaise ! Et pourtant ce serait le moment chez une autre d’avancer les fauteuils : voici qu’entrent successivement : M. Paul Deschanel, ancien président, et M. Léon Bourgeois, président actuel de la Chambre des députés, les ambassadeurs d’Italie, d’Allemagne et de Russie, la comtesse Greffulhe, M. Gaston Calmette, la grande-duchesse Vladimir avec la comtesse Adhéaume de Chevigné, le duc et la duchesse de Luynes, le comte et la comtesse de Lasteyrie, la duchesse d’Uzès douairière, le duc et la duchesse d’Uzès, le duc et la duchesse de Brissac, M. Anatole France, M. Jules Lemaître, le comte et la comtesse d’Haussonville, la comtesse Edmond de Pourtalès, M. Forain, M. Lavedan, MM. Robert de Fiers et Gaston de Caillavet, les brillants auteurs du triomphal Vergy, et leurs femmes exquises ; M. Vandal, M. Henri Rochefort, M. Frédéric de Madrazzo, la comtesse Jean de Castellane, la comtesse de Briey, la baronne de Saint-Joseph, la marquise de Casa-Fuerte, la duchesse Grazioli, le comte et la comtesse Boni de Castellane.

Cela n’arrête pas une minute, et déjà les nouveaux arrivants désespérant de trouver de la place font le tour par le jardin et prennent position sur les marches de la salle à manger ou se perchent carrément debout sur des chaises dans l’antichambre. La baronne Gustave de Rothschild, habituée à être mieux assise au spectacle, se penche désespérément d’un tabouret sur lequel elle a grimpé pour apercevoir Reynaldo Hahn qui s’assied au piano. Le comte de Castellane, autre millionnaire habitué à plus d’aises, est debout sur un canapé bien inconfortable.

Il semblerait que Mme Lemaire ait pris pour devise – comme dans l’Évangile : « Ici les premiers sont les derniers », ou plutôt les derniers sont les derniers arrivés, fussent-ils académiciens ou duchesses. Mais Mme Lemaire par une mimique que ses beaux yeux et son beau sourire rendent tout à fait expressive fait comprendre de loin à M. de Castellane son regret de le voir si mal placé. Car elle a comme tout le monde un faible pour lui. « Jeune, charmant, traînant tous les cœurs après soi », brave, bon, fastueux sans morgue et raffiné sans prétention, il ravit ses partisans et dé-

(...)

La grande-duchesse Vladimir s’est assise au premier rang, entre la comtesse Greffulhe et la comtesse de Chevigné. Elle n’est séparée que par un mince intervalle de la petite scène élevée au fond de l’atelier, et tous les hommes, soit qu’ils viennent successivement la saluer, soit que pour rejoindre leur place, ils aient à passer devant elle, le comte Alexandre de Gabriac, le duc d’Uzès, le marquis Vitelleschi et le prince Borghèse montrent à la fois leur savoir-vivre et leur agileté en longeant les banquettes face à Son Altesse, et reculent vers la scène pour la saluer plus profondément, sans jeter le plus petit coup d’œil derrière eux pour calculer l’espace dont ils disposent.

(…) Reynaldo Hahn fait entendre les premières notes du Cimetière (…) Dès les premières notes du Cimetière, le public le plus frivole, l’auditoire le plus rebelle est dompté. Jamais, depuis Schumann, la musique pour peindre la douleur, la tendresse, l’apaisement devant la nature, n’eut des traits d’une vérité aussi humaine, d’une beauté aussi absolue. Chaque note est une parole – ou un cri ! La tête légèrement renversée en arrière, la bouche mélancolique, un peu dédaigneuse, laissant s’échapper le flot rythmé de la voix la plus belle, la plus triste et la plus chaude qui fut jamais, cet « instrument de musique de génie » qui s’appelle Reynaldo Hahn étreint tous les cœurs, mouille tous les yeux, dans le frisson d’admiration qu’il propage au loin et qui nous fait trembler, nous courbe tous l’un après l’autre, dans une silencieuse et solennelle ondulation des blés, sous le vent.

(…) « Puis, tout s’éteint, flambeaux et musique de fête », et Mme Lemaire dit à ses amis : « Venez de bonne heure mardi prochain, j’ai Taomagno et Reszké. » Elle peut être tranquille. On viendra de bonne heure.

DOMINIQUE. Le Figaro, 11 mai 1903.

 

LE SALON DE LA PRINCESSE EDMOND DE POLIGNAC

(...) Souvent données dans la journée, ces fêtes étincelaient des mille lueurs que les rayons du soleil, à travers le prisme des vitrages, allumaient dans l’atelier, et c’était une chose charmante que de voir le prince conduire à sa place, qui était celle du bon juge et du soutien fervent, celle de la beauté-reine, la comtesse Greffulhe, splendide et rieuse. Au bras du prince alerte et courtois elle traversait l’atelier dans le sillage murmurant et charmé que son apparition éveillait derrière elle et, dès que la musique commençait, écoutait attentive, l’air à la fois impérieux et docile, ses beaux yeux fixés sur la mélodie entendue, pareille à « … un grand oiseau d’or qui guette au loin sa proie. »

Comtesse-de-Greffulhe par Nadar

D’une politesse exacte et charmante avec tous ses invités, on voyait la figure du prince (la plus fine que nous ayons connue) s’animer d’une joie et d’une tendresse paternelles quand entraient les deux incomparables jeunes femmes que nous ne voulons que nommer aujourd’hui, nous réservant d’en parler plus tard, devant le magnifique et naissant génie desquelles il s’émerveillait déjà : la comtesse Mathieu de Noailles et la princesse Alexandre de Caraman-Chimay. Ces deux noms, qui ont la première place dans l’admiration de tout ce qui pense aujourd’hui, riches du double prestige de la gloire littéraire et de la beauté.

(…) Ces belles heures, ces fêtes de l’élégance et de l’art reviendront. Et dans l’assistance, rien ne sera changé. Les familles La Rochefoucauld, Luynes, Ligne, Croy, Polignac, Mailly-Nesles, Noailles, Olliamson, entourent la princesse de Polignac d’une affection à laquelle la mort du prince n’a rien changé, qui s’est accrue, si l’on peut dire, d’une reconnaissance profonde pour les années de bonheur qu’elle a données au prince, lui qu’elle a si bien compris, dont elle a si affectueusement de son vivant, si pieusement depuis sa mort, réalisé les rêves artistiques.

HORATIO. Le Figaro, 6 septembre 1903.

 

LE SALON DE LA COMTESSE D’HAUSSONVILLE

(…)

Madeleine Lemaire - Après bal

En dehors des personnes que nous avons déjà nommées, on voit souvent à Coppet quelques-uns des meilleurs amis de M. et Mme d’Haussonville, leurs enfants le comte et la comtesse Le Marois, la comtesse de Maillé, le comte et la comtesse de Bonneval, leurs beaux-frères et cousins Harcourt, Fitz-James et Broglie. La princesse de Beauvau et la comtesse de Briey y venaient l’autre jour de Lausanne, ainsi que la comtesse de Pourtalès et la comtesse de Talleyrand. De temps en temps, le duc de Chartres y fait des séjours. La princesse de Brancovan, la comtesse Mathieu de Noailles, la princesse de Caraman-Chimay, la princesse de Polignac, y viennent d’Amphion. Mme de Gontaut y vient de Montreux ; la baronne Adolphe de Rothschild de Prégny. On y applaudit quelquefois la comtesse de Guerne, née Ségur. La comtesse Greffulhe s’y arrête en allant à Lucerne.

Tout le monde y admire la comtesse d’Haussonville, le merveilleux essor d’un port incomparable, que surmonte, que couronne, que « crête » pour ainsi dire, une admirable tête hautaine et douce, aux yeux bruns d’intelligence et de bonté. Chacun admire le salut magnificient dont elle accueille, plein à la fois d’affabilité et de réserve, qui penche en avant tout son corps dans un geste d’amabilité souveraine, et par une gymnastique harmonieuse dont beaucoup sont déçus, le rejette en arrière aussi loin exactement qu’il avait été projeté en avant.

HORATIO. Le Figaro, 4 janvier 1904.

Le salon de la comtesse Potocka
LE SALON DE LA COMTESSE POTOCKA

(…) Tous ses fidèles, la duchesse de Luynes douairière, Mme de Brantes, la marquise de Lubersac, la marquise de Castellane, la comtesse de Guerne, la grande cantatrice que je ne fais que citer aujourd’hui, la marquise de Ganay, la comtesse de Béarn, la comtesse de Kersaint, M. Dubois de l’Estang, le marquis du Lau, un de ces hommes de premier ordre, que les vicissitudes de la politique ont seules empêché de servir au premier rang et de briller aux premières places, le charmant duc de Luynes, le comte Mathieu de Noailles, dont le duc de Guiche vient d’exposer au Salon un portrait superbe de distinction et de vie ; le comte de Castellane (dont nous avons déjà parlé à propos du salon de Mme Madeleine Lemaire et dont nous aurons à reparler bientôt), le marquis Vittelleschi, M. Widor, enfin M. Jean Béraud dont nous avons déjà dit dans ce même salon de Mme Madeleine Lemaire la gloire, le talent, le prestige, le charme, le cœur, l’esprit – tous iraient jusqu'au bout du monde pour la retrouver parce qu’ils ne peuvent se passer d’elle.

Le portrait de la comtesse Potocka

Tout au plus, au début, lui laissèrent-ils sentir, comme elle ne paraissait pas le remarquer, qu’ils faisaient pour la voir un voyage assez difficile. « C’est très joli, lui dit le comte de La Rochefoucauld la première fois qu’il entreprit le pèlerinage. Est-ce qu’il y a quelque chose de curieux à visiter dans les environs ? » Parmi les visiteurs habituels de la comtesse, il en est un dont le nom est particulièrement aimé des lecteurs de ce journal, habitués à trouver dans ses chroniques une sorte d’opportunité philosophique, des applications saisissantes, comme dans cet article sur la manie d’écrire qui atteignait s’il ne les visait pas tant de jeunes gens du monde en mal de vocation littéraire. C’est le comte Gabriel de La Rochefoucauld. Vous avez tous vu ce grand jeune homme qui porte au front, comme deux pierres précieuses héréditaires, les clairs yeux de sa mère. Mais plutôt que de vous en parler moi-même, car ce n’est pas l’habitude ici que nos collaborateurs se louent les uns les autres, j’aime mieux citer à son sujet l’opinion d’un juge autorisé. « Il aura un extraordinaire talent, disait dernièrement M. Eugène Dufeuille ; il sera la gloire de son monde et il en sera aussi le scandale. »

(...)

Elle (la comtesse Potocka ) a connu tous les plus curieux artistes de la fin du siècle. Maupassant allait tous les jours chez elle. Barrés, Bourget, Robert de Montesquiou, Forain, Fauré, Reynaldo Hahn, Widor y vont encore. Elle fut aussi l’amie d’un philosophe connu, et si elle fut toujours bonne et fidèle à l’homme, en lui elle aimait à humilier le philosophe. Là encore je retrouve la petite nièce des Papes, voulant humilier la superbe de la raison.

(…) On comprend qu’elle puisse être bien séduisante avec sa beauté antique, sa majesté romaine, sa grâce florentine, sa politesse française et son esprit parisien.

HORATIO. Le Figaro, 13 mai 1904.

 

LA COMTESSE DE GUERNE

(…) il y a longtemps que la comtesse de Guerne a reçu ses lettres de plus grande naturalisation artistique ; et pour personne, pas plus pour les artistes que pour les gens du monde, elle n’est à aucun degré un amateur, mais une des deux ou trois plus grandes chanteuses vivantes.

la Comtesse Greffulhe et sa fille Elaine

 

Le salon de la comtesse Greffulhe...

L'article sur le salon de la comtesse Greffulhe, par Marcel Proust, hélas, n'est pas paru … Il a longtemps été considéré comme perdu...

Puis, redécouvert par Laure Hillerin lors de ses recherches pour sa biographie: ''La Comtesse de Greffulhe. L'Ombre des Guermantes ''. En explorant les archives « Je suis descendu sur une petite enveloppe bleue. Sur le recto, écrit au crayon: "article sur le suivi de Calmette". Au verso, au crayon bleu 'Soirée chez ctesse G.'. À l’intérieur, huit feuilles imprimées réunies au moyen d’un trombone, numérotées au crayon bleu. A la fin, une signature: Dominique. Mon cœur battait à tout rompre: j'avais découvert l'article inédit de Proust. »

Calmette du Figaro avait envoyé les épreuves à la Comtesse pour approbation. Apparemment, Mme Greffulhe a refusé la permission d'imprimer l'article.

Mme Greffulhe a écrit vers la fin de sa vie: « Il [Proust] m'a envoyé un portrait de moi qu'il a composé après m'avoir vu, ce qui était l'un des grands désirs de sa vie. Il m'a demandé de le lui retourner si je le trouvais bien. Mais, ayant très peur de la publicité à cause de mon mari, je l'ai caché à Bois-Boudran. Hélas! Est-il perdu? »

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1900 – L'occultisme et la théosophie

Publié le par Perceval

Helena_Blavatsky

Revenons à la Théosophie, à ne pas lier forcément à la Société théosophique, fondée elle, en 1875, lors de la fondation en Amérique de la Société théosophique par Helena Petrovna Blavatsky et le colonel Olcott. Nous y reviendrons....

 

Le principe de la Théosophie chrétienne, pourrait remonter à Jacob Boehme ( allemand, XVIIe siècle)...

Mais ce que, Anne-Laure de Sallembier, en ces années 1900, retient : c'est l'enseignement d'une expérience de Dieu, intuitive, analogique ( le jeu des correspondances ) et symbolique. La théosophie aide à répondre aux questions existentielles ( pourquoi le monde, le mal, la mort … ?). L'idée de Nature, englobe le divin, l'humanité et l'univers... Tout le visible est le miroir de l'invisible, il peut être compris et vécu comme une expérience mystique...

L'aspect mythique de la révélation chrétienne est privilégié ; et les aspects dogmatique et clérical de la religion sont rejetés... L'aller-retour entre la raison, et l'expérience personnelle est privilégié. La science est valorisée, mais reste insuffisante pour modéliser la réalité...

Annie Besant

 

Pour ce qui est de la Société théosophique, la successeure de Mme Blavatski, Annie Besant (1847-1933), est une authentique militante socialiste féministe. Elle va tenter de promouvoir, dans l’esprit prophétique du début du siècle, un nouveau Messie instructeur de l’humanité... Ce rôle fut confié à un jeune Indien Jiddu Krishnamurti (1896-1986) qui rejeta finalement cette lourde charge comme l’avait fait Claire Bazard choisie par les saint-simoniens comme Femme-Messie en 1832.

 

En Allemagne, Franz Hartmann (1838-1912),un médecin allemand, franc-maçon, théosophe, martiniste, occultiste, géomancien, astrologue et auteur d'ouvrages ésotériques ; fonde une société théosophique allemande, et en 1906, est membre fondateur, de l'Ordo Templi Orientis (O.T.O.).

Rudolf Steiner-Berlin-1900

En France, c'est Lady Caithness (1830-1895), amie de H.P. Blavatski ( qui était plutôt ouverte aux spiritualités orientales), qui prend la tête d’une théosophie chrétienne, et donc scissionnaire, en profitant du passage par son salon de la quasi-totalité du monde occultiste parisien. La question du christianisme provoquera également la rupture de Rudolph Steiner (1861-1925) dans le monde germanophone à la veille de la guerre, soucieux d’intégrer l’acquis traditionnel occidental dans sa démarche d’acculturation de l’ésotérisme au monde moderne.

Même problématique :

Joséphin Péladan (1858-1918) affirme rester catholique, et s'oppose à Stanislas de Guaita (1861-1897 à 36ans) chrétien, mais à l'esprit éclectique ( christianisme, bouddhisme, spiritisme …) Tous deux avaient fondé l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix, dont fit aussitôt partie Papus ( passé pat la Théosophie) … Tous les jeudis soirs, les ''gnostiques'' se réunissent avenue Trudaine chez Stanislas de Guaïta. En collaboration avec son secrétaire et ami Oswald Wirth, Stanislas de Guaita réalise un Tarot...

René Guénon - le premier, au second rang en partant de la gauche, portant un sautoir maçonnique, à sa gauche, Amélie Gédalge (1865-1931) de la Maçonnerie mixte du « Droit humain » et à la gauche de celle-ci, Marie Martin (1848-1914), l’épouse du Dr Georges Martin, le fondateur du « Droit Humain. » À l’autre extrémité du second rang, en noir, Victor Blanchard (1877-1953). Au premier rang, en partant de la gauche : Albert Jounet (1863-1923), Theodor Reuss (Peregrinus) (1879-1923), Dr Gérard Encausse (Papus ; 1865-1916) et Charles Détré (Téder) (1855-1918). Debout, l’orateur est Georges Descormier (Phaneg) (1866-1945) et à sa gauche se trouve le Dr Fernand Rozier (1839-1922). (Le Monde illustré, juin 1908)

Gérard Encausse, dit Papus, (1866-1916) est l'un des grands animateurs de la vie occultiste parisienne pendant la Belle Epoque. Papus avait fait des études de médecine et comptait nombre de médecins dans ses proches amis et disciples. il décédera en 1916, ''victime d'un envoûtement''... ou d'une tuberculose … Les amis de Papus se réunissaient au siège de la Librairie du Merveilleux, 29 rue de Trévise.

En 1909, la '' Librairie du Merveilleux'' est au 76, rue de Rennes, à Paris, et elle est tenue par Pierre Dujols (1862-1926) et sa conjointe Mademoiselle Charton ( bretonne, née en 1868) , devenue son épouse en 1887... Elle aime à faire sa prière le soir en regardant le coucher du soleil. Elle est décrite par Mme Dubois comme ayant des dons de clairvoyance, faisant des rêves prémonitoires, lisant les lignes de la main et dans les cartes.

Ici, Anne-Laure de Sallembier, a pu croiser: Joris-Karl Huysmans, l'abbé Mugnier, l'artisan de la conversion de J. K. Huysmans, la cantatrice Emma Calvé, Paul Sédir, Paul Adam, Victor-Emile Michelet, Stanislas de Guaïta, Josephin Péladan, Charles Maurras, Villiers de l'Isle-Adam, Maurice Barrès, Catulle Mendès ( l'ex-mari de Judith Gautier) , Augusta Holmès ( maîtresse et compagne de Catulle M.), Victorien Sardou, et même le sceptique Anatole France... Et aussi, anecdotiquement, Mademoiselle Sarah Bernhardt...

Beaucoup de ces personnes, peuvent aussi se retrouver à ''La librairie de l'Art indépendant'', d'Edouard Bailly... Haut lieu de l'ésotérisme parisien...

Même si, Huysmans et Jules Bois vont s’opposer fermement à Papus et à Guaïta.

Emma Calvé

Judith Gautier, regrette et s'écarte des excès de Péladan, Guaïta, Papus, Paul Adam, Léon Bloy, Jules Bois, Huysmans, l'abbé Boullanet quelques autres, luttant à grand renfort d'anathèmes, de maléfices fluidiques, envoûtements, exorcismes, jusqu'au duel à l'épée ou au pistolet … !

Parmi les femmes plus rares dans ce monde d'hommes ; on remarque :

Emma Calvé, cantatrice, maîtresse de Jules Bois qui fut le grand ami de Maurice Leblanc. Emma Calvé était la meilleure amie de Georgette Leblanc...

''On'' dit, comme la légende ..., qu'elle aurait été en relation avec le fameux abbé Saunière, curé de Rennes-le-Château qui dépensa une fortune, d'origine inconnue...

 

G Leblanc et Maurice MAETERLINCK 1909
Augusta Holmès

 

 

 

 

 

Augusta Holmès (1847-1903), égérie et véritable compagne de Catulle Mendès, est compositrice.

Vers 1869 elle devient la compagne de Catulle Mendès (1841-1919), écrivain prolifique très en vogue, directeur de journaux littéraires, actif dans le mouvement poétique dit du «Parnasse». Catule Mendès est marié avec Judith Gautier (la fille du poète Théophile Gautier) depuis 1866... Raphaël, le premier enfant d'Augusta Holmès et de Catulle Mendès naît en mai 1870.

Augusta Holmès dans son salon, 52 rue de Rome.

Elle gagne les milieux parisiens vers 1870, se distingue par la ferveur qu'elle porte à la musique de Wagner, fait une forte impression et devient rapidement une célébrité. Pougin la décrit comme une jeune femme d'une beauté rayonnante, à l'opulente chevelure blonde, au regard clair, perçant et assuré, à l'allure fière et décidée. Elle fera l'admiration de Liszt, Wagner, Gounod et de Saint-Saëns dont elle repousse une demande en mariage tout en liant avec lui une amitié durable.

En 1899, elle prend le parti réactionnaire de Déroulèdes et prend cause pour les «anti-dreyfusards».

Son salon est témoin d'étonnantes expériences occultes: racontées dans ''L'au-delà et les forces inconnues'' de Jules Bois... Enfin, elle se convertit au catholicisme et prend pour prénom Patricia.

Sources : de Agnès de Noblet : ''UN UNIVERS D'ARTISTES Autour de Théophile et de Judith Gautier'' - dictionnaire – L'Harmattan 2003

Laure de Sallembier, par l’influence de Rudolf Steiner , s'est démarquée de « l'occultisme non scientifique » ; et garde du mot ''occulte'' un synonyme à ''initiatique''. Pour elle l'anthroposophie est une connaissance spirituelle de l’Évolution, qui relie l'être humain aux autres êtres vivants...

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1900 – L'occultisme - Lady Caithness (3)

Publié le par Perceval

Anne-Laure de Sallembier, n'a pas pu rencontrer Lady Caithness ; mais elle en a entendu beaucoup parler; et en particulier par Judith Gautier et par Camille Flammarion...

Son grand-père, Charles-Louis avait rencontré chez Balzac, la toute jeune épouse du Comte de Medina Pomar ; elle évoquait déjà certaines expériences occultes …

Son hôtel particulier, au 124 rue de Wagram

C'est ICI 

http://perceval.over-blog.net/2019/05/balzac-et-catherine-de-medicis.html

 

Bien plus tard, à Paris, Lady Caithness reçoit chez elle - tous les mercredis du printemps à l'automne - et invite des intervenants sous forme de conférences, comme le médecin Charles Richet (1850-1935), élève de Charcot et analyste des phénomènes parapsychologiques ( futur lauréat du prix Nobel) , l'astronome Camille Flammarion (1842-1925), le spirite Léon Denis (1846-1927) ou Annie Besant (1847-1933), future présidente de la Société théosophique.

Lady Caithness, duchesse de Pomar.

«Réunion des plus élégantes hier, chez la duchesse de Pomar, pour entendre la conférence de Léon Denis sur la doctrine spirite. D'une éloquence très littéraire, l'orateur a su charmer son nombreux auditoire en lui parlant de la destinée de l'âme qui peut, dit-il, se réincarner ici-bas jusqu'à épuration parfaite.(...) » 7 juin 1893 - Article de Journal...

Voici un programme, joint avec une carte de visite...

18 Avril 1894 - M. Camille Flammarion : Les étoiles et l'infini. 
26 Avril - M. le Professeur Bonnet-Maury : Le Congrès des religions à Chicago. 
2 Mai - Mme Hardinge Britten : Le spiritualisme moderne (en anglais). 
9 Mai - M. le Professeur Ch. Richet : La Paix internationale. 
18 Mai - M. Victor du Bled : La femme au XVIII° siècle. 
23 Mai - M. Léon Denis : Le Problème de la vie et de la destinée. 
30 Mai - M. l'abbé Petit : L'Esprit nouveau. 

Camille Flammarion

Le Journal parisien l’Événement, du 21 mars 1895 : «Orateur littéraire, armé d'une ardente conviction, Léon Denis a su vite conquérir l'auditoire mondain qui se pressait dans la salle des fêtes de l'hôtel de Pomar, et c'était un plaisir de voir cet essaim de belles dames de l'aristocratie parisienne, amusées au début par quelques pensées frivoles, modifiant peu à peu l'expression de leurs regards pour devenir graves et montrer une attentive fixité »

Lady Caithness soutient financièrement la branche française de la Society for Psychical Research Society chargée d'étudier les phénomènes paranormaux... Elle compte parmi ses membres des personnalités aussi diverses qu'Arthur Conan Doyle, Henri Bergson, Camille Flammarion, le chimiste William Crookes et le naturaliste Alfred Russel Wallace.

Voici le témoignage de la jeune Alexandra David-Néel :

«Elle habitait un très vaste et somptueux hôtel, remarquable par un escalier monumental en marbre rose. La maîtresse du logis recevait dans une chambre à coucher dont le plafond peint représentait le Cercle de l'étoile, c'est à dire plusieurs centaines de figures de bienheureux et d'anges disposés en rangées concentriques autour d'une étoile d'or.(...) Le jour de la maîtresse de maison l'on discutait dans cette chambre de théories occultes et de recettes d'alchimie mais, surtout de l'évocation des Esprits. La duchesse et ceux qu'elle recevait étaient tous des adeptes du spiritisme.» 

Le salon de Camille Flammarion lors d’une séance de spiritisme, à Paris en 1898.

Lors de ces séances, l'exploratrice croise Camille Flammarion, attablé avec une douzaine d'autres personnes dans la chapelle faiblement éclairée. « Les Esprits qui se manifestent dans des séances des spirites sont des élémentaires, des âmes désincarnées plus ou moins longtemps conscientes. Elles sont plus ou moins intelligentes, souvent hébétées aussi, par l'état inconfortable que leur créent leur manque d'enveloppe matérielle et l'impossibilité où elles se trouvent, faute d'organes sensoriels, de participer encore à l'activité du monde auquel elles ont appartenu. Ces élémentaires cherchent activement les occasions de se réincarner et de nouer avec les vivants des relations propres à leur faciliter cette réincarnation. Or, à défaut de celle-ci, ces entités tendent à occuper temporairement les individus incapables de s'opposer à leur emprise ou ceux qui la subissent volontairement. De là, les phénomènes de possession et de médiumnité...»

James Sinclair, 14ème comte de Caithness

 

L’intérêt d'Anne-Laure s'est portée, également, sur la période où elle vécut en Ecosse... Elle a épousé James Sinclair, le 14ème comte de Caithness, le 6 mars 1872.

Une nuit, alors qu'elle dormait dans un château de Caithness (le château de Thurso) , elle eut un songe qui lui enjoignait de se rendre immédiatement à la chapelle du château royal de Holyrood... Ce qu'elle fit... Elle vécut cette nuit là, une expérience médiumnique avec Mary Stuart... Expériences qui se reproduiront...

 

Holyrood Abbey, a été envisagée en 1906, comme chapelle pour les Chevaliers du Chardon -

Un 24 juin 1314, à Bannockburn, Robert Bruce roi d'Ecosse battait Edouard II roi d'Angleterre, gendre de Philippe IV le Bel. En ce jour de victoire il institua l'Ordre de Saint-André du Chardon d'Ecosse, en l'honneur du saint patron de l'Ecosse, en y insérant les Templiers écossais qui avaient participé à la bataille et qui n'avaient plus de nom depuis la destruction de leur Ordre. Il cessa d'exister après la mort de Marie Stuart: tombé dans le silence, le secret, cet Ordre fut réveillé par Jacques VI d'Ecosse, fils de la reine Marie Stuart et de son époux et cousin Henri Stuart de Lennox, seigneur de Darnley. De nouveau tombé dans l'oubli, le secret et le silence, il fut réveillé une troisième fois (1687) à Saint-Germain-en-Laye par son petit-fils Jacques VII d'Ecosse, roi d'Angleterre ( sous le nom de Jacques II), d'Ecosse et d'Irlande... La reine Anne le reconstitua en 1703, et, vingt ans plus tard, le roi Georges 1er le confirma solennellement et en modifia les statuts.

Ordre du Chardon

Cet ordre se compose aujourd'hui d'une seule classe de membres, portant tous le titre de chevaliers. Il est destiné à récompenser le mérite et les services de la noblesse d'Ecosse.

“Qui s’y frotte, s’y pique''...

Une superstition populaire voyait en lui un don du Diable. Néanmoins, le chardon évoque aussi l'amour et le labeur qui résistent aux épreuves et aux souffrances. Il est associé aux amours terrestres d'Aphrodite ainsi qu'à l'amour miséricordieux de la Vierge Marie. On lui a également attribué des vertus curatives, de purification et de longévité. En Écosse, dont il est l'emblème national, le chardon est célébré dans une légende du Xe siècle : espérant attaquer furtivement le château de Staines, les envahisseurs vikings ôtèrent leurs bottes ; les Écossais avaient rempli les douves asséchés de chardons et furent avertis par les cris de douleur de l'ennemi (Heilmeyer). Faisant jaillir une belle fleur hors d'une tige rêche, les racines du chardon auraient la propriété de dissiper la mélancolie."

 

Le peintre ''allemand'' Albrecht Dürer, peintre, mais aussi féru de mathématiques, représente dans ses tableaux de nombreux symboles : compas, la pierre taillée, le sablier, l’échelle, le triangle lumineux. Dans un célèbre autoportrait, Dürer se représente tenant à la main un chardon, selon les uns il représente la fidélité : le chardon gage de son amour pour sa femme ( que l'on dira ensuite très revêche...!) et pour d'autres ce serait le symbole de l’initiation. Le chardon est la fleur du soleil, c’est l’image de la vertu cachée protégée par ses piquants....

 

Selon les légendes qui courent ici, il y aurait un lien entre l'abbaye de Holyrood et la chapelle de Rosslyn... Nous sommes alors en 1545-46, la régente d'Ecosse et Sir William Sinclair de Roslin (petit-fils du fondateur de la chapelle Rosslyn), signent un accord dans lequel il est écrit : « et le secret confié à nous, nous le garderons... ». Cela concernerait un ''trésor'', celui de Holyrood, caché par les Sinclair sous les voûtes souterraines de la célèbre chapelle Rosslyn...

Holyrood abbey inside

Ce trésor contenait sans doute des reliques : '' le fragment de la Vraie Croix, dans son reliquaire en argent, en or et en bijoux; le Crucifix sacré ou noir de l'Écosse, qui a été maintenu pendant cinq siècles comme le symbole sacré le plus précieux de la nation par le premier saint-clair-écossais, l'échanson de la reine Marguerite et de la famille St. Clair. "

 

La chapelle de Rosslyn nécessita quarante années de travaux, et fut achevée en 1486, soit 6 ans après le décès de son créateur William Sinclair (11th baron), qui y fut enterré.

Son père, Sir Oliver St Clair, douzième baron de Rosslyn, avait poursuivi les travaux de construction de la chapelle Rosslyn et avait quatre enfants, dont deux évêques - Henry et John -, qui officièrent lors du mariage entre Marie, reine d'Écosse, et Henry Stuart, lord Darnley, dans l'église de Holyrood le 29 juillet 1565. Il convient également de noter que le XIVe baron de Rosslyn, également appelé William, fut nommé président de la Cour suprême d'Écosse par la reine Marie en 1559.

Plusieurs Sinclair ont été enterrés dans l'abbaye …

A Lire : sur la chapelle de Rosslyn : ICI :

http://perceval.over-blog.net/2018/03/comment-j.l.de-la-bermondie-retrouve-les-templiers-au-xviiie-siecle.7.html

 

Lady Caithness a décrit son expérience avec Mary Stuart dans une brochure intitulée A midnight visit to Holyrood (1884) .. A la suite de quoi Lady Caithness a décidé de vouer sa vie à la spiritualité, comme il le lui avait été demandé : « (…) tu as été choisie (…) parce que tu as une nature complète et bien équilibrée qui te permet de voir et de comprendre tous les côtés de la vérité. » .

Lady Caithness décède à Paris le 2 novembre 1895. Elle sera inhumée à Holyrood..

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1900 – L'occultisme - Lady Caithness (2)

Publié le par Perceval

Le Jardin des Hespérides, décor de Ker-Xavier Roussel (1867-1944)

Le Jardin des Hespérides, décor de Ker-Xavier Roussel (1867-1944)

Examinons ''L'Ouverture des Sceaux (1893)''. Il s'agit de l'un des derniers ouvrages de Lady Caithness, qui mourra seulement deux ans après sa publication. Le noyau du livre consiste en un travail d'exégèse des trois premiers chapitres de la Genèse. Pour Lady Caithness, la Bible est un « ''livre scientifique '', dont les mystères peuvent être aussi facilement compris qu'une proposition en mathématique, en mécanique ou en chimie »... ( Ce livre semble s'apparenter à une série de communications avec des entités spirituelles... )

Dans un chapitre, il est question de la chute d'Adam et de sa punition, à savoir la sortie du jardin d'Eden : l'auteure commence à considérer la description du jardin et des quatre fleuves qui sont censés l'arroser, il ne s'agit pas d' un lieu géographique ; mais d'un lieu ''physiologique''. Selon Lady Caithness, le jardin d'Eden est en effet le corps humain même, et plus particulièrement le corps de la femme. Pour elle le corps humain est « le temple de Dieu », « la merveille, la couronne des œuvres magnifiques de Dieu; il est son image a Lui, et lorsqu'il sera devenu parfait ce sera le lieu ou Il habitera ». Et, il est intéressant de noter que, dans ce jardin qu'est le corps, une attention spéciale est attribuée aux organes de la reproduction. En effet Lady Caithness regrette que le corps soit aujourd'hui « considéré comme une chose honteuse, et ses parties les plus indispensables [soient] estimées les plus vulgaires, et méprisables ». Mais en réalité, « aux yeux du Créateur, la génération dans l'homme est ( ... ) une fonction supérieure et divine. Le système créateur est un sanctuaire dans lequel s'accomplissent ses intentions les plus élevées »

Si les organes sexuels ne représentent rien d'impur, c'est « l'usage pervers que l'homme en a fait» qui les a rabaissés.

Hilda Elisabeth Keyser (1851–1898)- L’expulsion du jardin d'Eden

Le chapitre se poursuit avec une exégèse originale, identifiant les quatre fleuves du jardin d'Eden aux quatre fonctions corporelles, liées à la circulation des fluides :

• Le premier fleuve, Pischon, est celui de la nutrition du corps par le biais du sang, qui circule dans tout le système. Ensuite il y a Guihon, le fleuve qui représente les excréments qui courent par la voie des intestins. Le troisième fleuve est Heddekel, qui « débarrasse le système d'une autre classe d’impuretés par le moyen des reins ». Il s'agit évidemment de l' urine. Finalement, le quatrième et dernier fleuve, l'Euphrate, est celui « qui rend fertile, qui coule a travers le système reproducteur ». Puisqu'il est question ici particulièrement du corps de la femme, il doit s' agir des eaux du ventre de la femme enceinte, mais aussi du sang de ses règles.

Mystère - Lucien Lévy-Dhurmer

 

Ensuite, les propos de Lady Caithness, restent obscurs : elle évoque un « baume en Galaad », et une « source d'eau vive » qui serait capable de régénérer les corps humain …

« Qui donc empêchera ceux qui savent ces choses de les proclamer? [ ... ]Qui dira aux vieillards [ ... ) qu'il y a un baume en Galaad capable de leur rendre la jeunesse et la force, et de les sauver de la mort en les introduisant dans le royaume des fils de Dieu? A la race malade et maudite, qu'il y a une source d' eau vive qui peut la guérir, si seulement elle veut en boire, qui apaisera l'enfer ardent dont elle souffre; qu'il y a un pays ou coule le lait et le miel, un arbre et une rivière de vie pour satisfaire tous les besoins humains? Qui osera dire cela? Et cependant ce sont justement ces choses que chaque âme vivante peut obtenir, car Dieu les a mises a sa portée. Le royaume des cieux est en tous, et il n'y a qu'à le chercher pour le trouver et en jouir. »

The lovers by Fidus (1868-1948)

Certains lecteurs font références à ces passages, pour parler de '' magie sexuelle''

« [ ... ] le mystère de Dieu qui est cache en Christ et scellé dans la Bible[ ... ) est le chemin par lequel les forces créatrices dans l'homme et dans la femme, forces qui furet perverties à l’époque de la Chute, doivent être utilisées et devenir l’élixir de la vie, au lieu d’être ce qu'elles sont maintenant, la malédiction de la mort. »

Ces « forces créatrices dans l'homme et dans la femme » pourraient être les forces de la sexualité?

 

Lady Caithness semble croire que le moment n' est pas encore venu pour révéler ouvertement au monde ce ''mystère''. Pour elle il semblerait que le sexe tel qu'il est pratiqué n'ait pas grand chose à voir avec celui-ci. La sexualité vécue alors est effectivement une souillure du corps, et, pour l'instant, il est nécessaire de souligner l'importance de « relations pures ». Malheureusement, Lady Caithness n' explique pas ce qu' elle entend par cette expression...

Fidus. Peintre allemand. Époque Art Nouveau.

Elle ajoute qu'il ne faut pas craindre que cette nouvelle sexualité puisse être moins satisfaisante, même sur le plan strictement sensuel, que l'autre. A ce propos, elle aborde aussi explicitement, dans des termes seulement un peu voilés, mais évidemment courants a son époque, la question de l'orgasme:

« Nous n'avons pas l'intention de dire que la relation entre les sexes, telle qu' elle doit exister, priverait l'un ou l'autre du bonheur qui peut-être senti par le cœur dans l'union a travers les sens. Non! au contraire ce bonheur sera augmenté au delà de tout ce que l'on peut imaginer. » •

Puis, elle ajoute une remarque adressé plus particulièrement aux hommes, qui n'imaginent pas quelle sera la qualité des orgasmes après la venue du Jour Nouveau:

« Oh! si les hommes pouvaient comprendre cela, et voir que, même au point de vue matériel et égoïste, ils auraient tout intérêt a aspirer à la nouvelle naissance. »

 

Ce discours sur la sexualité, est d'autant plus étonnant, qu'il est porté – à cette époque – par une femme … Discours original, même dans la mouvance théosophique.

Une autre exception intéressante, de ce point de vue, est le point de vue d'Ida Craddock, contemporaine de Lady Caithness, qui développe une extraordinaire doctrine de sexualité mystique sur la base de communications qui lui auraient été faites par une entité angélique. Dans ces enseignements, peut-être influencés par les écrits de P.B. Randolph, Ida Craddock donne une grande importance a la question de la jouissance féminine comme clé du bonheur conjugal.

 

A noter, peut-être, que le fait d'envisager une source que l'on prétend autre que soi - ici des ''entités'' permet un discours sur la sexualité plus radical et qui transgresse des normes sociales...

 

Enfin, cette nouvelle vision du corps qui prend forme au sein de la mouvance occultiste, pourrait être rapprochée du courant allemand de la Lebensreform : un mouvement de réforme en Allemagne et en Suisse à la fin du XIXᵉ siècle et début du XXe.. principalement critique de l'urbanisation et de l'industrialisation avec son slogan du « retour à la nature ».

Sources : EXEGESE ET SEXUALITE: L'OCCULTISME OUBLIE DE LADY CAITHNESS par Marco PASI ( agrégé d'histoire de la philosophie hermétique et des courants associés à l'Université d'Amsterdam )

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1900 – L'occultisme - Lady Caithness (1)

Publié le par Perceval

Beaucoup de femmes trouvent de l'intérêt à la mouvance théosophique, quant à leur ''émancipation '' dans la société et aussi, pour celles qui y accèdent, pour leur sexualité.

En effet, ''On'' considérait que le corps féminin était un obstacle au développement spirituel .. ! Et des femmes, comme Lady Caithness, développent un discours différent...

María Estuardo duchesse de Pomar par Winterhalter

Lady Caithness, présidente de la société théosophique de Paris, est née Maria Mariategui en 1830 a Londres, de père espagnol et mère anglaise (catholique), les deux appartenant a des familles de la haute aristocratie... Elle se marie en 1853, avec le comte de Medina Pomar. Elle est veuve en 1868, et commence à s'intéresser au spiritisme...

En 1872 elle se marie en secondes noces avec James Sinclair, comte de Caithness, appartenant a l'une des familles les plus anciennes, et riches, de l'Ecosse. Elle publie alors '' Old Truths in a New Light,'' sa vision personnelle de la tradition occulte.

En 1877 se produit l’événement de de sa vie spirituelle: elle reçoit dans son domaine de Holyrood, en Ecosse, une révélation provenant de l'esprit désincarné de Mary Stuart (1542-1587). Elle reçoit alors des communications par la voie mediumnique – de Mary Stuart – des années durant...

Portée par les idées féministes qui circulent dans les milieux spiritualistes ; vers 1879, elle s'éloigne de son mari, et s'installe a Paris... Son mari meurt en 1881, la laissant héritière de son patrimoine : femme libre et riche …

Mary Stuart

 

Elle se lie en particulier avec Anna Kingsford ( 1846-1887) et Edward Maitland (1824-1897), qui font des longs séjours chez elle tant a Paris qu'a Nice. Des séances spirites se tiennent régulièrement chez elle ...

Entre 1883 et 1884 elle fonde la ''Société Théosophique d'Orient et d'Occident '', une branche française de la Société Théosophique de Mme Blavatsky.

Lady Caithness va mourir d' une crise d' asthme en 1895, a 1'âge de soixante-cinq ans. Son corps est inhumé avec des funérailles catholiques.

Ci-dessous: Un message de Marie, reine d'Écosse, avec son monogramme.

 

Examinons, à présent, quelques aspects de la pensée de Lady Caithness :

- Pointons l'importance pour elle du thème de la réincarnation ( alors qu'elle tient à rester dans le christianisme...)... Elle va tenter de contrecarrer l'aspect antichrétien de l’œuvre de Mme Blavatsky. A noter que, parmi les participants à ses soirées mondaines il y avait aussi un bon nombre de prélats et d'hommes d’Église...

- Un autre aspect important est celui du messianisme. Un messianisme féminin : les signes d'une ''fin des temps'' sont là : une nouvelle ère commence, et la femme jouer un rôle important...

Fujita - 1918

La société théosophique ouvre ses portes à de grandes figures féminines comme Emma Hardinge Britten, Mme Blavatsky , Anna Kingsford... Même si ces femmes se lient toujours à des personnalités masculines. Lady Caithness, elle, semble être en mesure d'affirmer son indépendance totale,surtout après la mort de son deuxième mari. A partir de ce moment elle est une femme déterminée, indépendante, riche, qui profite de sa position dans la haute société cosmopolite de son temps, et ne semble pas avoir besoin de l'appui d'un homme pour légitimer ses intérêts ou ses activités.

La Femme ou Principe féminin est au centre de sa pensée. Elle questionne l’idée que Dieu est Père et par là-même donne à la Femme une dimension spirituelle de premier ordre.

 

Le '' féminisme ' de Lady Caithness se manifeste surtout dans sa manière de lire les textes sacrés, et dans sa tentative de mettre en cause les interprétations théologiques traditionnelles, qui n'auraient pas attribué à la femme le rôle prééminent qui lui revenait. L'aspect féminin de la Divinité a été trop longtemps ignorés par les théologiens.

Alexandre Séon, "La Pensée", vers 1900

Pour ce qui est de la dimension sexuelle, certains membres de la mouvance ''occultiste'', y compris Mme Blavatsky et Anna Kingsford, défendent la valeur spirituelle de l'abstinence sexuelle, même à l'intérieur du mariage... Pour beaucoup de femmes, à cette époque, elles aspirent plus à une ''liberté du sexe', qu'à une ''liberté sexuelle'' … L'abstinence n'étant pas justifiée par des considérations de type moral, mais plus sur un discours qui porte sur la sublimation des énergies sexuelles, dirigée surtout sur le corps masculin...

 

Sa référence fondamentale reste la Bible. Son christianisme fait du Christ une figure universelle. Le Christ est l'un des grands maîtres de l’humanité, ainsi qu'un principe cosmique. Son lien avec le Jésus historique est de plus en plus tenu. La lecture et l’exégèse de la Bible sont de nature symbolique, et rappellent par bien des aspects l'approche de Swedenborg, qui reste une influence fondamentale de la mouvance spirite et de l’ésotérisme du XIXe siècle, particulièrement en France. Le sens littéral n'est que le sens exotérique du texte sacré, alors que son sens ésotérique n'est accessible qu'aux ''chercheurs'' ( volonté + grâce )...

La Bible n'est pas un livre d'Histoire ; dans le sens de la succession d’événements concrets qui mènent, de la chute d'Adam au pacte de l'Alliance de Dieu avec le peuple élu, puis a l'incarnation historiquement située de Dieu dans la chair d'un homme.

La Bible nous parle en revanche, par le biais de '' figures '', de l’évolution de l'âme sur son parcours vers l'illumination divine. Les personnages mêmes de la Bible représentent des stades, des passages, de ce chemin vers la perfection.

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