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Lancelot de Fléchigné -4- Cambridge - Russell
A Cambridge, Lancelot suit des cours pour approfondir la langue anglaise, comme de nombreux étrangers.
Il a tardé pour contacter Bertrand Russell, comme le lui avait recommandé sa mère ; étant donné la popularité du personnage, ici... Finalement, il ose se présenter, et s'en voit récompensé, devant l'empressement de Russell pour l'inviter chez lui...
Il est de notoriété, ici, que Russell sort de prison, pour son action pacifiste. Russell en est très satisfait, cela lui a permis de lire et d'écrire son livre '' Introduction à la philosophie mathématique ''.
Une jeune femme, Dora, a rejoint Russell. Elle est féministe et matérialiste. Russell lui raconte les passionnantes discussions qu'il eut avant guerre avec Anne-Laure et J.B, les parents de Lancelot... Il se rappelle bien : « un beau couple uni, une sorte d'identité double, et fait de distinction simplifiée bien française ».. ! Selon les mots mêmes de Russell ; qui s'en amuse fort.... Mais, il exprime avec tristesse et révolte sa haine de la guerre, quand il apprend la mort de J.B. ….
Russell n'est pas surpris de savoir les raisons du choix de sa mère de l'appeler Lancelot... Mais, il l'est de se rendre compte à quel point le jeune homme est attaché à ce qu'il nomme ''La Quête''... Il se souvient de l'attachement d'Anne-Laure au concept du divin....
- J'examine les raisons qui pourraient appuyer ce concept, et je n'en vois pas... ! Du moins aucune ne me semble logiquement valide...
- Et des raisons pratiques, psychologiques … ?
- Il ne peut pas y avoir de raison pratique de croire en ce qui n'est pas vrai... ! Une chose est vrai, ou elle ne l'est pas !
- Mais, si on doute... ? Cette chose peut être, du moins, ''utile''... ?
- Oh...! On suspend son jugement... Croire en quelque chose, parce que c'est utile, me semble fondamentalement malhonnête... ! De plus, la plupart du temps, les règles dites utiles sont fausses, et font plus de mal que de bien … Ce qui nous est imposé, n'a aucune valeur... Et vous qu'en pensez-vous... ?
- Oui, si des règles, nous sont imposées, et que nous n'en voyons pas le sens ; elles sont peut-être fausses … Mais, à mon avis, une chose vraie, n'est pas une croyance ; elle est un savoir... Et, notre esprit ne peut pas se satisfaire seulement de connaissance qui ne seraient que des savoirs... Notre esprit nous appelle à imaginer, à expérimenter dans notre vie des intuitions, et même des raisonnements qui ne nous conduisent pas seulement qu'à des savoirs...
- Pourquoi... ?
- Mais parce que nous sommes limités aux conditions de notre existence... S'il y a un ''au-delà'', il ..
- La vie après la mort, n'a pas de sens... !
- '' L'au-delà'' ne fait pas partie de notre ''existence'', puisqu'il n'est pas créé... Il est ''tout-autre''... ?
- Bref.. ! Vous ne pouvez rien en dire !
- Non …. Pourtant les humains, n'ont jamais cessé de l'évoquer ….
- Et ce Graal, dont parlait votre mère... ?
- Nous n'imaginons en aucune façon trouver un graal... Pourtant, ma mère, mon grand-père, et beaucoup d'autres, ont pris et prennent le chemin de la Quête du Graal … !
- Vous aviez, je crois, avant la Révolution déjà, un ancêtre franc-maçon... ? Dora a étudié sérieusement le XVIIIe siècle Français...
Et à présent elle et Russell rêvent d'aller visiter la Russie soviétique, se faire une idée de la révolution bolchevique... Peut-être rencontrer Lénine … ?
Présentement Dora invite Lancelot à suivre des conférences à la ''Société Hérétique'' fondée en 1909 à Cambridge... Plusieurs membres de Bloomsbury y ont participé. Cette société anticonformiste est ouverte aux femmes ; elle s'interroge en particulier sur l'avenir de la Religion, et les règles et restrictions qu'imposent les religions... Son président en est Charles Ogden (1889-1957) ; et ce philosophe, linguiste va tenter de convaincre Lancelot, d'une méthode d'apprentissage de l'anglais, qu'il met au point, et destinée à promouvoir un ''anglais de base'', « un sous-ensemble simplifié de l’anglais ordinaire » qui deviendrait la langue internationale...
Si de nombreuses sociétés, et multiples associations prospèrent à Cambridge, il en est une à laquelle Lancelot aurait bien voulu adhérer: l' ''A.N.O.M.'' l'association de ceux qui n'ont pas de mission, en sont exclus tous ceux qui se croient indispensables. La fondatrice de cette société est une française : Maryse Choisy, une bien agréable personne, qui vient de Saint-Jean-de-Luz et a grandi dans le château de sa tante, la comtesse Anna de Brémont. Elle étudie la philosophie, et Bertrand Russell est l'un de ses professeurs.
A Cambridge, tout le monde peut parler de Ramanujan (1887-1920), un mathématicien indien autodidacte. Découvert par Godfrey Harold Hardy (1877-1947) et associé avec le Groupe Bloomsbury et les Cambridge Apostles...
Les mathématiciens, ici, sont stupéfiés par l'originalité des formules qu'il présente, alors qu'il ne peut pas toutes les démontrer ; pourtant elles vont s'avérer exactes et démontrées plus tard … Il a beaucoup travaillé sur des constantes telles que π et e, les nombres premiers ou encore la fonction partition d'un entier... En 1918, il fut élu ''Fellow of Trinity College'' pour ses recherches sur les fonctions elliptiques et la théorie des nombres.
Il vient de passer cinq ans à Cambridge ; mais il est malade, et souhaite repartir en Inde...
Grâce à l'entremise de Russell, Lancelot peut approcher le génie...
Ramanujan, à l'opposé de son soutien et ami G.H. Hardy, est un mystique... pour lui, une équation qui a du sens, exprime une pensée de Dieu.
Il a appris seul, sans formation formelle. Sans papier, alors, il imaginait ''de tête'', et progressait en écrivant sur le sol...
Véritablement obsédé par les fractions, les séries divergentes, les intégrales elliptiques et les séries hypergéométriques, Ramanujan se désespéra de ne pas obtenir la reconnaissance de mathématiciens. En 1913, il envoie une lettre à G.H Hardy à Cambridge, et cela allait changer leur vie, à tous deux...
Quand on l'interroge sur sa manière d'arriver à établir une équation, il répond « C’était la déesse Namagiri, qui m'est apparu dans mon rêve et m’a aidé à résoudre ce problème... »
Hardy, dut apprendre à son protégé certaines connaissances bien établies en mathématiques, mais il reconnaît qu'il a appris beaucoup plus de lui ...
Ramanujan est timide et calme, et s'anime dès qu'il expose ses idées mathématiques ou philosophiques... Pour lui, toutes les religions sont dépositaires d'une part de la Vérité, même si certaines observances religieuses peuvent être discutables....
Voyage en Angleterre -7- la Société des Apôtres
Trinity College Statue de Lord Alfred Tennyson, Apostle |
Sir James George Frazer (1854-1941), anthropologue, et agnostique, se passionne pour l'étude des mythologies et des religions... C'est une personnalité de l'université de Cambridge... Il va permettre à Anne-Laure de comprendre une particularité de l'Université : la société des Apôtres ( Apostles), presque centenaire... La plupart d'entre eux ( exclusivement masculins ) viennent des collèges de St John's, Trinity et King's. Le candidat «potentiel» ne sait pas qu'il a été proposé avant d'être accepté. Lors de son initiation, il est informé de l'histoire et des traditions de la Société, il signe « Le Livre » , prête serment, et fait vœu de garder le secret... Les membres actifs sont appelés ''apôtres'', et les anciens ( diplômés...) sont appelés les anges. Cette société est influente, car elle est composée d'hommes parmi les plus influents de la vie publique britannique:
Ainsi du groupe Bloomsbury, en font partie : John Maynard Keynes, Leonard Woolf, Lytton Strachey et son frère James, GE Moore et Rupert Brooke, Roger Fry et Duncan Grant, sont tous des apôtres.... Et aussi : Lord Tennyson, Bertrand Russell, Ludwig Wittgenstein, John Maynard Keynes, Lord "Victor" Rothschild - ainsi que Anthony Blunt et Guy Burgess...
Au fond, la société est un groupe de discussion qui se réunit pour discuter et débattre de sujets tels que la vérité, Dieu et l'éthique. Ils peuvent, par exemple se réunir le samedi soir ; leur sont servi, du café, des toasts ( et ce qu'ils appellent des ''baleines'', c'est à dire des sardines sur toast...). L'orateur planche sur un sujet, à l'issue duquel la question est ouverte au débat, le plus souvent, les membres votent un avis... Immédiatement après le vote, un tirage au sort est effectué pour sélectionner le sujet et l'orateur pour la séance suivante. Les membres qui ne présentent la planche promise sont condamnés à une amende.
«The Book», date de la fondation du groupe en 1820. Cet ensemble de livres comprend des notes manuscrites relatives aux sujets abordés lors des réunions hebdomadaires. Le livre établit une liste de règles strictes quant à l'assiduité et la discipline de réunion.
Cependant, à cette époque, les Apôtres sont accusés d'avoir favorisé le malaise spirituel, la «pourriture humide» du doute, du nihilisme et du pacifisme, qui a érodé l'establishment anglais de l'intérieur et finalement, a coûté à la Grande-Bretagne, son empire....
Anne-Laure profite de cette présentation, pour espérer en savoir un peu plus sur d'éventuels '' Round Table groups'' ; mais, commence par évoquer la franc-maçonnerie... Tout le monde connaît ici, la loge ''Isaac Newton'' de l'University de Cambridge... Elle a le privilège d'initier des membres diplômés de l'université quel que soit leur âge ( sans la limitation des 21ans).
Et, rien n'est plus simple ici, de rencontrer des francs-maçons ou de visiter la loge... Par contre parler de '' Round Table '' nécessite d'être avec des personnes de confiance dans un lieu discret...
Nous sommes en 1911, et précisément Lord Rothschild vient de créer une society de ce nom... elle va d'ailleurs essaimé dans tous les dominions de l’Empire britannique, et aussi aux Etats-Unis... Mais, attention prévient Sir Frazer, il y a beaucoup d'avis très tranchés sur ce qui se passe en ce moment … Vous devez savoir qu'à l'origine de des sociétés, se trouve la '' Fabian society '' : cet institut a vu le jour à Londres en 1884 sous l’impulsion de politique anglais comme Sydney Webb (1859-1947) et de son épouse, Béatrice Webb, ou encore de l’écrivain irlandais George Bernard Shaw (1856-1950).
Sir Frazer insiste alors pour qu'Anne-Laure rencontre absolument une jeune femme qui a alimenté il y a trois ans la chronique mondaine, mais qui n'est pas si frivole que cela … Vous allez vous en rendre compte...
Il s'agit de Amber Reeves (1887-1981). Elle a fait ses études au Newnham College de Cambridge ; et précisément, est membre fondatrice de la Cambridge Fabian Society ; c'était en 1906... C'est la première société de Cambridge à recruter aussi des femmes. Jeunes femmes et jeunes hommes se rencontrent régulièrement sur un pied d'égalité et discutent de tout, des croyances religieuses aux problèmes sociaux en passant par la sexualité, ce qui est impossible dans le milieu conventionnel du foyer ou de la famille...
Ici son nom évoque sa scandaleuse liaison avec HG Wells (1866-1946), un ami de ses parents, marié...
HG Wells, est alors socialiste, et donc membre de la Fabian Society, il définit ses premiers romans, comme ''scientifiques''.
Amber Reeves, après la naissance de l'enfant de Wells, Anna-Jane, et son mariage de complaisance précipité avec l'avocat Rivers Blanco White ; s'est retirée pour l'instant dans sa vie privée...
Elle n'en reste pas moins active en politique, et de plus vient de publier son premier roman, The Reward of Virtue (1911), ce livre traite de l'éducation conventionnelle inadaptée des femmes, et insiste particulièrement sur l'ignorance de sa naïve héroïne à propos de l'argent, sur son habitude, alors qu'elle n'est pas heureuse en ménage, d'aller faire du shopping avec de grosses factures, parce qu'elle n'a rien de mieux à faire...
--> Amber Reeves, avec la fille de HG Wells , Anna-Jane. Photographie prise en 1910 --->
Amber, est une jeune femme énergique, forte d'esprit, très intelligente et très attirante, avec un mépris pour la convenance. Dès 1909, elle milite pour le vote des femmes ; elle ne tient pas à sombrer dans une respectabilité silencieuse et inactive...