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Après le 6 février 1934 - Le choix... 1

Publié le par Régis Vétillard

Comment ne pas s'interroger ? Comment ne pas douter, même de la République ?

La vie politique est un champ de manœuvres pour les professionnels de la politique ; leur carrière passe bien avant la défense du bien public... Les cabinets se suivent et les radicaux se succèdent à eux-mêmes... !

 

Mauriac espère en l'homme providentiel ; aussi est-il séduit par André Tardieu ou Philippe Henriot. Après les événements de ce 6 février, la politique semble se crisper sur des positions plus radicales de gauche ou de droite. Faut-il choisir ? Le 7 février Mauriac s'en prend '' au président du Conseil maçonnique ''.

 

La Franc-maçonnerie est compromise ; elle annonce publiquement une épuration dans ses rangs.

« La grande part de cette crise est due à nous-mêmes. Nous avons oublié la véritable tradition maçonnique, l’observation stricte de notre Constitution, le but moral et l’idéal admirable de la vraie Maçonnerie ». Georges Voronoff

« La Franc-maçonnerie est attachée plus que jamais à des formes supérieures de la vie sociale qu’elle pensait définitivement acquise par la civilisation : la liberté d’opinion et d’expression, le respect de la pensée et de la civilisation humaines, la souveraineté du peuple et l’élimination de la force dans les rapports entre les hommes et les nations. Or, la valeur de ces principes est remise en cause par l’institution de régimes qui prétendent justement les éliminer de la vie sociale. » 

« Le 6 février, une foule fut lancée à l’assaut des institutions et la lutte contre le parlementarisme se transforma en lutte contre la démocratie. » Louis Doignon, Grand Maître de la Grande Loge de France

 

Si Lancelot, ne croit pas vraiment que ce 6 février pouvait être un complot contre la République…. Il prend conscience de la fragilité de cette République si décriée…

Denis de Rougemont  avec  Alexandre Marc et  Karl Barth, Juvisy, 1934.

Une discussion avec Denis de Rougemont, lui permet d'avancer :

- Ce sont les événements qui nous réveillent – dit-il – à présent, il faut choisir. Penser, c'est aussi prendre des risques, ce n'est pas qu'un refuge, un refuge idéal. Tant mieux, le ''risque '' c'est la santé de la pensée !

Certains nous disent, et il peuvent être tout autant marxistes, ou fascistes, que la loi ( historique) seule nous conduira à la liberté... Ce serait même le déterminisme de l'Histoire : abandonnez votre petit moi, et fondez votre destin dans la collectivité ; vos inquiétudes s'apaiseront...

Soyons vigilant, ne confondons pas sacrifice... et suicide !

- C'est un peu, comme si des nouveaux dieux, ou d'anciens dieux, ou de nouveaux mythes, nous menaçaient de leur puissance ; et que nous ne pourrions échapper à l’un qu'en nous jetant dans les griffes d'un autre... ?

- Oui, ils sont là. Ont-ils une raison d'être ? « Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. »

- Qui sont-ils... ?

L’État, la nation, la classe, la race, l’argent, l’opinion... Il sont ''Légion...'' !

- Ce serait le ''destin du siècle'' .. ?

- Non .. «  En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. »

Chacun de nous a un destin...Peut-être s'agit-il de commencer par rechercher - dans nos pensées – les origines de ces grands faits qui bouleversent le monde

- Ce retour à soi, c'est le retour à l'individu ?

- Attention, l'individualisme conduit aux mythes collectifs.

« La société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. »

« Les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. (…) la personne à son tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. »

« La personne, au contraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. » Denis de Rougemont « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, février 1934.

 

Beaucoup ont institué la date du 6 février 1934, comme une de celles qui ont infléchi un ''destin personnel''. Ainsi Philippe Henriot ( qui deviendra sous Vichy, secrétaire d’état à l’Information et à la Propagande.). Ce jour lui permet l'appui d'un argumentaire antiparlementarisme opposant '' la masse des « honnêtes gens » à une poignée de « fripouilles » '', et qui va jusqu’au complot judéo-maçonnique. Il intervient passionnément à la Chambre sur ce thème, écrit un livre '' Le 6 février'', et multiplie les conférences en province.

 

Le 9 février, avec le PC, Jacques Doriot manifeste contre les fascistes. A l'opposé de Thorez et du Komintern, il prône une nouvelle ligne et le rapprochement avec la SFIO. Isolé, il sera exclu en juin 1934 et créera en 1936 le PPF.

Robert Brasillach

 

Robert Brasillach (1909−1945) est un passionné de littérature, il dispose d'une chronique littéraire au quotidien l’Action Française, il est plutôt éloigné de la politique. Ce 6 février, il assiste à une pièce de théâtre ; et à la sortie il est pris par les événements : il écrira plus tard :

« Un escroc juif d’Odessa, Alexandre Stavisky, paraissait au centre d’une redoutable combinaison dont faisait partie les plus grands noms. On allait l’arrêter, il fuyait en Savoie, on le trouvait mort dans une villa de Chamonix, dans les premiers jours de 1934. Suicide ? On le dit. Assassinat, c’était plus probable. Désormais, il était impossible d’arrêter l’affaire. (...)

Tant de mensonges, tant de piètres hypocrisies révoltaient la ville. Dès le début de janvier, la fièvre monta, on arracha les grilles d’arbres boulevard Saint-Germain, on conspua les parlementaires et les gardes mobiles. Ainsi se préparait-on à l’émeute – ou à la révolution. (...)

À onze heures et demie, en sortant du théâtre, un spectacle singulier nous arrêta soudain : à l’horizon, quelque chose de lumineux dansait, au-dessus des têtes, semblait-il. Nous regardions sans comprendre ce feu balancé et noir : c’était un autobus, au Rond-Point, que l’on renversait. Et soudain, comme nous avancions, une foule énorme reflua soudain sur nous, des automobiles chargées de grappes d’hommes et de femmes roulèrent à grands sons de trompe, de vieilles dames se mirent à courir, les jambes à leur cou. Nous comprîmes que ce n’était pas une manifestation, mais une émeute.

( …) Une immense espérance naissait dans le sang, l’espérance de la Révolution Nationale (...)

Pour nous, nous n’avons pas à renier le 6 février. Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe (un cénotaphe de plus en plus vide), en souvenir de vingt-deux morts. (...)

Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une instinctive et magnifique révolte,  (…) avec (…) (...) son espérance invincible d’une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays. » Robert Brasillach - Notre avant-guerre, Paris, Plon, 1941

La condisciple de Brasillach, Simone Weil, en 1934 suspend sa carrière de professeur de philosophie, pour faire l'expérience de la condition ouvrière à la chaîne. Parallèlement, elle s'intéresse à la spiritualité chrétienne. Elle écrit alors : elle écrit : « la civilisation la plus pleinement humaine serait celle qui aurait le travail manuel pour centre, celle où le travail manuel constituerait la suprême valeur »

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Les Années 1930 – à Paris, la vie intellectuelle 2

Publié le par Régis Vétillard

Paris est la ville des écrivains, et la Rive gauche, avec le Quartier latin, l'un de ses hauts lieux.

Le Quartier latin est toujours l'espace de l'Action Française, avec le local du 33 rue Saint-André-des-Arts, d'où peuvent partir des centaines d'étudiants armés de leur canne, après un appel à manifestation...

Charles Maurras, s'il n'est pas lui-même un ''politique'', reste le maître intellectuel de beaucoup de jeunes gens. « La doctrine de Maurras est la seule doctrine importante de la Cité de notre temps qui comporte une philosophie. Maurras a bâti le plus complet des systèmes politiques, artistiques et moraux (…) Une société doit vivre comme un organisme humain. Pour cela, il faut que nous reconnaissions nos limites. Il faut laisser à une caste, à une race, le soin et l’étude du gouvernement où nous ne connaissons rien. Il faut un roi. Ce roi sera absolu, tout lui appartiendra. Ne nous insurgeons pas contre cette idée. » R Brasillach, article dans Le Coq catalan

 

Même si Lancelot s'est écarté de cet engagement, il aime fréquenter les lieux de ces jeunes étudiants passionnés qui refont le monde de demain. Après des conférences rue Serpente, on s'invective sur l'urgence de réagir à une décadence qui fait l’unanimité

Robert Brasillach

A la sortie de l'ENS de la Rue d'Ulm, on est sûr de croiser le brillant et prometteur Robert Brasillach , et l'originale Simone Weil. Même si le seul bastion de gauche, y réside, Brasillach se sent chez lui: « Mais notre patrie restait toujours le Quartier Latin, notre jardin du Luxembourg, nos cafés, les étroites salles du boulevard Saint-Michel... »

Simone Weil est reconnaissable par sa dégaine, qui se veut le rejet de toute élégance avec son pantalon trop large, ses souliers plats et son béret noir. Ce qui l'intéresse défendre des idées : tout est action, même l'écriture... A t-elle prévenu Brasillach... ? L'art pour l'art, ça n'existe pas ; les écrivains sont responsables de ce qu'ils écrivent !

Pour l'instant Brasillach, ne s'intéresse pas vraiment à la politique. En 1931, à 22 ans, son premier livre ''Présence de Virgile'' est paru. Et en 1933, il vient de publier un roman ''Le voleur d'étincelles'', et a droit à quelques critiques bienveillantes...

 

Autre lieu en vogue parmi les intellectuels : Saint-Germain-des-Prés. Les artistes fréquentent Montparnasse. Chacun selon son clan, retrouve les siens à La Closerie des Lilas, la Rotonde, le Dôme, le Select, ou la Coupole.

Sur la rive droite : Cocteau vit dans une chambre que Coco Chanel lui prête rue du Faubourg Saint-Honoré ; Mauriac habite rue de la Pompe, puis rue Vaneau ; Morand partage son existence entre Londres, Venise et Paris, le comte Etienne de Beaumont demeure rue Duroc ; les Jouvenel avenue Suchet... Maurice Sachs plutôt à l'hôtel ; comme Drieu la Rochelle – bien que toujours marié à Olesia – il s'installe à l'hôtel des Navigateurs, puis à son retour d'Amérique latine, à l'hôtel d'Orsay. Avec l'aide de sa première femme, et de Victoria Ocampo ; il s'installe dans un deux-pièces salle de bains au 45, quai de Bourbon ( l'immeuble du prince Bibesco).

L-F Céline 1932

Drieu applaudit ''Voyage au bout de la nuit '' le premier roman de Céline, publié en 1932. Brasillach, bien plus classique n'a pas aimé... Les communistes, Elsa Triolet et Aragon adorent et veulent le traduire en russe... Si Céline dénonce, il ne prend pas parti... On attend de lui qu'il définisse le sens de sa révolution... Même les catholiques, y voient du divin en creux...

Dans Le Figaro du 13 décembre, Georges Bernanos est enthousiaste : « œuvre extraordinaire », au « langage inouï, comble du naturel et de l'artifice, inventé, créé de toutes pièces à l'exemple de celui de la tragédie, […] fait pour exprimer ce que le langage des misérables ne saura jamais exprimer ». « Pour nous, la question n'est pas de savoir si la peinture de M. Céline est atroce, nous demandons si elle est vraie. Elle l'est. »

 

Il y a beaucoup d'occasions pour Lancelot de rencontrer des auteurs, et plus précisément des ''chercheurs''. Parfois l'échange permet d'entrer de plein pied, sur le terrain favori des recherches de l'un et de l'autre... Ce fut le cas, quand Jacques T. s'est intéressé de près à la Quête de Lancelot. Lui-même connaît bien la Légende arthurienne, et a publié en 1924, un ouvrage sur L'Illustre chevalier de France, qu'est Lancelot....

Ancien maître de la loge, Jacques T. s'est montré fort empressé pour parrainer Lancelot, à se faire initier à la loge '' Le Portique'' dont, Gustave-Louis Tautain, rédacteur en chef du "Monde nouveau", en est le vénérable. Cet atelier de la Grande Loge de France, correspond bien à la sensibilité du nouvel apprenti; des personnages à grande notoriété en font partie comme Oswald Wirth (1960-1943) ou Albert Lantoine (1869-1949); les travaux suivent le Rite écossais ancien et accepté; et plusieurs frères partagent un intérêt pour les activités de l’Ordre martiniste, comme Gustave-Louis Tautain. Lancelot soutiendra l'initiative de A. Lantoine, en 1937, avec sa Lettre au Souverain pontife .... Enfin, Le Portique pourrait être qualifiée de « Loge littéraire », puisqu'elle décerne, chaque année, un prix à une oeuvre publiée.

 

Du discours prononcé par le frère orateur, lors de la réception des nouveaux initiés, Lancelot a noté ces phrases:

" (...) vous comprendrez de manière toute aristocratique que la Franc-maçonnerie n’est que la réunion des êtres de pensée, venus de tous les points du globe, de toutes les races, de toutes les croyances, pour, la main dans la main, faire avec bonne volonté, sans les entrechoquer l’échange courtois de leurs idées antagonistes."

"( ...) le rite consacré qui ne doit s’éteindre, et que personnifie excellemment la respectable Loge Le Portique, où je souhaite à votre esprit la grâce de s’y harmoniser en sagesse, force et beauté."

Parmi les frères présents, à noter François de Tessan, Michel Dumesnil de Gramont (1888-1953), que Lancelot croisera encore dans les couloirs ministériels; mais surtout, ce haut-fonctionnaire est un passionné de littérature et d'ésotérisme ( aujourd'hui, nous dirions de spiritualité). Il parle l'allemand et le russe et traduit les écrivains modernes russes. Surprise en enlevant le bandeau de retrouver des personnes croisées ou connues comme Brossolette, initié en 1927 à la loge Émile Zola, de la GLDF...

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