Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

berdiaeff

1938 – Fabrègues – Mounier - Berdiaeff

Publié le par Régis Vétillard

En ces années les intellectuels excellent à se retrouver autour de revues, ainsi Jean de Fabrègues participent à six ou sept revues, qu'il anime également. Les équipes peuvent varier et constituent ce que l'on appelait la '' Jeune Droite '', et qui s'est écartée de l'Action Française.

'' Combat '' se voulait antiparlementariste, voire antidémocratique, mais pas fasciste...

'' Civilisation '' se veut présenter une exigence intellectuelle et spirituelle ; s'y expriment l'existentialiste Karl Jaspers, le philosophe-paysan Gustave Thibon, Etienne Gilson (qui fut le professeur de philosophie thomiste de Fabrègues en Sorbonne)

 

La question de l'antisémitisme divise les catholiques; elle se situe plus au niveau politique que racial, avec la peur d'une ''mainmise juive'' sur le pays... Le caractère raciste de Céline choque Lancelot et beaucoup de catholiques... ''Combat'' également prend ses distances ; Brasillach, quitte Combat pour ''Je suis partout'' où il rejoint Lucien Rebatet auquel s'opposent Fabrègues et René Vincent.

Fabrègues et Gabriel Marcel décide de créer ''Civilisation'' pour hausser le débat à un niveau philosophique ; en opposition à '' L'insurgé '' de Thierry Maulnier qui a un discours favorable aux mouvements fascisants...

« Anarchie et désordre de notre pauvre France usée de libéralisme et d'individualisme. Utilitarisme anglo-saxon et américanisme. Totalitarisme de la classe [communisme] et de la race [hitlérisme] ou de l'Etat [fascisme]. De tous côtés un flot de barbarie déferle aujourd'hui sur le monde et menace d'engloutir notre civilisation. » Jean Daujat, qui tient une chronique dans Civilisation.

''Combat'' et ''Civilisation'' paraissent jusqu'à l'été 1939.

 

Fabrègues multiplie les conférences, les réunions privées pour concilier profession, vie sociale et réflexion sur la civilisation; par exemple, le 11 janvier 1938 sur '' le sens moral et social de la civilisation française '', ou sur le '' rôle social de l'ingénieur, et du scientifique '' …

Lancelot qui a beaucoup fréquenté ces personnes, reste - avec l'influence d'Elaine, peut-être aussi - proche de Maritain et de ses positions sur l'invasion de l'Ethiopie en 1935 ou la guerre d'Espagne en 1936... Lancelot apprécie de plus en plus la ligne d'Esprit d'Emmanuel Mounier, il l'a soutenu quand il a condamné l'évolution de la IIIe Force d'Izard, puis la rupture avec l'Ordre Nouveau ( la revue disparaît en 1938) ; même si on gardait le contact avec Denis de Rougemont.

Maritain défend les positions d'Esprit et l'action de Mounier face à l’archevêché et au Vatican ( 1937)... Mounier, avec Maritain, insistent sur le fait que la référence d'Esprit à l'idée de "révolution spirituelle" n'implique pas « une sympathie systématique pour tout ce qui est révolutionnaire », ajoutant : « La révolution n'est pas pour nous la valeur première (...) Nous sommes du parti de l'esprit avant d'être du parti de la révolution ».

 

Lancelot, balance ainsi, entre Fabrègues et Mounier ; l'un prenant systématiquement le contre-pied de l'autre, le premier adoptant les positions des partis de droite, le second des partis de gauche.

 

Myrrha Borodine-Lot, née juive par sa mère, s’intéresse à toutes les religions, et en particulier le lien entre judaïsme et christianisme, et n'en ''pratique'' aucune. Elle reçoit chez elle Nicolas Berdiaeff et Vladimir Lossky ; fréquente le cercle Maritain. Elle et son mari, Ferdinand Lot, forment un couple franco-russe de médiévistes. Ils ont trois filles Irène, Marianne et Eveline.

Irène Lot, épouse de Boris Vilde

Marianne (1913) s'est faite baptiser à vingt ans, elle épouse en 1936 Jean-Berthold Mahn historien comme elle. Eveline (1918) étudie à  l'École des Langues Orientales et se passionne pour les langues orientales et russes.

Irène, s'est mariée en 1934, avec Boris Vildé russe et nationalisé français, linguiste et ethnologue au Musée de l'Homme. Boris Vildé, comme ethnologue, en 1938 part en Finlande, en mission, pour le Musée de l'homme, à Helsinki ; puis en Estonie retour janvier 1939.

Irène a traduit du russe, en particulier un ouvrage qui a beaucoup frappé Elaine : "Nicolas Berdiaeff. Cinq méditations sur l'existence" (1936). Ce livre fut le prétexte de leur amitié, et au fur et à mesure de l'évolution de la maladie d'Elaine, Irène la visite et l'accompagne dans sa réflexion religieuse.

 

Banni d'URSS, Nicolas Berdiaeff (1874-1948) est le maître à penser de beaucoup, personnaliste humaniste, il promeut la personne contre la tyrannie du collectif, et contre l'égoïsme de l'individu.

Je note ci-dessous les thèmes qu'elles ont approfondi à partir de la pensée de Berdiaeff :

La solitude est de l'ordre de la nostalgie de communion ; c'est aussi un phénomène social : la solitude en société, c'est la solitude par excellence.

Le chemin à travers la solitude nous permet de découvrir que le monde objectif est insuffisant. Notre ''étant'' est projeté dans la socialisation, l'économique, le technique ; nous expérimentons les fausses promesses du paradis ou de l'enfer, de l'ordre ou du désordre ... Berdiaeff nous dit que ce chemin nous projette dans le non-moi : dans le monde des objets, dans le monde objectivé.

Sortir de soi pour rencontrer le non-moi, le monde objectif, ne permet pas de dépasser la solitude... Le monde objectivé ment : il n'est qu'un royaume qui n'offre que des chimères qui font croire qu'elles sont le tout du bonheur et de la vie.

La solitude est un stade nécessaire de la découverte de l’insuffisance du monde objectif.

Nicolas Berdiaeff

 

Berdiaeff utilise ces deux notions de Subjectif et Objectif. Il nous présente deux forces qui entrent en opposition, une force de nécessité qui rend objet, et une force de libération qui part du sujet.

La subjectivité comme intériorité comme unité capable de pensée et d’action à laquelle est attribuée un rapport à soi spécifique.

L’objectivation est le processus par lequel l’expression subjective libre devient objet, et par lequel aussi les actes les plus révolutionnaires sont récupérés par le monde extérieur et sont transformés en “faits” - objets du regard et du temps, de l’histoire.

L’objectivation est du côté de ce qui est mort, de ce qui est figé, par opposition à la spontanéité personnelle. Or il faut bien voir que l’objectivation n’est pas tant un état de fait achevé qu’un processus tendant à figer les êtres, c’est une force de nécessité, presque une force d’inertie, qui nivelle les excès et les percées de la spontanéité créatrice.

 

La connaissance, peut être personnelle ou objective ; connaître une personne est bien au-delà de ses particularités physiques ou biographiques... On ne connaît pas à l'aide de concepts : tout ce qui est rationnel, logique est étranger à une connaissance personnelle, subjective.

Et, précisément, c'est alors que le ''moi'' ( égocentrique, égoïste) devient une personne, c'est en communiant avec l'autre.

L'activité du ''moi'' doit se transcender elle-même, par l'intuition du ''toi'' et trouver la communion ; ça ne peut pas être dans le cadre des institutions sociales...

Sortir du temps, qui n'est qu'un produit de l'objectivation, pour trouver l'éternité. La mort n'est qu'un moment de ce destin, qui met fin à notre objectivité..

 

Le philosophe se résigne à mener une existence tragique ; il ne peut être qu'en conflit avec les formes socialisées de l'être, qu'elles soient sociétés religieuses ou scientifiques, parce qu'elles objectivent.

Il faut en revenir au sujet lui-même, dans son existence concrète, là où il atteint l'être et l'existence.

Voir les commentaires

Nicolas Berdiaeff

Publié le par Régis Vétillard

Elaine, bien que souvent fatiguée, continue ses occupations de critique littéraire, et avec plus d'assiduité que Lancelot à fréquenter le cercle des Maritain ; elle les ressent plus libres depuis qu'il se sont écartés de l'Action Française. Elles leur est aussi reconnaissante de ne pas la juger, lors des pénibles démarches de son divorce...

Jacques Maritain rejoint souvent les propos de Mounier dans Esprit ; ainsi quand il défend la primauté du spirituel, en ajoutant la personne humaine comme valeur centrale. Le groupe social doit se mettre au service de la personne et non l'inverse. Le chrétien doit retrouver le sens de l'Incarnation, et s'engager dans l'humain, dans l'universel...

Ces chrétiens, en concordance avec ceux qui entourent Henri Daniel-Rops, par exemple, ou Berdiaeff, et même ceux de l'Ordre Nouveau ; tous dans leur critique du matérialisme, imaginent une ''troisième voie''. Ne pourrait-on pas l'imaginer chrétienne, puisque l'humain n'y ai pas qu'un citoyen, ou qu'un producteur... ? L'Humain d'abord, face aux monstres que sont l'Etat, la Race ou la Masse.. !

Nicolas Berdiaeff, connu pour son ouvrage '' Pour un nouveau Moyen Âge'', y rappelait que la Renaissance à supplanté l'homme spirituel, par l'homme naturel sans Dieu... Aujourd'hui l'homme économique ne rêve que de l'égalité qu'il trouve dans la masse du collectif ; le fascisme ne propose plus comme légitimité que la force...

Lancelot reprend une discussion déjà initiée, pour mieux comprendre sa vision si peu en accord avec notre République laïque...

Berdiaeff constate que la Bourse a remplacé l'Eglise, et propose un corporatisme en remplacement du capitalisme : - « le nouveau Moyen-âge sera démotique. »

- C'est à dire... ?

- Quand vous imaginez la place du peuple, dans une perspective de pouvoir, c'est la démocratie...

J'imagine d'abord une société qui satisfait les besoins spirituels et matériels du peuple. Quand au pouvoir, il ne peut pas appartenir au grand nombre... Dans la République, le pouvoir appartient à une poignée de bourgeois désignés par les partis...

- Et si ce n'est pas la République, c'est … ?

- Une monarchie, pourquoi pas... ; non pas « environnée de castes, mais d'organes professionnels et culturels, unis dans une structure hiérarchique. »

- « Il n’est pas nécessaire d'idéaliser le Moyen âge, comme l'ont fait les romantiques. Nous savons très bien quels sont les aspects négatifs et vraiment ténébreux du Moyen âge : la-barbarie, la grossièreté, la cruauté, la violence, le servage, l’ignorance dans le domaine des sciences positives de la nature, une terreur religieuse rythmée sur l’horreur des souffrances infernales. Mais nous savons aussi que les temps médiévaux furent éminemment religieux, qu’ils allaient entraînés par la nostalgie du ciel, que celle-ci rendait les peuples comme possédés d'une folie sacrée; nous savons que toute la culture du Moyen âge était dirigée vers le transcendant et l'au delà et quelle devait à une haute tension de l’esprit - son orientation vers la scolastique et la mystique, à qui elle demandait de résoudre les problèmes suprêmes de l'être; les temps médiévaux ne prodiguaient pas leur énergie à l’extérieur, mais ils préféraient la concentrer à l’intérieur : : ils ont forgé la personnalité sous l'aspect du moine et du chevalier. »

 

- Le catholicisme a eu la prétention d'imprégner toute la culture de son esprit religieux et il a lamentablement échoué. N'est-ce pas parce qu'il a échoué que le monde s’est détourné du Christ et de sa loi ?

- Est-ce le christianisme qui a échoué, ou l’homme qui a manqué à « sa tâche, à la haute mission que le Christ lui avait confiée. C’est l’élément humain dans l’Eglise qui a trahi la Vérité chrétienne. Contre la décadence de cet élément humain , l’indignation eut été permise et juste. Mais on est allé plus loin. On s'en est pris à l’Eglise et à toutes les choses authentiquement saintes qu’elle contient : au Christ et à sa loi. »

- De toute manière, le Royaume de Dieu, ne concerne t-il pas l'après-vie ?

- Le christianisme concerne également notre vie d'ici-bas... Et ce n'est pas seulement l’affaire du Christ, c'est aussi l'affaire de l’homme. Il s’offre à l'homme une immense liberté, et un combat dans lequel il doit engager les forces de son esprit. Dieu lui-même, si l’on peut dire, attend de l’homme son apport créateur. « Mais, au lieu de se tourner vers Dieu et de lui consacrer, la libre surabondance de ses forces, l'homme a dépensé et détruit son énergie vitale dans l’affirmation de soi-même, en gravitant sur la périphérie des choses. Aujourd’hui il n’y a pas de salut, sinon par un retour vers Dieu. Toute la culture - la philosophie, la science, l’art, la morale, l'économie, la politique - doit redevenir religieuse et sacrée. Dans le Nouveau Moyen âge, l’Eglise redeviendra le centre spirituel de l’univers. Car l’Eglise ce n’est pas seulement l'humanité christianisée. Elle est cosmique par sa nature et en elle, rentre toute la plénitude de l’Être ; l’Eglise c’est le cosmos christianisé. Ceci doit cesser d’être une vérité théorique et abstraite pour devenir une vérité vivante et agissante. Au lieu de confiner la religion dans les temples et les sacristies, d’en faire, comme on dit : une chose privée, il faut au contraire lui donner accès au large monde, pour qu’elle vivifie et transforme tout le créé. La religion des temps modernes était devenue une partie distincte de la culture, une sorte de spécialité comme l’économie politique, où l’élevage des vers à soie. On lui avait réservé une place séparée et assez mesquine dans l'encyclopédie du savoir. A nouveau, elle doit devenir tout - une force illuminatrice et transfiguratrice de toute la vie par l’intérieur - elle doit, force spirituelle libérée, transfigurer la vie totale. »

- Le communisme n'a t-il pas aussi ce projet de société future idéale ?

- Le communisme n’y croit plus. Il saccage tous ces idéaux humanitaires. Il est hiérarchique à sa manière et autoritaire; il est d'essence religieuse. C’est une croyance, une foi, une religion, mais une religion satanique, dans laquelle toutes les vérités chrétiennes sont bafouées... D'ailleurs, toutes les fleurs et tous les fruits de la Renaissance humaniste sont également foulés et détruits.

Sources : '' Un Nouveau Moyen-âge'' de Nicolas Berdiaeff

Voir les commentaires

Jacques Maritain – Nicolas Berdiaeff – Un nouveau Moyen-âge

Publié le par Régis Vétillard

C'est Elaine qui a repris contact. Elle propose à Lancelot de l'accompagner à Meudon, chez les Maritain. Si Lancelot s'empresse d'accepter, c'est autant pour rencontrer le ''maître'' du lieu, que pour revoir Elaine...

Lancelot était allé écouter Jacques Maritain lors d'une conférence à la Sorbonne sur ''Métaphysique et mystique'', c'était le 12 novembre 1925.

Jacques Maritain 1930

Elaine de L. est une habituée du dimanche après-midi, à Meudon. La maison des Maritain, profite du calme ambiant... La grille du jardin franchie, Raïssa et Jacques accueillent chacun avec chaleur, et curiosité . Lancelot et Elaine sont reçus dans un salon clair, au parquet brillant et sur le mur des tableaux de Rouault. Sur la cheminée les portraits de Léon Bloy, Saint-Thomas et Ernest Psichari ( converti et mort à trente ans, au front en 1914) ...

Jacques Maritain, le visage doux, serein, les yeux bleus et une grande mèche sur le front est le maître spirituel, que chacun interroge, autant sur des idées générales, que sur la conduite de sa vie …

On s'interroge sur l'amitié et l'amour... Maritain a une très belle formule : l'amitié, c'est de donner d'abord ce que l'on a, et indirectement ce que l'on est. L'amour c'est donner directement ce que l'on est …

Elaine, dans un entretien particulier avec son directeur spirituel, proche de Maritain, s'est confiée sur les circonstances de son mariage. C'est ce qu'elle a confié à Lancelot :

Elaine se souvient de sa rencontre avec son futur mari, présenté officiellement, lors d'une partie de chasse. Les deux fiancés se sont mesurés du coin de l'oeil, et peut-être se sont-ils plu... Ce jour là, elle craignait d'être seule avec lui, s'imaginant déjà couchée par lui, dans les joncs et la boue...

Dans le mariage s'est révélée, la tromperie dont elle a été victime : cet homme, qui - même si elle le reconnaît - la satisfaisait dans son désir sensuel ; elle ne l'aimait pas... Puis, cette connivence, pour la chair, qu'elle partageait avec son mari, s'est brisée quand elle a appris qu'il la trompait. Alors, elle s'est refusée, il l'a forcée, il est devenu violent, grossier...

Le prêtre lui avait fait cette réflexion, (qu'il avait retenu de Maritain lui-même...) :« on ne peut pas toucher à la chair de l’être humain sans se salir les doigts. Mais, se salir les doigts n’est pas se salir le cœur ». ( Maritain - Humanisme intégral 1936) .

La chair, ne sert-elle pas de langage à l'amour... ? Alors, le le cœur et la chair, ne font plus qu'un.

 

Une autre fois, chez Maritain, on parle de la ''primauté du spirituel'', un sujet d'actualité pour tous les présents dont beaucoup sont proches de l'Action Française...

L'époque qui nous semble alors un modèle, dans cet esprit, est le Moyen-âge... Pourrons-nous, dans le monde nouveau à construire, restituer ces principes spirituels... ? « C’est du point de vue de Dieu que toute chose y était regardée »

L'humanisme de la Renaissance, cependant, a réhabilité la ''créature'' ne tant qu'Homme... L'Homme n'a t-il pas une part de l’initiative dans l’œuvre du Salut, sa ''liberté'' n'est-elle pas affirmée.. ? Ensuite, le rationalisme va détacher cette liberté de la ''Grâce'' qu'elle ignore, bien-sûr... On sépare le naturel du surnaturel, avant d'exclure le surnaturel...

La Renaissance a permis la prise de conscience de soi et favorisé le développement de la science et d'une nouvelle forme d'art...

Maritain remarque que ce désir de rationalité nous a fait perdre la conscience de la souveraineté de la personne, au profit d'une entité collective, l'Etat. On décrète alors la mort de Dieu …

Nicolas Berdiaev

Maritain a rencontré en 1925, Nicolas Berdiaeff qui vient d'arriver à Paris. En 1927, au Roseau d'Or, Berdiaeff publie '' Un nouveau Moyen-Age'', il était un habitué des visites à Meudon.

Pour Berdiaeff, le monde moderne en continuité depuis la Renaissance - l'homme de plus en plus séparé de son centre spirituel - s'affronte à présent avec le bolchevisme qui présente un humanisme inhumain parce que basé sur une fausse conception de l'homme.

« Les temps médiévaux furent éminemment religieux, […] ils allaient entraînés par la nostalgie du ciel [et] […] toute la culture […] était dirigée vers le transcendant et l’au-delà » (N. Berdiaeff, Un nouveau Moyen Âge)

« Pour la pensée médiévale […], l’homme n’était pas seulement un animal doué de raison […], l’homme était aussi une personne », c'est à dire, un « univers de nature spirituelle », au-dedans duquel dieu « est et agit » tout en « respectant sa liberté » (J. Maritain, Humanisme intégral).

Berdiaeff n'idéalise pas le Moyen-âge, il en note aussi toute la barbarie ( et il pense à l'actualité, avec le fascisme italien...) et Maritain évoque et condamne les abus d’un système où les forces du temporel peuvent servir à défendre – et donc, parfois, à imposer – la religion...

Lancelot interroge Berdiaeff sur le régime politique qui pourrait accompagner ce ''Nouveau Moyen-âge''... ? Il pense à une monarchie, qui renoncerait aux castes et aux partis pour leur substituer des organes professionnels et culturels ( corporations …) unis dans une structure hiérarchique... La démocratie parlementaire est viciée par le capitalisme.

 « Le nouveau Moyen Age sera, fatalement et au suprême degré, démotique et il ne sera pas du tout démocratique… Les démocraties sont inséparables de la domination des classes bourgeoises, et du système industriel-capitaliste. Les masses sont ordinairement indifférentes à la politique, elles n’ont jamais assez de force pour arriver au pouvoir » ( Un nouveau Moyen Age )

Dans l'ordre temporel, que nous vivons ; qu'y a t-il de plus divin que le bien commun de la Cité ? Le monde, continue Jacques Maritain, souffre d'un immense besoin d'unité et d'universalité, et soutient l'attente qu'exprime Lancelot au sujet de la S.D.N. Et se différencie en cela à Maurras, qui n'a que sarcasmes pour cette organisation internationale... ( voir Jacques Maritain : Théonas, ou Les entretiens d'un sage... 1922)

Si Maritain affirme que « la cité chrétienne est aussi foncièrement anti-individualiste que foncièrement personnaliste. » ; pourtant, à sa suite, deux tendances s'opposent : Jean de Fabrègues souhaite un « État théologico-politique (…) appuyant sa légitimité et son rôle sur les valeurs du christianisme reconnues pour telles », et Emmanuel Mounier estimant que l'ordre humain ne sera véritablement ordonné ( et chrétien) que par le témoignage personnel de chacun ; il en appelle à un nouvel humanisme, ouvert au spirituel, indépendant du pouvoir politique. Mounier fait confiance à l'Homme ; Fabrègues pense l'Homme pécheur, et le besoin d'une autorité.

Lancelot et Elaine se rencontrent à présent fréquemment ; à l'occasion de conférences, d'une soirée théâtrale, ou d'une visite mondaine. Ils s’apprécient : Lancelot serait plutôt introverti, et s'efforce de répondre à l’invitation sociétale à s'engager dans l'action. A l'aise dans un groupe, Elaine se sentirait plus attirée par la relation, son physique et son caractère attirant la sympathie. Elaine apprécie sa nouvelle vie de femme indépendante ; mais ce lien d'épouse ( toujours existant) d'un homme dont elle s'est séparée, représente une anxiété qui ne la quitte guère...

Voir les commentaires