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la quete du graal

1954 – Fin de la vie d'Anne-Laure de Sallembier

Publié le par Régis Vétillard

De façon très inhabituelle, Anne-Laure de Sallembier s'est couchée avant le repas du soir ; elle avait simplement demandé à Madeleine de faire manger Elaine, et de la coucher. Elle se sentait fatiguée, et avait besoin de récupérer. Le lendemain, Madeleine appelait Lancelot à Paris, pour lui faire part de son inquiétude sur la santé de sa mère. La comtesse de Sallembier n'a plus quitté son lit ; et Lancelot vécut les semaines les plus intenses et douloureuses de sa vie.

 

à Fléchigné

Après la visite du médecin, et quelques analyses effectuées dans une clinique aux alentours de Paris. La mère de Lancelot exprime son impérieux souhait de revenir à Fléchigné, et de mourir nulle part ailleurs !

Pourquoi Fléchigné ? Parce que une part de soi est ici, parce que cette maison a toujours été un refuge, ce dont elle a besoin à présent. « Ici, je continue à vivre, dit-elle, ailleurs je commencerai à mourir. »

« Si je meurs, dans mon logis, ma présence continuera à vous accompagner ».

 

Lancelot fit déménager la plupart des meubles de sa chambre dans un petit salon du rez-de-chaussée. Ainsi, pendant la journée, Anne-Laure restait proche de chacun ; et pour la nuit il a été aménagé un coin nuit dans le grand salon pour la personne qui la veillait.

Une infirmière a secondé Madeleine pour les soins, le médecin venait régulièrement, et n'hésitait pas à proposer de la morphine pour atténuer les douleurs.

 

Lancelot est resté présent, le plus possible proche, frappé par l'abandon progressif de sa mère pour les soucis matériels, et la confiance qu'elle faisait à Madeleine en lui abandonnant tout.

Anne-Laure ne fut jamais irritée envers quiconque, elle semblait plutôt désolée du souci qu'elle donnait à chacun.

C'est à Elaine ( dix ans), qu'elle semblait vouloir raconter encore beaucoup de souvenirs ; la dernière semaine, elle n'en avait plus la force et priait Lancelot de continuer sur l'idée qui lui venait.

Alors, elle fermait les yeux et écoutait Lancelot évoquer certains personnages qu'elle avait connus, sa main acquiesçait ou s’agitait pour réfuter...

 

Lancelot savait que sa mère était rassurée de partir, entourée de ses proches, en particulier de son fils et de sa petite fille.

Tarot - le Mat et la Mort

« Vous serez mes passeurs » leur avait-elle dit, alors qu'elle feuilletait, comme souvent, les cartes du Tarot. Elle avait devant les yeux l'arcane XIII.

« Il ne faut pas craindre cette image, disait-elle, elle peut apparaître comme la ''lavandière du gué'' annonciatrice d'un malheur, alors qu'elle n'est que l'annonce d'un passage, donc l'instructrice d'une connaissance. Dans notre tradition du Graal, la carte représente aussi la Jérusalem céleste. Elle est le but ultime du pèlerin, le terme de la croisade du templier.

Durant l'existence de nos ancêtres, le Graal avait quitté la Terre sainte pour l'Occident ; pour que la société arthurienne puisse donner à notre monde la dimension sacrée et spirituelle à laquelle nous aspirons. Aujourd'hui, ce Graal que nous cherchons, nous reconduit, par la Foi et la Raison, jusqu'à Jérusalem. »

 

Elle rappelait souvent, à la petite Elaine, que son grand-père Charles-Louis lui racontait des histoires de l'Autre Monde, tous deux savaient que nous utilisons les images de ce monde, pour évoquer le Vrai Monde ; celui où elle se rendait...

« Si nous parlons en légendes, c'est qu'elles sont bien plus que ce que la plupart des gens se représentent. »

Elle confiait à sa petite fille comment Lancelot, fut le plus beau cadeau que la vie lui avait fait, et comment sa bonne fortune lui a permis de vivre intensément la fin d'une époque aristocratique mais réservée, il est vrai, à une petite partie de la population.

Anne-Laure avait raconté comment elle avait découvert ce monde avec Elisabeth de Gramont en particulier. Elaine se souvenait comment cette jolie demoiselle avait choisi un beau jeune homme, Philibert de Clermont-Tonnerre (1871-1940) comme époux. Elle s'installe alors en Bourgogne, a une petite fille Béatrix ; et elle s'ennuie, revient à Paris avenue Kléber... Anne-Laure et Elisabeth courent les salons, celui de madame Strauss, de Madeleine Lemaire où on pouvait voir Proust, de Robert de Montesquiou ; mais, Philibert est jaloux, violent, elle perd sous ses coups son deuxième bébé !

Anne-Laure a déjà raconté la comtesse Greffulhe, magnifiée par Proust, mais qu'elle ne reçut que vers 1904, quand sa fille épousa Armand de Gramont, ami de Proust. Sa fille, c'est Elaine Greffulhe.

Lancelot rappelle aussi qu'il y avait Anna de Noailles..

 

Anne-Laure a rencontré la théosophie, a fait tourner les tables. Elle s'est passionnée pour l'étude de la nature, elle fréquentait Camille Flammarion: elle se persuadait que l'idée de Nature, englobe le divin, l'humanité et l'univers... Tout le visible est le miroir de l'invisible ; et l'invisible devient simplement ''naturel''.

D'autres expériences vont enrichir sa représentation du réel, son passage au Figaro, puis au 'Mercure de France'.

Jean-Baptiste de Vassy ( J.B) disciple du mathématicien Henri Poincaré, et admirateur d'Henri Bergson, était passionné d’aviation. Il fut le compagnon de sa mère et une figure paternelle pour Lancelot, il a accompagné Anne-Laure jusqu'à sa disparition au début de la grande guerre ; avec lui elle a rencontré Bertrand Russell, et indirectement Bernanos.

 

L'esprit, chez les officiers comme J.B, est à la communion dans des valeurs traditionnelles, ils se considèrent comme les lointains héritiers de la chevalerie ; ce que J.B. n'avait pas manqué de développer avec Lancelot ...

Anne-Laure a beaucoup voyagé, en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en Ecosse; sur son chemin... le Graal. Sur le chemin, également, une rencontre essentielle, celle du couple Maritain et de tous ceux qu'ils fréquentaient.

L'Italie, c'était avec Edith Wharton, en 1908.. Mais surtout, beaucoup l'Allemagne, et la passion des auteurs allemands.

On a parlé de Vanessa Bell, et du groupe de Bloomsbury, de son ami Paul Painlevé. Puis il y eut la Guerre et ses interventions auprès des allemands, jusqu'au retour à Fléchigné; l'accueil de réfugiés. La visite de Félix, était attendue, et ''ses fruits'', inattendus... !

 

A sa naissance Lancelot reçoit, par sa mère, une mission : le Graal. La légende arthurienne fournit dans sa version chrétienne, un ensemble d'images qui balisent une voie, en correspondance avec le message du Christ, qui traverse les siècles. L'origine de ces images s'inscrit dans la symbolique médiévale et se confronte, parfois avec difficulté, à la modernité. Pourtant, au XXIè siècle, le Graal reste toujours le chemin et l'objectif.

Avant toute chose, avant même le Graal ; Lancelot a reçu de sa mère et de ceux qui l'entouraient, une Tradition.

Et c'est cet héritage, d'abord reçu, puis fructifié, qu'Anne-Laure espère avoir laissé à son fils.

Effectivement, pour Lancelot, ce qui caractérise le chemin emprunté par sa mère, c'est son attachement à la Tradition.

La comtesse de Sallembier avait en horreur l’idée de Révolution ; elle impose la destruction d'une structure, d'un squelette élaboré au cours des siècles, à partir de la vie des gens.

La question du vrai et du bien, ne peut être résolu par un seul personnage qui ferait table rase du passé.

Pour Anne-Laure :

La Tradition est une somme de ''références'' vécues.

Une Tradition se transmet, se reçoit. C'est une caractéristique de notre humanité.

Une Tradition se vit, au présent. Elle est communautaire, et ne se comprend qu'en ''disputatio''.

Une Tradition ne dépend pas forcément du même référentiel que la connaissance du moment. Il y a malentendu quand elle se confronte à elle, sans ce discernement, comme par exemple lors du procès de Galilée. La raison seule, ne suffit pas à vivre la Tradition.

La Tradition n'est pas une opinion ; elle les nourrit mais ne la fige pas.

On pourrait se demander, s'il y a des traditions erronées ? - Il y aurait plutôt des pratiques erronées.

 

La dernière semaine, Lancelot est revenu avec Geneviève. Il a fait une surprise à sa mère, en apportant à Fléchigné un combiné radio-tourne-disques ; une boite en bois plaqué acajou, et la façade en plastique et tissu. Le son est impeccable sur toutes les gammes, et a remplacé avantageusement le vieux poste. Quelques disques 33 tours-minutes de musique classique l'accompagnent.

Anne-Laure souhaite écouter des chants grégoriens de l’abbaye de Solesmes.

Un soir, ils écoutent le Miserere mei Deus (Psaume 50), ils pleurent ensemble ; ils se regardent et rient. Anne-Laure dit qu'elle n'a jamais été plus heureuse.

Ces deux derniers jours, Anne-Laure n'était déjà plus là ; pourtant cette dernière nuit, elle et Lancelot ont partagé comme ils ne l'avaient plus fait depuis longtemps. Au matin, Lancelot qui la veillait, s'est réveillé, elle le regardait. Il s'est approché, elle a fermé les yeux et nous a quitté.

Elle lui avait dit : « Et si la mort, était un accomplissement.. ? » et «  De quoi, de qui pourrais-je avoir peur ? »

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Le Graal, une réponse à Prométhée

Publié le par Régis Vétillard

A la suite de cette discussion autour de Prométhée, Lancelot revient, comme bien souvent, à ce que pourrait en dire l'esprit du Conte du Graal.

D'ailleurs, Maurice, curieux du mythe et de la figure que représente Lancelot, demande à son ami ce qui le relie finalement à ce héros médiéval ?

- Géographiquement le chevalier est né au Passais entre Mayenne et Normandie. Il est de la lignée de Joseph d'Arimathie qui porta le Graal en Grande-Bretagne. Après la fin du royaume d'Arthur, et alors que le Graal à jamais est à jamais dérobé aux hommes, Lancelot se retire dans un monastère où il mourra. On trouve non loin de Fléchigné, une autre figure qui reprend les mêmes éléments symboliques, à Saint-Fraimbault-de-Lassay - l’ermite Fraimbault, un modèle du personnage de Lancelot - où il a terminé sa vie, reconnu comme un saint célébré par les rois de France à partir de Clovis. ( Cf ici ''L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais'')

Saint-Fraimbault

Lancelot représente le chrétien imparfait. Il a du mal à choisir entre Guenièvre et le Graal, entre l'amour et la foi. Lancelot, est nommé parfois, le ''chevalier pensif'', il a du mal à voir le monde tel qu'il est, et ne sait plus qui il est ( à lire dans le Chevalier de la Charette ). Pour faire court, on dit que c'est le ''péché'' qui l'empêche de conquérir le Graal.... Mais, et c'est important, le Graal n'est pas l'histoire d'une personne, il est l'histoire d'une lignée. Et, il y a Elaine ; elle le relie au Graal, par le fils qu'elle lui donne, Galaad.

Maurice s'étonne de la présence du ''péché'' ..- Tu peux m'en dire plus...

- Connais-tu la figure du ''Roi Pêcheur'' ( ou Amfortas dans la version de Wagner) ? Il souffre d'une blessure mystérieuse, certainement liée à cette ''faute'' autour de laquelle nous tournons...

Qui est ce roi ?

- Dans la Queste del Saint-Graal, le roi méhaigné ( mutilé) appelé Pellehan ( ou Pellam, ou Pellès...) a été frappé par le chevalier Balain ( Balin) avec la lance qui avait transpercé le côté de Jésus. Le roi est blessé entre les hanches, ce qui cause la désolation de tout le royaume.

Cette blessure, est le signe d'une agression, tout à la fois, contre la souveraineté, contre la Nature, le principe féminin, et contre le Graal.

Parallèlement, alors que le roi Arthur, lui-même, est défaillant et devient un roi blessé, Lancelot, par amour, devient le protecteur de la reine Guenièvre agressée et captive de Méléagant ; mais alors, l'unité du royaume est brisée.

Lancelot rappelle que c'est la révélation de l'amour transgressif de Lancelot pour Guenièvre, qui va précipiter la fin du royaume d'Arthur et la fin de la chevalerie terrestre, alors que la chevalerie céleste aboutit au Graal par son fils Galaad.

L'écrivain de la Queste, pénétré de la théologie mystique de saint Bernard, voulait avertir ses contemporains du courroux de Dieu s'ils s'obstinent dans le péché.

- C'est plus difficile aujourd'hui de parler du péché. Pourtant, l'image du Royaume brisé, de la Terre Gaste, renvoie à une sorte de fatalité qui s'abat sur le monde médiéval. La ''Queste du Graal'', nous représente un monde violent fait de guerres et même en paix, de tournois. Le monde païen évoque des puissances maléfiques. « L’existence humaine y reste enténébrée par le Mal, en dépit de l’avènement de la morale courtoise et de l’influence toujours plus forte de l’Église. » ( Perdita Formentelli, universitaire)

Aujourd'hui beaucoup craignent que la guerre nucléaire soit le destin apocalyptique de l'humain.

Ceux qui partaient à la quête des ''secrets du monde'', privilégiait dans leur jugement les causes des désastres, et réveillait une culpabilité primitive de la personne sur qui s'abattait la colère divine.

- Et que penser de la présence constante de Satan ?

- Pour en revenir à Prométhée ; en cause était un ''feu'', une connaissance qui lui était liée et qui a pu apparaître comme diabolique. La première connaissance coupable du Bien et du Mal n'a t-elle pas été imputée au Diable ?

Prométhée pourrait être rapproché de Lucifer ( l'ange de la lumière, mais ange déchu) qui en échange d'une damnation éternelle transmet des connaissances magiques...

- Attention... Ce qui est important c'est la Présence de la Grâce.. C'est le rôle du Graal.

Avec le roi blessé, la Terre Gaste n'est plus fécondée par l'eau du ciel. Du silence de Perceval, naît Galaad et la Parole rédemptrice. Daniel Poirion, nous dit que pour Saint Bernard : « le Verbe est le non-dit de la parole humaine comme s'il était fondé sur un oubli » ( « ce qui est invariable est incompréhensible et doit donc être ineffable » ( Sermons de St Bernard. Tome 2 p 88).

- Justement ; que dire du Graal ?

- Le Graal est un objet complexe, et ambigu, il témoigne de rites anciens et donc de la nature vivante de ceux-ci. Le Graal chrétien est la coupe qui contient une hostie. Elle représente '' la transcendance divine eucharistique'' qui donne la Grâce.

- Comment conquérir le Graal ?

- Perceval n'a pas su poser la bonne question ; peut-être parce qu'il a causé la mort de sa mère, parce qu'il n'a pas su considérer autrui... ? Lancelot non plus ; parce qu'une autre passion que celle du Graal, le passionne... Pourtant, au cours de la Quête il exprime son repentir ; mais seule la virginité de Galaad semblait permettre d'être entièrement rempli de la Grâce divine.

Ici le destin individuel du héros, exprime un idéal collectif. Ce qui est en cause, c'est le destin de la Nature.

Si la régénération de la Nature, fait partie de la quête ; elle s'en tient à l'accession au Château de Graal, à l'espérance de pouvoir guérir le Roi; mais la contemplation du Graal reste l'objet d'une chevalerie céleste.

Friedrich_Heinrich Fuger Prometheus 1817

Maurice, pour en revenir encore à Prométhée, se remémore quelques page des ''Cahiers'' de Simone Weil qui viennent d'être publiés. Elle écrit : « Le Christ a indiqué son affinité avec Prométhée, quand il dit « je suis venu jeter un feu sur terre ». elle relève les analogies, ou concordances entre la pensée grecque, et le christianisme. Elle relève les notions de salut, chez Platon, Pindare, Hérodote, et Sophocle est, à ses yeux, « le poète grec où la qualité chrétienne de l’inspiration est la plus visible et peut-être la plus pure. Il est beaucoup plus chrétien que n’importe quel poète tragique des vingt derniers siècles, à ma connaissance. »

Dans la même idée, Lancelot se souvient d'un ouvrage d'Edgar Quinet (historien) ( transmis par Charles-Louis de Chateauneuf ), dans sa préface, il explique ses raisons de réécrire la légende de Prométhée : cette figure est l'une parmi d'autres ( Orphée, Sisyphe, Némésis...) que le christianisme va récapituler en faisant du Christ, le rédempteur. Pour Quinet, chaque peuple, écrit une page de ''l'Ancien Testament ''. Il écrit : « Il n’y a plus ni Grecs ni Barbares, ni gentils ni chrétiens, ni anciens ni modernes, mais une même société d’hommes réunis autour d’un même abîme, et qui se font les uns aux autres la même question, presque dans les mêmes termes. » 

On peut noter aussi :

André Gide, dans ''Le Prométhée mal enchaîné'',(1899) le voyait comme ''homme de lettres'', Sartre le voit plutôt comme un ingénieur, un technicien qui asservit l'humanité, dans sa pièce Épiméthée (1929). Camus ( Prométhée aux Enfers, dans L’Été ) écrit que ce révolté dressé contre les dieux est le modèle de l’homme contemporain qui choisit de se libérer de toute aliénation... Mais … « Mais au lieu de s’asservir le réel, il consent tous les jours un peu plus à en être l’esclave. C’est ici qu’il trahit Prométhée, ce fils « aux pensers hardis et au cœur léger ». C’est ici qu’il retourne à la misère des hommes que Prométhée voulut sauver. »

Cependant d'autres distinguent plutôt un '' Prométhée déchaîné '', dans ce que Camus a résumé dans une phrase : une « civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. », c'était dans Combat, le 8 août 1945, après Hiroshima.

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1952 – Eranos – 3 Le Graal et Jung

Publié le par Régis Vétillard

Emma Jung consacre plusieurs heures à Lancelot, sur le travail d'individuation et sur le Graal.

A la lecture des notes de Lancelot, je peux retranscrire quelques notions originales, importantes ou supplémentaires sur le Graal ( beaucoup ont déjà été dites...).

Emma Jung propose une image ''atomique'' de la personne, avec en surface, le moi et la persona ( masque social), la part consciente ; et en profondeur, le noyau : le Soi, la part inconsciente.

Emma Jung nous invite à une lecture subjective de la légende, sorte de rencontre avec le soi... Ainsi, quand elle parle du jeune Perceval, dans sa forêt qui renvoie à la mère ; Lancelot pense à son rapport à Fléchigné.

La quête de Perceval commence avec la rencontre d'un Roi blessé, et d'un affront au féminin : la coupe renversée sur la Reine Guenièvre. Précisément, Perceval est engagé, mais il ne sait pas encore ce qu'il cherche. Comme lui, sans préjugé, avec naïveté, il s'agit d'affronter les ténèbres; et commencer par se rendre compte de ce qui ne va pas en soi.

Emma Jung, parle de la prise de conscience de l'ombre. ''L'orgueilleux de la lande'' est une figure d'ombre qui incarne l'orgueil de la chevalerie.

 

Chez l'homme, l'inconscient peut se personnifier par une figure féminine ( l'anima). Son monde est celui de l'âme. L'anima devient une médiatrice des contenus de l'inconscient : par exemple, la porteuse du Graal ; à différencier de Blanchefleur qui représente plutôt la femme réelle ( entremêlée avec l'anima, sans doute).

 

Le château du Graal, est dans l'autre-monde, l'un des signes est la rivière à franchir. Cet épisode agit, pour Perceval, comme un rêve d'initiation. Les personnages sont de la lignée de Perceval ( nous le saurons plus tard), avec plusieurs figures de père.

La porteuse du Graal transmet l'épée ; comme l'anima révèle certaines fonctions du moi, à partir du fond maternel de l'inconscient. A noter, le fil tranchant de l'épée qui renvoie aux facultés intellectuelles de l'esprit.

L'épée, la Lance, le Graal et la Pierre, édifient une structure quaternaire, expression de la réalisation de la conscience et renvoie au processus d'individuation. Comme, les quatre figures du tarot.

Si l'épée tranche, la lance atteint sa cible ( avec sa fonction guérissante). Cette même lance qui fit couler le sang du Christ sur la croix, et fut recueilli dans le Calice. ( Eucharistie). Le sang contient le principe de vie. La lance de Longin, reprend le motif de la ''Flèche d'amour'' – comme on disait au Moyen-âge – qui vise le cœur du Christ, et nous ouvre à son amour.

la Dame et le Graal

 

La figure de Perceval se transforme en symbole du fait de la lignée d'ancêtres, qu'il récapitule. Il est confronté au problème du Mal, à la question de la relation de l'homme avec la femme, entre autres questions...

Pour Perceval, sa faute est liée à sa mère ( il lui ai reproché de ne pas s'être soucié de sa mère...) ; elle est à rapprocher peut-être de l'offense de la coupe renversée, faite à la reine Guenièvre. Cette faute s'exprime par son silence lors de la procession du Graal ; et auparavant sur le principe féminin, avec la jeune femme à qui il dérobe un anneau, et lors du souvenir ( taches de sang dans la neige) de Blanchefleur qu'il a abandonnée.

 

« La mission de Perceval consiste à chercher la signification du vase qui contient le sang du crucifié et à découvrir la forme sous laquelle la vie intérieure essentielle de la figure du Christ continue à vivre, ainsi que le message qu'elle contient. » (cf La Légende du Graal (p86) – Emma Jung).

Ce message , ce trésor caché, comme un Graal, concerne aussi des contenus inconscients à découvrir ; ils ont à voir avec le soi. Il ne suffit pas que le soi se manifeste, en apparaissant sous forme symbolique ; il ne suffit pas de ''savoir'' ; il s'agit de s'interroger, quelle utilisation en faisons-nous ?

M-L von Franz

 

Lancelot, rencontre également, une collaboratrice de Jung, qui travaille sur l'Alchimie et la légende du Graal. Il s'agit de Marie-Louise von Franz qui lui propose de poursuivre ces discussions par un travail psychanalytique.

 

Le 25 août, après que Karl Löwith ( 1897-1973) ait donné une conférence sur "La dynamique de l'histoire et de l'historicisme", que Scholem a trouvé "très bien", il raconte autour de lui que Jung était furieux et qu'il partit après la première heure.

S'en suit, une conversation avec Jane Untermeyer et Erich von Kahler, et avec Corbin et sa femme.

Peut-on « imposer à l’histoire un ordre raisonné ou d’y saisir l’œuvre de Dieu. », se demande Löwith ? Du moins, cet ordre peut-il être le début d'une philosophie de l'Histoire ?

Lowith pense que l'histoire ne possède aucune logique immanente, il ajoute que la philosophie de Hegel et de Marx conduisent au nihilisme. Sa recherche le conduit plutôt - selon Lancelot – à inscrire l'homme dans une nature immuable, englobant tous les étants. Il reconnaît un « univers dépourvu de fin et sans Dieu », à partir duquel « l'homme aussi » n'est « qu'une modification sans fin ».

Lowith choisirait entre ces deux symboles, le Cercle à la Croix ; l'Antiquité au Christianisme. L'Occident tente désespérément de concilier deux visions : '' - l’antique théorie de l’éternité du monde avec la foi chrétienne en la création ; le cycle avec l’eschaton '' ; - '' l’acceptation païenne du destin avec le devoir chrétien de l’espérance.''

Ce fameux ''sens de l'Histoire'' serait une illusion qui fait croire à l'Homme qu'il est le maître du Monde, alors qu'il est de ce monde, à dimension naturelle, hors ''progrès humain''...

Lancelot, défend la proposition chrétienne de Teilhard de Chardin, pour qui l'Histoire permet de lire la convergence entre Cosmos, Vie et Esprit, qu'il appelle '' Phénomène Humain ''. L'Histoire exprime donc ''la complexification croissante de la matière et la montée en conscience de l’humanité''. Cette conception est une affirmation du monde spirituel et une voie d’épanouissement pour l’homme.

 

Karl Löwith reproche à Jung de ''psychologiser'' l'histoire, en cherchant un sens caché aux événements historiques et culturels. Cette démarche lui semble irrationnelle et ambiguë... On pense, que Lowith qui a quitté l'Allemagne en 1933, reproche à Jung sa position pendant le nazisme : Jung semblait se contenter de psychologiser le peuple allemand, sans condamner explicitement l’idéologie nazie ? Jung reconnaît avoir tenté de comprendre le phénomène nazi comme une manifestation de l’inconscient collectif allemand, mais sans pour autant l’approuver !

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La Quête du Graal - 2– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Nos héros chevaliers, tentent de retrouver Galaad qui les précède, loin devant eux sur le chemin de la perfection; même lorsqu'il vient à leur secours et les délivre de l'ennemi, il les quitte aussitôt. La Quête s'attache aux seuls chevaliers qui conservent pendant celle-ci, leur parfaite chasteté, des trois chevaliers qui achèveront les aventures du Graal, deux sont vierges: Galaad et Perceval ; le troisième est le chaste Bohort.

Perceval, Bohort et Galaad, et le Graal

Perceval, finalement, a vaincu l'Ennemi ; et depuis ce moment il devient véritablement le chevalier du Christ. Une dernière et profonde transformation s'opère dans l'âme de notre héros naissant à la vie spirituelle. Sur la nef blanche, la nef de Salomon, il rencontre avec ses amis élus, sa soeur, devenue la vierge sainte, vouée au martyre. Pendant des années il accompagnera partout Galaad,

dont il sera le bras droit, l'aidant à abolir les « mauvaises coutumes » du royaume de Logres, à en achever les hautes aventures. Il ceindra l'épée merveilleuse que le « bon chevalier » a retiré du perron flottant le jour de la Pentecôte à Camelot et que ce dernier lui cède, une fois armé lui-même de l'épée du roi David. Ensemble, avec Bohort, ils entreront au château de Corbenic, ensemble ils participeront au banquet de la Cène ; ensemble ils emporteront le Graal et la lance qui saigne dans la Jérusalem céleste, à Sarras. Si les trois compagnons sont admis à la liturgie secrète du Graal , seul Galaad pourra contempler ce qu'il y a dans le Graal.

Là Perceval, témoin fidèle de la disparition des reliques ravies au ciel avec l'âme de Galaad, meurt ermite, en odeur de sainteté, pour reposer aux côtés de sa soeur et du Rédempteur au Palais spirituel.

Seul Galaad, le pur, le parfait, accédera à la vision du Graal, à Sarras qu'ils ont enfin abordé avec le navire construit jadis par le roi Salomon : c’est là que se perpétue la liturgie du Graal. Mais on ne survit pas à une telle vision : Galaad demande à Dieu de quitter cette terre. Perceval à son tour mourra. Bohort reviendra à la cour du roi Arthur, c’est lui qui racontera à un clerc chargé de les mettre par écrit les aventures de la quête du saint Graal.

Le Graal et la Lance, ont disparu dans les airs définitivement ; comme à la fin de l'épopée arthurienne, l'épée d'Arthur disparaîtra dans les eaux.

Nos héros, recherchent un mystère plus élevé, et reçoivent souvent le « corpus domini » ( l'Eucharistie) ; cette connaissance est selon les mots de Galaad : « voir ouvertement ce que l'esprit ne peut concevoir ni langue décrire »

Mais... Saint-Bernard ne condamnait-il pas, que : « apprendre pour savoir est vaine curiosité.... » ?

Madame Lot-Borodine ( cahiers du Sud ) nous enseigne qu'il y avait chez les cisterciens deux courants différents de pensée : celui qui se réclame de Saint-Bernard et celui qui dérivait de Guillaume de Saint-Thierry. Ce denier inspiré par les pères grecs, en particulier les Cappadociens, n'avait pas condamné la connaissance. Il y voyait un moyen d'aimer Dieu. C'est de lui que dériverait la Queste.

Gautier_Map: Aliénor_d'Aquitaine,_Henri_II_Plantagenêt

 

La fin du roman, tient à nous renseigner sur l'origine du texte de la Quête : il serait écrit par Gautier Map à partir des notes prises par les clercs d’Arthur lors du récit fait par Bohort à son retour de la Queste. Gautier Map (1130/1135-1210) a réellement existé. C’était un ecclésiastique et écrivain anglais qui a vécu à la cour du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189), qui régna de 1154 à 1189.

La ''Queste '' n'est qu'un élément d'un grand ensemble ( un avant-dernier chapitre) , et suppose la lecture de l’œuvre complète.

Lancelot, père de l'élu Galaad, représente la Fin'amors et le passé du temps du Graal.

La Quête – qui se passe dans une forêt magique propice aux aventures – est une recherche dans une forêt de symboles, ou d'allégories.

Albert Béguin, dit à propos du Graal, qu'il s'est servi des travaux de Myrrha Lot-Borodine (1882-1957), pour lui servir de guide.

Lancelot ne manqua pas d’aller la voir lors de sa dernière maladie, à Fontenay-aux-Roses, dans la maison-pension de Melle Blanc au 1 rue Jean Jaurès. S'y croisèrent également, Jean Daniélou qui découvrit avec elle la théologie mystique de l'Orient, et le théologien Vladimir Lossky.

 

A Fléchigné, visites fréquente de Robert Buron, un homme politique avec qui on a plaisir à débattre. Démocrate-chrétien, ses années de jeunesse parlent beaucoup à Lancelot. Fondateur et député MRP, il est très sensible à l'urgence sociale qui se manifeste dans ces années, il soutient son ami l'abbé Pierre. Maire en 1953, il va beaucoup faire pour ouvrir Villaines-la-Juhel à la modernité.

'' L'autre personnalité que nous avons en haute estime est le libraire de la ville.

La boutique paraît intimidante aux gens du bourg, elle fait aussi papeterie et vend les livres scolaires ; mais elle est le lieu de passage de l'élite lettrée et cultivée du pays. Si nous sommes accueillis par un jeune homme en blouse grise, que l'on appelle le grouillot, celui-ci en nous reconnaissant, appelle aussitôt son patron. En blouse blanche, celui-ci, après une conversation polie, prend connaissance de la liste que nous lui proposons. Il nous installe alors dans un petit salon ouvert ; et nous rejoint avec une pile d'ouvrages disponibles. Parmi ceux-là, il y a quelques propositions de sa part.'' Ce jour-là Lancelot revient avec la traduction française, d'un ouvrage de Stefan Zweig, Trois Maîtres, Balzac, Dickens, Dostoïevski.

Honoré de Balzac

Pour nous, La Comédie Humaine de Balzac, tient une place de choix dans notre bibliothèque ; c'est à dire que la série d'ouvrages est régulièrement feuilletée, jusqu'à l'envie de reprendre l'un des vingt-quatre volumes.

Le dernier repris était '' le Colonel Chabert'' qui, précisément, fait référence à un point que Zweig souligne : Balzac naît au commencement de l'Empire ; son enfance coïncide avec l'époque héroïque de l'Empire, il en fait son mythe. L'exemple de Napoléon « fait naître en lui le désir de n 'aspirer toujours qu'à l'ensemble, de chercher avidement à saisir non pas quelque richesse isolée mais toute la plénitude de l'univers... », « il comprime l'univers qu'il a ainsi dompté dans le grandiose carcan de la Comédie humaine. ». Balzac veut être le Napoléon de la plume ! Et, il montre que le pouvoir suprême est à la merci de l'homme de la plus humble extraction.

Les héros de Balzac, sont, comme lui, des ''hommes à passion'', des ''monomanes'' . Lui est créateur d'univers, un forcené du travail. « Avec chacun de ses nouveaux livres, avec chaque désir qu'il mettait ainsi en œuvre, sa vie se rétrécissait comme la magique peau de chagrin de son roman mystique. » Zweig estime que Balzac, ne pouvait pas avoir de philosophie à lui ; il épousait chacune de ses personnages. Son principe de vie était la Volonté. Une autre idée forte, source de réalité est la valeur de l'Argent. L'argent, force agissante de la vie sociale.

Anne -Laure de Sallembier, ponctue les conversations à propos de Balzac, par des anecdotes qu'elle destine à la petite Elaine. Notre aïeul Charles-Louis de Chateauneuf, fréquentait le salon de Delphine Girardin, et pouvait croiser Balzac avec d'autres grands écrivains comme Musset, ou Hugo. Chateauneuf va s'approcher, pour une femme, d'une société secrète, dont s'inspire Balzac dans Ferragus ; et c'est chez la duchesse d'A. qu'il eut la chance de pouvoir, avec lui, converser avec passion de science et de philosophie ( Swedenborg, l'alchime et Catherine de Médicis, etc..).

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La Quête du Graal - 1– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, avec le désir de se remettre à l'équitation, fait une chute et se retrouve contraint à l'immobilisation et au port du corset. Dès ce mois passé plutôt douloureux; Lancelot est à présent poursuivi par une fièvre incessante, sans symptôme particulier, sinon un état maladif qui le renvoie à la maladie, la mort, et la réflexion.

Lancelot a donc profité de ce congé, pour se réfugier plusieurs semaines à Fléchigné ; un livre l’accompagne : La Quête du Graal, transcription de Béghin, qu'il lui a lui-même offert ( voir précédemment : La Quête du Graal, par A. Béguin ) .

Anne-Laure lui propose d'en faire lecture, en soirée. Ainsi, Elaine entend l'intégralité d'un texte, si important pour nous. Elaine connaît déjà de nombreux personnages de la légende ; Lancelot s'étonne d'ailleurs de la fréquence à laquelle, elle trouve, dans ses jeux ou dans la vie quotidienne, des analogies pour en faire référence.

 

L'entrée dans la Quête du Graal, par la porte de Béguin ; arrive au bon moment pour Anne-Laure et Lancelot. De lecture aisée, nous entrons de plain pied dans la spiritualité de la Quête ; il s'agit d'un ouvrage que certains qualifieraient de religieux, déçus de n'y pas trouver les récits courtois et chevaleresques qu'a préféré retenir quelqu'un comme Jacques Boulenger dont nous avons déjà parlé, et que Lancelot avait rencontré.

Béguin, s'il est parti des manuscrits qu'avait rapportés Albert Pauphilet (1884-1948), a tenté d'offrir une traduction, plutôt qu'une adaptation de ce texte : la '' Queste del Saint-Graal'', qui date des environs de 1220.

Etienne Gilson (1884-1978)

Etienne Gilson ( 1925 dans Romania) explique que cette oeuvre exprime une conception chrétienne sous influence cistercienne, avec un Graal qui représente la Grâce.

La morale courtoise y est jugée et condamnée, à l'image de la relation entre Lancelot et Guenièvre.

L'idéal, écrit-il, « ne saurait être la connaissance de Dieu par l'intelligence, mais la vie de Dieu dans l'âme par sa charité, qui est la grâce ; d'un mot La Queste serait principalement organisée, non autour de la connaissance, mais autour du sentiment. »

 

Lecture :

Apparaît à la cour du Roi Arthur, le chevalier seul digne d'occuper le '' Siège Périlleux'' de la Table Ronde : Galaad (fils de Lancelot, et de la fille du Roi Pêcheur ). Le jour de Pentecôte, « le Saint-Graal parait, couvert d'une soie blanche », personne ne le voit, et qui le porte ; il garnit chacun de mets qu'il désire ; et chacun remercie Notre Seigneur, de les nourrir de la grâce du Saint-Graal. Chaque chevalier, fait vœu de retrouver le Graal.

E. Gilson, note que le jour de Pentecôte est l'anniversaire de la descente de la grâce du Saint-Esprit sur les Apôtres : « Le Graal, c'est la grâce du Saint-Esprit, source inépuisable et délicieuse à laquelle s'abreuve l'âme chrétienne. »

Si le Roi Arthur se désole de voir partir ses meilleurs chevaliers, nombreux sont ceux qui veulent s'engager dans la Quête. C'est Galaad qui formule le serment repris par tous : « en loyal chevalier, il maintiendra la Quête un an et un jour et plus encore s'il le fallait, et que jamais il ne reviendrait à la cour qu'il n'eût appris la vérité du Saint-Graal, s'il pouvait l'apprendre. »

Ensuite, c'est séparé, chacun son chemin, qu'ils se dispersent dans la forêt, pénétrant là où elle était la plus épaisse.

Commencent les aventures de Galaad.

Chaque aventure de la Quête , n'est en rien semblable de celle d'un chevalier qui n'y serait pas inscrit. Sur le chemin, un sage prud'homme se charge d'en expliquer le sens.

Galaad est comparé ( par la semblance) au Christ ; et les moines rappellent que les aventures du royaume de Logres ne disparaîtront qu'avec la venue de Galaad et l'issue de la Quête. La Quête ici n'est pas présenté comme la recherche de la Sainte Coupe ; mais comme un chemin aux diverses épreuves.

A la suite de la faute du jeune chevalier adoubé par Galaad, Mélyant, le péché d'orgueil, qui lui valut d'être blessé lors de la joute ; le moine qui lui explique le sens de l'aventure ; ajoute qu'il a confondu '' chevalerie célestielle'' et '' chevalerie du siècle ''.

L'écoute de la messe fait partie du quotidien du chevalier.

Le château des pucelles, que délivre Galaad de la mauvaise ''coutume'', était sous la coupe de sept chevaliers ( qui représentent les sept péchés capitaux). Il délivre les pucelles ( c'est à dire les âmes pures), à l'image du Christ.

La présence du diable constante. Les aventures ''terriennes'' , devenues des symboles de la lutte de Dieu et de l'Ennemi ...

A la différence de Galaad, qui se bat mais ne tue pas ; Gauvain est qualifié de mauvais chevalier ; de plus, il ne répond pas aux sollicitations du prud'homme et prêtre, de se confesser.

Les aventures de Lancelot, le conduisent d'une chapelle devant laquelle, alors que le Graal lui apparaît, il reste ''endormi'' ; jusqu'à un ermitage, où il se accepte le discours de l'ermite qui l'enjoint de croire en la miséricorde de Dieu, et de se confesser. Lancelot finit pas avouer sa faute avec la Reine Guenièvre.

Les aventures de Perceval, mettent le chevalier aux prises de l'Ennemi, qui prend la forme d'un cheval noir, d'un serpent ou d'une belle demoiselle... Perceval, perd son cheval, et s'épuise à pied à rattraper Galaad.

« Ah ! Perceval ! Dit le prud'homme, tu seras toujours aussi candide ! » ; mais, il est sauvé par la grâce.

 

Les aventures et les échecs de Gauvain et d'Hector : Gauvain est trop sensible à la gloire et aux amours d’ici-bas. Il est le pécheur endurci ; ses actions, belles en soi, vont à rebours de celles des saints ; elles sont donc condamnables et le héros tue à son insu son ami Yvain et devient un réprouvé.

Les aventures de Bohort – un saint laborieux - et l'échec de Lionel.

Les aventures de Galaad, avec l'Arbre de vie qui servit le bois dont est fait le navire de Salomon , les retrouvailles avec Bohort et Perceval ; arrivée de la sœur de Perceval. Si la femme de Salomon représente « l'ancienne loi », la sœur de Perceval représente la « nouvelle loi ».

Aventure et histoire de la ''nef de Salomon" ( le Temple, ou l’Église) et des objets merveilleux qu'elle abrite. Les trois compagnons prennent la mer avec la sœur de Perceval, qui mourra après avoir donné son sang à la châtelaine du château de la lépreuse.

On retrouve les aventures de Lancelot – le pécheur repentant - qui l'amènent à retrouver Galaad, quelques jours, avant d'errer de nouveau ; et parvenir au château du Graal. Il combat des lions fantasmagoriques, et trouve un château vide. Cependant, il s'approche d'une salle où se passe un rituel, mais l'entrée lui est interdite. Il est écarté du bénéfice de la grâce, Lancelot préférerait-il Guenièvre au Graal … ?

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La Quête du Graal, par A. Béguin

Publié le par Régis Vétillard

La maison d'édition ''Le Seuil'', menée par Paul Flamand et Jean Bardet, était le lieu où se retrouvait certains anciens de l'association ''Jeune France'' ( Lancelot y participa en 1941) et, surtout, il y régnait un esprit d'équipe intelligent et bienveillant... Maison catholique, de gauche, mais davantage éclectique.

Le Seuil, édite la revue Esprit de Mounier, qui y conduit également plusieurs collections. Louis Pauwels, vient d'y publier son roman, '' Saint Quelqu'un ''.

Lancelot profite de l’intérêt de Paul Flamand pour le rapprochement de la France avec une ''nouvelle Allemagne'' pour visiter régulièrement l'équipe du Seuil, au 27 rue Jacob, avec le prétexte de partager ses découvertes d'auteurs allemands à traduire.

Lancelot, remplit le rôle de ''médiateur'', ainsi nommé au Seuil. Il présente Joseph Rovan ( d'origine allemande), résistant, envoyé à Dachau. Il collabore déjà à Esprit, et en 1947, il traduit « La lettre sur l'humanisme » d'Heidegger.

Albert Béguin

En 1946, Albert Béguin s'installe à Paris, pour devenir le directeur littéraire des éditions du Seuil.

Depuis quelques temps, Lancelot espérait pouvoir rencontrer Albert Béguin (1901-1957), dont il connaissait son intérêt pour '' la Quête du Graal '' . De plus, il connaît bien l’Allemagne, et vient de publier un ouvrage '' Faiblesse de l'Allemagne '' déjà écrit en grande partie en 1940. Il veut rassurer quand il écrit que nous n'avons eu affaire qu'aux allemands hitlériens ; mais cependant affirme un besoin de «  réhumaniser ces êtres entrés si profondément dans l’abjection... » ; croire en la ''nouvelle Allemagne'' c'est ne pas « désespérer du destin de l'Europe ». La résolution du problème allemand, écrit-il, tient aussi à la possibilité qu'a l’humanité moderne de répudier son culte de la matière, de la technique et de l’État....

 

Béguin offre à Lancelot, son édition de 1945 de La quête du Graal, qu'il a traduite en langue moderne, dans une collection de l’Université de Fribourg : Le Cri de la France.

Béguin explique à Lancelot comment, il a reconnu dans '' La Queste del Saint-Graal'', les éléments de sa propre biographie.

Comment cela s'est-il fait ? - Cela se fait à ce fameux point dont parle Breton « d'où la vie et la mort ne sont plus perçues contradictoirement. »

- ? Quel est ce point ? - Celui que l'on entend, quand on parle de réincarnation d'un personnage ancien, ou d'une mémoire mystérieuse... Dans cet objectif, les surréalistes testaient le pouvoir de mots lors de jeux littéraires....

Pour Albert béguin, le mythe de la Quête contribue, dit-il, à unifier sa vie. Dès seize ans, il aspire à s'engager en politique, alors que ses rencontres littéraires vont marquer sa vie : Péguy, Claudel, Gide, puis Proust. En 1934, il doit quitter l'Allemagne pour s'être opposé au nazisme. C'est dit-il le poids de la réalité, qui s'inscrit dans une quête intérieure. A vingt ans, il découvre Péguy, il est ébloui, mais n'est pas prêt à recevoir le message de la foi ; tout comme Perceval après avoir été reçu dans le château du Graal. Ce n'est qu'au terme d'un long cheminement dans une nuit magique, qu'il revient vers cette source de lumière. Pour n'avoir pu poser la question, il dut errer longtemps dans le gaste pays, avant de retrouver le haut lieu de Montsalvage.

Au retour d'un séjour en Bretagne, Béguin est reçu par Aragon, qui lui fait découvrir la forêt magique des surréalistes. Par la bouche d'André Breton, le roi Arthur annonce les grandes merveilles du Graal. Breton cherchait alors à constituer une nouvelle et intransigeante chevalerie de l'imaginaire. Si le Surréalisme lui ouvre les portes de la merveille, du rêve et du signe, la Quête de Béguin est l'aventure de l'âme plus que de l'esprit.

La seconde aventure l’entraîne sur la voie de l'âme romantique. Béguin découvre l’oeuvre de Jean-Paul, en 1930 il traduit Hespérus, puis en 1937 il publie l'âme romantique et le rêve. Pendant sept ans, il traverse la romantisme allemand comme les chevaliers de la quête traverse l'aventure s'engageant corps et âme. Tel Gauvain au château des merveilles ou Galaad au château des pucelles ; il se confronte à la Reine, car c'est au-delà et non en-deçà que le Graal dispense lumière et nourriture.

Béguin parle d'une « aventure nocturne qui n'a été qu'une sorte d'accident, et finalement une déception inavouée. » ; en effet, après la poésie allemande du XVIIIe et les surréalistes ; il trouve finalement dans le catholicisme ce qui lui a manqué : une ouverture sur le monde. En effet, il ajoute : « c'est pour avoir connu le vertige stérile d'une poésie de désincarnation que j'ai accédé à la foi chrétienne. » C'est aussi pour avoir connu la Reine de la nuit au château des Pucelles que Galaad a pu parvenir jusqu'au château de Corbénic.

Albert Béguin est baptisé le 15 novembre 1940. Pour lui, ce passage évoque celui qui permet à Perceval, sa sœur, Bohort et Galaad, de rejoindre Sarraz, avec le Graal. Traversée avec la nef, en particulier, la nef de Salomon.

- ? L'ouverture au monde ? - Je pense à Mounier avec ce mot dont il a fait la fortune : '' l'engagement ''. Il ne s'agit pas d'embrigadement, mais de présence dans l'histoire avec un choix personnel de la conscience. C'est une des questions que nous pose Mounier : la question de la présence chrétienne dans le monde, dans l'histoire...

- Advient donc ce moment, où je suis prêt à pénétrer - de nouveau et en conscience - dans le château du Roi Pécheur. Pour Béguin, ce roi, c'est Bernanos ; celui dont il sent sa capacité à l'accompagner jusque dans la mort ; au mieux à la manière de Galaad, qui se plonge dans la lumière du Graal, quitte à en mourir.

 

- Pourquoi avoir choisi cette version tardive de la légende du Graal ? - Parce que, peu de temps après ma conversion, c'est celle qui me concernait personnellement. Elle se situe dans la perspective mystique de Bernard de Clairvaux ; mais reste reliée à ses obscures origines celtiques.

La version de Chrétien de Troyes, me semblait n'être qu'une version de cour, destinée à divertir. Avec Robert de Boron, ce patrimoine mythique est christianisé. La version cistercienne date de 1220, et comme nous le montre Etienne Gilson, le Graal apparaît comme le symbole de la Grâce. Le récit s'enrichit de références évangéliques et prend parti dans le débat en cours, celui de la transsubstantiation. Malheureusement, il efface des épisodes plus ''magiques'', comme celui des '' trois gouttes de sang sur la neige '', ou même celui de la fantastique procession du Graal.

 

Pour Albert Béguin, le Graal serait plus la raison de la quête que son terme. Pour garder sa véritable dimension mythique, l'image du Graal, ne peut se réduire à une interprétation ; et la quête à un simple itinéraire. Le château du Roi Pécheur est un point de départ, tout autant que le terme.

Béghin, cite C.G. Jung : « Les grands problèmes de la vie ne sont jamais résolus définitivement. S'ils le paraissent parfois, , c’est toujours à notre détriment. Leur sens et leur but ne semblent pas résider dans leur solution, mais dans l’activité que nous dépensons inlassablement à les résoudre. Cela seul nous préserve de l’abrutissement et de la fossilisation.»

 

Avec le Graal, Galaad trouve en même temps l'accomplissement et la mort. Le Graal disparaît avec lui. Ce signe du Graal, que nous emportons dans la mort, est notre mystère ; il peut être ce manque primordial, ce signe dont parle l'Apocalypse (2:17) : « un caillou blanc portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit. »

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1941 – la Gnose et le Graal - 2 Les totalitarismes

Publié le par Régis Vétillard

Passons à présent aux totalitarismes :

Myrrha décrit ces idéologies ainsi : - L'homme moderne se veut l'auteur de sa propre loi, et l'Infini est sécularisé : '' Dieu est mort''. La sphère théologique avec Dieu ''puissance souveraine'' est remplacée par l'Etat, le Reich, et à sa tête : le Chef.

Ne croyons pas alors que nous sommes affranchis du religieux; non, nous avons sécularisé le religieux. Le résultat, c'est que le XXe siècle, sera appelé le siècle de la barbarie !

L'idéologie totalitaire apparaît comme gnostique, en ce sens que ce monde est livré au Mal, que le salut dépend d'un homme providentiel qui a la connaissance du Bien. Ce manichéisme élabore un racisme de race ou de classe. Ce monde est mauvais, parce qu'il est aux mains des Juifs ; cette connaissance cachée n'est dispensée qu'à une minorité ( le parti, les nazis). Le salut final s'exprime dans un futur totalitaire : une société égalitaire ou celle de la race pure.


 

Enfin, observons comment une influence gnostique pourrait manipuler la voie du Graal.

- Reconnaissons que l'Eucharistie présentée chez Chrétien de Troyes n'est pas vraiment orthodoxe. Il s'agit bien d'une eucharistie, selon l’explication de l’ermite à la fin du Conte du Graal : « Le saint homme, d’une simple hostie / qu’on lui apporte dans ce graal / soutient et fortifie sa vie / Le graal est chose si sainte / et lui si pur esprit / qu’il ne lui faut pas autre chose / que l’hostie qui vient dans le Graal.. ». Et nous ne sommes pas habitué à ce que l'eucharistie soit tenue par une femme, sauf chez les gnostiques.

C'est encore une femme, la cousine de Perceval, qui va mettre l'accent sur la ''connaissance'' qu'il n'a pas. Perceval a échoué parce qu'il est ignorant. L’éducation qui lui a été rapidement délivrée par sa mère avant de partir, et par le gentilhomme qui veut lui enseigner les principes de la chevalerie, se voulait ''orthodoxe'', et s'avère insuffisante... Bien sûr, il ne s'agit pas de la Quête d'un objet, mais de la recherche de la connaissance autour du Graal.

 

Un certain gnosticisme, comme mouvement religieux, pourrait entraîner ses adeptes à cette conviction qu'ils sont les initiés, possesseurs d'un secret - c'est à dire d'une connaissance strictement ésotérique – fondé sur une révélation mystérieuse.

Il y a une volonté gnostique de couper le lien théologique et métaphysique qui existe entre christianisme et judaïsme.

Wagner essaie de créer, avec Parsifal, un christianisme gnostique, où le mythe du Graal est détaché de son arrière-plan évangélique, et ouvre la voie à un « Christ aryen ». Bien sûr, on ne passe pas naturellement de Bayreuth à Auschwitz ; mais on ne peut pas empêcher Hitler d'aller nourrir sa passion destructrice dans l’esthétique wagnérienne.

 

Toute religion, et même toute idéologie, n'aurait-elle pas affaire à son ''agnosticisme'', sorte de maladie. ?

Nous en viendrons à la diagnostiquer, et à la déclarer ''gnostique, selon : son rapport à la connaissance, à la contradiction que vit le groupe entre collectif et individuel, à sa manière de traiter ceux qui sont en-dehors du groupe, selon comme elle traite ce qu'elle juge pur et impur ; ce qu'elle veut réserver à un petit nombre ; ce qu'elle justifie seulement par ''révélation'' ; ce qu'elle rejette parce que trop ''incarné'' ; à sa manière dualiste de juger, de se représenter le monde ; à son obsession de revenir aux origines.... etc...

 

Merlin, représente cette problématique parce qu'il est confronté au passage d'un monde païen, partie prenante de la nature, à un monde nouveau, chrétien, qui valorise l'humain ( la personne).

Cette carte renvoie pour Lancelot à son souci actuel de ne pas tomber dans cette maladie gnostique...

Myrrha Lot-Borodine conseille à Lancelot, la lecture de La Queste del Saint Graal traduite par Albert Pauphilet (1923).

Albert Pauphilet, lors du vote de l’assemblée des professeurs de la Sorbonne en 1940, s’est opposé à l’application des mesures prévues par le statut des juifs. ( Il sera emprisonné pour fait de résistance).

Galaad

Vous savez que La "Queste del Saint Graal" est un roman qui forme la quatrième partie du cycle de la Vulgate et a été écrit dans les années 1225-1230.

Pourquoi cette version de la Quête ? Parce que selon les mots de Pauphilet, ce n'est pas un roman, mais une forêt de symboles, que chaque ligne renferme une intention morale ou édifiante.

Pour caricaturer, par quelques exemples, la signification qu'il veut donner : disons que les couleurs blanche et rouge, ce sont les couleurs du Christ, le Château des pucelles c'est l'enfer, la Table ronde est le monde, la vie séculière. Gauvain, c'est le pécheur endurci ; Lancelot c'est le pécheur repentant. Bohort, un « saint laborieux », par opposition, Perceval est le type de ceux qui se justifient par la foi, je dirais ou plutôt qui sont justifiés par la grâce, car, au fond, il est plus coupable que Bohort. Galaad, c'est le ministre du Christ, ou pour dire vrai, c'est le Christ lui-même. La « nef de Salomon » c'est le Temple, c'est l'Église; le lit, le dais, les trois fuseaux qu'elle transporte, figurent l'autel et la croix. L'épée de David c'est la sainte Ecriture. La femme de Salomon c'est « Ancienne loi », la Synagogue. La soeur de Perceval c'est la « Nouvelle loi », c'est l'Église chrétienne. Enfin le Graal, c'est Dieu et la Queste del saint Graal c'est la représentation de l'âme à la recherche de Dieu. Le prétendu roman se révèle sous sa vraie figure, c'est une « Imitation de Jésus-Christ ».

Le ''Lancelot '' se fait un devoir de présenter le récit sous la forme d'une chronique, la Queste commet s'affranchit des règles. La chronologie n'existe pas, parce qu'elle n'a que faire ici : la recherche du royaume de Dieu n'est pas soumise aux lois du temps.

L'auteur de la Queste, sans-doute un religieux cistercien, se soucie peu de la matière de Bretagne ; et beaucoup plus de l'Evangile..

L’œuvre se veut débarrassée de tout agnosticisme. Galaad, c'est le Christ revenant sur la terre sous la forme d'un chevalier errant. A la fin toute différence disparaît entre le Graal et le calice eucharistique. La morale, l'ascétisme, est celle de l'Église chrétienne, et la dogmatique est tout orthodoxe. La Queste est complètement opposée à ceux (tel Amaury de Chartres) qui nient la présence réelle.

Le mysticisme de la Quête peut séduire une âme moderne.

1941 – la Gnose et le Graal - 2 Les totalitarismes

Je reviens sur l'actualité récente :

Anne-Laure de Sallembier a été très touchée par la mort d' Henri Bergson, ce samedi 4 janvier 1941. Comme beaucoup d'autres, elle s'était rendu récemment dans son vaste cabinet du boulevard Beauséjour, désorientée par notre actualité, espérant un conseil, de cet homme immobilisé qui n'avait pas peur. Elle le savait affaibli, mais le départ fut brusque.

Jacques et Raïssa Maritain, se souviennent en quoi la pensée d'Henri Bergson les a véritablement libérés. A l'heure où nous étions bloqués par « les préjugés antimétaphysiques du positivisme pseudo-scientifique» qui correspondait à l'esprit de cette époque, Bergson, nous a bousculé, ramenant «l’esprit à sa fonction réelle, à son essentielle liberté».

«Nous partions pour les cours de Bergson émus d’une curiosité bouleversante. Nous en revenions portant notre cueillette de vérités ou de promesses, comme vivifiés d’un air salubre». « Nous n’étions pas les seuls, sans doute, à qui Bergson rendait la joie de l’esprit en rétablissant la métaphysique dans ses droits (…) Il nous assurait que nous sommes capables de connaître vraiment le réel, que par l’intuition nous atteignons l’absolu.» ( Raïssa Maritain)

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1941 – Fléchigné – la Sainte-Lance

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot et sa mère rejoignent Fléchigné. Trajet en train par Laval, puis Mayenne.

Ils apprennent que la Feldkommandantur de Laval a exigé du préfet « la création et la tenue d’un fichier des juifs en Mayenne ». « 147 fiches cartonnées sont établies, elles mêlent Français et étrangers »

Revenir à Fléchigné, entrer dans la cour, franchir le seuil de la maison, sentir l'odeur caractéristique qu'accompagne la respiration de l'horloge qui accueillaient déjà l'enfant qu'il était; c'est - davantage aujourd'hui - revenir à l'espoir d'un peu de sécurité. Par ici, on n'a encore vu aucun allemand ; par contre le village, à côté, s'est mis à l'heure du nouveau régime ; il faut rester prudent.

 

Anne-Laure et Lancelot prennent le temps de parler. La bibliothèque, les ''trésors'' familiaux pieusement rangés mais disponibles, permettent à leur contact, d'approfondir un ''retour sur soi'' et de l'inscrire dans l'histoire familiale, Anne-Laure y tient beaucoup.

Que de rencontres riches d'hommes et de femmes, que d'idéaux passionnants et d'engagements contradictoires !

 

Lancelot pose les deux cartes de Tarot qui ne le quittent plus : le Fou et l'Empereur.

Anne-Laure les examine.

- C'est naturel de commencer avec le Fou. C'est le chercheur ; celui auquel il faut s'identifier. Il doit questionner et expérimenter. C'est le chevalier au départ de la Quête...

- L'empereur, c'est le pouvoir. L'apparence est importante ; en témoignent la valeur des symboles de pouvoir. Comme le roi Arthur, il tire son énergie créatrice du contact avec '' L'autre Monde''

Lancelot revient à cet homme, qui semble t-il, s'était présenté sous le nom de Lithargoël ( pierre brillante...). Que cherchait-il et pourquoi s'est-il volatilisé ?

Son souci était une pierre ; et la solution concernait une rose....

Anne-Laure continue : - Et cette pierre promise par l'ange Lithargoël, est du même ordre que la pierre du Graal de Wolfram von Eschenbach

- Wolfram, qui fait dire à Trevrizent pour Parcival « si lebent von einem steine :.» (…) « er heizet lapsit exillis... ( « ils vivent par la vertu d'une pierre :.. » « elle s'appelle lapsit exillîs... » : Il s'agit du Graal selon Wolfram, reprend Lancelot.

Lancelot s'interroge sur les liens de la '' lapsit exillîs'' avec la tradition du Graal qui lui semble plus celtique que germanique ?

Sa mère, Anne-Laure de Sallembier, connaît bien ce sujet et c'est toujours avec beaucoup de plaisir qu'elle reprend pour son fils le cadre des histoires qu'il a bien souvent entendues.

Elle fait état des légendes allemandes, rapportées par les plus illustres poètes, lors du ''Tournoi de la Wartburg'' ( vers 1200). On évoque alors qu'une pierre aurait sauté de la couronne de Lucifer lorsque Dieu le précipita du ciel.

- D'accord, pour la pierre du Graal, pour Parsival.... mais qu'en est-il de Merlin, du roi Arthur ?

- Merlin est représenté dans les Chroniques de Nuremberg, de Hartmann (1493), ainsi que « Arturus rex » (Roi Arthur). Cette œuvre - une histoire du monde illustrée – depuis la création, reprend une compilation d’histoires anciennes et de chroniques médiévales. Albrecht Dürer a fait son apprentissage auprès de l'illustrateur de la '' Chronique ''.

On y trouve le roi Arthur et Merlin, auprès de personnages comme Attila le Hun ou diverses têtes couronnées européennes, ou la papesse Jeanne ( on affirmait qu’une femme déguisée en homme avait été élue pape de l’Église catholique au IXe siècle ).

 

La Sainte-Lance, la relique chrétienne de la lance du romain Longinus qui transperça les flancs du Christ, est évoquée lors de la procession du Graal, décrite par Chrétien de Troyes. On la retrouve en Bavière en 955, tendue par Otton Ier pour donner confiance à ses soldats et lui donner la victoire. Charlemagne l’aurait reçue du pape Léon III. En 1938, c'est le chancelier du Reich qui la tient dans ses mains ; il l'avait déjà aperçue en 1912, derrière une vitre à la Hofburg.

 

Lancelot ne peut pas s'empêcher de faire la relation entre sa carte l'Empereur, et le souverain du Saint-Empire romain Germanique, et pourquoi pas Hitler, comme Führer du Troisième Reich?

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Mary Butts – Années 1920 – et le Graal. 3

Publié le par Régis Vétillard

Mary Butts raconte à Lancelot, les quelques idées – qui lui sont venues - quant à l'intrigue de son prochain livre... La Coupe du Graal aurait été trouvée au fond d'un puits ; retiré de là, grâce à une lance... Qu'elle influence aurait la présence du Graal sur ses personnages... ?

Elle, serait seule femme avec quatre hommes, dont son frère. Elle s'appelle Scylla, son amant c'est Picus, amant déjà d'un homme, présent... Que va t-il se passer... ?

Parmi les hommes, l'un serait comme un élément rapporté : un américain ; les autres à travers lui, rejetteraient ce monde moderne, un monde brisé par la guerre et le nihilisme...

Alors Mary pense que le chaos se répandrait rapidement... Nous n'avons qu'une arme, dit-elle, la folie !

Mary voudrait insister sur notre relation forte avec la terre, pour elle cela s'exprime par son attachement aux paysages du Dorset, paradis perdu d'une propriété familiale. Le paysage a une influence sur nos croyances, il devient sacré... Ce lien passe par le féminin, comme l'exprime Jane Harrison. Le culte de la déesse précède le monothéisme masculin ; elle pense que le maintien de ce lien spirituel à la terre peut guérir une âme découragée... La femme peut assumer ce rôle de prêtresse.

A l'opposé le paysage urbain est une friche, dominée par la science et la rationalité, le manque de sentiment...

 

L'esprit de Lancelot, est accaparé par la présence de Mary . Éloigné d'elle, il ne pense qu'à la retrouver, et son corps hurle de désir... Mais Mary, sans se refuser, souhaiterait l'initier au sacré par un rite d'union des deux polarités. Si, ''ce qui est en haut est comme ce qui est en bas'', l'union sexuelle est un acte sacré....

 

Mary emmène Lancelot à quelques unes des conférences d'une femme russe, qui attire énormément de monde, pour parler de magie sexuelle. Cela se passe dans une grande salle d'un restaurant, on y croise des artistes de , des surréalistes et beaucoup de curieux..

Cette magicienne propose un véritable système religieux, voire une nouvelle religion qui repose sur un troisième terme de la Trinité, qui remplaçant l'Esprit, serait le Féminin. Le Féminin de qui relève la sexualité... qui permet de transformer le désir en lumière...

La Coupe du saint-Graal est remplacée par la femme. Pendant l'acte sexuel, la femme sujet de la Quête du chevalier affranchi, brûle alors d'un feu d'amour qu'elle transmet au Chevalier, qui s'ouvre à la Lumière , appelée Lucifer ou la Connaissance. Il s'agit de ''noces alchimiques'', fusion de deux natures antagonistes mais complémentaires...

Le propos est très résumé, et ce qui frappe Lancelot, et l'ennuie vraiment, c'est la référence constante à Satan ….

 

Mary comprend cette réticence ; et elle-même qui vient de vivre des expériences similaires à Théléma, qui ne lui ont causé que dégoût, se demande si cela ne relèverait pas de l'inversion entre magie blanche et magie noire ? Un peu, ce qui exprimé dans le rapport entre l'ange et l'ange déchu...

Lancelot se souvient d'avoir rencontré dans les documents relatifs à sa quête ; des écrits sur le combat de Jacob avec l'ange...

Aussitôt, tous les deux se rendent à l'église Saint-Sulpice, pour découvrir le tableau de Delacroix... Pour la chapelle dédiée aux Saints-Anges, c'est le peintre qui a choisi le thème... Ils ont la chance, alors qu'ils commentent la toile, d'échanger avec un vieux prêtre qui les observait ...

Lancelot en profite pour lui faire part de ce qui le trouble :

- Cet ange ne pourrait-il pas être Satan... ?

- Vous voulez dire que Jacob se battrait contre lui-même ? Quant à Satan, pour ma part, ma foi, ma confiance ne porte que sur les anges... Un ange déchu n'est plus un ange, non … ?

- Mais Satan existe, ne tente t-il pas le Christ … ?

- Effectivement l'homme Jésus est tenté par des passions humaines, la gloire, la puissance, la connaissance.... Un ange qui ne serait plus le messager de Dieu, deviendrait une passion humaine...

- Et l'amour … ?

- Ah, l'amour …. Cela, c'est divin !

 

Mary forte de son expérience, désapprouve la recherche de puissance au travers de rituels sexuels ; c'est ce qu'elle appelle la magie noire... La magie blanche ne force pas et nourrit généreusement ce qui peut exister

 

Finalement, le rituel magique ( magie blanche ) eut lieu... La coupe et l'athamé eurent leur part, et Lancelot a communié à la présence de Morgane... Cette expérience fondatrice fut unique, Mary a rejoint Londres, puis le Dorset, la terre de ses ancêtres....

Son roman Armed with Madness, sera publié en 1928.

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Mary Butts – Années 1920 – et le Graal. 2

Publié le par Régis Vétillard

Mary Butts se dit très intéressée de mieux connaître Lancelot, et avec lui de mieux comprendre la quête du Graal. Elle veut en faire le sujet de son prochain livre...

Mary Butts

Mary invite Lancelot, chez elle, où il rencontre également un jeune homme, Sergueï, elle écrit de lui qu'il est « un page aux boucles noires et aux yeux de glace verte... » ; Lancelot pense à un oiseau et à un danseur...

- Oui, c'est juste, répond Mary... Je pourrais l'appeler Picus et mon héroïne, Scylla... Scylla est une nymphe de grande beauté qui - du fait de l'amour d'un dieu - est transformé en monstre féminin...

Lancelot connaît moins la mythologie grecque, et Mary lui traduit l'image en rapprochant le dieu du Roi Arthur, et Scylla de Morgane ... Oui Morgane.... On dit que Morgane est venu s'installer dans le Dorset, la région de prédilection de Mary, à ' Badbury Rings ' , un lieu utilisé par les prêtresses, les druides pour pratiquer leurs rites magiques ...

Mary pense que le Dorset est la région du Graal – à l'opposé de la ville et de ce temps d'après-guerre représenté par la « Waste land »... Elle voudrait appeler ainsi son roman, mais T. S. Eliot, pour un livre-poème, qu'elle adore, lui a déjà pris ce titre …

Quand elle s'est rendue à l'abbaye de Glastonbury ; assise sur une pierre de ces ruines elle a ressenti fortement ce qu'elle nomme ''mana'' c'est à dire un ''pouvoir d'influence'' qui émane de certaines personnes ou de certains lieux...

Mary est obsédée par la mythe et le rituel. Ses héroïnes incarnent « le principe féminin de la vie » en contact avec des pouvoirs magiques oubliés depuis longtemps... Elle est persuadée que le malaise spirituel de l’après-guerre qui génère le modernisme littéraire peut être guéri par le rituel et la magie ; elle prend ses sources chez Sir James Fraser, Jessie L. Weston et les 'Ritualistes de Cambridge', et chez les modernistes, comme Joyce, Yeats et Eliot.

Marie raconte qu'elle a appris et pratiqué avec Cecil, la magie, l’écriture automatique et les voyages astraux... Ils parlent aussi, avec grande excitation des ''carrés magiques''... Mary en aurait pratiqué toutes sortes, à Théléma... Connaît-il le '' livre d’Abramelin '' ? Un grimoire qui recense quelques démons et quelques sorts qui se présentent sous la forme de carrés de mots, à l'image du carré SATOR...

Les démons... ! Devant le visage horrifié de Lancelot ; Mary s'esclaffe... « N'aie crainte... Pour commander aux démons, il faut d'abord les avoir vaincus... ! »

 

Ainsi, Mary et Lancelot se sont revus, ont énormément échangés sur différents thèmes comme le symbolisme, l'alchimie, et bien sûr la légende arthurienne... Mary se montre si intéressée par ce que lui rapporte Lancelot, sur sa Quête, et celle de ses aïeux ; qu'elle exprime son enthousiasme d'avoir rencontré « la réincarnation d'un chevalier arthurien » ; elle souhaite connaître les détails de cette histoire... Et lui ému par son regard, par l'intérêt qu'elle lui porte ; elle, si belle, si envoûtante... Aussi occupe t-elle à présent toutes ses pensées, le jour, la nuit, surtout la nuit ; au point que par manque de sommeil peut-être, perd-il un peu de vigilance, pour distinguer ce qui est réel de ce qui l'est moins … Et, s'il était ensorcelé... ?

 

Mary l'interroge encore et encore …. « Quels sont les effets du Graal … ? »

On parle d'effets merveilleux : une lumière inconnue... Mais de lui-même on ne sait rien... Et, que contient-il ? Perceval ne pose aucune question ! Et qui est la Porteuse du Graal, que sait-elle ?

Les Continuations enrichiront la connaissance des effets du Graa. Par exemple, par la profusion des mets en sa présence... Le Graal sert à gré, ou « par le gré » ce qui convient à chacun... De par son contenu, le Graal donne le pouvoir de se régénérer et de multiplier ce qu'il contient... A côté du rôle positif, l'un des aspects - plus sauvage du Graal – est, quand il est associé à la lance : il évoque un rituel sanglant ( voir dans Peredur...) …

En tout cas, le Graal a une portée initiatique car il permet une révélation, ce qui pourrait être l'objet de la Quête...

 

Ce jour là, Mary soulève sa jupe, et vient s'asseoir à califourchon sur le genoux de Lancelot. Elle pose ses bras autour de son cou ; et lui demande : « Et si le Graal était là... Que ferais-tu ? »

- Si j'étais face au Graal … ? Je ne sais pas … Je n'y ai jamais pensé...

- Et, s'il était là ! Sur tes cuisses ?

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